Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote sur l’article.
M. Pierre Laurent. Je souhaite réagir aux propos tenus par Alain Richard en réponse à Fabien Gay.
Il ne s’agit pas pour nous d’offenser quiconque : nous mettons en cause les critères selon lesquels est établie la liste des pays prétendument sûrs.
M. Alain Richard. Vous portez des accusations extrêmement graves !
M. Pierre Laurent. Votre réponse témoigne du caractère très arbitraire d’un tel classement. Les faits évoqués par Fabien Gay correspondent à la réalité.
M. Alain Richard. Non !
M. Pierre Laurent. Ceux que vous avez avancés sont peut-être une part de la réalité, mais, dans la pratique, cela ne signifie pas que ces pays ne sont pas dangereux : des personnes y ont subi des persécutions et des discriminations. Au lieu de partir des situations individuelles concrètes, on oblige l’OFPRA à étudier les demandes en se fondant sur une liste arbitraire de pays dits sûrs. Nous avons eu ce débat sur la Turquie. Demain, peut-être, nous serons amenés à nous demander si les États-Unis, où l’on met en cage un très grand nombre d’enfants, peuvent être considérés comme un pays sûr. Qui, parmi vous, est prêt à dire aujourd’hui que ce pays est dangereux pour les migrants ?
Nous mettons en cause l’arbitraire des critères fondant l’établissement de la liste des pays dits « sûrs ». Au lieu d’examiner la situation des personnes au regard du droit, on en vient à rejeter a priori les demandes des migrants originaires de ces pays. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Roland Courteau applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote sur l’article.
M. Roger Karoutchi. M. Assouline nous dit que le vrai sujet, ce sont les moyens accordés à l’OFPRA pour traiter les dossiers.
J’ai déjà reconnu en commission des finances et dans cet hémicycle que l’on devait au gouvernement de François Hollande le renforcement des moyens de l’OFPRA,…
M. David Assouline. C’est vrai !
M. Roger Karoutchi. … ce qui avait permis de réduire considérablement les délais de traitement des demandes. Je ne peux pas faire plus ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Je voudrais donc que ceux des membres du groupe socialiste qui se reconnaissent encore dans l’action de cet ancien gouvernement (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.) tiennent compte de ces efforts et admettent que l’OFPRA peut fonctionner avec les moyens dont il dispose aujourd’hui. Qui plus est, l’actuel gouvernement s’est engagé à renforcer encore ses moyens. Cela va donc dans le bon sens : de Hollande à Macron, vive l’OFPRA ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 5, modifié.
J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public, émanant l’une du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, l’autre du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 141 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l’adoption | 228 |
Contre | 100 |
Le Sénat a adopté.
Articles additionnels après l’article 5
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 335 rectifié quater, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 722-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers est ainsi modifié :
1° Les premier et deuxième alinéas sont remplacés par quinze alinéas ainsi rédigés :
« L’office est administré par un conseil d’administration qui comprend :
« 1° Deux personnalités qualifiées, une femme et un homme, reconnues pour leurs compétences dans les domaines juridique et géopolitique, nommées par le Président de l’Assemblée nationale pour une durée de trois ans, après approbation à la majorité qualifiée des trois cinquièmes de ses membres par la commission permanente compétente en matière de droit d’asile ;
« 2° Deux personnalités qualifiées, une femme et un homme, reconnues pour leurs compétences dans les domaines juridique et géopolitique, nommées par le Président du Sénat pour une durée de trois ans, après approbation à la majorité qualifiée des trois cinquièmes de ses membres par la commission permanente compétente en matière de droit d’asile ;
« 3° Deux représentants, une femme et un homme, du personnel de l’office ;
« 4° Deux représentants, une femme et un homme, des organismes participant à l’accueil et à la prise en charge des demandeurs d’asile et des bénéficiaires d’une protection internationale ;
« 5° Des représentants de l’État qui sont :
« – deux personnalités, une femme et un homme, nommées par décret du Premier ministre pour une durée de trois ans ;
« – un représentant du ministère de l’intérieur ;
« – un représentant du ministère chargé de l’asile ;
« – le secrétaire général du ministère des affaires étrangères ;
« – le directeur des affaires civiles et du sceau au ministère de la justice ;
« – un représentant du ministre chargé des affaires sociales ;
« – un représentant du ministre chargé des droits des femmes ;
« – un représentant du ministre chargé des outre-mer ;
« – le directeur du budget au ministère chargé du budget. » ;
2° Les trois premières phrases du dernier alinéa sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « Le délégué du haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés assiste aux séances du conseil d’administration et peut y présenter ses observations et ses propositions. »
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les membres du conseil d’administration de l’office ne sont pas rémunérés et aucun frais lié à leur appartenance au conseil ne peut être pris en charge par une personne publique ».
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Cet amendement est le premier d’une série présentée par notre groupe visant à réformer la composition du conseil d’administration de l’OFPRA.
Le débat que nous venons d’avoir en témoigne, l’établissement de la liste des pays « sûrs » est un sujet extrêmement sensible. Cela justifie que l’OFPRA, outre ses compétences et ses moyens propres, puisse bénéficier de la plus grande expertise.
Par cet amendement, nous proposons de substituer aux quatre parlementaires – deux par chambre – siégeant au conseil d’administration de l’OFPRA des personnalités qualifiées, choisies précisément pour leurs compétences dans les domaines juridique et géopolitique.
Les parlementaires peuvent exercer leur fonction de contrôle par bien d’autres moyens que siéger au sein du conseil d’administration. En revanche, il nous semble important, au vu de l’expertise requise pour apprécier le caractère « sûr » des pays d’origine des demandeurs, de pouvoir nommer des personnes hautement qualifiées dans les domaines juridique et géopolitique. Les procédures et conditions de nomination en vigueur pour les parlementaires seraient maintenues.
Mme la présidente. L’amendement n° 37 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 722-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Les mots : « deux députés, une femme et un homme » sont remplacés par les mots : « quatre députés, deux femmes et deux hommes » et les mots : « deux sénateurs, une femme et un homme » sont remplacés par les mots : « quatre sénateurs, deux femmes et deux hommes » ;
2° Après le mot : « État », sont insérés les mots : « , le président de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme » ;
3° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les membres du conseil d’administration de l’office ne sont pas rémunérés et aucun frais lié à leur appartenance au conseil ne peut être pris en charge par une personne publique. »
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. En préambule à l’examen de cet article, nous souhaitons aborder des questions de gouvernance.
La composition actuelle du conseil d’administration de l’OFPRA, telle que prévue par l’article L. 722-1 du CESEDA, favorise très largement la représentation de l’État, ce qui peut constituer un problème à nos yeux.
Ainsi, le conseil d’administration comprend aujourd’hui deux personnalités, un homme et une femme, nommées par le Premier ministre, un représentant du ministre de l’intérieur, un représentant du ministre chargé de l’asile, le secrétaire général du ministère des affaires étrangères, le directeur des affaires civiles et du sceau au ministère de la justice, un représentant du ministre chargé des affaires sociales, un représentant du ministre chargé des droits des femmes, un représentant du ministre chargé des outre-mer et le directeur du budget, soit, au total, dix représentants de l’État.
Même le président du conseil d’administration est nommé sur proposition du ministre chargé de l’asile. Siègent également deux membres du Parlement européen, ainsi qu’un représentant du personnel de l’OFPRA, élu pour trois ans par les agents de l’Office, un représentant du Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés et trois personnalités ne disposant pas de voix délibérative.
Nous trouvons cette composition quelque peu déséquilibrée. Cela pourrait même susciter des soupçons quant à la réalité de l’autonomie du conseil d’administration.
Par cet amendement, nous proposons donc de doubler le nombre de parlementaires siégeant au conseil d’administration, afin de garantir une représentation démocratique réelle.
Certes, on nous rétorquera que le conseil d’administration est déjà pléthorique, mais c’est un enjeu de démocratisation, dans la mesure où au moins dix de ses membres défendent en gros les mêmes intérêts.
En outre, en raison des missions attribuées à la Commission nationale consultative des droits de l’homme, nous souhaitons que le président de celle-ci prenne part aux délibérations du conseil d’administration de l’OFPRA, avec voix consultative.
Mme la présidente. L’amendement n° 337 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 722-1, après la première occurrence des mots : « désignés par », sont insérés les mots : « la commission permanente compétente en matière d’asile de » et le mot « le » est remplacé par les mots : « la commission permanente compétente en matière d’asile du ».
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Avec votre permission, madame la présidente, je présenterai en même temps les amendements nos 337 rectifié bis et 336 rectifié quater, qui traitent tous deux de la composition du conseil d’administration de l’OFPRA.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 336 rectifié quater, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 722-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le conseil administration comprend également trois personnalités qualifiées dont deux sont désignées respectivement par l’Assemblée nationale et le Sénat. Au moins l’une des trois personnalités qualifiées susmentionnées représente les organismes participant à l’accueil et à la prise en charge des demandeurs d’asile et des réfugiés.
« Le délégué du haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés assiste aux séances du conseil d’administration et peut y présenter ses observations et ses propositions. » ;
2° L’avant-dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « En cas de partage des voix sur la détermination de la liste des pays considérés comme des pays d’origine sûrs, la voix du président du conseil d’administration est prépondérante. » ;
3° Le dernier alinéa est supprimé.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. L’amendement n° 337rectifié bis prévoit que les représentants de l’Assemblée nationale et du Sénat au conseil d’administration soient désignés par les commissions permanentes compétentes en matière d’asile de chacune des chambres.
L’amendement n° 336 rectifié quater vise à donner plus de compétences aux personnalités qualifiées, celles-ci n’ayant aujourd’hui voix délibérative que pour la détermination des pays d’origine considérés comme sûrs. Dans l’esprit de la proposition de notre collègue Bocquet, cela permettrait d’accroître le nombre de personnes pouvant s’exprimer sur tous les sujets.
Mme la présidente. L’amendement n° 140 rectifié ter, présenté par M. Poadja, Mme Billon, MM. Henno et Kern et Mme Létard, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 722-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Il comprend également, en qualité de personnalités qualifiées nommées en raison de l’intérêt particulier qu’elles portent aux questions liées au droit d’asile, un magistrat issu du Conseil d’État et un magistrat issu de la Cour de cassation. Ces membres ne sont pas rémunérés et aucun frais lié à leur appartenance au conseil ne peut être pris en charge par une personne publique. »
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Cet amendement vise lui aussi à rééquilibrer la composition du conseil d’administration de l’OFPRA, en s’inspirant de la proposition n° 2 du rapport d’information sur la procédure de demande d’asile remis en novembre 2012 par MM. Jean-Yves Leconte et Christophe-André Frassa.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 335 rectifié quater vise à supprimer la présence de parlementaires au sein du conseil d’administration de l’OFPRA. La commission des lois n’y est pas favorable. Que l’institution parlementaire soit représentée est utile, a fortiori dans la situation actuelle.
L’amendement n° 37 rectifié bis tend, à l’inverse, à augmenter le nombre de parlementaires au sein du conseil d’administration. La commission estime qu’une telle proposition n’est pas raisonnable et émet donc un avis défavorable.
L’amendement n° 337 rectifié bis prévoit que les députés et sénateurs membres du conseil d’administration de l’OFPRA soient désignés par les commissions permanentes compétentes en matière d’asile de chacune des chambres, et non plus par les présidents de celles-ci. La commission souhaite conserver le dispositif actuel, les sénateurs et les députés siégeant au conseil d’administration de l’OFPRA représentant avant tout l’institution parlementaire dans son ensemble. Par ailleurs, le président du Sénat, quel qu’il soit, veille à ce que les sénateurs désignés connaissent le sujet, souvent en prenant l’attache de la commission des lois.
L’amendement n° 336 rectifié quater a pour objet de modifier les conditions de désignation des personnalités qualifiées. Aujourd’hui, trois de ces personnalités sont désignées par décret. Il est proposé qu’une d’entre elles le soit par l’Assemblée nationale, une deuxième par le Sénat, et la troisième par décret.
Dans la mesure où cet amendement correspond à la position qui avait été défendue par le Sénat en 2015, et compte tenu du fait qu’il a été rectifié conformément à la demande de la commission, l’avis est favorable.
Enfin, l’amendement n° 140 rectifié ter prévoit qu’un magistrat de la Cour de cassation et un magistrat du Conseil d’État siègent au conseil d’administration de l’Office. Cela ne paraît pas raisonnable, dans la mesure où il s’agit d’une institution pouvant avoir des contentieux devant ces juridictions. Il ne faut pas mélanger les genres. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Le Gouvernement n’est pas favorable à ce que l’on change la composition du conseil d’administration de l’OFPRA, qui présente aujourd’hui un certain équilibre.
Un certain nombre de ministères y sont représentés : cela est justifié, compte tenu de leur champ de compétence. Qui pourrait prétendre, par exemple, que le ministère des outre-mer n’a pas vocation à être représenté au conseil d’administration de l’OFPRA, institution qui traite de sujets cruciaux pour les outre-mer ?
Par ailleurs, le nombre actuel de parlementaires siégeant au conseil d’administration paraît suffisant pour faire entendre la voix des assemblées. Enfin, les personnalités qualifiées sont tout à fait représentatives des experts de la question.
En conclusion, le Gouvernement est défavorable à tous ces amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 335 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 37 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 337 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5.
L’amendement n° 140 rectifié ter est-il maintenu, monsieur Kern ?
M. Claude Kern. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 140 rectifié ter est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 62 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 711-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 711-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 711-1-… – Dans le cadre de la convention de Genève, le statut de réfugié est reconnu aux femmes persécutées ou menacées de persécutions en raison de leur action en faveur des droits des femmes, que cette action se manifeste de façon individuelle ou collective, aux femmes persécutées ou menacées de persécution en raison de leur appartenance à un groupe social particulier du fait de leur refus de se soumettre aux coutumes, normes sociales, pratiques discriminatoires de leur pays ou de leur orientation sexuelle. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à reconnaître le statut de réfugiées aux femmes persécutées ou menacées de persécutions dans leur pays en raison de leur action en faveur des droits des femmes, de leur refus de se soumettre aux coutumes, normes sociales, pratiques discriminatoires de leur pays ou de leur orientation sexuelle.
Notre groupe a récemment été sollicité par une femme dénoncée par son mari pour avoir organisé une exposition artistique d’œuvres jugées illégales. Retourner dans son pays lui vaudrait une peine d’emprisonnement.
Bien que les femmes puissent être persécutées dans leur pays pour les mêmes raisons que les hommes, la forme de ces persécutions revêt un caractère particulier, lié à leur genre. Les contraintes sociales pèsent plus fortement sur les femmes et les exposent à de nombreuses violences. Je veux y insister. Toute action est un combat. Elles sont emprisonnées pour s’être mêlées de la vie politique, assassinées pour avoir refusé un mariage, violées parce que non hétérosexuelles ou tuées pour avoir lutté en faveur de l’égalité.
Les femmes représentent la moitié des 244 millions de migrants dans le monde. À la dangerosité du voyage s’ajoute l’incertitude à l’arrivée dans le pays d’accueil, où elles se trouvent une fois encore particulièrement exposées. Le rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes du 18 décembre 2017 a souligné les nombreuses difficultés auxquelles les femmes demandeuses d’asile doivent faire face. Notons qu’elles ne représentent que 33 % des demandeurs d’asile. La loi doit considérer que toutes les violences qu’elles subissent concernent les politiques publiques et ne sont pas du ressort de la vie privée. Alors que de plus en plus de femmes osent s’exprimer, dans leur pays, pour l’égalité des droits et contre les violences dont elles sont la cible, faisons preuve, ici au Sénat, de courage, en leur offrant l’asile.
Mme la présidente. L’amendement n° 412 rectifié ter, présenté par Mmes Rossignol, Blondin, Lepage, Ghali, Perol-Dumont, Lubin, G. Jourda, Taillé-Polian, Lienemann, Grelet-Certenais, Meunier, Préville, Monier, Artigalas et Tocqueville et MM. Temal, Lalande, Marie, Durain, Kerrouche, Jomier, Féraud, Houllegatte, Tourenne, Raynal, Cabanel, Daudigny, Vallini et Manable, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 711-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces aspects incluent les opinions et actions politiques menées par les militantes et militants pour l’égalité des droits et l’éradication des violences et mutilations sexuelles, lorsque cet activisme a lieu au sein de pays qui ne reconnaissent pas l’égalité entre les femmes et les hommes, ou imposant aux femmes des sujétions particulières, ou dans lesquels se pratiquent des mutilations sexuelles ou génitales. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement a le même objet que celui que vient de défendre Mme Cohen.
Le statut de demandeur d’asile protège les victimes de persécutions, mais, nous le savons, certaines persécutions échappent aux radars : celles dont les femmes sont victimes, tant elles sont inscrites dans les traditions des sociétés et sont l’objet d’une complaisance collective importante.
Si les victimes de persécutions sont protégées, en revanche, ceux et celles qui luttent contre ces persécutions, ceux qui s’engagent, ne le sont pas. Le présent amendement vise à remédier à cet état de fait, en inscrivant fermement la France dans le camp de la diplomatie des droits des femmes, comme celui relatif aux pays qui criminalisent l’avortement que j’ai défendu hier soir. Il s’agit d’affirmer que les droits des femmes sont respectés et promus dans notre pays et que celles et ceux qui luttent pour l’égalité entre les femmes et les hommes et contre les persécutions liées au genre peuvent trouver auprès de la France appui et soutien.
Cela étant dit, je retire cet amendement au profit de celui de Mme Cohen, qui me semble mieux rédigé.
Mme la présidente. L’amendement n° 412 rectifié ter est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 62 rectifié ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à reconnaître la qualité de réfugié aux femmes persécutées en raison de leur action en faveur des droits des femmes.
L’intention est bien sûr louable, mais cette demande me semble satisfaite par le droit en vigueur au titre de l’asile conventionnel défini par la convention de Genève, qui permet d’octroyer l’asile « à toute personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».
Les dispositions de l’article L. 711-2 du CESEDA renvoient à cet article de la convention de Genève ainsi qu’à la directive Qualification, qui précise les motifs de persécution. L’action en faveur du droit des femmes peut être reconnue comme une opinion politique au sens de la convention de Genève ; la persécution des femmes en tant qu’appartenant à un groupe social particulier du fait de leur refus de se soumettre aux coutumes, normes sociales, pratiques discriminatoires de leur pays ou de leur orientation sexuelle est également déjà prise en compte par ladite convention.
L’article 10 de la directive Qualification précise d’ailleurs qu’ « un groupe social spécifique peut être un groupe dont les membres ont pour caractéristique commune une orientation sexuelle ».
En vertu de ces textes, l’objet de cet amendement me semble satisfait. Pour cette raison, je sollicite son retrait ; à défaut, la commission émettrait, à regret, un avis défavorable.