Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Même avis.
Si l’on ne peut qu’être d’accord avec les buts exposés par les auteurs de l’amendement, ceux-ci sont déjà satisfaits par l’ensemble des textes en vigueur, en particulier par la convention de Genève. Il faut faire attention à ne pas récrire, dans nos textes de loi ou réglementaires, ce qui l’a déjà été ; des réécritures successives ont rendu le CESEDA quelque peu confus… Si l’on veut que les textes soient lisibles, il ne faut pas répéter ce qui a déjà été écrit.
Mme Laurence Rossignol. Le Gouvernement, lui, ne le fait jamais dans ses projets de loi, comme chacun sait !
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Nous avons déjà eu cette discussion, monsieur Buffet, sur le groupe social. Être femme, ce n’est pas appartenir à un groupe social ou relever d’une orientation sexuelle, ou alors il faut récrire le texte de la convention : les femmes représentent la moitié de l’humanité !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. Avec Marta de Cidrac, j’avais eu l’intention de déposer le même amendement. La délégation aux droits des femmes a notamment mené, cette année, des travaux sur la pratique intolérable de l’excision. Les femmes concernées doivent absolument être protégées.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Elles le sont !
Mme Laure Darcos. Je vais néanmoins me rallier à l’avis que viennent d’exprimer la commission et le Gouvernement. La convention de Genève désigne bien, notamment, les victimes d’excision et les persécutions qui visent les femmes en tant que telles.
Je suis d’accord avec vous, ma chère collègue Benbassa : les femmes représentent la moitié de l’humanité, mais elles sont déjà, dans les textes, identifiées en tant que femmes. La vulnérabilité propre aux femmes qui vivent dans les pays en question me semble prise en compte.
Je voterai contre cet amendement, mais je suis solidaire de ses auteurs : mon intention initiale était de déposer le même.
Mme Laurence Rossignol. Dans ce cas, vous pouvez vous abstenir !
Mme Laure Darcos. Soit, je m’abstiendrai !
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour explication de vote.
Mme Maryvonne Blondin. J’ai eu l’honneur, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, de cosigner le rapport sur les mutilations sexuelles féminines dont vient de parler notre collègue Laure Darcos.
À ce titre, je voudrais vous rappeler, mes chers collègues, que l’an dernier, sur trois continents, dans trente pays, 200 millions de femmes ont été victimes de ces pratiques, soit une victime de mutilation sexuelle toutes les quinze secondes ! Pourtant les textes que vient de citer notre rapporteur, en particulier la convention de Genève, étaient déjà en vigueur !
Certes, la loi de 2015 a renforcé le dispositif et l’OFPRA protège actuellement à ce titre 7 000 femmes et filles ; mais qu’est-ce que 7 000 femmes et filles protégées, quand on dénombre 200 millions de victimes ?
Dans les pays concernés, des hommes et des femmes se mobilisent pour lutter contre ces pratiques, vaincre le patriarcat, en finir avec les coutumes locales. Dès lors, nous devons étendre la protection à tous ceux et celles qui militent avec courage pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Ce débat est extrêmement important. Comme vient de le dire Maryvonne Blondin, il faut élargir la protection. Les chiffres font froid dans le dos. Il s’agit notamment de l’excision, mais aussi de toutes les pratiques discriminatoires.
J’entends dire que la protection est déjà prévue dans la loi, qu’il n’est pas besoin d’y revenir, mais je remarque que bien des textes, y compris d’origine gouvernementale, que l’on nous impose d’examiner et qui passent sont largement redondants !
M. Roger Karoutchi. C’est vrai.
Mme Laurence Cohen. La redondance a parfois vertu pédagogique. En tout cas, elle peut servir à affirmer une volonté d’élargir la protection des femmes, qui, on le voit, en ont vraiment besoin.
Il est important que le Sénat prenne conscience de la réalité que recouvrent les chiffres qui ont été donnés sur les discriminations, les mutilations, les crimes dont les femmes sont victimes parce que femmes et parce qu’elles demandent –en 2018 ! – la liberté et l’égalité.
Notre proposition d’amendement s’appuie sur la convention de Genève : elle constitue un appel à renforcer la protection. Je ne vois donc pas pourquoi on tergiverse, au motif que la question serait réglée : si tel était le cas, les demandes d’asile émanant de femmes seraient beaucoup plus nombreuses qu’elles ne le sont ! (MM. Bernard Lalande et Pierre Laurent applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je partage totalement les inquiétudes exprimées par Laurence Cohen et Laurence Rossignol. J’ai bien entendu les arguments du rapporteur et du ministre, mais je ne peux que souscrire aux interventions de mes collègues sénatrices, en déplorant qu’aucun sénateur ne se soit exprimé sur ce sujet. La définition et la liste qui ont été données ne me paraissent pas correspondre aux violences dont il a été fait état. Je voterai cet amendement, car un tel affichage me semble important.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mme Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes, le sait bien, nous ne nous exprimons pas ici en fonction de notre genre, de nos origines, de nos croyances, de nos professions antérieures.
Mme Esther Benbassa. Un peu quand même ! Il n’y a que 25 % de femmes au Sénat !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Maintenant qu’un homme s’exprime, peut-être aurez-vous la patience de l’écouter ?
Il existe, dans le monde, des pratiques abominables. Je ne sache pas qu’un seul de nos collègues ne soit pas prêt à les dénoncer et à agir pour leur éradication !
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas le sujet.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Des actions libératrices courageuses sont menées dans des pays autoritaires qui refusent de reconnaître l’égalité entre les femmes et les hommes et où sont pratiquées un certain nombre d’agressions, comme l’excision, qui sont tout simplement inacceptables. Ces actions sont conduites par des militantes et des militants, certes, mais aussi, tout simplement, par des êtres humains qui se révoltent contre ces traditions et ces pratiques intolérables.
Dire cela, mes chers collègues, ce n’est pas forcément dire que cet amendement est utile. Pour que nous l’adoptions, encore faut-il démontrer sa nécessité ! Or, précisément, le droit actuel couvre intégralement ce type de situations.
Mme Laurence Cohen. Non !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Fût-ce avec de bonnes intentions, nous ne devons pas légiférer si nous n’avons pas la conviction que c’est utile. Citez-moi un cas où l’OFPRA et la Cour nationale du droit d’asile auraient décidé de refuser le statut de réfugié à une femme menacée d’excision, à une militante combattant, dans son pays, pour les droits des femmes !
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas le sujet !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Nous vivons non pas dans une république bananière, mais dans un État de droit ! Puisque vous ne citez pas un seul cas, je suppose que c’est parce qu’il n’en existe pas ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mmes Éliane Assassi et Laurence Cohen. C’est scandaleux !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Le régime de protection qui est appliqué en France protège intégralement les auteurs de toutes ces actions politiques qui sont conduites à juste titre dans les pays où les droits des femmes sont bafoués. Si nous cherchons à énumérer les types d’actions politiques qui rendront leurs auteurs éligibles au statut de réfugié, nous dégraderons la protection des droits des réfugiés au lieu de la faire progresser.
Mme Esther Benbassa. Et pourquoi donc ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Les termes généraux de la protection des réfugiés suffisent ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Esther Benbassa. Et des femmes applaudissent ? Bravo, continuez comme ça !
M. François Bonhomme. Votre proposition n’est pas protectrice !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai bien écouté ce que vient de dire le président Philippe Bas. Nous devons avoir conscience du fait que nous faisons du droit.
Vous nous demandez, monsieur Bas, de citer un cas où l’OFPRA ou la CNDA aurait refusé de prendre en compte la situation d’une femme persécutée. Or, nous le disons depuis le début de l’après-midi, nous ne mettons en cause ni la compétence ni la pertinence du travail des agents de l’OFPRA ou des juges de la CNDA.
Hier soir, nous avons eu un long débat à propos de l’avortement. Chacun a pris position sur cette question très importante. Dans le même esprit, il est très important d’inscrire dans la loi que les persécutions subies par les femmes du monde entier doivent être prises en compte.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Mais elles le sont !
M. Jean-Pierre Sueur. À vous suivre, cher collègue Philippe Bas, cela reviendrait à mettre en cause les fonctionnaires de l’OFPRA, à sous-entendre qu’ils n’accorderaient pas à des femmes persécutées la solidarité qui leur est due.
Si nous croyons important d’adopter cet amendement, c’est parce que nous pensons qu’il s’agit d’un combat mondial mené par des femmes devant lesquelles nous devons nous incliner. Je vous l’assure, mes chers collègues, si le Sénat rejetait cet amendement, il enverrait un très mauvais signal, sur le plan national comme sur le plan international.
C’est pourquoi je me permets d’insister. Notre groupe a déposé une demande de scrutin public, afin que chacun ici se prononce sur un droit fondamental. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Bien entendu, monsieur le président de la commission des lois, j’imagine que tous nos collègues sont prêts à se mobiliser contre l’excision et contre toutes les pratiques cruelles et inhumaines subies par les femmes aux quatre coins de la planète.
Mais il n’y a pas que l’excision ! Vous demandiez des exemples, je vous donnerai un, celui des mariages forcés.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est la question de la reconnaissance du statut de réfugié par l’OFPRA que je soulevais !
Mme Laurence Rossignol. Dans certains pays d’origine considérés comme sûrs, on pratique les mariages forcés !
M. Stéphane Ravier. Ça se passe chez nous !
Mme Laurence Rossignol. Je suis personnellement le dossier d’une femme qui a dû fuir son pays, pourtant considéré comme sûr, parce qu’elle ne voulait pas épouser l’homme choisi par sa famille.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Elle a droit au statut de réfugié !
Mme Laurence Rossignol. Ce n’est pas aussi simple que vous le dites ! Pour accompagner cette femme depuis un certain temps, je le sais. La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas automatique.
Par ailleurs, cet amendement vise à protéger, outre les victimes de persécutions, les militants et les militantes qui luttent contre les discriminations, contre le sort qui est réservé aux femmes. Or cette protection n’apparaît pas clairement dans la convention de Genève, contrairement à ce que vous affirmiez tout à l’heure.
Combien de projets de loi à vocation d’affichage, de pédagogie ou de communication avons-nous votés ? Le Sénat pourrait bien lui aussi, pour une fois, voter un texte qui permette d’envoyer au monde entier le message que la France est aux côtés des militants et des militantes qui se battent pour les droits et la dignité des femmes. À moins que l’on ne veuille pas envoyer un tel message ? C’est la question que je me pose…
Les critiques et les oppositions que suscite cet amendement, à l’instar de celui sur l’avortement que nous avons défendu hier soir, ne sont pas à l’honneur de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Je m’associe aux propos de Mme Rossignol. J’ajouterai que, dans cette assemblée, les lois sont faites majoritairement par les hommes, le Sénat ne comptant que 25 % de femmes. Bien sûr, tout ce débat est aussi lié à cette situation.
Comme Mme Rossignol l’a dit, la protection que nous demandons ne concerne pas seulement les femmes victimes de persécutions, mais aussi les femmes combattantes, qui se battent pour la liberté et contre les forces politiques rétrogrades de leur pays. On ne peut pas toujours nous opposer que cette protection figure déjà dans le droit, qu’il serait redondant de l’inscrire dans ce texte !
Il faut faire de la pédagogie ! Il y a beaucoup à faire en la matière, et je tiens à rappeler que la France a été l’un des derniers pays modernes à avoir donné le droit de vote aux femmes, en 1945…
M. Bruno Sido. Accordé par de Gaulle !
M. François Bonhomme. Par un homme !
Mme Esther Benbassa. Si nous attendions que les hommes qui font la loi nous donnent quelques droits, nous n’irions pas loin !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 62 rectifié.
J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public, émanant, l’une, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, l’autre, du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, en raison d’un doute sur le résultat du scrutin, les secrétaires vont devoir recompter manuellement les bulletins. (Exclamations sur diverses travées.)
Mme Esther Benbassa. Les femmes causent toujours des problèmes ! (Sourires.)
Mme la présidente. Nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures dix.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 142 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Pour l’adoption | 166 |
Contre | 166 |
Le Sénat n’a pas adopté. (Marques de déception sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
L’amendement n° 87 rectifié, présenté par M. Malhuret et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour évaluer les demandes d’asile formulées par des migrants se fondant sur des actes de persécution dans leur pays d’origine en raison de leur identité sexuelle, de leur orientation sexuelle, ou de leurs pratiques sexuelles, les associations de lutte contre les persécutions fondées sur le sexe ou l’orientation sexuelle mentionnées à l’article L. 723-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ou les associations de lutte contre les persécutions fondées sur le sexe ou l’orientation sexuelle et reconnues d’utilité publique, peuvent être consultées par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le cadre de l’instruction de la demande.
Ces mêmes associations, lorsqu’elles ont eu à connaître de la situation du demandeur d’asile, sont également recevables à délivrer au demandeur d’asile susvisé, à sa demande, toute attestation sur les éléments recueillis auprès de lui. Les éléments ainsi recueillis ou fournis par ces associations sont annexés au dossier de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ou devant la Cour nationale du droit d’asile.
La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Cet amendement a pour objet de prévoir le recours à l’expertise des associations de lutte contre les persécutions fondées sur le sexe ou l’orientation sexuelle dans le cas de l’étude des demandes d’asile se fondant sur des actes de persécution dans le pays d’origine en raison de l’identité sexuelle, de l’orientation sexuelle ou des pratiques sexuelles.
Selon la directive 2004/83/CE du Conseil de l’Europe du 29 avril 2004, les persécutions liées à l’appartenance à un groupe social menacé sont reconnues comme motif d’asile, à l’instar de celles qui sont fondées sur la race, la religion, les idées politiques ou l’appartenance à une ethnie. Dans son arrêt du 7 novembre 2013, la Cour de justice de l’Union européenne établit que les personnes homosexuelles peuvent constituer un groupe social menacé au sens de la convention de Genève sur les réfugiés.
Les autorités françaises évaluent le caractère fondé ou infondé de la demande sur la base du récit biographique communiqué à l’OFPRA, de l’entretien conduit par l’officier de protection chargé du dossier et, le cas échéant, du recours soumis à la CNDA. Compte tenu du caractère hautement personnel et intime de ces discriminations, le recours à l’expertise des associations spécialisées est susceptible d’aider les officiers de protection dans l’évaluation des demandes d’asile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement tend à instaurer un rôle de conseil auprès de l’OFPRA pour les associations de lutte contre les persécutions fondées sur le sexe ou l’orientation sexuelle. L’OFPRA pourrait les consulter lors de l’évaluation de la demande d’asile, et elles seraient habilitées à recueillir des informations sur le récit du demandeur d’asile, qui seraient annexées au dossier.
La commission des lois souhaite que l’OFPRA conserve toute sa liberté et son autorité en matière d’instruction des dossiers, qui sont individuels. Il ne nous semble pas utile de mettre en place une forme de délégation. La commission considère que l’OFPRA doit pouvoir consulter l’ensemble de ces associations et recueillir leurs avis – cela se fait déjà en pratique –, mais ne souhaite pas que l’on aille au-delà du fonctionnement actuel. Dans le cas contraire, il faudrait en outre définir quel type d’associations serait concerné et s’interroger sur la délivrance ou non d’une habilitation. Cela risquerait de devenir assez complexe. Laissons à l’OFPRA la possibilité d’agir à l’égard des associations, quelles qu’elles soient.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Même avis. Il existe, au sein de l’OFPRA, un groupe de travail sur les sujets de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre qui organise des ateliers.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. J’ajoute que les associations peuvent également jouer un rôle de conseil auprès du demandeur et l’accompagner lors des entretiens individuels.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret, pour explication de vote.
M. Claude Malhuret. M. le rapporteur fonde sa demande de retrait sur l’idée que l’OFPRA doit pouvoir solliciter des avis mais ne saurait y être tenu. Or l’amendement n’impose pas à l’OFPRA de recueillir l’avis des associations ; il s’agirait d’une simple possibilité. Je maintiens mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 124 rectifié bis, présenté par Mmes Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 712-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le bénéfice de la protection subsidiaire est également accordé à toute personne ayant subi la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants entre le départ de son pays d’origine et son entrée sur le territoire français. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Les causes qui poussent les exilés à s’arracher à leur terre de naissance sont multiples : guerre, instabilité sociale et politique, catastrophe naturelle, discrimination fondée sur le genre ou l’orientation sexuelle, précarité économique… Ces personnes prennent des risques parfois inconsidérés pour elles-mêmes et pour leurs familles, dans l’espoir de trouver une vie meilleure sur le continent européen. Mais, une fois qu’elles sont arrivées en Europe, leur requête est parfois – trop souvent – jugée irrecevable et le statut de réfugié leur est refusé.
Dans ces situations, on a tendance à oublier le trajet parcouru par ces exilés. L’évaluation des dossiers se fait sur la base de la situation dans le pays d’origine et du comportement adopté sur le territoire français. Aucun cas n’est fait de la violence et de la dureté de la vie sur les routes pour rejoindre l’Europe, des pressions des passeurs, des conditions de traversée d’une Méditerranée souvent hostile, pour des femmes, des enfants, des exilés qui ont subi des violences, la misère.
On ne prend conscience de l’ampleur de la difficulté du parcours migratoire que lorsqu’on l’a vécue. Ce n’est probablement le cas que de très peu des membres de la Haute Assemblée, des agents de l’OFPRA ou des magistrats de la CNDA…
C’est pourquoi les auteurs du présent amendement proposent d’introduire dans le texte un article prévoyant d’ouvrir le bénéfice de la protection subsidiaire aux personnes ayant subi la torture ou des peines et traitements inhumains et dégradants durant leur parcours migratoire.
Chers collègues, la violence subie lors du parcours migratoire doit suffire en elle-même à justifier l’attribution d’un titre de séjour !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement est très particulier. Alors que la protection subsidiaire s’applique aujourd’hui lorsque la personne a subi des atteintes graves dans son pays d’origine, il est proposé d’en élargir le champ au trajet pour rejoindre l’Europe.
Le dispositif que nous avons adopté à l’article 5 bis permet à l’OFPRA de mener sur place des missions de réinstallation, afin d’éviter aux intéressés des voyages extrêmement dangereux. L’amendement me paraît donc en grande partie satisfait. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Madame Benbassa, afin de ne pas avoir un point de vue seulement théorique, je me suis rendu à Agadez, d’où partent les migrants d’Afrique de l’Ouest. Ils traversent le désert et parviennent en Libye, où ils s’installent dans des camps. Les passeurs les traitent de manière totalement inhumaine. Certains migrants renvoyés de Libye m’ont raconté leur parcours : ils ont été battus, violés…
Faisons passer aux jeunes le message que leur avenir est en Afrique ! Croyez-moi, la politique que le Gouvernement essaye de mener est préférable à la perpétuation des illusions ! Je suis défavorable à cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le ministre d’État, pensez-vous que ces personnes fuient leur pays uniquement pour des raisons économiques ? Si elles le font, c’est parce qu’elles ne s’y sentent pas en sécurité. Mais vous ramenez tout à la migration économique, en mettant en avant vos discussions avec les dirigeants des pays de l’ancien espace colonial.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 124 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 459 rectifié bis, présenté par MM. Ravier et Masson, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 713-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 713-6-… ainsi rédigé :
« Art. L. 713-6-… – Les demandes d’asile sont déposées auprès du réseau consulaire français ou auprès des sections consulaires des ambassades françaises à l’étranger. »
La parole est à M. Stéphane Ravier. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. Stéphane Ravier. Eh bien, mon intervention réveille l’assistance !
Afin d’éviter une reconduite à la frontière, les clandestins concernés s’empressent de déposer une demande d’asile, ce qui leur ouvre éventuellement le droit à un hébergement et à un pécule.
Seul un faible pourcentage des demandes d’asile ou de protection aboutissent, ce qui montre le caractère abusif de la majorité de ces démarches.
La fraude à l’asile est très tentante, dans la mesure où les étrangers concernés sont déjà présents sur le territoire français. Il est d’ailleurs très difficile de réunir toutes les conditions pour les reconduire à la frontière. Les chiffres sont accablants : seulement 14 % des obligations de quitter le territoire français, les OQTF, sont réellement exécutées, et seulement 4 % des demandeurs d’asile déboutés quittent effectivement notre territoire.
Devant cette situation, le présent amendement tend à imposer aux demandeurs d’asile de déposer leur dossier dans leur pays d’origine, auprès d’un poste consulaire français, lequel ne devant pas nécessairement être situé dans le pays de résidence de l’étranger réellement menacé. Adopter cette disposition, parfaitement conforme au droit international, n’aurait rien d’illogique. Ce serait même de bon sens.
Il est temps de renverser la vapeur et de prendre des mesures propres à inverser le cours des choses. Tous les pays du monde appliquent strictement cette procédure pour les demandes de visa. Nos postes diplomatiques à l’étranger disposent de services suffisamment étoffés pour traiter les demandes de visa d’entrée en France ; il suffira de les mandater pour traiter les demandes d’asile.
Nous ne voulons plus de procédures trop longues et coûteuses pour retrouver ceux qui, déboutés du droit d’asile, ont disparu dans la nature – sans être tout à fait perdus, je le dis pour rassurer les bonnes âmes, qui ne manquent pas dans cet hémicycle…