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Suppression de surtranspositions de directives européennes
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français.
Dans la discussion du texte de la commission spéciale, nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 16.
Article 16 (suite)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale sur les amendements identiques nos 19, 24 rectifié ter et 25 rectifié ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français. Ces trois amendements visent à supprimer l’article 16.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire devant la commission spéciale, cet article soulève un certain nombre d’interrogations quant à sa justification au sein de ce projet de loi. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité que le débat puisse avoir lieu en séance publique sur le sujet.
Mes interrogations sur cet article ont porté, premièrement, sur la plus-value apportée par celui-ci et deuxièmement, sur sa justification au sein de ce projet de loi de dé-surtransposition.
Cet article complète l’article L. 424-2 du code de l’environnement qui fixe les règles du temps de chasse des oiseaux, notamment des oiseaux migrateurs.
Aujourd’hui, cet article du code précité détermine le principe d’une interdiction de chasser les oiseaux migrateurs, en application de la directive Oiseaux de 2009, pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification. Il comporte aussi une dérogation, prévue également par la directive pour les chasses traditionnelles, autorisant à chasser les oiseaux migrateurs en petite quantité et de manière strictement contrôlée et sélective.
L’article 9 de la directive européenne fixe six motifs de dérogation. Dans la mesure où toutes ces dérogations semblent déjà transcrites dans notre droit dans les articles relatifs aux espèces protégées et à la régulation des espèces, je ne comprends pas quelle serait la plus-value apportée par le présent article.
En effet, il est déjà possible aujourd’hui de prévoir des prélèvements d’oiseaux migrateurs causant des dégâts. J’ai ainsi souhaité interroger de nouveau le président de la Fédération nationale des chasseurs sur ce sujet dans le cadre d’un courrier que je lui ai adressé. Je l’avais d’ailleurs entendu en audition, tout comme le représentant de la Ligue pour la protection des oiseaux, la LPO.
Ma seconde réserve porte sur la justification du présent article au sein du présent projet de loi qui entend supprimer des surtranspositions pesant de manière injustifiée sur nos entreprises. Les dispositions prévues dans cet article ne faisaient d’ailleurs pas partie des mesures pré-identifiées par le rapport inter-inspections évoqué précédemment.
À la suite de nos échanges, la commission spéciale a toutefois donné un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Le présent article transpose en droit interne la dérogation prévue à l’article 9 de la directive Oiseaux, qui permet de chasser des oiseaux migrateurs dans le but de prévenir les dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries et aux eaux lorsqu’il n’existe aucune solution satisfaisante.
Cette dérogation est strictement conforme au droit de l’Union, dont elle se borne simplement à reprendre les termes mot pour mot.
J’insiste sur le fait qu’en tant que telle, elle n’introduit nullement un droit automatique de chasser ces espèces migratoires. Elle se borne à permettre qu’une telle dérogation soit autorisée à l’avenir sur la base d’un texte spécifique, sous réserve que les conditions prévues par la directive soient remplies, à savoir, premièrement, que des dégâts importants aux cultures soient constatés, deuxièmement, qu’aucune autre solution satisfaisante ne permette d’y remédier, et troisièmement, qu’une telle mesure soit compatible avec le maintien dans un bon état de conservation des populations migratrices concernées.
Cette dernière condition sera appréciée par un conseil scientifique qui va être mis en place pour éclairer les décisions de l’État. Le respect de ces conditions sera d’ailleurs contrôlé le cas échéant par le juge administratif.
Il ne faut pas se méprendre sur la portée de cette mesure, qui ne porte en aucun cas atteinte à la protection des espèces migratrices. Elle se borne simplement à reprendre une faculté de dérogation dont le Gouvernement estime qu’il y a lieu de l’inscrire en droit interne dans le contexte de la mise en œuvre d’une gestion adaptative des espèces chassables telle qu’annoncée à l’issue des discussions qui ont été conduites – et suivies de près au Sénat –, aussi bien avec les chasseurs qu’avec les associations protectrices de la nature.
Cette nouvelle approche rend donc nécessaire de disposer de mesures permettant d’accroître la régulation des espèces qui causent des dégâts excessifs.
Inversement, les espèces vulnérables vont faire l’objet de mesures accrues de protection. C’est cela, la gestion adaptative des espèces.
Dans ce contexte, l’article 16 permet à la France de se doter d’un outil complémentaire pour permettre, au regard des enjeux nouveaux de conservation de certaines populations d’oiseaux migrateurs chassables, d’agir de manière appropriée et dans une approche européenne qui soit coordonnée.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. Je voterai en faveur de ces amendements pour deux raisons.
Premièrement, comme vous l’avez rappelé, madame la rapporteur, nous avons eu le débat hier sur le cadre de la suppression des surtranspositions au regard du rapport inter-inspections. Plusieurs amendements déposés par moi ou par d’autres collègues ayant pour objet de supprimer des surtranspositions ont été écartés au motif que le présent projet de loi visait à améliorer la compétitivité des entreprises.
Or, comme d’autres collègues l’ont dit, je ne vois pas le rapport avec l’article 16. Vous avez vous-même rappelé, madame la rapporteur, que le sujet n’était pas abordé dans le rapport inter-inspections.
Deuxièmement, il y a quelques semaines de cela, le ministre de la transition écologique et solidaire Nicolas Hulot a démissionné en invitant chacun à prendre conscience que le bilan de son ministère n’était pas bon. Certains ministres ont même posté des vidéos pour défendre l’écologie.
Avec le présent article, nous voyons réapparaître le débat, qui s’est cristallisé autour de la fameuse réunion à l’Élysée racontée par Nicolas Hulot, entre la stratégie qui était annoncée sur l’écologie et la réalité.
Pour ces raisons, je voterai en faveur de ces amendements de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Permettez-moi de clarifier certains points.
Premièrement, je ne vois pas ce qui peut s’opposer à l’inclusion de cet article dans le présent projet de loi.
Mme la ministre chargée des affaires européennes nous a expliqué hier soir la philosophie du texte concernant les surtranspositions et les « sous-transpositions ». Les vingt-sept articles du présent projet de loi sont regroupés sous quatre chapitres. L’article 16 figure dans la section 1, intitulée Environnement, du chapitre II, lui-même intitulé Développement durable. Il me semble que nous sommes bien au cœur du problème.
Deuxièmement, concernant les dérogations aux directives, je rappelle que depuis des années, l’application de la directive Oiseaux de 1979 crée des problèmes en France où les chasseurs ont l’interdiction de prélever quelques oies au mois de février, alors que les Pays-Bas, dont les autorités avaient été beaucoup plus habiles à manier les dérogations, gazent des millions d’oies qui causent des dommages aux cultures. Il s’agit pourtant des mêmes populations d’oies.
Troisièmement, contrairement à ce que la plupart des intervenants ont dit, il ne s’agit pas de déroger aux dates d’ouverture et de fermeture de la chasse. En France, la date de fermeture générale de la chasse est fixée au 28 février. Il s’agit simplement, avant cette date, d’autoriser une adaptation des méthodes de chasse en fonction de certains critères de prélèvement, notamment des populations d’oiseaux prélevées dans des conditions raisonnables.
Si le Gouvernement choisit d’autoriser ces dérogations, l’étude d’impact montrera leurs conséquences en matière de biodiversité.
Quoi qu’il en soit, je m’inscris en faux contre les discours prétendant que les chasseurs seraient contre la biodiversité.
Si on interdisait la chasse des oiseaux migrateurs et du gibier d’eau, la moitié des zones humides françaises disparaîtrait ipso facto, car ce sont les chasseurs qui les entretiennent à grands frais pour permettre un exercice raisonnable de leur passion. Ce serait une attaque immédiate aux zones humides.
Dernier argument montrant la participation des chasseurs à la préservation de la biodiversité, dans mon département, il y a quelques jours, les chasseurs ont entrepris une vaste opération de réhabilitation des rives de Loire en les défrichant, en coupant les bois pour recréer des frayères à brochets et des zones de nidification pour les oiseaux. Sans les chasseurs, les rives de Loire seraient fermées.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Je suis désolé, mais je ne reviens pas de ce que je viens d’entendre.
Les arguments de Mme la rapporteur pour justifier son avis défavorable ne tiennent pas vraiment. Quant à vous, madame la secrétaire d’État, je dois vous dire que je suis très déçu par ce que vous avez dit, même si, bien entendu, vous faites partie d’un gouvernement.
On nous parle sans arrêt de cavaliers législatifs. Le Conseil constitutionnel a censuré vingt-trois articles de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous au motif qu’ils constituaient des cavaliers législatifs. La question fondamentale me semble, en l’espèce, de prouver que le présent article n’en est pas un.
Par ailleurs, nos concitoyens ne vont pas du tout comprendre. Il n’est absolument pas question de la chasse aux oiseaux migrateurs, mais de dérogations aux dates d’ouverture de la chasse. On me répondra, comme à chaque fois, que ces dérogations seront extrêmement cadrées. Mais comment est-il seulement possible de les cadrer ?
Je tiens à le redire avec force : la biodiversité – c’est bien de cela qu’il s’agit – est en très grand péril, et il est absolument désolant que nous en soyons encore là !
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Vous aurez sans doute noté que l’amendement n° 24 rectifié ter n’est pas cosigné par l’ensemble de mes collègues du groupe socialiste et républicain, la moitié d’entre eux environ n’étant pas d’accord avec les auteurs de cet amendement.
Il arrive dans de nombreux groupes politiques que certains sujets divisent, et je n’entends nullement stigmatiser mes collègues qui sont contre la chasse ou contre la transposition ou la surtransposition de la directive susvisée. Je respecte leur point de vue. De telles différences sont l’occasion de débats soutenus qui animent notre groupe et qui ne nous empêchent pas de vivre en bonne intelligence.
Personnellement, je suis franchement défavorable à cet amendement, et mon point de vue est partagé par un certain nombre de collègues qui voteront contre. D’autres collègues s’abstiendront.
Les explications données par le président Cardoux sont très claires. Il ne s’agit pas d’étendre les dates d’ouverture de la chasse, mais simplement de permettre aux chasseurs de prélever quelques individus d’oiseaux migrateurs, notamment d’oies, qui causent des dégâts sur les récoltes agricoles. Et comment justifier que les oies soient gazées en grande quantité aux Pays-Bas pour la même raison, alors qu’on interdit aux chasseurs français de prélever quelques individus ?
Il me semble qu’en l’espèce la présente surtransposition permet de clarifier l’application de la directive Oiseaux, et c’est pourquoi un certain nombre de collègues de mon groupe, dont je suis, ne voteront pas cet amendement et que d’autres s’abstiendront.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je comprends bien tous les arguments, mais il n’est absolument pas question d’interdire la chasse, ni même d’avoir le débat sur la chasse.
Le présent projet de loi vise à supprimer seulement une vingtaine des quelque 147 surtranspositions qui ont été identifiées. Pourquoi cette surtransposition en fait-elle partie ?
Je n’ai pourtant entendu aucun orateur évoquer de vrai problème, et Mme la secrétaire d’État a expliqué que les dérogations se feraient sous certaines conditions, si bien, qu’en gros, elles ne seraient pas utilisées. Il me semble donc que cet article n’a vraiment rien à faire dans le présent projet de loi.
Je suis également très déçu par les propos de Mme la secrétaire d’État. Le ministre Nicolas Hulot avait mis en place un plan Biodiversité. Il me paraît inconcevable de soutenir un tel plan – où en est-il, d’ailleurs ? – tout en défendant le présent article.
Le débat n’est donc pas de savoir si l’on est pour ou contre la chasse, mais de comprendre la raison d’être de ce type d’article qui semble assez téléguidé.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Mizzon. La France est un pays de paradoxes, comme l’illustre, une fois encore, le sujet que nous évoquons à l’instant. On ne peut pas, en effet, être dans le même temps le pays qui mène le combat pour l’écologie et la biodiversité et celui qui élargit la période durant laquelle on peut mettre fin à la vie de certains animaux sauvages.
Le rapport de l’organisation internationale WWF, évoqué précédemment, met en exergue que 60 % des animaux sauvages ont disparu de la planète depuis à peine quarante-quatre ans. C’est quand même un signe !
Je ne suis pas nostalgique, mais je regarde le monde tel qu’il évolue, et je pense qu’il est temps de prendre des mesures de protection. C’est pourquoi je voterai ces amendements. (Applaudissements sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. Le groupe La République En Marche votera contre ces amendements, pour une question d’équité et d’unité européenne, mais aussi parce que le Président de la République s’est engagé au plan mondial en faveur de la biodiversité, de façon exemplaire, et parfois même en chef de file.
Il ne s’agit pas, en l’occurrence, de mettre en péril la biodiversité, les discussions portant sur des espèces dont l’existence, la survie ou le développement ne sont pas menacés.
Il s’agit simplement d’une question d’équité entre les régions du nord de la France et celles qui se situent de l’autre côté de la frontière, en Belgique et dans d’autres pays. Nous connaissons un déséquilibre dû à une surtransposition notoire des directives, dénoncée depuis longtemps.
Ce que les Français ne comprendraient pas, c’est que la protection soit différente d’un côté ou l’autre de la frontière.
C’est la raison pour laquelle, compte tenu de l’engagement du chef de l’État, nous voterons, je le répète, contre ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, une large majorité des membres du groupe centriste votera contre ces amendements, mais certains de nos collègues voteront pour.
En l’occurrence, il ne s’agit en aucun cas de surtransposition, puisqu’on se contente de reprendre dans la loi française les exceptions et dérogations figurant dans la directive.
Par ailleurs, j’habite le département de la Somme et je confirme qu’il compte beaucoup de chasseurs. De nombreux ouvriers du Vimeu, en particulier, chassent à la hutte sur l’espace littoral. Ils voient les oies se faire gazer en Hollande et constatent qu’on leur interdit de prélever quelques éléments la nuit ! Voilà la réalité.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19, 24 rectifié ter et 25 rectifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 10 :
Nombre de votants | 294 |
Nombre de suffrages exprimés | 280 |
Pour l’adoption | 65 |
Contre | 215 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Cardoux, Menonville, Poniatowski et Grand, Mme Micouleau, MM. Morisset, Mayet, B. Fournier et Pillet, Mmes Di Folco et M. Mercier, MM. Mouiller, Le Gleut, Charon et Priou, Mmes Estrosi Sassone et Morhet-Richaud, MM. Prince et D. Laurent, Mme Lopez, MM. Houpert, Duplomb, Bonne et Pierre, Mme Puissat, MM. Darnaud, Chevrollier et de Legge, Mme Deseyne, MM. Pointereau, Bizet et J.M. Boyer, Mmes A.M. Bertrand et Bruguière, MM. Bouchet, Joyandet, Cuypers et Vaspart, Mme Deromedi, MM. Milon, Retailleau, Kennel, D. Dubois, Courtial, Segouin, Médevielle, Bas, Lefèvre, Sido, de Nicolaÿ, Calvet, Revet et Le Nay, Mmes Delmont-Koropoulis, Lassarade, Deroche et Garriaud-Maylam, MM. Piednoir, Genest, Bonhomme, Luche, Sol, Huré, Gremillet, Panunzi et Vial, Mme Berthet, M. Brisson, Mmes Bonfanti-Dossat et Lamure, MM. Roux, Hugonet et Gilles, Mme Primas, M. Dufaut, Mme Lavarde, MM. Buffet et Daubresse, Mme Gruny, M. Allizard, Mme Canayer, MM. Laménie et Rapin, Mme Chauvin et M. H. Leroy, est ainsi libellé :
Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :
« – dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ;
« – dans l’intérêt de la sécurité aérienne ;
« – pour la protection de la flore et de la faune ;
« – pour des fins de recherche et d’enseignement, de repeuplement, de réintroduction ainsi que pour l’élevage se rapportant à ces actions. »
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Cet amendement vise à compléter l’article 16.
La directive européenne du 30 novembre 2009 prévoit, dans son article 9, trois motifs de dérogation au régime général de protection.
Le code de l’environnement en a retenu une seule, l’article 16 du projet de loi en retient une autre, mais le Gouvernement n’a pas souhaité reprendre toutes les possibilités de dérogation prévues à l’article 9 précité. Il me semblerait pourtant logique que la France puisse les utiliser en cas de besoin, comme le font la plupart des autres pays européens, afin que nous soyons sur un pied d’égalité avec ceux-ci.
Ainsi que l’a souligné François Patriat, ce texte rejoint en outre la volonté du Président de la République de mettre en place une gestion adaptative des espèces pour pouvoir déterminer des quotas de prélèvement.
Cette gestion adaptative consiste à redéfinir cycliquement la gestion d’une espèce et de son écosystème et constitue en elle-même une démarche scientifique qui nécessite de comparer continuellement les résultats des mesures de gestion aux données de terrain constatées, afin d’ajuster progressivement lesdites mesures.
Dès lors qu’un comité scientifique neutre sera chargé de déterminer des quotas de prélèvement d’espèces en fonction de la reproduction de celles-ci et que ces quotas pourront être adaptés d’une année sur l’autre selon le dénombrement des populations, peu importe l’époque à laquelle les oiseaux seront chassés, pourvu que les prélèvements soient adaptés à l’évolution de la population.
Telle est la réforme de fond que le Président de la République souhaite pour la chasse. Aussi, cet amendement me paraît parfaitement justifié.
Enfin, beaucoup d’orateurs ont parlé du monde rural. À l’heure de la préparation des élections européennes, le rejet de cet amendement serait un très mauvais signal adressé à l’ensemble du monde rural, qui se méfie de l’Europe, et qui aurait une raison supplémentaire de s’en éloigner.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteur. L’article 16 complète l’article L. 424-2 du code de l’environnement qui prévoit une dérogation à l’interdiction de chasser les oiseaux migrateurs pendant leur période de migration pour les chasses traditionnelles prélevant de petites quantités de spécimens, au motif de dégâts causés aux cultures, au bétail, aux pêcheries et aux eaux.
Cette dérogation est prévue par la directive européenne à son article 9, qui en comporte également d’autres pour la santé et la sécurité publiques, la sécurité aérienne, la protection de la faune et de la flore, ou encore la recherche et l’enseignement.
Ces motifs juridiques semblent déjà transcrits dans notre droit, à l’article L. 411-2 du code précité pour les espèces protégées et à son article L. 427-6 pour les espèces non domestiques.
La commission spéciale s’est interrogée à l’occasion de ses débats et s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Cet amendement vise à compléter l’article 16, qui permet de déroger à l’interdiction de chasser édictée par transposition de la directive Oiseaux de 2009 pour prévenir des dommages agricoles, en introduisant les autres motifs de la dérogation prévue par cette directive.
Ces motifs complémentaires n’ont pas été inscrits dans le projet de loi du Gouvernement, car ils ne répondent à aucun besoin, d’autres outils juridiques existant déjà.
On peut citer, par exemple, l’article L. 427-6 du code de l’environnement qui permet aux préfets d’organiser ponctuellement des opérations de destruction de spécimens d’espèces non domestiques pour des raisons de santé, de sécurité publique ou de conservation de la faune – un motif pour lequel le Gouvernement ne souhaite pas ouvrir la possibilité du recours à la chasse.
En ce qui concerne plus spécifiquement la dérogation prévue au b) du I de l’article 9 de la directive Oiseaux, portant en particulier sur les finalités de recherche et d’enseignement, je suis attentive à votre argumentaire et nous allons approfondir notre analyse pour vérifier que cette dérogation ne répond à aucun besoin en droit interne. En fonction du résultat de notre réflexion, je n’exclus donc pas une évolution de notre position sur ce point d’ici à l’examen du texte par l’Assemblée nationale.
Pour l’heure, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié bis.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que la commission spéciale s’en remet à la sagesse du Sénat et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 11 :
Nombre de votants | 261 |
Nombre de suffrages exprimés | 230 |
Pour l’adoption | 157 |
Contre | 73 |
Le Sénat a adopté.
Je mets aux voix l’article 16, modifié.
(L’article 16 est adopté.)
Section 2
Eau
Article 17
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le V de l’article L. 212-1 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « motivant, », la fin de la dernière phrase est ainsi rédigée : « à condition que l’état de la masse d’eau concernée ne se détériore pas davantage. » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les reports ainsi opérés ne peuvent excéder la période correspondant à deux mises à jour du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, sauf dans les cas où les conditions naturelles sont telles que les objectifs ne peuvent être réalisés dans ce délai. » ;
2° Après l’article L. 652-3, il est inséré un article L. 652-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 652-3-1. – Pour l’application à Mayotte de l’article L. 212-1, à la fin de la première phrase du V, l’année : “2015” est remplacée par l’année : “2021”. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 20 est présenté par MM. Gontard, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 26 rectifié est présenté par MM. Labbé, Collin, Artano, Dantec, Guérini et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 20.
M. Guillaume Gontard. Au nom d’un zèle excessif par rapport aux directives européennes, et de manière assez incompréhensible, l’article 16 renvoie à plus tard l’échéance relative au bon état des masses d’eau. L’échéance actuelle, fixée à un horizon de douze ans, semblait pourtant largement suffisante.
Nous considérons que ce report constitue un mauvais signal envoyé aux acteurs de l’eau, le renvoi étant sans limites dans le temps et les dérogations étant très larges, englobant tous « les cas où les conditions naturelles sont telles que les objectifs ne peuvent être réalisés dans ce délai »…
Il y a pourtant une urgence impérative à obtenir, avec l’aide des agences de l’eau, dont les moyens doivent absolument être maintenus, une bonne qualité de la masse d’eau.
Trop d’exonérations sont déjà accordées aujourd’hui au regard de cet objectif prioritaire pour la protection de l’environnement et de la biodiversité.
À l’heure où la directive-cadre sur l’eau est en cours de révision, notamment pour aller plus loin dans le droit d’accès de tous à ce bien de première nécessité, nous estimons qu’il n’y a pas d’urgence à légiférer, surtout pour laisser entendre que, dans certains endroits, les pollutions pourraient continuer…
Il convient donc de supprimer le présent article.