Sommaire
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
Secrétaires :
Mme Catherine Deroche, M. Victorin Lurel.
2. Conventions internationales. – Adoption définitive en procédure d’examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission
3. Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 152 de M. Jacques Bigot. – Rejet.
Amendement n° 239 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 345 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 346 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 35
Amendement n° 270 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 271 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 35 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 153 de M. Jacques Bigot. – Rejet.
Amendement n° 347 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 240 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 36 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 81 rectifié bis de M. Jean-Pierre Grand. – Rejet.
Amendement n° 77 de M. Maurice Antiste. – Retrait.
Amendement n° 83 rectifié bis de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Amendement n° 84 rectifié bis de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 154 de M. Jacques Bigot. – Rejet.
Amendement n° 155 de M. Jacques Bigot. – Rejet.
Amendement n° 348 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 86 rectifié de M. Daniel Dubois. – Non soutenu.
Amendement n° 174 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 38
Amendement n° 296 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Retrait.
Amendement n° 55 rectifié bis de Mme Jacky Deromedi. – Retrait.
Amendement n° 175 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 156 de M. Jacques Bigot. – Rejet.
Amendement n° 54 rectifié bis de M. Bruno Retailleau. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
4. Questions d’actualité au Gouvernement
M. Jean-Marc Boyer ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; M. Jean-Marc Boyer.
transition énergétique et moyens de l’état
M. Loïc Hervé ; M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Loïc Hervé.
M. Thani Mohamed Soilihi ; M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
prise en charge financière des mineurs non accompagnés
M. Franck Menonville ; M. Édouard Philippe, Premier ministre.
Mme Michelle Gréaume ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.
M. Patrick Kanner ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; M. Patrick Kanner.
violences sur les élus et les fonctionnaires territoriaux
M. Alain Marc ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; M. Alain Marc.
travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi
Mme Christine Bonfanti-Dossat ; M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; Mme Christine Bonfanti-Dossat.
plainte à l’onu sur les essais nucléaires en polynésie française
Mme Lana Tetuanui ; Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer.
accueil des migrants en loire-atlantique
M. Ronan Dantec ; M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
Mme Angèle Préville ; M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Pierre Charon ; Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Pierre Charon.
sécurité en france et à marseille
M. Bruno Gilles ; M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État, porte-parole du Gouvernement ; M. Bruno Gilles.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
5. Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 157 de M. Jacques Bigot. – Rejet.
Amendement n° 176 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 158 de M. Jacques Bigot. – Rejet.
Amendement n° 159 de M. Jacques Bigot. – Rejet.
Amendement n° 349 de la commission. – Adoption.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 160 de M. Jacques Bigot. – Adoption.
Amendement n° 177 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 39 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 85 rectifié bis de M. Jean-Pierre Grand. – Rejet.
Amendement n° 350 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 178 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 42
Amendement n° 179 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 184 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 365 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 298 rectifié de Mme Josiane Costes. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 351 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 352 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 353 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 305 rectifié de Mme Josiane Costes. – Retrait.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux
Adoption de l’article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
Secrétaires :
Mme Catherine Deroche,
M. Victorin Lurel.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Conventions internationales
Adoption définitive en procédure d’examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc les mettre aux voix successivement.
projet de loi autorisant l’approbation du protocole entre le gouvernement de la république française et le conseil des ministres de bosnie-herzégovine portant sur l’application de l’accord du 18 septembre 2007 entre la communauté européenne et la bosnie-herzégovine concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier
Article unique
Est autorisée l’approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine portant sur l’application de l’accord du 18 septembre 2007 entre la Communauté européenne et la Bosnie-Herzégovine concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier (ensemble deux annexes), signé à Sarajevo le 3 juillet 2014, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine portant sur l’application de l’accord du 18 septembre 2007 entre la Communauté européenne et la Bosnie-Herzégovine concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier (projet n° 615 [2017-2018], texte de la commission n° 5, rapport n° 4).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
projet de loi autorisant l’adhésion au protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la convention des nations unies contre la criminalité transnationale organisée, adopté à new york le 31 mai 2001
Article unique
Est autorisée l’adhésion au protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, adopté à New York le 31 mai 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’adhésion au protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, adopté à New York le 31 mai 2001 (projet n° 645 [2017-2018], texte de la commission n° 7, rapport n° 6).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
3
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en procédure accélérée, du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (projet n° 463 [2017-2018], texte de la commission n° 13, rapport n° 11, tomes I et II).
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein de la section 3 du chapitre II du titre IV, à la sous-section 2.
TITRE IV (suite)
DISPOSITIONS PORTANT SIMPLIFICATION ET RENFORCEMENT DE L’EFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE PÉNALE
Chapitre II (suite)
Dispositions relatives aux phases d’enquête et d’instruction
Section 3 (suite)
Dispositions propres à l’instruction
Sous-section 2
Dispositions relatives au déroulement de l’instruction
Article 35
I. – Le début de la quatrième phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 81 du code de procédure pénale est ainsi rédigé : « La déclaration au greffier peut également être faite au moyen d’une lettre … (le reste sans changement). »
II. – La seconde phrase du sixième alinéa de l’article 97 du code de procédure pénale est ainsi rédigée : « Toutefois, lorsque l’ouverture et la reconstitution du scellé fermé n’exigent pas que la personne mise en examen soit interrogée sur son contenu, elles peuvent être réalisées par le juge d’instruction assisté de son greffier hors la présence de celle-ci, en présence de l’avocat de la personne ou celui-ci dûment convoqué. »
III. – L’article 142-6 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « ou au vu des réquisitions écrites du procureur de la République, dont il est donné lecture à la personne mise en examen, et après avoir entendu ses observations et celles de son avocat » ;
2° Les deux derniers alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Elle peut également être décidée, sans débat contradictoire ou recueil préalable des observations de la personne et de son avocat, par ordonnance statuant sur une demande de mise en liberté, ou décidant d’une mise en liberté d’office.
« Le juge statue après avoir fait vérifier la faisabilité technique de la mesure par le service pénitentiaire d’insertion et de probation, qui peut être saisi à cette fin à tout moment de l’instruction.
« En matière correctionnelle, cette saisine est obligatoire si elle est demandée par la personne détenue ou son avocat un mois avant la date à laquelle la détention peut être prolongée, sauf décision de refus spécialement motivée du juge d’instruction. »
IV. – L’article 142-7 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au début de la seconde phrase, sont ajoutés les mots : « Au cours de l’instruction, » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la personne renvoyée devant le tribunal correctionnel ou la cour d’assises est maintenue ou demeure sous assignation à résidence conformément aux articles 179 et 181, la durée totale de la mesure, compte tenu de celle exécutée au cours de l’instruction, ne peut excéder deux ans, sans qu’il soit nécessaire d’en ordonner la prolongation tous les six mois, et sous réserve de la possibilité pour l’intéressé d’en demander la mainlevée. »
V. – L’article 706-71 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Aux fins d’une bonne administration de la justice, il peut être recouru au cours de la procédure pénale, dans les cas et selon les modalités prévus au présent article, à un moyen de communication audiovisuelle. » ;
2° À la première phrase du troisième alinéa, après les mots : « prolongation de la détention provisoire », sont insérés les mots : « , y compris l’audience prévue à l’avant-dernier alinéa de l’article 179, » ;
3° (Supprimé)
4° Le cinquième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « trois » est supprimé et les mots : « , celui-ci peut » sont remplacés par les mots : « ou par un interprète, ceux-ci peuvent » ;
b) À la deuxième phrase, le mot : « il » est remplacé par les mots : « l’avocat » ;
c) À la fin de la dernière phrase, les mots : « a déjà été remise à l’avocat » sont remplacés par les mots : « lui a déjà été remise » ;
d) Il est ajouté une phrase ainsi rédigée : « Si ces dispositions s’appliquent au cours d’une audience, celle-ci doit se tenir dans des conditions qui garantissent le droit de la personne à présenter elle-même ses observations. »
VI. – Après l’article 51 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, il est inséré un article 51-1 ainsi rédigé :
« Art. 51-1. – Par dérogation aux articles 80-1 et 116 du code de procédure pénale, le juge d’instruction qui envisage de mettre en examen une personne pour le délit de diffamation procède conformément aux dispositions du présent article.
« Il informe la personne de son intention de la mettre en examen par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception en précisant chacun des faits qui lui sont reprochés ainsi que leur qualification juridique et en l’avisant de son droit de faire connaître des observations écrites dans un délai d’un mois. Il peut aussi, par le même avis, interroger la personne par écrit afin de solliciter, dans le même délai sa réponse à différentes questions écrites. En ce cas, la personne est informée qu’elle peut choisir de répondre auxdites questions directement en demandant à être entendue par le juge d’instruction.
« Lors de l’envoi de l’avis prévu au deuxième alinéa du présent article, la personne est informée de son droit de désigner un avocat. En ce cas, la procédure est mise à la disposition de l’avocat désigné durant les jours ouvrables, sous réserve des exigences du bon fonctionnement du cabinet d’instruction. Les avocats peuvent également se faire délivrer copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier dans les conditions mentionnées à l’article 114 du code de procédure pénale.
« À l’issue d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis mentionné au deuxième alinéa du présent article, le juge d’instruction peut procéder à la mise en examen en adressant à la personne et à son avocat une lettre recommandée avec accusé de réception selon les modalités prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article 113-8 du code de procédure pénale. Il informe à cette occasion la personne que, si elle demande à être entendue par le juge d’instruction, celui-ci est tenu de procéder à son interrogatoire.
« Les III à VIII de l’article 175 du même code ne sont pas applicables. S’il n’a pas reçu les réquisitions du procureur de la République dans un délai de deux mois après la communication du dossier prévu au I du même article 175, le juge d’instruction rend l’ordonnance de règlement. »
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.
Mme Éliane Assassi. Cet article 35 simplifie le déroulement de l’instruction, notamment en permettant l’ouverture des scellés même en l’absence du mis en examen. Cependant, la principale disposition de cet article dans la version initiale déposée par le Gouvernement consistait à permettre le recours à la visioconférence en matière de détention provisoire, même sans l’accord de la personne intéressée.
La commission est revenue sur cette disposition ; c’est heureux. Nous nous inquiétons toutefois du sort que réservera la majorité En Marche de l’Assemblée nationale à cette mesure.
Il s’agit, dans la droite ligne de la loi Asile et immigration, dont nous avons débattu en juin dernier, d’étendre l’usage de la visioconférence sans l’accord de l’intéressé qui était jusque-là nécessaire pour procéder à une audience à distance et derrière un écran. Nous l’avons déjà exprimé maintes fois : nous sommes contre cette justice dématérialisée, qui finira, pour des motifs économiques évidents, par s’étendre à toutes sortes d’audiences.
En l’espèce, son usage est d’autant plus contestable qu’il s’applique aux détenus provisoires. En effet, la détention provisoire est déjà largement dérogatoire au droit commun et plus que discutable, dans la mesure où, pour faire simple, des personnes non jugées sont mises derrière les barreaux.
Ces personnes voient donc leur droit à la défense encore réduit en étant jugées par écran interposé. Nous connaissons déjà tous les désagréments liés à cette mesure : l’impossibilité pour l’avocat d’être à la fois présent auprès du juge et auprès de son client, notamment, ou encore la mise à mal de la solennité du lieu du tribunal. En quelque sorte, l’idée d’une justice au rabais est consubstantielle au procédé de la visioconférence.
M. le président. L’amendement n° 152, présenté par MM. J. Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain, Leconte, Kerrouche, Fichet et Houllegatte, Mmes Préville, Meunier, Lubin, Jasmin et Blondin, MM. Jeansannetas, Cabanel et Montaugé, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 9 à 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement a pour objet la durée de l’assignation à résidence sous surveillance électronique.
Aujourd’hui, le code de procédure pénale prévoit que cette assignation à résidence ne peut excéder six mois. Elle peut être prolongée, mais sous réserve, notamment, d’un débat contradictoire et d’une ordonnance motivée ; elle ne peut en tout cas excéder deux ans.
Madame la garde des sceaux, vous souhaitez, par le biais de ce projet de loi, sans changer cette durée, supprimer la nécessité d’ordonner la prolongation : dès lors, pas de réexamen de la situation, pas d’ordonnance motivée, pas de débat contradictoire !
Certes, on a évoqué le fait qu’il suffirait, dans ce cas, à la personne concernée de demander la mainlevée de la mesure, mais c’est autre chose. Nous savons très bien que ce mode de contrôle est complexe et n’est pas toujours facile à mettre en œuvre. En effet, la durée de la mesure est un élément qui pose problème aux personnes concernées, au-delà d’un certain nombre de mois.
Dès lors, même si vous plaidez, depuis le début de l’examen de ce texte, la simplification du droit et l’inutilité d’un certain nombre de procédures, là encore, une vigilance sur les conditions de restriction de la liberté d’aller et venir des personnes doit s’imposer.
C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Dans la mesure où la personne qui est assignée à résidence sous surveillance électronique conserve la possibilité de demander, à tout moment, la mainlevée de la mesure, on peut considérer que la simplification contenue dans cet article est respectueuse des droits de la personne poursuivie, s’agissant d’une mesure de contrainte qui est moins attentatoire à ces droits que le placement en détention provisoire.
La possibilité d’agir et de contester la mesure à n’importe quel moment constitue de ce point de vue une forme de protection.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Cette clarification a été très sollicitée par les praticiens lors de la concertation que nous avons menée dans le cadre des chantiers de la justice. Le manque de lisibilité des règles applicables à l’assignation à résidence sous surveillance électronique lors de la clôture de l’instruction avait notamment été avancé pour expliquer le faible recours à cette mesure en pratique : 292 personnes en bénéficiaient au 1er juillet 2017.
En réalité, comme vient de l’expliquer M. le rapporteur, cette disposition ne revient absolument pas sur la nécessité de prolonger l’assignation à résidence tous les six mois au cours de l’instruction ; elle prévoit uniquement que cette prolongation n’est pas nécessaire après la clôture de l’instruction et le renvoi du prévenu ou de l’accusé devant la juridiction de jugement.
En outre, cette disposition ainsi circonscrite, qui est de nature à favoriser le recours à l’assignation à résidence plutôt qu’à la détention provisoire, n’empêche en aucun cas l’intéressé – M. le rapporteur l’a rappelé – de demander à tout moment la mainlevée de la mesure et de provoquer ainsi un débat.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Madame la garde des sceaux, vous avez employé un argument qui n’est pas absolument complet, pour le dire poliment. Il est vrai qu’il est très peu fait recours à cette procédure ; néanmoins, si je peux me permettre, cela ne découle pas des raisons que vous avez évoquées. Le faible recours à cette procédure résulte plutôt de l’obligation, inscrite dans le code de procédure pénale, de vérifier la faisabilité technique de la mise en place du dispositif ; or le ministère de la justice ne dispose pas d’un nombre suffisant de services pénitentiaires d’insertion et de probation pour ce faire, ce qui rend très compliqué le recours à cette procédure.
Nous maintenons donc notre amendement.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la sénatrice, votre observation tombe à merveille, puisqu’elle me permet de préciser que le budget que nous proposons pour le ministère de la justice nous permettra de recruter 1 500 conseillers d’insertion et de probation supplémentaires.
M. le président. L’amendement n° 239, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :
3° La dernière phrase du troisième alinéa est ainsi rédigée : « Lorsqu’il s’agit d’un débat au cours duquel il doit être statué sur le placement en détention provisoire, il ne peut être recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle si la personne le refuse, sauf si son transport paraît devoir être évité en raison de risques graves de trouble à l’ordre public ou d’évasion. » ;
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement a pour objet de rétablir l’extension du recours à la visioconférence en matière de prolongation de la détention provisoire.
Le présent projet de loi, tel que je l’ai déposé, prévoyait de supprimer la nécessité de l’accord de la personne détenue pour l’utilisation de la visioconférence lors des débats en matière de placement en détention provisoire ou de prolongation de la détention. Votre commission des lois a supprimé ces dispositions.
Le Gouvernement estime cependant qu’il est indispensable de favoriser, dans certains cas, le recours à la visioconférence. Nous avions évoqué ce sujet lors de la discussion générale ; vous vous en souvenez sans doute, mesdames, messieurs les sénateurs. Il apparaît en effet nécessaire de remédier aux importantes difficultés que rencontrent les juridictions et qui sont liées à l’impossibilité d’assurer l’extraction de la personne détenue et donc sa présentation devant le juge dans les délais impératifs de comparution prévus par la loi, ce qui entraîne parfois des remises en liberté qui semblent injustifiées. En 2017, plus de 12 000 extractions judiciaires n’ont ainsi pas pu être prises en charge par l’administration pénitentiaire, soit près de 15 % des réquisitions d’extraction judiciaire.
Le Gouvernement a toutefois pris en compte – je tiens à le souligner – les observations faites par les représentants nationaux de la profession d’avocat, notamment le Conseil national des barreaux, ainsi que par le Syndicat de la magistrature et l’Union syndicale des magistrats, organisations qu’il a entendues dans le cadre de la concertation conduite après le dépôt du projet de loi.
Je reconnais ainsi que la visioconférence ne doit pas pouvoir être utilisée sans l’accord de la personne détenue pour les débats contradictoires relatifs au placement initial en détention provisoire. C’est uniquement pour les débats qui concernent la prolongation de cette détention que l’exigence d’un accord de la personne devrait être écartée.
Nous avons donc fait évoluer notre texte. Tel est l’objet du présent amendement, qui tend à maintenir l’accord de la personne pour les débats sur le placement en détention, mais l’exclut en revanche pour sa prolongation. Il me semble qu’il s’agit d’une solution raisonnable et équilibrée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission n’a pas changé d’avis : elle reste défavorable à ce dispositif, même si nous prenons acte de l’évolution du Gouvernement en cette matière.
La personne qui risque d’être placée en détention provisoire doit pouvoir bénéficier d’un débat contradictoire avec une présence physique. Nous sommes là dans l’un des éléments les plus importants du droit pénal : il s’agit de priver quelqu’un de liberté.
Imposer la visioconférence, ne serait-ce que pour la prolongation de cette détention, ce serait ne pas respecter ce principe, que le Sénat a toujours défendu, y compris en matière de droit des étrangers.
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Je reviens sur ce point : le Sénat a toujours voulu que l’étranger, dans le cas où il ne voudrait pas utiliser ce moyen pour se défendre, puisse être conduit devant son juge pour une comparution physique. Il n’y a, en matière de droit des étrangers, aucune obligation de subir, pour ainsi dire, la visioconférence.
Or les enjeux de privation de liberté sont bien plus importants en matière de détention provisoire que pour le placement d’un étranger en centre de rétention ; nous savons tous dans cette enceinte en effet que la durée moyenne de rétention dans ces centres est de douze à treize jours environ. Sans entrer de nouveau dans un débat sur ce sujet, je tiens à rappeler qu’en matière de droit des étrangers nous avons maintenu la visioconférence comme une possibilité, et non pas comme une obligation. C’est pourquoi, dans la matière qui nous occupe aujourd’hui, nous ne pouvons pas accepter que ce soit une obligation, y compris pour la prolongation de la détention.
Dans ces conditions, il faut que la personne puisse comparaître physiquement, si elle le souhaite, en présence du magistrat et de ses conseils, dès lors qu’il s’agit de l’envoyer en détention provisoire.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Il est impératif que ce ne soit qu’avec l’accord de la personne, sur les conseils de son avocat ou après un échange avec celui-ci, que la visioconférence soit possible. J’imagine, madame la garde des sceaux, que les avocats vous ont confié qu’une vraie difficulté se pose pour eux quant à la visioconférence : devraient-ils être avec leur client dans la maison d’arrêt, auquel cas ils ne sont pas en face du juge, ou être en présence du juge, mais sans leur client ?
La vie est ainsi faite ; aujourd’hui, on peut communiquer en visioconférence les uns avec les autres. Ce n’est pourtant pas la même chose dans le cas visé : être en face ou à côté de la personne en cause est fondamental. On ne peut pas envisager que la visioconférence s’impose, même si elle facilite la vie.
Que sera l’étape suivante ? Un ministre de la justice – non pas vous, peut-être, madame la garde des sceaux, mais l’un de vos successeurs, comme on ne sait jamais ce qui peut arriver – viendra nous dire que, finalement, tout cela pourrait se faire par écrit, sans aucun contact ! C’est la déshumanisation de la justice que vous nous proposez !
Certes, vous le faites pour des raisons d’économie que l’on peut comprendre, parce que le problème est compliqué. Il l’est d’autant plus qu’un de vos prédécesseurs, il y a déjà un certain temps, a accepté ce que le ministre de l’intérieur lui a imposé : les extractions et les transferts vers les tribunaux sont désormais du ressort de l’administration pénitentiaire. Or celle-ci, au moment où cette décision a été prise, n’en avait pas les moyens.
Depuis lors, on lutte sur cette question, mais nous ne pouvons pas pour autant accepter que la visioconférence s’impose. Je remercie d’ailleurs M. le rapporteur de l’avoir exprimé. Tel est le sens des observations que je voulais faire pour expliquer les raisons pour lesquelles, madame la garde des sceaux, nous ne soutiendrons pas votre amendement, même s’il représente un progrès par rapport à votre projet initial.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
M. Philippe Bonnecarrère. Nous savons que la commission des lois – j’en remercie mes collègues – se montre très attentive, dans l’examen du texte, à l’exercice des libertés publiques. Néanmoins, au regard de la règle pratique et de la règle juridique, je veux formuler deux observations rapides.
Quant à l’aspect pratique de la question, Mme la garde des sceaux a raison de dire que le nombre d’extractions liées à ces procédures est considérable et demande un temps considérable à l’administration pénitentiaire ou aux services de sécurité. Il ne me paraît donc pas scandaleux que le ministère de la justice se demande comment optimiser ses moyens. De la même manière que l’esprit du texte, visible à travers de multiples mesures pratiques, consiste à préserver du temps pour le juge, il me semble assez raisonnable d’essayer de préserver du temps pour les forces de sécurité.
Quant à la question purement juridique, ou de préservation des libertés, et dans le prolongement de l’intervention de M. le rapporteur, j’ai vérifié les éléments pertinents de la décision rendue par le Conseil constitutionnel, le 6 septembre dernier, sur la loi Asile et immigration. Ses considérants 23 et suivants concernent les articles 8, 20 et 24 de cette loi, qui suppriment l’exigence de consentement du requérant pour le recours à des moyens de communication audiovisuels pour l’organisation de certaines audiences en matière de droit d’asile ou de droit au séjour. Pour faire bref, le Conseil constitutionnel, dans son considérant 29, juge que « les griefs tirés de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif, des droits de la défense et du droit à un procès équitable doivent être écartés ».
Il me semble donc que la réponse apportée par le Conseil constitutionnel à la préoccupation de notre commission peut venir soutenir l’amendement gouvernemental.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je suis presque étonné de la proposition du Gouvernement ! Il y a plusieurs mois, le texte relatif à l’asile et à l’immigration – mauvaise formulation, d’ailleurs – arrivait devant le Sénat. J’étais alors, je l’avoue, favorable à la recherche de solutions permettant d’éviter l’extraction, parmi lesquelles, éventuellement, la visioconférence. J’ai d’ailleurs cru comprendre qu’à la fin de notre débat, le ministre s’était plus ou moins rallié à la position selon laquelle la visioconférence est en fin de compte compliquée et assez dangereuse ; on en reste donc au vis-à-vis avec le magistrat.
Par ailleurs, de moi-même ou du fait de mes fonctions antérieures de rapporteur spécial chargé de l’immigration au sein de la commission des finances, j’ai effectué un certain nombre de visites dans des centres de rétention. Sincèrement, tous les policiers et les gendarmes que j’y ai rencontrés m’ont confié que l’extraction leur prenait beaucoup de temps : ce n’était pas possible de continuer ainsi !
Je me suis pourtant laissé convaincre par l’argumentation développée en séance qui a conduit à ne pas faire figurer ce dispositif dans le texte consacré à l’immigration.
C’est pourquoi je ne comprends pas très bien comment, pour faire écho aux propos de M. le rapporteur, si l’on ne peut pas prendre le risque, dans le cas de l’immigration, de mettre quelqu’un en rétention pour dix jours, quinze jours, trois semaines au plus sans comparution directe, on pourrait prendre ce risque pour l’ensemble des citoyens, dans tous les cas de délinquance, et pour des durées de détention provisoire beaucoup plus longue !
Il y a là selon moi quelque chose d’incohérent. Soit l’on dit que la visioconférence est dangereuse, représente un vrai risque constitutionnel et est donc impossible – auquel cas, n’en parlons plus, et tenons-nous en au vis-à-vis avec le juge ! –, soit l’on dit qu’il n’y a aucun risque. Dans ce cas, pourtant, je ne comprends pas pourquoi on n’appliquerait pas ce dispositif de manière globale ; or on ne l’a pas fait, et tout le monde s’est laissé convaincre des dangers de ce dispositif lors de l’examen des textes précédents.
Pour ma part, je pense qu’il n’y a pas de solution miracle. Certes, je sais le poids que représente l’extraction pour la police, la gendarmerie et les magistrats, mais peut-être faut-il en rester à la solution actuelle.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je veux répéter ce que nous proposons par le biais de cet amendement : il s’agit de mettre en place le système de visioconférence uniquement pour le renouvellement de la détention provisoire, et non pour le premier placement. Pour celui-ci, je comprends tout à fait qu’il faille un vis-à-vis, un contact physique avec le juge ; cela, nous en convenons.
Simplement, pour le renouvellement de la détention provisoire, nous désirons pouvoir passer outre le manque d’accord de la personne prévenue. Évidemment, si le magistrat souhaite que celle-ci vienne devant lui, cela pourra se faire, on ne le lui interdira pas. En revanche, dans certains cas, le magistrat pourra passer outre.
Par ailleurs, monsieur Karoutchi, peut-être ne nous sommes-nous pas bien compris : vous avez voté en faveur d’une telle disposition au sein de la loi Asile et immigration, et cela a été acté dans la loi ! Là aussi, dans certains cas, nous pouvons passer outre le refus.
En somme, premièrement, il s’agit uniquement de la prolongation de la détention, et deuxièmement, ce mécanisme est déjà prévu pour le placement d’étrangers en rétention ; je ne vois pas très bien quelle est la différence avec la situation qui nous préoccupe en cet instant.
Troisièmement, ce qui est important dans la mise en œuvre de ce dispositif de visioconférence, c’est évidemment la qualité du parc : si vous ne voyez pas la personne avec laquelle vous communiquez par visioconférence, cela pose problème ! Or nous sommes en train d’améliorer considérablement le parc de la visioconférence, de sorte qu’il n’y ait plus de difficultés. C’est un point important.
Quatrièmement, ce système fonctionne déjà. J’étais récemment en Guyane : vous n’ignorez pas les impossibilités physiques qu’il y a à communiquer dans ce territoire… (Mme Éliane Assassi s’exclame.) C’est la réalité !
Mme Éliane Assassi. C’est la réalité de la Guyane !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Ces impossibilités physiques font que la visioconférence est utilisée en permanence ; or on n’a pas le sentiment qu’il y a là violation de droits majeurs.
Voilà pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je soumets cet amendement à votre vote.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la garde des sceaux, j’avoue que mes références sont peut-être trop simplistes, mais je veux tout de même rappeler que nos lois pénales prévoient sept motifs pour une détention préventive – chacun les connaît bien – et, notamment, le risque que la personne s’éloigne, le risque pour l’ordre public, ou encore le risque que l’intéressé fasse pression sur d’autres personnes mêlées à l’affaire, auquel cas la bonne tenue de l’enquête justifie cette détention provisoire.
Je crois profondément que la distinction que vous faites entre la première mise en détention et le renouvellement de la détention provisoire est très contestable. Au fond, pour ce qui est de la première décision, on peut avoir une appréciation qui justifierait que la procédure soit relativement plus souple que pour la prolongation. Celle-ci, en quelque sorte, est plus grave que la mise en détention. En effet, quand vous avez été deux mois en détention provisoire et qu’on renouvelle celle-ci pour plusieurs mois supplémentaires, cette détention prend une autre tournure : c’est presque une peine qui s’applique sans le nom.
Je ne vois donc pas pourquoi la procédure devrait être plus souple pour le renouvellement que pour la première mise en détention provisoire. Je dirais même que, si l’on devait distinguer entre les deux décisions, il faudrait que la procédure soit plus souple pour la première mise en détention que pour la décision de prolongation. C’est d’ailleurs ce que la commission des lois a souhaité. Voilà pourquoi mes collègues rapporteurs ont émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je ne partage pas le raisonnement de M. le président de la commission, tout en ayant beaucoup de respect pour la manière dont il l’a énoncé.
En effet, selon moi, dans le cadre d’une détention provisoire, c’est tout de même le premier contact entre le juge et la personne soumise à cette mesure qui est le plus important : c’est à cette occasion que se mesurent l’ampleur de l’infraction commise et la réalité des motifs pour lesquels on place l’intéressé en détention provisoire.
Monsieur le président de la commission, nous ne parlons pas d’un renouvellement unique, qui serait plus grave que la première mise en contact du juge et du prévenu, mais de renouvellements réitérés à intervalle régulier. Les décisions de renouvellement du juge interviendront à plusieurs reprises. On peut dès lors estimer que, ce qui compte, c’est le premier contact, la première décision de mise en détention provisoire, parce que c’est là qu’est appréciée la réalité des critères imposant la détention provisoire. Je maintiens donc cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Nous ne suivrons pas la position du Gouvernement, pour les raisons que je vais exposer.
Chacun est sensible à la situation, et nous comprenons bien ce que Mme la garde des sceaux vient de nous expliquer. Il est vrai que c’est au moment du premier placement en détention que l’examen le plus approfondi est réalisé, parce qu’il se pose alors un vrai choix pour le magistrat : faut-il, ou non, permettre à la personne qu’on a devant soi de rester en liberté ? C’est pourquoi de nombreuses vérifications sont alors faites.
La difficulté qui demeure, madame la ministre, c’est le risque de facilité. Lorsque la personne ne sera pas devant le juge et que l’enquête sera toujours en cours, dès lors qu’il n’y aura plus cette capacité de dialogue réel, de présence du prévenu et de son avocat, de solliciter des vérifications, il y a fort à parier – nous pourrons en faire le bilan dans quelque temps – que la reconduction de la détention provisoire sera faite mécaniquement.
Pour avoir vécu de telles situations en tant qu’avocat, je sais combien cet enjeu est réel : c’est bien la présentation devant le juge qui fait la réalité de l’échange et donc celle des droits de la défense !
M. le président. L’amendement n° 345, présenté par MM. Buffet et Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 22
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article 884 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase, le mot : « premier » est remplacé par le mot : « deuxième » ;
2° À la troisième phrase, les mots : « cinquième et septième » sont remplacés par les mots : « sixième et huitième ».
La parole est à M. le corapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 346, présenté par MM. Buffet et Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
1° Alinéa 25, première phrase
Remplacer le mot :
accusé
par le mot :
avis
2° Alinéa 27, première phrase
Remplacer le mot :
accusé
par les mots :
demande d’avis
La parole est à M. le corapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 35, modifié.
(L’article 35 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 35
M. le président. L’amendement n° 270 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme Costes, MM. Guérini, Guillaume et Gabouty, Mme Jouve, MM. Menonville, Requier, Roux et Vall et Mme Laborde, est ainsi libellé :
Après l’article 35
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal est ainsi rédigé :
« N’est pas pénalement responsable la personne qui est réputée avoir été atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli ou gravement altéré son discernement ou empêché l’exercice de sa volonté sur le contrôle de ses actes. Des soins psychiatriques adaptés lui sont apportés. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Les personnes malades ou handicapées psychiques sont aujourd’hui surreprésentées en prison au regard de leur proportion dans la population totale. Certes, des maladies psychiques liées à l’enfermement sont développées en incarcération, mais l’incarcération est également la conséquence de ces maladies psychiques puisqu’il est rare que les responsabilités soient reconnues.
Dans sa rédaction actuelle, l’article 122-1 du code pénal établit en effet une distinction théorique entre l’abolition du discernement et du contrôle des actes d’une personne et l’atténuation du discernement ou entrave au contrôle de ses actes.
Dans le premier cas, cela se traduit par la reconnaissance d’une irresponsabilité pénale, mais dans le second cas la responsabilité pénale peut être engagée, avec une adaptation des peines prononcées le cas échéant.
Si cette distinction est satisfaisante sur le plan théorique, dans la pratique il apparaît qu’elle reste difficile à établir par les neuroscientifiques et les psychiatres, en particulier concernant les états de crise des personnes malades psychiques. Il existe un consensus pour préciser que, dans ces cas – crise d’hallucinations, violentes angoisses, sentiment de persécution, etc. –, la capacité d’exercer sa pleine volonté dans le contrôle de ses actes est particulièrement affectée, en plus du discernement.
Le présent amendement tend donc à préciser les circonstances dans lesquelles l’irresponsabilité pour trouble psychique ou neuropsychique peut-être constatée.
De façon plus globale, une réflexion approfondie sur les failles du système actuel de prise en charge de ces personnes doit être conduite, en particulier dans un contexte de surpopulation carcérale. Cet amendement vise explicitement à ouvrir ce débat, qui pourra s’appuyer sur l’excellent rapport d’information récemment réalisé par plusieurs de nos collègues sur la situation de la psychiatrie des mineurs en France.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Il s’agit bien sûr d’un sujet extrêmement important. L’irresponsabilité pénale, dont les principes viennent d’être rappelés, existe dès lors que l’altération psychologique de la personne qui a commis l’infraction est totale.
Le présent amendement tend à interroger le caractère souhaitable ou non du placement en détention des personnes dont l’altération psychologique n’est que partielle. Si ce placement est possible, il est certain qu’il pose une difficulté réelle.
Je rappelle que la législation a évolué, puisque, depuis 2011, les personnes qui sont victimes d’altération psychologique partielle peuvent voir leur responsabilité pénale engagée. S’il appartient au juge de déterminer à quel niveau et d’adapter la peine à chaque cas particulier, on ne peut exclure la possibilité d’un placement en détention.
La commission des lois estime que si la problématique soulevée est réelle, elle mérite d’être analysée de manière beaucoup plus approfondie, afin d’adapter la législation, sans exclure d’emblée un possible placement en détention.
La solution réside vraisemblablement dans les conditions de la détention. Nous avons pu constater à l’occasion d’autres travaux que les personnes incarcérées souffrant de difficultés psychologiques, voire de troubles psychotiques, sont de plus en plus nombreuses. Il nous faut trouver les moyens de traiter l’exécution de la peine, ou de prendre en compte ces situations particulières avant le prononcé de la peine.
C’est pourquoi, à ce stade, la commission des lois est plutôt défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame Laborde, je suis également défavorable à l’amendement que vous défendez, non pas évidemment pour la réflexion que vous souhaitez lancer sur ce sujet, qui me tracasse beaucoup – nous avons déjà eu l’occasion d’en parler –, mais pour les deux raisons que je vais développer.
Sur la forme, le présent projet de loi porte sur la procédure pénale. Il s’agit certes d’un argument purement formel, mais nous ne traitons pas du fond.
Sur le fond, dans la situation actuelle, le trouble grave du discernement justifie une diminution de la peine, comme le Sénat l’a d’ailleurs réaffirmé en adoptant la loi Taubira de 2014, mais non une totale irresponsabilité pénale, qui n’est justifiée qu’en cas d’abolition du discernement, autrement dit d’altération totale du discernement.
Sans doute faut-il approfondir la réflexion, comme l’a suggéré M. le corapporteur, mais, dans la situation actuelle, je souhaite que nous en restions aux dispositions en vigueur. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Madame Laborde, l’amendement n° 270 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Non, je vais le retirer, d’autant qu’un travail a été entrepris sur ce sujet au travers du rapport Amiel et par d’autres collègues encore. Mais nous reviendrons en deuxième semaine, si j’ose dire, madame la garde des sceaux ; vous pouvez compter sur nous !
Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 270 rectifié est retiré.
L’amendement n° 271 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme Costes, MM. Gabouty, Guérini, Guillaume, Menonville, Requier, Roux et Vall et Mme Laborde, est ainsi libellé :
Après l’article 35
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 132-41 du code pénal, il est inséré un article L. 132-41-… ainsi rédigé :
« Art. 132-41-… – Lorsque la santé mentale de la personne condamnée est reconnue comme sujette à des altérations identifiées, la juridiction peut décider que le sursis probatoire consiste en un suivi renforcé pluridisciplinaire et évolutif comprenant une obligation de soins psychiatriques faisant l’objet d’un suivi régulier par le service pénitentiaire d’insertion et de probation visant à fournir à la personne les meilleures chances d’améliorer sa santé et de pouvoir ainsi se réinsérer au sein de la société. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Dans le même esprit que le précédent, cet amendement vise à souligner que les personnes atteintes de maladies psychiques n’ont pas leur place en prison.
Selon l’Observatoire international des prisons, près de 17 000 détenus en France présentent des troubles et des maladies psychiatriques. C’est plus que le nombre de places que le Gouvernement s’était engagé à construire. En outre, en détention pénitentiaire, à l’exception des unités hospitalières spécialement aménagées, les UHSA, seuls des soins ambulatoires limités aux jours ouvrables et aux horaires de bureau sont dispensés aux malades volontaires.
C’est pourquoi le présent amendement vise à développer, parmi les mesures alternatives à l’emprisonnement, le sursis probatoire incluant l’observance de soins psychiatriques adaptés. Cette mesure permettrait de favoriser l’insertion ou la réinsertion des personnes et de prévenir le risque de récidive.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Ce sujet est également très important. Permettez-moi d’indiquer que, dans le droit positif, le suivi socio-judiciaire et l’accompagnement des personnes souffrant de ce type de troubles dans le cadre de la probation sont déjà assurés. Dans le texte de la commission, nous proposons d’ailleurs une redéfinition de l’échelle des peines visant notamment l’autonomisation de la peine de probation, dont nous espérons qu’elle deviendra une peine principale.
Cet amendement étant satisfait par le droit positif, j’en sollicite le retrait ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je souscris aux propos de M. le corapporteur.
Monsieur Requier, nous nous heurtons actuellement à de grandes difficultés en matière de soins psychiatriques en détention. Mme la ministre des solidarités et de la santé et moi-même avons entamé un travail sur ce sujet. Celui-ci sera alimenté par le rapport sur la prise en charge des soins psychiatriques qui nous sera remis dans les semaines à venir.
Comme vous le savez, actuellement les soins psychiatriques sont pris en charge soit dans les prisons par les services médico-psychologiques régionaux, les SMPR, soit par les UHSA, qui sont au fond des prisons dans l’hôpital.
Les difficultés – ce n’est pas nouveau, vous le savez – tiennent premièrement au manque de personnel médical dans le domaine psychiatrique, deuxièmement au manque de places – ce point relève de mon ministère, et il sera intégré dans les programmations pour les établissements pénitentiaires – et troisièmement à la nature des soins et à ce que peuvent faire les personnels médicaux dans les prisons.
En effet, si un détenu placé en hôpital psychiatrique a l’obligation de suivre les thérapies qui lui sont proposées, il peut les refuser à son retour en détention trois ou quatre jours plus tard. Cela entraîne des ruptures de soins problématiques. Je souhaiterais que nous puissions faire évoluer les choses, car il s’agit d’un sujet très sensible.
Ces différents chantiers ne répondent pas directement à l’objet de votre amendement, monsieur le sénateur, mais ils me semblent correspondre à la réalité des difficultés que nous rencontrons.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Permettez-moi d’apporter un complément d’information à Mme la garde des sceaux, ou du moins d’insister sur ce qu’elle sait déjà.
En juin dernier, j’ai organisé au Sénat un colloque réunissant des psychiatres, des personnels de santé et des personnels pénitentiaires. Ils ont été nombreux à insister sur le fait que, à défaut de places dans les hôpitaux psychiatriques, on place actuellement de nombreux détenus souffrant de troubles psychiatriques en prison, et que cette situation est ingérable.
Telle fut la conclusion de cet après-midi de débats. Il me semble qu’il faut faire quelque chose pour régler ce problème.
M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 271 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. En écoutant le débat, je constate que l’on manque de places partout !
Nous sommes heureux d’avoir versé notre contribution à cette réflexion. À présent, en coordination avec mes collègues, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 271 rectifié est retiré.
Sous-section 3
Dispositions relatives à la clôture et au contrôle de l’instruction
Article 36
I. – L’article 84-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les références : « les articles 161-1 et 175 » sont remplacées par la référence : « l’article 161-1 » et, à la fin, les mots : « ces articles » sont remplacés par les mots : « cet article » ;
2° Le dernier alinéa est supprimé.
II. – L’article 175 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 175. – I. – Aussitôt que l’information lui paraît terminée, le juge d’instruction communique le dossier au procureur de la République et en avise en même temps les avocats des parties ou, si elles ne sont pas assistées par un avocat, les parties. L’avis est notifié, soit verbalement avec émargement au dossier, soit par lettre recommandée. Lorsque la personne est détenue, il peut également être notifié par les soins du chef de l’établissement pénitentiaire, qui adresse sans délai au juge d’instruction l’original ou la copie du récépissé signé par l’intéressé.
« II. – Le procureur de la République dispose alors d’un délai d’un mois si une personne mise en examen est détenue ou de trois mois dans les autres cas pour adresser ses réquisitions motivées au juge d’instruction. Copie de ces réquisitions est adressée dans le même temps par lettre recommandée aux avocats des parties ou, si elles n’ont pas d’avocats, aux parties.
« III. – Dans un délai de quinze jours à compter de l’envoi de l’avis prévu au I du présent article, les parties peuvent faire connaître au juge d’instruction, selon les modalités prévues à l’avant-dernier alinéa de l’article 81, qu’elles souhaitent exercer l’un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI du présent article.
« IV. – Si elles ont indiqué souhaiter exercer ces droits conformément au III, les parties disposent d’un même délai d’un mois ou de trois mois, selon les distinctions prévues au II, pour :
« 1° Adresser des observations écrites au juge d’instruction, selon les mêmes modalités ; copie de ces observations est alors adressée en même temps au procureur de la République ;
« 2° Formuler des demandes ou présenter des requêtes, selon les mêmes modalités, sur le fondement du neuvième alinéa de l’article 81, des articles 82-1, 82-3, du premier alinéa de l’article 156 et du troisième alinéa de l’article 173, sous réserve qu’elles ne soient pas irrecevables en application des articles 82-3 et 173-1.
« À l’expiration du délai mentionné au II du présent article, les parties ne sont plus recevables à adresser de telles observations ou formuler ou présenter de telles demandes ou requêtes.
« V. – Si les parties ont adressé des observations en application du 1° du IV, le procureur de la République dispose d’un délai de dix jours si une personne mise en examen est détenue ou d’un mois dans les autres cas pour adresser au juge d’instruction des réquisitions complémentaires à compter de la date à laquelle ces observations lui ont été communiquées.
« VI. – Si les parties ont indiqué qu’elles souhaitaient exercer ce droit conformément au III, elles disposent d’un délai de dix jours si une personne mise en examen est détenue ou d’un mois dans les autres cas pour adresser au juge d’instruction des observations complémentaires à compter de la date à laquelle les réquisitions leur ont été communiquées.
« VII. – À l’issue, selon les cas, du délai d’un mois ou de trois mois prévu aux II et IV, ou du délai de dix jours ou d’un mois prévu aux V et VI, le juge d’instruction peut rendre son ordonnance de règlement, y compris s’il n’a pas reçu de réquisitions ou d’observations dans ces délais.
« VIII. – Le III, le 1° du IV, le VI et, s’agissant des requêtes en nullité, le 2° du IV sont également applicables au témoin assisté. »
III. – (Supprimé)
IV. – Au deuxième alinéa de l’article 185 du code de procédure pénale, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « dix ».
V à VII. – (Supprimés)
M. le président. L’amendement n° 35, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’article 36 simplifie le renvoi par le juge d’instruction à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, la CRPC, qui a été instaurée en 2004 afin de désengorger les tribunaux correctionnels.
Cette procédure ne peut être mise en place que sous certaines conditions, notamment la reconnaissance des faits de la part de la personne poursuivie, ce qui en fait une procédure de « plaider-coupable » à la française.
Cependant, depuis la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles, le juge d’instruction a la possibilité de renvoyer, avec l’accord des parties et du ministère public, des faits correctionnels reconnus pour être jugés selon cette procédure.
Cette procédure en vigueur est depuis près de sept ans, mais elle n’est que très peu utilisée – les juges n’y ont recours que pour 1 % des informations judiciaires correctionnelles selon l’étude d’impact du projet de loi, soit environ une centaine de dossiers par an au niveau national –, essentiellement car elle ne correspond pas à un besoin véritable, les informations judiciaires auxquelles elle est susceptible d’être appliquée étant de fait très rares.
La CRPC, mode de jugement dégradé et superficiel, apparaît en effet peu compatible avec le niveau de gravité et de complexité que suppose par principe le recours à une information judiciaire.
Le projet de loi prévoit néanmoins de renforcer ce mode de jugement en permettant au parquet de se dispenser du travail de règlement de la procédure et au juge d’instruction d’éviter la rédaction d’une ordonnance de renvoi motivée – une exigence pouvant pourtant considérée comme une garantie fondamentale dans la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, adoptée à la suite de l’affaire dite « d’Outreau ».
Ainsi est étendu le recours à une procédure dont plus de six ans d’expérience n’ont pas démontré l’utilité et qui est de nature à créer de lourdes difficultés dans les quelques dossiers pour lesquels elle serait utilisée, dans l’espoir de gains de temps tout de même très hypothétiques.
Cette extension ne semble être justifiée que par une foi aveugle, et j’oserai dire quelque peu naïve, dans la procédure de CRPC.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission estime que la réduction du délai de clôture de l’instruction est une disposition importante de l’article 36. Le présent amendement tendant à supprimer cet article, elle a émis un avis défavorable.
La CRPC est une procédure à laquelle les magistrats peuvent avoir recours dans un certain nombre de situations, notamment lorsque l’auteur d’une infraction admet sa culpabilité.
On peut comprendre qu’il soit plus compliqué de l’appliquer pour des dossiers soumis à l’instruction, qui sont plus complexes et comportent de plus lourds enjeux. C’est ce qui explique – je l’imagine – le pourcentage plus faible que vous avez évoqué, ma chère collègue. Il convient toutefois de conserver cet outil dans notre arsenal juridique.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame Assassi, le Gouvernement est naturellement opposé à la suppression de cet article, qui, selon nous, améliore les règles applicables au contrôle et à la clôture de l’instruction.
En particulier, l’amélioration du mécanisme du règlement contradictoire, qui s’appliquera si une partie l’a demandé et non de manière systématique, a vocation à être maintenu, afin de raccourcir les délais de l’instruction dans un souci d’efficacité et de bonne administration de la justice – nous évitons d’ailleurs la systématisation du délai de trois mois en prévoyant un délai de quinze jours.
De même, l’uniformisation du délai d’appel du procureur de la République des ordonnances du juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention devant la chambre de l’instruction sur ceux du procureur général et des autres parties nous semble pleinement justifiée.
Enfin, nous proposons de mettre en place une passerelle entre l’instruction et la CRPC. Cette solution permettra de revitaliser cette procédure, qui nous semble tout à fait pertinente.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 153, présenté par MM. J. Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain, Leconte, Kerrouche, Fichet et Houllegatte, Mmes Préville, Meunier, Lubin, Jasmin et Blondin, MM. Jeansannetas, Cabanel et Montaugé, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
quinze jours
par les mots :
quarante-cinq jours
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Si de nombreux praticiens se sont plaints de la longueur et de la rigidité des délais prévus lors de la clôture de l’instruction, il n’en demeure pas moins que le respect du contradictoire constitue une pièce maîtresse dans le déroulement du procès pénal, car il est la condition de l’exercice effectif des droits de la défense.
Dans le droit en vigueur, le juge d’instruction doit communiquer le dossier au procureur de la République et en aviser en même temps les parties et leurs avocats aussitôt que l’information lui paraît terminée. Le procureur de la République dispose alors d’un délai d’un mois si une personne mise en examen est détenue, ou de trois mois dans les autres cas pour adresser ses réquisitions motivées au juge d’instruction.
Copie de ce règlement définitif est adressée dans le même temps aux parties par lettre recommandée. Les parties disposent du même délai pour adresser des observations écrites au juge d’instruction, pour formuler des demandes ou pour présenter des requêtes. À l’expiration de ce délai, les parties ne sont plus recevables à formuler ou présenter de telles demandes ou requêtes.
L’article 36 du texte initial du présent projet de loi donne un délai de dix jours aux parties pour annoncer si elles souhaitent recourir aux mécanismes de règlement contradictoire de l’instruction ou y renoncer.
On escompte que les parties ne recourent à ce mécanisme que si elles estiment qu’il présente un intérêt. Mais, en pratique, le mécanisme du règlement contradictoire ne s’appliquera que si une partie l’a demandé et non de manière systématique.
Outre que le dispositif retenu par l’article 36 complexifie la procédure, ce qui nous semble contraire à l’objectif du projet de loi, le mécanisme envisagé oblige les parties à réagir dans des délais extrêmement contraints, ce qui retire au droit de la défense une réelle effectivité, portant atteinte au caractère du contradictoire, donc à la protection du justiciable.
La commission des lois a porté ce délai de dix à quinze jours. Nous estimons qu’il serait plus raisonnable de laisser aux parties un délai de quarante-cinq jours, afin que celles-ci disposent de plus de temps pour prendre position.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Sans revenir sur le fond, à l’issue de l’instruction, le magistrat instructeur rend une ordonnance de règlement qui clôture son instruction. Il en informe le procureur de la République et chacune des parties, qui, dans le droit positif, dispose d’un délai pour demander des éléments d’information complémentaires.
Le projet de loi réduit ce délai de quarante-cinq jours à dix jours. La commission a jugé que c’était un peu court ; elle a considéré qu’un délai de quinze jours était plus raisonnable pour permettre aux parties de formuler une demande complémentaire ; libre ensuite au magistrat de donner ou non son accord.
De plus, il faut reconnaître que les demandes formulées le quarante-troisième jour à la veille de la remise de l’ordonnance relèvent parfois d’une manœuvre dilatoire visant à faire durer le procès. Dans ces conditions, un délai de quinze jours nous paraît tout à fait raisonnable.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’allongement du délai, qui a été porté de dix à quinze jours sur proposition de la commission, comme vient de le rappeler M. le corapporteur, paraît suffisant pour garantir les droits des parties.
Il me semble que porter ce délai à quarante-cinq jours serait complètement excessif. En effet, il excéderait ainsi le délai d’un mois qui est accordé aux parties pour présenter leurs réquisitions, observations et demandes dans le cadre du dossier qui concerne une personne détenue.
Le Gouvernement souhaite réellement accélérer les délais de règlement, car, dans la plupart des dossiers, il n’y a pas de demande d’actes. Le délai de trois mois allongeant inutilement la procédure, nous souhaitons vraiment en rester au délai de quinze jours qui est proposé.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 347, présenté par MM. Buffet et Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer trois paragraphes ainsi rédigés :
… – À la première phrase du dernier alinéa de l’article 173 du code de procédure pénale, les mots : « 175, quatrième alinéa » sont remplacés par les mots : « 175, quatrième à septième alinéas ».
… – Au huitième alinéa de l’article 116 du code de procédure pénale, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième ».
… – À la seconde phrase du troisième alinéa de l’article 186-3 du code de procédure pénale, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « sixième ».
La parole est à M. le corapporteur.
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 240, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Rétablir les V à VII dans la rédaction suivante :
V. – Au deuxième alinéa des articles 41-4 et 778 du code de procédure pénale, les mots : « à la chambre de l’instruction » sont remplacés par les mots : « au président de la chambre de l’instruction ou à la chambre de l’instruction».
VI. – À l’article 41-6 et à la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article 706-153 du même code, les mots : « la chambre de l’instruction » sont remplacés par les mots : « le président de la chambre de l’instruction ou la chambre de l’instruction».
VII. - Après l’article 170 du même code, il est inséré un article 170-1 ainsi rédigé :
« Art. 170-1. - Lorsque la solution d’une requête en annulation paraît s’imposer de façon manifeste, le président de la chambre de l’instruction statue sur cette demande, conformément aux dispositions de l’article 199, sans la présence des deux conseillers de la chambre.
« Si la décision qui s’impose consiste dans l’annulation des actes ou pièces de la procédure, elle peut, en cas d’accord du ministère public, être prise par ordonnance sans qu’il soit procédé à l’audience prévue par l’article 199.
« L’auteur de la requête en annulation peut cependant demander que celle-ci soit examinée par la chambre de l’instruction. »
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le présent amendement tend à rétablir les dispositions supprimées par la commission des lois, afin d’étendre la compétence du président de la chambre de l’instruction statuant à juge unique pour les contentieux en matière de saisie, de restitution et de rectification d’identité, tout en lui permettant de statuer à juge unique, le cas échéant sans audience, pour les requêtes en annulation dont la solution paraît s’imposer.
Ces dispositions constituent selon nous des simplifications cohérentes. En effet, la rigidité des règles d’examen en formation collégiale des requêtes en annulation ne se justifie pas lorsque la nullité est évidente. Ces simplifications sont d’ailleurs très attendues par les acteurs du droit, compte tenu de la longueur des délais de traitement par la chambre d’instruction, du fait de son encombrement.
Cependant, pour tenir compte des inquiétudes de la commission des lois, il est proposé que, si l’auteur de la requête le demande, celle-ci soit examinée par la chambre de l’instruction dans sa formation collégiale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission ayant adopté un amendement de nos collègues du groupe socialiste et républicain qui visait à maintenir le principe de la collégialité, elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Permettez-moi d’exprimer nos préventions quant à l’évolution du texte.
Concernant tout d’abord la procédure dite « du plaider-coupable », le projet de loi prévoyait que, lorsque la proposition émanait du procureur de la République, les parties disposaient d’un délai de dix jours pour se prononcer. En cas d’accord, les dispositions de l’article 175 du code de procédure pénale n’étaient pas applicables.
Cette solution permet au parquet de se dispenser du travail de règlement de la procédure et au juge d’instruction d’éviter la rédaction d’une ordonnance de renvoi motivé. Or le règlement nous semble constituer un indispensable travail de synthèse et d’analyse de la procédure. Nous avions déposé en commission un amendement de suppression de cette mesure, qui a été adopté par la commission des lois.
Concernant ensuite la collégialité, qu’il vient d’être question de réduire, de la chambre d’instruction, il nous semble que cette collégialité constitue un gage de qualité de la délibération et une protection du justiciable contre les aléas liés à des décisions individuelles.
L’article 36 du projet de loi allège la charge de la chambre de l’instruction dans sa formation collégiale. Il étend dans trois matières la compétence du président de la chambre de l’instruction statuant à juge unique, lui permettant éventuellement de statuer sur cette demande à juge unique – le cas échéant sans audience lorsque le parquet admet lui aussi la nécessité d’annuler les pièces.
Nous avions présenté en commission un amendement de suppression de ces mesures, et celui-ci a été adopté par la commission des lois, les corapporteurs ayant exprimé un avis de sagesse. Nous constatons avec regret que le Gouvernement souhaite rétablir une partie de ces mesures au travers de l’amendement n° 240. Vous ne serez donc pas surpris par notre intention de voter contre celui-ci.
M. le président. Je mets aux voix l’article 36, modifié.
(L’article 36 est adopté.)
Chapitre III
Dispositions relatives à l’action publique et au jugement
Section I
Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites et aux poursuites
Sous-section 1
Dispositions clarifiant et étendant la procédure de l’amende forfaitaire
Article 37
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 3353-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le délit prévu au premier alinéa du présent article, y compris en cas de récidive, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée de 600 €. » ;
2° L’article L. 3421-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le délit prévu au premier alinéa du présent article, y compris en cas de récidive, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée de 600 €. »
II. – L’article L. 3315-5 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le délit prévu au premier alinéa du présent article, y compris en cas de récidive, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 800 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 640 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée de 1 600 €. »
III. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article 495-17 est ainsi rédigé :
« Lorsque la loi le prévoit, le procureur de la République peut recourir à la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle. Le paiement de l’amende forfaitaire délictuelle fixée par la loi, qui ne peut excéder le montant prévu au premier alinéa de l’article 131-13 du code pénal, éteint l’action publique dans les conditions prévues à la présente section. » ;
1° bis (nouveau) Après l’article 495-17, il est inséré un article 495-17-1 ainsi rédigé :
« Art. 495-17-1. – Pour les délits, prévus par le code pénal, punis d’une peine d’amende, le procureur de la République peut recourir à la procédure de l’amende forfaitaire, conformément à la présente section, lorsque la personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés et que les victimes éventuelles ont été intégralement désintéressées.
« Sauf disposition contraire, l’action publique peut être éteinte par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée de 600 €. » ;
2° L’article 495-23 est abrogé ;
3° L’article 768 est complété par un 11° ainsi rédigé :
« 11° Les informations relatives au paiement des amendes forfaitaires ou à l’émission du titre exécutoire des amendes forfaitaires majorées non susceptibles de réclamation pour les délits et pour les contraventions de la cinquième classe. » ;
4° Après le 4° de l’article 768-1, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Les informations relatives au paiement des amendes forfaitaires ou à l’émission du titre exécutoire des amendes forfaitaires majorées non susceptibles de réclamation pour les délits et pour les contraventions de la cinquième classe. » ;
5° L’article 769 est ainsi modifié :
a) Après les mots : « expiration de la peine », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « , la date du paiement de l’amende et la date d’émission du titre exécutoire de l’amende forfaitaire majorée non susceptible de réclamation. » ;
b) Le 6° est complété par les mots : « , soit fait l’objet d’une amende forfaitaire délictuelle mentionnée au 11° de l’article 768 du présent code » ;
c) Il est ajouté un 11° ainsi rédigé :
« 11° Les fiches relatives aux amendes forfaitaires mentionnées au 11° de l’article 768, à l’expiration d’un délai de trois ans à compter de leur paiement, si la personne n’a pas, pendant ce délai, soit subi de condamnation à une peine criminelle ou correctionnelle, soit exécuté une composition pénale, soit fait de nouveau l’objet d’une amende forfaitaire délictuelle. » ;
6° Après le 15° de l’article 775, il est inséré un 16° ainsi rédigé :
« 16° Les amendes forfaitaires mentionnées au 11° de l’article 768 du présent code. »
IV. – Le code de la route est ainsi modifié :
1° L’article L. 121-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 121-5. – Les règles relatives à la procédure de l’amende forfaitaire applicable à certaines infractions au présent code sont fixées aux articles 495-17 à 495-25 et 529-7 à 530-4 du code de procédure pénale.
« Le recours à cette procédure, y compris en cas d’extinction de l’action publique résultant du paiement de l’amende forfaitaire, ne fait pas obstacle à la mise en œuvre et l’exécution des mesures administratives de rétention et de suspension du permis de conduire, ou d’immobilisation et de mise en fourrière du véhicule, prévues aux articles L. 224-1 à L. 224-7 et L. 325-1 et L. 325-1-2 du présent code. » ;
2° La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 325-1-2 est complétée par les mots : « , sauf s’il a été recouru à la procédure de l’amende forfaitaire ».
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l’article 37 du présent projet de loi prévoit notamment une amende forfaitaire pour usage de stupéfiants.
Présenté il y a quelques mois par le Gouvernement comme un premier pas vers la décriminalisation de l’usage des stupéfiants, qui viendrait remplacer les peines de prison auxquelles sont parfois condamnés certains consommateurs, l’alinéa 2 de l’article 37 renforce simplement l’arsenal pénal prévu pour sanctionner la prise de drogue.
Sur un tel sujet, le bon sens devrait primer. Plutôt que la répression, une véritable politique de santé publique et de prévention devrait être mise en place. Plutôt que d’enfermer les consommateurs victimes d’addiction, accompagnons-les !
Depuis plusieurs années maintenant, je milite pour la légalisation contrôlée du cannabis – j’ai d’ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens –, ainsi que la décriminalisation des autres drogues comme l’héroïne, la cocaïne ou le crack.
Nous ne saurions mettre tous les stupéfiants sur le même plan, comme le fait notre droit. Le cannabis a déjà fait l’objet d’une légalisation contrôlée dans certains pays européens et États fédérés américains, ainsi qu’au Canada, pour la consommation récréative aussi bien que médicale.
Malgré la répression accrue de la consommation du cannabis dans notre pays, le nombre d’utilisateurs augmente vertigineusement d’année en année. On aurait pu au moins espérer la dépénalisation du cannabis, qui est déjà effective dans la grande majorité des pays européens. Or l’amende délictuelle ne constitue nullement une dépénalisation, bien au contraire.
Quant aux autres stupéfiants, ils créent dans tous les cas une dépendance et nuisent fortement à la santé de leurs consommateurs. Il est urgent d’accompagner ceux-ci, et de la meilleure manière.
Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait donné quelques gages en faveur de la légalisation du cannabis. Aujourd’hui, il rétropédale et traite la question aux antipodes de ses promesses antérieures. Pourtant, on ne peut envisager de meilleur moyen de contrôler une consommation que de la rendre légale afin de la réguler et d’en prévenir les risques tout en s’adonnant à la prévention en général et à l’accompagnement des addicts.
C’est pourquoi nous enjoignons l’exécutif à mener une réflexion en la matière. Il est temps de poser avec courage et pragmatisme la question de la légalisation contrôlée du cannabis.
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.
M. Maurice Antiste. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, sous le titre « Dispositions clarifiant et étendant la procédure de l’amende forfaitaire », l’article 37 crée trois groupes d’amendes forfaitaires délictuelles, qui s’ajouteraient aux deux cas déjà prévus par la loi de 2016-1547 de modernisation de la justice du XXIe siècle.
L’amende forfaitaire délictuelle constitue à mon sens une négation absolue du principe d’individualisation de la peine, en ce qu’elle réduit l’acte de juger à l’application de tarifs à la seule appréciation des forces de l’ordre, sans intervention préalable de magistrats.
Selon le Syndicat de la magistrature, c’est d’autant plus grave que l’on nous propose ni plus ni moins d’étendre ce dispositif d’amende forfaitaire à trois nouvelles infractions, dont la principale est l’usage de stupéfiants, alors même qu’il reste purement et simplement inapplicable en pratique, faute de mesures réglementaires d’application, en raison d’obstacles juridiques et techniques non résolus.
De plus, loin de l’ambition de clarification affichée, ce projet de loi sème la confusion sur un certain nombre de points.
Ainsi, il y a une réelle incohérence entre le montant des amendes forfaitaires prévu par le projet de loi et les peines délictuelles encourues. Par exemple, l’amende forfaitaire pour la conduite sans assurance – 500 euros – est plus lourde que celle qui est prévue pour la vente d’alcool à un mineur – 300 euros –, alors que c’est l’inverse concernant leurs peines délictuelles, respectivement 3 750 euros et 7 500 euros.
De la même façon, l’article L. 3353-5 du code de la santé publique prévoit qu’aucune peine ne sera appliquée au prévenu qui peut prouver « qu’il a été induit en erreur sur l’âge du mineur, sur la qualité ou l’âge de la personne l’accompagnant ou encore sur l’état du malade ». Quid de l’application de cette disposition en cas de procédure de forfaitisation ?
En outre, je tiens à le souligner, la mise en place d’une amende forfaitaire pour usage de stupéfiants n’empêcherait aucunement les poursuites directes devant le tribunal correctionnel et ne constituerait donc pas un allégement de la répression ni une simplification : elle serait plus vraisemblablement de nature à « élever significativement le niveau de répression de l’usage de stupéfiants ». Cela va clairement à l’encontre du rapport de la mission d’information parlementaire du mois de janvier 2018, qui recommande la contraventionnalisation de l’usage de stupéfiants au regard des moyens insuffisants accordés à la justice pour traiter ce délit.
C’est pourquoi j’ai déposé un amendement tendant au maintien de la possibilité de suivre un stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants en lieu et place du paiement de l’amende forfaitaire. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.
Mme Éliane Assassi. Plusieurs associations – Fédération Addiction, Syndicat de la magistrature, Autosupport des usagers de drogues ou ASUD, la Ligue des droits de l’homme, Médecins du Monde, AIDES – considèrent que cet article marquerait un net recul quant à la santé, aux avancées des politiques de réduction des risques et aux droits des usagers et usagères de drogues, qui demeurent les oubliés des politiques publiques qui les concernent.
En réalité, cette mesure d’extension de l’amende forfaitaire délictuelle au délit d’usage de stupéfiants n’a d’autre finalité que de poursuivre et d’affirmer la politique du chiffre et de faciliter la répression, en rendant la procédure plus expéditive, en faisant fi des pratiques diverses – pour la plupart non problématiques –, de la consommation de stupéfiants, et cela bien évidemment en passant sous silence les enjeux sanitaires.
Pourtant, un consensus se dégage, y compris en France, pour réduire la pression pénale. L’avis sur les addictions du Conseil économique, social et environnemental, publié au mois de juin 2015 pointe les limites de la politique répressive, souligne la nécessité de lever les stigmatisations qui pèsent sur les usagers et usagères de drogues et plaide en faveur de l’ouverture d’un débat public sur les sanctions. Dans son avis « Usages de drogues et droits de l’homme » du mois de novembre 2016, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, préconise notamment de renforcer et de sécuriser les politiques de réduction des risques et de leur donner des moyens.
Or ce projet de loi place policiers et gendarmes dans la position d’évaluer la situation sociale et sanitaire d’une personne, dans un contexte qui ne permet pas de prendre en compte la complexité des parcours, des trajectoires et des risques associés à la consommation.
Cette confusion des genres est dangereuse, dans la mesure où il existe une pluralité de consommations, comme le rappelle l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, l’OFDT : les usages problématiques de produit sont liés à l’environnement social, au contexte de la pratique, aux facteurs de vulnérabilité de la personne, à la fréquence et à la quantité, bien plus qu’au caractère licite ou illicite des substances.
Mes chers collègues, sachez que, avec ce choix, la France ferait toujours partie des six pays européens continuant de sanctionner l’usage de cannabis par une peine de prison ferme,…
M. Alain Richard. Ah !
Mme Éliane Assassi. … au lieu de considérer ce problème avant tout comme une question de santé publique.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, sur l’article.
Mme Catherine Conconne. Je sais qu’il est compliqué d’avoir une échelle de peines performante pour un usage qui est aujourd’hui devenu un effet de société, un fait de société, parfois une mode, voire un snobisme entre copains, une façon de se prouver, lorsque l’on est adolescent, que l’on est un homme, fort, costaud, et que l’on peut ainsi entrer dans le monde des adultes.
Personnellement, sur le sujet de la consommation de drogue, je ne céderai ni à la candeur ni à l’angélisme. Une drogue reste une drogue. Aujourd’hui, il n’est plus question de catégoriser les effets de ces consommations. J’invite tous ceux qui continueraient de croire qu’il s’agit de substances que l’on pourrait légaliser et que l’on pourrait tendre vers une certaine permissivité à rencontrer des parents d’enfants consommateurs et à visiter les hôpitaux psychiatriques.
Mme Éliane Assassi. Ah !
Mme Catherine Conconne. Ces établissements regorgent d’enfants, de jeunes, d’adolescents qui ont sombré dans la schizophrénie après une consommation de cannabis dont le caractère toxique a été prouvé.
Certes, l’échelle des peines est difficile à mettre en place. On pourrait parler de contraventions, de stages, comme vient de le proposer mon collègue, ou de pédagogie. Aujourd’hui, notre devoir est aussi, pourquoi pas, de taper au porte-monnaie, pour faire comprendre que le cannabis n’est pas une substance neutre, qui ne ferait pas de dégât : le cannabis est une drogue qui fait des dégâts dans le cerveau de tous, notamment des jeunes, et provoque, chez nombre d’entre eux, une kyrielle d’effets dont il est aujourd’hui difficile de guérir.
Aussi, faites de votre mieux, tous ici. L’État doit mettre en place toutes les panoplies possibles et imaginables pour permettre une prise de conscience de la toxicité et des effets indésirables causés par un fait qui s’est banalisé, mais qui est hautement dommageable, en particulier chez les jeunes. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, sur l’article.
M. Jacques Bigot. Mes chers collègues, je vous ai tous écoutés avec attention ; vous abordez, à juste titre, le débat sous l’angle du code de la santé publique, puisque c’est là que sont prévues les amendes forfaitaires.
Ce n’est pas ce que fait Mme le garde des sceaux, dont la démarche vise à soulager l’organisation judiciaire. Elle propose donc, pour des raisons de surcharge de travail et face à l’impossibilité des parquets d’appliquer la législation, la mise en place de l’amende forfaitaire. Ce n’est pas forcément la bonne solution, mais ce n’est pas forcément non plus la plus mauvaise. Ce qui est gênant, c’est d’aborder cette question sans une réflexion stratégique, qui s’inscrive dans le code de la santé publique.
Comment faire pour prévenir la consommation des jeunes ? Certains pensent que la libéralisation serait une solution.
Mme Esther Benbassa. Une légalisation contrôlée !
M. Jacques Bigot. Personnellement, je n’en suis pas sûr.
Notre collègue Maurice Antiste considère, à juste titre, qu’il vaudrait mieux imposer aux jeunes un stage qu’une amende forfaitaire, puisque ce sont leurs parents qui paieront cette dernière et que la famille en souffrira encore davantage.
Cet article aborde le problème sous un seul angle, en considérant que les amendes forfaitaires permettront au procureur de mieux poursuivre et que cela crée une stratégie. Pour autant, je ne suis pas sûr que ce texte soit le bon véhicule pour aborder ces questions, dans la mesure où il n’a pour objectif que d’arriver à équilibrer le programme financier de l’organisation judiciaire. C’est le cas de tous les sujets convoqués dans ce texte.
Selon moi, il n’y a pas suffisamment de poursuites et elles seraient de toute façon trop lourdes. Ce n’est donc sans doute pas la solution. Reste que décider que l’on ne fait plus rien du tout serait dramatique.
C’est la raison pour laquelle l’amende forfaitaire est peut-être la solution. Cela supposerait, madame la garde des sceaux, que vous nous expliquiez la stratégie du Gouvernement et celle de la ministre de la santé sur ce sujet.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 36 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, cet article traite de l’application d’une procédure d’amende forfaitaire au délit d’usage illicite de stupéfiants.
Cette mesure a été présentée par le ministre de l’intérieur comme une réponse permettant de simplifier le travail des forces de l’ordre et de la justice et visant à automatiser les peines en la matière.
Or le principe d’individualisation de la peine est ici bafoué, et la mesure octroie un pouvoir arbitraire aux forces de l’ordre chargées d’appliquer la contravention. Celles-ci pourront de ce fait sanctionner sans limites, au plus grand mépris des droits des personnes suspectées. En plus d’augmenter les inégalités des citoyens devant la loi, une telle mesure est dénuée de toute réflexion sur les questions relatives à la santé publique, pour ce qui a trait à la prévention et au traitement de l’addiction.
Le seul effet de l’amende sera d’aggraver par une sanction pécuniaire une situation souvent déjà précaire : nous savons que les comportements de consommation sont diversifiés et divergent entre les milieux paupérisés et les milieux mondains.
Ce dispositif, en plus d’accroître le millefeuille législatif en matière de répression de l’usage des stupéfiants, semble inefficace, compte tenu de l’impossibilité juridique d’appliquer une amende forfaitaire délictuelle pour les mineurs, qui, pour certains d’entre eux, sont devenus des consommateurs réguliers – leur nombre augmente d’ailleurs sans cesse. Elle sera donc dénuée de tout effet dissuasif chez les populations les plus jeunes.
Cette mesure, mes chers collègues, est quelque peu rétrograde. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’alinéa 2 de cet article. Englobant tous les stupéfiants, il paraîtra répressif pour les uns et laxiste pour les autres. Ce sera en effet la même amende pour le cannabis, l’héroïne, la cocaïne, etc.
Il est temps d’ouvrir ce débat, d’abord pour changer la liste des stupéfiants et distinguer le cannabis des autres stupéfiants. En France, ce débat reste tabou. Or qui dit « tabou » dit « pas de prévention et pas d’accompagnement ».
M. le président. Mes chers collègues, je vous invite à ne pas dépasser le temps qui vous est imparti.
L’amendement n° 81 rectifié bis, présenté par M. Grand, Mmes Eustache-Brinio et Micouleau, MM. Pellevat, Courtial, Savary et Bascher, Mmes Berthet et Imbert, MM. Milon, Laménie, Cuypers, Dallier, H. Leroy et Lefèvre, Mme Lherbier et M. Revet, est ainsi libellé :
Alinéas 3, 5 et 7, premières phrases
Supprimer les mots :
y compris en cas de récidive,
La parole est à Mme Brigitte Micouleau.
Mme Brigitte Micouleau. Cet article prévoit l’extension de la procédure de l’amende forfaitaire à de nouveaux délits : vente d’alcool à des mineurs, usage de stupéfiants. Il s’agit du même principe que les amendes forfaitaires délictuelles pour la conduite sans permis ou sans assurance voté dans la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle. Or il est prévu ici d’éteindre l’action publique par le paiement d’une amende forfaitaire, y compris en cas de récidive.
Cet amendement vise donc à supprimer la procédure de l’amende forfaitaire en cas de récidive, afin de ne pas affaiblir la fermeté de la réponse pénale et de ne pas donner un sentiment d’impunité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La mise en place de ce dispositif d’amende forfaitaire n’est qu’une réponse parmi d’autres en fonction de la situation – ici, l’usage de stupéfiants –, qui peut faire l’objet de poursuites.
Il faut garder cet outil, qui est utile et qui a une autre vertu, celle de – passez-moi l’expression – taper là où ça fait mal. En prenant de l’argent, on agit : c’est un moyen d’action tout à fait intéressant et efficace.
Depuis qu’elle a commencé à examiner ce texte, notamment le volet d’exécution des peines, la commission considère qu’il faut trouver la peine adaptée et efficace, c’est-à-dire dissuasive pour celui qui va la subir.
Dans certaines hypothèses, sans doute majoritaires en matière d’usage de stupéfiants, l’action sur la capacité à acheter peut être regardée avec beaucoup d’intérêt.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Lorsque le Président de la République, en tant que candidat, a évoqué au cours de la campagne électorale les questions liées à la consommation d’un certain nombre de stupéfiants, il ne s’est jamais prononcé pour une dépénalisation. Le débat qui a lieu sur cette question dans la société est tout à fait respectable, mais cela ne correspond pas à l’engagement du Président de la République, que le Gouvernement suit.
Sur la politique pénale que je mènerai en matière de consommation de stupéfiants, j’ai eu l’occasion de m’exprimer au mois d’avril dernier à l’Assemblée nationale, qui avait organisé un débat spécialement sur ces questions. La forfaitisation que nous proposons est un outil supplémentaire : ce n’est pas l’outil qui remplacera l’ensemble des autres mesures de politique pénale.
Je souhaite insister sur trois points : c’est un outil efficace ; c’est un outil qui n’empêche en aucun cas de conduire une politique de santé publique ; c’est un outil qui préserve une réponse individualisée dans un certain nombre de cas.
Premièrement, c’est un outil efficace. Notre idée est de faire reculer le sentiment d’impunité par une poursuite plus systématique des consommateurs qui, aujourd’hui, fument dans les lieux publics. La forfaitisation est précisément destinée à cela : dans les rues, aux sorties des écoles, cette procédure d’amende forfaitaire délictuelle nous permettra de résoudre ce problème.
Évidemment, cette amende forfaitaire donnera lieu à une instruction générale des procureurs locaux pour sanctionner efficacement les consommateurs qui, aujourd’hui, font l’objet de simples rappels à la loi. Par conséquent, nous aurons une gamme supplémentaire, qui sera sans doute beaucoup plus dissuasive. Je crois que c’est ce que nous avons souhaité faire.
Deuxièmement, c’est un outil qui n’empêche évidemment pas la conduite d’une politique publique en matière de santé. La forfaitisation n’empêche en aucune manière les réponses pédagogiques et sanitaires pour les toxicomanes habituels ou pour des drogues un peu plus dures.
La direction des affaires criminelles et des grâces, dont le directeur se trouve à mes côtés, rappellera en effet au parquet qu’il leur appartiendra de diffuser des instructions spécifiques, qui viendront encadrer la mise en œuvre de cette procédure et qui leur permettront de contrôler ce type de profil, afin que, au lieu d’une amende forfaitaire, soit mise en place une réponse sanitaire, sociale, pédagogique correspondant à un certain type de consommateurs.
Mme Esther Benbassa. Et d’accompagnement !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Bien sûr, madame la sénatrice.
Troisièmement, nous voulons que l’amende forfaitaire soit un outil supplémentaire dans une gamme de réponses. Cette diversité nous permettra d’individualiser les réponses face aux différents types d’infractions auxquelles nous aurons affaire.
Au fond, et je terminerai par là, nous suivons une logique à la fois d’efficacité et de fermeté. Ce n’est pas du tout une logique d’économies. Je ne suis d’ailleurs pas sûre que cela en entraîne, quand bien même cela soulagera peut-être dans un premier temps un certain nombre de magistrats par des procédures différentes.
En effet, la justice restera évidemment saisie de nombreuses procédures, lorsqu’il y aura soit d’autres réponses que la forfaitisation soit des procédures sur opposition qui apparaîtront. C’est donc véritablement une logique à la fois de dissuasion et de santé publique que nous suivons.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. L’amendement n° 77, présenté par M. Antiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants prévu à l’article 131-35-1 du code pénal peut être proposé en lieu et place du paiement de l’amende forfaitaire minorée. »
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Cet article maintient la pénalisation de l’usage de stupéfiants, mais ouvre la possibilité d’éteindre l’action publique, y compris en cas de récidive, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 euros. Ces modifications ne marquent pas un changement fondamental d’approche, pourtant nécessaire, mais ouvrent des risques de discrimination sociale entre ceux qui auront les moyens de payer les amendes et les plus démunis, qui ne le pourront pas.
De plus, le maintien au sein du code de procédure pénale d’un stage de sensibilisation donnerait la possibilité de responsabiliser et sensibiliser les consommateurs de produits stupéfiants aux risques sanitaires et sociaux, en leur proposant une réponse éducative, en lieu et place, ou en plus, du paiement d’une amende minorée.
La seule création de l’amende forfaitaire aboutit à un véritable permis de consommer sans amener à une réflexion en termes de santé publique, alors que le stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants permet d’engager une réflexion sur les dangers de la consommation et crée des passerelles vers la démarche de soins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Cet amendement est en réalité satisfait par l’article 43 du projet de loi, qui prévoit que toute possibilité de stage peut être ouverte.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Antiste, l’amendement n° 77 est-il maintenu ?
M. Maurice Antiste. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 77 est retiré.
L’amendement n° 83 rectifié bis, présenté par M. Grand, Mmes Eustache-Brinio et Micouleau, MM. Pellevat, Courtial, Savary et Bascher, Mmes Berthet et Imbert, MM. Milon, Laménie, Cuypers, Bonhomme, Duplomb, Dallier, H. Leroy et Lefèvre, Mme Lherbier et M. Revet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le délit prévu au premier alinéa, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 et suivants du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée de 600 €. »
La parole est à Mme Brigitte Micouleau.
Mme Brigitte Micouleau. Cet article prévoit l’extension de la procédure de l’amende forfaitaire à de nouveaux délits : vente d’alcool à des mineurs et usage de stupéfiants. Il s’agit là de l’une des propositions du rapport Beaume et Natali, qui évoque aussi les délits d’occupation des halls d’immeuble.
Il est donc proposé de fixer le montant de l’amende forfaitaire délictuelle pour l’occupation des halls d’immeuble selon le barème suivant : 300 euros, minorés à 250 euros et majorés à 600 euros.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. On comprend parfaitement le sens de cet amendement. En revanche, le véhicule juridique qui est proposé est moins bien adapté que l’ordonnance pénale. La commission des lois préfère, dans les conditions que vous avez décrites, ma chère collègue, que l’ordonnance pénale soit utilisée. Celle-ci constitue en effet une véritable sanction et ouvre un champ de possibilités un peu plus grand, en permettant notamment des saisies.
C’est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. La procédure de forfaitisation ne paraît pas du tout adaptée à ce type de situation. La forfaitisation n’est adaptée que pour les délits dont la constatation relève d’une forme d’évidence.
C’est par exemple le cas pour le délit de vente d’alcool aux mineurs, où, au fond, il suffit d’établir que l’acheteur est mineur et que le produit vendu est de l’alcool. Ce n’est pas le cas pour le délit d’occupation illicite d’un hall d’immeuble, qui nécessite que soit établi le trouble causé à autrui, et ce n’est possible qu’à la suite d’investigations complémentaires, telles que des auditions.
Par ailleurs, cette infraction fait déjà l’objet de modifications dans le cadre du projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dit « ÉLAN », puisque l’article 40 bis du texte de la CMP a augmenté la peine d’emprisonnement encourue de six mois à un an. Par conséquent, le législateur ne peut pas vouloir à la fois augmenter la peine d’emprisonnement encourue pour ce délit et prévoir la possibilité d’éteindre l’action publique par le paiement d’une amende forfaitaire. Il y aurait là une contradiction.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le corapporteur.
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission des lois préfère l’ordonnance pénale, car, à l’article 40 du projet de loi, le champ de l’ordonnance pénale est élargi. C’est bien l’outil pertinent en la circonstance. Je confirme donc que cet amendement est satisfait.
M. le président. Madame Micouleau, l’amendement n° 83 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Brigitte Micouleau. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 83 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 84 rectifié bis, présenté par M. Grand, Mmes Eustache-Brinio et Micouleau, MM. Pellevat, Courtial, Savary et Bascher, Mmes Berthet et Imbert et MM. Milon, Laménie, Cuypers, Bonhomme, Duplomb, Dallier, H. Leroy, Lefèvre et Revet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – L’article 446-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le délit prévu au premier alinéa, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 et suivants du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée de 600 €. »
La parole est à Mme Brigitte Micouleau.
Mme Brigitte Micouleau. Je retire également cet amendement, monsieur le président, relatif à la vente à la sauvette.
M. le président. L’amendement n° 84 rectifié bis est retiré.
M. Alain Richard. Je modifie l’amendement n° 244 aux mêmes fins, monsieur le président, et retire son II, qui vise l’article 446-1 du code pénal.
M. le président. Les deux amendements suivants sont donc désormais identiques.
L’amendement n° 244 rectifié est présenté par MM. Yung, Mohamed Soilihi, de Belenet et les membres du groupe La République En Marche.
L’amendement n° 173 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 9 à 13
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
1° Au premier alinéa de l’article 495-17, après le mot : « délictuelle » sont insérés les mots : « fixée par la loi, qui ne peut excéder le montant prévu au premier alinéa de l’article 131-13 du code pénal, » ;
La parole est à M. Alain Richard, pour présenter l’amendement n° 244 rectifié.
M. Alain Richard. Par cet amendement, nous souhaitons marquer une limite à la position prise par la majorité de la commission, qui va beaucoup plus loin dans la généralisation de l’usage de l’amende forfaitaire pénale, et qui le fait sans transition.
Le dispositif proposé par le Gouvernement porte, cela a été rappelé, sur un point très important, à savoir la consommation de stupéfiants comme la vente d’alcool aux mineurs. Il complète la réforme sur la répression de la conduite sans permis menée l’année dernière, après de longues discussions. Cela constitue une bonne avancée dans la pratique de l’amende pénale dans des domaines où, comme l’a rappelé Mme le garde des sceaux, la constatation peut se résumer à une évidence ; il n’y a pas véritablement de sujet d’investigation.
Il nous semble que la commission va trop vite en proposant une généralisation sans évaluation approfondie des cas dans lesquels pourrait se pratiquer l’amende forfaitaire.
J’ai retiré le II de cet amendement, qui s’en est trouvé donc modifié, car, comme cela vient d’être évoqué, la répression de la vente à la sauvette, qui constitue un cas supplémentaire un peu particulier, ne paraît pas prioritaire.
Il faut concentrer le développement de l’amende forfaitaire sur ces délits prioritaires qui, au fond, font l’objet de ce que j’appellerais le pénal de tous les jours. Pour ceux-ci, le procès pénal est lourd, complexe et ne produit pas de valeur ajoutée, comme le répète souvent la garde des sceaux. Ce mécanisme est une répression nécessaire et plus efficace, même si nous préconisons de ne pas le généraliser trop vite.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 173.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement vise à supprimer l’ajout de la commission des lois permettant de recourir à la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle pour tous les délits punis d’une peine d’amende, afin de rétablir le texte dans sa version initiale.
La proposition adoptée par la commission des lois paraît un peu excessive, en ce que, comme vient de le rappeler Alain Richard, la catégorie des délits punis d’une peine d’amende recouvre des infractions très diverses pour lesquelles la procédure de forfaitisation n’est pas toujours souhaitable, dans la mesure où elle n’est pas toujours très simple à appliquer.
À titre d’exemple, si la proposition adoptée par la commission était maintenue, il serait permis de forfaitiser des faits d’outrage à une personne chargée d’une mission de service public ou encore le délit de dégradations légères par inscriptions sur les façades, véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain, ce qui ne semble pas opportun. Je crois qu’une telle extension va trop loin.
Comme l’a rappelé Alain Richard, la forfaitisation s’est adaptée aux délits dont la constatation est en pratique simple à opérer ; pour les autres infractions, c’est plus compliqué, parce qu’il faut recueillir des preuves et procéder à des constatations, ce qui n’est pas toujours adapté.
Par ailleurs, il me semblerait judicieux d’attendre un retour d’expérience sur la forfaitisation de certains délits avant d’envisager une généralisation aussi importante que celle à laquelle la commission souhaite procéder.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, de rétablir le texte dans sa version initiale.
M. le président. Les deux amendements suivants sont également identiques.
L’amendement n° 78 est présenté par M. Antiste.
L’amendement n° 295 rectifié est présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux, Vall et Dantec.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 11 à 13
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l’amendement n° 78.
M. Maurice Antiste. La création d’un recours systématique à l’amende forfaitaire minorée pour tout type d’infraction ne permet pas d’engager une responsabilisation de l’auteur d’une infraction.
Cette logique d’amende forfaitaire est en contradiction avec le principe d’individualisation de la peine, puisque chaque personne paye l’amende sans qu’il soit tenu compte de la situation.
Enfin, le paiement d’une amende ne permet en aucun cas de mettre en place un mécanisme de prévention de la récidive à travers la compréhension de la portée de l’acte commis.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour présenter l’amendement n° 295 rectifié.
Mme Josiane Costes. Nous sommes opposés à la généralisation de l’amende forfaitaire. Nous souhaitons réserver celle-ci aux délits du quotidien punis d’une amende.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Ces quatre amendements sont en réalité presque identiques. Ils tendent tous à revenir sur la volonté de la commission des lois d’élargir l’application de l’amende forfaitaire.
Je précise d’ailleurs que seuls les délits reconnus par leur auteur, la victime étant informée, et pour lesquels une peine d’amende peut être prononcée sont concernés. Les délits poursuivables par des peines de prison sont évidemment exclus. Il s’agit souvent de cas peu réprimés, les poursuites n’étant pas engagées du fait de la longueur des procédures devant les tribunaux.
C’est donc un outil supplémentaire en la matière, que nous pensons utile. Il figure d’ailleurs dans la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale adoptée par le Sénat en janvier 2017.
C’est la raison pour laquelle la commission des lois a émis un avis défavorable sur les quatre amendements restant en discussion commune.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. En bonne logique, je suis favorable à l’amendement n° 244 rectifié, qui est identique à celui qu’a déposé le Gouvernement, et défavorable aux amendements identiques nos 78 et 295 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je voterai votre amendement, madame la garde des sceaux, contrairement aux amendements précédents.
Il ne faut pas oublier que l’amende forfaitaire est une atteinte au principe de l’individualisation de la peine. Je voterai néanmoins l’article 37, à titre personnel, l’expérimentation de stratégies, notamment dans le domaine des atteintes à la santé publique, me paraissant intéressante. Ce sera, sur le terrain, une question de stratégie de la part des procureurs. Je ne minimise pas le fait que cette mesure ait été suggérée par le rapport sur les chantiers de la justice de MM. Beaume et Natali.
Cependant, monsieur le corapporteur, je ne suis pas favorable à une extension immédiate. Énormément d’infractions peuvent être sanctionnées de peines d’emprisonnement et d’amende. Attendons de voir si les procureurs parviennent à mettre en œuvre localement les amendes forfaitaires, avant d’en étendre éventuellement le champ d’application.
Je rejoins complètement le Gouvernement sur ce point et voterai les amendements visant à rétablir le texte initial.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 244 rectifié et 173.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 78 et 295 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 37.
(L’article 37 est adopté.)
Sous-section 2
Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites, à la composition pénale et à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
Article 38
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le 6° de l’article 41-1, il est inséré un 7° ainsi rédigé :
« 7° Demander à l’auteur des faits de ne pas paraître, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, dans un ou plusieurs lieux déterminés dans lesquels l’infraction a été commise ou dans lesquels réside la victime. » ;
2° L’article 41-1-1 est abrogé ;
3° L’article 41-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « punis à titre de peine principale d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans » sont supprimés ;
b) Le 9° est ainsi rédigé :
« 9° Ne pas paraître, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, dans le ou les lieux désignés par le procureur de la République et dans lesquels l’infraction a été commise ou dans lesquels réside la victime ; »
c) Le vingt-septième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation au présent article, la proposition de composition n’est pas soumise à la validation du président du tribunal lorsque, pour un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à trois ans, elle porte sur une amende de composition n’excédant pas le montant prévu au premier alinéa de l’article L. 131-13 du code pénal ou sur la mesure prévue au 2° du présent article, à la condition que la valeur de la chose remise n’excède pas ce montant. » ;
d) Le trentième alinéa est ainsi modifié :
– la deuxième phrase est ainsi rédigée : « La victime peut toutefois demander au procureur de la République de citer l’auteur des faits à une audience devant le tribunal pour lui permettre de constituer partie civile. » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Le procureur de la République informe la victime de ces droits ainsi que, lorsqu’il cite l’auteur des faits devant le tribunal correctionnel, de la date de l’audience. » ;
4° Après l’article 41-3, il est inséré un article 41-3-1 A ainsi rédigé :
« Art. 41-3-1 A. – Les dispositions des articles 41-2 et 41-3, en ce qu’elles prévoient une amende de composition et l’indemnisation de la victime, sont applicables à une personne morale dont le représentant légal ou toute personne bénéficiant, conformément à la loi ou à ses statuts, d’une délégation de pouvoir à cet effet, reconnait sa responsabilité pénale pour les faits qui lui sont reprochés.
« Le montant maximal de l’amende de composition pouvant être proposé est alors égal au quintuple de l’amende encourue par les personnes physiques. » ;
5° L’article 495-8 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le procureur de la République peut proposer que la peine d’emprisonnement proposée révoquera tels ou tels sursis précédemment accordés. » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le procureur de la République peut, avant de proposer une peine conformément aux dispositions du quatrième alinéa du présent article, informer par tout moyen la personne ou son avocat des propositions qu’il envisage de formuler. » ;
5° bis (nouveau) À la première phrase de l’article 495-10, les mots : « au dernier » sont remplacés par les mots : « à l’avant-dernier alinéa » ;
6° Après l’article 495-11, il est inséré un article 495-11-1 ainsi rédigé :
« Art. 495-11-1. – Sans préjudice des cas dans lesquels les conditions prévues au premier alinéa de l’article 495-11 ne sont pas remplies, le président peut refuser l’homologation s’il estime que la nature des faits, la personnalité de l’intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société justifient une audience correctionnelle ordinaire ou lorsque les déclarations de la victime entendue en application de l’article 495-13 apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l’infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur. »
II (nouveau). – Au premier alinéa de l’article 64-2 de la loi n° 94-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, la référence : « 41-1-1 » est supprimée ;
III (nouveau). – Au premier alinéa de l’article 23-3 de l’ordonnance n° 92-1147 du 12 octobre 1992 relative à l’aide juridictionnelle en matière pénale en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna, la référence : « 41-1-1 » est supprimée.
M. le président. L’amendement n° 154, présenté par MM. J. Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain, Leconte, Kerrouche, Fichet et Houllegatte, Mmes Préville, Meunier, Lubin, Jasmin et Blondin, MM. Jeansannetas, Cabanel et Montaugé, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Le Gouvernement souhaite favoriser le développement de la procédure de composition pénale. Aussi, le projet de loi prévoit de ne plus réserver le recours à cette procédure aux délits punis d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans. Une composition pénale pourrait ainsi être proposée pour tous les délits, quel que soit le quantum de la peine encourue.
En premier lieu, nous souhaitons rappeler que la composition pénale créée par la loi du 23 juin 1999 renforçant l’efficacité de la procédure pénale était initialement conçue comme un mode alternatif simplifié destiné à répondre aux délits les moins graves.
La liste des infractions susceptibles d’être traitées par la voie de la composition pénale a été considérablement enrichie et simplifiée depuis 1999 par les lois de septembre 2002 et de mars 2004. La loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises a encore étendu son champ d’application, désormais très vaste.
Cette procédure peut en effet s’appliquer aux délits punis d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans, à l’exclusion des délits commis par les mineurs, des délits de presse, des délits d’homicide involontaire ou des délits politiques.
En pratique, elle est surtout mise en œuvre pour traiter des infractions simples en matière de délinquance urbaine de faible gravité, telles que les atteintes aux biens. Aussi, la préoccupation émise par notre commission, qui estime qu’« un grand nombre de petites infractions appelle une réponse pénale sans nécessairement mériter une audience devant le tribunal correctionnel », est déjà satisfaite dans les faits.
En proposant la suppression de toute limite dans le seul objectif de faire du chiffre avec la réponse pénale, le projet de loi risque de dégrader ce dispositif. Le succès de la composition pénale ne dépend pas d’un effet de seuil, mais repose essentiellement sur la concertation entre le siège et le parquet. C’est la recherche d’un consensus minimum entre les magistrats du siège et du parquet sur les grandes lignes de conduite de la politique pénale locale qui favorise la réussite de la composition pénale.
Pour toutes les raisons invoquées ci-dessus, nous nous opposons à la suppression du quantum maximal de cinq ans d’emprisonnement encouru par l’auteur des faits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Je voudrais rappeler que la procédure de composition pénale permet au procureur de la République, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, de proposer une sanction pénale, directement ou par l’intermédiaire d’une personne habilitée, à celui qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans, ainsi que, le cas échéant, d’une ou plusieurs contraventions connexes.
La procédure de composition pénale est également applicable aux contraventions, avec des sanctions adaptées, en application des dispositions de l’article 41-3 du code de procédure pénale.
Lorsque la victime est identifiée, et sauf si l’auteur des faits justifie de la réparation du préjudice causé, le procureur de la République doit également proposer à ce dernier de réparer le dommage causé par l’infraction.
Les dispositions de l’article 41-2 du code de procédure pénale énumèrent dix-huit mesures de composition pénale, parmi lesquelles figurent notamment le versement d’une amende, la réalisation de différents stages, l’interdiction de paraître dans le ou les lieux dans lesquels l’infraction a été commise, à l’exception des lieux dans lesquels la personne réside habituellement, la réalisation d’un travail non rémunéré ou encore l’injonction thérapeutique.
Pour favoriser le recours à la composition pénale, le texte qui nous est soumis propose de supprimer la limitation aux délits punis de cinq ans d’emprisonnement au plus. La commission n’a pas jugé cette mesure inopportune au regard de l’utilité de la composition pénale pour sanctionner rapidement certaines infractions et contribuer à soulager quelque peu les audiences des tribunaux correctionnels.
Je tiens à préciser que, contrairement à ce que l’on peut entendre ici ou là, il n’est pas possible de mettre quelqu’un en détention dans le cadre d’une composition pénale. Le choix de la prison dépend naturellement du tribunal.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 154.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Nous souhaitons le maintien de cette disposition, qui permettra au Parquet de recourir à la composition pénale pour tous les délits et non plus seulement pour ceux qui sont punis d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans.
Je rappelle que la composition pénale est un accord passé entre le procureur et le prévenu. Elle ne peut exister que lorsque des faits de faible importance ont été commis. Cela ne signifie pas que les faits les plus graves seront désormais punis d’une simple mesure de composition pénale, je tiens à le préciser. Il s’agit, par cette proposition, de donner davantage de souplesse et de marge d’appréciation au procureur de la République. Je rappelle que celui-ci dispose de l’opportunité des poursuites, ce qui est évidemment important, donc de l’opportunité d’une composition pénale en matière délictuelle.
Par ailleurs, ce texte améliore le contenu de la composition pénale, en ajoutant l’interdiction de paraître, mesure qui peut être extrêmement utile dans certaines situations, notamment dans les quartiers difficiles.
Je ne vois donc aucune raison de supprimer cette disposition et émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 155, présenté par MM. J. Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain, Leconte, Kerrouche, Fichet et Houllegatte, Mmes Préville, Meunier, Lubin, Jasmin et Blondin, MM. Jeansannetas, Cabanel et Montaugé, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. L’article 38 du projet de loi modifie les dispositions régissant la procédure de composition pénale. Il envisage notamment la suppression de l’exigence de validation par le juge du siège pour deux mesures : lorsque, pour un délit puni d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à trois ans, elle porte sur une amende de composition pénale ou sur l’obligation de se dessaisir au profit de l’État de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou qui en est le produit et dont le montant ne pourra pas excéder le plafond des amendes contraventionnelles, soit 3 000 euros.
Une telle disposition est contradictoire avec la démarche de simplification et d’harmonisation qui inspire le projet de loi, en créant un nouveau seuil et une nouvelle procédure dérogatoire. Surtout, il est permis de considérer que la présente disposition s’écarte des exigences constitutionnelles.
La phase de l’homologation ne doit pas être minimisée. Elle permet de vérifier les faits et leur qualification juridique. À défaut, l’exigence d’un procès équitable garantissant l’équilibre des droits des parties, dont ceux des victimes, ne serait pas respectée.
En matière de délits et de crimes, la séparation des autorités chargées de l’action publique et des autorités de jugement concourt à la sauvegarde de la liberté individuelle.
L’exécution de la composition pénale permet une inscription au casier judiciaire et une extinction de l’action publique à la seule discrétion du parquet et sans aucune intervention d’un magistrat du siège, y compris sur des faits très graves. Il convient également de ne pas écarter l’hypothèse de la personne qui, après avoir donné son accord, n’exécute pas intégralement les mesures décidées dans le cadre de la composition pénale. Dans ce cas, la proposition initiale devient caduque.
De telles mesures constituent des sanctions pénales. Leur exécution, même avec l’accord de la personne, requiert la décision d’une autorité de jugement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission s’est interrogée, disons les choses telles qu’elles sont, sur le fait de ne pas avoir recours au juge du siège lorsqu’un accord a été trouvé entre la personne poursuivie et le procureur de la République… Nous sommes effectivement dans un système dérogatoire.
Néanmoins, il s’agit d’un système bien cadré, l’amende étant plafonnée à 3 000 euros. J’ajoute que la personne comparaît accompagnée de son conseil, qui est là aussi pour rappeler un ensemble de principes.
Tous ces éléments ayant été pesés, la commission a estimé que le texte proposé par le Gouvernement était acceptable sur ce point ; elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je puis évidemment comprendre les motifs de cet amendement, qui tend à présenter la disposition issue du projet de loi comme étant contraire aux exigences constitutionnelles. Cependant, comme j’ai pu le dire au moment de la discussion générale, le projet de loi que je porte a été construit dans le respect des équilibres constitutionnels et procéduraux.
Sur la composition pénale, nous avons évidemment tenu compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel du 2 février 1995, qui impose l’exigence de validation par le juge lorsque les mesures peuvent porter atteinte à la liberté individuelle.
C’est la raison pour laquelle le projet de loi limite la dispense de validation par le juge aux mesures qui peuvent être considérées comme ne portant pas atteinte à la liberté individuelle, à savoir l’amende de composition pénale, qui ne me semble pas porter atteinte à la liberté individuelle, et la remise de la chose ayant servi à commettre l’infraction ou en étant le produit.
De plus, l’absence de validation par le juge ne concernera que les délits punis d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à trois ans, et à la condition que l’amende de composition ou la valeur de la chose dont le mis en cause devra se dessaisir n’excède pas le plafond des amendes contraventionnelles, c’est-à-dire 1 500 euros ou 3 000 euros en cas de récidive. Nous visons, entre autres, les infractions en lien avec les faits de vol ou bien le contentieux routier.
Cette mesure constitue une vraie mesure de simplification procédurale, utile pour les juridictions qui l’ont très fréquemment demandée lors des consultations que j’ai pu mener. C’est la raison pour laquelle j’en souhaite le maintien.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 348, présenté par MM. Buffet et Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer le mot :
ces
par le mot :
ses
La parole est à M. le corapporteur.
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 86 rectifié, présenté par M. D. Dubois, Mme Billon et MM. Delahaye, Delcros, Henno et Moga, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 174, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Rétablir le a dans la rédaction suivante :
a) Au deuxième alinéa, les mots : «un an » sont remplacés par les mots : « trois ans » ;
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le projet de loi supprimait, en matière de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ou CRPC, l’interdiction de proposer une peine de plus d’un an d’emprisonnement. Je rappelle que la CRPC est une forme de plaider-coupable à la française. La commission des lois du Sénat a estimé excessive cette suppression, qui permettait de proposer une peine de cinq ans d’emprisonnement lorsque le maximum encouru est de dix ans.
Le présent amendement vise donc à maintenir un assouplissement nécessaire et proportionné de la CRPC, très pratiquée et très appréciée des professionnels, en prévoyant un seuil intermédiaire de trois ans. Celui-ci paraît satisfaisant dès lors que la procédure de CRPC exige l’accord de la personne, l’assistance et la présence indispensable et obligatoire d’un avocat, ainsi qu’une homologation de la peine par un magistrat du siège.
Bien évidemment, outre le seuil de trois ans demeure l’interdiction de prononcer une peine supérieure à la moitié de la peine encourue. Ainsi, pour vous donner un exemple, en cas de vol simple, qui est puni de trois ans d’emprisonnement, le maximum de la peine sera de dix-huit mois. Ce n’est que pour les délits punis de peines d’au moins sept ans d’emprisonnement que la peine de trois ans pourra être proposée. C’est une solution de compromis, qui me semble équilibrée.
Telle est la logique de l’amendement que je vous présente.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Cet amendement tend à revenir sur le texte initial, en prévoyant, dans le cadre de la CRPC, la limitation à un délai de trois ans.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 38, modifié.
(L’article 38 est adopté.)
Article additionnel après l’article 38
M. le président. L’amendement n° 296 rectifié, présenté par MM. Requier, Collin, Arnell et A. Bertrand, Mmes M. Carrère et Costes, MM. Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et M. Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 38
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article 459 du code de procédure pénale est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Il rend un jugement immédiat sur les exceptions d’incompétence juridictionnelle et sur les exceptions d’irrecevabilité de constitution de partie civile dont il est saisi, sauf s’il ne peut y être répondu qu’à la suite de l’examen au fond.
« Ces exceptions doivent être examinées avant toute autre exception, y compris les questions prioritaires de constitutionnalité.
« Le jugement immédiat n’est susceptible de recours qu’avec le jugement sur le fond. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Contrairement à la cour d’assises, qui peut régler les questions d’exceptions avant de statuer au fond et en toutes circonstances, le tribunal correctionnel, dans la rédaction actuelle de l’article 459 du code de procédure pénale, ne se prononce sur ces questions qu’en fin d’audience, sauf « impossibilité absolue » ou question touchant à l’ordre public.
Or, dans la pratique, cette différence peut contribuer à un allongement considérable des débats, en particulier s’agissant de la constitution de la partie civile. Concrètement, il arrive que de vieux professeurs s’invitent à la barre pour commenter une affaire sans que le tribunal correctionnel puisse soulever l’exception préalablement.
C’est pourquoi, afin de rationaliser les débats devant les tribunaux correctionnels, nous proposons cette nouvelle rédaction s’inspirant de celle qui est relative aux assises, et prévoyant une articulation entre ces décisions immédiates et le traitement des questions prioritaires de constitutionnalité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Cet amendement tend à soulever une question technique relative au jugement des exceptions d’incompétence juridictionnelle et des exceptions d’irrecevabilité de constitution de partie civile. Ses dispositions se présentent comme une mesure de codification d’une jurisprudence de la Cour de cassation.
Très sincèrement, la commission n’a pas pu évaluer rapidement toutes les conséquences de cet amendement ; elle a donc souhaité connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Comme vous l’avez expliqué, monsieur le sénateur, cet amendement vise à renverser le principe posé par l’article 459 du code de procédure pénale, selon lequel le tribunal correctionnel, lorsqu’il est saisi d’incidents ou d’exceptions de procédures, doit joindre ces incidents à l’examen de fond de l’affaire, et doit statuer sur le tout dans une seule et même décision, sauf en cas d’impossibilité absolue ou lorsque la disposition contestée touche à l’ordre public.
Concrètement, il me semble que ce texte satisfait l’exigence de bonne administration de la justice, en évitant que les différentes exceptions de nullité ne viennent paralyser la procédure pénale et ne soient en réalité utilisées à des fins dilatoires. Ainsi, le tribunal n’est pas obligé de renvoyer l’examen de l’affaire au fond dès lors qu’une nullité est soulevée, et il doit à l’inverse statuer sur le tout dans un même jugement.
L’amendement que vous proposez vise à inverser ce principe pour les questions touchant à la recevabilité de partie civile et à la compétence du tribunal, en obligeant le tribunal à rendre un jugement sur ces exceptions avant d’examiner l’affaire au fond. Il me semble que cette complexification n’est pas justifiée. En outre, contrairement à ce qu’indique l’exposé des motifs de votre amendement, elle ne consacre pas la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation en la matière.
L’adoption de cet amendement obligerait le tribunal à statuer en deux étapes, ce qui me semble vraiment constituer une complexité procédurale supplémentaire, à laquelle je suis tout à fait opposée.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je suis évidemment sensible à l’argumentation de Mme la garde des sceaux. Néanmoins, puisqu’il s’agit typiquement d’une question de bonne administration, une solution probablement plus efficace serait de laisser le choix à la juridiction, lorsqu’elle pense que cela permet d’évacuer une vulnérabilité de la procédure et d’éviter des rebonds d’argumentation en cours d’audience ou des renvois, de se prononcer pour statuer sur une incompétence en particulier, sans attendre la fin du litige.
Cela ne peut pas être improvisé maintenant, mais je suggère tout de même, madame la garde des sceaux, que vous y réfléchissiez.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur Richard, vous avez tout à fait raison, mais il me semble que les exceptions d’incompétence du tribunal sont d’ordre public et que le tribunal peut donc décider de s’organiser comme il le souhaite. Il est déjà possible, au regard du droit existant, de les examiner avant le fond, ce qui est logique.
C’est la raison pour laquelle je pense que votre observation, qui est tout à fait légitime, est déjà satisfaite en ce qui concerne l’incompétence.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. N’étant ni avocat ni magistrat, je n’entrerai pas dans ce dossier très technique. Cet amendement, préparé avec Yvon Collin, faisant l’objet de deux avis défavorables, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 296 rectifié est retiré.
Section II
Dispositions relatives au jugement
Sous-section 1
Dispositions relatives au jugement des délits
Article 39
I. – Le troisième alinéa de l’article 388-5 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’avocat est alors convoqué au plus tard cinq jours ouvrables avant l’audition, et il a accès au dossier au plus tard quatre jours ouvrables avant cette date. »
II et III. – (Supprimés)
IV. – Après l’avant-dernier alinéa de l’article 393 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Si le procureur de la République procède comme il est dit aux articles 394 à 396, il peut décider, de fixer à la même audience, afin qu’elles puissent être jointes à la procédure ou examinées ensemble, de précédentes poursuites dont la personne a fait l’objet pour d’autres délits, à la suite d’une convocation par procès-verbal, par officier de police judiciaire ou en vue d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, d’une citation directe, d’une ordonnance pénale ou d’une ordonnance de renvoi du juge d’instruction. Hors le cas de la comparution immédiate, cette décision doit intervenir au moins dix jours avant la date de l’audience. Le prévenu et son avocat en sont informés sans délai. »
V. – (Supprimé)
VI. – Le dernier alinéa de l’article 394 du code de procédure pénale est supprimé.
VI bis (nouveau) – À la première phrase de l’article 495-10 du code de procédure pénale, les mots : « l’avant-dernier » sont remplacés par les mots : « le dernier ».
VI ter (nouveau). – À la première phrase du III de l’article 80 du code de procédure pénale, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « dernier ».
VI quater (nouveau) – À la première phrase de l’article 397-7 du code de procédure pénale, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « dernier ».
VII. – (Supprimé)
VIII. – Le début du premier alinéa de l’article 397-2 du code de procédure pénale est ainsi rédigé : « Dans tous les cas prévus au présent paragraphe, le tribunal peut, à la demande des parties ou d’office, commettre… (le reste sans changement). »
M. le président. L’amendement n° 55 rectifié bis, présenté par Mme Deromedi, MM. Allizard, Babary et Bazin, Mme Berthet, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonne, Mme Bories, M. Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, MM. Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon et Chatillon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier et Danesi, Mme L. Darcos, M. Daubresse, Mme Delmont-Koropoulis, M. Dériot, Mmes Deroche, Deseyne et Di Folco, M. Dufaut, Mme Dumas, M. Duplomb, Mme Duranton, M. Émorine, Mme Estrosi Sassone, MM. Frassa et Genest, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles et Ginesta, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené, Houpert, Hugonet, Huré et Husson, Mmes Imbert et M. Jourda, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge et H. Leroy, Mme Lherbier, M. Magras, Mme Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mmes M. Mercier, Micouleau et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pemezec, Perrin, Piednoir, Pierre, Pillet, Pointereau et Poniatowski, Mme Primas, M. Priou, Mmes Procaccia et Raimond-Pavero, MM. Raison, Rapin, Retailleau, Revet, Savary, Savin, Schmitz, Segouin, Sido et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et MM. Vogel, Vaspart, Laufoaulu, Le Gleut et Paccaud, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
dix
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. L’article 39 du projet de loi modifie le code de procédure pénale, notamment son article 388-5, qui prévoit la situation dans laquelle le prévenu ou la victime doivent être à nouveau entendus par le procureur de la République. Dans ce cas, le droit en vigueur prévoit que le prévenu ou la victime ont le droit d’être assistés lors de leur audition par leur avocat.
L’article 39 tend notamment à préciser le délai dans lequel l’avocat doit être convoqué et le délai avant l’accès au dossier.
Le présent amendement vise à doubler les délais proposés par le projet de loi : de cinq à dix jours ouvrables pour ce qui concerne la convocation ; de quatre à huit jours ouvrables pour ce qui concerne l’accès au dossier. Il s’agit d’apporter de nouvelles garanties au principe du contradictoire, en laissant aux avocats des délais raisonnables pour l’exercice des droits de la défense.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission des lois est soucieuse d’assurer les droits de la défense, de préserver les intérêts de tous et de permettre aux avocats d’être présents dans les procédures. Toutefois, s’agissant des délais, pour ce qui concerne la convocation et l’accès au dossier, nous pensons que ceux qui sont proposés par le texte sont parfaitement raisonnables et ne posent pas de difficulté particulière.
C’est dans ce souci d’équilibre général que je sollicite, madame Deromedi, le retrait de votre amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable, mais, à vrai dire, je ne souhaite vraiment pas être contraint de le faire ! (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Comme c’est délicat !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame Deromedi, je partage totalement les observations de M. le corapporteur. J’ajouterai simplement que les délais proposés dans le texte constituent l’exacte reprise des règles aujourd’hui applicables en matière d’information judiciaire, qui prévoient les mêmes délais de quatre et cinq jours avant l’interrogatoire des parties par le juge d’instruction. Il me semble que rien ne justifie de doubler ces délais, comme le prévoit votre amendement.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Madame Jacky Deromedi, l’amendement n° 55 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 55 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 175, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
A. Alinéa 2
Rétablir les II et III dans la rédaction suivante :
II. – Dans l’intitulé du paragraphe 3 de la section I du chapitre Ier du titre II du livre II du code de procédure pénale, les mots : « et de la comparution immédiate » sont remplacés par les mots : « , de la comparution immédiate et de la comparution différée ».
III. – Au premier alinéa de l’article 393 du même code, les mots : « et 395 » sont remplacés par les mots : « , 395 et 397-1-1 ».
B. Alinéa 5
Rétablir le V dans la rédaction suivante :
V. – À l’avant-dernier alinéa de l’article 393 et à l’article 393-1 du même code, après les mots : « à 396 » sont ajoutés les mots : « et à l’article 397-1-1 ».
C. Alinéa 10
Rétablir le VII dans la rédaction suivante :
VII. – Après l’article 397-1 du même code, il est inséré un article 397-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 397-1-1. – Dans les cas prévus par l’article 395, s’il existe contre la personne des charges suffisantes pour la faire comparaître devant le tribunal correctionnel, mais que l’affaire n’est pas en état d’être jugée selon la procédure de comparution immédiate parce que n’ont pas encore été obtenus les résultats de réquisitions, d’examens techniques ou médicaux déjà sollicités, le procureur de la République peut poursuivre le prévenu devant le tribunal correctionnel selon la procédure de comparution à délai différé conformément aux dispositions du présent article.
« Le prévenu est présenté devant le juge des libertés et de la détention conformément aux dispositions de l’article 396, qui statue sur les réquisitions du ministère public aux fins de contrôle judiciaire, d’assignation à résidence avec surveillance électronique ou de détention provisoire, après avoir recueilli les observations éventuelles du prévenu ou de son avocat. Les réquisitions du procureur précisent les raisons justifiant le recours à la présente procédure, en indiquant s’il y a lieu les actes en cours dont les résultats sont attendus. La détention provisoire ne peut être ordonnée que si la peine d’emprisonnement encourue est égale ou supérieure à trois ans. L’ordonnance rendue est susceptible d’appel dans un délai de dix jours devant la chambre de l’instruction.
« L’ordonnance prescrivant le contrôle judiciaire, l’assignation à résidence avec surveillance électronique ou la détention provisoire, rendue dans les conditions et selon les modalités prévues par l’article 396, énonce les faits retenus et saisit le tribunal ; elle est notifiée verbalement au prévenu et mentionnée au procès-verbal dont copie lui est remise sur-le-champ. Le prévenu doit comparaître devant le tribunal au plus tard dans un délai de deux mois, à défaut de quoi, il est mis fin d’office au contrôle judiciaire, à l’assignation à résidence avec surveillance électronique ou à la détention provisoire.
« Si le prévenu placé sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique se soustrait aux obligations qui lui sont imposées, les dispositions du deuxième alinéa de l’article 141-2 et de l’article 141-4 sont applicables ; les attributions confiées au juge d’instruction par ces articles sont alors exercées par le procureur de la République.
« Les procès-verbaux ou autres pièces résultant des réquisitions, examens techniques ou médicaux mentionnés à l’alinéa premier, sont versés au dossier de la procédure dès leur accomplissement et mis à la disposition des parties ou de leur avocat.
« Jusqu’à l’audience de jugement, le prévenu ou son avocat peuvent demander au président du tribunal la réalisation de tout acte qu’ils estiment nécessaire à la manifestation de la vérité, conformément aux dispositions de l’article 388-5, dont les alinéas deux à quatre sont applicables. Si le prévenu est détenu, la demande peut être faite au moyen d’une déclaration auprès du chef de l’établissement pénitentiaire. Cette déclaration est constatée et datée par le chef de l’établissement pénitentiaire qui la signe, ainsi que le demandeur. Si celui-ci ne peut signer, il en est fait mention par le chef de l’établissement.
« Pour la mise en œuvre de la procédure de comparution à délai différée, la présentation de la personne devant le procureur de la République prévue par l’article 393, ainsi que sa présentation devant le juge des libertés et de la détention prévue par le deuxième alinéa du présent article peuvent intervenir dans un lieu autre que le tribunal si l’état de santé de celle-ci ne permet pas de l’y transporter ».
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement vise à revenir – il n’y a évidemment rien d’original à cela – au texte initial du Gouvernement. Il tend à restaurer la procédure de comparution différée, qui constitue une mesure de simplification absolument essentielle du projet de loi, souhaitée et attendue par les professionnels.
Une telle mesure figurait d’ailleurs dans le rapport remis par MM. Beaume et Natali à l’issue des chantiers de la justice. Comme eux-mêmes l’indiquaient, l’expérience des juridictions a montré que, très souvent, certaines enquêtes, dans lesquelles les gardes à vue se terminent par un déferrement, sont ouvertes à l’instruction pour la simple et unique raison qu’une mesure de sûreté paraît opportune, alors que, en réalité il ne manque qu’un seul acte de pur complément à une enquête globalement achevée.
Il peut s’agir, par exemple, de la réponse à une réquisition, du résultat écrit d’une expertise ou d’un acte médical qu’il faudrait terminer. Dans ce cas, l’ouverture d’une information judiciaire va occuper du temps d’instruction sans bénéficier d’une quelconque plus-value de fond autre que celle d’attendre le versement de la pièce manquant au dossier.
La procédure de comparution différée permettra ainsi, en l’attente du seul résultat de ces investigations, le prononcé d’une mesure de sûreté avant le jugement devant le tribunal saisi de l’action publique. Elle évitera, d’une part, de devoir ouvrir des informations judiciaires inutiles, et, d’autre part, point très important, de prononcer des détentions provisoires de plusieurs mois, qui résultent nécessairement, dans ces hypothèses, de l’ouverture d’une information.
C’est la raison pour laquelle le rétablissement d’un tel dispositif est essentiel à l’architecture du projet de loi que je porte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. L’adoption de cette procédure nouvelle proposée à notre vote reviendrait, lorsqu’une enquête préliminaire n’est pas terminée et qu’il manque des éléments dans la procédure, non pas à ouvrir une information judiciaire ou tout autre moyen pour compléter le dossier, mais à renvoyer immédiatement la personne devant le tribunal correctionnel, en lui fixant une date, plus ou moins lointaine – c’est un autre problème.
Serait ainsi renvoyé devant le tribunal un dossier incomplet – disons les choses telles qu’elles sont – obligeant les parties désireuses d’obtenir des éléments complémentaires à saisir le président de la juridiction correctionnelle pour ce faire ; et cela avec le risque potentiel d’arriver à la date d’audience fixée au départ avec un dossier toujours incomplet.
Dans l’intervalle, il faudrait décider si la personne engagée dans cette procédure est placée ou non en détention provisoire, pour qu’elle puisse comparaître à l’audience fixée. Il y aurait, de ce fait, une audience de comparution immédiate, et la personne serait potentiellement placée en détention provisoire, faute d’un dossier complet, dans l’attente de la fixation de la date de l’audience du tribunal.
De deux choses l’une : soit il y a les éléments suffisants pour juger et éventuellement ordonner un placement en détention provisoire, et la procédure suit son cours normal ; soit il n’y a pas les éléments suffisants pour juger, et il ne faut pas procéder de la sorte.
Par conséquent, la commission des lois, attachée à l’équilibre et au bon fonctionnement de la procédure, a souhaité ne pas donner suite à cette proposition et a émis un avis défavorable à cet amendement visant à réinstaurer l’audience de comparution différée.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je vous prie, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir m’excuser : je n’ai pas été complète dans ma présentation, ce qui a pu justifier l’intervention de M. le corapporteur.
J’ai oublié de préciser devant vous que cette procédure de comparution différée est limitée dans le temps, ne pouvant excéder deux mois. Elle évitera l’ouverture d’une information judiciaire, ce qui est tout de même extrêmement précieux, et diminuera le nombre de détentions provisoires. Durant la procédure, les avocats pourront évidemment demander des actes nouveaux s’ils le souhaitent.
Les droits des parties seront donc totalement préservés dans le cadre de cette procédure véritablement très efficace en pratique et extrêmement précieuse.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Cette proposition du Gouvernement le prouve, la réflexion n’est pas aboutie sur l’évolution et le rôle particulier des procureurs, sur le rôle qu’aura, demain, le juge des libertés et de la détention, ainsi que sur l’hypothèse que soit, peu à peu, d’une certaine manière, actée la disparition du juge d’instruction.
Au travers de cet amendement est défendue l’idée selon laquelle l’instruction est une phase trop longue, trop lourde, et que la procédure d’enquête à la demande du parquet pourrait suffire à compléter, dans les deux mois, un dossier qui ne l’est pas. Sans doute est-ce à quoi il faudra arriver un jour.
À vos yeux, madame la garde des sceaux, l’intérêt de cette démarche est de permettre au procureur de demander une détention préventive, une incarcération immédiate, une mesure de contrôle judiciaire ou d’assignation à résidence.
Or, nous le savons, 40 % des établissements pénitentiaires sont surchargés par le fait de la détention préventive. Cette dernière est souvent prononcée au titre de la protection de l’ordre public, notamment sous la pression de la population, pour laquelle telle ou telle personne doit être tout de suite mise en prison, c’est-à-dire, en fait, « précondamnée ». Il nous faut envisager les moyens de réduire la détention préventive. En l’espèce, vous allez encore l’amplifier.
M. Jacques Bigot. Aujourd’hui, le procureur de la République, parce qu’il dispose d’un dossier prêt dans les deux mois, peut ne pas saisir un juge d’instruction. Il peut ne pas forcément demander une détention, surtout si celle-ci n’est motivée que sous la pression de l’opinion.
Alors que nous devons promouvoir une autre politique pénale, celle que vous nous proposez manque de vision stratégique ; nous y reviendrons à propos de l’exécution des peines. Elle montre que vous n’avez pas encore abouti dans votre réflexion sur la nouvelle organisation censée conférer au procureur de la République un rôle plus important. Dans ce cas, il faudrait permettre les conditions du débat contradictoire, accorder une autre place au juge des libertés et de la détention.
En l’état, je partage l’avis du rapporteur : cette procédure de comparution différée ne peut répondre à nos attentes. Si le procureur considère effectivement qu’il y a une instruction complémentaire à mener, il lui revient dès lors de respecter les principes actuels et de prendre une ordonnance de renvoi devant le juge d’instruction.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur Bigot, sans doute me suis-je mal expliquée, mais notre amendement a précisément l’objet inverse de ce que vous dites. Cette proposition de comparution différée vise à limiter la durée de la détention provisoire.
Actuellement, la procédure applicable à l’encontre d’une personne dangereuse peut se dérouler de deux façons. Soit tous les actes sont prêts : cette personne va passer en jugement. Soit il manque un acte quelconque et une information est immédiatement ouverte : cette personne va partir en détention provisoire et y rester six mois ou plus, avant de venir en jugement.
Notre proposition consiste à laisser un sas de deux mois pour obtenir les résultats des actes et expertises demandés. Pendant cette période, la personne concernée pourra, certes, éventuellement aller en détention provisoire, mais pas plus que deux mois. Dès lors que les pièces nécessaires pour le jugement seront réunies, elle passera en jugement.
Par cette mesure, nous entendons, bien entendu, diminuer la détention provisoire. C’est, pour nous, un objectif extrêmement important, que nous partageons avec vous.
M. le président. La parole est à M. le corapporteur.
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Madame la garde des sceaux, nous sommes d’accord sur le constat, factuel, que vous faites de la situation ; il n’y a pas de difficulté de ce point de vue.
En revanche, c’est sur la manière de résoudre les problèmes que nous avons ce point de divergence. Cela ne change pas l’avis de la commission, mais permettra peut-être d’ouvrir le débat au cours du parcours législatif du texte.
M. le président. L’amendement n° 156, présenté par MM. J. Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain, Leconte, Kerrouche, Fichet et Houllegatte, Mmes Préville, Meunier, Lubin, Jasmin et Blondin, MM. Jeansannetas, Cabanel et Montaugé, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Après les mots :
il peut décider,
insérer les mots :
sous réserve de l’accord du prévenu,
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Le regroupement de plusieurs poursuites en cours à l’occasion d’un seul jugement, tel qu’il est envisagé par l’article 39, présente une utilité, car le prévenu peut avoir intérêt à ce que sa situation soit examinée à l’occasion d’une audience unique. Une telle proposition, déjà approuvée au sein de l’institution judiciaire, est souvent pratiquée sous la forme d’une comparution volontaire du prévenu.
Toutefois, en l’état du texte, les droits de la défense pourraient se trouver lésés, car le regroupement pourrait être imposé dans le cadre d’une procédure de comparution inadaptée aux circonstances en raison de critères d’urgence et de complexité différenciés.
Par ailleurs, dans le cadre de la comparution sur procès-verbal, les dispositions relatives au délai d’information de dix jours de l’avocat et du prévenu sont inadéquates pour préparer une défense sur des dossiers multiples.
Finalement, le regroupement des poursuites, présenté comme une avancée en termes d’efficacité et d’allègement des charges de la procédure et d’organisation des juridictions, pourrait constituer, dans certains cas, une atteinte aux droits de la défense.
C’est la raison pour laquelle nous prévoyons, au travers de cet amendement, ce qui s’apparente à une simple garantie, et je ne vois pas quel argument pourrait être opposé à cette proposition positive. Il serait à notre sens souhaitable de conditionner le mécanisme du regroupement à l’accord du prévenu, afin d’assurer une conciliation plus satisfaisante entre l’efficacité recherchée des audiencements et les droits de la personne poursuivie.
Il s’agit d’étendre quelque peu les droits du prévenu et je sais, madame la garde des sceaux, que vous allez considérer notre proposition avec une bienveillante attention.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. L’objet de cet amendement est de permettre au procureur de la République de regrouper l’ensemble des affaires concernant un même prévenu et de les faire traiter par le tribunal correctionnel au cours de la même instance, mais sous réserve de l’accord du prévenu.
Monsieur Sueur, je ne conteste absolument pas le sérieux de votre proposition,…
M. Jean-Pierre Sueur. Merci !
M. François-Noël Buffet, corapporteur. … mais le procureur a toute légitimité pour estimer nécessaire de juger toutes les affaires en même temps si cela a du sens, si c’est utile à la procédure elle-même et si les dossiers sont liés. L’important est que le conseil du prévenu soit parfaitement informé et qu’il ait le temps de préparer la défense de celui qu’il assiste devant le tribunal correctionnel. En la circonstance, nous estimons que la procédure est suffisamment établie, notamment en matière de délai de convocation.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur Sueur, c’est évidemment avec bienveillance, mais aussi avec certitude que je vais émettre moi aussi un avis défavorable sur cet amendement. J’y vois une rigidification qui ne me semble pas apporter d’éléments très positifs.
Vous avez évoqué les droits de la défense. Or ces derniers sont préservés par le texte. Ainsi, la décision de regroupement de l’ensemble des convocations doit être prise au moins dix jours avant l’audience, ce qui correspond, de manière générale, au délai de convocation avant une audience pénale. De plus, le prévenu et son avocat doivent être informés sans délai.
J’ajouterai que la proposition que nous avons formulée est, une fois encore, extrêmement demandée par les praticiens. Elle est de nature à favoriser l’individualisation des jugements, puisqu’au fond c’est l’ensemble des éléments concernant une personne qui pourront ainsi être pris en compte. Cela évite tout découpage et clarifie le regard que le tribunal pourra porter sur la personne, me semble-t-il.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Madame la garde des sceaux, vous affirmez que votre proposition est très attendue par les praticiens. Or je croyais que, parmi les praticiens, on incluait les auxiliaires de justice, ceux qui assurent les droits de la défense.
M. Jacques Bigot. Puisque la commission vous suit sur ce point, il faut que M. le corapporteur ait bien conscience des enjeux.
En l’état, le procureur peut parfaitement regrouper plusieurs affaires concernant un même prévenu et le citer à la même audience pour l’ensemble des faits pour lesquels il est poursuivi. En l’occurrence, il s’agit tout simplement de permettre au procureur, dix jours avant l’audience, de décider de regrouper des affaires pour lesquelles des citations n’auront peut-être pas encore été décernées ou renvoyées à des audiences ultérieures.
Je ne suis pas sûr que, dans ce délai de dix jours, s’il y a plusieurs affaires différentes et parfois peut-être complexes, la défense ait le temps de préparer son argumentaire. La moindre des choses, c’est qu’il y ait effectivement un accord. L’intérêt du justiciable, de la défense est que tout soit regroupé dans le cadre d’une même audience. Les garanties, de ce point de vue, ne sont pas apportées.
C’est une question procédurale qui sera à revoir ; j’attire votre attention sur ce point. Certains avocats risquent, au moment de l’audience portant sur ce genre de regroupements, d’en demander le renvoi parce qu’ils n’ont pas eu temps de préparer la défense. Le tribunal sera peut-être amené à considérer cette demande comme bien fondée et à prononcer le renvoi.
Il est donc dans l’intérêt de tout le monde de faire en sorte que la procédure fonctionne mieux. Le délai de dix jours est bien trop bref pour assurer les droits de la défense. Il correspond au délai de la citation, alors qu’il s’agit là de communiquer sur la décision de regroupement de toutes les affaires.
M. le président. L’amendement n° 54 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Babary, Bascher et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonne, Mme Bories, M. Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, MM. Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon et Chatillon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier et Danesi, Mmes L. Darcos et Delmont-Koropoulis, M. Dériot, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne et Di Folco, M. Dufaut, Mme Dumas, M. Duplomb, Mme Duranton, M. Émorine, Mmes Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. Frassa et Genest, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles et Ginesta, Mme Giudicelli, M. Grand, Mme Gruny, MM. Houpert, Hugonet et Huré, Mmes Imbert et M. Jourda, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge et H. Leroy, Mme Lherbier, M. Magras, Mme Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mmes M. Mercier et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pemezec, Perrin, Piednoir, Pierre, Pillet, Pointereau et Poniatowski, Mme Primas, M. Priou, Mmes Procaccia et Raimond-Pavero, MM. Raison, Rapin, Revet, Savary, Savin, Schmitz, Segouin, Sido et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et MM. Vogel, Vaspart, Laufoaulu, Le Gleut et Paccaud, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
… – À l’avant-dernière phrase du troisième alinéa de l’article 396 du code de procédure pénale, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « cinquième ».
… – À la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 397-2 du code de procédure pénale, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq ».
… – À l’avant-dernière phrase de l’article 397-7 du code de procédure pénale, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « cinquième ».
La parole est à Mme Muriel Jourda.
Mme Muriel Jourda. Cet amendement vise à reprendre une disposition adoptée par le Sénat, en janvier 2017, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale, présentée par les sénateurs du groupe Les Républicains.
Il s’agit d’allonger de trois à cinq jours la durée maximale de la détention provisoire à l’égard d’une personne déférée préalablement à une comparution immédiate dans l’hypothèse où la réunion du tribunal s’est révélée impossible le jour même, ce qui est prévu par l’article 396 du code de procédure pénale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Sur cet amendement, déjà voté par le Sénat en 2017 dans le cadre de l’examen d’un texte qui n’avait pas prospéré, la commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la sénatrice, il ne faut pas écarter le risque inflationniste en matière de détention provisoire que ne manquerait pas de provoquer la mise en œuvre d’une telle mesure. Cette dernière ne me semble pas pertinente, et je ne souhaite pas que votre amendement soit adopté.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
4
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
Comme d’habitude, j’appelle chacun d’entre vous à être attentif à la fois au temps qui lui est imparti et au respect des autres.
politique générale
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Marc Boyer. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, depuis dix jours, les Français sont dans une attente insoutenable… (Rires.) Le remaniement gouvernemental apparaît plus compliqué que prévu. Contrairement aux propos de votre porte-parole, les Français s’intéressent à la vie politique. Nos citoyens sont impatients de découvrir la nouvelle composition du Gouvernement ; il y va de leur quotidien et de leur avenir.
De mémoire de parlementaire, depuis le début de la Ve République, une telle indécision et une telle confusion au plus haut niveau de l’État, c’est du jamais vu ! Que cachent tous ces atermoiements ? Autant de candidats sollicités, autant de refus de postes de ministres, surtout celui de l’intérieur, là encore, c’est du jamais vu ! La République en marche aurait-elle perdu son pouvoir d’hypnose et d’attraction ?
Derrière vos difficultés à attirer et à choisir des femmes et des hommes, chacun sent bien que se cachent de fortes dissensions entre vous-même et le Président de la République. Pouvez-vous nous rassurer et nous éclairer sur ce point ?
Vous avez subi en spectateur le départ de deux ministres d’État. C’est bien votre politique et celle du Président de la République qui ont été mises en cause. Ce ne sont pas des péripéties, surtout quand le ministre de l’intérieur fait une déclaration terrible sur la situation des banlieues : « Aujourd’hui, on vit côte à côte. […] Je crains que, demain, on ne vive face à face. »
Au-delà des mouvements de chaises musicales, quelle est votre ligne politique ? La sécurité, l’emploi, le pouvoir d’achat restent les préoccupations essentielles des Français. Saurez-vous tirer les leçons de vos échecs et vous remettre en cause ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je m’attendais à votre question et je ne suis déçu ni par son sujet ni par la façon dont vous la formulez. (Sourires sur les travées du groupe La République En Marche.)
C’est vrai, comme vous l’avez dit, les Français s’intéressent à la politique. On dit souvent qu’ils constituent un peuple éminemment politique, qu’ils se passionnent pour la chose publique et qu’ils aiment dire, parfois vivement, quelles sont leurs attentes, leurs aspirations et leur vision de l’avenir.
En revanche, je ne suis pas sûr, monsieur le sénateur, que, comme vous l’avez dit, les Français se passionnent pour les petites choses de la politique. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Ladislas Poniatowski. Un ministre de l’intérieur, c’est une grande chose !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je suis certain au contraire qu’ils se passionnent pour le fond des sujets ; pour la façon dont nous envisageons l’avenir de la France ; pour la façon dont nous mettons en œuvre la libération des énergies et la capacité à augmenter notre croissance et notre potentiel de croissance ; pour la façon dont nous envisageons la transition écologique et énergétique ; pour la façon dont nous rendons notre pays plus attractif ; pour la façon dont nous allons transformer notre système de retraite.
Il ne vous a pas échappé – cette question me semble au moins aussi importante que celle que vous soulevez, monsieur le sénateur, même si je reconnais que nous puissions avoir une différence d’appréciation sur ce point – que, hier, Jean-Paul Delevoye a présenté les conclusions de la première phase de concertation sur la transformation de notre système de retraite.
M. Gérard Longuet. Mettez-le à l’intérieur !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Ces sujets sont éminemment politiques et passionnants.
S’agissant de la composition du Gouvernement, puisque je m’en voudrais de ne pas vous répondre, vous connaissez les dispositions de la Constitution aussi bien que moi, j’en suis certain. Le Premier ministre propose, le Président de la République décide et nomme les membres du Gouvernement. Le Premier ministre conduit l’action du Gouvernement. Nous sommes très exactement dans l’exécution des dispositions constitutionnelles.
J’ai beaucoup de respect pour les états d’âme, mais je considère que les ministres doivent se consacrer entièrement à leur tâche, à la direction de leur administration et à la mise en œuvre des engagements pris par le Président de la République.
M. Jackie Pierre. C’est pour cela que vous n’en trouvez pas !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. C’est ma façon d’envisager l’engagement politique, monsieur le sénateur, et je suis sûr qu’elle recueille l’unanimité sur ces travées.
Nous le savons tous, lorsque l’on a l’honneur d’exercer une tâche ministérielle, on se doit d’être à la hauteur de cet engagement.
Je vous le dis très tranquillement, monsieur le sénateur, et sans agressivité : vous avez mentionné dans votre question un certain nombre d’éléments qui sont purement et simplement des rumeurs.
M. Philippe Pemezec. Qui les alimente ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je puis comprendre que les réseaux sociaux, les entourages et parfois même la presse soient tentés de les colporter.
Je ne puis que constater l’existence de ces rumeurs, qui tantôt m’amusent, tantôt me consternent et m’affligent. Mais je crois que les Français, qui sont un peuple éminemment politique, ne sont intéressés ni par leur évocation ni par leur commentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour la réplique.
M. Jean-Marc Boyer. Monsieur le Premier ministre, vous restez droit dans vos bottes, sourd aux attentes des Français.
Le remaniement devait être un second souffle ; l’an II du « nouveau monde » va commencer avec un souffle coupé, voire asthmatique.
À en croire vos déclarations d’hier à l’Assemblée nationale, il n’y aurait « pas le début du commencement de la moitié d’une feuille de papier à cigarette » entre vous et le Président de la République, monsieur le Premier ministre. Voilà qui n’est pas rassurant : c’est exactement ce que François Mitterrand avait dit de sa relation avec Michel Rocard ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le Premier ministre sourit.)
transition énergétique et moyens de l’état
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Loïc Hervé. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre d’État François de Rugy.
Le GIEC vient de publier un nouveau rapport très alarmant. Pour se rendre compte des effets du changement climatique, il suffit d’observer la baisse du niveau des lacs alpins, le recul des glaciers, les effondrements en montagne à haute altitude ou l’évolution de la végétation. À ces égards, mon département de la Haute-Savoie est un exemple.
Bien sûr, on peut parler de stratégie à moyen ou long terme, on peut même en parler très longtemps… Toutefois, compte tenu de l’urgence, je vous interroge, monsieur le ministre d’État, à l’aube de l’examen du projet de loi de finances pour 2019, sur les moyens supplémentaires qui seront mobilisés par l’État pour contenir le changement climatique et en assumer toutes les conséquences. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Julien Bargeton applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, tout d’abord, puisque vous parlez du budget, entre les engagements sur le climat, pour lesquels la France est en pointe à l’échelle internationale, et les engagements concrets, il faut être cohérent.
Le budget du ministère de la transition écologique et solidaire est l’un des budgets qui augmenteront en 2019. Il progressera de près de 1 milliard d’euros, pour s’établir à 34 milliards d’euros. C’est concret, et cet argent sera consacré à l’investissement, en particulier dans la transition énergétique et les transports.
Le développement des énergies renouvelables – l’un des éléments de la stratégie bas carbone, qui vise à réduire les émissions de CO2 – s’effectuera parallèlement à la fermeture des centrales à charbon. Là encore, c’est un engagement concret, qui interviendra avant 2022. Je le dis ici, mais je le dirai aussi, de nouveau, devant les salariés des centrales à charbon, et nous verrons ensemble comment conduire cette transition. Plus de 5,5 milliards d’euros de crédits seront consacrés aux énergies renouvelables dans le budget de 2019.
Nous prenons aussi des mesures pour les ménages. Le crédit d’impôt transition énergétique pour l’isolation des logements sera prolongé, de même que la TVA à 5,5 % pour les travaux d’isolation. L’écoprêt à taux zéro sera facilité, et sa durée pourra être augmentée. Des moyens supplémentaires seront également alloués à l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, notamment en faveur des ménages modestes.
La prime à la conversion écologique des voitures, votée par la majorité de l’Assemblée nationale l’année dernière, a été mise en œuvre au 1er janvier 2018. Nous visions 100 000 véhicules achetés à l’aide de cette prime ; il y en aura sans doute plus du double à la fin de cette année. C’est donc un succès, et nous prolongerons cette prime.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre d’État.
M. François de Rugy, ministre d’État. Je terminerai par un exemple concret en matière de transports : la ligne Genève-Annemasse ouvrira en 2019, et je suis sûr que tous les Savoyards y seront très sensibles. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.
M. Loïc Hervé. Monsieur le ministre d’État, le changement climatique et la pollution de l’air procèdent des mêmes activités humaines.
Nous connaissons précisément les domaines dans lesquels il faut agir : le développement des transports propres – en particulier le ferroviaire, le passager et le fret –, la lutte contre le gaspillage énergétique, l’accompagnement des entreprises industrielles pour réduire leur empreinte.
Il y a aussi une question de méthode : l’État ne peut plus se contenter d’être « l’ensemblier » des dépenses et des politiques publiques menées par d’autres.
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. Loïc Hervé. Plus encore, dans les territoires où le changement climatique est visible, là où la pollution de l’air est subie par les populations, l’État doit peser de tout son poids. Vous l’avez dit, il doit investir massivement, dans les compétences qui sont strictement les siennes, bien sûr, mais aussi dans les compétences partagées avec les collectivités territoriales.
Ne pas détourner le regard, est-ce agir ? Assurément non ! Il faut faire, et c’est ce que nous attendons de vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
rapport du giec (I)
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe La République En Marche.
M. Thani Mohamed Soilihi. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Lundi dernier, en Corée du Sud, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, créé voilà trente ans pour évaluer l’état des connaissances en la matière, ses causes et ses impacts, a présenté son rapport sur les conséquences d’un réchauffement mondial de 1,5 degré.
Le diagnostic est effrayant ! Notre planète connaît une hausse des températures de 1 degré depuis l’ère préindustrielle, et ce réchauffement climatique progresse de 0,2 degré par décennie – parfois plus dans certaines zones du globe.
À ce rythme, la hausse de 1,5 degré pourrait être atteinte entre 2030 et 2052, avec des conséquences dramatiques pour les systèmes naturels et humains : dérèglements climatiques et multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes ; fonte des glaces et, par conséquent, montée du niveau de la mer ; raréfaction des denrées alimentaires et de l’eau potable ; risques pour la santé ; développement de la pauvreté ; disparition d’écosystèmes entiers et de la biodiversité.
Selon le GIEC, si la situation est inquiétante, elle n’est pour autant pas désespérée, mais elle implique qu’une transition écologique de grande ampleur ait lieu au plus vite.
Nous connaissons l’engagement et le volontarisme du Gouvernement sur ces sujets, comme en témoigne, pour la deuxième année consécutive, la forte hausse du budget consacré au ministère de la transition écologique et solidaire.
Aussi, à la suite des conclusions de ce rapport, pourriez-vous détailler les actions nouvelles que vous comptez prendre et celles que vous comptez renforcer en France pour atteindre cet objectif, mais également celles que vous pourrez porter au niveau international, pour convaincre les climato-sceptiques et encourager la mobilisation des acteurs non étatiques, qui jouent un rôle non négligeable dans la protection de l’environnement et le développement durable ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, vous avez raison en ce qui concerne le rapport du GIEC, qui vient de nouveau nous rappeler que le dérèglement climatique est non plus une hypothèse, mais bien une réalité.
Si nous ne faisons rien, la situation va sérieusement s’aggraver. Comme le disent certains scientifiques, ce n’est pas tellement l’avenir de la planète qui est en jeu, mais celui des êtres humains sur la planète, et à très court terme nos conditions de vie, dans l’Hexagone comme outre-mer.
Depuis plusieurs années, dans la sphère internationale, la France a pris la tête des pays ambitieux en matière de lutte contre le dérèglement climatique et de baisse des émissions de gaz à effet de serre. Le Président de la République a nettement confirmé cette orientation.
Lors du conseil des ministres européens de l’environnement, qui s’est déroulé avant-hier, nous avons œuvré pour que les vingt-huit États de l’Union européenne adoptent une position commune pour la COP24, qui aura lieu à Katowice à la fin de l’année. Au départ, la plupart des pays ne voulaient pas adopter de position commune. Finalement, nous nous sommes accordés sur l’ambition de rehausser nos engagements de diminution des émissions de gaz à effet de serre.
Il a aussi été question des émissions de CO2 des voitures. Nous entrons là dans le concret !
Quand je suis arrivé au conseil des ministres, trois positions étaient en présence. Les constructeurs automobiles proposaient une baisse de 20 % des émissions de CO2. La Commission européenne, appuyée par l’Allemagne, proposait une diminution de 30 %. Nous proposions une diminution de 40 %. Nous avons réussi à nous accorder sur une diminution de 35 %, et nous espérons renforcer cette ambition lors du dialogue avec le Parlement européen.
Voilà un exemple concret de ce que nous pouvons et devons faire dans la sphère internationale, en commençant au niveau de l’Europe, qui est la bonne échelle pour peser sur l’évolution du monde en matière de dérèglement climatique. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
prise en charge financière des mineurs non accompagnés
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Franck Menonville. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre et porte sur les mineurs non accompagnés.
Le nombre de mineurs non accompagnés pris en charge par les services d’aide sociale à l’enfance des départements a considérablement augmenté depuis 2015. On a constaté une forte accélération entre 2016 et 2018, avec plus de 900 % d’augmentation pour les personnes se déclarant mineurs non accompagnés en évaluation, et plus de 74 % d’augmentation pour les mineurs non accompagnés confiés.
À titre d’exemple, dans mon département de la Meuse, nous sommes passés de 14 personnes en 2015 à 415 personnes pour les neuf premiers mois de cette année.
Les mineurs non accompagnés représentent près de 15 % des mineurs pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, avec un coût estimé à 50 000 euros par mineur et par an. En 2017, l’accueil et la prise en charge de 25 000 mineurs s’élevaient à 1,25 milliard d’euros pour les départements.
Pour la Meuse, 1,7 million d’euros ont été mobilisés en 2017, et déjà plus de 3 millions d’euros pour les neuf premiers mois de l’année 2018. Au regard des flux actuels, cette tendance devrait encore s’accroître, rendant impossible l’atteinte des objectifs fixés par la contractualisation.
De plus, le système actuel, régi par la circulaire Taubira, est obsolète et parfaitement inadapté dans un tel contexte. Qu’en est-il des aménagements promis par l’État, tel qu’un fichier central ? La situation est très préoccupante. Les départements ne peuvent anticiper les dépenses et les services agissent dans l’urgence et en ordre dispersé.
Les départements sont aux abois et les charges financières qui leur incombent explosent. Quels moyens comptez-vous engager, monsieur le Premier ministre ? Entendez-vous reconduire les financements exceptionnels de 2017 en les renforçant ? C’est indispensable.
La solidarité nationale doit s’exercer au plus vite, pour accompagner nos départements. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, vous posez à juste titre la question des difficultés liées à la prise en charge d’un nombre rapidement croissant de mineurs non accompagnés par l’ensemble des départements. En effet, si cette augmentation concernait auparavant un nombre limité de départements, essentiellement frontaliers, le phénomène s’est généralisé, bien que certains départements restent en première ligne.
Tout d’abord – je pense que nous nous entendrons tous sur ce constat –, il faut dire que la protection des mineurs non accompagnés est un impératif. Personne ne pourrait se satisfaire d’une politique qui renoncerait à s’occuper des mineurs non accompagnés.
Cela étant, nous devons aussi regarder la réalité en face : comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, notre système ne fonctionne plus correctement, en raison d’un afflux considérable de mineurs non accompagnés, mais aussi, reconnaissons-le, parce qu’il est « embolisé » par un certain nombre de demandeurs, qui se prévalent d’un état de minorité alors qu’ils sont majeurs.
Il faut donc intervenir sur l’ensemble des sujets, dissuader les départs depuis les pays d’origine, démanteler les réseaux de passeurs, qui concourent aussi à l’accroissement du nombre de mineurs non accompagnés, et accompagner les départements confrontés à cette difficulté.
Nous les avons déjà aidés l’an dernier au moyen d’un fonds d’urgence. Le Gouvernement s’est ensuite engagé dans une discussion avec l’Association des départements de France. Elle fut d’une très grande fluidité, et nous sommes parvenus à un accord, qui sera évidemment mis en œuvre. Cet accord repose sur deux principes simples : tout d’abord, la protection de l’enfance reste une compétence départementale ; ensuite, l’État doit prendre toutes ses responsabilités dans la politique migratoire et la lutte contre la fraude, qui sont de son ressort.
Sur cette base, l’État renforcera en 2019 le montant des fonds alloués aux départements pour participer au financement de l’accueil de ces mineurs, jusqu’à ce que la question de leur majorité ou leur minorité soit tranchée.
Il mettra aussi en place un fichier national, afin de vérifier que les demandes formulées dans un département ne le sont pas de nouveau quelques mois plus tard par la même personne dans un autre département, engendrant de nouveaux frais d’instruction. Ce fichier sera opérationnel à compter de 2019. Il nous permettra d’éviter les doubles ou triples demandes, qui, vous le savez parfaitement, « embolisent » le système.
Enfin, si la tendance devait se confirmer, l’État prendrait sa responsabilité pour accompagner les départements concernés, sur le fondement des deux principes que j’ai évoqués. Et je parle uniquement de solidarité, et non des mesures visant à dissuader l’arrivée de ces mineurs.
Un certain nombre de départements sont confrontés à des situations particulières, notamment les Hautes-Alpes…
M. Marc-Philippe Daubresse. Le Nord également !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Il y en a d’autres, en effet, mais la situation a été particulièrement vive dans ce département. Aussi, comme vous le savez sans doute, mesdames, messieurs les sénateurs, l’État a pris des dispositions spécifiques pour l’accompagner dans l’exercice de ses missions. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
avenir des retraites
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Les lignes directrices de la future réforme des retraites ont enfin été dévoilées. En effet, votre projet de fusion des quarante-deux régimes actuels et de mise en place d’une retraite par points va réduire les pensions des travailleurs et repousser à soixante-trois ans, par un système de décote, l’âge de départ effectif à taux plein. (Mme la ministre des solidarités et de la santé fait un geste de dénégation.)
Ce sont les mécanismes de redistribution et de solidarité que vous remettez en cause, au profit d’une logique individualiste qui fait peser sur l’assuré tous les risques du montant de sa future pension.
Vous accédez par là aux vieux rêves du grand patronat et des marchés financiers d’en finir avec notre système de protection sociale, en livrant ce fabuleux magot des retraites aux intérêts privés. Car jamais les salariés n’auront le nombre de points nécessaires à un niveau de retraite digne. Ils seront donc poussés à recourir aux fonds de pension et à l’épargne privée, pour ceux qui en ont les moyens. Pour tous les autres, ce seront des pensions de misère.
En Suède, ce système par points a entraîné une baisse de 30 % du niveau des pensions.
À l’heure où la révolution numérique va détruire de nombreux emplois, et alors que plus de 1,5 million de seniors ne peuvent déjà ni prétendre à la retraite ni retrouver un travail, reculer l’âge de départ à taux plein est une aberration, un non-sens.
Oui, le système actuel de retraites est inégal et le niveau des pensions insuffisant. Toutefois, plutôt que de remettre en cause les principes de la sécurité sociale, pourquoi ne pas faire contribuer les revenus financiers des entreprises, sans oublier les créations d’emplois et les hausses de salaire, qui sont le cœur du financement de notre protection sociale ? C’est cela, une politique progressiste ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame Gréaume, la réunion qui s’est tenue hier au ministère de la santé, en présence de Jean-Paul Delevoye et des représentants des organisations syndicales, a eu lieu dans un climat de grande confiance. Les propositions avancées à d’issue de cette réunion par le Haut-Commissaire à la réforme des retraites ont été particulièrement appréciées par les organisations syndicales, car elles étaient le reflet d’une très longue concertation – celle-ci a duré six mois –, au cours de laquelle un certain nombre de questions ont été posées.
Aucune organisation syndicale n’a osé tenir les propos que vous tenez dans cette assemblée, madame la sénatrice ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Écoutez donc ceux qui sont descendus dans la rue !
Mme Agnès Buzyn, ministre. À aucun moment, n’a été remis en cause le système universel de retraite par points, avec une part importante dédiée à la solidarité. Et toutes les organisations syndicales ont reconnu que nous couvrions de nouvelles solidarités, inexistantes dans le système actuel.
À aucun moment, ainsi que le Président de la République s’y était engagé, il n’a été question de reculer l’âge de départ à la retraite.
Les partenaires sociaux ont tous reconnu que ce mode de concertation avait été particulièrement fructueux et qu’il permettait d’engager une nouvelle phase de questionnement sur la gouvernance du futur système et les modalités de transition avec le système actuel.
Nous avons rassuré sur le fait qu’aucune personne actuellement à la retraite ne serait touchée par la réforme, ni aucune personne qui partirait à la retraite dans les cinq ans suivant la promulgation de la loi.
Nous avons enfin acté que cette réforme aurait besoin d’un temps de transition long, de façon à s’adapter aux situations particulières. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
situation politique
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, un remaniement ne règle pas tous les problèmes, nous le savons tous, mais ce non-remaniement, auquel nous assistons depuis deux jours, devient un problème pour l’image politique de votre exécutif.
La difficulté n’est pas tant le casting – celui-ci n’intéresse pas grand-monde, en réalité – que la politique qui sera menée – celle-là, tous les Français s’en préoccupent.
Vos hésitations, la différence de vues que l’on vous prête avec le Président de la République, l’absence de ministre de l’intérieur, le fait que certains ministres soient sur le départ forcé depuis dix jours – je remarque d’ailleurs que moins de la moitié de votre gouvernement est présente aujourd’hui au banc des ministres ! –, et cette confusion empêchent de parler de l’essentiel, la politique que vous menez. Pourtant, les sujets ne manquent pas.
Quelles sont vos réelles intentions pour le pouvoir d’achat, notamment celui des retraités ? Quel est le montant réel de la revalorisation de la prime d’activité au niveau du SMIC ? Vous aviez annoncé 20 euros mensuels ; or le décret qui vient d’être publié retient une augmentation réelle de 8 euros. Allez-vous bloquer longtemps les salaires des fonctionnaires, alors que l’inflation est fortement de retour ? La même question se pose pour les revenus sociaux.
Monsieur le Premier ministre, je ne vais pas faire durer mon intervention ; la liste est longue et aurait dû, j’y insiste, relever d’un débat de politique générale. Retenez seulement cette question : est-ce que la vie quotidienne des Français, de plus en plus nombreux à ne plus vous croire, va changer avec votre remaniement ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Kanner, vous avez commencé votre intervention en évoquant la portée politique que pouvait avoir tel ou tel remaniement et en indiquant qu’aucun remaniement ne pouvait, à lui seul, changer une donne politique. Vous vous fondiez probablement sur une expérience passée, que nous avons tous en tête… (Sourires sur les travées du groupe La République En Marche. – Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Xavier Iacovelli. Un peu d’humilité !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. J’en suis persuadé depuis longtemps et, encore une fois, l’expérience me conduit à vous donner raison ; plus exactement, l’expérience sur laquelle vous vous fondez ou que vous avez vécue me conduit à vous donner raison. (Mêmes mouvements.)
M. Roland Courteau. Restez humble, monsieur le Premier ministre !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je le dis avec beaucoup de simplicité, mesdames, messieurs les sénateurs, et dans les mêmes termes que le président Kanner.
Vous indiquez que notre État doit faire l’objet de directives qui soient claires et de mises en œuvre de politiques publiques qui soient fermes. Vous avez raison, monsieur le président Kanner, et je partage en tout point cet avis. C’est la raison pour laquelle les ministres sont à leur tâche. En effet, il ne vous a pas échappé que les ministres travaillent, qu’ils sont présents et qu’ils répondent aux questions.
M. Michel Boutant. Ils sont à Lyon !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Il ne vous a pas non plus échappé que le Président de la République avait décidé de confier au Premier ministre que je suis la responsabilité du ministère de l’intérieur pendant cette période d’intérim, comme l’on dit. Je l’exerce pleinement, avec sérieux, en consacrant le temps et l’attention requis à cette tâche.
La situation n’a pas vocation à durer, je vous l’accorde, mais, entre-temps, je rencontre l’ensemble des responsables de la sécurité publique et l’ensemble des acteurs du ministère de l’intérieur, car je sais à la fois la sensibilité de la période et l’exigence d’une action ferme – je dirai même très ferme.
Monsieur le président Kanner, le Président de la République a pris des engagements. Ceux-ci seront tenus – si vous me permettez de le dire de façon triviale, je suis là pour ça ! –, et en tous points. En effet, nous considérons que, même si l’on peut être en désaccord avec les engagements pris par le Président de la République – c’est d’ailleurs votre cas –, l’honneur de la politique est de faire en sorte que ces engagements soient tenus dans l’action et que les résultats soient probants.
Puisque vous m’avez interrogé sur ce qui change, monsieur le président Kanner, permettez-moi de vous indiquer que, depuis quelques jours, les Français reçoivent leur feuille d’impôts. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Justement !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Et ils voient que la taxe d’habitation a baissé de façon effective pour 80 % des contribuables (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.),…
M. Albéric de Montgolfier. Et la CSG ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … sauf, vous le savez parfaitement, lorsque des communes, informées que la mesure s’accompagnait d’un dégrèvement, ont choisi, sans doute librement, de remonter leur taux. (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Chacun assume ses décisions, mais dix-huit millions de Français, monsieur le président Kanner, ont vu le montant de leur taxe d’habitation baisser. Voilà des éléments précis et fermes. Nous allons tenir les engagements pris par le Président de la République. Je n’ai aucun état d’âme en la matière, et je suis certain que vous n’en avez aucun non plus. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. François Patriat. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, je ne suis pas convaincu par votre réponse (Exclamations ironiques sur les travées du groupe La République En Marche.), et les Français non plus, manifestement, au regard des sondages qui se succèdent.
Je pense, monsieur le Premier ministre, que votre théorie du ruissellement est en train de devenir la théorie du goutte-à-goutte pour le plus grand nombre de nos concitoyens. Vous ne maîtrisez pas réellement le temps des horloges.
Finalement, nous en arrivons au temps des désillusions, après le temps des espoirs que vous avez portés. Vous ne possédez pas la clef qui permettrait de remettre en route cette horloge aujourd’hui défaillante. Telle est la vérité que découvrent aujourd’hui le plus grand nombre de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Alain Marc. Monsieur le président, vous me permettrez d’associer à cette question mon collègue de l’Aveyron, Jean-Claude Luche, ici présent.
Monsieur le Premier ministre, je voudrais revenir sur la tragédie qui s’est déroulée le 27 septembre dernier à Rodez. Ce jour-là, le directeur général adjoint des services de la ville, M. Pascal Filoé, était lâchement assassiné sur la voie publique par un individu qui avait été interpellé quarante-deux fois pour violences et qui avait plusieurs fois menacé les élus et les agents municipaux.
Pascal Filoé est mort pour avoir accompli son devoir et pour avoir fait appliquer la loi. Vous le savez bien, monsieur le Premier ministre, vous qui avez assisté à ses obsèques, la semaine dernière, pour lui rendre un dernier hommage.
Ce drame rappelle malheureusement que les personnels des administrations et des collectivités, et même parfois les élus, sont quotidiennement victimes de menaces et d’attaques. Confrontés à des délinquants de plus en plus dangereux et déterminés, les représentants de l’autorité sont exposés à une insécurité grandissante : menaces, actes d’intimidation, violences à répétition.
Les exactions perpétrées à l’encontre de ces femmes et de ces hommes dépositaires de l’autorité publique sont inacceptables dans un État de droit. Je veux rappeler ici la qualité de leur travail et leur dévouement, mais aussi le fait qu’ils sont les gardiens de notre sécurité, donc de nos libertés, et qu’ils agissent avec courage, parfois au péril de leur vie.
Aussi, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous indiquer les mesures que le Gouvernement envisage de prendre en faveur des personnels des administrations des collectivités et des élus, qui sont trop souvent victimes d’incivilités et de violences, que celles-ci soient verbales ou physiques, alors même qu’ils sont les garants indispensables du bon fonctionnement de notre République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur Marc, je voudrais d’abord exprimer avec vous une pensée attristée et adresser un hommage respectueux à la mémoire de Pascal Filoé, le directeur général adjoint des services de la ville de Rodez, qui dirigeait les services de la police municipale et qui a été assassiné la semaine dernière.
J’ai pu mesurer à quel point cet homme suscitait autour de lui une confiance, un engouement et un respect tout à fait exceptionnels. J’étais avec vous, monsieur le sénateur, sur cette place de Rodez, avec les élus et avec un très grand nombre de Ruthénois, qui étaient à la fois bouleversés par l’émotion et, en même temps, marqués, je veux le dire ici, au Sénat, par l’exceptionnelle dignité et l’exceptionnel courage de la famille de Pascal Filoé et de ses collègues de travail.
Au fond, la question que vous posez, monsieur le sénateur, c’est : « Comment protéger ceux qui nous protègent ? » C’est une question importante, car le pacte républicain et la paix civile reposent entièrement sur l’idée que certains nous protègent, dans le respect de la loi.
Bien entendu, nous devons être exigeants avec eux pour qu’ils respectent la loi, mais, je le répète, dans ce cadre, ce sont eux qui nous protègent. Or si ceux-là mêmes qui doivent nous protéger sont, à chaque instant, soumis à des violences, qui peuvent être verbales, mais qui peuvent également être physiques, s’ils deviennent des cibles, s’ils sont l’objet permanent de l’irrespect, de l’incivilité, voire de la violence ou de l’agressivité d’un certain nombre de nos concitoyens, alors, le système entier se trouve fragilisé.
Comment protéger ceux qui nous protègent ? D’abord, monsieur le sénateur, en faisant en sorte de ne rien accepter et de ne rien laisser passer. Il est assez troublant d’avoir à le rappeler, et c’est malheureusement trop facile à dire et extrêmement difficile à obtenir, mais nous ne devons rien laisser passer.
Il y a quelques semaines, Mme la garde des sceaux a adressé à l’ensemble des procureurs du territoire une circulaire leur rappelant que notre droit prévoit déjà des circonstances aggravantes ou des éléments permettant de sanctionner durement ceux qui s’attaquent aux dépositaires de l’autorité publique, qu’ils soient fonctionnaires ou élus ; elle précisait qu’il fallait veiller à ce que les poursuites soient engagées et les réquisitions prises, de manière ferme, car, ce faisant, nous protégeons véritablement la solidité du pacte républicain.
Ensuite, il y a la question des moyens, parce que, pour protéger ceux qui nous protègent, il faut qu’ils soient équipés et en nombre suffisant. C’est un combat délicat, car nous partons peut-être d’un peu trop loin.
Dans le budget de 2019, comme dans celui de 2018 et comme dans ceux qui suivront, vous trouverez des éléments traduisant cette priorité et cet engagement, avec un recrutement supplémentaire, sur l’ensemble du quinquennat, de 10 000 fonctionnaires de police, gendarmes et agents de la DGSI. Ce sont 2 000 recrutements par an en moyenne, même si, avec les effets de lissage, il y en aura parfois 2 500, parfois 1 500, selon les années ; en tout cas, c’est de cet ordre-là, et c’est indispensable. Nous veillerons à ce que ces personnels soient équipés, car, si le nombre est important, la capacité à utiliser des moyens modernes est évidemment décisive.
Enfin, monsieur le sénateur, même s’il est peut-être optimiste de le dire ainsi, je crois qu’il ne faut pas laisser nos forces de l’ordre seules face à ces incivilités.
Il ne faut pas simplement leur dire qu’elles seront plus nombreuses, mieux équipées et mieux protégées par le droit. Il faut aussi, comme cela a été le cas à Rodez, et comme cela doit être le cas partout en France, que nos concitoyens protègent ceux qui nous protègent, dénoncent les incivilités, disent ouvertement aux fonctionnaires de police, aux gendarmes et aux sapeurs-pompiers, qui œuvrent pour notre sécurité et pour notre bien, qu’ils sont fiers d’eux, qu’ils sont derrière eux et que, d’une certaine façon, ils les protègent aussi.
Peut-être est-il optimiste de formuler cela ainsi, dans cette enceinte, au Sénat, mais je suis convaincu que c’est au moins aussi important que les deux éléments que j’ai mentionnés auparavant. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour la réplique.
M. Alain Marc. Monsieur le Premier ministre, dans les gendarmeries, dans les commissariats, dans les centres de secours, vous trouverez toujours les élus du Sénat auprès des forces de l’ordre, pour les appuyer et les encourager. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi
M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, après la refonte ratée de la carte des zones défavorisées simples, après la baisse du budget de la politique agricole commune, après l’humiliation des retraites agricoles, après le rendez-vous manqué de la loi Agriculture et alimentation, vous semblez vouloir désespérer une fois de plus nos agriculteurs.
Vous souhaitez désormais supprimer le dispositif d’exonération des charges patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels agricoles. Si cette mesure était confirmée, elle causerait un préjudice considérable à la profession agricole.
Pour un employeur, la perte par contrat est de 189 euros chaque mois. Au niveau national, la suppression du dispositif TODE, c’est-à-dire Travailleurs Occasionnels Demandeurs d’Emploi, représente une hausse de charges comprise entre 144 millions et 178 millions d’euros, alors que le coût du travail saisonnier dans notre pays est déjà plus élevé de 27 % par rapport à l’Allemagne et de 20 % par rapport à l’Espagne.
Dans mon département du Lot-et-Garonne, cette suppression représente une perte de 4 millions d’euros et concerne 25 000 emplois. Il n’est pas le seul à être concerné : mon collègue François Bonhomme aurait également pu poser cette question pour le Tarn-et-Garonne.
Tous les secteurs agricoles employant des saisonniers, en particulier l’arboriculture, le maraîchage, l’horticulture et la viticulture, seront ainsi directement pénalisés.
Monsieur le ministre, allez-vous renoncer à la suppression de ce dispositif ou souhaitez-vous que nos agriculteurs soient obligés de « traverser la rue », pour trouver du travail ailleurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture.
M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame Bonfanti-Dossat, vous étiez hier en commission des affaires sociales, ici, au Sénat, et, visiblement, vous n’avez pas bien écouté ce que vous ont dit Gérald Darmanin et Agnès Buzyn. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ils vous ont indiqué très clairement que nous étions en train de travailler – ce matin encore, avait lieu une réunion à ce sujet à mon ministère –, pour faire en sorte de trouver des solutions pour les arboriculteurs, les pépiniéristes, les maraîchers, bref, pour les secteurs qui aujourd’hui emploient la main-d’œuvre de travailleurs occasionnels.
Je veux vous le dire, madame la sénatrice, l’objectif que nous portons aujourd’hui, c’est l’amélioration de la compétitivité de l’agriculture en France. Nous le faisons à partir de trois volets.
Tout d’abord, le volet de la loi Agriculture et alimentation, que vous avez refusé de discuter en nouvelle lecture. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Rémy Pointereau. C’est faux !
M. Stéphane Travert, ministre. Avec ce volet, nous travaillons, madame la sénatrice, sur le revenu des agriculteurs, pour faire en sorte que, demain, ceux-ci puissent investir et de nouveau innover, au service de la qualité alimentaire.
Ensuite, nous travaillons sur le volet de la fiscalité, avec des mesures comme la dotation pour aléa, la DPA, très attendue par le monde agricole, qui patiente depuis quinze ans. C’est ce gouvernement qui l’a fait ! Nous avons également pris des mesures liées à la viticulture, un secteur que vous connaissez bien, mesures elles aussi très attendues par le monde viticole.
Enfin, nous travaillons à la compétitivité des exploitations agricoles au travers du Grand plan d’investissement, sur lequel, vous le savez, 3,5 milliards d’euros seront consacrés à l’amont agricole, à la structuration des filières et à l’amélioration de la vie des agriculteurs. Par ailleurs, vous le savez, le CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, a été transformé en exonérations de charges. C’est aussi une mesure de compétitivité pour nos exploitations agricoles.
Vous le voyez, nous travaillons à un ensemble de solutions, qui vous seront présentées dans les prochains jours, et je ne doute pas un seul instant, parce que vous avez le souci de la compétitivité des arboriculteurs, des pépiniéristes, des maraîchers et des viticulteurs, que vous soutiendrez le dispositif que nous aurons le plaisir de vous présenter. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour la réplique.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Tout d’abord, soyez rassuré, monsieur le ministre, j’ai bien écouté les propos de M. Darmanin hier. Ce que vous semblez oublier, c’est que les paysans savent compter ! Ils ont calculé que l’allégement des charges ne serait pas à la hauteur du dispositif supprimé.
Non seulement vous ne les écoutez pas et ne les entendez pas, mais vous amplifiez leur désespérance. (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
plainte à l’onu sur les essais nucléaires en polynésie française
M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Lana Tetuanui. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, j’interviens aujourd’hui au nom du président de la Polynésie française, Édouard Fritch, et des autorités polynésiennes, au moment où le parti indépendantiste, soutenu par l’église évangélique ma’ohi, vient de déposer plainte auprès de la Cour pénale internationale contre la France, pour crime contre l’humanité.
Le parti indépendantiste ne représente pas la Polynésie ! Il n’a obtenu que 20 % des voix aux dernières élections territoriales. Ces déclarations politiciennes, électoralistes, ne sauraient jeter le trouble dans nos actions en faveur des Polynésiens.
Cette plainte et certaines déclarations de ce parti ont pu susciter des réactions parfois virulentes dans l’opinion publique, notamment en France hexagonale. Malgré ces tensions, je tiens à vous assurer, monsieur le Premier ministre, de la pleine coopération des autorités polynésiennes. Avec notre président, Édouard Fritch, nous restons déterminés à travailler main dans la main avec le gouvernement central, comme nous l’avons toujours fait depuis notre accession aux responsabilités.
Cette bonne entente est essentielle à l’heure où nous travaillons sur des sujets aussi graves que l’indemnisation des victimes des essais nucléaires.
J’étais moi-même à l’ONU, voilà à peine deux jours, pour rappeler l’engagement de la France dans la mise en œuvre des moyens dédiés à la réparation des essais nucléaires en Polynésie française et de leurs conséquences. Avec la commission extra-parlementaire créée sur ce sujet par la loi EROM, la loi sur l’égalité réelle outre-mer, dont j’ai l’honneur d’assurer la présidence, nous venons justement de rentrer de mission en Polynésie, et notamment de l’atoll de Moruroa.
Nous sommes conscients de l’ampleur du travail qu’il reste à réaliser. J’ai dit, et je le répète aujourd’hui de la façon la plus claire qui soit, dans le cadre solennel du Parlement, à quel point la Polynésie française tenait à cette coopération.
Monsieur le Premier ministre, ma question est toute simple : pouvez-vous me confirmer l’attachement et le soutien de la France à notre action sur le sujet du nucléaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Catherine Conconne proteste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer. (Protestations sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice, tout d’abord, je vous adresse un grand merci pour les propos que vous avez tenus, avec le président Édouard Fritch, devant le comité spécial de la décolonisation des Nations unies.
Ensuite, vous le savez, la situation de la Polynésie ne justifie pas qu’elle figure sur cette liste des territoires non autonomes. C’est pour raison que les représentants de la France ne participent pas à ces réunions. Nous voulons redire, au président Fritch et à vous-même, que le degré d’autonomie dont vous disposez, et dont vous avez rappelé l’importance, est bien sûr totalement respecté par la France. Nous respectons de la même manière les Polynésiens qui votent à chaque élection territoriale.
M. Temaru a annoncé qu’il portait plainte contre la France. Eh bien, nous allons nous défendre et rappeler les faits ! Nous allons pouvoir dire également que le détournement à des fins politiques locales des juridictions internationales doit être dénoncé.
La France aborde ce passé de manière responsable. Le fait nucléaire, nous en assumons avec sérénité l’héritage.
C’est le cas lorsque la ministre des armées investit massivement dans la dépollution et le suivi des atolls concernés.
C’est le cas lorsque nous relançons, sous votre impulsion, madame la sénatrice, l’indemnisation des victimes des essais nucléaires. D’ailleurs, le CIVEN, le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, travaille très bien depuis un certain nombre de mois, et nous nous en félicitons tous.
C’est le cas lorsque nous travaillons ensemble pour que vous puissiez formuler un certain nombre de recommandations, afin que nous soyons certains que ce sont bien les victimes des essais nucléaires qui seront indemnisées. Nous attendons vos propositions et nous les étudierons.
C’est le cas, enfin, lorsque nous nous engageons, avec le pays et les associations, pour créer un lieu de mémoire de cette page de l’histoire, qui est extrêmement importante pour la Polynésie et pour la France tout entière. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
accueil des migrants en loire-atlantique
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Ronan Dantec. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le secrétaire d’État, pendant tout l’été 2018, la ville de Nantes s’est retrouvée confrontée à l’existence d’un camp de migrants en plein centre-ville. Les conditions indignes dans lesquelles ont vécu ces centaines de personnes dans un lieu insalubre auront de nouveau montré notre incapacité à gérer collectivement les situations migratoires, sources de tous les fantasmes et des récupérations politiques les plus infâmes.
Nous ne sommes pourtant en rien, c’est l’occasion de le dire, en face d’une invasion, puisque les entrées illégales dans toute l’Europe seront cette année, d’après les estimations que vient de publier FRONTEX, de moins de 130 000 personnes, ce qui représente 0,025 de la population européenne, de 511 millions d’habitants. À ce rythme, l’invasion mettra au moins 4 000 ans à se préciser !
Ces situations indignes en plein cœur de nos villes fragilisent pourtant nos valeurs humanistes, nous habituant peu à peu insidieusement à tolérer l’intolérable.
C’est pourquoi de nombreux élus de Loire-Atlantique ont décidé de relever le défi et de ne pas s’en accommoder plus longtemps. Ainsi, la ville de Nantes, vous le savez, a mobilisé des moyens considérables, à savoir cinq gymnases, pour loger plus correctement ces personnes et ses services pour les accompagnements administratifs.
Ensuite, et c’est particulièrement à souligner, des élus de toute la Loire-Atlantique se sont déclarés prêts à accueillir des réfugiés ayant obtenu le statut, ce qui soulagerait des CADA, des centres d’accueil des demandeurs d’asile, engorgés – « embolisés », dirait M. le Premier ministre (Sourires.) –, dans lesquels auraient dû justement être accueillis les demandeurs d’asile. C’est une vraie solution de long terme qui est proposée par ces élus de toutes sensibilités, notamment de droite.
Aujourd’hui, c’est la ville de Nantes seule qui assume le coût financier de cet accueil ; l’État, qui ne finance rien, ne respecte pas la directive européenne de 2013 sur les conditions d’accueil, pourtant transposée en droit français.
Je vous poserai une question simple, monsieur le secrétaire d’État : pourquoi l’État refuse-t-il d’intervenir financièrement en soutien aux communes d’accueil ? Cette position peut-elle évoluer ? (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Dantec, vous m’interrogez sur la situation migratoire à Nantes. On constate dans cette ville, depuis le début de l’année, une augmentation importante – elle a été près de 23 % – des flux migratoires et du nombre de demandeurs d’asile.
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué dans votre question la situation du campement qui s’était installé sur l’espace public, dans le square Daviais, à Nantes. Après de nombreux échanges avec la maire de Nantes, Mme Johanna Rolland, des procédures juridictionnelles ont été engagées. Elles ont permis l’évacuation de ces 698 personnes, comme vous l’avez rappelé, dans cinq gymnases différents.
Je vous confirme que le Gouvernement souhaite traiter ce type de situation dans le cadre d’une politique d’asile et d’immigration qui soit équilibrée.
Nous consacrons des moyens importants à l’accueil. Je le rappelle, dans le projet de loi de finances voté l’an dernier – vous aurez l’occasion de débattre de nouveau de ce sujet dans les semaines à venir –, les crédits à l’intégration ont été augmentés de 26 %. De la même manière, différents éléments permettant une meilleure intégration des populations accueillies ont été prévus, par exemple le doublement du nombre d’heures de cours de français. Nous avons aussi décidé de créer 7 500 nouvelles places d’hébergement pour les demandeurs d’asile d’ici à 2019.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux dire aussi, puisque c’est la ligne qui est la nôtre sur cette politique migratoire depuis le premier jour, que nous avons décidé d’allier l’humanité, avec les éléments dont je viens de vous faire part, à la fermeté.
En effet, à notre sens, c’est bien dans cet équilibre entre humanité et fermeté que nous arriverons à convaincre et à combattre les caricatures, les mauvais procès, les angoisses et le caractère anxiogène que certains instrumentalisent dans le débat politique, à l’endroit de personnes dont on sait qu’elles fuient, bien souvent la mort, bien souvent les persécutions, et qui ne voient sur le territoire et sur le continent européen rien d’autre qu’un espace de liberté.
Je le sais, monsieur le sénateur, nous avons cela en partage. Vous l’avez dit, cette préoccupation va au-delà des sensibilités politiques. Nous y avons consacré des moyens dans la loi de finances votée l’an dernier et nous confirmerons cette tendance dans le projet de loi de finances pour 2019. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
rapport du giec (II)
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Angèle Préville. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, mes chers collègues, le rapport du GIEC, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, est édifiant. Il sonne comme un dernier cri d’alarme avant le désastre.
Limiter la hausse des températures à 1,5 degré Celsius implique déjà des changements radicaux. Or nous creusons chaque jour notre dette écologique. Tant que nous ne modifierons pas notre façon de produire et de consommer, tant que l’écologie ne sera pas au centre des préoccupations économiques, tant que nos habitudes alimentaires resteront inchangées, tant que nous puiserons dans la nature comme dans un réservoir sans fin, tant que nous considérerons la nature comme un dépotoir pour nos déchets trop nombreux, tant que les secteurs des transports, de l’urbanisme et de l’énergie ne seront pas repensés, les effets seront irréversibles et la gestion de crise permanente.
Nous avions, lors du quinquennat précédent, ouvert la voie à une véritable transition énergétique. Votre bilan est le reflet d’un gouvernement qui manque à ses engagements : faible ambition du projet de loi Agriculture et alimentation ; refus de l’interdiction du glyphosate ; transition vers le bas carbone balbutiante ; hausse des gaz à effet de serre en 2017. En prime, Nicolas Hulot, ministre démissionnaire, a dénoncé le poids des lobbies.
Au vu des chiffres annoncés dans votre budget pour 2019, le sursaut écologique ne sera pas au rendez-vous. Pour que les résultats soient effectifs, l’ensemble de vos politiques publiques doit prendre en considération l’urgence climatique, qui est une urgence absolue. La prise de conscience est collective, et la balle est dans votre camp. Il est temps de repenser à la pertinence des taxes et des subventions, ainsi qu’à leur redistribution. Le Président de la République n’a-t-il pas été sacré « champion de la Terre ? ». Cela vous oblige.
Il nous promettait une révolution, mais elle est en panne sèche. Face à cette course contre la montre, quel sursaut budgétaire allez-vous désormais mettre en œuvre ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jackie Pierre. Il n’y aura pas de sursaut !
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame Préville, je pourrais dire que je partage ce constat, mais je veux souligner que je ne vois pas ce rapport du GIEC comme un ultime cri d’alarme.
Je ne le vois pas comme un nouvel appel à éveiller les consciences. Je ne le vois pas non plus affirmer que tout est fichu, si vous me permettez cette expression, et qu’il n’y a plus rien à faire, puisque rien ne fonctionne et que l’on n’y arrivera jamais. Je le vois comme un appel à l’action.
Pour ma part, je suis déterminé à ce que, sujet par sujet, notamment ceux que vous avez cités, nous agissions, à condition que ce soit ensemble. Plus il y aura de citoyens mobilisés sur ces questions, mieux ce sera ; plus il y aura d’élus à faire remonter cette sensibilité, mieux ce sera, mais il faudra aussi plus de personnes pour soutenir les décisions qu’il faut prendre.
Sur la fiscalité écologique, je vous le dis tranquillement, lorsque l’on en parle de façon théorique, tout le monde est d’accord : il faut donner un prix au carbone.
M. Jean-François Husson. Non !
M. François de Rugy, ministre d’État. Lorsque l’on parle de taxe carbone, parce qu’il faut bien appeler les choses par leur nom, il y a déjà un peu moins de gens d’accord. Et quand il s’agit de voter concrètement un dispositif, au Sénat ou à l’Assemblée nationale, il y a nettement moins de gens d’accord.
J’espère que vous dialoguez intensément, étroitement avec vos collègues de la même sensibilité politique que vous de l’Assemblée nationale… En effet, l’année dernière, lorsqu’il s’est agi du budget, ils ont voté contre, en déclarant que c’était parce qu’il y avait trop de fiscalité écologique et que cela allait trop contraindre le pouvoir d’achat ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Julien Bargeton. Bravo !
M. François de Rugy, ministre d’État. Il faut donc être cohérent. Nous le serons pour ce qui concerne l’énergie, avec la programmation pluriannuelle de l’énergie, les transports, les déchets, dont vous avez parlé, et les autres sujets liés à la baisse des émissions de gaz à effet de serre. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Protestations sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
M. Julien Bargeton. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Pierre Charon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Charon. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, mais, comme nous sommes en plein remaniement, je comprendrais qu’il y ait des changements ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
L’arrestation de Rédoine Faïd a été un grand soulagement pour les Français et pour nos services de police, que je félicite.
Une fois de plus, nous devons prendre acte du fait que la cavale de ce truand a été facilitée par notre incapacité à faire respecter nos lois. L’ennemi public n° 1 se promenait au vu et au su de tout le monde, protégé par une burqa ! On se croirait dans un mauvais film… Avec quelle ironie, avec quelle arrogance ce dangereux malfaiteur s’est-il servi de la lâcheté et de la passivité des autorités françaises, qui n’osent plus faire respecter leurs lois !
Pourtant, en 2010, le législateur avait choisi d’interdire la dissimulation du visage dans l’espace public, décision validée par le Conseil constitutionnel, madame Belloubet.
Sous prétexte de ne pas troubler l’ordre public, on néglige d’interpeller les personnes portant le voile intégral, en oubliant que le respect de la dignité de la femme fait partie de l’ordre public. Le code pénal en a fait une contravention punie d’une amende de la deuxième classe, dont le montant peut aller jusqu’à 150 euros, ou effectuer un stage de citoyenneté. On croit rêver !
Toutefois, à quoi bon, monsieur le ministre, à quoi bon ? Non seulement la police est constamment narguée, mais les amendes, quand elles sont payées, le sont par des tiers ou des associations qui combattent les valeurs de la République. Ce nouvel épisode, qui ridiculise nos lois, nous dit clairement qu’il faut aller plus loin.
Rien n’interdit de faire de la dissimulation intégrale du visage un délit, jugé en correctionnelle. Rien ne l’empêche, monsieur le secrétaire d’État – sauf l’absence de courage politique et une certaine complaisance, que nous connaissons trop bien, envers le communautarisme.
Alors, quand les pouvoirs publics accepteront-ils enfin d’appliquer sans lâcheté l’interdiction de la dissimulation du visage sur le territoire de notre République ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Charon, vous vous appuyez sur l’évasion de Rédoine Faïd, qui s’est déroulée dans les circonstances que nous savons, pour évoquer la question de la dissimulation du visage dans l’espace public.
Je voudrais tout d’abord dire que la question que vous avez posée – je parle de l’évasion de Rédoine Faïd – a trouvé, en partie, sa résolution par des mesures extrêmement rigoureuses que j’ai été conduite à prendre après cette évasion, aussi bien pour assurer la sécurité dans nos établissements pénitentiaires que pour réorganiser l’administration pénitentiaire à l’échelon central. Il me semble que les décisions que j’ai prises à ce moment-là permettront d’éviter que ne se renouvelle ce type de grave incident.
Vous m’interrogez, ensuite, sur une loi que nous avons adoptée et qui a en effet été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, en vous plaignant de la non-application ou de l’insuffisante application de ce texte.
Il est vrai, monsieur le sénateur, que nous devons, de ce point de vue, tout faire, j’y insiste vraiment, pour que l’ordre public soit respecté. Il va de soi que nous devons, pour des questions d’ordre public, de vérification d’identité, de lutte contre le communautarisme, sujet qui fait également partie des priorités de ce gouvernement, tout mettre en œuvre pour que ces lois soient appliquées avec la plus grande fermeté. J’en sais la difficulté au quotidien.
Je sais bien que les forces de l’ordre se heurtent à des complications liées au terrain même dans lequel elles doivent effectuer leur tâche. Pour autant, je réaffirme ici notre volonté pleine et entière de mettre en œuvre toutes les mesures pour lutter contre les phénomènes communautaristes. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Charon, pour la réplique.
M. Pierre Charon. Madame la garde des sceaux, vous n’avez pas tout à fait répondu à ma question : il s’agissait de transformer la contravention en délit, et je n’ai pas eu de réponse sur ce point. Pourtant, nous sommes appuyés par l’Europe pour aller dans ce sens. Nombre de pays l’ont fait : l’Autriche, le Danemark…
Je ne suis donc pas tout à fait satisfait de votre réponse, madame la garde des sceaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
sécurité en france et à marseille
M. le président. La parole est à M. Bruno Gilles, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Gilles. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur, donc à vous, monsieur le Premier ministre.
« Aujourd’hui, nous vivons côte à côte. […] Je crains que, demain, nous ne vivions face à face. » C’est sur ces terribles perspectives que votre ministre de l’intérieur quittait la place Beauvau, il y a près de dix jours, monsieur le Premier ministre. Mauvais présage, s’il en est, ou bien avertissement ultime venant de vos propres rangs ; démonstration aussi d’une telle impuissance !
Dans des zones de non-droit se propage une violence croissante, même les policiers, même les gendarmes, même les pompiers étant pris pour cibles. Ceux-ci déplorent d’ailleurs les conditions de plus en plus difficiles dans lesquelles ils doivent y faire face, et le malaise de nos forces de sécurité s’accroît. Les causes de l’insécurité sont multiples, et vous les connaissez, monsieur le Premier ministre. Elles laissent d’ailleurs planer le spectre de catastrophes d’ampleur inégalée.
À Marseille, deuxième ville de France, les collectivités territoriales sont au rendez-vous pour assurer cette mission de sécurité, mais l’État n’assume plus son devoir régalien. Deux commissariats viennent de fermer ; cinq autres sont maintenant fermés le soir et le week-end, alors que la situation sécuritaire se dégrade de jour en jour. Malgré les visites ministérielles, malgré les promesses, les forces de police sont toujours en sous-effectifs et manquent de matériels.
Monsieur le Premier ministre, de quelle manière allez-vous prendre en compte l’avertissement ultime de votre dernier ministre de l’intérieur, démissionnaire ?
Monsieur le Premier ministre, comment comptez-vous rétablir dans ces zones l’autorité de l’État et être à la hauteur des enjeux auxquels nous devons faire face ?
Monsieur le Premier ministre, comment comptez-vous résoudre les problèmes que j’ai soulevés dans la deuxième ville de France, Marseille ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
M. Ladislas Poniatowski. Pourquoi le Premier ministre ne répond-il pas ?
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je crois que, pour gagner le cœur et le respect des Marseillais, il est inutile de noircir exagérément une situation dont je sais que vous mesurez la grande difficulté. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. C’est la réalité !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. La situation à Marseille, vous le savez et vous l’avez dit, est marquée par la manifestation violente d’un banditisme très organisé, lié aux rivalités entre groupes criminels organisant essentiellement le trafic de stupéfiants dans les quartiers nord de Marseille, mais également au-delà de l’agglomération.
Les services de l’État sont pleinement mobilisés, aux premiers rangs desquels les forces de l’ordre – je rappelle que 7 500 personnels de sécurité sont engagés dans le département des Bouches-du-Rhône – et l’autorité judiciaire.
Depuis 2012, l’institution d’un préfet de police a renforcé la coordination des services. Cette stratégie a porté ses fruits : en cinq ans, les atteintes aux personnes ont diminué de 21 %, les atteintes aux biens de 19 %. En 2017, cinquante réseaux ont été démantelés et 1 252 personnes ont été mises en cause.
M. Bruno Gilles. Et les commissariats fermés ?
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. Vous le savez, nous avons également mis en œuvre un pilotage renforcé de la lutte contre le trafic de stupéfiants, qui est animé par la police judiciaire. Le renseignement criminel, auparavant dispersé, est désormais centralisé au sein d’une même cellule de renseignement opérationnelle sur les stupéfiants.
Le bilan de ces efforts est éloquent, laissez-moi vous le rappeler : depuis 2015, quelque 2,9 tonnes de cannabis, 191 kilogrammes de cocaïne et 73 kilogrammes de drogues de synthèse ont été saisis, et près de 6 millions d’euros ont été confisqués.
M. Bruno Gilles. Et les commissariats fermés ?
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. Par ailleurs, et vous le savez mieux que quiconque, monsieur le sénateur, le dispositif s’est étoffé de nouveaux partenaires : la police municipale de Marseille, depuis l’année 2017, la police aux frontières et la Division nationale de recherche et des enquêtes douanières.
Depuis le début de l’année 2018, quelque vingt-neuf réseaux ont été démantelés et quatre-vingt-douze trafiquants écroués. Vous voyez que, loin de la caricature qui est faite parfois, lorsque l’État, les forces de l’ordre, l’appareil judiciaire et les collectivités locales sont pleinement mobilisés avec un objectif, on obtient des résultats. C’est dans cet esprit que les pouvoirs publics continueront à travailler. (M. Martin Lévrier applaudit.)
M. Stéphane Ravier. C’est cela, continuez comme cela !
M. le président. La parole est à M. Bruno Gilles, pour la réplique.
M. Bruno Gilles. Je rappelle que, en début de séance, il était prévu que ce soit le Premier ministre qui réponde à cette question. Je note donc que vous esquivez, que vous reportez, que vous vous dérobez. Votre réponse est à l’image de votre Gouvernement, qui n’est plus « En Marche », mais en attente et en pause ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mardi 16 octobre prochain, à seize heures quarante-cinq, et seront retransmises sur Public Sénat, le site internet du Sénat et Facebook.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein de la sous-section 1 de la section 2 du chapitre III du titre IV, à l’article 40.
TITRE IV (SUITE)
DISPOSITIONS PORTANT SIMPLIFICATION ET RENFORCEMENT DE L’EFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE PÉNALE
Chapitre III (suite)
Dispositions relatives à l’action publique et au jugement
Section 2 (suite)
Dispositions relatives au jugement
Sous-section 1 (suite)
Dispositions relatives au jugement des délits
Article 40
I. – L’article 398-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Sont jugés dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 398 les délits suivants, lorsqu’ils sont punis d’une peine inférieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement : » ;
2° Les 1° et 2° sont ainsi rédigés :
« 1° Les délits du code pénal, à l’exception des délits d’agressions sexuelles prévus aux articles 222-27 à 222-31 ;
« 2° Les délits prévus par le code de la route ;
3° Les 3° et 4° deviennent les 4° et 5° ;
3° bis (nouveau) Le 3° est ainsi rétabli :
« 3° Les délits en matière de chèques prévus aux articles L. 163-2 et L. 163-7 du code monétaire et financier, » ;
4° Le 7 bis est abrogé ;
5° Le 8° est ainsi rédigé :
« 8° Les délits prévus par le code de la construction et de l’habitation ; »
6° Le 11° est ainsi rédigé :
« 11° L’usage de stupéfiants prévus à l’article L. 3421-1 du code de la santé publique ainsi que le délit prévu à l’article 60 bis du code des douanes. » ;
7° Après le 11°, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« 12° Les délits en matière d’habitat insalubre prévus à l’article L. 1337-4 du code de la santé publique.
« Pour l’appréciation du seuil de cinq ans d’emprisonnement mentionné au premier alinéa du présent article, il n’est pas tenu compte des aggravations résultant de l’état de récidive ou des dispositions des articles 132-76, 132-77 ou 132-79 du code pénal.
« Sont également jugés dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 398 du présent code les délits pour lesquels une peine d’emprisonnement n’est pas encourue, à l’exception des délits de presse. »
II. – L’article 495 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le II est ainsi rédigé :
« II. – La procédure simplifiée de l’ordonnance pénale est applicable aux délits punis d’une peine d’amende et aux délits punis d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans, à l’exception des délits d’atteintes à la personne humaine prévus au titre II du livre II du code pénal. » ;
2° Le 4° du III est abrogé.
III. – Le deuxième alinéa de l’article 495-1 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les peines prévues aux articles 131-5 à 131-8-1 du code pénal peuvent être prononcées ; la peine de travail d’intérêt général ne peut toutefois être prononcée que si la personne a déclaré, au cours de l’enquête, qu’elle accepterait l’accomplissement d’un tel travail. »
IV. – Le deuxième alinéa de l’article 495-3 du code de procédure pénale est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Toute ordonnance portant condamnation à une peine est portée à la connaissance du prévenu par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. En cas de condamnation à une peine de jour-amende ou une peine de travail d’intérêt général, l’ordonnance est également portée à connaissance du prévenu par le procureur de la République, directement ou par l’intermédiaire d’une personne habilitée. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 157, présenté par MM. J. Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain, Leconte, Kerrouche, Fichet et Houllegatte, Mmes Préville, Meunier, Lubin, Jasmin et Blondin, MM. Jeansannetas, Cabanel et Montaugé, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 18
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. L’article 40 du projet de loi est, une fois de plus, la preuve que l’on essaie de réduire du temps de travail des juges, ce qui évitera d’en recruter trop.
L’amendement n° 157 vise, quant à lui, à supprimer les alinéas 1 à 18 de l’article 40, qui tendent à généraliser en matière correctionnelle le recours au juge unique. Nous avons déjà, depuis de nombreuses années, en matière civile, comme en matière correctionnelle d’ailleurs, fonctionné sur le mode du juge unique.
La disparition de la collégialité constitue, à mes yeux, une vraie préoccupation. En effet, en matière correctionnelle, lorsqu’il s’agit de délits graves exposant à des sanctions lourdes, il est important que la décision fasse l’objet d’un débat entre trois magistrats et ne relève pas d’un juge unique. Certains tribunaux de grande instance sont organisés de telle sorte que le président de l’audience correctionnelle n’est pas systématiquement entouré des mêmes magistrats, ce qui peut provoquer un débat utile sur les peines prononcées.
Cette extension du recours au juge unique pour des délits graves et importants ne nous paraît pas justifiée. Tel est le sens de cet amendement de suppression. Certes, son adoption obligera, madame la garde des sceaux, les services de la Chancellerie à trouver de nouveaux magistrats à terme, mais comme tel est le but que vous avez annoncé en défendant l’article 1er, je ne vois pas pourquoi vous voulez, à l’article 40, supprimer la collégialité là où elle était déjà suffisamment résiduelle.
Mme la présidente. L’amendement n° 176, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Remplacer cet alinéa par vingt-cinq alinéas ainsi rédigés :
« 1° Les délits ci-après mentionnés, prévus par les articles suivants du code pénal :
« – les violences prévues par les articles 222-11, 222-12 et 222-13 ;
« – les appels téléphoniques malveillants prévus par l’article 222-16 ;
« – les menaces prévues par les articles 222-17 à 222-18-3 ;
« – les atteintes involontaires à l’intégrité de la personne prévues par les articles 222-19-1, 222-19-2, 222-20-1 et 222-20-2 ;
« – l’exhibition sexuelle prévue par l’article 222-32 ;
« – la cession ou l’offre illicite de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle prévu par l’article 222-39 ;
« – le délit de risques causés à autrui prévu par l’article 223-1 ;
« – les atteintes à la vie privée et à la représentation de la personne prévues par les articles 226-1 à 226-2-1, 226-4 à 226-4-2 et 226-8 ;
« – les abandons de famille, les violations des ordonnances prises par le juge aux affaires familiales en cas de violences et les atteintes à l’exercice de l’autorité parentale prévus par les articles 227-3 à 227-11 ;
« – le vol, la filouterie, et le détournement de gage ou d’objet saisi prévus par les articles 311-3 et 311-4, 313-5, 314-5 et 314-6 ;
« – le recel prévu par l’article 321-1 ;
« – les destructions, dégradations et détériorations ne présentant pas de danger pour les personnes ainsi que les menaces de destruction, de dégradation ou de détérioration et les fausses alertes prévues par les articles prévus par les articles 322-1 à 322-4-1, 322-12 à 322-14 ;
« – l’intrusion dans un établissement d’enseignement scolaire prévu par les articles 431-22 à 431-25 ;
« – les menaces et actes d’intimidation commis contre les personnes exerçant une fonction publique prévus par l’article 433-3 ;
« – les outrages et rébellions prévus par les articles 433-5 à 433-10 ;
« – l’opposition à exécution de travaux publics prévue par l’article 433-11 ;
« – les usurpations de fonctions, de signes, de titres et le délit d’usage irrégulier de qualité prévus par les articles 433-12 à 433-18 ;
« – les atteintes à l’état civil des personnes prévues par les articles 433-18-1 à 433-21-1 ;
« – le délit de fuite prévu par l’article 434-10 ;
« – le délit de prise du nom d’un tiers prévu par l’article 434-23 ;
« – les atteintes au respect dû à la justice prévues par les articles 434-24 à 434-26, 434-35 à 434-35-1, 434-38 à 434-43-1 ;
« – les faux prévus par les articles 441-1 à 441-3, 441-5, 441-6 à 441-8 ;
« – la vente à la sauvette prévue par les articles 446-1 et 446-2 ;
« – les sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux prévus par les articles 521-1 et 521-2 ; »
II. – Alinéa 21
Rédiger ainsi cet alinéa :
« II. – La procédure simplifiée de l’ordonnance pénale est applicable aux délits visés à l’article 398-1 du code de procédure pénale, à l’exception des délits d’atteintes volontaires et involontaires à l’intégrité des personnes. »
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Cet amendement tend à rétablir les dispositions de l’article 40 du projet de loi, lequel fixe la liste des infractions relevant de la compétence du juge unique, ce dont vient de parler M. le sénateur Bigot.
Pourquoi veux-je rétabli le projet initial ? Parce que la commission des lois a procédé à une extension généralisée de cette compétence à la totalité des délits punis de cinq ans d’emprisonnement autres que les agressions sexuelles. Comme cela me paraît excessif, je souhaite rétablir mon propre texte.
Cette mesure me semble excessive, en effet, car la proposition de la commission des lois confierait au juge unique certains délits dont la nature, la complexité ou la gravité exigeraient, de mon point de vue, qu’ils soient jugés par une formation collégiale.
Je voudrais donner quelques exemples à cet égard, dont vous mesurerez à quel point cela peut paraître paradoxal. Ces exemples concernent des infractions dont le jugement se verrait confié à un juge unique si l’amendement de la commission était adopté en l’état.
Il s’agit des infractions d’homicide involontaire causé par un conducteur, à la suite d’un accident du travail ou à la suite d’un scandale sanitaire, des atteintes sexuelles sur mineurs de quinze à dix-huit ans par personne ayant autorité, de la provocation au suicide, des détournements et escroqueries, y compris de ceux qui présentent une particulière complexité et relevant de la compétence des pôles spécialisés, de séquestration suivie, dans les cinq ans, de la libération de la victime, de certaines atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation…
Il me semble qu’une telle extension est assez inappropriée. Elle pourrait même d’ailleurs aller jusqu’à étendre cette procédure au délit d’apologie des actes de terrorisme, dont on imagine mal qu’ils puissent pourtant relever d’une procédure à juge unique.
En pratique, la solution retenue par la commission des lois du Sénat conduirait à confier à un juge unique des procès tels que ceux qui ont traité de la catastrophe de Furiani, du sang contaminé ou de l’amiante.
Dès lors, sauf à prévoir une liste d’exceptions particulièrement longue, il me semble logique d’énumérer de façon précise les délits qui relèvent de la compétence du juge unique.
Par cohérence, cet amendement tend à rétablir également le champ de l’ordonnance pénale par référence à la liste prévue pour le juge unique. En réalité, contrairement à la présentation faite par M. Bigot, nous procédons à une réécriture, pour que les choses soient plus lisibles, et nous procédons à une très faible – vraiment très faible ! – extension de la compétence du juge unique.
Je veux simplement donner deux chiffres. En l’état, le nombre de condamnations prononcées par un juge unique s’élève à 154 400. Avec notre texte, il serait de 158 000 et avec celui du Sénat, il atteindrait 181 000, dans les conditions que je viens de rappeler.
Telles sont les raisons pour lesquelles je défends cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 158, présenté par MM. J. Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain, Leconte, Kerrouche, Fichet et Houllegatte, Mmes Préville, Meunier, Lubin, Jasmin et Blondin, MM. Jeansannetas, Cabanel et Montaugé, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 19 à 22
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Aux alinéas 19 à 22, on étend, dans l’article 40, tel qu’il résulte de la rédaction de la commission, le recours aux ordonnances pénales de manière extrêmement large – à nos yeux, de manière exagérée.
En effet, appliquer l’ordonnance pénale, c’est condamner quelqu’un sans l’avoir l’auditionné, sans qu’on l’ait entendu, sans qu’il ait pu s’expliquer. Certes, il peut faire opposition et revenir devant le juge, mais il nous paraît excessif d’étendre à ce point la procédure de l’ordonnance pénale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission s’est prononcée en faveur de l’extension du champ d’application des délits relevant de la formation à juge unique, suivant d’ailleurs la position qu’elle avait adoptée en janvier 2017 lors de l’examen de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale.
Rappelons qu’une large majorité, pour ne pas dire une très large majorité des affaires correctionnelles font l’objet d’un jugement rendu à juge unique : les délits prévus par le code de la route, les outrages et rébellions, les délits en matière de réglementation relative aux transports, les délits punis d’amendes, etc.
Le présent projet de loi tend à poursuivre cette tendance, en élargissant la compétence de la formation à juge unique du tribunal correctionnel à de nombreux délits punis au maximum de cinq ans d’emprisonnement, sans considération d’ailleurs des aggravations résultant de l’état de récidive.
La commission est favorable à cette extension de l’office du juge unique en première instance, mais non en cause d’appel. Elle a fait le choix de la simplicité et de la lisibilité en instaurant une compétence générale du magistrat pour toute infraction au code pénal faisant courir à une personne une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans, à l’exception, j’y insiste, des délits d’agression sexuelle.
Au cours des auditions, d’ailleurs, il nous est apparu que l’examen des poursuites par un magistrat unique pouvait parfaitement être envisagé en première instance pour tous ces délits du code pénal punis d’une peine maximale de cinq ans, dès lors qu’étaient prévues les mêmes exigences de temps et d’attention que devant une formation collégiale.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 157.
En ce qui concerne l’amendement n° 176 du Gouvernement, qui tend à en revenir au texte original du projet de loi, mon avis est également défavorable.
Il faut que les choses restent simples : puisqu’il existe une liste des délits jugés par une formation composée d’un seul magistrat, la commission considère que cela s’applique à tous les délits du code pénal, à l’exception donc des délits d’agression sexuelle, je le répète, ainsi qu’à tous les autres délits mentionnés dans d’autres codes. Sur ce point, le texte de la commission n’a absolument pas touché aux dispositions du projet de loi initial.
Par ailleurs, il y a une liste des délits qui peuvent être jugés par ordonnance pénale : tous les délits punis d’une peine inférieure à cinq ans, à l’exception des délits d’atteintes à la personne. Sur ce point, la commission a repris la position qu’elle avait adoptée en janvier 2017 lors de l’examen du texte que j’ai mentionné plus haut.
Enfin, l’amendement n° 158 vise à supprimer la possibilité pour le juge unique d’avoir à traiter des affaires en matière d’ordonnance pénale. La commission, pour les raisons que je viens d’invoquer, a également émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable à la fois sur l’amendement no 157, pour les raisons que j’ai explicitées en présentant l’amendement du Gouvernement, et sur l’amendement n° 158, qui tend à supprimer les dispositions relatives à l’ordonnance pénale, puisque celles-ci sont directement liées à l’évolution du champ de la procédure de jugement à juge unique et qu’elles offrent une plus grande diversité en matière de réponse pénale.
Mme la présidente. L’amendement n° 159, présenté par MM. J. Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain, Leconte, Kerrouche, Fichet et Houllegatte, Mmes Préville, Meunier, Lubin, Jasmin et Blondin, MM. Jeansannetas, Cabanel et Montaugé, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Ne me faisant aucune illusion sur le sort qui va lui être réservé, et afin que nous gagnions un peu de temps, je considère que cet amendement est défendu, madame la présidente !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission considère que le dispositif, tel qu’il existe, assure les garanties suffisantes pour que les décisions soient rendues dans de bonnes conditions et en respectant des droits de la défense.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement demande, lui aussi, le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Bigot, l’amendement n° 159 est-il maintenu ?
M. Jacques Bigot. Les chants désespérés étant les plus beaux (Sourires.), je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 349, présenté par MM. Buffet et Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Après les mots :
également portée à
insérer le mot :
la
La parole est à M. le corapporteur.
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote sur l’article.
M. Jacques Bigot. Bien évidemment, nous ne voterons pas l’article 40, qui, à nos yeux, ne garantit pas suffisamment les droits de la défense.
Dans notre système judiciaire, la collégialité, pour les affaires lourdes, et le débat – mis à mal par l’élargissement du champ de la procédure d’ordonnance pénale – sont importants, même si cela a un coût. C’est une exigence de notre État de droit. Un jour, si l’on n’y fait pas attention, on en parviendra à des systèmes extrémistes, avec une justice expéditive. Personne ne le souhaite ici.
J’attire donc l’attention de tous sur le danger de renoncer à nos principes et à nos valeurs pour des motifs purement gestionnaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote sur l’article.
M. Marc Laménie. Après les explications du corapporteur, je voterai naturellement cet article, qui a fait l’objet de quelques amendements. Je me permets néanmoins d’insister sur un point, tout en respectant, comme nous l’avons toujours fait, la séparation des pouvoirs : la justice doit disposer de moyens humains et financiers.
L’amendement du Gouvernement tend à dresser une liste phénoménale, particulièrement longue, d’infractions relevant de la compétence du juge unique. L’un d’entre eux a appelé mon attention, parce que nous y sommes malheureusement confrontés dans nos départements : les intrusions et les dégradations dans les établissements scolaires.
Les écoles maternelles et primaires, qui relèvent de la responsabilité des communes, ne sont pas nécessairement toutes équipées d’alarmes. Or ces dégradations et ces intrusions mobilisent naturellement le personnel et les enseignants. Quelles sont les peines qui sont prononcées, pour autant que l’on retrouve les auteurs de ces faits ?
Madame la garde des sceaux, il faut rester particulièrement vigilant et faire preuve de fermeté.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je suis évidemment très sensible à la question que vous venez d’évoquer : les intrusions dans les établissements scolaires sont des faits très graves.
Le recours au juge unique n’est possible que dans le cas des audiences « classiques », si je puis dire. Dans le cas d’une comparution immédiate, l’audience sera toujours collégiale. En cas de flagrance, s’agissant notamment des faits que vous évoquez, l’audience sera collégiale.
Par ailleurs, notre amendement tend effectivement à dresser une liste très longue des infractions relevant de la compétence du juge unique. Nous l’avons rédigé ainsi pour répondre à une recommandation que nous a faite le Conseil d’État lorsqu’il a étudié ce texte, mais aussi pour apporter plus de clarté.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Joissains, pour explication de vote sur l’article.
Mme Sophie Joissains. Je suis contre l’extension de la compétence de la formation à juge unique, parce que je considère qu’une telle procédure de jugement ne présente pas toutes les garanties d’impartialité et tend vers une justice expéditive.
C’est pourquoi, à titre personnel, je voterai contre l’article 40, comme je l’avais annoncé en commission et au cours de mon intervention dans la discussion générale.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 40, modifié.
(L’article 40 est adopté.)
Article 41
I. – Le deuxième alinéa de l’article 502 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« La déclaration indique si l’appel porte sur la décision sur l’action publique ou sur la décision sur l’action civile ou sur les deux décisions. Si l’appel concerne la décision sur l’action publique, elle indique s’il porte sur la décision de culpabilité ou s’il est limité aux peines prononcées, à certaines d’entre elles ou à leurs modalités d’application. Si la décision sur l’action publique a déclaré le prévenu coupable de plusieurs infractions, l’appel sur cette décision précise s’il concerne l’ensemble des infractions ou certaines d’entre elles. »
II. – Au premier alinéa de l’article 509 du code de procédure pénale, les mots : « dans la limite fixée par l’acte d’appel » sont remplacés par les mots : « dans les limites fixées par l’acte d’appel conformément au deuxième alinéa de l’article 502 ».
III. – (Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 160, présenté par MM. J. Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain, Leconte, Kerrouche, Fichet et Houllegatte, Mmes Préville, Meunier, Lubin, Jasmin et Blondin, MM. Jeansannetas, Cabanel et Montaugé, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les omissions ou inexactitudes constatées dans la déclaration mentionnée au deuxième alinéa ne peuvent constituer une cause de rejet du droit de former appel. »
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Je présente cet amendement à la demande de plusieurs collègues.
L’article 41 prévoit de manière extrêmement précise les conditions de la déclaration d’appel. Il dispose notamment que, si l’appel concerne la décision sur l’action publique, la déclaration indique s’il porte sur la décision de culpabilité ou s’il est limité aux peines prononcées.
Si la personne est représentée par un avocat, celui-ci saura comment répondre et faire cette déclaration. Mais la question que soulèvent mes collègues est la suivante : comme l’appel doit être interjeté dans les dix jours suivant le prononcé de la décision, le risque est que les personnes concernées ne sachent pas comment formuler leur déclaration. Il importe donc d’éviter qu’une mauvaise formulation de cette dernière rende irrecevable l’appel.
C’est pourquoi nous proposons de préciser que les omissions ou inexactitudes constatées dans la déclaration ne sont pas de nature à priver l’appelant de son droit. À la limite, il pourrait, par courrier, préciser la portée exacte de son appel, faute de l’avoir indiquée clairement dans un premier temps.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’article 41 du projet de loi simplifie les règles en matière d’appel. L’article 502 du code de procédure pénale obligera le prévenu à préciser la portée de son appel en indiquant, lorsque celui-ci porte sur la décision de l’action publique, s’il concerne la décision de culpabilité ou bien s’il est limité aux peines prononcées, à certaines d’entre elles ou à leurs modalités d’application.
Ces précisions auront notamment pour intérêt de permettre un audiencement qui nous semble plus rationalisé par une meilleure anticipation du temps d’audience.
L’amendement n° 160, que vous portez, vise à préciser que le non-respect de ces formalités lors de la déclaration d’appel ne constitue pas une cause de rejet de celui-ci. En réalité, si je vais émettre un avis défavorable sur votre amendement, c’est parce que cette précision ne me semble pas utile dès lors que le contenu de la déclaration doit systématiquement être contrôlé par le greffier ou par le chef d’établissement pénitentiaire qui reçoit et signe celle-ci, s’assurant à cette occasion que le condamné y précise bien la portée de son appel.
Il me semble qu’il n’est pas nécessaire de préciser que cette formalité n’est pas prescrite à peine d’irrecevabilité. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Madame la garde des sceaux, je pensais bien que vous me feriez cette réponse. C’est la raison pour laquelle je prends bien la précaution de préciser que c’est pour que ce texte soit discuté en séance publique que j’ai déposé cet amendement.
Je remercie M. le rapporteur d’avoir émis un avis favorable, au nom de la commission : cela veut bien dire qu’il y a là un sujet.
Cet amendement, que nous allons voter, n’est sans doute pas pleinement satisfaisant sur le plan technique. Certes, ce texte fait l’objet d’une seule lecture, mais il serait sans doute utile d’apporter par la suite des précisions, car le risque demeure si la personne qui forme un appel n’a pas suffisamment précisé son objet. Il ne faudrait pas non plus qu’elle soit privée de cette faculté parce qu’elle aurait été mal conseillée ou parce qu’auraient subsisté des incompréhensions, en dépit du contrôle exercé par les greffes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Les praticiens du droit connaissent les nombreuses difficultés de l’exercice, mais, généralement, les modalités de formulation de l’appel, son modus operandi, figurent en annexe de la décision qui en fait l’objet, ce qui permet d’éviter ce type de problème.
Par ailleurs, nous avons voté il y a très peu de temps le principe du droit à l’erreur ; je crois donc que les dispositions de l’amendement notre collègue Jacques Bigot vont dans le bon sens.
Je suivrai donc l’avis de la commission et voterai l’amendement n° 160.
Mme la présidente. L’amendement n° 177, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rétablir le III dans la rédaction suivante :
III. – Après le premier alinéa de l’article 510 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, lorsque le jugement attaqué a été rendu selon les modalités prévues au troisième alinéa de l’article 398, la chambre des appels correctionnels est composée d’un seul de ces magistrats exerçant les pouvoirs confiés au président de chambre, sauf si le prévenu est en détention provisoire pour les faits qui lui sont reprochés ou si, dans l’acte d’appel, celui-ci demande que l’affaire soit examinée par une formation collégiale. Elle ne peut alors prononcer une peine d’emprisonnement ferme d’une durée supérieure à cinq ans. Elle peut toutefois, si ce renvoi lui paraît justifié en raison de la complexité des faits ou en raison de l’importance de la peine susceptible d’être prononcée, décider, d’office ou à la demande des parties ou du ministère public, de renvoyer l’affaire devant la chambre des appels correctionnels siégeant en formation collégiale. »
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement vise à rétablir une disposition essentielle du projet de loi relative à l’examen à juge unique des appels rendus par la juridiction correctionnelle statuant elle-même à juge unique.
Cette mesure, qui s’appliquera à tous les faits relevant du juge unique, sauf quand les prévenus sont en détention provisoire, devrait concerner environ 12 000 affaires par an, sur un total de 22 000 condamnations prononcées annuellement par les cours d’appel en matière correctionnelle. Elle aura pour conséquence d’alléger significativement la charge des juridictions, donc les délais de traitement des appels en matière correctionnelle.
Toutefois, pour répondre aux observations qu’a formulées la commission des lois, je propose de moduler ce principe, en prévoyant que le prévenu puisse solliciter, lorsqu’il interjette appel, le bénéfice de la collégialité.
Une telle solution est exactement similaire à celle qui a été retenue sur l’initiative du Sénat dans la loi du 15 juin 2000 en matière de référé-liberté. Il avait été prévu alors que la personne formant ce recours pourrait demander qu’il soit examiné non pas par le président de la chambre de l’instruction, mais pas la chambre elle-même – c’est l’article 187-2 du code de procédure pénale.
Cette solution, qui représente un pas du Gouvernement en direction de la commission, me semble équilibrée, et je souhaite donc vivement que cet amendement puisse être voté.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission a émis un avis défavorable hier matin. Néanmoins, je tiens à dire que la proposition du Gouvernement est intéressante et constitue malgré tout une avancée.
Je ne puis pas, naturellement, m’engager au nom de la commission, qui a statué sur l’amendement ; je m’en tiendrai donc à cet avis défavorable. En revanche, au cours de la navette, il faudra voir comment faire prospérer cette avancée.
M. Jean-Pierre Sueur. Il faudrait d’abord qu’il y eût une navette ! (Sourires.)
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Nous allons essayer de prendre le bon ticket pour que cela marche ! (Nouveaux sourires.)
En attendant, je le rappelle, la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Le meilleur moyen pour faire progresser un texte au cours de la navette en l’absence de navette, c’est de le voter quand on en a l’occasion.
Je voterai donc cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Mes chers collègues, devant la justice, je pense toujours qu’il y a la loi et l’application de la loi. Je remercie Mme la garde des sceaux de l’effort auquel elle consent en prévoyant que le prévenu puisse solliciter, lorsqu’il interjette appel, le bénéfice de la collégialité.
En pratique, le risque est que l’on dise au prévenu voulant suivre cette voie que son affaire sera alors audiencée plus tardivement. C’est une pression réelle, que l’on observe en matière civile lorsque le choix existe entre le juge unique et la collégialité. Je n’en fais pas grief aux magistrats, qui veulent que les choses puissent fonctionner, alors même qu’ils ne sont pas suffisamment nombreux – peut-être le seront-ils plus demain, du moins je l’espère.
C’est la raison pour laquelle, personnellement, je suivrai non pas le Gouvernement, mais la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. le corapporteur.
M. François-Noël Buffet, corapporteur. J’ai dit que l’amendement du Gouvernement représentait une avancée, mais que nous nous en tenions à l’avis de la commission. J’ai ajouté que, dans le cadre des discussions qui s’ouvriront après l’adoption du texte, il faudra regarder les choses de plus près.
L’avis de la commission est donc bien défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 41, modifié.
(L’article 41 est adopté.)
Sous-section 2
Dispositions relatives au jugement des crimes
Article 42
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 281 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « vingt-quatre heures » sont remplacés par les mots : « un mois » ;
b) À la seconde phrase du dernier alinéa, les mots : « cinq jours » sont remplacés par les mots : « dix jours et un mois » ;
1° bis (nouveau) L’article 311 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Au cours des débats, les jurés peuvent demander au président l’accès à une ou plusieurs pièces de la procédure contenues dans le dossier. » ;
2° La section 1 du chapitre VI du titre Ier du livre II est complétée par un article 316-1 ainsi rédigé :
« Art. 316-1. – Une copie du dossier est mise à la disposition des assesseurs. » ;
3° L’article 331 est ainsi modifié :
a) L’avant-dernier alinéa est supprimé ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les témoins ne sont pas tenus de faire part de leur intime conviction concernant la culpabilité de l’accusé. » ;
4° (Supprimé)
5° Le deuxième alinéa de l’article 365-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La motivation consiste également dans l’énoncé des principaux éléments ayant convaincu la cour d’assises dans le choix de la peine, au vu des éléments exposés au cours de la délibération prévue à l’article 362. » ;
6° (Supprimé)
7° Après l’article 380-2, il est inséré un article 380-2-1 A ainsi rédigé :
« Art. 380-2-1 A. – L’appel formé par l’accusé ou le ministère public peut indiquer qu’il ne conteste pas les réponses données par la cour d’assises sur sa culpabilité et qu’il est limité à la décision sur la peine.
« Dans ce cas, seuls sont entendus devant la cour d’assises statuant en appel les témoins et experts dont la déposition est nécessaire afin d’éclairer les assesseurs et les jurés sur les faits commis et la personnalité de l’accusé, sans que soient entendues les personnes dont la déposition ne serait utile que pour établir sa culpabilité.
« Lorsque la cour d’assises se retire pour délibérer, les dispositions relatives aux questions sur la culpabilité ne sont pas applicables. » ;
8° Après le 3° de l’article 698-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les deux derniers alinéas de l’article 347 ne sont pas applicables et la cour d’assises peut délibérer en étant en possession de l’entier dossier de la procédure. »
II. – Par dérogation à l’article 181 et aux chapitres Ier à V du titre I du livre II du code de procédure pénale, les personnes majeures accusées d’un crime puni de quinze ans ou de vingt ans de réclusion criminelle, lorsqu’il n’est pas commis en état de récidive légale, sont jugées en premier ressort par le tribunal criminel départemental. Ce tribunal est également compétent pour le jugement des délits connexes.
Le tribunal criminel départemental, qui siège au même lieu que la cour d’assises, est composé d’un président et de quatre assesseurs, choisis par le premier président de la cour d’appel parmi, pour le président, les présidents de chambres et les conseillers du ressort de la cour d’appel et, pour les assesseurs, les conseillers et les juges de ce ressort. Deux des assesseurs peuvent être des magistrats exerçant à titre temporaire ou des magistrats honoraires.
Les personnes contre lesquelles il existe à l’issue de l’information des charges suffisantes d’avoir commis, hors récidive, un crime mentionné au premier alinéa du présent II sont, selon les modalités prévues à l’article 181 du code de procédure pénale, mises en accusation par le juge d’instruction devant le tribunal criminel. Le délai d’un an prévu au huitième alinéa du même article 181 est alors réduit à six mois, et il ne peut être procédé qu’à une seule prolongation en application du neuvième alinéa.
L’audiencement devant le tribunal criminel est fixé par décision conjointe du président de ce tribunal et du procureur de la République. À défaut d’accord, il est fixé par le premier président de la cour d’appel, après avis du procureur général.
Le tribunal criminel applique les dispositions du titre Ier du livre II du code de procédure pénale sous les réserves suivantes :
1° Il n’est pas tenu compte des dispositions qui font mention du jury ou des jurés ;
2° Les attributions confiées à la cour d’assises ou à la cour sont exercées par le tribunal criminel, et celles confiées au président de la cour d’assises sont exercées par le président de ce tribunal ;
3° Les articles 254 à 267, 282, 288 à 292, les deuxième et dernier alinéa de l’article 293 et les articles 295 à 305 du même code ne sont pas applicables ;
4° Pour l’application des articles 359, 360 et 362 dudit code, les décisions sont prises à la majorité ;
5° Les deux derniers alinéas de l’article 347 du même code ne sont pas applicables et le tribunal criminel délibère en étant en possession de l’entier dossier de la procédure.
Si le tribunal criminel estime, au cours ou à l’issue des débats, que les faits dont il est saisi constituent un crime puni de trente ans de réclusion ou de la réclusion criminelle à perpétuité, il renvoie l’affaire devant la cour d’assises.
L’appel des décisions du tribunal criminel départemental est examiné par la cour d’assises dans les conditions prévues au titre Ier du livre II du même code pour l’appel des arrêts rendus par les cours d’assises en premier ressort.
Pour l’application des dispositions relatives à l’aide juridictionnelle, le tribunal criminel est assimilé à la cour d’assises.
III. – Le II du présent article est applicable à titre expérimental à compter du 1er janvier 2019 et jusqu’au 1er janvier 2022, pour le jugement des personnes mises en accusation au plus tard le 1er janvier 2021, dans au moins deux départements et au plus dix départements déterminés par un arrêté du garde des sceaux.
Six mois au moins avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation.
Pour la mise en œuvre de l’expérimentation, les personnes déjà mises en accusation devant la cour d’assises peuvent être renvoyées devant le tribunal criminel, avec leur accord recueilli en présence de leur avocat, sur décision du premier président de la cour d’appel. Les personnes mises en accusation devant le tribunal criminel avant le 1er janvier 2021 et non encore jugées au 1er janvier 2022 sont de plein droit mises en accusation devant la cour d’assises.
IV (nouveau). – L’article 689-11 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 689-11. – En dehors des cas prévus au sous-titre Ier du titre Ier du livre IV du présent code pour l’application de la convention portant statut de la Cour pénale internationale, ouverte à la signature à Rome le 18 juillet 1998, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle se trouve en France, toute personne soupçonnée de l’une des infractions suivantes :
« 1° Les crimes contre l’humanité et crimes de génocide définis aux articles 211-1, 211-2, 212-1 à 212-3 du code pénal ;
« 2° Les crimes et les délits de guerre définis aux articles 461-1 à 461-31 du même code.
« La poursuite de cette personne ne peut être exercée, si aucune juridiction internationale ou étrangère ne demande sa remise ou son extradition, qu’à la requête du ministère public, lequel s’assure au préalable de l’absence de poursuite diligentée par la Cour pénale internationale ou un État compétent. Lorsque, en application de l’article 40-3 du présent code, le procureur général est saisi d’un recours contre une décision de classement sans suite prise par le procureur de la République, il entend la personne qui a dénoncé les faits si celle-ci en fait la demande. S’il estime le recours infondé, il en informe l’intéressé par une décision écrite motivée. »
Mme la présidente. L’amendement n° 39, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Notre amendement tend à supprimer cet article, qui prévoit la création et l’expérimentation d’un tribunal criminel départemental.
Cette expérimentation prévoit que, dans un certain nombre de départements, pendant une durée de trois ans, « à titre expérimental », les personnes accusées de crimes punis de quinze ou vingt ans de prison seront jugées en premier ressort par un tribunal criminel départemental, composé uniquement de magistrats.
Cette disposition, proposée sans aucune concertation avec les différents acteurs, aurait pour conséquence probable la disparition de la cour d’assises, lieu de justice dans lequel celle-ci est rendue au nom du peuple, par des jurés populaires.
Écoutons sur ce sujet Mme Marie-Aimée Peyron, bâtonnière du barreau de Paris : « Les cours d’assises actuelles, composées de jurés populaires, fonctionnent très bien. L’oralité des débats permet de prendre le temps du procès. L’institution de ces tribunaux revient, sous couvert de gagner du temps, à instaurer de “petits crimes”, comme le viol, en réduisant le droit des victimes à un procès. »
L’article 42 est loin d’être anodin : il s’attache à repenser un pan essentiel de notre justice pénale, tant il témoigne de l’histoire de France et de ses évolutions : les jurés populaires au sein des cours d’assises.
Ainsi, le Gouvernement, en vue d’améliorer la justice pénale rendue dans les cours d’assises, propose de créer un tribunal criminel départemental, composé uniquement de magistrats professionnels.
Tout d’abord, le délai d’audiencement devant cette instance serait d’un an seulement. Sa compétence serait limitée au jugement de certains crimes, la cour d’assises retrouvant tout son pouvoir pour les crimes punis de trente ans de réclusion ou encore de la réclusion criminelle à perpétuité.
Néanmoins, une grande partie de la justice criminelle française sera rendue sans jurés, et cela semble remettre en cause la démocratie dont étaient imprégnées les assises. M. Jean-Pierre Getti, président de cour d’assises, disait en effet que « la délibération à la cour d’assises est le lieu le plus démocratique qui soit dans notre vie de citoyen ».
Madame la garde des sceaux, ces jurés populaires, comme vous l’avez indiqué récemment dans un journal dominical, ne relèvent pas que de « l’attachement à la tradition française ». Nous défendons ici non pas une position de « Gaulois réfractaires », mais, au contraire, une conquête majeure, révolutionnaire : la justice rendue par le peuple.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Sur le fond, la commission des lois a accepté la proposition du Gouvernement de mettre en place, à titre expérimental, un tribunal criminel de première instance, objet de cet article.
Nous avons noté avec intérêt, d’après ce qui nous a été dit, que l’objectif était malgré tout, en maintenant la procédure d’assises devant cette juridiction nouvelle, de traiter dans un délai beaucoup plus rapide un certain nombre de dossiers qui, venant devant la cour d’assises, attendaient trop longtemps ou étaient eux-mêmes correctionnalisés. L’intérêt de cette mesure est que certaines infractions ne seront plus correctionnalisées et feront donc l’objet d’une poursuite criminelle, avec une sanction de caractère criminel prononcée dans un délai sans doute plus rapide.
La commission des lois est d’accord pour que cette expérimentation, dont on tirera le moment venu toutes les conséquences, se mette en place.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, j’émets bien évidemment un avis défavorable, comme M. le corapporteur, sur votre amendement.
Je veux énoncer les quatre raisons qui m’ont conduite à faire cette proposition.
Premièrement, cette solution me paraît innovante pour faire face à l’engorgement des cours d’assises causé par l’introduction de l’appel et par l’oralité de la procédure – avec tous les avantages et l’intérêt qui s’y attachent. En effet, cet engorgement des cours d’assises entraîne un dysfonctionnement complet de la chaîne judiciaire.
Deuxièmement, je suis favorable à la vérité judiciaire. M. le rapporteur vient de vous le dire, aujourd’hui, des crimes comme le viol ne sont pas jugés en tant que crime, parce que les victimes souhaitent parfois un jugement plus rapide. De ce fait, ces crimes sont correctionnalisés. Or je ne suis pas favorable à quelque chose qui s’oppose à la vérité judiciaire, si vous me permettez cette expression.
Troisièmement, et c’est important, la procédure devant ces tribunaux criminels départementaux permettra d’accélérer les choses, puisque les magistrats pourront disposer du dossier et, s’ils le souhaitent, entendre l’ensemble des témoins qui leur paraîtront utiles à la résolution de l’affaire.7
Je rappelle également que, avec le tribunal criminel départemental, la détention provisoire sera limitée à un an, et donc limitée. Par parenthèse, vous observerez que, à différentes étapes du projet de loi que je propose, il y a des mesures qui ont pour objectif second de faire baisser la détention provisoire.
Quatrièmement, M. le corapporteur l’a rappelé, il s’agit bien d’une expérimentation. J’ai souhaité ce caractère expérimental, d’une part, pour rompre avec une tradition très puissante dans notre pays, que d’ailleurs je n’analyse pas seulement comme un élément de notre construction historique, et, d’autre part, au regard des effectifs humains que nécessiteront ces tribunaux criminels départementaux. Peut-être me trompè-je, mais je pense que leur succès risque de conduire à terme à leur engorgement, ce qu’il nous faudra réguler avec toute la vigilance requise.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Il faudrait veiller à l’appellation de ce tribunal. Dans mon pays, la Martinique, il n’existe plus de département. Le terme « départemental » risque donc de ne pas avoir de résonance chez nous. Il en est de même en Guyane et dans un certain nombre de territoires d’outre-mer.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Mercier, pour explication de vote.
Mme Marie Mercier. Madame la garde des sceaux, vous nous proposez la création à titre expérimental de tribunaux criminels départementaux, qui seraient compétents pour juger, entre autres crimes, des viols, l’idée étant de désengorger les cours d’assises.
Autant il nous avait semblé inopportun, et à vous aussi d’ailleurs, d’envisager, dans la loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, la création d’un nouveau délit d’atteinte sexuelle avec pénétration, lequel aurait été jugé en correctionnelle et non aux assises, autant la création à titre expérimental des tribunaux criminels départementaux nous semble intéressante. C’est en effet une réponse au problème de la correctionnalisation des viols, et donc de leur déqualification. Le viol est et reste un crime. Il doit donc être jugé en tant que tel.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Lorsque l’on discute avec des magistrats, des avocats, des spécialistes, ils disent tous que la cour d’assises est le nec plus ultra, la Rolls de la justice.
Aux assises, on prend son temps, toutes les questions sont posées. Seuls le président et l’avocat général connaissant le dossier, toute la procédure doit être orale. Mais tout cela nécessite une organisation extrêmement lourde. C’est la raison pour laquelle on correctionnalise un certain nombre de faits graves, même s’ils peuvent être assortis de peines extrêmement importantes.
Bien sûr, certains disent : les assises, c’est la justice du peuple au nom du peuple. Chers collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, je rappelle qu’un Président de la République, dont vous n’étiez pas les meilleurs soutiens, souhaitait que cette présence du peuple soit assurée en correctionnelle.
Mme Éliane Assassi. En effet !
M. Jacques Bigot. Finalement, l’idée a été abandonnée.
Il existe toute une série d’affaires, comme les hold-up ou les braquages, qui, objectivement, pourraient fort bien être jugés par cinq magistrats professionnels. Ces derniers ont une meilleure connaissance des dossiers, la faculté de comprendre plus rapidement ce dont il s’agit. Devant la cour d’assises, la procédure est très lourde : il faut entendre les experts, etc.
Mme la garde des sceaux l’a souligné, à l’heure actuelle, compte tenu de cette lourdeur d’organisation, il est difficile d’avoir des jurés qui acceptent leur désignation – souvent, ils demandent à être récusés, car leur emploi du temps ne leur permet pas d’être bloqués pendant trois semaines. Il faut sans doute réserver la cour d’assises à une certaine catégorie de faits.
S’ajoute à cela la correctionnalisation due au fait que l’on a peur des jurés populaires, notamment dans les affaires que Mme Mercier a mentionnées.
De ce point de vue, le principe de l’expérimentation est intéressant. Reste cette question : pour quel motif l’appel de ces tribunaux criminels se ferait-il devant une cour d’assises ? Certains avocats préférant le prétoire et sa médiatisation, ne risque-t-on pas, en définitive, d’avoir davantage d’appels encore ?
Il ne s’agit que d’une expérimentation ; nous aurons donc l’occasion de le vérifier, ou non. Mais, si l’on devait conduire l’expérimentation à son terme, l’idée pourrait être, tout de même, de renvoyer devant un tribunal criminel départemental d’appel.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la garde des sceaux, j’ai compris votre argumentaire, mais, ce qui me gêne, c’est que vous abordez la question d’un point de vue technique, comptable, budgétaire : vous nous parlez d’engorgement. Nous, nous évoquons un problème de droit, qui est fondamental, nous défendons un principe.
M. Pierre Ouzoulias. Concernant le viol, je pense sincèrement que le statut des femmes est mieux défendu quand leur parole est publique. En renvoyant ces crimes à de tels tribunaux, on n’aidera pas à la nécessaire prise de conscience de ce qu’est la réalité des violences faites aux femmes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Ce sujet est délicat et, pour ma part, je m’abstiendrai sur cet amendement.
Un principe a été rappelé à l’instant : devant les cours d’assises, l’intégralité de l’instruction est refaite à la barre. C’est cela qui rend les assises exceptionnelles, et non pas, comme l’a dit l’un de nos collègues, le fait que le procès soit médiatisé – je tiens à le rassurer.
La participation des jurés – ceux qui ont pu l’être le savent – est également un élément très important dans l’appréhension de la justice par des citoyens qui ne sont pas magistrats.
Personnellement, je suis très attachée à ce principe, même si j’ai noté que, finalement, pour certaines des personnes que nous avons auditionnées, par exemple le président de la Cour de cassation, qui est tout de même ancien président de la chambre criminelle, ce principe pouvait être dépassé.
Cela étant – c’est pourquoi, plutôt que de voter contre cet amendement, je m’abstiendrai –, un autre point me semble très important, et je souhaite le souligner auprès de ceux qui ne sont pas favorables à ce tribunal criminel.
Si le pari du désengorgement, et donc de l’accélération de l’audiencement, est tenu, il mérite d’être pris. On l’oublie peut-être, mais les délais qui séparent souvent la clôture d’une instruction et l’audiencement devant une cour d’assises peuvent être extraordinairement longs : ils peuvent atteindre plusieurs mois, voire un ou deux ans. Pendant cette période, la personne, dont j’indique qu’elle est toujours présumée innocente, reste, neuf fois sur dix, maintenue en détention. (Mme la garde des sceaux le confirme.) Nous sommes donc face à une forme de déni de justice un peu particulière.
Si, par un audiencement plus rapide, il est possible de faire respecter les droits, notamment le droit, pour une personne qui est en détention, d’être jugée dans un délai raisonnable, je suis prête à accepter pour partie cette expérimentation.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Avec cet article, nous débattons de sujets extrêmement sensibles. En l’occurrence, il s’agit d’expérimenter un tribunal criminel départemental.
Certains d’entre nous ont été jurés d’assises ; pour ma part, j’ai été tiré au sort il y a déjà quelque temps, en 1995, et cette expérience m’a marqué, comme beaucoup de personnes qui ont participé, en tant que jurés, aux procès des cours d’assises.
On comprend la complexité qu’il y a à juger des affaires très dramatiques. Mais, je le répète, les jurés sont marqués par cette expérience. Elle les invite à rester particulièrement modestes, tant ils ont de leçons et d’enseignements à en tirer.
D’un côté, on sait que ce n’est pas simple d’organiser les jurys d’assises.
M. François-Noël Buffet, corapporteur. En effet !
M. Marc Laménie. De l’autre, la mise en place de ce tribunal départemental soulève des questions.
La commission des lois a accompli, à cet égard, un travail de fond ; pour ma part, je m’abstiendrai sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Sur ce sujet, nous avons un débat intéressant.
Madame la garde des sceaux, sur le fond – vous me direz si je me trompe ; après tout, je peux me tromper –, ce tribunal criminel départemental ressemble à une chambre spécialisée du tribunal correctionnel.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Mais les magistrats seront cinq !
Mme Éliane Assassi. Certes, chère collègue, mais, tel qu’il nous est présenté, c’est un peu à ça que ressemble ce tribunal.
En outre, ce qui me retient encore, ce qui m’invite à voter contre cet article, c’est que je suis très attachée aux jurys populaires.
Certains ici ont dit ce que représente la présence de nos concitoyens dans nos tribunaux, quel en est le sens.
J’entends tout ce qui est dit ; mais, de manière récurrente, on nous dit quand même qu’il faut aller vite et faire des économies.
Mme Éliane Assassi. C’est une récurrence qui me gêne, car j’ai une haute idée de la justice de mon pays. Qu’on rogne sur la justice parce qu’il faut faire des économies, parce qu’il faut aller vite, ça me gêne, non seulement en tant que parlementaire, mais aussi comme citoyenne.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur Ouzoulias, devant le tribunal criminel départemental, les audiences seront publiques.
Vous avez fait référence au cas de viol, en indiquant que la parole des femmes devait être publique ; mais elle sera publique, évidemment. Les victimes seront entendues, publiquement, et le tribunal entendra les témoins qu’il souhaite entendre, publiquement, comme cela se fait ailleurs.
Madame Assassi, je perçois bien que vous avez encore quelque hésitation, et je vous fais deux observations.
Ce ne sera pas un tribunal correctionnel spécialisé, mais une forme de cour d’assises à laquelle s’appliqueront des règles particulières. C’est la même idée, c’est le même principe. En fait, ce sera une cour d’assises avec des formalités allégées et, évidemment, des magistrats, au nombre de cinq, qui seront des magistrats professionnels.
J’y insiste : contrairement à ce que vous avez répété, il n’y a aucune idée d’économies de notre part. D’ailleurs, ce n’est pas moi qui ai parlé d’économies, mais vous, et je puis même vous l’assurer : si j’avais à craindre quelque chose, ce serait presque l’inverse.
Je suis persuadée que, là où elle sera tentée, cette expérimentation connaîtra un vrai succès. En effet, nous avons déjà reçu beaucoup de demandes. Il ne s’agit pas de faire des économies, d’aller vite pour le seul plaisir d’accélérer, mais d’aller vite pour permettre aux victimes d’obtenir le jugement auquel elles ont droit.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Ainsi que les accusés !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. C’est la raison pour laquelle nous proposons cette expérimentation.
Mme la présidente. L’amendement n° 85 rectifié bis, présenté par M. Grand, Mmes Eustache-Brinio et Micouleau, MM. Pellevat, Courtial, Savary et Bascher, Mme Imbert et MM. Milon, Laménie, Bonhomme, Dallier, H. Leroy et Revet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… À la première phrase de l’article 305-1, après le mot : « être », sont insérés les mots : « déposée quarante-huit heures avant l’ouverture des débats et » ;
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Cet amendement, déposé sur l’initiative de M. Grand et de plusieurs de nos collègues, se justifie par son texte même.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Cet amendement vise à modifier le moment où l’on soulève les nullités devant les cours d’assises. Ces nullités seraient soulevées quarante-huit heures avant l’audience, alors que la règle, aujourd’hui, veut qu’elles soient soulevées au plus tard après la constitution du jury.
À nos yeux, la disposition actuelle est beaucoup plus protectrice des droits de la défense. La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 85 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 350, présenté par MM. Buffet et Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 24, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
dudit article 181
II. – Alinéa 29
Remplacer les mots :
Les articles 254 à 267, 282, 288 à 292
par les mots :
La section 2 du chapitre III du titre Ier du livre II du code de procédure pénale, l’article 282, la section 1 du chapitre V du titre Ier du livre II
III. – Alinéa 35
Compléter cet alinéa par les mots :
, ministre de la justice
IV. – Alinéa 40
Remplacer les mots :
aux articles 211-1, 211-2
par les mots :
au chapitre Ier du sous-titre Ier du titre Ier du livre II et aux articles
La parole est à M. le corapporteur.
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. L’amendement n° 178, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 38 à 42
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie par avance de m’excuser, car je vais exposer cet amendement de manière quelque peu détaillée.
Cet amendement vise à supprimer des dispositions qui ont été adoptées par la commission des lois ayant pour objet d’étendre la compétence universelle des juridictions françaises en matière de crimes contre l’humanité, en supprimant les conditions de résidence habituelle, de double incrimination et de subsidiarité avec la Cour pénale internationale. Je sais que cette réforme reprend une proposition de loi que vous avez adoptée, à l’unanimité, le 23 décembre 2013, avec l’accord du Gouvernement, qui était alors représenté par ma prédécesseur, Christiane Taubira.
Le Gouvernement considère cependant qu’une telle réforme pourrait, de manière formelle, constituer un cavalier législatif : elle ne présente pas vraiment de lien direct avec l’objet de ce projet de loi, qui est un texte de procédure pénale – je vous le signale simplement, sans certitude. Surtout, cette réforme soulève, au fond, d’importantes difficultés. En effet, elle aboutirait à une extension de compétences qui nous semble extrêmement large et qui pourrait conduire à une instrumentalisation politique des juridictions françaises. (M. Jean-Pierre Sueur proteste.)
À titre liminaire, mais non dit, monsieur Sueur, cette réforme aboutirait à une importante extension de compétences – j’y reviendrai. Ses dispositions constitueraient le premier cas où la France créerait une clause de compétence universelle sans y être obligée ni même autorisée par une convention internationale.
Ensuite, les dispositions actuelles, qui exigent la résidence habituelle de la personne sur le territoire français, me paraissent justifiées : elles permettent la poursuite d’une personne ayant commis des crimes contre l’humanité et qui voudrait trouver refuge en France, d’où la terminologie de résidence habituelle. Si cette condition de résidence habituelle était supprimée, toute personne de passage en France pourrait faire l’objet de poursuites.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument ! Mais, s’il s’agit d’un criminel contre l’humanité, c’est justifié !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Dès lors, même si le texte adopté par votre commission maintient le monopole des poursuites au parquet – représenté, actuellement, par le procureur de la République de Paris et, demain, si le Sénat adopte dans un instant l’amendement du Gouvernement, ce que j’espère, par le parquet national antiterroriste –, il est à craindre que des associations ne lui adressent des demandes médiatisées de poursuites en cas de visite en France de représentants d’États étrangers, qu’elles accuseraient de commettre ou d’avoir commis des crimes contre l’humanité. Même si le procureur devait rejeter de telles demandes, de telles pratiques seraient sources de polémiques ou d’attentes difficiles à satisfaire. Elles seraient susceptibles d’affecter l’action diplomatique de la France.
De plus, la suppression de la condition de subsidiarité aboutirait à la mise en place d’un mécanisme qui serait, de facto, contradictoire avec la promotion de la Cour pénale internationale en tant qu’acteur à part entière de la vie internationale, que la France a toujours soutenue. En effet, la Cour pénale internationale apparaît mieux placée que les juridictions nationales pour connaître des crimes contre l’humanité. Elle dispose, à cette fin, de moyens juridiques spécifiques et, à l’inverse des États, jouit évidemment de sa situation d’institution internationale et dépourvue d’action diplomatique ou commerciale.
Enfin, l’expérience belge, que nous connaissons, met en exergue la difficulté d’agir en matière de crimes internationaux, au regard de la contradiction d’intérêts que sont susceptibles de rencontrer les États,…
M. Jean-Pierre Sueur. Et le monopole du parquet ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … lesquels sont à la fois dans la situation de juger de hauts responsables et dans la situation de promouvoir des relations diplomatiques et commerciales avec ces différents États et avec ces responsables. C’est pourquoi la Belgique est revenue, en 2003, sur la réforme qu’elle avait adoptée en 1993.
M. Jean-Pierre Sueur. Justement !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Pour toutes ces raisons, je demande la suppression de ces dispositions.
Bien sûr, j’en ai conscience, il y a peu de chances que l’amendement du Gouvernement soit adopté – mais sait-on jamais… Mon espérance est d’autant plus faible que, je l’ai rappelé à l’instant, vous avez déjà adopté des dispositions de cette nature en 2013.
À mon sens, la réflexion devra être approfondie. Il est sans doute souhaitable d’explorer une solution satisfaisante et équilibrée, qui augmente la compétence des juridictions françaises en la matière sans pour autant soulever les problèmes que je viens d’évoquer devant vous.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous attendons depuis cinq ans !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cette réflexion, me semble-t-il, devra nécessairement associer le Quai d’Orsay et les magistrats du pôle spécialisé du tribunal de grande instance de Paris, qui n’ont pas été consultés sur cette thématique dans le cadre des chantiers de la justice.
En résumé, le Gouvernement est défavorable aux dispositions dont il s’agit, mais la porte reste ouverte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 178 ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Nous avons suivi la position que le Sénat avait adoptée à l’unanimité, en 2013, lors de l’examen de la proposition de loi déposée par M. Jean-Pierre Sueur, auteur de l’amendement dont résultent, dans le présent texte, les dispositions en question.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 350 ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la garde des sceaux, la disposition dont il s’agit a été adoptée à l’unanimité du Sénat le 23 décembre 2013. À ce titre, je relève d’emblée un problème démocratique : comment est-il possible que, pendant cinq ans, un texte adopté à l’unanimité par une assemblée ne soit jamais inscrit à l’ordre du jour, jamais discuté par l’autre assemblée ?
Vous le savez, ce que nous proposons est strictement conforme au statut de Rome, en vertu duquel la Cour pénale internationale « est complémentaire des juridictions pénales nationales ». Dès lors, ces dernières peuvent et doivent agir en l’espèce.
En outre, je vous précise qu’il ne s’agit pas seulement – encore ai-je quelque peine à dire cela – des crimes contre l’humanité ; il s’agit aussi des crimes de guerre et des génocides.
Je vous rappelle que ce combat a été mené par Robert Badinter, par Mme Delmas-Marty, par de nombreuses associations, par des centaines de juristes ; comme eux, je n’accepte pas que la France soit à la traîne.
Madame la présidente, il me faudrait davantage de temps – il est dommage que l’on ait peu de temps pour traiter d’un tel sujet – pour dire à Mme la garde des sceaux que je ne suis pas d’accord avec son exposé des motifs.
Madame la garde des sceaux, vous invoquez un risque d’instrumentalisation politique des juridictions. Mais enfin, vous avez confiance dans les juridictions,…
M. Jean-Pierre Sueur. … qui sont tout à fait capables de lutter contre ce risque. Nous donner ce seul argument contre le dispositif que nous proposons, cela ne tient pas.
Je demande l’indulgence de la présidente de séance pour vous dire que, quand nous avons voté ce texte, il existait quatre « verrous », au sujet desquels je pourrais être beaucoup plus long.
Mme la présidente. Monsieur Sueur, je veux bien vous accorder encore une dizaine de secondes, mais d’autres collègues ont demandé la parole pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je pense, en particulier, au verrou de la résidence habituelle en France.
Vous pensez bien que l’on ne va pas trouver des personnes qui ont commis des crimes contre l’humanité dans une commune de France en train d’arroser leurs géraniums ! Il faut les interpeller quand elles sont sur le territoire français. C’est un devoir absolu que de le faire.
Enfin, nous avons supprimé le verrou qui vous faisait réagir et qui a fait beaucoup réagir à l’époque. En vertu de notre texte, une association ne peut pas déclencher l’action publique : le parquet en a le monopole, ce qui écarte très clairement toutes les réticences que vous avez exprimées.
Maintenant, le fait que…
Mme la présidente. Monsieur Sueur, je suis obligée de vous interrompre pour donner la parole à Mme Goulet.
M. Jean-Pierre Sueur. Je comprends que vous soyez tout à fait obligée de le faire, madame la présidente. Je vous en donne acte ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Madame la garde des sceaux, étant donné la compétence et la courtoisie avec lesquelles vous animez ces débats depuis le banc du Gouvernement, il est extrêmement délicat d’être opposé à votre position. Mais, une fois n’est pas coutume, je vais rejoindre Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cela arrive ! (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. C’est assez rare pour être souligné ! (Nouveaux sourires.)
En effet, que fait-on des victimes ? Aujourd’hui, la France donne des leçons au monde entier en matière de droits de l’homme,…
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
Mme Nathalie Goulet. … et c’est normal. Or les génocides et les crimes contre l’humanité, malheureusement – reconnaissons-le –, se multiplient partout dans le monde. On l’a encore vu récemment, en Irak et en Syrie.
À mon sens, il est de notre devoir de poursuivre le combat mené par le Sénat, qui a adopté à l’unanimité ce texte. Les victimes yézidies, toutes les victimes civiles, les victimes des crimes commis en Irak, en Syrie ou ailleurs, par exemple en Afrique, ne font aujourd’hui que réclamer justice. Si la France pouvait leur offrir un havre, pour que soient jugés leurs bourreaux, dont les actes peuvent être qualifiés de crimes contre l’humanité, notre pays en sortirait grandi.
Il restera à traverser le boulevard Saint-Germain. Cela prendra peut-être encore cinq ans. Mais le Sénat est dans son rôle en soutenant la position qu’il a défendue en 2013, d’autant que, depuis cette date, nous avons eu à déplorer beaucoup d’autres victimes, beaucoup d’autres génocides et beaucoup d’autres crimes contre l’humanité. Malheureusement, ce siècle n’est pas un siècle d’apaisement, bien au contraire.
Voilà pourquoi, à mes yeux, c’est notre rôle de maintenir le texte de la commission, que je soutiens.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 178 n’a plus d’objet.
M. Jean-Pierre Sueur. Heureusement ! Au moins, l’Assemblée nationale parlera de ce sujet, après cinq ans d’efforts !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 42, modifié.
(L’article 42 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 42
Mme la présidente. L’amendement n° 179, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 42
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article 421-2-6 du code pénal, après le mot : « procurer », sont insérés les mots : « , de tenter de se procurer ».
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement vise à tirer les conséquences d’une décision récente du Conseil constitutionnel : rendue le 7 avril 2017, elle concerne le délit d’entreprise individuelle terroriste.
Ce délit permet d’arrêter et de sanctionner pénalement une personne qui se prépare seule à commettre un attentat et qu’il importe d’arrêter avant qu’elle ne mette en œuvre ses projets. Il n’est constitué que si plusieurs éléments sont réunis. En particulier, il doit être démontré que la personne détient, se procure ou fabrique des armes.
Dans sa décision du 7 avril 2017, qui a été très discutée en séance – je m’en souviens bien –, le Conseil constitutionnel a jugé que le simple fait de rechercher des armes ne pouvait suffire à matérialiser une intention de passage à l’acte terroriste. Il a estimé que, par son caractère trop général, le verbe « rechercher » pouvait recouvrir des actes ne caractérisant pas la volonté de préparer un acte terroriste.
Toutefois, dans l’hypothèse d’une personne projetant un passage à l’acte terroriste, il paraît inenvisageable de prendre le risque qu’elle entre effectivement en possession d’une arme. L’intervention judiciaire se concrétisant par une interpellation rapide me semble constituer l’unique solution possible. C’est pourquoi je vous propose d’ajouter la tentative de se procurer une arme parmi les éléments matériels de ce délit.
À la différence du verbe « rechercher », la notion de « tentative », bien connue en droit pénal, suppose un commencement d’exécution, ce qui dissipe toute ambiguïté quant à la volonté de l’auteur de la tentative de se procurer des armes.
Cette mesure répondra à l’exigence du Conseil constitutionnel : sortir de la notion, relativement floue, de recherche d’une arme, que nous remplaçons par la tentative de se procurer une arme. Elle renforcera les moyens de l’autorité judiciaire pour déjouer des projets d’attentat.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Je ne reviendrai pas sur le fond de l’explication. La commission des lois a émis un avis favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 42.
L’amendement n° 181 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 42
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 706-75 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, le tribunal de grande instance et la cour d’assises de Paris exercent une compétence concurrente sur l’ensemble du territoire national pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des crimes et délits mentionnés au premier alinéa du présent article, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une très grande complexité, en raison notamment du ressort géographique sur lequel elles s’étendent. » ;
2° Au premier alinéa de l’article 706-77, les mots : « autre que ceux visés à l’article 706-75 » sont supprimés ;
3° Au second alinéa de l’article 706-80, après le mot : « moyen, », sont insérés les mots : « au procureur de la République déjà saisi et », et les mots : « ou le cas échéant, au procureur de la République saisi en application des dispositions de l’article 706-76 » sont supprimés ;
4° La section 1 du chapitre II du titre XXV du livre IV est complétée par deux articles 706-80-1 et 706-80-2 ainsi rédigés :
« Art. 706-80-1. – Dans le cadre d’une opération de surveillance de personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de les soupçonner d’avoir commis l’une des infractions entrant dans le champ d’application des articles 706-73, 706-73-1 ou 706-74, et lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction l’exigent, les officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, les agents de police judiciaire en charge des investigations peuvent, avec l’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction saisi des faits qui en avise préalablement le parquet, demander à tout fonctionnaire ou agent public de ne pas procéder au contrôle et à l’interpellation de ces personnes afin de ne pas compromettre la poursuite des investigations.
« Dans le cadre d’une opération de surveillance de l’acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission de l’une des infractions entrant dans le champ d’application des articles 706-73, 706-73-1 ou 706-74 ou servant à les commettre, et lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction l’exigent, les officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, les agents de police judiciaire en charge des investigations peuvent, avec l’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction saisi des faits qui en avise préalablement le parquet, demander à tout fonctionnaire ou agent public de ne pas procéder au contrôle et à la saisie de ces objets, biens ou produits afin de ne pas compromettre la poursuite des investigations.
« L’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, qui peut être donnée par tout moyen, est mentionnée ou versée au dossier de la procédure. Le procureur de la République informe sans délai le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris de la délivrance de cette autorisation.
« Art. 706-80-2. – Dans le cadre d’une opération de surveillance de l’acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission de l’une des infractions entrant dans le champ d’application des articles 706-73, 706-73-1 ou 706-74 ou servant à les commettre, et lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction l’exigent, les officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, les agents de police judiciaire en charge des investigations peuvent, avec l’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction saisi des faits qui en avise préalablement le parquet, livrer ou délivrer à la place des prestataires de services postaux et des opérateurs de fret ces objets, biens ou produits, sans être pénalement responsables.
« À peine de nullité, l’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction est écrite ou motivée. Cette autorisation est versée au dossier de la procédure et les actes autorisés ne peuvent constituer une incitation à commettre une infraction. »
II. – Le code des douanes est ainsi modifié :
1° Le I de l’article 67 bis est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « procèdent » est remplacé par les mots : « peuvent procéder » ;
b) Au troisième alinéa, les mots : « selon le cas, » et les mots : « ou au procureur de la République saisi en application des dispositions de l’article 706-76 du code de procédure pénale » sont supprimés ;
2° La section 7 du chapitre IV du titre II est complétée par deux articles 67 bis-3 et 67 bis A ainsi rédigés :
« Art. 67 bis-3. – Dans le cadre d’une opération de surveillance de personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de les soupçonner d’avoir commis un délit douanier dont la peine d’emprisonnement encourue est égale ou supérieure à deux ans ou d’y avoir participé comme complice ou intéressée à la fraude au sens de l’article 399, et lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction l’exigent, les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes dans les conditions fixées par décret peuvent, sur l’ensemble du territoire national, avec l’autorisation du procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptibles de débuter, demander à tout fonctionnaire ou agent public de ne pas procéder au contrôle et à l’interpellation de ces personnes afin de ne pas compromettre la poursuite des investigations.
« Dans le cadre d’une opération de surveillance de l’acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission d’un délit douanier dont la peine d’emprisonnement encourue est égale ou supérieure à deux ans ou servant à le commettre, et lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction l’exigent, les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes dans les conditions fixées par décret peuvent, sur l’ensemble du territoire national, avec l’autorisation du procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptibles de débuter, demander à tout fonctionnaire ou agent public de ne pas procéder au contrôle et à la saisie de ces objets, biens ou produits afin de ne pas compromettre la poursuite des investigations.
« L’autorisation du procureur de la République, qui peut être donnée par tout moyen, est mentionnée ou versée au dossier de la procédure. Le procureur de la République informe sans délai le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris de la délivrance de cette autorisation.
« Art. 67 bis-4. – Dans le cadre d’une opération de surveillance de l’acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission d’un délit douanier dont la peine d’emprisonnement encourue est égale ou supérieure à deux ans ou servant à le commettre, et lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction l’exigent, les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes dans les conditions fixées par décret peuvent, sur l’ensemble du territoire national, avec l’autorisation du procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptibles de débuter, livrer ou délivrer à la place des prestataires de services postaux et des opérateurs de fret ces objets, biens ou produits, sans être pénalement responsables.
« À peine de nullité, l’autorisation du procureur de la République est écrite ou motivée. Cette autorisation est versée au dossier de la procédure et les actes autorisés ne peuvent constituer une incitation à commettre une infraction. »
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement vise à clarifier le cadre procédural applicable en matière de surveillance et de livraisons surveillées, des actes d’enquête dont vous savez qu’ils sont particulièrement efficaces dans la lutte contre la criminalité et la délinquance organisées. Il est tout à fait d’actualité, comme vous vous en êtes peut-être rendu compte.
Ces actes d’enquête consistent à assurer la surveillance de personnes soupçonnées et l’acheminement des produits des trafics, en différant les opérations d’interpellation et de saisie pour les besoins de l’enquête. Le Gouvernement souhaite apporter deux modifications à leur régime actuel, afin de permettre un contrôle efficace de ces opérations par l’autorité judiciaire et de mettre fin à des pratiques divergentes sur le territoire national.
D’une part, nous proposons qu’une autorisation préalable soit donnée par l’autorité judiciaire.
D’autre part, il serait possible de demander à d’autres services de ne pas procéder à l’interpellation des suspects, pour ne pas compromettre la poursuite des investigations, notamment lorsque les suspects passent par des points de contrôle frontaliers.
Le procureur de Paris sera évidemment informé sans délai de ces opérations. Cette centralisation de l’information permettra au parquet de Paris de se saisir d’affaires souvent très lourdes et complexes. L’amendement étend ainsi la compétence de la juridiction interrégionale spécialisée de Paris à l’ensemble du territoire national pour les affaires d’une très grande complexité.
Tout en conservant les sept autres juridictions interrégionales spécialisées – Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Rennes et Fort-de-France –, qui ont démontré leur efficacité dans la lutte contre le crime organisé, cette mesure constitue une adaptation nécessaire à la réalité de certaines affaires de la grande criminalité, qui dépassent largement l’échelle régionale.
Par ailleurs, je vous propose de mentionner expressément la possibilité pour les enquêteurs de livrer, à la place des services postaux et en raison du danger que comporte l’opération, les produits du crime acheminés par voie postale, aux fins de démanteler les réseaux criminels.
Des dispositions équivalentes seraient introduites dans le code des douanes, en raison de la mission de lutte contre les trafics également assignée au droit pénal douanier.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous aurez compris que cet amendement vise à répondre à une difficulté ayant suscité un vif émoi dans le monde policier et judiciaire autour de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants. Il a pour objet de mettre clairement en place un encadrement des pratiques ayant cours. Voilà pourquoi j’y suis très attachée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission, très intéressée par les dispositions proposées, avait toutefois demandé un certain nombre de rectifications. Celles-ci ayant été opérées, ce que nous tenons à saluer, nous sommes désormais favorables à l’amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voterai cet amendement extrêmement utile. Nous sommes dans un État de droit, et, à l’adresse de ceux qui expliquent que nous luttons contre la délinquance ou le terrorisme en violant l’État de droit, il est la meilleure preuve que nous respectons celui-ci scrupuleusement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 42.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 184, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 42
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa de l’article L. 122-3 sont ajoutés les mots : « Sous réserve des dispositions particulières du code de procédure pénale, » ;
2° La section 2 du chapitre III du titre Ier du livre II est complétée par un article L. 213-12 ainsi rédigé :
« Art. L. 213-12. – Au sein des tribunaux de grande instance dans le ressort desquels est susceptible de se trouver une forte concentration de personnes soutenant ou adhérant à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme, dont la liste est fixée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, un magistrat du ministère public, désigné par le procureur de la République, est chargé des missions suivantes :
« 1° L’information du procureur de la République antiterroriste de tous les faits en lien avec des affaires en cours susceptibles de faire l’objet d’investigations de sa part ;
« 2° L’information du procureur de la République antiterroriste sur l’état de la menace terroriste dans son ressort ;
« 3° La participation aux instances locales de prévention, de détection et de suivi du terrorisme et de la radicalisation ;
« 4° Le suivi des personnes placées sous main de justice dans son ressort et qui sont identifiées comme étant radicalisées ;
« 5° La diffusion auprès des magistrats du ressort des informations permettant d’aider à prévenir les actes de terrorisme. » ;
3° L’article L. 217-1 est ainsi modifié :
a) Au début, les mots : « Est placé » sont remplacés par les mots : « Sont placés » ;
b) Après les mots : « procureur de la République financier », sont insérés les mots : « et un procureur de la République antiterroriste » ;
4° L’article L. 217-2 est ainsi modifié :
a) Après les mots : « procureur de la République financier », sont insérés les mots : « et le procureur de la République antiterroriste » ;
b) Les deux occurrences du mot : « ses » sont remplacées par le mot : « leurs » ;
c) Le mot : « exerce » est remplacé par les mots : « exercent respectivement » ;
5° À l’article L. 217-3, les mots : « et ses substituts » sont remplacés par les mots : « et le procureur de la République antiterroriste, et leurs substituts, » ;
6° À l’article L. 217-4, après les mots : « procureur de la République financier », sont insérés les mots : « ou au procureur de la République antiterroriste ».
7° Le chapitre VII du titre Ier du livre II est complété par un article L. 217-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 217-5. – Lorsque le renforcement temporaire et immédiat du parquet antiterroriste près le tribunal de grande instance de Paris apparaît indispensable pour assurer le traitement des procédures, le procureur de la République antiterroriste peut requérir un ou plusieurs magistrats du parquet de Paris dont les noms figurent sur une liste arrêtée par le procureur général près la cour d’appel de Paris pour chaque année civile, après avis du procureur de la République et du procureur de la République antiterroriste.
« Le procureur de la République antiterroriste informe le procureur général et le procureur de la République de Paris des réquisitions de magistrats auxquelles il procède.
« Le procureur général veille à ce que ce dispositif soit utilisé le temps strictement nécessaire au traitement de l’accroissement temporaire d’activité du parquet antiterroriste.
« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. »
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 41 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase du deuxième alinéa est supprimée ;
b) Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il s’agit d’actes d’enquête devant être exécutés dans un autre ressort que celui du tribunal de grande instance, il peut demander au procureur de la République territorialement compétent d’y procéder ou d’y faire procéder par un officier de police judiciaire. Il peut toutefois également requérir directement tout officier de police judiciaire sur l’ensemble du territoire national de procéder à ces actes. » ;
2° Aux premier, deuxième et troisième alinéas de l’article 628-1, après les mots : « procureur de la République », il est inséré le mot : « antiterroriste » ;
3° À la fin du troisième alinéa de l’article 628-2, les mots : « de Paris » sont remplacés par le mot : « antiterroriste » ;
4° L’article 628-3 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après les mots : « procureur de la République », il est inséré le mot : « antiterroriste » ;
b) Au troisième alinéa, les mots : « de Paris » sont remplacés par le mot : « antiterroriste » ;
5° Le deuxième alinéa de l’article 702 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sont également compétents sur toute l’étendue du territoire national le procureur de la République antiterroriste, le tribunal de grande instance et la cour d’assises de Paris selon les modalités déterminées aux articles 628-1 à 628-6 et 698-6. » ;
6° Aux premier, deuxième et troisième alinéas de l’article 706-17, après les mots : « procureur de la République », il est inséré le mot : « antiterroriste » ;
7° L’article 706-17-1 devient l’article 706-17-2 ;
8° L’article 706-17-1 est ainsi rédigé :
« Art. 706-17-1. – Sans préjudice des dispositions du troisième alinéa de l’article 41, lorsqu’il exerce sa compétence en application de la présente section, le procureur de la République antiterroriste peut requérir par délégation judiciaire tout procureur de la République de procéder ou faire procéder aux actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions dans les lieux où ce dernier est territorialement compétent.
« La délégation judiciaire mentionne les actes d’enquête confiés au procureur de la République ainsi requis. Elle ne peut prescrire que des actes se rattachant directement à l’enquête pour laquelle elle a été délivrée.
« Elle indique la nature de l’infraction, objet de l’enquête. Elle est datée et signée par le procureur de la République antiterroriste et revêtue de son sceau.
« Le procureur de la République antiterroriste fixe le délai dans lequel la délégation doit lui être retournée accompagnée des procès-verbaux relatant son exécution. À défaut d’une telle fixation, la délégation judiciaire et les procès-verbaux doivent lui être transmis dans les huit jours de la fin des opérations exécutées en vertu de celle-ci.
« Les magistrats commis pour son exécution exercent, dans les limites de la délégation judiciaire, tous les pouvoirs du procureur de la République antiterroriste. » ;
9° À la fin du troisième alinéa de l’article 706-18, les mots : « de Paris » sont remplacés par le mot : « antiterroriste » ;
10° L’article 706-19 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « procureur de la République », il est inséré le mot : « antiterroriste » ;
b) Au troisième alinéa, les mots : « de Paris » sont remplacés par le mot : « antiterroriste » ;
11° L’article 706-22-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le ministère public auprès des juridictions du premier degré de Paris compétentes en application du présent article est représenté par le procureur de la République antiterroriste en personne ou par ses substituts. » ;
12° L’article 706-25 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’article 34, le ministère public auprès de la cour d’assises statuant en première instance est représenté par le procureur de la République antiterroriste en personne ou par ses substituts. » ;
13° Aux premier, deuxième et troisième alinéas de l’article 706-168, après les mots : « procureur de la République », il est inséré le mot : « antiterroriste » ;
14° Au troisième alinéa de l’article 706-169, les mots : « de Paris » sont remplacés par le mot : « antiterroriste » ;
15° L’article 706-170 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « procureur de la République », il est inséré le mot : « antiterroriste » ;
b) Au troisième alinéa, les mots : « de Paris » sont remplacés par le mot : « antiterroriste ».
III. – Au premier alinéa des articles L. 225-2, L. 225-3, L. 228-2, L. 228-3, L. 228-4 et L. 228-5, au premier alinéa et aux première et seconde phrases du troisième alinéa de l’article L. 229-1 du code de la sécurité intérieure, les mots : « procureur de la République de Paris » sont remplacés par les mots : « procureur de la République antiterroriste ».
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Voici, mesdames, messieurs les sénateurs, l’amendement tendant à la création d’un parquet national antiterroriste. La presse s’en est abondamment fait l’écho, mais je souhaite vous le présenter de manière complète.
Je tiens à le dire d’emblée : la création de ce parquet ne résulte pas du constat de quelque dysfonctionnement. Au contraire, vous savez à quel point le procureur de Paris, qui exerce actuellement les fonctions de procureur antiterroriste, remplit parfaitement ses fonctions. Nous souhaitons toutefois améliorer ce dispositif, pour les raisons que je vais tenter de vous exposer.
Le parquet national dont nous vous proposons la création sera dirigé par un procureur de la République antiterroriste, positionné auprès du tribunal de grande instance de Paris. Il se substituera pour le traitement des infractions terroristes au parquet de Paris, qui, de ce fait, sera scindé en deux : il y aura le procureur de la République de Paris et le procureur antiterroriste.
Au-delà des infractions terroristes, la compétence de ce parquet sera élargie aux crimes contre l’humanité, aux crimes et délits de guerre, aux infractions relatives à la prolifération d’armes de destruction massive et aux infractions portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation.
Nous souhaitons la création de ce parquet pour deux raisons.
D’abord, nous voulons pouvoir disposer d’une véritable force de frappe judiciaire antiterroriste, en créant un ministère public ayant l’entière disponibilité pour se consacrer à cette mission. Il ne sera plus à la fois, comme aujourd’hui, procureur de la République de Paris et procureur chargé de l’antiterrorisme. Sa disponibilité sera donc pleine et entière pour se consacrer à ce contentieux extrêmement spécifique et qui, vous le savez, requiert une vigilance et une attention de tous les instants – nous savons en effet que la menace, notamment endogène, est toujours à un très haut niveau.
Ensuite, il s’agit d’offrir à ce procureur une meilleure visibilité institutionnelle, au plan non seulement national – il l’acquiert assez aisément –, mais également international.
En outre, la création du parquet national antiterroriste permettra au procureur de la République de Paris de recentrer son activité sur les contentieux propres à ce parquet, qui sont très lourds et très nombreux ; je pense notamment à la criminalité et la délinquance organisées – vous venez de renforcer la lutte contre celles-ci en adoptant l’amendement précédent –, aux accidents collectifs et aux affaires de santé publique.
Par ailleurs, le Gouvernement a pris en compte les observations formulées par le Conseil d’État. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai préféré retirer la disposition tendant à la création du parquet national antiterroriste, initialement contenue dans le projet de loi. Je l’ai réintroduite récemment, modifiée pour tenir compte des observations du Conseil d’État.
Ainsi, sur la suggestion de celui-ci, nous avons prévu la création d’une réserve opérationnelle de magistrats du parquet de Paris, à laquelle le procureur de la République antiterroriste pourra recourir en cas de crise pour adapter ses effectifs aux variations liées à l’activité terroriste. En tant que de besoin, par exemple en cas d’attentat grave, le procureur de la République antiterroriste pourra donc piocher dans une liste de magistrats du parquet de Paris établie après avis du procureur général.
Le parquet national antiterroriste sera également doté d’un mécanisme innovant du point de vue procédural, qui lui permettra de requérir tout procureur de la République situé sur le territoire national pour la réalisation d’actes d’enquête qu’il déterminera, afin de répondre efficacement à l’ampleur des investigations nécessaires en cas d’attentat.
Enfin, ce nouveau parquet ne sera pas isolé au sein de l’institution judiciaire : ce ne sera pas un parquet qui sera seul à Paris. En effet, avec le mécanisme que nous avons conçu, le procureur antiterroriste pourra compter sur des relais territoriaux, grâce à la création, au sein des tribunaux de grande instance dont le ressort paraît particulièrement exposé à la menace terroriste, de magistrats du ministère public délégués à la lutte contre le terrorisme.
Ainsi, dans les tribunaux de grande instance dont les ressorts semblent particulièrement exposés au terrorisme, des magistrats du ministère public seront délégués à la lutte contre le terrorisme : associés à la coordination administrative de veille, de prévention et de détection du terrorisme, ils pourront mieux informer le parquet national antiterroriste sur les parcours de radicalisation violente et les liens qui pourraient exister entre petite délinquance et terrorisme.
Pour l’ensemble de ces raisons, l’architecture que nous vous proposons est à la fois forte – parce que centralisée, mais comportant des relais sur l’ensemble du territoire national –, visible au plan national comme international et efficace, avec un procureur antiterroriste qui aura les moyens de répondre à la menace terroriste.
J’invite donc le Sénat à adopter l’amendement n° 184 du Gouvernement et non l’amendement n° 365 de la commission, qui – à moins que M. Buffet n’ait changé d’avis après m’avoir entendue… – ne prévoit pas la création d’un parquet antiterroriste spécifique.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Mais qui reprend nombre de mesures de votre amendement !
Mme la présidente. L’amendement n° 365, présenté par MM. Buffet et Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 42
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au début du premier alinéa de l’article L. 122-3 du code de l’organisation judiciaire, sont ajoutés les mots : « Sous réserve des dispositions particulières du code de procédure pénale, ».
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 41 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase du deuxième alinéa est supprimée ;
b) Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il s’agit d’actes d’enquête devant être exécutés dans un autre ressort que celui du tribunal de grande instance, il peut demander au procureur de la République territorialement compétent d’y procéder ou d’y faire procéder par un officier de police judiciaire. Il peut toutefois également requérir directement tout officier de police judiciaire sur l’ensemble du territoire national de procéder à ces actes. » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article 702 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sont également compétents sur toute l’étendue du territoire national le procureur de la République, le tribunal de grande instance et la cour d’assises de Paris selon les modalités déterminées aux articles 628-1 à 628-6 et 698-6. » ;
3° L’article 706-17-1 devient l’article 706-17-2 ;
4° L’article 706-17-1 est ainsi rédigé :
« Art. 706-17-1. – Sans préjudice des dispositions du troisième alinéa de l’article 41, lorsqu’il exerce sa compétence en application de la présente section, le procureur de la République près du tribunal de grande instance de Paris peut requérir par délégation judiciaire tout procureur de la République de procéder ou faire procéder aux actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-16 dans les lieux où ce dernier est territorialement compétent.
« La délégation judiciaire mentionne les actes d’enquête confiés au procureur de la République ainsi requis. Elle ne peut prescrire que des actes se rattachant directement à l’enquête pour laquelle elle a été délivrée.
« Elle indique la nature de l’infraction, objet de l’enquête. Elle est datée et signée par le procureur de la République près du tribunal de grande instance de Paris et revêtue de son sceau.
« Le procureur de la République près du tribunal de grande instance de Paris fixe le délai dans lequel la délégation doit lui être retournée accompagnée des procès-verbaux relatant son exécution. À défaut d’une telle fixation, la délégation judiciaire et les procès-verbaux doivent lui être transmis dans les huit jours de la fin des opérations exécutées en vertu de celle-ci.
« Les magistrats commis pour son exécution exercent, dans les limites de la délégation judiciaire, tous les pouvoirs du procureur de la République près du tribunal de grande instance de Paris prévus par la présente section. » ;
5° L’article 706-25 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’article 34, le ministère public auprès de la cour d’assises statuant en première instance est représenté par le procureur de la République près du tribunal de grande instance de Paris en personne ou par ses substituts. »
La parole est à M. le corapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 184.
M. François-Noël Buffet, corapporteur. C’est peu dire que Mme le garde des sceaux a lu dans mes pensées : en effet, la commission des lois du Sénat n’est pas favorable à la création de ce parquet national antiterroriste. Pourquoi donc créer un tel parquet, alors que notre organisation repose déjà sur un parquet antiterroriste spécialisé, à compétence nationale, au sein du parquet de Paris ?
Parlons-nous librement : nous n’avons entendu personne critiquer le travail mené actuellement par le parquet national antiterroriste rattaché au tribunal de grande instance de Paris. Tout le monde a plutôt loué le travail accompli depuis de nombreuses années, en considérant que tout cela fonctionnait très bien.
M. Yves Détraigne, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Absolument !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Comme nous avons pu, malheureusement, le constater à l’occasion des attentats dramatiques qui ont frappé notre pays, l’efficacité de nos magistrats et de nos procureurs a été totale.
On fait valoir que le parquet national devrait remplir une fonction, en quelque sorte, de communication, d’identification ou de reconnaissance, nationale ou internationale. Personne aujourd’hui ne considère que le procureur chargé de ces questions et, plus largement, l’institution ne sont pas reconnus au plan international ou national. Le dispositif, là aussi, fonctionne très bien.
Nous souhaitons donc saluer l’organisation existante, réactive, souple et en mesure de s’adapter aux crises, grâce à la mobilisation exceptionnelle de magistrats d’autres sections du parquet de Paris – des réservistes, si je puis dire.
L’amendement déposé par le Gouvernement suscite plusieurs craintes. Celle, d’abord, d’une réduction des effectifs mobilisables, puisque le nombre de magistrats du parquet national antiterroriste serait nécessairement très largement inférieur au nombre de magistrats du parquet de Paris. La crainte, ensuite, d’une perte d’efficacité et de réactivité en l’absence de pouvoir hiérarchique du procureur national antiterroriste sur les magistrats dépendant d’autres parquets. La crainte, aussi, d’une perte de vision d’ensemble des parcours de délinquance conduisant au terrorisme. La crainte, enfin, d’une rigidité dans l’affectation des conduites des enquêtes entre les délits de droit commun, la criminalité organisée et le terrorisme.
Au reste, dans son avis sur le projet de loi, voici ce que le Conseil d’État a fait observer : « La création d’un parquet national antiterroriste n’est pas sans présenter, d’une part, un risque d’isolement des magistrats affectés à ce parquet, avec l’inconvénient de perdre la perception des liens entre la petite délinquance et le terrorisme, en particulier dans les parcours de radicalisation, et, d’autre part, une rigidité inutile pour adapter les effectifs de magistrats affectés à la lutte antiterroriste aux évolutions de la criminalité en la matière. »
Disons les choses : cette réforme ne semble justifiée par aucun dysfonctionnement constaté.
Peut-être vais-je être audacieux, mais, autant nous avons été favorables à la création du juge de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme, parce que nous pensons que c’est un progrès pour notre dispositif judiciaire, autant, en la circonstance, nous ne voyons pas l’avantage supplémentaire que présenterait le dispositif proposé. Peut-être même fragiliserait-il, au moins temporairement, l’organisation judiciaire, alors que le contexte invite davantage à une forme de stabilisation et à un renforcement des moyens.
Par ailleurs, l’expérience récente du parquet national financier doit également nous inviter à une forme de prudence dans la création de parquets nationaux autonomes.
Enfin, alors que l’amendement n° 181 rectifié du Gouvernement vise à donner pour la première fois au parquet de Paris une compétence concurrente nationale en matière de criminalité organisée, il semblerait paradoxal de ne pas maintenir une section antiterroriste au sein de ce parquet, afin de faciliter les échanges entre les deux sections.
Toutefois, la commission des lois ne rejette pas tout.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ce n’est pas son genre !
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Gardant le dispositif actuel, elle souhaite, comme le Gouvernement, améliorer l’efficacité de notre organisation judiciaire. Tel est l’objet de notre amendement n° 365.
Nous proposons l’instauration d’une compétence concurrente des juridictions parisiennes en matière de crimes et délits contre les intérêts fondamentaux de la Nation, infractions assez proches des infractions terroristes.
Nous prévoyons la possibilité pour le parquet de Paris, dans le cadre de ses compétences antiterroristes, de requérir par délégation judiciaire tout procureur de la République de faire procéder aux actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions terroristes.
Nous prévoyons également la possibilité pour les magistrats de la section antiterroriste du parquet de Paris de représenter le ministère public auprès de la cour d’assises statuant en première instance, par dérogation et en lieu et place des avocats généraux de la cour d’appel de Paris. Peut-être un peu compliqué à mettre en place, pour des raisons que l’on imagine, ce dispositif est ô combien nécessaire, compte tenu de la connaissance que nos procureurs ont acquise des dossiers dont ils ont la charge.
Nous ne voulons pas d’une structure distincte du parquet de Paris, qui nuirait à la fluidité des échanges ; ce qu’on voit avec le parquet national financier, nous n’en voulons pas. Une telle structure empêcherait la mutualisation et la mobilisation rapides de magistrats supplémentaires en cas de crise.
Au reste, le Gouvernement est obligé, nous l’avons bien compris, de prévoir dans son amendement des formes de palliatifs aux problèmes posés par la création d’une structure autonome. C’est ainsi qu’il a imaginé un dispositif complexe permettant de mobiliser certains magistrats du parquet de Paris pour qu’ils viennent en aide au parquet national antiterroriste en cas de crise.
Madame le garde des sceaux, ce n’est naturellement pas contre vous, vous le comprenez bien, mais nous voulons des choses simples : ce qui fonctionne bien et efficacement, nous pensons qu’il ne faut pas le bousculer, mais au contraire l’améliorer. C’est à une telle amélioration que tend l’amendement de la commission des lois. Le pays et nos concitoyens sauront qu’il existe sur le territoire national un dispositif efficace de lutte contre le terrorisme, ce que chacun d’entre nous, naturellement, recherche.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. En 2014, six mois avant Charlie, le Sénat, à la demande du groupe Union Centriste, a constitué une commission d’enquête sur les réseaux djihadistes. Nous étions donc en plein travail quand les drames de Charlie et de l’Hyper Cacher se sont produits. Le rapport rendu par notre commission d’enquête en 2015 soulignait un éparpillement des moyens, notamment judiciaires.
Depuis lors, nous avons voté énormément de textes, renforcé les dispositifs et réalisé des améliorations sur un certain nombre de sujets, même s’il reste encore des zones d’ombre – Mme la présidente Troendlé sait bien que, en matière de lutte contre la radicalisation, il reste des trous dans la raquette, c’est le moins que l’on puisse dire.
Pour ma part, j’ai été très sensible à l’argumentation de notre rapporteur. En effet, nous avons aujourd’hui un coordinateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme auprès du Président de la République, qui a demandé cette task force. Or je crois que, en cette matière comme dans d’autres, il faut de la stabilisation.
Il faut sûrement renforcer les formations, les moyens et la coopération européenne, mais je ne suis pas sûre qu’il faille bouleverser l’ensemble des dispositifs en divisant au lieu de rassembler.
Bien que très sensible à l’idée d’un parquet antiterroriste identifié, je pense qu’il est aujourd’hui important de centraliser les moyens et, surtout, de donner à la police, à la gendarmerie et aux magistrats les moyens d’exercer leurs fonctions en toute sécurité. Ces moyens, nous les examinerons dans quelques jours dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019. Ce sera là la preuve de la volonté que l’on entend marquer.
Dans cet hémicycle, nous avons toujours été solidaires de l’ensemble des textes proposés par l’ensemble des gouvernements en matière de lutte antiterroriste. Qu’il s’agisse de Bernard Cazeneuve ou des autres ministres qui se sont succédé, nous n’avons jamais failli à la solidarité nationale dans ce domaine.
Je crois que ce n’est pas le moment de diviser et qu’il vaut mieux, au contraire, solidifier l’édifice. C’est pourquoi, malgré les éléments qui plaident pour la création d’un parquet antiterroriste, je suivrai la position de la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Il y a une forme de dilemme entre ces deux amendements, tous deux parfaitement défendus, avec force compétence et pédagogie, par Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur. Prendre position n’est pas simple sur ces questions juridiques extrêmement complexes, qui sont aussi, malheureusement, un sujet profond d’actualité – nombre de drames nous restent en mémoire.
La mobilisation de toutes les forces de sécurité – police, gendarmerie, armée – est très forte, sur le territoire national et aux frontières – le rôle de l’administration des douanes a été évoqué. M. le rapporteur a insisté sur l’efficacité, qui suppose de ne pas complexifier, de ne pas ajouter de nouvelles structures aux nombreuses qui existent déjà dans le domaine complexe de la justice.
Nous avons beaucoup de respect pour les magistrats, pour toutes celles et tous ceux qui travaillent dans ce domaine. Dans quelques semaines, lors de l’examen du projet de loi de finances et de la mission « Justice », de nombreux enjeux de société devront être pris en compte.
S’agissant des amendements en discussion, je suivrai l’avis de la commission des lois.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. La proposition de créer un parquet antiterroriste, nous en avions entendu parler. Tous ceux que nous avons auditionnés avaient, au minimum, une grande interrogation sur l’utilité de ce parquet.
Après avoir vu cette mesure retirée de votre avant-projet de loi, madame la garde des sceaux, nous avons examiné, voilà quelques jours, votre amendement tendant à la rétablir. Nous avons eu un débat assez dense en commission des lois, afin d’arrêter une position de fond et non une position dictée par les mauvaises conditions de travail que vous nous imposiez…
Nous avons beau vous écouter, nous ne comprenons toujours pas l’utilité de la création de ce parquet antiterroriste. Nous le savons, la lutte antiterroriste fait d’ores et déjà l’objet d’une centralisation auprès du parquet de Paris, auprès de François Molins, devenu célèbre dans tous les foyers français pour des raisons terribles.
Nous avons soulevé – nous l’avons aussi fait auprès des personnes que nous avons entendues – le risque d’un manque d’efficacité, puisque le parquet de Paris peut mobiliser aujourd’hui de manière extrêmement rapide tous ses substituts, ainsi qu’un risque d’isolement. Nous le savons, le terrorisme est souvent lié à la criminalité organisée, à la cybercriminalité, au blanchiment ou au trafic d’armes.
Vous l’avez compris, nous sommes extrêmement désemparés : nous essayons de vous entendre et de comprendre dans vos propos autre chose que la force symbolique, à vos yeux, de créer ce parquet.
La commission des lois a fait des propositions, qui sont, pour leur part, intéressantes dans la mesure où elles visent à renforcer et à améliorer encore l’efficacité du dispositif existant. C’est pourquoi nous les soutenons, et nous ne vous suivrons pas sur la création d’un parquet national antiterroriste telle que vous la proposez à ce jour.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Permettez-moi de répondre brièvement aux trois observations que j’ai entendues : pourquoi créer un tel parquet ? Cela ne va-t-il pas conduire à une réduction des effectifs ? La crainte de l’isolement transparaît aussi dans les différentes interventions.
Si nous voulons créer un tel parquet, c’est parce que la menace terroriste est d’une ampleur très singulière ; elle a évolué. Elle ne ressemble plus à ce que l’on a vécu il y a dix ans : la menace est nationale, internationale, exogène et endogène, comme le montre l’ensemble des attentats aujourd’hui déjoués, même si nous ne le précisons pas sans arrêt. Il existe une véritable menace terroriste ! Aussi, il nous semble qu’il nous faut accompagner ce mouvement, voire l’anticiper.
Par ailleurs, je l’ai dit, le parquet de Paris, au sens du procureur de la République de Paris, aura des compétences accrues, en lien notamment avec la criminalité organisée.
Cette montée en puissance du parquet de Paris conjuguée à l’augmentation et à l’évolution de la menace terroriste nous a conduits à dissocier ces deux tâches. Il ne nous semble plus réaliste de penser que le parquet pourra continuer à mener de front cette mission, ce qu’il fait remarquablement bien jusqu’à ce jour. Il n’est pas réaliste de ne pas prendre en compte cette double évolution, à savoir, je le répète, la montée en puissance du parquet de Paris et l’évolution de la menace terroriste.
Je l’indiquais précédemment, le parquet de Paris va avoir des compétences accrues en matière de criminalité organisée. Or ne lions pas criminalité organisée et lutte contre le terrorisme. Nous avons parlé avec de très nombreux acteurs, j’y insiste. Il n’existe pas de lien, si ce n’est occasionnel, et donc à un faible degré, entre criminalité organisée et terrorisme. Le procureur Molins et, notamment, la DGSI, la direction générale de la sécurité intérieure, que j’ai interrogés, l’affirment clairement, le lien est très ténu – je reprends là un mot qui a été utilisé. C’est la raison pour laquelle il ne nous semble pas pertinent de lier automatiquement crime organisé et lutte contre le terrorisme. Le schéma que nous proposons correspond à l’évolution de la menace terroriste et me paraît justifier cette organisation avec deux personnes.
Concernant la question de la réduction des effectifs – une crainte évoquée par M. le sénateur Buffet, prenant appui sur les craintes initiales exprimées par le Conseil d’État, auxquelles nous avons répondu –, je veux redire ici que, en cas de crise grave, d’attentat grave, le parquet antiterroriste pourra prendre, sur une liste de magistrats qui aura été établie par le procureur général ou avec l’accord du procureur général de Paris, parmi les magistrats du parquet de Paris, autant de magistrats figurant sur cette liste qu’il le voudra. Il s’agit donc d’une réponse souple et adaptée à la situation. Il n’y aura aucune difficulté pour choisir – le mot n’est pas juste –, mais plutôt pour prendre des magistrats figurant sur cette liste en vue de répondre aux besoins qui seront, par définition, occasionnels.
Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, la question de l’absence de pouvoir hiérarchique du procureur de Paris sur les magistrats des territoires. Mais il n’existe pas aujourd’hui de pouvoir hiérarchique ; nous ne changeons donc absolument rien.
Enfin, pas d’isolement, nous faisons le contraire. Ce que nous construisons permettra d’établir un lien extrêmement étroit entre le parquet antiterroriste à Paris et ce qui se passera au niveau territorial. Les procureurs délégués au niveau territorial ne sont pas créés, comme cela est indiqué dans l’objet de votre amendement, messieurs les rapporteurs de la commission des lois, pour « assurer une certaine coordination entre les parquets autonomes. » Face à une menace endogène présente sur l’ensemble du territoire – les loups solitaires radicalisés –, il convient de disposer de relais territoriaux pour faire remonter au PNAT l’information relative à la problématique des radicalisations locales. Ces relais territoriaux agiront au plus près du terrain, en lien avec les services de renseignements locaux et au sein du GED, le groupe d’évaluation départemental de la radicalisation, ce qui permettra de renforcer la connaissance du PNAT sur les phénomènes de radicalisation et, donc, d’anticiper et de mieux réagir face aux risques de passage à l’acte, notamment en cas d’infractions d’association de malfaiteurs terroristes.
Nous instituons là, me semble-t-il, un mécanisme à la fois puissant, souple et adapté à la réalité de la menace terroriste.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la garde des sceaux, je veux vous dire que je ne suis pas d’accord avec vous et vous expliquer pourquoi.
Le procureur de la République de Paris et les membres du parquet de Paris ont-ils failli dans leurs missions ? La réponse est non, vous me l’accorderez volontiers.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Aussi, dites-vous, c’est l’aggravation de la menace terroriste qui justifie une nouvelle forme d’organisation du ministère public pour y faire face. Pensez-vous réellement que la menace terroriste effective est plus forte à la fin de l’année 2018 qu’elle ne l’était en 2015 et en 2016 avec tous ces morts, qui ont été les victimes innocentes du terrorisme et de cette barbarie du djihadisme sur notre territoire national ?
Je vous le dis, sans doute la menace terroriste est-elle toujours aussi forte, mais je ne vois pas en quoi vous avez démontré qu’une aggravation de la menace terroriste justifiait un changement profond dans l’organisation du ministère public dans la lutte contre le terrorisme.
Vous pourriez, laissant de côté cette problématique, nous dire que vous voulez consacrer des moyens supplémentaires à l’action du ministère public dans la lutte contre le terrorisme et que vous voulez aussi une meilleure organisation. Examinons ces deux points.
Où sont les moyens supplémentaires ? Nous ne vous avons pas entendue nous expliquer que vous alliez mobiliser des effectifs supplémentaires de magistrats du parquet dédiés à la lutte contre le terrorisme. Mais peut-être allez-vous le faire à la suite de la demande que je vous présente maintenant… Ces moyens seront-ils massifs pour permettre au parquet national antiterroriste de pouvoir voler de ses propres ailes, sans avoir régulièrement recours aux éléments supplétifs du ministère public de Paris ? Vous êtes tellement peu assurée que ce parquet national antiterroriste pourra agir seul, fort de ses propres moyens, que vous mettez en œuvre un dispositif d’organisation assez singulier consistant pour le procureur national antiterroriste à aller, dites-vous avec pudeur, non pas choisir, mais prendre – je ne saisis pas bien la nuance –…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … des magistrats au sein du parquet de Paris pour venir leur prêter main-forte. Le malheureux procureur de la République de Paris, qui aura certes donné un avis sur la liste qui aura été élaborée en début d’année, ne pourra alors rien faire d’autre que de déléguer ses magistrats à la lutte contre le terrorisme sans avoir la possibilité, comme il le fait actuellement, de déterminer lui-même quels sont ceux qui pourront contribuer au travail d’enquête contre le terrorisme sans dégarnir une mission tout aussi délicate qu’ils étaient précisément en train d’assumer.
La mutualisation des magistrats est possible, parce que ceux-ci sont sous l’autorité d’un même procureur et non pas de deux procureurs, et ce n’est pas un procureur extérieur au parquet de Paris qui décide lui-même de piocher dans le réservoir de ressources humaines du ministère public du parquet de Paris.
Il n’y a donc ni moyens supplémentaires au rendez-vous pour permettre à ce parquet national antiterroriste d’agir seul ni système prévu dans le texte, qui est non pas souple, comme vous l’avez dit, mais, au contraire, rigide en ce qu’il s’impose au procureur de Paris, pour répondre positivement à ces questions.
Il reste évidemment les instruments juridiques nouveaux que vous avez voulu réunir pour fortifier l’action du ministère public dans la lutte contre le terrorisme.
Madame la garde des sceaux, nous sommes d’accord avec l’ensemble de ces moyens. C’est la raison pour laquelle nos excellents rapporteurs ont déposé l’amendement n° 365, que M. Buffet a exposé précédemment.
Si l’on fait l’inventaire des arguments qui plaident en faveur de ce nouveau dispositif et de ceux qui, au contraire, plaident en sa défaveur, que reste-t-il ? Une mesure d’affichage, qui permet à bon compte et à peu de frais d’affirmer que la lutte antiterroriste – mais nous le savions déjà, heureusement ! – reste une priorité pour ce gouvernement, comme ce fut le cas pour les gouvernements précédents. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le président Bas, avec tout le respect que je vous dois, je ne suis absolument pas d’accord avec les éléments que vous venez d’énoncer.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est réciproque !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. D’abord, je ne vois pas ce qui vous permet d’affirmer que les moyens supplémentaires ne sont pas au rendez-vous pour permettre au procureur national antiterroriste d’agir seul. Je ne vois pas au nom de quoi vous pouvez dire cela !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est une loi de programmation !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Ne figurent pas dans la loi, monsieur le président de la commission – vous le savez, sauf à ce que ce soit une novation –, les effectifs affectés à chacun des parquets. Vous ne trouvez pas dans ce projet de loi de programmation les effectifs affectés au parquet d’Angers ni même à celui de Nice !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est ce que nous vous reprochons !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Il n’y a pas non plus d’étude d’impact !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Évidemment, madame la sénatrice, puisqu’il s’agit d’un amendement.
Je vous informe donc, à votre demande, monsieur le président de la commission, que le parquet national antiterroriste aura évidemment tout à fait les moyens d’agir seul.
Aujourd’hui, la section C1 du parquet de Paris travaille avec quatorze personnes. Demain, le parquet national antiterroriste aura une trentaine de magistrats qui lui seront affectés. Il aura donc parfaitement les moyens d’agir seul.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Au détriment de quels parquets ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Au détriment d’aucun autre parquet, puisque, comme vous le savez, nous créons chaque année de nouveaux postes de magistrats. Je l’ai précisé, chaque année, nous créons une centaine de postes de magistrats supplémentaires. Ce ne sera donc au détriment d’aucun parquet, ils seront dans la clé de répartition nationale.
Par ailleurs, vous craignez que l’efficacité de ce parquet national ne soit pas assurée. Eh bien, je prétends le contraire : le mécanisme que nous instituons est souple en ce qu’il donne au procureur général de Paris l’obligation de constituer une liste de magistrats du parquet de Paris dans laquelle le parquet national antiterroriste pourra trouver les ressources qui lui permettront de faire face à un événement occasionnel de grande ampleur – nous espérons évidemment que ne se produiront pas tous les matins des événements dramatiques de grande ampleur. En tant que de besoin, comme cela s’est passé en 2015 ou pour les événements de Nice, ces membres du parquet de Paris viendront apporter leur concours au parquet national antiterroriste. L’efficacité sera totale, comme elle a pu l’être, mais de manière plus informelle, lors des événements auxquels je viens de faire allusion ; elle sera là clairement établie. Il me semble donc que l’efficacité sera conjuguée à la souplesse.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Madame la garde des sceaux, plus on avance dans le débat, moins on comprend votre proposition de créer un parquet national antiterroriste. Pour ma part, je ne sais toujours pas, après vous avoir entendue et après avoir lu votre amendement, en quoi le fonctionnement actuel d’un parquet national avec le procureur de Paris n’est pas satisfaisant. Vous ne l’avez pas démontré.
M. Jacques Bigot. Vous pensez que le procureur de Paris a d’autres activités et qu’il ne peut pas tout faire, mais un procureur ne peut pas tout faire. Par définition, un procureur est à la tête d’un collectif dimensionné en fonction de ses missions, avec des personnes de grande compétence et de grande qualité, auxquelles il délègue les différentes organisations. Le procureur de Paris, qui est chargé du parquet national antiterroriste, a lui-même indiqué qu’il était inutile de créer cette fonction particulière.
Vous ajoutez même de la complexité avec cette histoire de réquisition, puisque le procureur général près la cour d’appel sera en quelque sorte l’arbitre entre le procureur de Paris et le procureur antiterroriste pour ce qui concerne les réquisitions de personnels de ce dernier en fonction de l’évolution de ses besoins et des difficultés auxquelles il est confronté.
Par ailleurs, je ne comprends pas non plus dans votre amendement l’organisation que vous proposez concernant les territoires.
Le parquet de Strasbourg, que je connais, serait bien évidemment concerné par ces problèmes – on sait quels réseaux peuvent exister. Mais je ne vois pas l’intérêt : le procureur de Strasbourg peut organiser son parquet. Il peut bien évidemment désigner en son sein ceux qui, en fonction des besoins, seront chargés de suivre particulièrement tel dossier et créer les relations avec le procureur national antiterroriste, comme cela s’est déjà produit.
Objectivement – je n’irai pas aussi loin que le président de la commission des lois en affirmant que vous faites là de l’affichage politique –, je suis convaincu que le Gouvernement, autant que les gouvernements précédents, ce dont personne ne peut douter, a la volonté de lutter contre le terrorisme et que les choses ne sont pas simples. Pour autant, il n’y a pas de raison que nous vous suivions dans l’organisation que vous proposez, car vous n’avez pas démontré en quoi l’organisation actuelle était insatisfaisante. En revanche, je sais gré au rapporteur, comme l’ont dit Marie-Pierre de la Gontrie et le président Bas, d’avoir intégré vos réflexions pour proposer une organisation quelque peu complémentaire du parquet national antiterroriste confié au procureur de Paris.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 42.
Sous-section 3
Dispositions relatives à la cassation
(Division et intitulé nouveaux)
Article 42 bis (nouveau)
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 567 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le ministère d’un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation est obligatoire pour le demandeur en cassation et les autres parties, sauf pour la déclaration de pourvoi prévue aux articles 576 et 577.
« Cet avocat est choisi par le demandeur en cassation ou par la partie ou, à sa demande, désigné par le président de l’ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation. La désignation intervient dans un délai maximal de huit jours lorsque le pourvoi porte sur les matières dans lesquelles la chambre criminelle est tenue de statuer dans un délai légal en application des articles 567-2, 574-1 et 574-2. » ;
2° À la première phrase du deuxième alinéa des articles 567-2, 574-1 et 574-2, les mots : « ou son avocat » sont supprimés ;
3° Les articles 584 et 585 sont abrogés ;
4° L’article 585-1 est ainsi rédigé :
« Art. 585-1. – Sauf dérogation accordée par le président de la chambre criminelle, et sous réserve des articles 567-2, 574-1 et 574-2, la déclaration de l’avocat qui se constitue au nom d’un demandeur en cassation doit parvenir au greffe de la Cour de cassation un mois au plus tard après la date du pourvoi. » ;
5° À la fin de la première phrase de l’article 586, les mots : « , une expédition de l’acte de pourvoi et, s’il y a lieu, le mémoire du demandeur » sont remplacés par les mots : « et une expédition de l’acte de pourvoi » ;
6° Au début de l’article 588, les mots : « Si un ou plusieurs avocats se sont constitués, » sont supprimés ;
7° L’article 590-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « et n’a pas déposé son mémoire dans le délai prévu à l’article 584 » sont supprimés ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « n’ayant pas constitué avocat » sont supprimés ;
8° L’article 858 est abrogé.
II. – Le second alinéa de l’article 58 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigé :
« Au-delà d’un délai de dix jours après la déclaration de pourvoi, la partie civile pourra transmettre son mémoire directement au greffe de la Cour de cassation sans le ministère d’un avocat à la Cour de cassation. Le mémoire devra être accompagné d’autant de copies qu’il y a de parties en cause. »
III. – L’article 49 de la loi n° 83-520 du 27 juin 1983 rendant applicable le code pénal, le code de procédure pénale et certaines dispositions législatives dans les territoires d’outre-mer est abrogé.
Mme la présidente. L’amendement n° 298 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin, Gabouty et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux, Vall et Dantec, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. L’extension de l’obligation de représentation par un avocat pose toujours la question de l’accès au juge. Or, si l’on parle de plus en plus du non-recours aux aides sociales, aucune étude n’existe sur le non-recours à la justice, c’est-à-dire sur le renoncement de personnes à aller devant les tribunaux par découragement financier.
Selon le barème actuel de l’aide juridictionnelle, en dessous de 1 000 euros par mois, les frais de justice sont intégralement pris en charge par l’État ; cela concerne 9 % des salariés. Au-dessus d’un salaire de 1 510 euros nets par mois, ce qui correspond à 70 % des salariés, aucune aide publique n’est prévue.
Messieurs les rapporteurs, vous avez souligné que, « en 2014, 56 % des mémoires personnels ont abouti à une décision de non-admission, contre seulement 9 % des pourvois soutenus par un avocat aux conseils. » Cela veut également dire que 44 % des mémoires personnels aboutissent à une décision d’admission.
Nous craignons donc que le nouvel article introduit par la commission ne fragilise l’accès au droit des personnes ne bénéficiant pas ou peu de l’aide juridictionnelle et n’ayant pas les moyens de s’offrir les services d’un avocat aux conseils. Cela est particulièrement préoccupant s’agissant de l’accès à la chambre criminelle de la Cour de cassation, puisque c’est la liberté de la personne qui est en jeu.
En parallèle, cette modification pourrait également aggraver la charge de l’aide juridictionnelle pour le contribuable, contraignant les justiciables pouvant bénéficier de l’aide juridictionnelle à avoir systématiquement recours à un avocat aux conseils, alors qu’ils peuvent présenter aujourd’hui des mémoires personnels. Il aurait donc été éclairant de connaître la part de bénéficiaires de l’aide juridictionnelle présentant des mémoires devant la chambre criminelle et, parmi eux, la part de ceux qui choisissent de recourir à un avocat aux conseils.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission est défavorable à la suppression de l’article qu’elle a introduit.
Régulièrement, le Sénat a voté en faveur de la représentation obligatoire du justiciable par un avocat devant le Conseil d’État ou la chambre criminelle de la Cour de cassation. Pour quelle raison ? En matière sociale ou civile, cette représentation étant obligatoire, le problème ne se pose pas. En matière pénale – je réponds à l’argument de faciliter l’accès au juge que vous avancez, mon cher collègue –, le juge de cassation étant celui qui dit le droit in fine, il faut savoir que la technique juridique est de plus en plus complexe. Ainsi, 56 % des pourvois qui ont été présentés par des personnes physiques devant la chambre criminelle de la Cour de cassation ont été rejetés, contre 6 % seulement dès lors qu’ils étaient présentés par un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Cela démontre une efficacité sans doute plus grande.
La commission des lois estime qu’il ne faut pas laisser croire à nos concitoyens que ce serait mieux pour eux de pouvoir accéder plus facilement à la chambre criminelle de la Cour de cassation. Ce serait même moins bien. C’est la raison pour laquelle elle souhaite que, en matière criminelle, le justiciable puisse être représenté par un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Prévoir une représentation obligatoire systématique, comme le souhaite la commission des lois, crée, me semble-t-il, un risque d’entrave excessive à l’accès au juge pour des personnes ne bénéficiant pas de l’aide juridictionnelle, qui devraient payer elles-mêmes, en plus de l’avocat qui les a assistées devant les juridictions du fond, un avocat au Conseil d’État et la Cour de cassation pour les accompagner en vue de former un pourvoi en cassation. Il paraît préférable de n’exiger la représentation obligatoire que dans certains cas, par exemple en matière contraventionnelle.
Aussi, la rédaction de l’article adopté par la commission est trop large. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis favorable sur l’amendement proposé par M. le sénateur Arnell.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Une fois n’est pas coutume, je partage l’avis de Mme la garde des sceaux.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Si l’on était un peu ironique, on dirait que le lobby des avocats aux conseils est décidément toujours vivace…
J’entends l’argument de la spécialisation, mais il n’est pas interdit de penser qu’il existe des avocats qui ne sont pas des avocats aux conseils et qui sont néanmoins compétents.
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. J’en ai rencontré !
En fait, il est plus curieux d’imposer l’avocat aux conseils devant les autres formations de la Cour de cassation. Mais ce n’est pas une raison pour étendre cette obligation à la chambre criminelle.
Pour ma part – je ne sais pas ce que feront mes collègues du groupe socialiste –, je voterai cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 42 bis.
(L’article 42 bis est adopté.)
TITRE V
RENFORCER L’EFFICACITÉ ET LE SENS DE LA PEINE
Chapitre Ier
Dispositions relatives aux peines encourues et au prononcé de la peine
Article 43
I. – L’article 131-3 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 131-3. – Les peines correctionnelles encourues par les personnes physiques sont :
« 1° L’emprisonnement ;
« 2° La probation ;
« 3° Le travail d’intérêt général ;
« 4° L’amende ;
« 5° Le jour-amende ;
« 6° Le stage prévu à l’article 131-5-1 ;
« 7° Les peines privatives ou restrictives de droits prévues à l’article 131-6 ;
« 8° Le suivi socio-judiciaire prévu à l’article 131-36-1.
« Ces peines ne sont pas exclusives des peines complémentaires prévues à l’article 131-10. »
II. – (Supprimé)
III. – L’article 131-5-1 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 131-5-1. – Lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement, la juridiction peut, à la place ou en même temps que l’emprisonnement, prescrire que le condamné devra accomplir, pendant une durée ne pouvant excéder un mois, un stage dont elle précise la nature, les modalités et le contenu eu égard à la nature du délit et aux circonstances dans lesquelles il a été commis.
« Sauf décision contraire de la juridiction, le stage, dont le coût ne peut excéder celui des amendes contraventionnelles de la 3e classe, est effectué aux frais du condamné.
« Le stage est exécuté dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle la condamnation est définitive, sauf impossibilité résultant du comportement ou de la situation du condamné.
« Les stages que peut prononcer la juridiction sont :
« 1° Le stage de citoyenneté, tendant à l’apprentissage des valeurs de la République et des devoirs du citoyen ;
« 2° Le stage de sensibilisation à la sécurité routière ;
« 3° Le stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants ;
« 4° Le stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes ;
« 5° Le stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels ;
« 6° Le stage de responsabilité parentale ;
« 7° Le stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes. »
III bis (nouveau). – Le début de l’article 131-6 du code pénal est ainsi rédigé : « En matière correctionnelle, la juridiction peut prononcer, à la place ou en même temps que l’emprisonnement ou que l’amende, une ou plusieurs (le reste sans changement). »
III ter (nouveau). – L’article 131-7 du code pénal est abrogé.
IV. – L’article 131-8 du code pénal est ainsi modifié :
1° (nouveau) Au premier alinéa, la première occurrence du mot : « de » est remplacée par les mots : « ou en même temps que » ;
b) Les deuxième et troisième alinéas sont ainsi rédigés :
« Lorsque le prévenu est présent à l’audience, la peine de travail d’intérêt général ne peut être prononcée si celui-ci la refuse. Le président du tribunal, avant le prononcé du jugement, informe le prévenu de son droit de refuser l’accomplissement d’un travail d’intérêt général et reçoit sa réponse.
« Lorsque le prévenu n’est pas présent à l’audience mais y est représenté par son avocat, cette peine peut être prononcée s’il a fait connaître par écrit son accord. »
V. – Le premier alinéa de l’article 131-9 du code pénal est supprimé.
VI. – L’article 131-16 du code pénal est ainsi modifié :
1° Le 7° est ainsi rédigé :
« 7° La peine de stage prévue à l’article 131-5-1 ; »
2° Les 8°, 9°, 9° bis et 9° ter sont abrogés ;
3° (Supprimé)
VII. – L’article 131-36 du code pénal est ainsi modifié :
1° Au 3°, après les mots : « Sont habilitées », sont insérés les mots : « les personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public et » ;
2° À la fin du 4°, la référence : « 131-35-1 » est remplacée par la référence : « 131-5-1 ».
VIII. – (Supprimé)
IX. – Sont abrogés :
1° Les articles 131-35-1 et 131-35-2, les 4° bis et 8° de l’article 221-8, les 9°, 9° bis et 15° du I de l’article 222-44, les 4° et 5° de l’article 222-45, les 4° bis, 4° ter et 6° de l’article 223-18, le 4° de l’article 224-9, le 6° de l’article 225-19, les 7° et 8° du I de l’article 225-20, l’article 227-32, le 6° du I de l’article 311-14, les 6° et 7° du I de l’article 312-13, le 10° de l’article 321-9, les 5° et 6° de l’article 322-15 du code pénal ;
2° Le 3° de l’article 24, le 2° de l’article 32 et l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
X. – À titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de la publication du décret prévu au deuxième alinéa du présent X, le travail d’intérêt général prévu à l’article 131-8 du code pénal peut également être effectué au profit d’une personne morale de droit privé remplissant les conditions définies à l’article 1er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire et poursuivant un but d’utilité sociale au sens de l’article 2 de la même loi.
Les conditions spécifiques d’habilitation de ces personnes morales de droit privé et d’inscription des travaux qu’elles proposent sur la liste des travaux d’intérêt général, ainsi que les obligations particulières mises à leur charge dans la mise en œuvre de ces travaux sont précisées par décret en Conseil d’État.
Les départements dans lesquels cette mesure peut être prononcée pendant la durée de l’expérimentation, dont le nombre ne peut excéder vingt, sont déterminés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice.
Six mois au moins avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 186 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 258 est présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, de Belenet, Yung et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
A. – Alinéas 1 à 12
Remplacer ces alinéas par dix-sept alinéas ainsi rédigés :
I. – L’article 131-3 du code pénal est ainsi modifié :
1° Le 1° est complété par les mots : « cet emprisonnement peut faire l’objet d’un sursis, d’un sursis probatoire ou d’un aménagement conformément aux dispositions du chapitre II du présent titre » ;
2° Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° La détention à domicile sous surveillance électronique » ;
3° Le 6° devient le 3° ;
4° Les 3° et 4° deviennent les 4° et 5° ;
5° Le 6° est ainsi rédigé :
« 6° Les peines de stages ; »
6° Le 9° devient le 8° ;
7° L’article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces peines ne sont pas exclusives des peines complémentaires prévues à l’article 131-10. »
II. – L’article 131-4-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 131-4-1. – Lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement, la juridiction peut, à la place de l’emprisonnement, prononcer la peine de détention à domicile sous surveillance électronique pendant une durée comprise entre quinze jours et un an, sans pouvoir excéder la durée de l’emprisonnement encouru.
« Cette peine emporte pour le condamné l’obligation de demeurer dans son domicile ou tout autre lieu désigné par la juridiction ou le juge de l’application des peines et au port d’un dispositif intégrant un émetteur permettant de vérifier le respect de cette obligation.
« Le condamné n’est autorisé à s’absenter de son domicile pendant des périodes déterminées par la juridiction ou le juge de l’application des peines que pour le temps strictement nécessaire à l’exercice d’une activité professionnelle, au suivi d’un enseignement, d’un stage, d’une formation ou d’un traitement médical, à la recherche d’un emploi, ou à la participation à la vie de famille ou à tout projet d’insertion ou de réinsertion.
« La juridiction peut décider que le condamné bénéficiera de mesures d’aide ayant pour objet de seconder ses efforts en vue de son reclassement social.
« En cas de non-respect par le condamné de ses obligations, le juge de l’application des peines peut, selon des modalités précisées par le code de procédure pénale, soit limiter ses autorisations d’absence, soit ordonner l’emprisonnement de la personne pour la durée de la peine restant à exécuter. »
B. – Alinéas 25 à 32
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
IV. – Les deuxième et troisième alinéas de l’article 131-8 du même code sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le prévenu est présent à l’audience, la peine de travail d’intérêt général ne peut être prononcée si celui-ci la refuse. Le président du tribunal, avant le prononcé du jugement, informe le prévenu de son droit de refuser l’accomplissement d’un travail d’intérêt général et reçoit sa réponse.
« Lorsque le prévenu n’est pas présent à l’audience mais y est représenté par son avocat, cette peine peut être prononcée s’il a fait connaître par écrit son accord.
« Lorsque le prévenu n’est pas présent à l’audience et n’a pas fait connaître son accord, cette peine ne peut être prononcée que si le tribunal fait application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 131-9. Dans ce cas, avant la mise à exécution de la peine de travail d’intérêt général, le juge de l’application des peines informe le condamné de son droit de refuser l’accomplissement d’un travail et reçoit sa réponse. En cas de refus, tout ou partie de l’emprisonnement ou de l’amende fixée par la juridiction peut être mis à exécution, dans les conditions prévues par l’article 706-6 du code de procédure pénale, sous réserve, s’il y a lieu, des possibilités d’aménagement ou de conversion. »
V. – Au premier alinéa de l’article 131-9 du même code, les mots : « la peine de contrainte pénale ou » sont supprimés.
C. – Alinéa 37
Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :
3° Les 10°, 11° et 12° deviennent les 8°, 9° et 10°.
D. – Alinéa 41
Rétablir le VIII dans la rédaction suivante :
VIII. – Après l’article 20-2 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, il est inséré un article 20-2-1 ainsi rédigé :
« Art. 20-2-1. – La peine de détention à domicile sous surveillance électronique prévue par l’article 131-4-1 du code pénal est applicable aux mineurs de plus de treize ans.
« Sous réserve de l’application du deuxième alinéa de l’article 20-2, le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs ne peuvent prononcer à leur encontre une peine de détention à domicile sous surveillance électronique supérieure à la moitié de la peine encourue.
« Cette peine ne peut être prononcée sans l’accord des titulaires de l’autorité parentale, sauf carence de ces derniers ou impossibilité de donner leur consentement.
« Cette peine doit être assortie d’une mesure éducative confiée à la protection judiciaire de la jeunesse.
« Les articles 132-25 et 132-26 du code pénal et 723-7 à 723-13 du code de procédure pénale relatives à la détention à domicile sous surveillance électronique sont applicables aux mineurs. »
La parole est à Mme la garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 186.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Nous abordons là un nouveau chapitre du projet de loi, consacré aux peines.
Cet amendement s’attache, au fond, à dire quelle est la nouvelle politique des peines du Gouvernement. Il s’agit de faire en sorte que les peines soient mieux adaptées à la réalité de la situation des personnes qui seront condamnées, que les tribunaux prennent toutes leurs responsabilités dans le prononcé des peines et, enfin, que les peines, une fois prononcées, soient mieux exécutées. Ce sont, me semble-t-il, ces trois éléments qui fondent la nouvelle politique des peines que je vous présente.
La nouvelle échelle des peines proposée donne une lecture plus aisée de différents seuils.
Jusqu’à un mois, je vous propose de proscrire les peines d’emprisonnement. Entre un et six mois, le principe général est l’exécution de la peine en dehors de l’établissement pénitentiaire, ce qui n’exclura pas en tant que de besoin un recours à l’emprisonnement. Entre six mois et un an, il reviendra au tribunal lui-même de se prononcer sur les conditions d’aménagement ou de non-aménagement de la peine, sur la base d’un choix éclairé au travers d’un renforcement des enquêtes de personnalité. Le tribunal décidera soit d’aménager la peine ab initio, soit de demander au JAP, le juge de l’application des peines, de le faire, soit de rendre immédiatement effective une peine de prison, soit d’exécuter la peine de prison en délivrant un mandat de dépôt différé. Le tribunal retrouvera donc son rôle plein et entier dans l’individualisation de la peine ; il sera davantage responsabilisé et ses décisions seront mieux respectées. Au-dessus d’un an, il n’y aura plus d’aménagement systématique ab initio des peines d’emprisonnement.
Cette politique volontaire, qui vise à mieux lutter contre la récidive, grâce, je vous le disais précédemment, à une meilleure adaptation de la peine à la nature de l’infraction, à sa gravité, à son auteur et à sa situation, requiert la création de peines autonomes, qui ne seront plus référencées par rapport à l’emprisonnement et qui permettront de mieux lutter contre la récidive. C’est pourquoi je vous propose de rétablir les dispositions de l’article 43 telles qu’elles apparaissaient dans le projet de loi, en prenant quatre mesures.
Tout d’abord, nous maintenons la création de la peine autonome de détention à domicile sous surveillance électronique, ou DDSE, qui est en effet de nature à diminuer le prononcé des peines d’emprisonnement.
Ensuite, je vous propose de ne pas supprimer la peine de sanction-réparation, car cette peine constitue dans de nombreux cas une réponse pénale appropriée, qui garantit les droits des victimes.
Je vous propose également de ne pas supprimer l’institution ancienne et reconnue du sursis avec mise à l’épreuve au profit d’une peine autonome de probation, telle qu’elle a été adoptée par la commission des lois, car celle-ci ne constituerait en réalité que la reprise sous un nom différent de la peine de contrainte pénale dont l’expérience montre qu’elle n’a pas été acceptée par les tribunaux. Je vous propose en réalité d’assurer la mise en œuvre de mesures de probation individualisées et renforcées en améliorant le sursis avec mise à l’épreuve, qui sera dénommé « sursis probatoire », et qui comprendra l’ensemble des outils contenus dans la contrainte pénale.
Enfin, je crois inutile de transformer le suivi socio-judiciaire en peine principale applicable à tous les délits et crimes, disposition qui revient sur la spécificité de cette mesure orientée vers les auteurs d’infractions à caractère sexuel. Cela aurait pour conséquence d’ajouter cette peine à la peine privative de liberté et donc d’aggraver de façon inutile la répression.
Dès lors, l’amendement que je vous présente tend à supprimer l’article 131-3 du code pénal, qui fixe l’échelle des peines en matière correctionnelle. Nous supprimons dans cet article les références à la peine de probation et au suivi socio-judiciaire, tout en y rétablissant la notion de sursis probatoire, ainsi que les dispositions sur la peine de détention à domicile. Nous y maintenons également les dispositions sur la peine de sanction-réparation.
Cet amendement vise également à rétablir les dispositions qui permettent de prononcer un travail d’intérêt général en l’absence du condamné, dont le consentement à l’exécution des travaux sera ensuite recueilli par le juge de l’application des peines qui pourra, notamment en cas de refus, convertir l’emprisonnement sanctionnant le refus d’exécution en peine de jours-amende.
L’amendement reprend cependant les coordinations qui ont été introduites par la commission des lois et que l’on avait omis d’insérer dans le projet de loi. Il prévoit également, comme l’avait fait la commission, que le tribunal ne pourra prononcer qu’un et non plusieurs stages à titre de peine principale ou complémentaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Théophile, pour présenter l’amendement n° 258.
M. Dominique Théophile. Notre amendement vise à rétablir l’échelle des peines instituée par la version initiale du présent article.
Le fait d’inclure le placement sous surveillance électronique au sein de l’échelle des peines principales correctionnelles immédiatement après l’emprisonnement constitue une mesure de bon sens à tout point de vue. Celui-ci n’apparaît pas seulement comme une modalité d’exécution de l’emprisonnement ou de la réclusion criminelle. Il s’agit factuellement d’une mesure privative de liberté autonome distincte de l’une et de l’autre dans la mesure où, précisément, ce placement sous surveillance électronique exclut tout enfermement dans un établissement pénitentiaire, sans pouvoir être considéré pour autant comme un retour à un état de liberté partielle.
Quant à l’introduction de la peine autonome de probation dans l’échelle des peines décidée par notre commission, la logique sous-jacente de l’autonomisation de cette peine est incompréhensible. Ne soyons pas dupes ! Elle ne fait que « remastériser » la peine de contrainte pénale, dont on sait rétrospectivement qu’elle n’avait pas obtenu les faveurs des juridictions répressives. Ce tour de passe-passe ne résorbera en rien le déficit de crédibilité de la contrainte pénale. Le sursis probatoire renforcé qui en est partiellement la résultante apparaît plus solide pour favoriser la réinsertion et prévenir la récidive.
Enfin, nous nous opposons à la suppression de la peine de sanction-réparation, qui, en dépit de sa nature hybride, alternative ou complémentaire, revêt une fonction réparatrice d’une importance fondamentale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques. En effet, ceux-ci visent à revenir au texte initial de l’article 43, qui a été modifié par la commission des lois. Ainsi, ils tendent à rétablir la création d’une peine autonome de détention à domicile sous surveillance électronique, que nous avions supprimée, à supprimer la création d’une peine autonome de probation, que nous avions créée, à supprimer la place donnée au suivi socio-judiciaire, que nous avons renforcé, et à rétablir la possibilité de prononcer un travail d’intérêt général en l’absence du condamné, ce que nous avions évité.
Cela étant, je voudrais revenir sur un point particulier, le plus saillant en la matière, me semble-t-il, à savoir l’opposition à la peine de détention à domicile sous surveillance électronique, dont le nouvel acronyme est « DDSE ».
La simple transformation du PSE, le dispositif actuel de placement sous surveillance électronique que nous connaissons bien, en peine autonome n’est en fait qu’une disposition cosmétique, qui fait l’économie d’une véritable réflexion sur les facteurs d’explication de ce faible taux d’aménagement et sur les raisons expliquant l’augmentation du prononcé des peines d’emprisonnement.
Contrairement à une modalité d’application des peines, la DDSE serait difficilement aménageable par le juge de l’application des peines, alors que ce n’est pas le cas du PSE, qui est beaucoup plus souple. Par exemple, en cas de perte de logement, le juge de l’application des peines n’aura le choix qu’entre l’emprisonnement ou la fin anticipée de la peine. Il ne sera pas possible de faire exécuter cette peine sous la forme d’un placement en centre de semi-liberté ou d’un placement extérieur dans une structure associative. Il est fort probable qu’aucune sanction ne sera effectivement prononcée en cas de manquement avéré du condamné à ses obligations de résidence à domicile. Cela renforcerait le sentiment d’impunité des condamnés et ne permettrait sans doute pas de restaurer le sens de la peine que nous souhaitons insuffler à travers ce texte.
Le choix de créer une peine autonome de surveillance électronique apparaît d’autant moins justifié que le placement sous surveillance électronique est régulièrement critiqué pour son faible encadrement social et ses modalités d’exécution, qui ne permettent pas véritablement de prévenir la récidive – le seul véritable contrôle est exercé sur le respect formel ou non des horaires d’assignation –, pour son absence de contenu aidant à la réinsertion. D’autres magistrats ont d’ailleurs plutôt suggéré d’ériger le placement en semi-liberté ou le placement à l’extérieur en peine autonome.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. D’abord, je tiens à dire que j’ai des convictions sur ce sujet. Ce sont celles que j’exposerai.
J’entends et respecte vraiment les propositions qui me seront faites. Pour avoir un peu débattu avec M. le rapporteur Buffet, je crois que, d’une certaine manière, nous ne sommes pas très éloignés dans la philosophie des peines que nous souhaitons promouvoir (M. François-Noël Buffet, corapporteur, opine.).
J’ajoute que c’est évidemment ce que nous ont dit les magistrats qui fonde les propositions que nous faisons, même si je respecte beaucoup ce que vous me dites.
Je voudrais également préciser ici que nous créons la DDSE, la détention domiciliaire sous surveillance électronique, comme peine autonome, mais que nous gardons bien sûr trois solutions en tant qu’aménagement pour les courtes peines d’emprisonnement : le placement extérieur, le placement sous surveillance électronique, ainsi que la semi-liberté.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Théophile, pour explication de vote.
M. Dominique Théophile. À ce jour, le recours aux aménagements de peine ab initio demeure encore limité. Ériger le placement sous surveillance électronique en peine, en en faisant non plus une simple modalité d’exécution de la peine d’emprisonnement, mais bien une peine principale pouvant être prononcée en application des dispositions relatives aux peines de substitution figurant dans le code pénal en remplacement de l’emprisonnement encouru, pourrait de toute évidence inciter les magistrats à y recourir davantage dès le stade du prononcé de la peine. Surtout, la transformation du PSE en peine contribue à en faire une alternative sérieuse à l’emprisonnement ferme pour le juge. Il s’agit assurément d’un instrument de lutte contre la surpopulation carcérale endémique.
Je note par ailleurs que ce dispositif n’entre pas frontalement en contradiction avec la formule retenue par la commission des lois. En effet, ce changement statutaire du PSE ne remet pas en cause la possibilité actuelle de le prononcer en remplacement d’une peine privative de liberté au cours de l’exécution de celle-ci.
Enfin, j’ajoute que nombre des obligations et interdictions assortissant la libération conditionnelle constituent également des peines pouvant être prononcées comme telles par la juridiction de jugement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Madame la garde des sceaux, je pense que vous avez raison : nous ne sommes pas, ni les uns ni les autres, si éloignés que cela sur le sujet. J’ai pu le mesurer au cours du travail que nous avons conduit ensemble, François-Noël Buffet et moi-même, à la demande de la commission, sur la nature, l’exécution et l’efficacité de la peine.
Face à la surpopulation carcérale et à l’importance de la récidive, nous sommes convaincus que la sanction est nécessaire et qu’elle doit exister en tant que telle, mais qu’il faut aussi, à côté de la sanction, se préoccuper de la réinsertion. Nous n’aurons pas un texte parfait, mais l’intérêt de l’article 43 tel qu’il a été modifié par les rapporteurs est d’abord d’affirmer clairement quelles sont les peines.
La détention à domicile est une peine d’emprisonnement, même si elle est exécutée au domicile et sous bracelet électronique. C’est la raison pour laquelle il faut dire qu’il s’agit bien d’une modalité d’exécution.
La probation telle qu’elle est proposée n’est pas un sursis à l’exécution d’une peine d’emprisonnement. C’est une peine en tant que telle, qui impose des obligations. Cette peine peut compléter une peine d’emprisonnement effective, mais peut aussi se substituer à la peine d’emprisonnement qu’encourt le délinquant, parce que, derrière les obligations qui lui sont imposées dans la probation – on y reviendra plus loin lors de l’examen des articles sur ce thème –, il y a une mise en œuvre. Lorsqu’on regarde ce qui se passe dans d’autres pays européens, on voit des choses de cette nature.
Quand vous dites que la contrainte pénale n’a pas été appliquée, je pense plutôt que celle-ci n’a pas été comprise par les magistrats. Les moyens n’ont pas été donnés, et les magistrats ont confondu cette contrainte pénale avec le sursis avec mise à l’épreuve. D’ailleurs, vous avez vous-même dit au début de votre travail que vous vouliez faire une synthèse entre le sursis avec mise à l’épreuve et la contrainte pénale.
Je crois que l’on y arrive, mais, pour moi, l’article 43 pose avant tout le principe des peines. Ce n’est qu’ensuite qu’il convient de s’intéresser aux modalités d’exécution de ces peines, y compris pour le suivi socio-judiciaire, parce que ce dispositif peut être une peine imposée en tant que telle. Doit-on envoyer en prison une personne qui consulte des sites pédopornographiques ? Non ! Faut-il lui imposer une peine de probation ? Je n’en sais rien. En revanche, lui imposer un suivi socio-judiciaire peut être utile.
C’est ce qu’il faut bien voir : il y a d’un côté les peines et, de l’autre, les modalités de leur exécution en sachant que, pour nous, ces modalités devraient être examinées par les magistrats au moment du prononcé. Ce n’est que si les magistrats ne sont pas en mesure de le faire qu’il faut effectivement prévoir la faculté de déléguer ce rôle, comme c’est déjà le cas, au juge de l’application des peines.
Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue !
M. Jacques Bigot. C’est cet équilibre que nous avons recherché et les rapporteurs – je leur en sais gré – ont repris le travail commun que nous avons mené, et qui était plutôt apprécié par la commission, me semble-t-il.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 186 et 258.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 351, présenté par MM. Buffet et Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéas 17 à 24
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le corapporteur.
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Cet amendement vise à prolonger la logique des amendements adoptés en commission concernant les dispositions de l’article 43 et la simplification des dispositions relatives au prononcé des peines.
Il convient d’aller au bout de la réforme en supprimant l’inscription dans la loi des différentes catégories de stage, afin de permettre aux juridictions de définir le contenu de ces stages en les adaptant au profil des délinquants de leur territoire, l’idée étant de mettre de la souplesse dans le dispositif et de laisser le tribunal correctionnel ou le magistrat adapter le stage auquel il soumettra le prévenu qu’il aura en face de lui.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le rapporteur, faute de quoi je serai contrainte d’émettre un avis défavorable.
Vous voulez supprimer dans la loi la référence aux différents types de stages que les juridictions pourront prononcer. Si j’ai bien compris votre amendement, il appartiendrait aux juridictions de décider elles-mêmes du contenu du stage qu’elles prononcent.
Il me semble que cet amendement pourrait soulever des difficultés constitutionnelles au regard du principe de légalité des délits et des peines. Il ne me semble pas vraiment possible de déléguer ainsi aux juges le pouvoir de définir le contenu de la peine qu’ils prononcent. Or, si je comprends bien, vous souhaitez que ce soit la juridiction qui définisse le contenu même du stage.
Il me semble que c’est plutôt au législateur de définir précisément les peines qui doivent être prononcées. C’est pourquoi mon projet de loi, tout en simplifiant le régime de la peine de stage, définit la nature du stage qui peut être prononcé. Cela n’empêche évidemment en rien que le contenu du stage soit précisé par voie réglementaire – cela est tout à fait logique – et que son organisation se conçoive dans le cadre de partenariats qui pourraient être noués entre les parquets et les acteurs de terrain qui les mettent en œuvre. C’est d’ailleurs ce qui est pratiqué aujourd’hui, et cela fonctionne bien.
Mme la présidente. La parole est à M. le corapporteur.
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La question soulevée par Mme la garde des sceaux est celle de la constitutionnalité de l’amendement que nous proposons. Effectivement, en matière pénale, il est important que la notion de stage soit bien consacrée comme étant une peine et apparaisse en tant que telle dans la loi, ce qui, me semble-t-il, est le cas.
En revanche, c’est le contenu du stage qui n’est peut-être pas suffisamment défini ou qui mériterait d’être défini. Aujourd’hui, celui-ci est défini à la fois dans son principe, dans son quantum et dans sa durée. De ce point de vue, les choses me paraissent donc assez claires. Reste, il est vrai, qu’il peut exister plusieurs formes de stage.
Je serais tenté de vous dire : adoptons l’amendement pour approfondir la réflexion – même s’il n’est évidemment pas question pour le Sénat de voter une mesure anticonstitutionnelle – et voyons comment elle évolue.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il y a bel et bien un sujet, je le comprends parfaitement, mais, en l’état, je préfère émettre un avis défavorable sur l’amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 352, présenté par MM. Buffet et Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 43
I. – Remplacer les mots :
4° de l’article 224-9
par les mots :
4° du I de l’article 224-9
II. – Après la référence :
225-20,
insérer les mots :
le 7° de l’article 227-29,
III. – Remplacer les mots :
6° de l’article 322-15
par les mots :
6° du I de l’article 322-15
La parole est à M. le corapporteur.
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 353, présenté par MM. Buffet et Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 44
Insérer un alinéa et quatre paragraphes ainsi rédigés :
… Le deuxième alinéa de l’article L. 3421-1 du code de la santé publique.
… – Au troisième alinéa de l’article L. 3353-3 du code de la santé publique, les mots : « , et celle de l’obligation d’accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l’article 131-35-1 du code pénal » sont supprimés.
… – À la première phrase de l’article 20-4-1 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, les mots : « de citoyenneté » sont supprimés.
… – Au second alinéa de l’article 3 de la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, les mots : « de citoyenneté mentionné au 8° » sont remplacés par les mots : « mentionné au 7° ».
… – À la première phrase du premier alinéa de l’article 709-1-1 et au premier alinéa de l’article 709-1-3 du code de procédure pénale, les mots : « deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « premier alinéa ».
La parole est à M. le corapporteur.
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Il s’agit de nouveau d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 305 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux, Vall et Dantec, est ainsi libellé :
Alinéas 45 à 48
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Au moment de son instauration par la loi du 10 juin 1983, la nouvelle peine de travail d’intérêt général, ou TIG, cherchait à atteindre deux objectifs. Comme le soulignait dans son rapport le sénateur Marcel Rudloff, il s’agissait de permettre au délinquant d’accomplir sa peine en rendant service à la communauté et de préparer sa réinsertion.
Dès sa création, cette peine se distingue donc dans sa logique de la peine de travaux forcés, abolie en France par l’ordonnance du 4 juin 1960, qui visait une unique finalité rétributive, l’individu condamné devant réparer le tort causé à la société par son travail.
En outre, la dimension de mise au service de l’intérêt général est une autre différence importante qui n’était pas évidente au temps des travaux forcés.
Nous considérons que l’esprit initial des TIG, qui repose sur ces deux logiques, doit être préservé. Or la proposition d’étendre la possibilité d’effectuer ces travaux au sein d’entreprises de l’économie sociale et solidaire nous paraît s’en éloigner.
Sur le plan de la mise au service de l’intérêt général, la référence à l’économie sociale et solidaire est déjà plus proche de l’idée que l’on se fait de l’intérêt général, mais un doute subsiste et pourrait également subsister dans la tête du condamné.
Enfin, sur le plan de la réinsertion, le dispositif actuel ne prévoit, semble-t-il, aucune mesure de sensibilisation ou de formation dans les entreprises chargées d’accueillir ces TIG, alors qu’il ne s’agit pas de recrutements anodins.
Comment s’assurer de l’efficacité du dispositif dans ces conditions ? Nous considérons que les efforts devraient avant tout se concentrer sur l’amélioration de la mise en œuvre de ces TIG et des sanctions en cas de manquement au sein des services publics et associatifs, ainsi que sur l’articulation entre ces TIG.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission est défavorable à cet amendement de suppression de l’intéressante expérimentation prévue à l’article 43, qui permettrait la réalisation de travaux d’intérêt général auprès de personnes morales de droit privé relevant du secteur de l’économie sociale et solidaire, et de ce secteur uniquement.
Ce dispositif est tout de même assez intéressant. On a déjà beaucoup de mal, en matière de travaux d’intérêt général, à trouver des solutions avec les collectivités territoriales ou les administrations publiques. C’est pourquoi, si je ne me trompe, le Gouvernement essaie, à travers cet article, d’élargir le prisme et de trouver le plus de solutions possible.
Il s’agit d’une expérimentation d’une durée de trois ans, qui méritera bien sûr d’être évaluée le moment venu. En outre, le nombre de places offertes en matière de travail d’intérêt général est aujourd’hui très insuffisant. Toutes les personnes que nous avons consultées dans le cadre de nos auditions sur ce sujet particulier ont attiré notre attention sur la grande difficulté qu’elles ont à trouver des solutions. Or l’un des enjeux du présent texte est naturellement de mettre à la disposition du juge un panel de peines qui soit suffisamment large pour qu’il puisse les adapter aux personnes qu’il a devant lui. Or le travail d’intérêt général a vraiment du sens pour un grand nombre de personnes qui comparaissent devant un juge.
Voilà pourquoi la commission, au regard du texte, a jugé nécessaire de ne pas fermer toutes les portes. Dès lors, mon, cher collègue, puisque je préférerais, en cette fin de séance, ne pas vous infliger un avis défavorable de la commission, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. M. le rapporteur a remarquablement compris ce que nous voulions faire.
M. François-Noël Buffet, corapporteur. C’est rare !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. En tout cas, cela mérite d’être souligné, je ne dirai pas autre chose. (Sourires.)
Au-delà des explications qu’il vient de vous donner, je souhaiterais ajouter que nous souhaitons mettre en place une agence du travail d’intérêt général pour impulser une vraie politique dans ce domaine. Nous devrions pouvoir publier un texte à cette fin dans les semaines qui viennent.
Cette agence aura un outil : une plateforme sur laquelle, dans un premier temps, nous pourrons habiliter les structures qui pourront proposer du travail d’intérêt général. Y figureront également les postes précisément retenus qui seront proposés comme travail d’intérêt général. Bien sûr, dans l’ensemble du dispositif, nous prévoyons la formation de tuteurs pour accompagner les personnes qui effectueront cette peine.
Pour l’ensemble de ces raisons, je vous demande moi aussi, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Mon cher collègue, je voudrais joindre ma voix à celles de Mme la garde des sceaux et de notre collègue corapporteur François-Noël Buffet pour vous rappeler, à l’appui de cette demande de retrait, que le développement des travaux d’intérêt général marque le pas depuis plusieurs années. Or nous ne cessons, sur toutes les travées de notre assemblée – ce n’est pas un sujet qui nous divise –, de nous inquiéter du fait que la préférence pour des condamnations à des peines d’enfermement reste prégnante dans notre pays.
Nous recherchons aujourd’hui les moyens de développer les alternatives à l’incarcération, qui présentent de grands avantages, à la fois pour éviter d’exposer de jeunes délinquants à l’école de la récidive qu’est parfois la prison, mais aussi pour les amener à gagner en maturité dans un environnement favorable qui peut préparer une insertion durable. Je crois dès lors qu’il est utile de rechercher les moyens d’élargir les possibilités de recourir au travail d’intérêt général. Ce n’est pas en prison que les détenus vont pouvoir faire l’apprentissage d’un métier ou rendre service à la collectivité.
Malheureusement, madame la garde des sceaux, malgré tous les efforts que vous faites et qui viennent compléter ceux de vos prédécesseurs, nous ne sommes pas, comme en Allemagne, dans une situation où nous pourrions proclamer que les efforts de préparation des détenus à la réinsertion professionnelle ont réellement donné tous les résultats qu’on était en droit d’espérer. Par conséquent, le travail d’intérêt général – oui, il faut le dire – reste une formule utile. Je crois qu’en interdisant au secteur de l’économie sociale et solidaire d’accueillir des condamnés à des peines de travail d’intérêt général, on se priverait d’une possibilité.
L’économie sociale et solidaire, c’est tout de même autre chose que les travaux forcés dans l’industrie capitaliste ! Pardon d’utiliser des termes caricaturaux, mais je le fais à dessein. Il y a au fondement même de ce secteur d’activité économique une démarche humaniste tout à fait respectable. Elle n’est, de fait, pas moins respectable que celle des collectivités publiques, qui ont aujourd’hui le monopole de l’accueil des condamnés à des travaux d’intérêt général.
Je ne vois donc pas pour quelle raison presque philosophique ou politique on devrait exclure l’économie sociale et solidaire de l’accueil des condamnés qui bénéficient de cette alternative à la peine de prison. Il me semble au contraire qu’il faudrait essayer de lever le goulet d’étranglement que nous avons constaté.
Je sais bien que, aujourd’hui, l’abandon par le Gouvernement de la plupart des contrats aidés fait qu’un certain nombre de communes pourraient être mieux disposées à l’égard des travaux d’intérêt général parce qu’elles se trouvent dans de grandes difficultés pour assurer certaines missions, faute de moyens et compte tenu de l’évolution de leurs ressources. Je ne suis toutefois pas sûr qu’un tel changement d’attitude suffise, parce que dans nos communes et, surtout, celles de petite taille ou de taille moyenne, l’encadrement fait défaut : il faut très souvent que le maire s’occupe lui-même de l’accueil du condamné à un travail d’intérêt général. C’est pourquoi je crois qu’il ne faut pas faire peser sur nos communes une charge excessive de collaboratrices du service public pénitentiaire.
En raison de tous ces éléments, en essayant de peser le pour et le contre, je me dis, mon cher collègue, que si vous vouliez bien retirer cet amendement – je crains, évidemment, que notre assemblée ne l’adopte –, vous offririez une chance supplémentaire d’insertion professionnelle et sociale à de jeunes délinquants pour lesquels le travail d’intérêt général est décidément la meilleure solution.
Mme la présidente. Monsieur Arnell, l’amendement n° 305 rectifié est-il maintenu ?
M. Guillaume Arnell. Bien entendu, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, j’entends vos arguments.
Vous pouvez le constater, la liste des signataires de cet amendement ne contient – chose qui n’est pas habituelle – que la moitié des sénateurs du groupe du RDSE. Cela signifie que l’autre moitié suit déjà votre logique.
Les signataires de cet amendement se posaient simplement des questions et souhaitaient recevoir un certain nombre de précisions. Ils voulaient plus particulièrement savoir si ce dispositif permettra de s’en tenir à la définition même des TIG telle que nous l’entendons, à savoir permettre au délinquant à la fois d’accomplir sa peine et de rendre service à la communauté. Telle était notre interrogation principale.
Quant à moi, je souhaite faire avancer les choses. Bien entendu, l’univers carcéral n’est pas ce qu’il faut lorsqu’une peine alternative est possible. C’est pourquoi j’accepte de retirer l’amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 305 rectifié est retiré.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je me permets de reprendre un instant la parole pour remercier M. Arnell de sa compréhension. J’apprécie votre geste, cher collègue.
Mme la présidente. Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je constate que nous avons bien travaillé aujourd’hui, puisque nous avons examiné 51 amendements au cours de la journée ; il en reste 98.
Si vous en êtes d’accord, ce texte étant inscrit à l’ordre du jour de la semaine prochaine, je vous propose de lever la séance après le vote sur cet article. (Assentiment.)
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote sur l’article.
M. Pierre Ouzoulias. Nous avons été très intéressés par la discussion qui vient d’avoir lieu. Nous avons constaté avec plaisir le recul de la logique qui faisait que, depuis plusieurs années, l’échelle des peines était systématiquement rendue plus dure.
Cela étant, nous souhaitions, madame la garde des sceaux, que des moyens supplémentaires soient offerts dans ce projet de loi de programmation pour tous les dispositifs qui concourent à la réinsertion et pour les aménagements de peine. Or on ne les trouve pas dans votre texte ; c’est malheureusement ce qui va nous obliger à voter contre cet article, malgré tout le bénéfice que nous trouvons à ce consensus naissant.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour explication de vote sur l’article.
M. Jérôme Bignon. Je me suis réveillé un peu tard pour intervenir sur l’amendement concernant les TIG. (Sourires.)
Je voudrais juste faire part d’une expérience personnelle : il n’y a pas que les collectivités qui sont affectées par la suppression ou la diminution massive des emplois aidés, il y a également les associations. En tant que président d’une association qui pilote une banque alimentaire et une épicerie solidaire, je serais bien heureux de pouvoir accueillir un condamné à un TIG dans cette association. Cette personne serait encadrée par les bénévoles nombreux et efficaces qui y travaillent pour le bien commun et pour aider les gens qui ont du mal à se nourrir convenablement. Je suis convaincu que ce type de travail serait tout à fait de nature à remettre sur le droit chemin des gens qui en ont un peu dévié à un moment de leur vie : aider leurs concitoyens dans la difficulté sur des sujets aussi lourds que l’aide alimentaire pourrait peut-être leur être utile ; en tout cas, pour ma part, je serais prêt à m’y employer.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je tiens à remercier M. Bignon de son offre : de telles démarches sont à mes yeux très utiles et correspondent tout à fait à la logique que nous voulons développer.
Je veux juste donner un chiffre : aujourd’hui, les TIG représentent 6 % des peines qui sont prononcées. Évidemment, nous voudrions accroître cette proportion. En effet, comme M. le président de la commission l’a exprimé tout à fait remarquablement, c’est vraiment une réponse pertinente.
Je regrette que M. Ouzoulias m’ait annoncé un vote négatif ; peut-être va-t-il revenir sur sa décision (Mme Éliane Assassi fait un geste de dénégation) – madame Assassi, n’essayez pas d’influencer votre collègue ! (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) –, parce que, en réalité, nous avons inscrit des moyens supplémentaires dans ce projet de loi. À titre d’exemple, je vous rappelle que nous avons décidé de recruter 1 500 conseillers d’insertion et de probation supplémentaires ; ce sont eux qui aideront, entre autres missions, à suivre les TIG dont nous parlions à l’instant.
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
6
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 16 octobre 2018 :
À quatorze heures trente :
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique ;
Rapport de Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour le Sénat (n° 720, 2017-2018) ;
Texte de la commission mixte paritaire (n° 721, 2017-2018).
À seize heures quarante-cinq : questions d’actualité au Gouvernement.
À dix-sept heures quarante-cinq et le soir :
Suite du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (procédure accélérée) (n° 463, 2017-2018) et du projet de loi organique relatif au renforcement de l’organisation des juridictions (procédure accélérée) (n° 462, 2017-2018).
Rapport de MM. François-Noël Buffet et Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois (n° 11, 2018-2019) ;
Textes de la commission (nos 12 et 13, 2018-2019).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinq.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD