Mme Laurence Rossignol. Depuis un an !
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État. … et j’espère déboucher rapidement sur des choses très concrètes.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. Madame la secrétaire d’État, le Président de la République et vous-même êtes dans votre rôle en rencontrant des personnes, et nous sommes nous-mêmes dans le nôtre, en tant que législateurs, en proposant des amendements à un projet de loi.
Le nombre de jeunes qui se suicident va croissant, et la responsabilité des GAFA est réelle, car tous les parents n’ont pas nécessairement eux-mêmes une maîtrise de ces outils ; ils ne sont parfois même pas informés de ce qui s’y passe et ne sont pas capables d’en visualiser tous les contenus. Or leurs enfants, à cause de ce qu’ils voient sur internet, sont en très grande souffrance à l’école.
Même si nous extirpons les téléphones portables des classes, comme le Gouvernement souhaite le faire, cela ne changera rien aux contenus, qui resteront en ligne. Comme je le disais tout à l’heure, ce genre de chose est souvent irréversible !
Il ne s’agit donc pas, vous le voyez bien, de parler de ce que vous êtes en train de faire, de votre actualité personnelle. Il faut appréhender, de manière beaucoup plus globale, les conséquences de la propagation de contenus haineux sur internet. Les chiffres sont là, même s’ils ne sont pas exhaustifs : les messages haineux entraînent de plus en plus de suicides chez les jeunes ! (Mme Martine Filleul applaudit.)
Mme Laurence Rossignol. Très bien !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.
Article 3 bis
Le code pénal est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article 132-80 est complété par les mots : « , y compris lorsqu’ils ne cohabitent pas » ;
2° Le chapitre II du titre II du livre II est ainsi modifié :
a) Le paragraphe 2 de la section 1 est ainsi modifié :
– l’avant-dernier alinéa de l’article 222-8 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« La peine encourue est portée à trente ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction définie à l’article 222-7 est commise :
« 1° Sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur ;
« 2° Alors qu’un mineur de quinze ans assiste aux faits et que ceux-ci sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, ou, si la victime est mineure, par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur victime. » ;
– l’avant-dernier alinéa de l’article 222-10 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« La peine encourue est portée à vingt ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction définie à l’article 222-9 est commise :
« 1° Sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur ;
« 2° Alors qu’un mineur de quinze ans assiste aux faits et que ceux-ci sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, ou, si la victime est mineure, par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur victime. » ;
– après le 15° de l’article 222-12, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Les peines encourues sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende lorsque l’infraction définie à l’article 222-11 est commise :
« 1° Sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur ;
« 2° Alors qu’un mineur de quinze ans assiste aux faits et que ceux-ci sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, ou, si la victime est mineure, par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur victime. » ;
– la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 222-12 est supprimée ;
– au dernier alinéa de l’article 222-12, les mots : « prévues par le précédent alinéa » sont remplacés par les mots : « prévues par le présent article lorsqu’elles sont punies de dix ans d’emprisonnement » ;
– après le 15° de l’article 222-13, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende lorsque l’infraction définie au premier alinéa est commise :
« 1° Sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur ;
« 2° Alors qu’un mineur de quinze ans assiste aux faits et que ceux-ci sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, ou, si la victime est mineure, par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur victime. » ;
– la première phrase du dernier alinéa de l’article 222-13 est supprimée ;
b) La section 3 est ainsi modifiée :
– l’article 222-24 est complété par un 14° ainsi rédigé :
« 14° Lorsqu’un mineur de quinze ans était présent au moment des faits et y a assisté. » ;
– l’article 222-28 est complété par un 10° ainsi rédigé :
« 10° Lorsqu’un mineur de quinze ans était présent au moment des faits et y a assisté. » ;
– le III de l’article 222-33 est complété par des 6° et 7° ainsi rédigés :
« 6° Alors qu’un mineur de quinze ans était présent et y a assisté ;
« 7° Par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait. » ;
c) La section 3 bis est ainsi modifiée :
– le premier alinéa de l’article 222-33-2-1 est complété par les mots : « ou ont été commis alors qu’un mineur de quinze ans était présent et y a assisté » ;
– après le 4° de l’article 222-33-2-2, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Lorsqu’un mineur de quinze ans était présent et y a assisté. » ;
– à la fin du dernier alinéa du même article 222-33-2-2, la référence : « 4° » est remplacée par la référence : « 5° ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 3 bis
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 63 rectifié est présenté par Mmes Rossignol, Lepage, de la Gontrie, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Conway-Mouret, Meunier et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 78 rectifié quater est présenté par Mmes Billon et Vullien, MM. Henno, Laugier, Bockel, Janssens, Longeot et Delahaye, Mme de la Provôté, M. Canevet, Mme Goy-Chavent, M. Cazabonne, Mme Dindar, MM. Louault, Delcros, Moga et Médevielle, Mme Guidez, M. Maurey, Mmes Tetuanui, Létard, Joissains, Garriaud-Maylam, Vérien, Boulay-Espéronnier, L. Darcos et de Cidrac, MM. Brisson et Cadic et Mmes Gatel et Bonfanti-Dossat.
L’amendement n° 87 rectifié est présenté par Mme Laborde, M. Arnell, Mme M. Carrère, MM. Collin, Corbisez et Dantec, Mme Jouve et MM. Léonhardt et Menonville.
L’amendement n° 115 rectifié bis est présenté par Mmes Cohen et Benbassa, M. Collombat, Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Apourceau-Poly.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 1° de l’article 222-28 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Lorsqu’elle a entraîné une incapacité totale de travail (ITT) supérieure à huit jours ; ».
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° 63 rectifié.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement tend à tirer les conséquences d’une recommandation du rapport d’information de la délégation aux droits des femmes. Il s’agit de créer une circonstance aggravante pour les agressions sexuelles, autres que le viol, ayant entraîné une incapacité totale de travail, ou ITT, supérieure à huit jours. Cette disposition permet aussi d’évaluer la gravité de l’atteinte, physique ou psychologique, portée à la victime.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 78 rectifié quater.
Mme Annick Billon. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 87 rectifié.
Mme Maryse Carrère. Il est également défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 115 rectifié bis.
Mme Laurence Cohen. Je vais simplement compléter les propos de Laurence Rossignol, car notre amendement est identique au sien et vise à reprendre une recommandation formulée par la délégation aux droits des femmes.
Il est nécessaire de prévoir une circonstance aggravante pour tenir compte des conséquences, aussi bien physiques que psychologies, subies par les victimes d’agressions sexuelles. Les termes de « blessure » et de « lésion » utilisés dans le code pénal ne sont pas suffisants. En effet, notre connaissance des séquelles des violences faites aux femmes ne fait que progresser et l’on découvre seulement maintenant l’ampleur de certains traumatismes, comme l’état de stress post-traumatique, que l’on pensait réservé aux militaires.
À la lumière de ces enjeux nouveaux, notre arsenal législatif doit s’adapter. Même si, d’ordinaire, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste n’est pas favorable à l’aggravation systématique des peines et met plutôt l’accent sur la prévention et l’accompagnement, il nous apparaît important, en l’espèce, d’adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Ces quatre amendements identiques visent à créer une circonstance aggravante pour les faits d’agressions sexuelles ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours. Une telle disposition nous semble pertinente. Elle permettra de mieux réprimer certains faits.
C’est pourquoi la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État. L’article 222-28 du code pénal prévoit déjà qu’une infraction, lorsqu’elle a entraîné une blessure ou une lésion, constitue une circonstance aggravante. Les agressions sexuelles ayant entraîné une incapacité totale de travail entrent dans ce cadre.
La précision que ces amendements identiques visent à apporter ne nous apparaît donc pas justifiée, mais les arguments que je viens d’entendre de la part des auteurs de cette proposition et de la rapporteur me semblent pertinents.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée. (Marques de satisfaction sur plusieurs travées.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 63 rectifié, 78 rectifié quater, 87 rectifié et 115 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3 bis.
TITRE III
DISPOSITIONS RÉPRIMANT L’OUTRAGE SEXISTE
Article 4
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° Après la section 1 ter du chapitre V du titre II du livre II, est insérée une section 1 quater ainsi rédigée :
« Section 1 quater
« De l’outrage sexiste
« Art. 225-4-11. – Le fait d’imposer à une personne, dans l’espace public, tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou lié au sexe d’une personne qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, est puni de 3 750 € d’amende.
« Dans les conditions prévues à l’article 495-17 du code de procédure pénale, l’action publique peut être éteinte par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 135 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 90 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée de 375 €.
« L’outrage sexiste est puni de 7 500 € d’amende lorsqu’il est commis :
« 1° Par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
« 2° Sur un mineur de quinze ans ;
« 3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ;
« 4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur ;
« 5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;
« 6° Dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;
« 7° (nouveau) En raison de l’orientation sexuelle, vraie ou supposée, de la victime. »
2° (nouveau) Le 5° de l’article 131-3 est ainsi rédigé :
« 5° Les peines de stage ; »
3° (nouveau) L’article 131-5-1 est ainsi rédigé :
« Art. 131-5-1. – Lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement ou lorsqu’une disposition législative le prévoit, la juridiction peut, à la place ou en même temps que l’emprisonnement, prescrire que le condamné devra accomplir, pendant une durée ne pouvant excéder un mois, un ou plusieurs stages dont elle précise la nature eu égard à la nature du délit et aux circonstances dans lesquelles il a été commis.
« Sauf décision contraire de la juridiction, le stage, dont le coût ne peut excéder celui des amendes contraventionnelles de la 3e classe, est effectué aux frais du condamné.
« Le stage est exécuté dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle la condamnation est définitive, sauf impossibilité résultant du comportement ou de la situation du condamné. » ;
4° (nouveau) Au premier alinéa de l’article 131-8, après les mots : « peine d’emprisonnement », sont insérés les mots : « ou lorsqu’une disposition législative le prévoit » ;
5° (nouveau) L’article 225-19 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après la référence : « sections 1 », est insérée la référence : «, 1 quater » ;
b) Au 6°, les mots : « de citoyenneté » sont supprimés ;
c) Il est ajouté un 8° ainsi rédigé :
« 8° Une peine de travail d’intérêt général. »
II. – (Supprimé)
III. – La section 3 du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifiée :
1° (Supprimé)
2° Le 13° de l’article 41-2 est ainsi rédigé :
« 13° Accomplir, le cas échéant à ses frais, une peine de stage ; ».
IV et V. – (Supprimés)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Je souhaite d’autant plus intervenir sur cet article que nous avions prévu de déposer un amendement, ce qui n’a malheureusement pu se faire en raison d’un problème technique. Cela arrive !
Cet article est l’une des mesures phares du gouvernement, à savoir la création d’une nouvelle infraction d’outrage sexiste, conçue pour lutter contre le harcèlement de rue et surtout pour le sanctionner.
La commission des lois du Sénat a modifié cet article. Elle a notamment transformé la contravention prévue en un délit puni d’une amende de 3 750 euros.
Pour ma part, même si je suis assez dubitative, comme l’ensemble des membres de mon groupe, sur la mise en place effective de cette infraction du fait de la nécessité de flagrance et surtout du manque de moyens accordés aujourd’hui aux officiers de police, je suis convaincue, en revanche, que pour être efficace cette infraction doit être élargie en délit autonome d’agissement sexiste.
Là aussi, un interdit doit être plus clairement indiqué à la société, pour que de tels comportements et de tels propos à l’encontre des femmes cessent. Bien évidemment, au-delà de la sanction, je reste persuadée que la prévention et l’éducation à la sexualité et à l’égalité filles-garçons sont plus que fondamentales. Ce combat mérite d’être mené, car, au-delà des lois, il est essentiel de faire évoluer les mentalités.
Madame la secrétaire d’État, même si le dispositif que vous avez choisi a déjà beaucoup fait parler de lui, j’espère que vous serez en situation d’entendre les arguments qui vont être avancés durant le débat et que celui-ci permettra d’aboutir à une solution qui sera dans l’intérêt des femmes subissant de tels agissements.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 79 rectifié bis est présenté par Mmes Billon et Vullien, MM. Henno, Laugier, Bockel, Janssens, Longeot et Delahaye, Mme de la Provôté, M. Canevet, Mme Goy-Chavent, M. Cazabonne, Mme Dindar, MM. Louault, Moga et Médevielle, Mmes Guidez, Tetuanui, Létard, Joissains, Garriaud-Maylam, Vérien, Boulay-Espéronnier et L. Darcos, M. Brisson, Mme Jasmin, M. Cadic et Mme Bonfanti-Dossat.
L’amendement n° 92 rectifié est présenté par Mme Laborde, MM. Collin, Corbisez et Dantec, Mme Jouve et M. Labbé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 5
Supprimer les mots :
, dans l’espace public,
II. – Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il est adressé à une personne chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa mission, ou à une personne dépositaire de l’autorité publique, il est puni des peines prévues à l’article 433-5. »
La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 79 rectifié bis.
Mme Annick Billon. Le présent amendement vise à ce que l’outrage sexiste ne se limite pas à l’espace public et puisse s’appliquer aussi à des comportements qui s’expriment, par exemple, dans le cadre d’une entreprise.
Des circonstances aggravantes protègent spécifiquement les victimes chargées d’une mission de service public ou dépositaires de l’autorité publique.
Cette qualification s’inspire de l’agissement sexiste, défini par l’article L. 1142-2-1 du code du travail et par l’article 6 bis de la loi de 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, de sorte que ce délit est défini à la fois par le droit du travail et le code pénal, de même que le harcèlement sexuel est traité à la fois par le code pénal et le code du travail.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes , pour présenter l’amendement n° 92 rectifié.
Mme Josiane Costes. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Contrairement à ce que proposent les auteurs de ces amendements identiques, il n’apparaît pas souhaitable d’étendre le champ d’application du délit d’outrage sexiste au-delà de la sphère publique. Imagine-t-on sanctionner d’une peine délictuelle de simples propos outrageants tenus à titre privé ? Je rappelle que l’injure sexiste existe déjà. L’outrage sexiste doit se différencier de ce délit.
Concernant les faits commis au travail, comme le Défenseur des droits l’a souligné, il existe déjà des dispositions concernant les agissements sexistes commis dans ces circonstances.
Quant au renvoi opéré par le paragraphe II de cet amendement aux peines prévues par l’article 433-5 du code pénal, il n’apparaît pas pertinent et poserait un problème d’intelligibilité de la loi pénale. Il n’est pas possible de renvoyer à des peines différentes pour un délit constitué de faits différents, même si les deux délits se dénomment « outrage ». En effet, ils n’ont en commun aucun élément constitutif de l’infraction.
Par conséquent, soit le délit poursuivi est un délit d’outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique, et les peines encourues sont prévues à l’article 433-5 du code pénal, soit le délit poursuivi est un délit d’outrage sexiste, et les peines encourues sont celles prévues par le projet de loi. Le procureur de la République choisira systématiquement les peines encourues les plus lourdes.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État. Je me permets, monsieur le président, de prendre quelques minutes pour expliquer la position du Gouvernement sur cet article et ces amendements.
Tout d’abord, je me réjouis sincèrement que nous fassions ensemble le constat que le harcèlement de rue est un fléau et qu’il faut trouver des solutions pour le combattre. Je rappelle que, selon une étude récente, huit jeunes femmes sur dix ont peur, quand elles sont toutes seules dans la rue. Cette étude concerne bien la France de 2018 et s’applique, quel que soit le lieu d’habitation !
Il s’agit donc d’un sujet véritablement important. Certes, ces pratiques, qui ont pu apparaître comme une fatalité à une époque, existent depuis des générations, mais il faut, enfin, les faire cesser ! Le seuil de tolérance de la société a évolué et cela nous paraît maintenant insupportable. C’est pour cela que je me réjouis que nous ayons aujourd’hui ce débat, important, je le répète, sur les meilleurs moyens de lutter contre le harcèlement de rue.
Je rappelle que la verbalisation du harcèlement de rue était un engagement de campagne du Président de la République. Pourquoi avons-nous opté pour une verbalisation, plutôt que pour le dépôt d’une plainte au commissariat et une judiciarisation ?
Premièrement, il est très difficile pour des femmes, victimes de violences sexistes ou sexuelles, quelles qu’elles soient, de se rendre dans un commissariat pour dénoncer les faits, même quand elles savent en identifier l’auteur. A fortiori, il est assez improbable, assez théorique, d’imaginer qu’une femme aille dans un commissariat pour dénoncer des faits de harcèlement de rue ou d’outrage sexiste, sachant que, la plupart du temps, elle ne peut même pas en identifier l’auteur.
Deuxièmement, nous avons examiné la situation en Belgique, où une loi contre le harcèlement de rue a été votée. Elle prévoit le dépôt de plainte et la judiciarisation. Quel est le résultat ? C’est un échec : seules trois plaintes ont été déposées, et aucune n’a abouti, précisément en raison des difficultés que j’ai évoquées précédemment.
Ce sont ces éléments qui ont forgé la conviction du Président de la République et l’ont amené à opter, durant sa campagne, pour une verbalisation du harcèlement de rue en flagrant délit. Le groupe de travail, qui a réuni des députés sur l’initiative du Gouvernement, a appelé cette infraction un outrage sexiste, terme que nous avons conservé dans le projet de loi.
Il reviendra aux 10 000 agents de la police de sécurité du quotidien, dont le recrutement a été annoncé par Gérard Collomb, de remplir ce rôle ; ils seront formés et équipés à cet effet.
De notre point de vue, une verbalisation en flagrant délit est le seul moyen de lutter efficacement contre le harcèlement de rue, ce que ne pourra pas faire une procédure judiciaire par dépôt de plainte.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 79 rectifié bis et 92 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 200 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 310 |
Pour l’adoption | 114 |
Contre | 196 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 10 rectifié bis, présenté par MM. Bascher, Grosdidier, J.-M. Boyer, Courtial, Meurant et Bazin, Mme Garriaud-Maylam, M. Charon, Mme A.M. Bertrand, MM. Laménie, Lefèvre, Duplomb et Pierre, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. H. Leroy et Bonne, Mme Deromedi, MM. Houpert et Pointereau, Mme Thomas, M. Revet, Mme Delmont-Koropoulis, M. Paccaud, Mme Bories, MM. Bonhomme et Cambon et Mme Lherbier, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
1° Remplacer les mots :
tout propos ou comportement
par les mots :
toutes paroles, menaces, gestes, écrits ou images de toute nature, ou refus de paroles ou de gestes de civilité
2° Supprimer les mots :
d’une personne
II. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait d’imposer ou de tenter d’imposer à une personne, dans l’espace public en raison de son sexe un comportement ou une tenue qui soit porte atteinte à sa dignité, soit créé à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, est puni de 3 750 € d’amende.
La parole est à M. Jérôme Bascher.