M. Philippe Dallier. En défendant cet amendement, je prends le risque de m’exposer aux foudres de Mme la rapporteur, qui pourrait bien vouloir me renvoyer en commission des finances. (Sourires.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Nullement, mon cher collègue !
M. Philippe Dallier. Dans son amendement, le Gouvernement ne reprend qu’une partie du dispositif que je propose. Il s’agit de permettre aux bailleurs de placer leurs fonds disponibles. Il peut sembler paradoxal de s’intéresser à cette question au regard de la situation des bailleurs, mais je pense que le sujet mérite d’être traité.
Cet amendement vise donc à favoriser la création de fonds d’investissement ayant pour seul objet la gestion d’un portefeuille d’instruments financiers et de dépôts en titres émis par des organismes d’HLM ou conformes au caractère social et territorial du secteur HLM et à l’intérêt économique.
Ces fonds pourraient être créés et gérés par les sociétés de coordination dont traite ce projet de loi ou directement par les offices, qui auraient alors la possibilité de souscrire aux emprunts obligataires et titres participatifs des groupes d’organismes de logement social et des organismes eux-mêmes, ainsi qu’à des parts ou actions d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières ou de placements collectifs, qui seraient créés à l’initiative de ces groupes ou des offices et gérés directement par eux ou, le cas échéant par l’intermédiaire de sociétés de gestion de portefeuille, partiellement détenues par elles.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 774 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - L’article L. 421-18 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Après le mot : « placés », la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « qu’en titres, parts ou actions suivants : » ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« 1° En titres émis ou garantis par les États membres de la Communauté européenne ou les autres États parties à l’accord sur l’Espace économique européen ;
« 2° En titres émis par un organisme mentionné aux articles L. 411-2, L. 481-1 et L. 423-1-1 membre du même groupe d’organismes de logement social au sens de l’article L. 423-1-1. »
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Les dispositions de l’amendement du Gouvernement vont dans le même sens, mais limitent le dispositif aux prêts participatifs entre bailleurs sociaux d’un même groupe, c’est-à-dire qui appartiennent à une même société de coordination.
C’est l’idée du contrat de mariage dont nous avons parlé hier : seuls ceux qui sont liés par ce contrat peuvent se prêter de l’argent. Dans son amendement, M. Dallier va plus loin, puisqu’il autorise n’importe quel bailleur à prêter à n’importe quel autre bailleur.
Le Gouvernement considère que cette fluidité n’a de sens que dans la limite du groupement créé, c’est-à-dire des entreprises et des offices qui le composent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 774 rectifié du Gouvernement.
En revanche, elle sollicite le retrait de l’amendement n° 668 rectifié, qui serait en partie satisfait part l’adoption de l’amendement n° 774 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 668 rectifié ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement n° 668 rectifié, au bénéfice de son propre amendement.
M. le président. Monsieur Dallier, l’amendement n° 668 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Dallier. Comme je l’ai souligné hier soir, la vraie question est de savoir si les groupes que nous allons constituer, quelle que soit leur forme, auront les reins suffisamment solides pour construire et entretenir le bâti. Aujourd’hui, personne ne peut le dire.
Il ne me paraît pas aberrant qu’un office puisse prêter de l’argent à un autre, en dehors de son groupe. Il s’agissait d’ailleurs d’une proposition défendue par les offices eux-mêmes.
Monsieur le président, je retire donc mon amendement, au profit de celui du Gouvernement, mais je pense que la question méritera d’être reposée.
M. le président. L’amendement n° 668 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 774 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 27, modifié.
(L’article 27 est adopté.)
Article 27 bis A
Après l’article L. 421-4 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 421-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 421-4-1. – Les offices publics de l’habitat peuvent accorder des sûretés réelles mobilières dès lors que cela est susceptible de faciliter leur action dans le cadre de la réglementation des habitations à loyer modéré.
« Les biens faisant l’objet d’une telle sûreté ne peuvent être saisis que selon les formes et sous les conditions prévues aux articles L. 211-1 à L. 211-5 et L. 511-1 à L. 512-2 du code des procédures civiles d’exécution.
« Les offices publics de l’habitat ne peuvent pas accorder de sûretés réelles mobilières générales. » – (Adopté.)
Article 27 bis B
I. – À l’article L. 213-32 du code monétaire et financier, après la première occurrence du mot : « coopératives », sont insérés les mots : « , les sociétés de coordination au sens de l’article L. 423-1-1 du code de la construction et de l’habitation, les offices publics de l’habitat mentionnés à l’article L. 411-2 du même code, les sociétés anonymes d’habitations à loyer modéré mentionnées à l’article L. 422-2 dudit code, ».
II. – La première phrase du premier alinéa de l’article L. 228-36 du code de commerce est ainsi modifiée :
1° (nouveau) Les mots : « et les sociétés » sont remplacés par les mots : « , les sociétés » ;
2° Après le mot : « limitée », sont insérés les mots : « , les sociétés anonymes d’habitations à loyer modéré mentionnées à l’article L. 422-2 du code de la construction et de l’habitation et les sociétés de coordination au sens de l’article L. 423-1-1 du même code ». – (Adopté.)
Article 27 bis
(Non modifié)
I. – L’article 881 L du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Par exception aux dispositions du I, lorsqu’elles se rapportent aux opérations de fusions et d’apports réalisées par les organismes d’habitations à loyer modéré mentionnés à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation ainsi que par les sociétés d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux mentionnées à l’article L. 481-1 du même code, les formalités hypothécaires pour lesquelles il est perçu une contribution de sécurité immobilière proportionnelle donnent lieu à la perception d’une contribution au taux de 0,01 % jusqu’au 31 décembre 2021, sous réserve de l’article 881 M du présent code. »
II. – La perte de recettes pour l’État résultant du I est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. L’amendement n° 770, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Cet amendement vise à supprimer un article introduit par amendement à l’Assemblée nationale : appliquer un taux réduit de contribution de sécurité immobilière aux fusions des OLS – les organismes de logement social – est une mesure purement fiscale, dont la place se trouve non pas dans ce texte, mais dans un projet de loi de finances.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 27 bis.
(L’article 27 bis est adopté.)
Articles additionnels après l’article 27 bis
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 232 rectifié, présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 27 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 199 septvicies et 199 novovicies du code général des impôts sont abrogés.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Pour apprécier l’efficience du soutien fiscal apporté à l’offre locative privée, la Cour des comptes a rapproché la durée moyenne de la mise en location imposée aux ménages investisseurs et l’effort consenti par les finances publiques. Elle a ainsi observé que d’autres dépenses publiques permettaient, à volume égal, d’augmenter plus durablement le parc de logements locatifs.
À titre d’illustration, la Cour a calculé que le coût annuel pour les finances publiques d’un logement de 190 000 euros bénéficiant de l’avantage Pinel était, toutes choses égales par ailleurs, trois fois plus élevé que celui d’un logement social comparable, financé par un prêt locatif social, ou deux fois plus élevé que celui d’un logement financé par un prêt locatif aidé d’intégration, alors même que la durée des locations, dans ces derniers cas, est bien supérieure – environ quarante ans.
Pour corriger les risques de surproduction en zone détendue, ces aides fiscales ont été progressivement limitées à certains secteurs. Cela a certes permis de concentrer la production de logements aidés sur des zones plus tendues, mais pas nécessairement sur celles où la tension entre l’offre et la demande de logements est la plus forte. Il apparaît même que ces dispositifs rencontrent leur plus forte limite dans ces zones très tendues, où l’accès au logement locatif des classes moyennes est le plus difficile.
Ces observations sont directement tirées de l’intéressant rapport de la Cour des comptes sur les aides publiques au logement présentant la forme d’incitations fiscales. La Cour y a notamment relevé la véritable « addiction » des banques et des investisseurs à ces dispositifs d’incitation fiscale.
Aujourd’hui, on vend des dispositifs fiscaux par tous les moyens possibles, y compris via le canal numérique et cybernétique. On ne propose même plus de logements…
La Cour des comptes produit d’ailleurs, à l’appui de son enquête, deux recommandations : d’une part, assurer la mise en déclin des dispositifs existants dont le coût de 1,7 milliard d’euros est à comparer aux 60 millions d’euros du chapitre budgétaire de l’aide à la construction et à la réhabilitation de logements sociaux ; d’autre part, consacrer le retour des investisseurs institutionnels dans ce domaine de l’investissement locatif.
Mes chers collègues, nous ne pouvons donc que vous inviter à voter cet amendement fort économe, sur le moyen et le long terme, des deniers publics.
M. le président. L’amendement n° 762 rectifié, présenté par Mme Gatel, MM. Janssens, Le Nay et Bonnecarrère, Mmes Joissains et Billon, MM. L. Hervé, Delcros et Détraigne, Mme Létard et M. Canevet, est ainsi libellé :
Après l’article 27 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le IV de l’article 199 novovicies du code général des impôts est ainsi rédigé :
« IV. – La réduction d’impôt s’applique exclusivement aux logements situés dans des communes caractérisées par des besoins particuliers en logement locatif, qui ont fait l’objet d’un agrément du représentant de l’État dans la région après avis conforme du comité régional de l’habitat et de l’hébergement. La population totale des communes concernées ne peut être supérieure, dans chaque région, à celle de la population des communes concernées par la même réduction d’impôt l’année précédant la prise de l’arrêté. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Contrairement à M. Gay, notre objectif n’est pas de supprimer ces dispositifs d’accompagnement à la création de logements. En effet, la situation est déjà suffisamment difficile pour ne pas pénaliser encore plus un secteur dont j’ai souligné, hier, les difficultés.
Nous devons mener une politique particulièrement volontariste, pour pouvoir répondre aux besoins recensés sur les territoires.
La méthode que prône le groupe Union Centriste reste la même sur ces questions : il faut adopter l’approche la plus fine possible sur les différents dispositifs publics d’accompagnement à la création de logements en fonction des besoins effectifs des territoires et sortir de la seule vision nationale.
Le dispositif Pinel a été extrêmement recentré autour de quelques métropoles et des zones environnantes. Nous considérons qu’il faut avoir un regard bien plus large, qui permette de développer un aménagement du territoire harmonieux à l’échelle régionale. Une telle approche doit se faire à enveloppe financière identique. L’ouverture du dispositif aux régions ne doit pas induire de coûts supplémentaires pour l’État.
Encore une fois, il est préférable de cibler les bénéficiaires de ces dispositifs en fonction des besoins effectivement recensés dans les territoires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Il s’agit de dispositifs fiscaux, dont la place est en loi de finances, et non dans ce texte.
Je voudrais rappeler à M. Gay que l’on ne peut plus être éligible au dispositif Scellier aujourd’hui. Par ailleurs, nous attendons deux rapports d’évaluation, qui doivent être remis respectivement le 1er septembre 2018, sur le zonage géographique du Pinel, et le 1er septembre 2019, sur le dispositif Pinel en lui-même.
M. Michel Canevet. Je croyais que nous n’aimions pas les rapports, au Sénat !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Ceux-ci seront intéressants !
Attendons les conclusions de ces rapports. Nous pourrons de nouveau évoquer ces sujets ô combien importants lors de l’examen de la prochaine loi de finances.
La commission demande donc le retrait de ces amendements, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Monsieur Gay, conformément à votre position bien connue – je ne dis pas « reconnue » (Sourires.) –, et depuis longtemps, vous demandez la suppression des dispositifs fiscaux Pinel et Scellier. Il s’agit d’ailleurs d’un véritable sujet.
Je vous entends citer un rapport de la Cour des comptes qui va manifestement dans votre sens, tout du moins en partie. Force est de constater que vous n’accordez pas toujours le même intérêt aux rapports de la Cour des comptes, notamment ceux qui concernent la trésorerie des organismes d’HLM… (Sourires) Il s’agit là d’un simple constat.
Pour autant, la question que vous posez est parfaitement justifiée. Pour y répondre, il est nécessaire de disposer d’un diagnostic précis, qui nous indique ce qui relève de l’effet d’aubaine.
Attendons le rapport prévu pour 2019, qui nous permettra d’évaluer la part de l’effet d’aubaine par rapport à l’augmentation de la construction sur le territoire national. En effet, nous avons impérativement besoin de chiffres précis pour mener un travail de fond. Pour l’instant, nous ne disposons que de chiffres très partiels. Attendons de connaître les résultats de ces travaux, qu’il était grand temps de mener.
Une fois ces éléments connus, le Gouvernement prendra les initiatives nécessaires pour porter le débat devant le Parlement, dans l’hypothèse, peu probable, où ce dernier ne se saisirait pas lui-même de cette question.
Au travers de son amendement, M. Canevet propose de passer du zonage A, B et C à un zonage qui soit fondé sur une liste de communes agréées par le préfet de région. Pour recevoir nombre de courriers d’exécutifs locaux de toutes sensibilités et de tout le territoire demandant leur passage dans telle ou telle catégorie, cette question me semble également légitime, à moins de considérer ces zonages comme intangibles.
La démographie évolue, tout comme la situation des collectivités. Il est donc normal de vouloir adopter une approche évolutive. Toutefois, nous ne pouvons le faire en amont, alors qu’une réflexion est en cours. Je le répète, nous disposerons d’un rapport d’évaluation en septembre prochain.
Sachez que je n’ai aucun a priori. Mais il me paraît plus sage d’attendre la publication de ce rapport, pour revenir sur le zonage dans le cadre de la loi de finances. Le zonage doit être révisé, encore faut-il savoir dans quelles conditions ; nous y travaillerons alors ensemble.
Le Gouvernement demande donc le retrait de ces deux amendements ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Des rapports d’évaluation sont effectivement nécessaires sur le dispositif Pinel, lequel soulève trois questions.
Premièrement, on annonce souvent la création de ce genre de dispositifs de soutien à l’investissement locatif privé lorsque l’on veut relancer la construction. On se rend compte ensuite que le secteur immobilier est dopé à l’aide fiscale, ce qui contribue, in fine, à la hausse des prix, notamment ceux du foncier.
Je n’ai jamais été hostile à l’idée de soutenir l’investissement locatif privé, mais à condition de cibler les dispositifs et de les inscrire dans la durée. Il faut éviter que ce soutien ne se transforme en une sorte de dépense publique garantissant durablement la hausse des prix du foncier, secteur qui n’est pas le plus dynamique de notre économie.
Deuxièmement, pourquoi ne pas soutenir l’investissement privé, mais à condition de soutenir au moins autant, sinon plus, l’investissement locatif social, c’est-à-dire les bailleurs sociaux, pour assurer la pérennité du parc, dont je rappelle qu’il ne conserve pas éternellement son caractère social ?
L’équilibre entre les deux secteurs s’est rompu. On ne peut plus mettre inutilement de l’argent dans des secteurs moins durables et ne pas venir en aide au logement social. Cette complémentarité s’impose.
Troisièmement, comment être sûrs que les conditions objectives permettant de bénéficier de l’avantage fiscal sont bien remplies dans la durée ? Au bout de cinq ans ou dix, les locataires sont-ils toujours sous plafond de ressources et les loyers sont-ils toujours encadrés ?
Sur ces trois sujets, nous n’avons jamais eu de véritables analyses. Il y a, je le rappelle, des logements Pinel vides, qui ne se louent pas. Ils sont certes moins nombreux que les logements Scellier vides.
J’ai cru comprendre que le rapporteur de la commission des finances de l’Assemblée nationale souhaitait prendre connaissance d’un rapport, déjà rédigé semble-t-il, consacré à l’analyse de l’investissement locatif Pinel et qui ne lui aurait pas été communiqué. Pour ma part, cela fait des années que je demande un rapport sur le contrôle, par l’État, du respect des conditions nécessaires pour bénéficier des aides fiscales. Demander des rapports, c’est bien, mais encore faut-il être sûr de les avoir !
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je vous rassure, monsieur le ministre, nous utilisons les rapports de la Cour des comptes comme le Gouvernement les utilise. Chacun cite les pages et les éléments qu’il choisit. Ce que notre groupe fait, le Gouvernement le fait. Vous ne pouvez donc pas nous le reprocher !
Parce que nous pensons que le recours à des niches fiscales n’est pas la bonne solution, nous demandons la suppression du dispositif Pinel.
Toutefois, si le Gouvernement souhaitait le maintenir et le faire évoluer, il faudrait réellement nous interroger sur son zonage et son utilisation, qui doivent être justes et équitables. En effet, les premières études en témoignent, ce n’est pas dans les zones les plus tendues que son efficacité est la plus grande. Ma collègue Marie-Noëlle Lienemann l’a rappelé, à court ou moyen terme, il a pour effet de faire flamber le prix du foncier. Finalement, l’argent public ne sert pas celles et ceux qui devraient en être les bénéficiaires.
En revanche, nous en avons débattu dans le cadre du projet de loi de finances, ce dispositif a eu, dans un certain nombre de zones rurales et périurbaines, un véritable effet de levier, dans le cadre de l’aide à la reconstruction ou à la requalification de friches et de constructions urbaines. Il a permis de déconstruire des logements très insalubres.
Nous attendons avec impatience ces rapports. Nous aurons besoin de retravailler la notion de zones avec une grande précision, pour répondre au mieux aux besoins de nos territoires.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Sur le dispositif Pinel et l’investissement locatif en général, de grâce, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain !
Certes, ces dispositifs coûtent cher, mais tout dépend de la manière dont on les calibre. Rappelons-nous tout de même combien le dispositif Pinel a été utile après la chute que nous avions connue. S’il n’avait pas existé, nous n’aurions pas connu la remontée spectaculaire de la construction à laquelle nous avons assisté. Attention, donc, à ce que nous allons faire.
Un avantage fiscal de 60 000 euros, c’est beaucoup, c’est vrai ! À l’époque j’avais suggéré de limiter un peu la portée du dispositif. Sans doute convient-il, à moyen terme, d’envisager une telle évolution.
La question du zonage est très difficile. Selon qu’on est d’un côté ou l’autre de la frontière, on y a droit ou non. Mais comment faire autrement ? Le zonage semble incontournable. Certains proposent de déléguer, par territoire, des enveloppes dédiées au dispositif Pinel.
M. Michel Canevet. La France girondine !
M. Philippe Dallier. Le problème, c’est que cela correspond à la logique non pas des aides à la pierre, mais d’un guichet ouvert. Comment fera-t-on lorsque les crédits seront épuisés ?
Il s’agit donc d’une question extrêmement compliquée, dont nous reparlerons très probablement lors de l’examen de la loi de finances. Jusque-là, de grâce, ne supprimons pas de but en blanc ce dispositif. S’agissant du zonage, je continue de m’interroger pour trouver la meilleure solution.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Je rejoins notre collègue Philippe Dallier, grand expert de ces dispositifs, qui nous invite à trouver une solution pour l’avenir. En effet, il serait dommage de se priver d’un dispositif comme celui de la loi Pinel, l’éventail des outils en la matière étant extrêmement réduit.
Pour ma part, j’aimerais comprendre – je sais qu’il s’agit d’un sujet sensible – comment les zonages ont été élaborés, qu’il s’agisse des zones en tension, des zones prioritaires et des zones non prioritaires.
Il existe des départements ruraux peu denses et des départements extrêmement denses. À un moment donné, il faut faire des choix pour les zonages ! Mon département, le Nord, compte 2,5 millions d’habitants et des arrondissements de 400 000 habitants. Pourtant, certaines zones sont situées hors dispositif Pinel ou zone tendue, tout simplement parce qu’il faut bien hiérarchiser les territoires au sein du département !
Dans d’autres départements, des territoires bien moins denses sont déclarés zones tendues et ont droit au dispositif Pinel, alors leurs besoins sont drastiquement inférieurs.
Tout cela aurait du sens si l’on pouvait confronter ces zonages avec la réalité et mesurer leurs conséquences. Même si l’opération est extrêmement complexe, il convient de revisiter les zonages.
Dans mon département, quelque 7 000 demandes de logements ne sont pas satisfaites. Par ailleurs, on enregistre une baisse de 50 % de la production de logements neufs. En effet, les délégations d’aides à la pierre dégringolent, dans la mesure où il ne s’agit pas d’une zone tendue.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre. Je reprends la parole, afin qu’il n’y ait aucune confusion sur ce point.
Sur les dispositifs en question, les opinions sont très différentes, ce qui est parfaitement respectable. Certains, comme les membres du groupe CRCE, sont opposés à leur existence. D’autres souhaitent étendre leur portée. Il est indispensable de réunir rapidement un groupe de travail sur ces questions pour avancer. En effet, ces sujets reviennent sur la table plusieurs fois par an. Leur existence est-elle légitime ? Ont-ils vraiment permis le développement de la construction ?
M. Philippe Dallier. Oui, c’est sûr !
M. Jacques Mézard, ministre. Je suis plutôt d’accord avec vous, monsieur Dallier. Nous l’avons constaté, le passage du dispositif Duflot au dispositif Pinel a eu un impact positif. Il convient de déterminer aujourd’hui leurs différences, les effets d’aubaine qu’ils suscitent et leur impact direct.
Sur la question des zonages, je reçois régulièrement des demandes. Quand certains, qui ne se trouvent pas dans telle zone, constatent que d’autres, dont la démographie est moins forte, bénéficient du dispositif, il y a une certaine amertume.
Mme Valérie Létard. Ce n’est pas de l’amertume ! Quels sont les outils pour résoudre les problèmes ?
M. Jacques Mézard, ministre. Madame la sénatrice, on ne peut pas non plus constamment tout concentrer là où il y a le plus de monde.
Mme Valérie Létard. Ce n’est pas ce que je demande !
M. Jacques Mézard, ministre. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. L’évolution des zonages me paraît souhaitable, je le répète depuis le début, mais elle doit se faire selon les critères les plus objectifs possible, ce qui est extrêmement difficile.
Un rapport sera remis à la rentrée prochaine ; on en discutera bien sûr avec le Sénat. J’en suis conscient, dès qu’il y a un zonage, la modification d’une partie du dispositif risque de déstabiliser l’ensemble, l’enveloppe globale n’étant guère susceptible d’évoluer.
Nous sommes donc conscients de la difficulté, sur laquelle nous travaillerons ensemble. Toutefois, je vous demande d’attendre le mois de septembre prochain.