M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.
M. Jean-François Husson. Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, de votre réponse argumentée, pleine de sagesse, empreinte d’une vision stratégique et économique.
Dans mes responsabilités relatives à l’écologie et au développement durable à la commission des finances, et en tant qu’élu du territoire, je suis disposé, à vos côtés et en faisant appel à toutes les bonnes volontés, à chercher une voie d’avenir et des solutions répondant aux préoccupations de notre territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mardi 10 juillet prochain, à seize heures quarante-cinq.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Décès d’un ancien sénateur
M. le président. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue André Pourny, qui fut sénateur de la Saône-et-Loire de 1986 à 2004.
7
Mises au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, s’agissant du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, lors des scrutins publics nos 193 et 194, portant respectivement sur les amendements nos 74 rectifié bis et 75 rectifié bis, je souhaitais voter pour.
S’agissant du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, lors du scrutin n° 184, portant sur l’amendement n° 194 rectifié, je souhaitais voter pour.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Monsieur le président, en ce qui concerne le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, lors du scrutin public n° 193 portant sur l’amendement n° 74 rectifié bis, Mme Nathalie Delattre souhaitait voter contre.
M. le président. Acte vous est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique des scrutins.
8
Lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi adopté par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 3.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉLITS DE HARCÈLEMENT SEXUEL ET DE HARCÈLEMENT MORAL
Article 3
I. – Le chapitre II du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :
1° Le I de l’article 222-33 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« L’infraction est également constituée :
« 1° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;
« 2° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition. » ;
1° bis Le III du même article 222-33 est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique. » ;
2° Après le premier alinéa de l’article 222-33-2-2, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« L’infraction est également constituée :
« a) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;
« b) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition. » ;
3° Le 4° du même article 222-33-2-2 est complété par les mots : « , ou par le biais d’un support numérique ou électronique » ;
4° Aux deuxième et dernier alinéas dudit article 222-33-2-2, les mots : « au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « aux premier à quatrième alinéas ».
II (nouveau). – Au troisième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, les mots : « faites aux femmes » sont remplacés par les mots : « sexuelles et sexistes » et, après le mot : « articles », est insérée la référence : « 222-33 ».
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, sur l’article.
Mme Annick Billon. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 3 adapte opportunément notre droit pénal aux évolutions technologiques, en complétant la définition du harcèlement pour prendre en compte les « raids numériques », c’est-à-dire la publication par plusieurs auteurs différents de propos sexistes et violents proférés une seule fois à l’encontre d’une même cible.
Des faits récents visant des journalistes ont montré que les « raids numériques » et, plus généralement, le cyberharcèlement sont un réel enjeu de lutte contre les violences faites aux femmes.
Ces agressions ne sont en rien virtuelles et sont tout aussi graves que des violences physiques. Elles présentent par ailleurs des spécificités qui les rendent encore plus nuisibles pour les victimes, notamment la difficulté à identifier des agresseurs protégés par leur anonymat et le potentiel de diffusion élargi des contenus.
Or la définition actuelle du harcèlement, qui suppose la répétition, ne permet pas de réprimer de tels agissements, puisque les auteurs des « raids » réitèrent rarement les mêmes propos, mais se coordonnent afin de cibler, de manière collective, la même personne.
Il était donc important de combler ce vide juridique, pour sanctionner des agissements qui peuvent se révéler d’une violence extrême. Dans le même esprit, l’article 3 crée une circonstance aggravante lorsque le harcèlement sexuel est commis par le biais d’un moyen de communication électronique.
Enfin, la commission des lois a introduit à l’article 3 une disposition conférant de nouvelles obligations aux plateformes et aux hébergeurs sur internet, afin de mieux lutter contre le cyberharcèlement.
La délégation soutient l’ensemble de ces dispositions, qui sont cohérentes avec les recommandations qu’elle a formulées dans ses récents travaux sur les violences faites aux femmes.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 41 rectifié est présenté par Mmes de la Gontrie, Rossignol, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 114 rectifié est présenté par Mmes Benbassa, Cohen et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Apourceau-Poly.
L’amendement n° 132 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Rétablir le a dans la rédaction suivante :
a) Après le mot : « sexuelle », sont insérés les mots : « ou sexiste » ;
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° 41 rectifié.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise, d’une part, à tirer les conséquences de la jurisprudence de la cour d’appel d’Orléans, qui a considéré que le harcèlement sexuel peut consister en un harcèlement environnemental ou d’ambiance. Sans être directement visée, la victime subit les provocations et blagues obscènes et vulgaires qui lui deviennent insupportables. Ce n’est pas du harcèlement sexuel, mais du harcèlement d’ambiance sexiste.
L’Assemblée nationale avait déjà codifié cette jurisprudence, mais la commission des lois a supprimé la référence au harcèlement sexiste. Notre amendement vise donc à rétablir la rédaction de l’Assemblée nationale, et j’imagine que l’avis du Gouvernement sera favorable.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 114 rectifié.
Mme Esther Benbassa. L’article 3 du présent projet de loi visait à renforcer la définition du harcèlement. Le texte transmis par l’Assemblée nationale comportait les mots « sexuelles et sexistes ». La commission des lois du Sénat a préféré supprimer le terme « sexiste », estimant que seul le harcèlement sexuel méritait de figurer dans la loi.
Les membres du groupe CRCE s’opposent bien évidemment à cette logique, qui nie la souffrance des femmes au quotidien.
Les violences faites aux femmes ne sont pas seulement physiques, elles passent aussi par ces comportements machistes banalisés, ces remarques blessantes et humiliantes qui visent à rabaisser les femmes, car elles sont femmes.
Quand une femme est énervée, on va lui dire qu’elle a ses règles, et j’en passe ! Je ne vais pas dresser une liste exhaustive, qui donnerait plutôt envie de pleurer.
Le harcèlement doit être aujourd’hui défini le plus précisément possible dans notre droit. Ainsi, la loi ne saurait ignorer ces brimades journalières que sont les remarques sexistes, qui participent au sentiment de honte qu’éprouvent de nombreuses femmes. Cette honte, mes chers collègues, doit impérativement changer de camp ; elle ne doit surtout plus être l’apanage des femmes qui aspirent simplement à vivre dans une société égalitaire et paritaire avec leurs concitoyens masculins.
Le présent amendement vise donc à rétablir dans son état initial le présent article 3, en mentionnant expressément le caractère sexiste que peut revêtir le harcèlement.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 132.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Je ne reviens pas sur la démonstration qui a été faite : je rejoins tout ce qui vient d’être dit par les sénatrices Esther Benbassa et Laurence Rossignol.
J’ajoute qu’un harcèlement peut être sexiste sans être sexuel. Il est donc important pour nous de rétablir les mots « ou sexistes » dans la définition du harcèlement sexuel, afin d’harmoniser cette rédaction avec celle de l’outrage sexiste. Le Gouvernement émet évidemment un avis favorable aux deux amendements précédents.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La commission a supprimé l’ajout du mot « sexiste » à la définition du harcèlement sexuel à la suite des nombreuses auditions qu’elle a menées. En effet, il ne faut pas assimiler les propos sexuels et les propos sexistes, qui regroupent des réalités différentes. Ils sont d’ailleurs sanctionnés sur la base d’infractions différentes.
Avec ce projet de loi, nous faisons une réelle différence entre les faits de harcèlement sexuel et les faits de harcèlement sexiste. Ces derniers doivent être réprimés par le délit d’outrage sexiste, qui répond à la même définition que le harcèlement sexuel, mais sans l’exigence de répétition, et qui concerne les propos à caractère sexiste.
En effet, comme l’ont souligné le Défenseur des droits, des magistrats et des universitaires que nous avons entendus, cette extension du harcèlement sexuel aux faits sexistes entraîne une confusion entre le harcèlement sexuel et l’outrage sexiste, créé par l’article 4 du projet de loi, alors que la notion de harcèlement sexuel doit rester clairement distinguée des autres infractions.
De plus, l’absence de clarté entre les deux définitions pourrait créer un risque de déqualification du délit de harcèlement sexuel, puisque le délit d’outrage sexiste est évidemment moins sévèrement sanctionné que le harcèlement sexuel, qui est passible de peines de prison.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Lors d’une réunion de la commission, madame la rapporteur, je vous ai déjà fait remarquer que le terme de harcèlement sexiste existait et était utilisé. Je ne vois pas en quoi le délit d’outrage sexiste nous empêche de l’employer !
Quand on vous dit tous les jours devant la photocopieuse : « Tu as de belles fesses ! », c’est non pas du harcèlement sexuel, mais du harcèlement sexiste. (Mme le rapporteur et M. le président de la commission le contestent.)
Je pourrais vous donner d’autres exemples ! Il faut utiliser les mots qui existent, y compris au Sénat. Le harcèlement sexuel désigne d’autres réalités. Si ma mémoire est bonne, monsieur le président, il me semble d’ailleurs que nous avons déjà débattu d’une loi sur le harcèlement sexuel dans cet hémicycle.
Vous voulez absolument que l’outrage soit sexiste et que le harcèlement soit sexuel, mais il y a aussi un harcèlement sexiste. Cette misogynie au quotidien mérite d’être prise en considération. Je ne sais quel grand universitaire vous avez entendu, mais cela m’étonnerait qu’il ait nié la réalité du harcèlement sexiste, madame la rapporteur. Je souhaite que les mots aient un sens !
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. Pour une fois – ce n’est pas coutume… –, je serai en désaccord avec notre rapporteur. Selon elle, il y aurait un risque de confusion. Je ne comprends pas cet argument, car la différence entre le harcèlement et l’outrage est claire : dans un cas, il y a répétition des faits, et pas dans l’autre. Il ne peut donc pas y avoir de confusion. Ces dispositions permettent de réintroduire la notion de propos sexistes dans la définition du harcèlement sexuel.
C’est pourquoi je voterai ces amendements identiques, qui tendent à revenir à la rédaction proposée par l’Assemblée nationale.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 41 rectifié, 114 rectifié et 132.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 199 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 146 |
Contre | 198 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 133, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État. Le Gouvernement propose la suppression de l’alinéa 16, qui modifie les dispositions de l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique et étend ainsi le champ des obligations mises à la charge des plateformes en matière de harcèlement. Il nous semble en effet que la lutte contre les propos haineux sur internet et la régulation des contenus illicites relève d’un autre vecteur législatif, qui serait plus approprié.
Nous croyons qu’il incombe aux hébergeurs et aux réseaux sociaux de prendre leurs responsabilités. C’est la raison pour laquelle nous travaillons avec eux sur la question de la modération des contenus en ligne.
Je rappelle que, selon un rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, seuls 8 % des contenus à caractère sexiste sont supprimés, contre une majorité des messages de nature violente.
En outre, je travaille sur ces questions avec les représentants des grandes entreprises concernées. J’ai par exemple rencontré, pendant la campagne, les représentants de Facebook Europe, et de nombreux échanges ont eu lieu depuis l’élection présidentielle.
Je pense notamment à la rencontre entre le Président de la République et Marc Zuckerberg à l’Élysée à l’occasion du sommet Tech for Good ou à la réunion que j’ai pu avoir, il y a quinze jours au siège de Facebook à San Francisco, avec Sheryl Sandberg, durant laquelle j’ai interpellé les dirigeants de l’entreprise sur la nécessaire participation active des hébergeurs et des réseaux sociaux.
Nous avons aussi convoqué Webedia, hébergeur du forum 18-25 de jeux-vidéo.com. En effet, celui-ci a été mis en cause dans un procès qui vient de se terminer et qui concernait des phénomènes de harcèlement envers une journaliste, Nadia Daam. Nous avons demandé à cet hébergeur de prendre ses responsabilités.
Un travail d’ensemble est donc mené par le Gouvernement, notamment par Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du numérique, pour faire en sorte que les hébergeurs agissent plus rapidement contre les contenus sexistes en ligne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer un ajout de la commission des lois, adopté sur l’initiative de notre collègue Mme Jasmin pour mieux lutter contre le cyberharcèlement.
Or le présent projet de loi me semble constituer un vecteur législatif approprié pour lutter contre le cyberharcèlement. Il est indispensable que les contenus de harcèlement sexuel soient traités de la même manière que ceux qui portent atteinte à la dignité humaine.
Une fois encore, la commission des lois a une position plus protectrice des personnes que le Gouvernement. Elle émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. La disposition que nous avons proposée et qui a été adoptée par la commission des lois vise à mieux protéger les personnes. Il faut prendre en compte la vitesse à laquelle se propagent certaines informations sur les réseaux sociaux. Or, les GAFA – Google, Amazon, Facebook, Apple – ont la capacité de protéger les victimes, en bloquant certains messages grâce à des mots-clés.
L’amendement du Gouvernement ne me semble pas satisfaisant, si nous voulons lutter contre les violences sexuelles et sexistes. On voit bien, quand on examine les plaintes qui sont déposées, qu’il n’existe aujourd’hui presque aucun moyen de protéger les victimes contre la propagation de certains messages.
Je veux aussi insister sur un point très important : les dommages causés sont irréversibles ! Même quand il y a un procès, la diffusion des messages est tellement rapide qu’il est très difficile de maîtriser les conséquences des propos haineux, notamment lorsqu’ils sont de nature sexiste ou sexuelle.
M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article additionnel après l’article 3
M. le président. L’amendement n° 61 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, de la Gontrie, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 312-9 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette formation comporte également une sensibilisation sur l’interdiction du harcèlement commis dans l’espace numérique, les sanctions encourues en la matière et la manière de s’en protéger. »
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Il faut savoir que 10 % des jeunes entre six et dix-huit ans ont déjà été agressés ou harcelés sur internet ou sur les réseaux sociaux. Parmi les filles qui ont entre douze et quinze ans, une sur cinq a déjà été insultée en ligne sur son apparence physique et une sur six a été confrontée à des cyberviolences. La probabilité de tenter de se suicider est trois fois plus élevée, lorsque l’on est victime de harcèlement sur les réseaux sociaux.
Certaines caractéristiques des réseaux sociaux peuvent donc aboutir à un sentiment d’humiliation, à une détresse des victimes et, parfois, à des tentatives de suicide. Les conséquences du cyberharcèlement peuvent être graves : mal-être, phobie scolaire, dépression, poursuite du harcèlement dans l’espace public, tentatives de suicide…
Le présent amendement vise donc à inscrire dans la loi la nécessité de prévenir le cyberharcèlement par une information des élèves, non seulement sur l’interdiction de certaines pratiques et les sanctions encourues, mais aussi sur la manière de se protéger. Nous le savons bien, les enfants ne connaissent même pas les risques qu’ils courent et encore moins les moyens de s’en protéger.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à inclure une obligation de sensibilisation au cyberharcèlement dans le cadre de la formation d’initiation à la technologie et aux usages numériques. Nous sommes favorables à cette précision très utile.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme Annick Billon. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, non pas sur le fond, mais sur la forme. Nous nous rejoignons bien évidemment sur la nécessité de sensibiliser au cyberharcèlement à l’école, mais de telles politiques publiques sont déjà mises en œuvre.
L’environnement des jeunes est très tôt affecté par les problématiques de sexisme et de harcèlement, en particulier en ligne. Il nous faut répondre à ces nouveaux outils qui sont à la disposition des agresseurs. C’est pour cette raison que Jean-Michel Blanquer et moi-même sommes en train de travailler sur une opération de lutte contre la pornographie et le cyberharcèlement au collège, qui sera lancée à partir de la rentrée.
En outre, comme cela a été annoncé lors du comité interministériel du 8 mars 2018, des référents « égalité », dont je vous parlais tout à l’heure, seront nommés dans chaque établissement scolaire pour accompagner les élèves au quotidien. Ils s’ajouteront aux 310 référents « harcèlement » qui ont déjà été désignés pour accompagner la distribution de la mallette pédagogique des parents, qui contient des outils relatifs à l’éducation à la sexualité, aux usages d’internet, à la lutte contre le cyberharcèlement, notamment sexiste, et à l’exposition précoce à la pornographie.
De surcroît, le secrétaire d’État chargé du numérique travaille sur le déploiement d’une application visant à prévenir et sensibiliser contre le cyberharcèlement.
Nous considérons donc que les politiques publiques menées par le Gouvernement répondent déjà aux exigences qui sous-tendent l’amendement.
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Madame la secrétaire d’État, pour justifier vos avis défavorables, vous dites souvent que vous n’êtes pas opposée sur le fond à tel ou tel amendement que nous défendons, mais que vous travaillez déjà sur la question, que vous rencontrez des gens, que vous avez des rendez-vous, que vous vous en occupez… Tout serait donc sous contrôle !
Je ne remets pas en cause l’existence des différentes actions que vous menez, mais de notre côté, nous faisons simplement notre travail de législateur !
Qui plus est, je sais d’expérience que, dans des discussions avec des acteurs comme les GAFA, pouvoir s’appuyer sur une loi ou une résolution adoptée par le Parlement ne peut que conforter une position de négociation.
Madame la secrétaire d’État, nous sommes très heureux que vous ayez pris ces différents sujets en main ; nous nous proposons simplement, avec la loi, de consolider votre action. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, il ne s’agit pas seulement de rencontrer telle ou telle personne, mais de mettre en place, via les politiques publiques, un vaste plan ambitieux.
Vous savez très bien que, si des personnalités comme Mark Zuckerberg et Emmanuel Macron se rencontrent, en l’occurrence à l’Élysée, c’est pour discuter de sujets de fond et déboucher sur quelque chose de concret.
De la même manière, lorsque je me rends à San Francisco au nom du Gouvernement, c’est pour travailler avec les responsables mondiaux de Facebook sur le sujet du harcèlement. Si je leur ai présenté les dispositions du présent projet de loi, en particulier celles qui sont liées au cyberharcèlement en meute, pratique qui sera dorénavant condamnée en France, c’est parce que nous avons besoin de l’engagement des réseaux sociaux pour modérer davantage et supprimer, le cas échéant, les contenus haineux, notamment sexistes.
Je puis vous dire que les dispositions que nous introduisons, en particulier sur le cyberharcèlement en meute, sont observées avec attention dans nombre de pays, notamment européens, qui n’ont pas de mesures équivalentes.
La loi entrera bientôt en vigueur, les politiques publiques sont en place, et il est évident que ces différentes actions passent aussi par des rendez-vous avec les acteurs concernés, rencontres qui sont construites et suivies. Je mène ce travail depuis près de deux ans, nous sommes aux responsabilités depuis quelques mois seulement,…