Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 26 rectifié.
M. Joël Labbé. Cet amendement vise également à supprimer l’article repoussant les échéances permises par la directive-cadre sur l’eau pour atteindre un bon état écologique des masses d’eau.
Nous n’avons déjà que trop traîné ! Encore une fois, s’agit-il vraiment de favoriser la compétitivité des entreprises ? On peut se poser la question.
Alors que le bon état des eaux constitue une urgence écologique absolue, le report des échéances du fait des conditions naturelles risque d’avoir un effet démobilisateur sur les acteurs, à qui elle adresse, encore une fois, un signal très négatif.
Une fois de plus, je rappelle la situation d’urgence écologique à laquelle nous faisons face, qu’il s’agisse de l’effondrement de la biodiversité ou de la qualité de l’eau. Nous devons en faire des priorités.
De plus, cette disposition ne pouvant être prise en compte que dans les futurs schémas d’aménagement de la gestion des eaux pour la période 2022-2027, il serait souhaitable d’attendre au moins les conclusions des discussions européennes actuelles sur le projet de révision de la directive-cadre sur l’eau.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteur. J’en conviens, le signal envoyé n’est pas particulièrement positif en termes d’affichage et pourrait démobiliser les acteurs à première vue.
Toutefois, d’un point de vue technique, la mesure se justifie pleinement sur le fond. En effet, certaines masses d’eau, du fait de leurs conditions naturelles, mettent beaucoup de temps à évoluer, quelles que soient les actions engagées pour les améliorer.
Ce report ne pourrait ainsi concerner que quelques masses d’eau qui, pour des raisons indépendantes de la volonté des acteurs, sont plus lentes à se modifier. Au final, cela permet de ne pas démobiliser les acteurs en leur fixant des objectifs inatteignables, malgré les actions vigoureuses qu’ils ont engagées.
Nous devons aussi, collectivement, être attentifs à cet aspect et c’est pourquoi la commission spéciale a émis un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. La directive-cadre sur l’eau adoptée en 2008 prévoit que le bon état écologique des masses d’eau devait en principe être atteint en 2015. Elle comporte cependant des possibilités de report de cette échéance. Le présent article transpose certaines des dérogations prévues à ce titre qui n’ont pas été intégrées en droit interne.
Il permet de reporter cette échéance, d’une part, après 2027 lorsque le bon état des eaux ne peut être atteint en raison des conditions naturelles et, d’autre part, à 2021 pour Mayotte.
Dans un cas comme dans l’autre, il ne s’agit absolument pas d’amoindrir le niveau d’ambition environnementale que la France s’est fixé en matière de qualité des eaux.
La première dérogation, qui ne joue que dans le cas où les conditions naturelles elles-mêmes ne permettent pas d’atteindre les objectifs établis par la directive, reste très encadrée. Les conditions naturelles s’entendent en effet comme des conditions objectives, c’est-à-dire des conditions physiques ne permettant pas d’atteindre le bon état de l’eau dans un délai donné. Il s’agira, par exemple, du temps nécessaire à la résorption dans l’eau d’une substance dont l’usage est désormais interdit. De plus, cette dérogation ne pourra jouer que lorsque toutes les mesures nécessaires pour atteindre le bon état des eaux auront été mises en œuvre. La Commission a pris soin de le rappeler dans une note qu’elle a transmise au directeur de l’eau en décembre 2017.
Ainsi, ce que nous reportons, c’est la date à laquelle le résultat que nous avons fixé sera atteint. Cette date peut dépendre du milieu et de son temps de réaction, mais pas de la mise en œuvre concrète des mesures.
Enfin, aucune régression de l’état des masses d’eau n’est autorisée. Le report du délai n’est possible que si l’état de la masse d’eau ne se détériore pas davantage.
Les échéances pour mener les actions nécessaires au bon état des eaux ne sont donc pas modifiées, et cette disposition n’aura pas d’effet démobilisateur sur les acteurs concernés.
S’agissant de Mayotte, il est justifié que ce territoire puisse bénéficier de toutes les dérogations que lui ouvre le droit européen en raison de son statut de région ultrapériphérique de l’Union.
Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 20 et 26 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote sur l’article.
Mme Laurence Harribey. Je veux souligner que voter cet article est une manière de constater l’échec de la France qui n’est pas dû au gouvernement actuel, mais qui remonte bien plus loin. Notre échec, c’est que nous n’avons pas su honorer les indicateurs arrêtés à l’échelon européen, en particulier par rapport à 2027.
Néanmoins, nous sommes sensibles aux arguments qui ont été développés lors de l’examen du précédent amendement. Nous sommes un certain nombre ici à représenter le Sénat dans les agences de bassin et nous ne constatons aucune démobilisation lorsque nous participons à leurs travaux. Il nous apparaît donc raisonnable de valider la disposition qui nous est proposée, mais cela ne veut pas dire pour autant que nous baissons les bras. Tous les professionnels et acteurs présents au sein des agences savent très bien qu’il y a des progrès, mais des progrès qui ne sont pas suffisants, car les objectifs ne sont pas atteints. Je le répète, si échec il y a, cela ne veut pas dire pour autant qu’il faut arrêter les efforts. Soyons raisonnables et allons dans le sens qui nous est proposé.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote sur l’article.
M. Ronan Dantec. Le Gouvernement s’est engagé de manière résolue, même si ce n’est pas dans la loi, pour la sortie du glyphosate en trois ans. Or la dégradation de l’eau est notamment due aux résidus de dégradation du glyphosate, ce que l’on appelle les AMPA. Sur des métropoles que je connais bien, ce phénomène a même remis en cause les normes de potabilité de l’eau brute. Il est dommage de prévoir une telle disposition maintenant, alors qu’avec cette dynamique et l’engagement gouvernemental sur le glyphosate, d’ici à trois ou quatre ans, on aurait pu avoir de très bons résultats.
M. Laurent Duplomb. C’est de la surtransposition !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 17.
(L’article 17 est adopté.)
Article 18
Au deuxième alinéa de l’article L. 219-1 du code de l’environnement, les mots : « l’espace aérien surjacent, » sont supprimés.
Mme la présidente. L’amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Labbé, Collin, Artano, Dantec, Gabouty, Guérini et Vall, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement vise à garder la mention de l’espace aérien surjacent dans le champ d’application de la stratégie nationale pour la mer et le littoral. Il s’agit de s’assurer que cette exclusion n’aura pas de conséquences s’agissant, notamment, de la gestion de la pollution de l’air par les navires ou de la maîtrise du développement des éoliennes en mer.
Il s’agit en effet d’enjeux essentiels. Rappelons qu’un navire de transport marchand cause autant de pollution aux particules ultrafines qu’un million de voitures. Les bateaux de croisière ne sont pas en reste ; or ce marché est en plein boom, avec une croissance à deux chiffres.
On peut donc légitimement se demander quel sera l’effet de la suppression de cette mention sur cet aspect de la protection des milieux marins. Nous avons été alertés par des ONG environnementales, qui s’inquiètent profondément de cette suppression.
De plus, la notion d’espace aérien surjacent est apparue dans la loi de 2010 portant engagement national pour l’environnement, et on peut par conséquent considérer qu’il s’agit d’une surtransposition assumée correspondant à la volonté de mettre en lumière la nécessité de protéger les milieux marins dans leur globalité.
La simplification ne doit pas être un prétexte pour une protection au rabais de notre environnement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteur. Je vous rassure, mon cher collègue, il ne sera pas question de protection au rabais.
L’article 18 supprime la notion d’« espace aérien surjacent » de la définition des eaux marines, et donc du champ d’application de la stratégie nationale pour la mer et le littoral.
En effet, cette notion, insérée sur l’initiative du législateur, n’est pas conforme à la directive européenne et n’est, de fait, pas reprise par la stratégie nationale, elle-même publiée par décret. Cela n’empêche pas celle-ci pour autant de traiter indirectement de cet espace à travers des thématiques comme l’énergie éolienne, la pollution atmosphérique des navires, la protection des oiseaux, ou encore les pollutions lumineuses.
Pour ces raisons, la commission spéciale est défavorable à la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. L’article 18 supprime l’espace aérien surjacent du champ d’application de la stratégie nationale pour la mer et le littoral. Cette inclusion constitue une surtransposition, dans la mesure où la directive du 23 juillet 2014 établissant un cadre pour la planification de l’espace maritime ne prévoit pas que les eaux marines, qui constituent le champ d’application de cette stratégie, incluent l’espace aérien surjacent.
Cette surtransposition est dépourvue de tout effet pratique, faute d’avoir conduit à l’application de mesures à l’espace aérien dans le cadre de la stratégie marine adoptée par le décret du 23 février 2017. Elle est donc simplement une source éventuelle de confusion et de complexité.
La disposition proposée à l’article 18 garantit la bonne cohérence du droit interne avec le droit de l’Union européenne et une meilleure sécurité juridique. Elle sera sans effet sur la protection de l’environnement, et ne modifie pas la stratégie pour la mer et le littoral. C’est pour cette raison que le Gouvernement est défavorable à cet amendement de suppression.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 18.
(L’article 18 est adopté.)
Section 3
Transport ferroviaire
Article 19
Le I de l’article L. 2122-2 du code des transports est ainsi rédigé :
« I. – Ne sont pas soumises aux dispositions de la section II du présent chapitre, du II de l’article L. 2122-9 et des articles L. 2122-11 à L. 2123-4 du présent livre, les lignes destinées uniquement à l’exploitation de services urbains ou suburbains de transport ferroviaire de voyageurs et les lignes qui ne sont utilisées, pour des services ferroviaires de transport de marchandises, que par une seule entreprise ferroviaire qui ne réalise pas de services de transport ferroviaire à l’échelle nationale tant qu’aucun autre candidat ne demande à utiliser une capacité sur ces lignes. »
Mme la présidente. L’amendement n° 13, présenté par Mme Préville, M. Jacquin, Mme Harribey, MM. Temal, J. Bigot, Cabanel, Marie et Montaugé, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Je tiens d’abord à préciser que nous ne sommes en aucun cas hostiles à des mesures de simplification de règles ou de normes qui permettraient de renforcer la compétitivité des entreprises françaises. Néanmoins, nous nous interrogeons sur la pertinence de légiférer dans le domaine ferroviaire, alors que la loi pour un nouveau pacte ferroviaire a été adoptée en juin dernier. Cette loi a profondément bouleversé feu notre Société nationale des chemins de fer français et ses agents. Certains des sujets sont traités dans le cadre des ordonnances prises en application de ladite loi et donnent notamment un droit d’accès aux installations de service. Ces ordonnances, qui sont en cours de finalisation, risquent donc d’interférer avec les dispositions de ce projet de loi et de faire naître des incohérences.
Par ailleurs, les réseaux urbains et suburbains devraient être au cœur du projet de loi d’orientation des mobilités, qui prévoit une réforme globale de la gouvernance des mobilités. Ces questions doivent donc être examinées non pas indépendamment, mais en cohérence avec les problématiques traitées par ce texte. C’est pourquoi nous trouvons inopportun de légiférer sur des sujets aussi techniques, qui plus est à travers ce support législatif et en nous appuyant sur une commission spéciale. Nous proposerons donc de supprimer les cinq articles concernant le ferroviaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article excluant certaines portions du réseau ferroviaire du champ d’application des règles de gestion des installations de service. Pour ses auteurs, cette démarche de simplification, qu’ils soutiennent par ailleurs, aurait dû avoir lieu dans le cadre de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire ou des ordonnances qu’elle prévoit.
Je suis d’accord, il aurait été plus pertinent de traiter l’ensemble de ces questions en une seule fois, mais cela ne me semble pas justifier le rejet complet de ces mesures, qui vont dans le sens souhaité d’une amélioration de la compétitivité des opérateurs ferroviaires de proximité.
Dans ces conditions, la commission spéciale est défavorable à la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Contrairement à ce qui est affirmé dans l’objet de l’amendement, la modification du code des transports proposée par le Gouvernement vise à introduire des dérogations qui n’étaient pas prises en compte jusqu’ici, alors qu’elles étaient permises par la directive 2012/34/UE, notamment concernant les obligations applicables aux installations de service.
Ces simplifications sont susceptibles de bénéficier à des entreprises ferroviaires qui exploitent des services de transport de voyageurs en milieu urbain ou suburbain, ou à des opérateurs de proximité qui circulent hors du réseau ferré national. Dès lors qu’elles visent à prendre en compte l’ensemble de ces possibilités offertes par les directives européennes, ces dispositions ont leur place dans le projet de loi destiné à supprimer les surtranspositions. Elles ne seront, par conséquent, pas traitées dans le cadre des dispositions à venir des ordonnances destinées à mettre en œuvre la loi pour un nouveau pacte ferroviaire du 27 juin 2018, dont les articles d’habilitation ne permettent d’ailleurs pas de revenir sur d’anciennes mesures de transposition.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. Dans cette loterie des surtranspositions, je n’ai pas bien compris pourquoi ces articles nous sont soumis maintenant. Mme la rapporteur vient de rappeler qu’effectivement nous sommes entre la rédaction d’ordonnances et l’examen d’un projet loi sur les mobilités, textes qui auraient permis de traiter globalement ces sujets.
J’ai bien écouté hier l’intervention de mon collègue Alain Richard en préambule à la discussion de ce texte, au cours de laquelle il a décrit, de manière très didactique, les causes de surtransposition. Il a évoqué des délais trop précipités, des textes trop techniques – à l’échelon européen, les directives sont issues de négociations longues et complexes –, et donc les risques de confusion avec le droit national. On est vraiment dans cette situation-là.
J’ai parlé de loterie. À cet égard, j’aimerais que l’on me dise pourquoi ces textes nous sont présentés maintenant, alors que la loi pour un nouveau pacte ferroviaire a été promulguée et que les ordonnances qu’elle prévoit sont en cours de rédaction. Éventuellement, il y aurait un rattrapage possible dans quelques mois seulement, madame la secrétaire d’État, avec le projet de loi sur les mobilités.
On a des textes, par exemple, sur les lignes hors réseau ferré national. Il existe ainsi en France un petit réseau de lignes qui dépendent de réglementations très précises et qui relèvent d’une gestion particulière.
En conclusion, je dirai que les risques d’un chevauchement discutable entre les exceptions que l’on nous propose et l’article L. 2122-2 du code des transports, qui est en cours de réécriture avec les ordonnances, sont importants et risquent de créer de nouveaux cafouillages.
La proposition de notre collègue Angèle Préville de traiter ce sujet au moment opportun, avec les personnes compétentes, tant dans l’hémicycle que dans les ministères correspondants, est empreinte de sagesse.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Je comprends les interrogations soulevées par les auteurs de ces amendements, mais je rappelle que la finalité est d’éviter les surtranspositions. Certes, il est bizarre, alors que l’on vient de voter la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, de nous pencher sur ces sujets extrêmement techniques en mettant en place une commission spéciale. Je pense néanmoins que nous allons dans le bon sens. Si je partage vos préoccupations et vos interrogations, je ne partage pas vos moyens. Cet article, je le répète, va dans le bon sens, celui de la simplification, et il serait dommage de le supprimer à cause des réticences que vous avez exprimées, même si, encore une fois, je peux les comprendre.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 19.
(L’article 19 est adopté.)
Article 20
L’article L. 2122-4 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux entreprises qui exercent des activités de gestion de l’infrastructure ferroviaire et d’exploitation de services de transport ferroviaire, si elles n’exploitent que des services urbains, suburbains ou régionaux de transport ferroviaire sur des réseaux locaux ou régionaux autonomes destinés à des services de transport empruntant une infrastructure ferroviaire ou sur des réseaux destinés uniquement à l’exploitation de services ferroviaires urbains ou suburbains. Lorsqu’une telle entreprise est sous le contrôle direct ou indirect d’une entreprise exploitant des services de transport ferroviaire autres que des services urbains, suburbains ou régionaux, aucun fonds public versé à l’une de ces deux entreprises ne peut être affecté à l’autre, et leurs comptes doivent être tenus de façon à permettre le suivi de cette interdiction ainsi que le contrôle de l’emploi des recettes tirées des redevances d’infrastructure et des excédents dégagés par d’autres activités commerciales. »
Mme la présidente. L’amendement n° 14, présenté par Mme Préville, M. Jacquin, Mme Harribey, MM. Temal, J. Bigot, Cabanel, Marie et Montaugé, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Le présent article prévoit d’exempter certaines entreprises ferroviaires – on aimerait bien nommément savoir lesquelles – de l’obligation de séparation comptable de leurs activités de gestion d’infrastructures et de services de transports ferroviaires.
Il vise théoriquement à introduire une simplification pour des entreprises ferroviaires de voyageurs ou de marchandises qui n’exploitent que des services suburbains ou régionaux sur des réseaux locaux ou régionaux autonomes utilisant une infrastructure ferroviaire. Comme vous le constatez, c’est assez pointu.
Il s’agit en l’occurrence d’entreprises qui opèrent sur des lignes spécifiques, comme des lignes touristiques ou des lignes dédiées à des opérateurs de fret ferroviaire de proximité.
Comme nous l’avons déjà souligné, nous ne sommes en aucun cas hostiles à des mesures de simplification de règles ou de normes qui permettraient de renforcer la compétitivité de certains opérateurs, mais certains termes utilisés dans ce texte, comme la notion de réseaux locaux ou régionaux autonomes, constituent pour nous réellement un problème. S’il s’agit de services effectués hors du réseau ferroviaire national, alors il faut le préciser clairement. Ce réseau doit être indivisible pour respecter la logique des industries de réseau. Si nous commençons à le segmenter, nous irons vers de gros problèmes de cohérence et d’efficacité. Le terme « autonomes » utilisé dans le texte nous paraît trop flou, trop ambigu pour permettre de comprendre exactement quels sont les réseaux concernés, ainsi que leur périmètre. C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cet article et d’examiner cette question dans de meilleures conditions, ce qui nous permettra d’approfondir le sujet et d’éviter de nouvelles erreurs réglementaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteur. Cette notion, qui provient de la directive elle-même, devra effectivement être explicitée en droit interne. Madame la secrétaire d’État, je voudrais que vous puissiez nous assurer qu’il en sera ainsi, pour que l’article soit pleinement applicable.
Cependant, cet argument ne me semble pas de nature à justifier la suppression de cette disposition, qui reprend une exclusion stricte du champ d’application de la directive, d’autant que le ministère m’a fourni des indications sur les portions de réseaux qui pourraient être concernées. Je les ai d’ailleurs fait figurer dans mon rapport.
Il s’agit en outre de transposer en droit interne une exclusion stricte du champ d’application de la directive. Ce n’est pas une possibilité de dérogation laissée à la discrétion des États membres.
La commission spéciale a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. La rédaction proposée vise à prendre en compte l’allégement des obligations en matière de séparation comptable permis par la directive 2012/34/UE. La notion de réseaux locaux ou régionaux autonomes n’est certes pas définie par la directive ni en droit national, mais cette incertitude sur ses contours correspond à la marge d’appréciation laissée aux États membres, afin de permettre la mise en œuvre la plus pragmatique possible.
La disposition proposée introduit une simplification qui peut profiter potentiellement aux opérateurs de proximité. Elle trouve sa place dans le cadre d’un texte législatif destiné à supprimer les surtranspositions, dans la mesure où elle permet de prendre en compte toutes les flexibilités autorisées par la directive 2012/34/UE. Une telle disposition ne pourrait pas être introduite dans les ordonnances « ferroviaires » qui seront prises en application de la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire, les habilitations que contient ce texte ne permettant pas de revenir sur une ancienne transposition.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. On peut tout de même, me semble-t-il, ramener cette disposition à quelque chose d’assez simple. Cela fait maintenant vingt-cinq ans que la France s’est engagée – toutes les majorités successives sont donc comptables de cet engagement – dans un système de mise en concurrence des transports ferroviaires reposant sur le principe que le gestionnaire du réseau, c’est-à-dire des rails, de l’infrastructure, et les transporteurs sont différenciés.
Toute l’Europe, souvent de façon très laborieuse, a appliqué progressivement cette différenciation. La loi pour un nouveau pacte ferroviaire que nous avons adoptée n’est que le cinquième ou sixième exercice législatif français destiné à mettre en œuvre cette séparation. On a juste mis vingt ans à s’apercevoir qu’il y avait quelques fragments de réseau pour lesquels cette séparation de l’exploitant du transport et du gestionnaire du réseau n’avait pas de sens, car il n’y avait qu’un seul exploitant sur un réseau limité.
Avec ce texte, de façon très raisonnable, nous sommes en train de dire que l’application de la séparation générale n’a pas lieu d’être dans les endroits où il n’y a qu’un exploitant.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. À mon sens, cet article va dans le bon sens en matière de simplification, mais je me tourne vers le Gouvernement, à la suite de M. Jacquin, pour savoir qui est visé. Si j’ai bien compris, ne sont concernés que des toutes petites PME ou TPE, ainsi que neuf acteurs locaux de proximité. Il est bien évident que l’on ne peut pas demander à de telles structures de respecter les mêmes normes que la SNCF. C’est du bon sens. Néanmoins, je voudrais avoir la certitude que cet article ne vise que neuf acteurs locaux de proximité.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. J’apprécie que Mme la secrétaire d’État ait remarqué qu’autour du terme « autonomes », des questions pouvaient se poser.
Qu’est-ce qu’un réseau autonome ? S’il s’agit d’un train touristique qui n’est pas relié au réseau ferré national, on peut imaginer qu’il y ait ce genre d’allégement de normes. Au demeurant, cet article est moins grave que le suivant, qui est assez inquiétant s’agissant des licences ferroviaires, mais nous allons en reparler. En l’espèce, il s’agit de simplifications comptables. Ce n’est pas un drame absolu. Pour autant, le Conseil d’État lui-même a remarqué que cette qualification de réseau autonome était insuffisante pour bien distinguer les parties de réseau et ne pas risquer de déliter le réseau ferroviaire national. S’il s’agit, pour faire simple, de faire plaisir à quelques entreprises ayant fait un lobbying intense, cela n’est pas en soi très grave, mais il y a un risque important d’incohérences.
Je le répète, nous sommes en présence d’une industrie de réseau. Il faut un maximum d’efficacité sur ce réseau, et qu’il soit « circulé » entièrement et complètement. Si certaines parties bénéficient de règles différentes, c’est une source de problèmes importants.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Il ne s’agit en aucun cas de remettre en cause la cohérence des réseaux, bien évidemment. Cette disposition ne concerne qu’un nombre extrêmement limité de réseaux. Je voulais apporter cette précision, qui me semble importante.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 20.
(L’article 20 est adopté.)
Article 21
Le second alinéa de l’article L. 2122-10 du code des transports est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :
« Le présent article ne s’applique pas aux entreprises :
« – dont les activités sont limitées à la seule fourniture de services de navettes pour véhicules routiers circulant uniquement sur la liaison fixe transmanche mentionnées à l’article L. 2111-8 ;
« – qui exploitent uniquement des services urbains ou suburbains de transport de voyageurs ;
« – qui exploitent uniquement des services ferroviaires de transport de voyageurs sur des infrastructures ferroviaires locales ou régionales autonomes ;
« – qui exploitent uniquement des services régionaux de fret ferroviaire ;
« – qui exploitent uniquement des services de fret sur une infrastructure ferroviaire privée à l’usage exclusif de son propriétaire. »