M. Fabien Gay. C’est sûr que vous n’en faites pas partie !
M. Stéphane Ravier. … et qui ont une vision lacrymales de l’asile : tous ces déboutés ont un toit au-dessus de leur tête, tous sont soignés et tous bénéficient des largesses de notre système social (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.),…
M. David Assouline. N’importe quoi !
M. Stéphane Ravier. … tandis que 9 millions de nos compatriotes, dont beaucoup sont d’origine étrangère et essayent de s’intégrer, vivent sous le seuil de pauvreté, que 3,5 millions sont mal logés et que certains renoncent même à se soigner !
Tout le monde n’a pas la chance d’être clandestin en France !
Mme Cécile Cukierman. Franchement, vous êtes grave !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est évidemment défavorable à cet amendement.
D’abord, une telle mesure est contraire à la Constitution et aux engagements internationaux auxquels la France est partie.
Ensuite, un tel dispositif ne saurait s’appliquer dans le pays d’origine. Comment imaginer qu’une personne victime de persécutions se rende sagement au consulat ou à l’ambassade de France pour y déposer son dossier ?
En revanche, il est déjà possible de déposer la demande dans une ambassade ou un consulat français situés dans un pays tiers.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Le projet de loi vise précisément, d’une part, à faire en sorte que celles et ceux dont la demande est recevable puissent obtenir le statut de réfugié dans les six mois et rester en France, et, d’autre part, à lutter contre l’immigration clandestine. Nous faisons en sorte que les choses soient tranchées : c’est la position que je défendrai tout au long du débat.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. J’ignore si j’ai une vision lacrymale de l’asile, mais je peux certifier que le dispositif de cet amendement méconnaît totalement la réalité des réseaux consulaires.
Il est en fait proposé de démembrer l’OFPRA, pour répartir ses missions, dont l’exercice nécessite des officiers de protection extrêmement bien formés, entre les ambassades et les consulats. Comme l’a excellemment souligné M. le rapporteur, une personne victime de persécutions ne va pas sonner à la porte du consulat français pour se faire cueillir par la police à la sortie ! Cet amendement relève purement du rêve ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Éliane Assassi. Oui enfin, plutôt du cauchemar !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 459 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 5 bis (nouveau)
Le premier alinéa de l’article L. 721-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il peut, pour assurer cette mission, se rendre directement dans un pays tiers pour y mener des opérations de réinstallation vers la France. » – (Adopté.)
Article 5 ter (nouveau)
Après l’article L. 713-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 713-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 713-1-1. – Après l’octroi du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire, l’intéressé signe une charte par laquelle il s’engage à reconnaître et à respecter la primauté des lois et des valeurs de la République parmi lesquelles la liberté, l’égalité dont celle des hommes et des femmes, la fraternité et la laïcité. » – (Adopté.)
Article 6
I. – Le titre III du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 731-2 est ainsi modifié :
a et a bis) (Supprimés)
b) Après la deuxième phrase du second alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il en est de même lorsque l’office prend une décision mettant fin au statut de réfugié en application de l’article L. 711-6 ou au bénéfice de la protection subsidiaire en application des 1° ou 3° de l’article L. 712-3 pour le motif prévu au d de l’article L. 712-2. » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article L. 733-1 est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi modifiée :
– après la première occurrence du mot : « cour », sont insérés les mots : « , et sous réserve que les conditions prévues au présent alinéa soient remplies » ;
– après le mot : « confidentialité », sont insérés les mots : « et la qualité » ;
b) Après la troisième phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « L’interprète mis à disposition du demandeur est présent dans la salle d’audience où ce dernier se trouve. En cas de difficulté pour obtenir le concours d’un interprète qualifié présent physiquement auprès du demandeur, l’audience ne se tient qu’après que la cour s’est assurée de la présence, dans la salle où elle siège, d’un tel interprète tout au long de son déroulement. » ;
b bis) (nouveau) L’avant-dernière phrase est ainsi modifiée :
– après le mot : « opérations », sont insérés les mots : « , pour lesquelles il est recouru à des personnels qualifiés permettant d’assurer la bonne conduite de l’audience sous l’autorité de son président, » ;
– la première occurrence du mot : « ou » est remplacée par le mot : « et » ;
c) La dernière phrase est supprimée.
II. – (Non modifié) Le titre III du livre II du code de justice administrative est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa de l’article L. 233-5, les mots : « de président de formation de jugement et » sont supprimés ;
2° À la fin du second alinéa de l’article L. 234-3, les mots : « , pour une durée de trois ans, renouvelable sur leur demande » sont supprimés.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.
M. Richard Yung. À titre personnel, je me réjouis de la décision de la commission des lois de maintenir à un mois le délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile.
En effet, je ne suis pas convaincu que fixer ce délai à quinze jours, comme le proposent l’Assemblée nationale et le Gouvernement, soit « raisonnable », sachant que le délai d’un mois était déjà dérogatoire par rapport au délai de recours de droit commun en contentieux administratif, qui est de deux mois.
De nombreux demandeurs d’asile risquent de renoncer à former un recours contre les décisions de l’OFPRA, et l’effet interruptif de la demande d’aide juridictionnelle n’apporte aucune garantie, dans la mesure où les avocats désignés disposeront en fait du même temps pour rédiger la requête et introduire le recours, à savoir quinze jours.
Par ailleurs, je crains que la réduction du délai, telle qu’elle est proposée, n’entraîne une augmentation du stock de recours en attente d’être jugés – il s’établit aujourd’hui à 25 000, ce qui est tout à fait considérable –, et, partant, un allongement des délais de traitement.
Pour ces raisons, je me félicite que la commission propose de revenir au délai d’un mois.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Avant d’aborder l’examen de cet article important qu’est l’article 6, je voudrais donner quelques explications sur les fondements de ce projet de loi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, contrairement à ce qu’ont pu dire un certain nombre d’entre vous, quand je m’exprime au Sénat, je m’adresse non pas à la gauche ou à la droite, mais à l’ensemble des sénateurs, en tant que représentants de la Nation.
La situation que nous connaissons aujourd’hui est extrêmement compliquée. Il faut en avoir bien conscience.
La France est devenue le deuxième pays en Europe en termes de nombre de demandes d’asile, avec 126 000 demandes, derrière l’Allemagne, qui n’en compte plus, si je puis dire, que 136 000, et devant l’Italie, où 100 000 demandes d’asile ont été déposées. Ces derniers mois, l’augmentation du nombre de demandes a eu tendance à s’accentuer.
Cette situation est-elle une fatalité ? Non, c’est une question de volonté.
Tout à l’heure, on a parlé des demandes d’asile d’Albanais. Elles furent extrêmement nombreuses dans les dernières années et leur flux reste encore important aujourd’hui, mais le nombre d’entrées sur le territoire français a diminué de 43 % au cours des six derniers mois, à la suite des discussions que nous avons eues avec les autorités albanaises.
Nous allons mener la même démarche avec la Géorgie. En effet, nous avons constaté une augmentation de 363 % des demandes d’asile déposées par des ressortissants géorgiens. Je vais m’entretenir la semaine prochaine avec mon homologue géorgien : on ne peut pas voyager sans visa dans les pays de l’Union européenne et venir immédiatement déposer une demande d’asile.
Vous connaissez la situation en Europe, notamment en Italie. Nous avons prononcé 85 000 décisions de non-admission aux frontières l’année dernière, mais nous savons que quelque 300 000 personnes présentes en Italie se pressent à nos frontières.
Alors oui, il faut, comme nous vous le proposons, raccourcir les délais, sans rechercher dans toutes les parties du texte des raisons de s’y opposer. En rester à la situation actuelle, je vous le dis, serait mortifère. Si nous persistons dans la voie que nous suivons aujourd’hui, nos concitoyens vont désespérer, et lorsque les peuples désespèrent, on sait comment ils se prononcent. (Mme Éliane Assassi s’exclame.)
Je vous demande donc, toutes tendances confondues, de voter le texte tel que nous vous le proposons. Oui, nous voulons réduire à quinze jours le délai pour former un recours devant la CNDA. Il sera toujours possible de demander le bénéfice de l’aide juridictionnelle : cela rallongera le délai, mais il demeurera inférieur à ce qu’il serait si l’on en restait à trente jours.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je le répète, je vous demande de voter le projet de loi en l’état. Sinon, nous ne pourrons venir à bout des grandes difficultés auxquelles notre pays est confronté et, demain, les Français nous le reprocheront.
Mme Éliane Assassi. N’importe quoi ! Ils vous reprochent déjà beaucoup de choses !
Mme Esther Benbassa. Vous n’êtes pas à ça près !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, sur l’article.
M. Jean-Yves Leconte. Opportunément, notre rapporteur a souhaité maintenir à trente jours le délai de recours devant la CNDA. En effet, ce délai est un minimum, sachant que la procédure devant la CNDA peut être très rapide si la décision est prise via une ordonnance nouvelle, sur le fondement du recours très sommaire qui aura pu être formé par le demandeur d’asile ayant reçu une réponse négative de l’OFPRA.
Par conséquent, il est préférable d’en rester à trente jours, plutôt que de suivre l’Assemblée nationale et de ramener le délai à quinze jours avec la pseudo-garantie d’un recours sommaire susceptible d’être complété, la CNDA pouvant décider de statuer avant même que ce complément ait été présenté.
Trente jours représentent d’autant plus un minimum que le dossier doit être rédigé en français et qu’il faut pouvoir réunir des éléments susceptibles de convaincre la CNDA du bien-fondé du recours. Adopter la proposition du Gouvernement entraînerait un réel recul des droits des demandeurs d’asile.
Monsieur le ministre d’État, votre seule préoccupation semble être de réduire les délais, quelles qu’en soient les conséquences, mais, entre 2016 et 2017, le stock de recours devant la CNDA a augmenté de 30 % : si l’on réduit le délai à quinze jours, il risque de s’accroître encore, même si certains demandeurs d’asile déboutés n’arrivant pas à former leur recours à temps seront confrontés à un déni de droit. Or la CNDA a si peu de moyens qu’elle ne parvient déjà pas, aujourd’hui, à traiter les dossiers dans les délais qui lui sont impartis.
M. David Assouline. Bien sûr !
M. Jean-Yves Leconte. Je rappelle que les délais de traitement sont de près de trois mois en procédure accélérée, alors qu’ils devraient être de cinq semaines, et qu’ils sont de sept à huit mois en procédure normale, contre cinq mois en théorie. (Manifestations d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il est important de respecter les droits des demandeurs d’asile et de veiller à ce que la CNDA puisse travailler correctement.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, sur l’article.
M. Didier Marie. M. le ministre d’État a le mérite d’être franc et clair. Ses propos attestent qu’il s’agit bien d’un texte de dissuasion, comme nous le disons depuis le début de son examen. L’objectif n’est en aucune façon d’améliorer le traitement des requêtes, mais d’éviter autant que possible que des demandes d’asile soient déposées dans notre pays.
M. le ministre d’État nous dit que l’opinion publique est exaspérée. Mais pourquoi l’est-elle ? Aujourd’hui, journée mondiale des réfugiés, alors que 68 millions de personnes, dont la moitié sont des enfants, ont quitté leur pays, on nous explique encore qu’il nous faut nous protéger, et non pas les protéger… Lorsque l’on tient ce discours à longueur de temps, il est assez normal qu’une partie de nos concitoyens adhèrent au repli sur soi.
Nous l’avons dit, la solution est européenne. Alors que l’Europe est en crise, que les pays européens se déchirent, que l’Union européenne se délite, la France, plutôt que de promouvoir la solidarité, de la construire, fait comme d’autres pays et se replie sur elle-même. Elle fait en sorte que les demandeurs d’asile ne viennent plus frapper à sa porte. C’est totalement inadmissible !
Monsieur le ministre d’État, former un recours devant la CNDA, c’est la possibilité, pour des personnes certes déboutées par l’OFPRA, mais toujours présumées réfugiées, de faire valoir correctement jusqu’à la décision définitive leurs droits et les éléments relatifs aux persécutions qu’elles risquent de subir en cas de renvoi dans leur pays d’origine.
Ce délai, aujourd’hui fixé à un mois, est déjà inférieur de beaucoup au délai de recours octroyé à nos concitoyens dans les procédures administratives. La directive Procédures du 26 juin 2013 préconise de fixer des délais raisonnables pour permettre au demandeur d’exercer son droit à un recours effectif, en précisant que ces délais ne doivent pas rendre cet exercice impossible ou excessivement difficile. (Nouvelles manifestations d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il faut donc, monsieur le ministre d’État, rétablir le délai d’un mois.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.
M. David Assouline. Il y a, d’un côté, l’objet de cet article, et, de l’autre, le contexte, que ne cesse d’invoquer M. le ministre d’État à l’appui de sa proposition.
Monsieur le ministre d’État, c’est toute la philosophie de votre projet de loi que nous contestons. Nous ne pouvons nous résoudre à accepter que l’objectif de la France, aujourd’hui, soit de dissuader les migrants de rejoindre son territoire.
Nous nous étions plutôt enorgueillis, jusqu’alors, d’être un pays d’accueil et d’avoir cette réputation dans le monde. Nous nous félicitions que les personnes persécutées considèrent que c’est en France qu’elles seraient le mieux traitées.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Avec quels moyens ?
M. David Assouline. Justement, les moyens, on n’en parle pas ; on se borne à dire : « Surtout, ne venez pas chez nous ! »
On lance des chiffres pour faire peur. Le sujet n’est pas de savoir si la France est le deuxième ou le premier pays d’Europe pour le nombre de demandes d’asile déposées. Nous devons l’asile aux personnes qui remplissent les conditions requises. Dans cette perspective, il faut que les procédures leur permettant de faire valoir leurs droits, d’argumenter, de convaincre soient praticables. Quinze jours pour former un recours, ce n’est franchement pas assez !
Parlons des moyens : un rapporteur de la CNDA doit traiter 300 dossiers dans l’année, soit à peu près un dossier par journée de travail. Il doit instruire, parfois passer des heures sur un détail, vérifier des faits. Déjà les magistrats de la CNDA nous disent qu’ils n’y arrivent pas, que c’est de l’abattage ! Vouloir réduire le délai de recours à quinze jours, c’est méconnaître la réalité : la CNDA n’a pas les moyens d’instruire de façon correcte les dossiers dans ces conditions. Qui va s’en sortir ? Ceux-là mêmes que vous voulez combattre, monsieur le ministre d’État, c’est-à-dire ceux qui sont dans les mains de gens ayant les moyens de les aider… (« C’est fini ! » sur les travées du groupe Les Républicains.) En revanche, les personnes de bonne foi resteront sur le carreau, faute de moyens.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre d’État, vous avez dit tout à l’heure que vous souhaitez que tout le Sénat vous entende, quelle que soit l’appartenance politique des uns et des autres. Peut-être pourriez-vous aussi entendre le Sénat, une assemblée que vous connaissez bien pour en avoir été membre,…
Mme Éliane Assassi. Il n’était pas souvent là !
M. Jean-Pierre Sueur. … quand il s’exprime comme il a choisi de le faire majoritairement, au sein de la commission des lois, sur le délai pour former un recours devant la CNDA.
M. Richard Yung, dont chacun connaît la grande ouverture d’esprit (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.), et M. le rapporteur de la commission des lois, François-Noël Buffet, dont chacun respecte le travail, se sont prononcés en faveur du maintien du délai de recours à un mois. La majorité de la commission des lois, dont vous connaissez la coloration politique, monsieur le ministre d’État, a suivi son rapporteur.
Monsieur le ministre d’État, vous semblez penser que réduire les droits des demandeurs d’asile ferait tout d’un coup baisser le nombre de ceux-ci, que tous les déboutés seraient reconduits – le taux de reconduite est actuellement de 5 % ! – et qu’il n’y aurait donc plus d’« appel d’air », selon la formule consacrée. Mais en êtes-vous sûr ?
M. David Assouline. Eh non !
M. Jean-Pierre Sueur. Il faut lutter, et nous lutterons –cela va prendre du temps et beaucoup d’énergie – contre une partie de l’Europe qui est xénophobe, l’Europe de la fermeture. Nous savons que vous aussi voulez mener ce combat, monsieur le ministre – je vous en donne acte –, mais ce n’est pas en réduisant les règles de droit élémentaires que vous y parviendrez. Vous savez ce qu’a dit le Conseil d’État sur cette réduction à quinze jours du délai de recours. Croyez-vous que tous les Français se trouveront tout d’un coup rassurés parce que des êtres humains n’auront plus les moyens concrets de se défendre ?
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Sueur. Eh bien non, nous défendons le droit, et nous pensons qu’il faut continuer à le faire.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, sur l’article.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre d’État, je serais tenté de vous suivre…
Je ne peux laisser sans réponse certains propos. La France, soudain, découragerait les demandeurs d’asile ? Il y en a eu 40 000 en 2011, il y en a 125 000 en 2018 : leur nombre a été multiplié par trois en six ans, et l’on nous accuse de décourager les demandeurs d’asile ! Mes chers collègues, vous avez une conception de l’arithmétique assez curieuse !
Il est clair que la politique actuelle de l’asile ne décourage pas les demandeurs. À la place du Gouvernement, je définirais une politique de l’asile certainement plus rigoureuse, en m’attachant particulièrement à la détermination des pays d’origine sûrs.
Nous le savons bien, les demandeurs d’asile déboutés par l’OFPRA sont déjà accompagnés par des associations, des avocats devant la CNDA. Ils peuvent former leur recours en quinze jours.
Cependant, monsieur le ministre d’État, je suivrai finalement la commission, qui a créé une nouvelle cohérence du texte en renforçant un certain nombre de ses dispositifs, en particulier en matière de contrôles ou de définition des plafonds par le Parlement.
Bien sûr, c’est un débat compliqué. Pour ma part, je ne crois absolument pas que nous dissuadions les demandeurs d’asile. Monsieur le ministre d’État, vous avez raison : si l’on ne parvient pas à traiter les dossiers dans des délais assez brefs, que ce soit devant l’OFPRA ou devant la CNDA, nous aurons toujours davantage de demandeurs, et l’opinion publique ne l’acceptera pas.
Néanmoins, par cohérence et par fidélité envers le rapporteur et le président de la commission des lois, je soutiendrai le texte élaboré par celle-ci. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il y a deux objectifs possibles, difficiles à concilier.
Le premier objectif est de faire en sorte que le délai de recours devant la CNDA ne soit pas si bref que les personnes les plus vulnérables n’auraient pas le temps de formuler leur demande. Chacun ici comprend cette exigence.
Le second objectif est de continuer à progresser dans la maîtrise des délais de traitement par la CNDA des recours contre les décisions de refus de l’OFPRA. C’est une nécessité impérieuse car, on le sait bien, plus longtemps les personnes destinées à être définitivement déboutées du droit d’asile restent sur le sol français, avec la protection provisoire qu’ils tirent de la poursuite des procédures, plus il est difficile de les renvoyer dans leur pays.
Monsieur le ministre d’État, la raison pour laquelle la commission n’a pas cru devoir retenir votre proposition, c’est qu’elle constitue un compromis qui ne nous paraît pas efficace. Nous pensons que l’apport de l’Assemblée nationale sur ce point, qui consiste à accepter le délai de quinze jours, le requérant pouvant se contenter de déposer une requête sommaire, éventuellement complétée ensuite par un mémoire complémentaire, n’a pas été bénéfique. Avec cette formule, on attendra en fait que le requérant veuille bien déposer une requête complémentaire. Du coup, je crains fort que les quinze jours gagnés grâce à la réduction du délai de recours ne soient perdus ensuite dans la phase d’instruction, puisque la procédure sera en quelque sorte suspendue à la présentation du mémoire complémentaire. Je vois très bien qu’aucun magistrat de la CNDA ne se permettra, alors qu’un mémoire complémentaire est annoncé dans la requête sommaire, d’inscrire au rôle pour le jugement la demande faite par un débouté du droit d’asile.
Nous sommes en train de discuter d’une proposition pétrie des meilleures intentions pour assurer l’efficacité de la gestion de la demande d’asile, mais qui est en réalité assez peu efficace au regard de ce critère, alors même qu’elle pose un problème pour les personnes vulnérables, qui auront moins de temps pour former leur recours.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Je suis vraiment désolé d’être en désaccord avec M. le président de la commission des lois, pour qui j’ai une grande estime.
Pour ne pas réduire les droits, nous avons beaucoup augmenté les effectifs. Afin de pouvoir tenir les délais que nous nous sommes donnés, nous avons affecté quinze personnes supplémentaires à l’OFPRA, dont les moyens en personnel ont été multipliés par quatre en l’espace de trois ans.
M. David Assouline. Par nous !
M. Jean-Yves Leconte. On parle de la CNDA !
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Nous avons également augmenté les effectifs de la CNDA. Cela a permis la création de cinquante et un postes, qui n’ont pas encore tous été pourvus : cela relève de la diligence du président de la CNDA, et j’espère qu’il fera le nécessaire le plus rapidement possible. Dans les préfectures, nous avons embauché 150 personnes pour pouvoir réduire les délais. Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous donnons les moyens de nos ambitions.
Les lois votées produisent-elles des effets ? Oui ! Par exemple, depuis l’adoption de la proposition de loi Warsmann, le nombre d’éloignements de « dublinés » a augmenté de 60 %. Ce qui est voté au Sénat comme à l’Assemblée nationale a donc une certaine importance. Depuis que je suis ministre de l’intérieur, le nombre d’éloignements forcés a augmenté de 11 %, celui des départs de notre pays de 22 %. C’est une de nos priorités.
Oui, on peut avoir une politique permettant à la fois que ceux qui ont droit à la protection soient, en l’espace de six mois, intégrés sur notre territoire et que soient déboutés ceux qui n’y ont pas droit.
Que dit le Conseil d’État au sujet de la réduction à quinze jours du délai de recours ? Permets-moi de vous donner lecture de son avis : « Un tel délai de quinze jours, qui peut être couplé avec un délai de même durée interruptif du premier, pour demander l’aide juridictionnelle et n’interdit pas de compléter les motivations en fait et en droit du recours, comme de produire des pièces nouvelles, après son expiration et jusqu’à clôture de l’instruction peut être regardé comme “raisonnable” au sens de la directive précitée du 26 juin 2013. »
Je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de prendre vos responsabilités et de voter la proposition que nous vous faisons.
M. Jean-Pierre Sueur. M. le ministre d’État n’a lu que la moitié du paragraphe ! C’est trop facile ! (M. Jean-Pierre Sueur brandit un document.)
Mme la présidente. Monsieur Sueur, vous ne pouvez pas reprendre la parole, vous vous êtes déjà exprimé sur l’article.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 418, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rétablir les a et a bis dans la rédaction suivante :
a) À la seconde phrase du premier alinéa, les mots : « d’un mois » sont remplacés par les mots : « de quinze jours » ;
a bis) Le même premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Ils mentionnent l’objet de la demande et l’exposé sommaire des circonstances de fait et de droit invoquées à leur appui. Ils peuvent être complétés par des mémoires, pièces et actes de procédure dans un délai fixé par décret en Conseil d’État. » ;
La parole est à M. le ministre d’État.