Sommaire
Présidence de M. Vincent Delahaye
Secrétaires :
MM. Éric Bocquet, Dominique de Legge.
2. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
3. Défibrillateur cardiaque. – Adoption définitive d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées
M. Daniel Chasseing, rapporteur de la commission des affaires sociales
Clôture de la discussion générale.
Articles 1er et 2 (suppression maintenue)
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 3
Amendement n° 6 de M. Bernard Jomier. – Retrait.
Amendement n° 3 rectifié de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 3 bis
Amendement n° 2 rectifié bis de Mme Patricia Schillinger. – Retrait.
Amendement n° 5 de M. Henri Cabanel. – Retrait.
Article 4 (suppression maintenue)
Adoption définitive de la proposition de loi dans le texte de la commission.
4. Utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Jean-Pierre Decool, auteur de la proposition de loi
M. Dany Wattebled, rapporteur de la commission des lois
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Mme Jacqueline Gourault, ministre
Clôture de la discussion générale.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission.
Suspension et reprise de la séance
5. Équilibre territorial et vitalité de la démocratie locale. – Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Articles additionnels après l’article 20 sexies (suite)
Amendement n° 9 de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Amendement n° 10 de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Amendement n° 72 de la commission. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Articles additionnels après l’article 21
Amendement n° 20 rectifié de M. Stéphane Piednoir. – Retrait.
Amendement n° 19 rectifié de M. Stéphane Piednoir. – Retrait.
Amendement n° 60 rectifié de M. Arnaud de Belenet. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 62 de M. Arnaud de Belenet. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 21 quater (nouveau) – Adoption.
Article 21 quinquies (nouveau)
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 21 quinquies
Amendement n° 21 rectifié bis de Mme Sophie Primas. – Devenu sans objet.
Amendement n° 73 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 74 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 27 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 24
Amendement n° 75 de la commission. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Articles additionnels après l’article 25
Amendement n° 58 rectifié bis de M. Patrick Chaize. – Rejet.
Adoption, par scrutin public n° 123, de la proposition de loi dans le texte de la commission modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier
6. Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. – Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Rémy Pointereau, auteur de la proposition de loi
M. Martial Bourquin, auteur de la proposition de loi
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur de la commission des affaires économiques
M. Arnaud Bazin, rapporteur pour avis de la commission des finances
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 21 rectifié de M. Franck Montaugé. – Rejet.
Amendement n° 40 de M. Claude Malhuret. – Retrait.
Amendement n° 49 rectifié de Mme Christine Bonfanti-Dossat. – Retrait.
Amendement n° 22 rectifié bis de Mme Catherine Conconne. – Adoption.
Renvoi de la suite de la discussion.
Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Vincent Delahaye
vice-président
Secrétaires :
M. Éric Bocquet,
M. Dominique de Legge.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures ont été publiées pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte commun sur la proposition de loi visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
3
Défibrillateur cardiaque
Adoption définitive d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au défibrillateur cardiaque (proposition n° 39 [2016-2017], texte de la commission n° 545, rapport n° 544).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, chaque année, entre 40 000 et 50 000 personnes sont victimes d’une mort subite, souvent à la suite d’un infarctus, faute d’avoir bénéficié au bon moment de l’intervention d’une personne qui aurait pu leur sauver la vie en pratiquant les gestes de premiers secours et en relançant le cœur par un choc électrique, ou défibrillation, le temps que les secours médicaux interviennent.
C’est pendant le temps que mettent les secours à arriver que l’état d’une victime s’aggrave ou que le décès intervient. C’est pendant ce laps de temps qu’il faut agir. Grâce à des gestes simples qui s’apprennent, chacun d’entre nous peut un jour sauver une vie ou éviter à une personne de lourdes séquelles. Ne rien faire, c’est de toute façon condamner la personne en arrêt cardiaque.
Il est fondamental que toute personne témoin d’un arrêt cardiaque initie la « chaîne de survie » formée de quatre maillons qui procurent aux victimes d’urgences médicales les meilleures chances de survie : appel rapide aux services de secours et de soins d’urgence ; massage cardiaque entrepris rapidement ; défibrillation précoce en utilisant un défibrillateur automatisé externe ; soins médicalisés spécialisés rapides, rendus possibles grâce à l’appel au SAMU.
La formation du public, et en particulier des jeunes, aux gestes élémentaires de premiers secours est une priorité pour le Gouvernement.
La France, société de solidarité, confrontée à des menaces toujours plus présentes – catastrophes naturelles, accidents, attentats… –, doit porter un programme ambitieux de formation aux gestes de premiers secours. Tout un chacun est confronté à des situations de détresse et savoir réagir permet de sauver des vies. Si des efforts très importants ont été mis en œuvre pour initier ou former le public à tous les moments de la vie à la prise en charge d’une personne en arrêt cardiaque et à l’utilisation d’un défibrillateur automatisé externe, ou DAE, il reste encore du chemin à parcourir. Actuellement, on estime que seulement 20 % de la population française a suivi une formation aux gestes de premiers secours et que 50 % des élèves en classe de troisième ont bénéficié de la formation « prévention et secours civiques de niveau 1 », ou PSC1, alors que 80 % de nos voisins allemands et autrichiens sont formés.
Les objectifs fixés par le Président de la République de formation de 80 % de la population aux gestes de secours sont inscrits dans le programme national de santé publique. Un travail interministériel piloté par le ministère de l’intérieur en concertation avec tous les acteurs est en cours afin d’en établir les modalités d’application. Une attention particulière sera apportée aux formations pour les jeunes générations, en fonction de leur âge : premier degré – dispositif « apprendre à porter secours » ; second degré – classe de sixième « gestes qui sauvent » et classe de troisième « PSC1 » ; enseignement supérieur – « rattrapage » des étudiants non formés au PSC1 et mise à jour des connaissances de ceux qui sont déjà formés.
Dans ce cadre, l’arrêté du 30 juin 2017, cosigné par le ministre de l’intérieur et la ministre des solidarités et de la santé, a institué une sensibilisation aux « gestes qui sauvent » et défini le contenu et les modalités de la formation. Il convient maintenant de promouvoir cette formation. Cet arrêté prévoit notamment que les professionnels de santé peuvent dispenser la sensibilisation aux « gestes qui sauvent ».
Le cadre réglementaire de l’apprentissage des gestes de premiers secours existe et se renforce. Le nombre de personnes formées augmente régulièrement, notamment chez les jeunes, mais il faut, mesdames, messieurs les sénateurs, dynamiser cette action en favorisant partout les initiatives visant à promouvoir l’appropriation de ces gestes dans la population.
Depuis le décret du 4 mai 2007 relatif à l’utilisation des défibrillateurs automatisés externes par des personnes non médecins et modifiant le code de la santé publique, « toute personne, même non médecin, est habilitée à utiliser un défibrillateur automatisé externe ». Il convient désormais d’encourager leur installation dans les lieux recevant du public. Si des initiatives sont prises localement pour installer des défibrillateurs, force est de constater qu’elles demeurent encore insuffisantes et manquent parfois de cohérence.
Nous proposons d’établir une obligation d’installation d’un défibrillateur automatisé externe pour certains établissements recevant du public, ou ERP, sans préjudice de la décision individuelle d’installation d’un DAE par toute personne jugeant opportun d’y procéder.
L’installation des défibrillateurs automatisés externes au sein des établissements recevant du public, modulée selon la catégorie et la capacité d’accueil de personnes des ERP, présente un intérêt certain en termes de santé publique et a fait l’objet de recommandations par le Conseil français de réanimation cardio-pulmonaire et par l’Académie nationale de médecine, qui ont souligné l’intérêt d’installation de ces dispositifs médicaux dans les lieux de passage fréquentés par une population importante – gares, centres commerciaux, salles de spectacle –, où statistiquement il se produira des arrêts cardiaques, ainsi que dans les lieux où le risque de mort subite est le plus important, souvent en lien avec un effort physique – 800 sportifs sont victimes d’une mort subite chaque année, dont 10 à 15 professionnels – : stades, équipements sportifs, etc.
L’objectif n’est pas de mettre un défibrillateur à chaque coin de rue, mais de favoriser un maillage pertinent et une couverture optimale du territoire en équipant les lieux publics dans lesquels les accidents sont les plus fréquents, les risques potentiels les plus élevés et le public le plus nombreux.
Si l’on utilise immédiatement un défibrillateur automatisé externe chez une victime en arrêt cardiaque par fibrillation ventriculaire, les chances de survie sont les plus élevées. En effet, les taux de survie, dans les études sur les arrêts cardiaques qui utilisent la défibrillation au cours des toutes premières minutes suivant l’arrêt, sont de 85 % voire plus, contre 3 % à 5 % si l’on ne fait rien.
Par ailleurs, les défibrillateurs automatisés externes sont des dispositifs médicaux dont il convient d’assurer la maintenance. À l’obligation d’installation d’un défibrillateur automatisé externe dans les établissements recevant du public est ainsi logiquement jointe une obligation de maintenance desdits appareils par les propriétaires des établissements. Ce dispositif d’urgence doit être en effet en permanence en état de marche pour permettre de sauver des vies. C’est pour cela que la maintenance est indispensable.
Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, la constitution d’une base nationale de données relatives aux lieux d’implantation des défibrillateurs cardiaques automatisés externes sur l’ensemble du territoire est essentielle. Il faut savoir où trouver un défibrillateur en cas d’urgence. Cette base de données doit permettre à tous de géolocaliser les défibrillateurs automatisés externes à proximité du lieu d’un arrêt cardiaque afin que la personne qui appelle ces services puisse utiliser le défibrillateur conjointement aux gestes de secours, mais aussi de faciliter les opérations de maintenance de ces dispositifs médicaux.
Cette base nationale que nous vous proposons d’instaurer doit être accessible aux services d’incendie et de secours et de soins d’urgence, mais aussi à d’autres opérateurs publics et privés pour faciliter l’accès de la population à ces appareils en cas d’urgence. Je pense notamment aux applications numériques à destination du public.
Un tel dispositif permettra de sauver des centaines de vies et aura un impact évident sur les comportements. La France pourra ainsi enfin rattraper le retard qu’elle a pris par rapport aux autres pays de l’Union européenne.
C’est tout l’objet de cette proposition de loi que je soutiens, car il s’agit d’une réponse forte à un problème de santé publique qui doit fédérer tous les élus. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Chasseing, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, cher Jean-Pierre Decool, mes chers collègues, en France, le taux de survie à la suite d’un arrêt cardiaque n’excède pas 8 %. Près de 50 000 personnes en meurent chaque année dans notre pays.
Ces chiffres ne sont pas une fatalité. Ces décès sont pour beaucoup évitables : les études scientifiques concluent à des gains majeurs de survie lorsqu’une défibrillation est rapidement pratiquée. Vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, le taux de survie est de 85 % dans les toutes premières minutes.
La prise en charge des victimes est une lutte contre le temps : chaque minute représente 10 % de chances de survie en moins. Alors que le SAMU intervient en 10 à 15 minutes en moyenne, l’accès rapide et effectif à un défibrillateur ainsi que la démocratisation de son usage sont des enjeux cruciaux pour le bon fonctionnement de la chaîne de survie.
Dans d’autres États dotés de programmes d’accès public à la défibrillation, les taux de survie sont bien supérieurs au taux français. Une étude américaine réalisée dans les années 2000 dans les casinos de Las Vegas, où les accidents cardiaques sont nombreux pour des raisons que chacun pourra aisément imaginer, a démontré que l’accès à des défibrillateurs utilisés par du personnel formé permet d’atteindre un taux de survie de 74 %.
Les pouvoirs publics français ne sont certes pas restés immobiles face à cette question.
Depuis un décret de 2007, l’utilisation des défibrillateurs automatisés externes, les DAE – comme leur nom l’indique, ils fonctionnent de manière entièrement automatisée et sont donc facilement utilisables –, est ouverte au grand public.
Des dispositifs de sensibilisation, voire de formation aux « gestes qui sauvent » ont par ailleurs été mis en place. En particulier, un arrêté de 2009 a prévu une initiation du grand public à l’utilisation des DAE.
L’enjeu demeure cependant le passage de ces évolutions réglementaires dans les pratiques citoyennes. De ce point de vue, de fortes marges de progrès existent. La sensibilisation du grand public aux gestes de premiers secours demeure tout à fait insuffisante en France, 20 % seulement de la population ayant suivi une formation. C’est évidemment trop peu.
Le flou entourant les obligations des collectivités publiques et privées constitue également un obstacle majeur. En l’absence d’obligation d’installation dans les lieux publics, l’implantation des DAE repose surtout sur le volontarisme. Selon les estimations des services ministériels, notre territoire compte actuellement de 160 000 à 180 000 défibrillateurs en accès public.
Par ailleurs, si l’installation des défibrillateurs, qui sont des dispositifs médicaux, est en principe assortie d’une obligation de maintenance, sa mise en œuvre est souvent difficile du fait de la complexité de la chaîne de distribution et d’exploitation. Dans ce contexte, il est très probable qu’une large partie du parc des DAE installés sur le territoire français ne soit pas fonctionnelle, ceux-ci étant bien souvent la cible de dégradations.
Il ne suffit cependant pas de sensibiliser la population à l’utilisation des DAE et d’en équiper les lieux publics ; encore faut-il qu’il soit possible, dans une situation d’urgence, d’accéder rapidement à un équipement.
Or, à l’absence d’obligation en matière d’équipement s’ajoute une absence d’obligation de recensement. Il est pourtant indispensable pour un témoin d’arrêt cardiaque de localiser le défibrillateur fonctionnel le plus proche. Cette situation est d’autant plus absurde que la plupart de nos concitoyens disposent de smartphones dont la fonction de géolocalisation pourrait sauver des vies.
Face à cette carence de l’action publique, des initiatives privées ont vu le jour. En particulier, l’Association pour le recensement et la localisation des défibrillateurs, ARLoD, créée en 2008, a mis en place une base de données en ligne visant à recenser l’ensemble des DAE présents sur le territoire national, avec une implication que je salue. Cette base n’est cependant pas exhaustive : chaque jour, de nombreux défibrillateurs sont nouvellement installés, devenus hors d’usage ou déplacés, sans que ces informations fassent l’objet d’un recensement obligatoire.
Nous avons par ailleurs rencontré les représentants d’applications mobiles, notamment ceux de SAUV Life, proposant la géolocalisation de personnes susceptibles de porter assistance aux victimes. L’intervention de ces « bons Samaritains » formés aux gestes de premiers secours et volontaires soulève cependant un certain nombre de problèmes éthiques et juridiques, notamment en matière de responsabilité. Bien qu’il ne s’agisse pas directement de notre sujet, Mme la secrétaire d’État pourra peut-être, dans un deuxième temps, nous préciser quelles sont les évolutions réglementaires à attendre.
La présente proposition de loi, qui résulte d’une initiative et de travaux largement communs à l’Assemblée nationale et au Sénat, n’a pas l’ambition d’apporter une réponse à l’ensemble de ces enjeux. Elle vise cependant à mieux encadrer les aspects les plus matériels de ces questions, en assurant l’accessibilité effective de la défibrillation cardiaque sur l’ensemble de notre territoire.
Son article 3 crée tout d’abord une obligation nouvelle d’équipement par un DAE de certains types et catégories d’établissements recevant du public qui seront définis par décret en Conseil d’État. Il prévoit ensuite, de manière complémentaire, une obligation de maintenance des DAE.
Je me félicite bien entendu de ces dispositions, qui permettront de clarifier l’asymétrie sur laquelle repose le régime actuel : tous nos concitoyens ont le droit d’utiliser un DAE, mais il n’existe pas d’obligation générale d’équipement des lieux publics. Cette évolution législative permettra enfin aux politiques de prévention d’avancer, si l’on peut dire, sur les deux jambes.
On peut cependant s’interroger sur le périmètre des ERP qui sera retenu dans le décret. Aucune orientation générale n’est en effet prévue par le texte, mais certains lieux, vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, sont un cadre propice à la survenue d’arrêts cardiaques et devraient impérativement figurer dans cette liste : je pense aux piscines, aux enceintes sportives, mais vous pourrez sans doute nous indiquer d’autres localisations essentielles.
Je suis par ailleurs bien conscient des réticences soulevées par le coût potentiel d’un équipement généralisé des lieux publics en défibrillateurs. Ce coût paraît relativement limité : selon le ministère de la santé, il faudrait compter entre 1 000 euros et 1 500 euros pour l’acquisition d’un défibrillateur, et 120 euros par an pour en assurer la maintenance. Selon l’Assemblée des départements de France et l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité que j’ai contactées, les véritables inquiétudes relayées par les élus locaux portent moins sur le principe de l’obligation que sur le nombre d’équipements à installer et leur lieu d’implantation. Je considère à cet égard que le décret devra ménager des marges de souplesse afin de permettre aux élus locaux de prendre les mesures les plus appropriées en fonction de la configuration de leur territoire.
L’article 3 bis prévoit ensuite la création d’une base de données nationale permettant de renseigner les lieux d’implantation et l’accessibilité des DAE. Je souligne que cette base devra être interconnectée avec les SAMU et les services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, comme vous l’avez du reste indiqué, madame la secrétaire d’État.
J’en terminerai en saluant l’action et la détermination de nos deux collègues parlementaires du Nord, Jean-Pierre Decool, aujourd’hui sénateur, mais qui a rédigé le texte que nous examinons aujourd’hui en tant que député, et notre ancien collègue Alex Türk, qui se sont engagés depuis plusieurs années pour faire aboutir ce texte. Cet engagement a également pris une forme très pratique et exemplaire : nos deux collègues ont en effet consacré la majeure partie de ce qui constituait alors leur réserve parlementaire à l’équipement en défibrillateurs de leur département, qui en compte aujourd’hui plus de 4 000.
Je voudrais également remercier Alain Milon, le président de notre commission des affaires sociales, de m’avoir confié ce rapport sur un maillon essentiel de la chaîne de survie en cas d’arrêt cardiaque.
Je vous demande donc, mes chers collègues, d’adopter sans modification cette proposition de loi. Il est de notre devoir de tout mettre en œuvre pour encourager la citoyenneté et la solidarité de nos concitoyens dans de telles situations d’urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en Loire-Atlantique, dans une petite commune, peu importe laquelle, un adolescent de seize ans a fait un malaise cardiaque alors qu’il pratiquait sa passion sur un terrain de football. La commune, répondant à sa mission de sécurité publique, et bien que n’y étant pas obligée, s’était préalablement équipée d’un défibrillateur. Celui-ci n’a malheureusement pas fonctionné en raison d’un problème de batterie et ce jeune est mort.
Rien ne dit que le défibrillateur l’aurait sauvé, mais ce dysfonctionnement ajoute évidemment à la détresse et à la tristesse des parents. Nul ne peut douter de l’engagement ni du sérieux du maire de cette commune et de son équipe, néanmoins, pour lui aussi, pour eux, c’est désormais un poids à porter, et ce même s’il n’y a pas eu de conséquences juridiques.
Cet exemple a ému et interpellé les élus bien au-delà des limites de cette commune, et il y a donc de vraies attentes à l’égard de la proposition de loi que nous discutons aujourd’hui.
De plus en plus d’expérimentations et d’enquêtes démontrent l’intérêt de disposer d’un défibrillateur, a fortiori dans les établissements recevant du public, les ERP, notamment ceux où l’on pratique une activité sportive, car c’est là que se produisent le plus fréquemment les arrêts cardiaques. Si le décès d’un sportif de haut niveau peut faire la « une » des journaux, c’est bien dans le sport de loisir que surviennent la majorité d’entre eux. Ainsi, l’utilisation d’un défibrillateur directement disponible peut réduire le temps de délivrance du premier choc de sept à trois minutes environ, avec un taux de survie sans séquelles neurologiques très important. Car, il faut le souligner, au-delà de la seule question de la survie, plus la défibrillation est rapide, plus faibles sont les séquelles.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Eh oui !
M. Ronan Dantec. Rendre obligatoires l’installation et la maintenance de défibrillateurs automatisés externes dans les ERP, lieux de passage important de populations de sexe et d’âges très divers, est un impératif. C’est le sens de cette proposition de loi, et nous nous en réjouissons. À titre d’exemple, en Loire-Atlantique sont recensés aujourd’hui dans la base de données du SDIS près de 740 défibrillateurs pour 22 230 ERP. À lui seul, ce chiffre témoigne de l’urgence à équiper d’autres ERP, mais également de l’effort financier à fournir par les collectivités ; ce point ne peut être ignoré. Nous aurions pu demander à l’État de participer, mais l’article 40 de la Constitution nous aurait brisés dans notre élan.
De la même façon, créer une base de données nationale relative aux lieux d’implantation et à l’accessibilité des défibrillateurs automatisés externes sur l’ensemble du territoire va dans le bon sens.
Cette loi est donc nécessaire ; elle répond à un enjeu majeur de santé publique et permettra assurément de sauver des vies humaines.
Je voulais profiter de cette tribune, madame la secrétaire d’État, pour attirer votre attention sur l’enjeu de la formation aux gestes de premiers secours, mais vous avez précédé, dans votre intervention, mon interpellation. En effet, si nécessaire soit-elle, cette proposition de loi serait insuffisante si elle n’était pas accompagnée d’un programme ambitieux de formation.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Tout à fait !
M. Ronan Dantec. Je l’évoquais plus haut, l’un des publics les plus concernés est celui des pratiquants de sports de loisir, celui des associations sportives, de ces millions d’enfants, de seniors, de vétérans, pour qui le risque est encore plus élevé, tous ces « sportifs du dimanche » qui s’entraînent en semaine et jouent le week-end, par passion, mais aussi pour entretenir leur santé. La grande majorité d’entre eux est encadrée par des bénévoles, souvent des parents.
Or, combien d’entre eux savent reconnaître un incident nécessitant l’usage d’un DAE ? Combien d’entre eux savent le faire fonctionner ? Combien connaissent seulement le protocole à suivre en cas d’accident : qui prévenir, comment prévenir, que faire en attendant les secours, sachant par exemple que la réalisation d’un massage cardiaque est nécessaire lors de l’usage d’un défibrillateur ?
Notre pays souffre d’un retard considérable dans la formation aux premiers secours alors que cette formation sauverait des vies, mais aussi, je veux noter ce point, renforcerait le sentiment de citoyenneté, la cohésion de nos sociétés, chacun se sentant ainsi un peu plus responsable de l’autre.
Dans le rapport de la mission de préfiguration sur la généralisation au plus grand nombre de nos concitoyens de la formation aux gestes qui sauvent, en avril 2017, Patrick Pelloux et Éric Faure rappellent que seulement 27 % des Français sont initiés aux gestes de premiers secours. Selon la Fédération française de cardiologie, moins de 20 % des témoins d’accidents cardiaques connaissent les gestes de premiers secours. Or, quatre victimes sur cinq qui survivent à un arrêt cardiaque ont bénéficié de ces gestes simples pratiqués par le premier témoin.
Nous le voyons, l’enjeu de santé publique dépasse le seul cadre de l’installation, de la maintenance et de la géolocalisation des défibrillateurs, même si ce point est important.
Le Gouvernement prévoit dans son plan de prévention sur la santé de former 80 % de la population aux gestes de premiers secours. C’est un affichage important, une ambition forte. Vous nous avez donné des éléments, madame la secrétaire d’État, concernant notamment le public scolaire. Cependant, de nombreuses interrogations subsistent. L’État s’appuiera-t-il sur les SDIS, les réseaux de santé, les enseignants, les élus locaux ? Nous avons vraiment besoin d’y travailler ensemble, y compris pour savoir qui va assurer la formation dans les écoles, comment mieux former les bénévoles, ceux qui ont quitté l’école depuis longtemps.
Le texte reste probablement perfectible, mais l’urgence s’impose à nous. Le vote conforme peut permettre de répondre à cette urgence, le groupe du RDSE votera donc ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Brigitte Micouleau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, entre 40 000 et 50 000 morts sont directement causées, chaque année, en France, par un arrêt cardiaque. C’est l’équivalent de la population d’une ville comme Albi, préfecture du Tarn, ou Charleville-Mézières, préfecture des Ardennes, qui disparaît chaque année. C’est une mortalité au moins douze fois supérieure à celle enregistrée sur nos routes en 2017 !
Or un grand nombre d’études scientifiques nous dit qu’une large part de ces 40 000 à 50 000 décès serait évitable dès lors qu’une défibrillation serait pratiquée dans les toutes premières minutes suivant l’arrêt cardiaque.
Certes, depuis 2007, l’utilisation des défibrillateurs automatisés externes, les DAE, est ouverte au grand public. C’est une bonne chose, mais est-ce suffisant ?
En dépit de l’implication de divers acteurs publics et privés, l’accessibilité effective des dispositifs de défibrillation destinés au grand public sur l’ensemble de notre territoire se révèle encore trop faible, insatisfaisante.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a le mérite de proposer une réponse réaliste à cette question. L’objectif d’un meilleur taux d’équipement de DAE sur le territoire devrait ainsi être atteint.
Je profite d’ailleurs de cette tribune pour faire part de la démarche positive de la SNCF, qui équipe peu à peu ses trains. Dans les TGV Lyria, par exemple, un défibrillateur semi-automatique se trouve à bord des rames, installé très visiblement dans la voiture-bar. Sa présence et son utilisation ouverte à tous sont signalées au départ du train par le chef de bord.
La création d’une base de données nationale relative aux lieux d’implantation et à l’accessibilité des DAE est également une disposition qui va dans le bon sens. Des applications mobiles avec service de géolocalisation sont en cours de développement et pourront permettre dans quelque temps un accès rapide à cette base de données.
Parce que ces deux mesures vont dans le bon sens, je voterai cette proposition de loi. Mais ne nous leurrons pas ! Tout le monde connaît cette sentence de Confucius : « Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson ».
M. Charles Revet. Tout à fait !
Mme Brigitte Micouleau. Mettre à disposition des cannes à pêche, c’est bien. Apprendre au grand public à s’en servir, c’est mieux, madame la secrétaire d’État ! Et, me semble-t-il, il en va des défibrillateurs automatisés comme des cannes à pêche…
Bien entendu, il existe des programmes de formation aux gestes de premiers secours, programmes prévus par les textes. Mais nous savons tous ici qu’en réalité, sur le terrain, le passage de ces dispositions réglementaires dans les pratiques médicales et citoyennes continue de faire défaut.
Les extincteurs méritent d’être cités en exemple, car leur technique d’utilisation a été largement diffusée. Faisons de même pour les défibrillateurs !
Aussi, madame la secrétaire d’État, je fais le vœu que le Gouvernement se mobilise sur cette question de la formation aux gestes qui sauvent et, notamment, à l’utilisation d’un DAE. Puissent des mesures réglementaires être prises pour rendre ces formations obligatoires, aussi bien dans les établissements scolaires du secondaire que dans le monde professionnel ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre débat porte aujourd’hui sur une question de minutes, des minutes permettant de sauver des vies lorsque survient un arrêt cardiaque. Comme l’a rappelé M. le rapporteur, le succès de la prise en charge repose sur la limitation du délai écoulé entre le début de l’arrêt cardiaque et le recours à la défibrillation, avec des taux de survie de 70 % à 85 % dès lors qu’une défibrillation est pratiquée dans les toutes premières minutes suivant l’arrêt cardiaque.
À ce jour, on compterait en France environ 150 000 DAE, défibrillateurs automatisés externes, dont le déploiement ne repose que sur la bonne volonté des exploitants et dont la localisation reste aléatoire, malgré le travail remarquable d’associations telles que AJILA et son application gratuite « Staying Alive ».
Partageant ce constat, notre groupe apporte tout son soutien à la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Decool, qui a précisément pour objet de réunir les conditions nécessaires à un accès généralisé aux défibrillateurs sur l’ensemble de notre territoire.
Grâce à ce texte, la démocratisation de l’usage des défibrillateurs va pouvoir s’appuyer, enfin, sur le caractère obligatoire de ces équipements dans certains établissements recevant du public, ainsi que sur la déclaration de leurs lieux d’implantation.
Ce nouveau cadre réglementaire sera précisé ultérieurement par décrets, aussi je voudrais insister sur quelques éléments clés à ne pas négliger dans la rédaction de ces décrets.
En premier lieu, il y a la nécessité de déployer des DAE connectés. Voilà bien le seul point positif du retard pris dans notre pays : avoir à disposition des équipements connectés ou connectables. Cette technologie permet de surveiller à distance et à tout moment l’état de fonctionnement du défibrillateur, facilite la maintenance de l’appareil et réduit ainsi le risque de défibrillateurs non opérationnels. Plusieurs options de connexion existent, qu’il s’agisse de défibrillateurs directement connectés ou de modules autonomes de surveillance placés sur le support ou dans la sacoche de l’appareil. Les lieux déjà équipés de défibrillateurs non connectés pourront ainsi facilement s’adapter. Je n’y vois que des avantages. Alors, de grâce, réglementons pour le XXIe siècle, pas pour le XXe siècle !
En second lieu, j’attire l’attention sur les normes et l’homologation des appareils, donc des fabricants et fournisseurs. Comme nous avons pu le déplorer dans d’autres secteurs, les panneaux photovoltaïques, par exemple, l’effet d’aubaine fait naître des générations spontanées de démarcheurs peu scrupuleux. Soyons donc vigilants et anticipons.
Par ailleurs, je me félicite de ce que la future base de données alimentée par les exploitants des DAE soit conçue comme accessible, ouverte et que les données soient réutilisables. Cela permettra aux associations pionnières qui ont développé des applications gratuites de géolocalisation de compléter et d’actualiser leurs données, pour le plus grand bénéfice de la population.
Pour terminer, je souhaite insister sur un point qui n’est pas directement traité par cette proposition de loi, du moins dans la version qui nous est soumise, à savoir la formation aux gestes qui sauvent, dont la défibrillation. C’est le sens de l’arrêté du 30 juin 2017 et de l’objectif de former 80 % de la population inscrit dans le plan « priorité prévention » du Gouvernement. Il faut d’urgence accélérer la sensibilisation et la formation de toutes les composantes de la population.
À défaut d’une telle mobilisation, l’objectif d’encourager les témoins d’un arrêt cardiaque à procéder à une défibrillation restera un vœu pieux. De l’avis de tous les spécialistes du secours civil, l’école doit être le lieu premier de cette sensibilisation. J’y reviendrai en présentant un amendement d’appel.
Mes chers collègues, saluons de nouveau l’auteur de la proposition de loi et le rapporteur pour leur travail. Ils peuvent compter sur notre soutien. (MM. Daniel Chasseing, rapporteur, et Jean-Pierre Decool applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, rares sont les propositions de loi qui font consensus à la fois à l’Assemblée nationale et au Sénat, d’un bout à l’autre de l’hémicycle. Celle-ci en fait partie et cela mérite d’être souligné.
Je tiens donc tout d’abord à remercier notre collègue Jean-Pierre Decool, ainsi que M. le rapporteur, de cette proposition de loi, qui part d’un constat simple et effrayant : chaque année, entre 40 000 et 50 000 personnes décèdent, en France, d’un arrêt cardiaque. Une très grande part de ces décès pourrait être évitée, si une défibrillation était pratiquée dans les toutes premières minutes suivant l’arrêt cardiaque. D’après les chiffres transmis, le taux de survie est alors de 85 %, tandis qu’il n’excède pas 3 % à 5 % en l’absence de toute prise en charge. Même si ces chiffres ont déjà été donnés, il est vraiment important de les répéter pour bien nous en imprégner.
En moyenne, en France, le taux de survie après un arrêt cardiaque est de 8 %, ce qui montre donc qu’il y a une grosse marge de progression et que le recours au défibrillateur est loin d’être systématique.
Plusieurs raisons peuvent expliquer une telle situation. Il y a, d’abord, le manque d’information quant à la possibilité, depuis un décret de 2007, d’utilisation des défibrillateurs automatisés externes, les DAE, par toute personne, même non médecin. Il y a, ensuite, le manque de sensibilisation à ce problème de santé publique et sans doute la peur, pour bon nombre d’entre nous, de mal faire, d’aggraver les choses en un moment si crucial et stressant. Au-delà de ces aspects d’éducation de la population aux gestes qui sauvent, il apparaît enfin que l’accès réel aux défibrillateurs constitue en lui-même un obstacle, un frein à une prise en charge la plus précoce possible.
L’un des articles de cette proposition de loi prévoit donc d’y remédier, en précisant les obligations incombant aux établissements recevant du public, les ERP, pour installer et assurer la maintenance de ces appareils. En l’absence de toute obligation légale, il semble que leur installation soit quelque peu anarchique sur l’ensemble du territoire.
Cela a été dit en commission, nous serons toutes et tous attentives et attentifs à ce que le nouveau décret garantisse la généralisation effective à tous les territoires, et que certains ERP, tels que les piscines et les stades, en soient bel et bien systématiquement équipés.
La maintenance est, elle aussi, essentielle, car un équipement qui ne fonctionnerait pas ou fonctionnerait mal, faute d’entretien, serait évidemment inutile. De même, la géolocalisation rapide et facile, qui plus est dans une société ultra-connectée, sera un atout déterminant.
Par ailleurs, au regard de l’asphyxie budgétaire dont souffrent aujourd’hui nos communes compte tenu de la rigueur qui leur est imposée depuis des années, des dotations en baisse, je souhaiterais que le Gouvernement puisse dire, ici, que ce déploiement de défibrillateurs va être pris en charge non par les collectivités, madame la secrétaire d’État, mais par l’État,…
M. Philippe Dallier. On peut toujours espérer !
Mme Laurence Cohen. … comme relevant d’une responsabilité nationale, puisqu’il s’agit bien ici d’une politique de santé publique.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Bravo !
Mme Laurence Cohen. Je me félicite d’avoir autant de soutiens ! (Sourires.)
M. Philippe Dallier. Mais peu d’espoirs !
Mme Laurence Cohen. Il est d’ailleurs bon de rappeler que le coût total sera assurément moindre au final, tant ces premiers gestes de secours éviteront des dépenses ultérieures. Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous, au gré de ce débat, nous apporter quelques précisions sur ce point de financement ?
De même, si l’utilisation de ces DAE semble relativement simple, qui, ici, peut dire qu’il serait totalement serein s’il devait s’en servir pour la première fois en cas de besoin et d’urgence ? Je sais que le Palais du Luxembourg est équipé de DAE, mais il ne me semble pas inutile que chacune et chacun d’entre nous, nos équipes, les agents puissent bénéficier d’une formation pour être totalement à l’aise sur leur utilisation.
À mon tour, madame la secrétaire d’État, d’insister sur la formation. Comment allez-vous organiser concrètement cette formation, qui devra concerner 80 % de la population, puisque, actuellement, seuls 20 % de nos concitoyens sont formés et que 50 % des élèves de troisième seulement en bénéficient ?
En outre, et sauf erreur de ma part, je crois qu’il n’a nulle part été question de fixer une date limite quant à l’obligation d’installation, ce qui pourrait laisser le temps à chacune et chacun de s’équiper, mais sans que cela aboutisse à renvoyer cette obligation aux calendes grecques. La date du 1er janvier 2020 est-elle un objectif réaliste ?
Pour conclure, je voudrais dire que le groupe CRCE est satisfait de la suppression de l’article 1er initial, qui prévoyait une aggravation des peines en cas de vol ou de dégradation des défibrillateurs. Ces infractions étant déjà sanctionnées par le code pénal, il ne nous paraît pas nécessaire d’être plus sévères. Là aussi, je pense qu’une plus grande sensibilisation du public, le choix de faire de ce sujet une grande cause et de développer la formation pourront éviter certains gestes d’incivilité.
En résumé, cette proposition de loi est donc d’utilité publique. Le groupe CRCE la votera, en restant bien sûr attentif, vous l’aurez compris, madame la secrétaire d’État, au contenu du décret, à son calendrier de publication, afin vraiment que la mise en œuvre soit la plus rapide possible. (M. Éric Bocquet, Mme Victoire Jasmin, MM. Jean-Pierre Decool et Gérard Dériot applaudissent. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Dominique Vérien. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je dispose de huit minutes pour vous exposer l’avis du groupe Union Centriste sur ce texte ; huit minutes, c’est la durée moyenne d’intervention des services d’urgences préhospitaliers – rapides, mais peut-être pas assez.
Tout d’abord, je tiens à saluer l’excellent travail de notre collègue Daniel Chasseing, dont le rapport particulièrement renseigné ne laisse pas de doute sur l’intérêt et l’opportunité de cette proposition de loi relative au défibrillateur cardiaque.
M. Charles Revet. Tout à fait !
Mme Dominique Vérien. En effet, le constat est affligeant. En France, le taux de survie à la suite d’un arrêt cardiaque inopiné est particulièrement faible : 8 % en moyenne ; soit, comme cela a déjà été dit, 40 000 à 50 000 décès chaque année qui pourraient être évités.
La Croix-Rouge estime que le taux de survie atteint 20 % à 50 % aux États-Unis ou dans les pays anglo-saxons, dès lors que les défibrillateurs automatisés externes, ou DAE, sont placés à la portée du grand public. Le retour d’expérience ne laisse donc pas de doute, la diminution de ce type de décès est strictement corrélée au déploiement des défibrillateurs.
Il y a urgence à agir. Ce type de décès entre dans la catégorie « décès évitables » : l’incongruité de l’expression l’atteste sans détour.
Madame la secrétaire d’État, vous le savez, mais permettez-moi de le rappeler, 70 % à 80 % des arrêts cardiaques inopinés découlent d’une fibrillation ventriculaire. Dans cette circonstance, si le massage cardiaque permet d’assurer la circulation sanguine pendant un court laps de temps, c’est le choc électrique, ou la défibrillation, qui permet le plus souvent de restaurer un rythme cardiaque normal.
Mes chers collègues, je vous parle depuis près de trois minutes. Je vous rappelle que chaque minute perdue en cas d’arrêt cardio-respiratoire diminue les chances de survie de près de 10 %.
Les DAE, qui fonctionnent de manière autonome, délivrent des instructions orales et analysent si une défibrillation est nécessaire. Dans ces conditions, la personne portant secours n’a plus qu’à se laisser guider après avoir placé deux électrodes. Grâce à ces DAE, sauver une vie est à la portée de tous.
Même avec des services d’urgences préhospitalières efficaces, dont le délai moyen d’intervention est de sept à huit minutes, la défibrillation avant l’arrivée des secours peut sauver la personne en arythmie. Il faut sept à huit minutes pour intervenir, mais nous savons que, dans certains secteurs, ce délai relève de l’utopie.
Les DAE ne sont pas absents de nos territoires. Les services du ministère des solidarités et de la santé ont communiqué à notre rapporteur que 160 000 à 180 000 DAE y sont actuellement déployés. Cependant, je regrette que le grand public ne soit pas encore suffisamment sensibilisé à l’usage de ces outils, voire aux gestes de premiers secours. Il y a un travail fort de sensibilisation à faire, notamment dans nos écoles.
Je m’exprime depuis maintenant un peu plus de quatre minutes.
Rappelons-nous que les taux de survie peuvent atteindre 85 %, dès lors qu’une défibrillation est pratiquée dans les premières minutes suivant l’arrêt cardiaque.
Rappelons-nous que le délai moyen d’appel aux unités mobiles est aujourd’hui de cinq minutes.
Rappelons-nous qu’effectuer des manœuvres simples de réanimation à la portée de tous – une défibrillation cardiaque très précoce – peut faire passer à plus de 30 % le taux de survie à un mois.
Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est vrai !
Mme Dominique Vérien. Rappelons-nous enfin que 70 % des arrêts cardio-respiratoires surviennent devant témoins, mais que moins de 20 % des témoins entreprennent des manœuvres de réanimation.
Pour augmenter ce taux, il faut former, bien sûr, mais aussi déployer ces instruments pour les rendre facilement accessibles, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Cette proposition de loi y parviendra, j’en suis convaincue, grâce à l’installation de DAE dans certains établissements recevant du public et à la création d’une base nationale de données relatives aux lieux de leur implantation sur l’ensemble du territoire.
Je tiens donc à remercier l’auteur de cette proposition de loi, Jean-Pierre Decool, mais aussi Alex Türk, qui en est aussi à l’origine, de l’avoir déposée et soutenue.
Voilà un peu plus de cinq minutes que je parle. Puisque, en la matière, chaque instant économisé est une vie sauvée, je n’utiliserai symboliquement pas l’intégralité du temps qui m’était réservé. Mes chers collègues, vous l’aurez compris, cette proposition de bon sens appelle un vote favorable et sans réserve des sénateurs du groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – MM. Arnaud de Belenet et Henri Cabanel applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Jean-Pierre Decool et M. le rapporteur Daniel Chasseing du travail effectué sur ce sujet et de la qualité des auditions que ce dernier nous a proposées.
Il s’agit d’un sujet essentiel et consensuel, dont le Sénat s’est emparé depuis 2006, avec Alex Türk et Sylvie Desmarescaux, deux anciens sénateurs du Nord qui avaient alors largement mobilisé leurs réserves parlementaires respectives…
M. Charles Revet. Il n’y en a plus aujourd’hui !
Mme Victoire Jasmin. Malheureusement !
Ils ont pu ainsi doter leurs territoires de plus de 4 000 défibrillateurs automatiques externes.
Ce texte se veut donc une réponse pragmatique à une question vitale : 50 000 de nos concitoyens meurent chaque année à la suite d’un arrêt cardiaque, alors que nombre de ces décès seraient aisément évitables.
En effet, mes chers collègues, il est avéré qu’en cas d’urgence absolue l’on ne dispose que de quelques minutes pour réagir avant que le décès ne survienne. Ces chiffres ont déjà été cités, mais, comme l’a souligné avant moi l’une de mes collègues, il est toujours bon d’insister sur leur réalité.
Chaque minute représente 10 % de chances de survie en moins. Après dix minutes, les chances de survie deviennent quasi nulles. Sachant qu’il faut en moyenne attendre entre dix à quinze minutes l’arrivée des secours – SAMU, SMUR, SDIS – une fois l’alerte donnée, il devient évident que le comportement et les actions des premiers témoins d’une scène d’arrêt cardiaque, que le recours au massage cardiaque ainsi que la présence de dispositifs publics de défibrillation sont déterminants pour augmenter les chances de survie de nos concitoyens.
Comment nous résoudre, mes chers collègues, à ce que le taux de survie observé en France à la suite d’un arrêt cardiaque n’excède pas 8 %, alors que, selon le Conseil français de réanimation cardio-pulmonaire, ce taux de survie peut atteindre 50 % à 70 % si des mesures simples de santé publique sont prises rapidement, notamment par la vulgarisation des défibrillateurs automatiques externes ?
En premier lieu, j’évoquerai les exigences en matière de formation.
Les arrêts cardio-vasculaires surviennent dans 75 % des cas à domicile, dans 10 % sur la voie publique et dans 2 % au travail, et les gestes élémentaires de secours sont trop peu connus du grand public pour faire face à ces situations d’urgence.
Or la meilleure des préventions réside dans la formation.
Ainsi, selon les conclusions du Comité interministériel de la santé, seulement 20 % de la population française a suivi une formation aux gestes de premiers secours et seuls 50 % des élèves en classe de troisième ont bénéficié de la formation « prévention et secours civiques de niveau 1 », ce qui est à l’évidence largement insuffisant devant les enjeux qui nous préoccupent aujourd’hui.
L’apprentissage passe donc par la répétition des gestes qui sauvent, et ce dès le plus jeune âge.
D’ailleurs, les nouvelles technologies, dont nous sommes tous très friands, peuvent se révéler un moyen peu onéreux de suppléer certaines de nos lacunes.
En effet, dans notre système scolaire, par manque de temps, ces formations sont rapidement survolées dans le cadre de programmes scolaires déjà très denses. De même, les entreprises ou les collectivités locales peinent, hors obligation légale, à former des référents sécurité, capables de sensibiliser le plus grand nombre aux gestes qui sauvent.
Pour ce qui concerne les défibrillateurs automatiques, ils sont très faciles à manier et un décret du 4 mai 2007 précise que toute personne sans formation particulière est considérée comme apte à utiliser ce type d’appareil.
Pour autant, dans les situations d’urgence et de stress, une formation s’avère très utile, surtout que, depuis un arrêté de 2009, un dispositif d’initiation du grand public à l’utilisation des DAE est possible en seulement une heure. Pourquoi s’en priverait-on ?
J’en viens, en second lieu, aux contraintes en matière d’accessibilité.
L’installation de défibrillateurs cardiaques automatiques externes sur l’ensemble de notre territoire est une très bonne chose, à condition que les appareils soient disponibles, facilement accessibles et connus du grand public. D’où la nécessité d’être vigilants sur la liste des ERP qui auront obligation de s’équiper, puis d’en assurer la maintenance.
Il faudra veiller à tenir compte de la réalité de chaque territoire. Surtout, en nous fondant sur les recommandations du Conseil français de réanimation cardio-pulmonaire et de l’Académie de médecine, il est souhaitable d’installer des DAE dans des lieux de forte fréquentation, tels que gares, aéroports, hôpitaux, administrations, lieux de culte, salles de spectacles, discothèques.
Pour vous rassurer, sachez qu’ici, au Sénat, il y a des défibrillateurs un peu partout. Les agents de sécurité nous ont indiqué leurs emplacements respectifs. En cas de situation grave, nous sommes donc protégés !
Ces DAE devraient également être installés à proximité des équipements sportifs, où le risque de survenance de la mort subite est plus fréquent.
Jusqu’alors, l’implantation des DAE reposait sur du volontariat. Selon les estimations des services ministériels, notre territoire compterait actuellement entre 160 000 et 180 000 défibrillateurs en accès public. L’objectif est donc de systématiser leur installation et leur entretien, afin de nous assurer qu’ils soient fonctionnels en cas d’urgence, mais également de les répertorier.
Les initiatives privées, comme celle de l’Association pour le recensement et la localisation des défibrillateurs, l’ARLoD, créée en 2008, ou celle de l’application « Bon Samaritain », sont à saluer. Elles soulignent que l’usage des nouvelles technologies pour géolocaliser est une piste à creuser, afin de permettre la traçabilité des équipements et de faciliter la coordination avec les services de secours d’urgence et avec les institutionnels, tels que les élus locaux chargés des problématiques de santé publique et de sécurité sur le territoire.
Dès lors, la question du coût d’un équipement généralisé, notamment pour les petites communes, devra faire, à mon sens, l’objet d’un arbitrage rapide, afin de le rendre peut-être éligible à une subvention via la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR. Il convient que les contrats locaux de santé prévoient également un volet fléché pour les défibrillateurs et que les programmes régionaux de santé en tiennent compte, au regard de l’importance de ce sujet pour la population.
Cette proposition de loi est selon nous une avancée indéniable, qui nous semble favorable au plus grand nombre. Elle a été votée, il faut le rappeler, à l’unanimité à l’Assemblée nationale. Il serait judicieux que le Sénat puisse l’adopter conforme. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je dois avouer être saisi d’une certaine émotion à l’instant où j’évoque, devant vous, la genèse et les grandes lignes de cette proposition de loi.
Le hasard de la vie politique veut que ce texte, en réalité une coproduction lancée avec Alex Türk, soit un texte que j’avais déposé et défendu en 2016 lorsque j’étais député. C’est désormais avec la casquette de sénateur que je viens le soutenir aujourd’hui.
Cela a été dit par plusieurs orateurs, 50 000 personnes décèdent, chaque année, des suites d’un arrêt cardiaque. Faut-il pour autant s’en tenir à ce constat ? L’homme n’a jamais accepté cette fatalité de la mort. Jadis, toutes les méthodes ont été utilisées pour réanimer ces malades aux portes de la mort : jet d’eau glacée, fer rouge sur le thorax, flagellation des pieds. En 1788, Charles Kite a été le premier à faire le pari de l’électricité pour « ressusciter les morts », selon ses propres mots. Deux siècles plus tard, le premier défibrillateur automatique a fait son apparition, en 1994.
L’homme a donc inventé une machine pour surseoir à la mort. Quelle technologie fantastique ! Nul doute que, dans des décennies, cette année 1994 sera un point de repère dans l’histoire mondiale de la santé. Pourtant, mes chers collègues, notre société demeura immobile face à cette invention de génie. Comme prostrée, elle observe cette technologie, sans se l’approprier.
Aujourd’hui, en France, le taux de survie est inférieur à 8 %, quand d’autres pays atteignent un taux de 74 %. Plus le secteur est équipé, plus le taux de survie augmente. C’est une réalité incontournable.
Pourtant, il s’agit d’un geste citoyen très simple. Vous êtes en face d’une personne qui fait un malaise. Vous ne connaissez pas la nature de ce malaise. Peu importe, vous ne vous posez pas la question. Vous agissez. Vous disposez de quatre à six minutes pour tenter de la sauver. Il s’agit d’une urgence absolue. À défaut, les fonctions vitales sont altérées et le décès survient. Ou c’est une fibrillation et l’appareil se déclenche, ou ce n’est pas une fibrillation et l’appareil ne réagit pas. C’est la haute technologie du défibrillateur qui décide.
Dès 2006, je le rappelle, Alex Türk, Sylvie Desmarescaux, alors sénateurs, et votre serviteur ont aidé à équiper de nombreuses communes du département du Nord de défibrillateurs entièrement automatiques grâce à la réserve parlementaire : 4 000 appareils y ont été installés, permettant de sauver plus de cinquante vies, dont celles de certains élus locaux. L’expérience est unique en France.
Le réseau s’est étoffé et renforcé, mais le nombre d’appareils est toujours trop faible sur l’ensemble du territoire. D’où cette proposition de loi déposée dans un premier temps par Alex Türk, le 1er avril 2015, mais qui n’avait pas été inscrite à l’ordre du jour du Sénat.
Elle avait pour objectif de rendre obligatoire l’installation de ces appareils dans les lieux publics. Pour ma part, j’ai repris le corps du texte lorsque j’étais à l’Assemblée nationale. Ce texte a été voté le 13 octobre 2016.
Dès lors, chacun comprend l’importance qui s’attache au vote de ce texte. Il constitue un pas de géant au regard du retard pris par rapport à nos voisins. C’est la raison pour laquelle je remercie le rapporteur, Daniel Chasseing, et la commission présidée par Alain Milon d’avoir validé le texte sans modification.
Pour sauver des vies, il faut que ces défibrillateurs soient entretenus. C’est pourquoi nous proposons la mise en place non seulement d’une obligation d’entretien, mais aussi d’un registre numérique, accessible à tous, pour identifier le défibrillateur le plus proche et ne pas perdre une seconde.
Madame la secrétaire d’État, cette proposition de loi est le prolongement de douze années de ténacité, mais la tâche n’est pas achevée. Je pense à la nécessité de créer une base de données épidémiologiques, pour faire avancer la recherche et comprendre l’origine de cette pathologie. La formation est également indispensable. Enfin, cela a été dit, je sais que le Sénat est équipé de défibrillateurs. Mais savez-vous, mes chers collègues, où sont les appareils ? Avons-nous été formés, nous, parlementaires, les agents et assistants l’ont-ils été ?
Ne perdons pas de temps. Cette proposition de loi a été votée à l’Assemblée nationale et son vote conforme permettra sa mise en place immédiate. Avant tout, elle permettra de sauver des vies. C’est une urgence absolue. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme cela a été dit, 40 000 à 50 000 personnes décèdent chaque année en France à la suite d’un arrêt cardiaque.
Sans prise en charge immédiate, plus de 90 % des arrêts cardiaques – la mort subite de l’adulte – sont fatals. Sept fois sur dix, ils surviennent devant témoin, mais moins de 20 % des témoins accomplissent les gestes de premiers secours.
Bien conscients que ces décès pourraient massivement être évités, nos collègues députés Damien Abad et Jean-Pierre Decool, ce dernier étant aujourd’hui sénateur, nous proposent un dispositif national visant à remédier à cette situation en déployant des défibrillateurs automatisés externes aux endroits où ils apparaissent comme nécessaires.
En France, le taux de survie à un arrêt cardiaque est de 5 %, tandis qu’il est quatre à cinq fois plus élevé dans les pays où les lieux publics sont équipés en DAE et où la population est formée aux gestes qui sauvent.
À l’heure actuelle, le taux de réanimation sur un arrêt cardiaque est d’environ 4 %, alors qu’il est de 40 % aux États-Unis, dans les zones équipées. Malgré les innovations dans le domaine des maladies cardio-vasculaires, nous assistons à une amplification du nombre de patients. Il est important de classer ce sujet au rang des enjeux de santé publique. Aussi, je me réjouis que nous puissions en débattre aujourd’hui au Sénat.
Depuis mai 2007, date à laquelle toute personne a le droit d’utiliser un DAE, on compte de nombreuses initiatives dans les territoires pour aider à l’installation de tels appareils, notamment avec le concours des départements, comme cela a été le cas dans les Hautes-Alpes, où bon nombre de communes ont pu bénéficier de cet équipement au titre de leur mission de sécurité publique.
Bien qu’il n’existe pas à ce jour d’obligation réglementaire imposant aux employeurs l’installation de défibrillateurs, bon nombre d’entreprises ont également décidé d’équiper les lieux de travail et de former leurs salariés aux mesures de prévention et de secours d’urgence.
Pour autant, l’implantation obligatoire de DAE dans certains locaux ne constitue pas la seule réponse pour diminuer de manière significative les 111 décès par jour.
En effet, en cas d’arrêt cardiaque, il convient de respecter la chaîne de survie : premièrement, appeler les urgences ; deuxièmement, masser la victime ; troisièmement, utiliser un défibrillateur.
Il convient aussi d’entretenir le matériel et de former nos concitoyens aux gestes qui sauvent.
Dans le texte initial, une formation était rendue obligatoire en milieu scolaire. C’est une mesure qui allait dans le bon sens, mais qui était largement insuffisante.
Si nous sommes sensibilisés, dès notre plus jeune âge, à la prévention routière par exemple, on peut regretter qu’il n’en soit pas de même pour les gestes de premiers secours.
Même si les attentats ont conduit les pouvoirs publics à mener des actions, notamment en milieu scolaire, et que nos concitoyens ont mesuré à quel point ces gestes pouvaient sauver des vies humaines, ces initiatives restent insuffisantes et ce texte aurait pu être l’occasion de faire preuve d’un volontarisme accru dans ce domaine.
Des remises à niveau sont également nécessaires tout au long de notre parcours de citoyen, et de telles formations devraient être facilement accessibles, voire gratuites.
Nos collègues de la commission des affaires sociales sont revenus sur l’aspect réglementaire de l’article 3. Ils ont souligné, à juste titre, l’importance de la définition des ERP qui sera retenue et la clarification de la chaîne de responsabilités dans la maintenance de ces équipements.
C’est un aspect important du texte, car, pour un certain nombre d’entre nous qui avons été maires, l’entretien de ce matériel entraîne un coût, notamment pour les petites communes, mais aussi des difficultés matérielles supplémentaires.
En zone rurale, quel sera le périmètre des ERP retenu par le décret en Conseil d’État ?
Les modalités d’application de l’obligation d’équipement doivent permettre aux élus locaux de prendre les mesures qu’ils jugent appropriées, en fonction de la spécificité de leur territoire.
La possibilité qui nous est offerte de créer une base nationale de données me paraît aller dans le bon sens, mais cette cartographie doit également conduire à un dispositif pertinent et efficace à l’échelle d’un bassin de vie.
S’il est indispensable que les stades, par exemple, soient équipés de défibrillateurs, une réflexion portant sur les seuils et les lieux d’implantation doit être conduite afin d’éviter des aberrations liées à une réglementation trop stricte, inadaptée à la configuration propre de chaque collectivité publique ou de chaque entreprise.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce texte pose les bonnes questions, mais n’apporte pas forcément les meilleures réponses, alors qu’il s’agit de sauver des vies humaines. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je me réjouis de ce débat, car il y a dans les territoires une forte demande, notamment des maires, des entreprises et des citoyens.
Depuis 2007, date à laquelle notre collègue Philippe Bas, alors ministre, avait autorisé le déploiement des défibrillateurs, 150 000 appareils de ce type ont été vendus en France. Pourtant, nous réussissons moins bien que les autres pays de l’Union européenne, qui affichent des taux de survie quatre à cinq fois supérieurs au nôtre. Nous devons nous interroger sur ce décalage.
Ce constat doit nous conduire à répondre à deux impératifs, le premier étant le recensement des défibrillateurs présents sur le territoire, grâce à la géolocalisation, qui relève d’une nécessité absolue.
Lorsque nous sommes confrontés à une situation d’arrêt cardiaque, notre premier interlocuteur est souvent le SDIS ou le SAMU, car nous avons naturellement le réflexe de nous adresser à ces services.
Aujourd’hui, avec les nouvelles technologies, nous avons toutes les raisons de penser que nous pourrons géolocaliser ces appareils pour un coût raisonnable et, ainsi, gagner du temps et garder espoir dans la vie. Car, dans ces circonstances, c’est une course contre la montre qui s’engage !
Le second impératif est la prise en compte de l’aspect psychologique. C’est important, car, lorsque vous êtes confronté à une personne qui fait un arrêt cardiaque – à titre personnel, je l’ai été –, il n’est pas forcément évident d’utiliser un matériel dont on imagine a priori qu’il est simple à faire fonctionner. Il est facile de perdre ses moyens dans ces situations, et il me semble nécessaire de former, non seulement les jeunes, mais aussi les personnes tout au long de leur vie, afin que les appareils puissent être utilisés dans les meilleures conditions.
Cette proposition de loi a le mérite de répondre, en partie, au besoin d’installation massive de défibrillateurs, et je voudrais en particulier remercier M. le rapporteur de son travail.
Mais je souhaiterais également que l’on fasse de la simplification de leur utilisation et de la formation des personnes des enjeux majeurs, de sorte que l’investissement dans ces appareils puisse effectivement servir la vie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative au défibrillateur cardiaque
Articles 1er et 2
(Suppression maintenue)
Article 3
(Non modifié)
Après le chapitre III du titre II du livre Ier du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un chapitre III bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE III BIS
« Sécurité des personnes
« Art. L. 123-5. – Un décret en Conseil d’État détermine les types et catégories d’établissement recevant du public qui sont tenus de s’équiper d’un défibrillateur automatisé externe visible et facile d’accès, ainsi que les modalités d’application de cette obligation.
« Lorsqu’un même site accueille plusieurs établissements recevant du public, ces derniers peuvent mettre en commun un défibrillateur automatisé externe.
« Art. L. 123-6. – Les propriétaires des établissements mentionnés à l’article L. 123-5 sont tenus de s’assurer de la maintenance du défibrillateur automatisé externe et de ses accessoires conformément aux dispositions de l’article L. 5212-1 du code de la santé publique. »
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sur l’article.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Comme tous mes collègues qui se sont exprimés avant moi, je suis bien évidemment favorable à cette proposition de loi.
Il me semble néanmoins que ce texte ne va pas assez loin. Madame la secrétaire d’État, vous avez parlé de solidarité, de grandes ambitions pour la santé des Français. Évidemment, je partage ces objectifs. Mais qu’en est-il des 2,5 millions de Français expatriés ?
En 2009, j’avais posé une question écrite au Gouvernement pour demander l’installation de défibrillateurs, au moins dans certains consulats et centres médico-sociaux à l’étranger, notamment en Afrique où, vous le savez, l’accès à la santé est parfois limité et insuffisant. J’ai essayé de faire un peu de lobbying – pardonnez-moi l’utilisation de ce vilain terme, mes chers collègues –, mais on m’a répondu que les moyens étaient insuffisants.
C’est, pour moi, une forme de discrimination. Je pense que l’on peut installer des défibrillateurs partout, et je soutiens également la nécessité de formation.
Les Français de l’étranger, surtout quand ils vivent dans des pays difficiles, ont eux aussi droit à un minimum de prévention de santé. Nous avons des lycées français à l’étranger, des centres médico-sociaux, et ce serait vraiment bon pour l’image de la France qu’ils soient équipés.
C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement, même si j’ai bien entendu que d’aucuns souhaitaient que le texte soit adopté conforme, afin qu’il ne retourne pas à l’Assemblée nationale.
Encore une fois, c’est un enjeu humanitaire, de santé publique et d’égalité pour les Français de l’étranger, qui connaissent souvent des conditions de santé beaucoup plus précaires que sur le territoire national.
M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Article additionnel après l’article 3
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par M. Jomier, Mmes Guidez, Grelet-Certenais et Guillotin et M. Savary, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 4° de l’article L. 1434-3 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …°Comporte un programme régional relatif à l’installation et à la maintenance de défibrillateurs automatisés externes accessibles de manière à assurer, en travaillant avec les collectivités territoriales, un maillage fin et adapté aux spécificités du territoire. Ce programme régional applique les orientations nationales déterminées par décret en Conseil d’État ; ».
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Cette proposition de loi utile contient deux dispositions, l’une qui vise à créer une base nationale de données – elle fait l’unanimité, et nous saluons d’ailleurs tous ceux qui ont engagé le travail sur ce sujet, comme l’association ARLoD –, l’autre, contenue dans l’article 3 que nous venons d’adopter, qui vise à créer une obligation d’équipement en défibrillateurs, et qui renvoie à un décret en Conseil d’État.
Il nous semble difficile qu’un seul décret puisse établir des critères suffisamment fins permettant un équipement le plus efficient possible de chaque territoire, en fonction de ses caractéristiques. Entre un territoire urbain dense et un territoire rural, ce ne sont pas forcément les mêmes lieux qui doivent être équipés : ici les mairies, là les écoles, là encore les pharmacies… Ces situations diverses pourront difficilement être réglées par un seul décret en Conseil d’État. C’est pourquoi nous proposons que le plan d’équipement en défibrillateurs soit partie intégrante des schémas régionaux de santé. Il sera ainsi établi au plus près du terrain, après consultation des collectivités concernées, à savoir les départements et les communes.
Par ailleurs, cette obligation d’équipement et de maintenance ne résout pas la question du financement – plusieurs collègues ont évoqué le sujet, mais le Gouvernement reste silencieux à ce sujet.
Quand vous obligez une structure à s’équiper, ce sera à elle de prendre en charge la maintenance. Si l’État est prêt à financer, il doit nous le dire, et nous remercions d’ailleurs le Gouvernement de ne pas avoir invoqué l’article 40 de la Constitution à l’encontre de cette proposition de loi.
Nous avons besoin de plus de précisions sur le décret en Conseil d’État, car, pour le moment, il nous semble insuffisant pour répondre aux spécificités d’équipement des différents types de territoires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Chasseing, rapporteur. Cet amendement pose le problème de la bonne gestion de l’implantation des défibrillateurs.
Même si cela n’est pas explicitement prévu dans la loi, rien n’empêche les ARS, en collaboration avec les collectivités territoriales et en respectant les directives de l’État, d’élaborer un schéma directeur d’équipement en défibrillateurs.
Certes, le financement n’a pas été évoqué. Cependant, puisque les crédits qui étaient affectés à la réserve parlementaire ont été réorientés vers la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, rien n’empêche – même si ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi – que cette dotation puisse contribuer à ce financement.
Comme les personnes qui se sont exprimées avant moi, je voudrais insister sur l’intérêt d’une mise en œuvre rapide de ce texte. Pour cela, il faudrait qu’il soit adopté conforme. Le problème que vous soulevez est réel, mon cher collègue, mais nous sommes donc obligés d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État. J’entends votre interrogation, monsieur le sénateur.
Toutefois, comme l’a très bien dit M. le rapporteur, les agences régionales de santé sont là pour assurer cette régionalisation et ce maillage territorial. C’est leur rôle, et vous pouvez compter sur elles pour le tenir.
Par ailleurs, le décret dressera vraiment une liste des établissements recevant du public. Nombre d’entre eux sont privés – piscines, entreprises… – et sont tout à fait à même de financer ce matériel.
Je voudrais aussi vous rassurer sur la formation : elle est déjà prévue dans les programmes régionaux de santé, de même que dans les dispositifs « éducation et santé ».
Enfin, comme l’a souligné M. le rapporteur, il nous faut absolument aller très vite sur ce texte, et c’est pourquoi nous sommes défavorables à cet amendement.
M. le président. Monsieur Jomier, l’amendement n° 6 est-il maintenu ?
M. Bernard Jomier. Je remercie Mme la secrétaire d’État pour ces éléments de réponse, qui sont importants.
Il serait logique, par exemple, que les pharmacies soient retenues comme des lieux devant être équipés. Mais imposer aux pharmaciens, qui sont parfois dans une situation difficile en milieu rural, de financer le défibrillateur me paraîtrait tout à fait extravagant.
Vous le voyez, il est nécessaire de prévoir d’autres sources de financement que les établissements soumis à l’obligation légale de s’équiper. Un grand stade de football, ce n’est pas une pharmacie de village !
J’ai bien pris note de votre volonté de traiter cette question plutôt au niveau des régions, même si rien n’est dit dans le texte actuel, dont le caractère assez flou pose problème.
Prenant en compte ces éléments, mais surtout le travail effectué par nos collègues sur cette question, en particulier par Jean-Pierre Decool, je ne veux pas faire obstacle à l’adoption définitive de la proposition de loi et je retire l’amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)
M. le président. L’amendement n° 6 est retiré.
Article 3 bis
(Non modifié)
Le titre III du livre II de la cinquième partie du code de la santé publique est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« Défibrillateurs automatisés externes
« Art. L. 5233-1. – Il est créé une base de données nationale relative aux lieux d’implantation et à l’accessibilité des défibrillateurs automatisés externes sur l’ensemble du territoire, constituée au moyen des informations fournies par les exploitants de ces appareils à un organisme désigné par décret pour la gestion, l’exploitation et la mise à disposition de ces données. Un arrêté du ministre chargé de la santé fixe les informations devant être fournies par les exploitants ainsi que les modalités de leur transmission. »
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme Garriaud-Maylam, MM. Bansard et Frassa et Mme Renaud-Garabedian, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Après les mots :
sur l’ensemble du territoire
insérer les mots :
et dans les structures françaises à l’étranger
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cet amendement s’inscrit dans le prolongement de ma prise de parole sur l’article 3 et concerne les Français de l’étranger.
Je l’ai bien compris, le message est très clair, on veut absolument aller vite. Je rappelle néanmoins que ces défibrillateurs existent depuis trente ans. Mes collègues n’en ont peut-être pas conscience, mais lorsque j’ai posé ma question écrite et qu’on m’a répondu que le budget était insuffisant, ne serait-ce que pour installer quelques défibrillateurs à l’étranger, j’ai voulu faire ma petite enquête pour savoir quel était le coût d’un défibrillateur, combien il y en avait, quelles étaient les entreprises françaises qui en fabriquaient…
Pour l’heure, aucune entreprise française n’en fabrique. L’une d’elles a annoncé tout récemment qu’elle allait construire des défibrillateurs pour la maison, mais les autres sont fabriqués partout, sauf en France. C’est dommage, mes chers collègues, et il me semble que, lorsque nous examinons des textes, nous devrions aussi consacrer un peu de temps à essayer de comprendre leur environnement et leur intérêt pour la France.
J’estime que les Français de l’étranger ne doivent pas être exclus des équipements en défibrillateurs et que le budget des affaires étrangères, qui ne peut clairement pas financer ces défibrillateurs, en dépit d’un prix assez modique, devrait être compensé par l’effort de solidarité nationale dont a parlé Mme la secrétaire d’État. Rien ne justifie que les 2,5 millions de Français de l’étranger soient privés d’un accès à la santé. Il y va aussi de l’image de la France et de son expertise médicale à l’étranger. Ce serait vraiment un atout pour notre pays que de manifester cette solidarité, en permettant d’avoir des défibrillateurs, au moins dans les centres médico-sociaux et les lycées français à l’étranger.
L’un d’entre nous a évoqué tout à l’heure la mort d’un adolescent. Quel dommage de ne pas avoir de défibrillateurs dans les lycées français à l’étranger, alors que les lycées en seront équipés sur le territoire national !
Je remercie par avance les collègues qui me soutiendront dans cette démarche, laquelle permettrait aussi d’aider les parents. (MM. Jean-Noël Guérini et Jean-François Husson applaudissent.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Chasseing, rapporteur. Effectivement, ma chère collègue, je sais que vous défendez toujours avec fougue les Français de l’étranger, et que vous le faites bien. Je ne peux pas être opposé à vos propos, qui me paraissent très justes. Il serait en effet nécessaire d’adapter l’équipement en défibrillateurs, notamment dans les représentations à l’étranger.
Malheureusement, en raison de la nécessité d’adopter ce texte conforme pour ne pas ralentir sa mise en œuvre, je vous demanderai de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, je tiens à vous rassurer : les lycées français seront totalement équipés, puisqu’ils font partie des établissements recevant du public.
M. Ladislas Poniatowski. C’est logique !
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État. Ne vous inquiétez pas, ils seront dans la liste prévue par le décret.
Nous contribuerons aussi à la formation des lycéens français et étrangers dans les lycées français à l’étranger. En espérant vous avoir rassurée, je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je rappelle tout d’abord à notre collègue que ce sont Alex Türk et Sylvie Desmarescaux qui, ici au Sénat, ont impulsé le déploiement de défibrillateurs. À l’époque, nos deux collègues avaient utilisé leur réserve parlementaire pour aider les communes du Nord et du Pas-de-Calais à installer ces défibrillateurs. J’ai d’ailleurs assisté aux séances de travail organisées alors par Sylvie Desmarescaux avec les sénateurs et contribué au financement de défibrillateurs dans mon département, le Vaucluse.
M. Philippe Dallier. Moi aussi !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Il eût été intéressant que certains sénateurs des Français de l’étranger fassent de même.
Par ailleurs, l’amendement que vous présentez ne vise qu’à étendre la base nationale des données recensant les lieux.
Je rappelle qu’une loi, dès lors qu’elle est votée par le Parlement, s’impose à l’ensemble du territoire national, ce qui englobe l’ensemble des établissements français se trouvant à l’étranger. Il n’est donc pas utile de compléter la loi, puisqu’elle s’applique déjà partout. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Les lycées français à l’étranger ne sont absolument pas couverts actuellement. Ils dépendent du droit local. Par ailleurs, je vous ai également parlé des établissements médico-sociaux, qui dépendent des consulats. Ils posent de gros problèmes, qui ne sont absolument pas réglés dans ce texte.
Vous dites que les sénateurs des Français de l’étranger n’ont pas utilisé leur réserve parlementaire pour installer des défibrillateurs, monsieur Milon, mais je rappelle que notre circonscription, c’est le monde entier, que nous recevions d’énormes demandes et que la plupart d’entre nous ont fait, comme moi, le choix de financer de petites écoles qui n’auraient pas survécu sans notre intervention, et dont certaines sont aujourd’hui menacées du fait de la disparition de la réserve parlementaire.
Maintenant, si vous m’assurez, madame la secrétaire d’État, qu’un effort sera effectivement fait dans cette base de données pour recenser les établissements scolaires, les consulats et les établissements médico-sociaux à l’étranger, alors je veux bien accepter dans ce cas de retirer mon amendement. Sinon, je le maintiendrai, même si je sais que je serai minoritaire.
Encore une fois, c’est une question de principe. Petit à petit, on supprime tout pour les Français de l’étranger ! (Exclamations.)
Mes propos ennuient peut-être certains de mes collègues, qui aimeraient bien se débarrasser de quelques sénateurs des Français de l’étranger, dans un contexte de réduction du nombre des parlementaires – je ne suis pas naïve !
M. Jean-Noël Guérini. On veut vous garder ! (Sourires.)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cette formation devrait être dispensée dans le cadre de la journée défense et citoyenneté. Or je rappelle qu’on veut précisément supprimer cette journée défense et citoyenneté – je remercie toutefois le Sénat, qui m’a suivie sur un amendement que j’avais déposé à ce sujet.
Je compte sur vous, madame la secrétaire d’État, et j’attends votre réponse.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État. Je vous rassure, madame la sénatrice : toutes les structures françaises à l’étranger seront concernées.
M. le président. Madame Garriaud-Maylam, l’amendement n° 3 est-il maintenu ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Non, je le retire, monsieur le président, tout en remerciant Mme la secrétaire d’État de sa réponse. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 3 bis.
(L’article 3 bis est adopté.)
Articles additionnels après l’article 3 bis
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par Mme Schillinger, MM. Amiel, Lévrier, Patriat, Navarro, Théophile et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard un an après la publication de la présente loi, un rapport relatif à l’évaluation des dispositifs déployés, dans le cadre de la scolarité obligatoire, pour la sensibilisation des élèves à la prévention des risques et aux missions des services de secours ainsi que de l’apprentissage des gestes élémentaires de premiers secours.
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Il s’agit d’un amendement d’appel.
Les articles D. 312-40 à D. 312-42 du code de l’éducation prévoient, dans les établissements scolaires publics et privés sous contrat, une sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours, une formation aux premiers secours ainsi qu’un enseignement des règles générales de sécurité. Si de nombreux efforts sont déployés, tant dans le premier que dans le second degré, pour déployer l’enseignement « apprendre à porter secours », APS, la formation « prévention et secours civiques de niveau 1 », PSC1, et la sensibilisation aux gestes qui sauvent, il demeure nécessaire de disposer d’une évaluation quantitative et qualitative de ces dispositifs par académie, ainsi que des moyens alloués.
Je sais, madame la secrétaire d’État, que vous êtes sensible à la question du handicap. Aussi, je vous fais remarquer que personne ne parle des premiers gestes qui pourraient être appris aux enfants ou aux adultes porteurs d’un handicap. J’espère que ces personnes seront mentionnées dans le décret.
De plus, il semblerait opportun de s’appuyer sur les professeurs d’éducation physique et sportive, notamment au collège, pour dispenser plus largement la formation aux élèves, car ils sont déjà formés aux premiers secours. Cela permettrait d’améliorer la formation des jeunes publics et de mieux mettre à profit les compétences en secourisme de ces enseignants, en échange de compensations.
Qu’en pensez-vous, madame la secrétaire d’État ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Chasseing, rapporteur. Effectivement, pour arriver progressivement à former 80 % de la population aux gestes de premiers secours, comme le Gouvernement s’y est engagé par arrêté du 30 mars 2017, il est important de commencer en milieu scolaire, dès la sixième. Il reste à mettre cet arrêté en œuvre.
En attendant, madame Schillinger, je suis obligé, par cohérence avec la position traditionnelle de la commission concernant les demandes de rapport, de donner un avis défavorable sur votre amendement. Néanmoins, votre question est très pertinente.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, je sais votre attachement à cette question primordiale de la formation. Vous voulez être sûre que nous formerons, mais c’est aussi le souhait du Président de la République, qui a fixé cet objectif de 80 % de la population formée aux gestes de premiers secours. L’atteinte de cet objectif passe avant tout par les écoliers, comme vous l’avez très justement dit.
Le plan « priorité prévention », annoncé par le Premier ministre en mars, reprend cet objectif, avec une mise en place dès la prochaine rentrée scolaire. Ce plan prévoit en même temps d’améliorer l’accès aux défibrillateurs.
Le Premier ministre s’est engagé à ce que la mise en œuvre du plan « priorité prévention » fasse l’objet d’un rapport annuel, à chaque date anniversaire. Ce rapport sera rendu public et transmis au Parlement, ce qui, je pense, répond à vos inquiétudes.
Je sollicite donc le retrait de votre amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
M. le président. Madame Schillinger, l’amendement n° 2 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Patricia Schillinger. Non, monsieur le président, puisqu’il s’agissait d’un amendement d’appel, mais je tiens à remercier M. le rapporteur et Mme la secrétaire d’État de leur réponse. La formation réclame de la répétition et de la constance. Il était aussi important pour moi de rappeler que les personnes porteuses de handicaps pouvaient faire les premiers gestes. Cela contribue à leur inclusion.
Je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 5, présenté par M. Cabanel, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard un an après la publication de la présente loi un rapport relatif à la faisabilité de la mise en œuvre de drones défibrillateurs.
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Je tiens à saluer à mon tour le travail de notre collègue Jean-Pierre Decool en faveur d’un meilleur maillage de notre territoire par les défibrillateurs cardiaques et sa persévérance législative.
Je mesure l’enjeu de voter conforme un tel texte si l’on veut effectivement aboutir rapidement. Cela ne doit pas nous empêcher de débattre et de lancer quelques idées.
J’ai été sensibilisé aux enjeux de votre proposition de loi, grâce au relais d’une élue locale, par un enseignant en technologie du collège du Salagou, à Clermont-l’Hérault. Ce dernier apprend à ses élèves de quatrième comment localiser un défibrillateur et l’utiliser dans le cadre du module « gestes qui sauvent ».
Il m’a également fait savoir que la mise au point de drones défibrillateurs ouvrait de nouvelles perspectives. Alors que, en cas d’arrêt cardiaque, l’utilisation de défibrillateurs permet de sauver de nombreuses vies, ce qui a justifié la multiplication des points d’installation de ces appareils, ceux-ci sont encore difficilement accessibles, notamment lorsque les lieux où ils se trouvent sont fermés ou lorsque la victime se trouve en milieu rural, où une plus faible densité de population se cumule avec une plus faible densité d’équipement et un temps de trajet plus long pour les secours, comme l’a rappelé mon collège Bernard Jomier.
Le drone défibrillateur paraît être une solution séduisante, car il permettrait de surmonter les obstacles évoqués par sa rapidité de déplacement, son rayon d’action et sa disponibilité permanente. Cependant, il faut prendre en compte les questions concrètes que son déploiement poserait.
Cet amendement vise à ce que le Parlement soit informé de la faisabilité d’une telle évolution, notamment au regard des évolutions législatives et réglementaires, ainsi que des partenariats avec les développeurs, qui seront nécessaires.
Cette mise en œuvre pose en effet de nombreuses questions, notamment de coût. Certaines problématiques, communes avec celles des défibrillateurs fixes, n’ont pas encore trouvé de solution satisfaisante. C’est l’objet de la présente proposition de loi, avec, notamment, la mise en place d’une base de données nationale qui pourrait être utilisée par les applications pour smartphones.
Parmi les problématiques, il y a aussi le choix des lieux d’implantation. Dans le cas des drones défibrillateurs, ne faut-il pas plutôt raisonner en termes de maillage « géométrique » ? Mais alors, dans ce cas, qui a la responsabilité de l’installation et de l’entretien ?
J’espère que toutes ces questions trouveront un jour une réponse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Chasseing, rapporteur. En ce qui me concerne, j’ignorais l’existence des drones défibrillateurs. En tout cas, je tiens à féliciter l’enseignant de collège qui a sensibilisé les élèves aux gestes qui sauvent. La solution que vous évoquez est innovante, importante, et peut être utile dans certains cas. Il nous faudrait une étude sur la manière dont ces drones défibrillateurs peuvent être développés à l’avenir. Pour l’instant, je vous demanderai néanmoins de retirer votre amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette proposition intéressante. Le Gouvernement est attentif à toute solution technique innovante susceptible d’améliorer la prise en charge de la santé et la diffusion des gestes qui sauvent.
Pour autant, le rapport sur le plan « priorité prévention » permettra également de faire un point sur les solutions innovantes, sur un plan tant technologique qu’organisationnel, pour améliorer l’accessibilité des défibrillateurs.
Je pense qu’il n’est pas légitime de cibler une solution technique plus qu’une autre dans la loi, mais vous pouvez compter, en tout cas, sur notre sensibilisation à vos propositions. Peut-être pourrons-nous les étudier ensemble sur d’autres thématiques. Je vous propose donc de nous revoir.
Je voudrais aussi féliciter cet enseignant qui s’emploie à sensibiliser ses élèves à ces solutions technologiques innovantes.
Néanmoins, comme nous devons aller très vite dans la mise en place des défibrillateurs, je vous demande de retirer votre amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
M. le président. Monsieur Cabanel, l’amendement n° 5 est-il maintenu ?
M. Henri Cabanel. Madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, je transmettrai bien évidemment vos félicitations au professeur en question. D’ores et déjà, je vous invite à vous intéresser à un pays comme la Suède, qui est en train de mener des études sérieuses sur le drone défibrillateur. Cela pourra peut-être vous aider dans vos réflexions.
En attendant, je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 5 est retiré.
Article 4
(Suppression maintenue)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais bien évidemment voter cette proposition de loi. Comme bien d’autres, ici, j’avais été sensibilisé par Alex Türk, voilà une dizaine d’années. J’avais alors fait installer cinq ou six défibrillateurs dans ma commune, mais là, nous allons passer à l’étape au-dessus. Avec un défibrillateur par ERP dans une commune de 24 000 habitants comme la mienne, je n’ai pas encore fait le compte, mais cela doit revenir à en installer trois, quatre ou cinq fois plus.
Nous allons donc imposer une contrainte budgétaire supplémentaire à nos communes.
M. Laurent Duplomb. Exactement !
M. Philippe Dallier. La question a été posée par notre collègue Laurence Cohen et par d’autres, mais nous n’avons pas vraiment eu de réponse. J’en conclus que les communes vont devoir assumer cette dépense supplémentaire. Je pense que les maires vont le faire, par esprit de responsabilité, mais je rappelle quand même que toutes nos communes sont sous contrainte budgétaire, avec l’interdiction d’augmenter les budgets de fonctionnement de plus de 1,2 % par an. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
En l’occurrence, nous allons ajouter une contrainte obligatoire, qui viendra s’ajouter au bio à 50 % dans les cantines, etc. Mes chers collègues, je ne sais pas comment les maires vont pouvoir respecter à la fois ces contraintes et ce que la loi leur impose en matière d’évolution de leurs dépenses.
Je voulais que cela soit dit ici, au Sénat, puisque nous représentons les collectivités locales. Malgré tout, je voterai ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Alain Fouché. Moins de morts, ça ne compte pas ?
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, pour explication de vote.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, à l’instar de mes collègues, bien évidemment, je vais soutenir ce texte, pour lequel j’ai un intérêt particulier, puisque, comme nombre d’entre vous, j’ai, grâce à ma réserve parlementaire, financé beaucoup de défibrillateurs depuis une dizaine d’années. C’est grâce à ma collègue Sylvie Desmarescaux, qui m’avait soufflé l’idée, que j’ai entrepris cette démarche dès mon premier mandat. Ce sont près de 400 ou 500 défibrillateurs qui tournent aujourd’hui dans l’Ain.
Il n’empêche que, comme l’a souligné notre collègue Philippe Dallier, le financement reste quand même problématique, puisqu’un défibrillateur extérieur, c’est-à-dire un défibrillateur que l’on va poser à l’extérieur, dans la rue, sur une façade de pharmacie ou de mairie, c’est entre 2 500 euros et 3 000 euros, s’il n’est pas connecté. Vous voyez un peu les sommes que cela représente pour de petites communes rurales. Or j’entends bien que celles-ci soient également équipées, au même titre que les grandes collectivités.
C’est la raison pour laquelle je m’interroge moi aussi sur le financement. À cet égard, j’aurais aimé avoir une réponse beaucoup plus précise de la part de Mme la secrétaire d’État. J’espère cependant que les communes seront aidées.
Force est tout de même de constater que la réserve parlementaire rendait bien service, même si beaucoup l’ont critiquée. C’était une somme de près de 1,1 million d’euros dans le département de l’Ain, pour l’ensemble des huit parlementaires, que nos collectivités se partageaient pour de l’investissement. (Mme Marta de Cidrac applaudit.) Quid de ces sommes considérables aujourd’hui ?
Madame la secrétaire d’État, j’espère que vous avez quelques noisettes cachées dans les tiroirs (Rires.) qui permettront de financer ces défibrillateurs.
Je voudrais enfin revenir sur l’amendement qu’a déposé ma collègue Patricia Schillinger. Vous avez raison, ma chère collègue, la formation demeure primordiale. Le drame, dans nos départements, c’est que l’on se rend compte, lorsqu’on les questionne, que les enseignants eux-mêmes ne sont pas formés. Il faudrait donc commencer par là.
Des interrogations demeurent entières, madame la secrétaire d’État. Pour autant, je pense ne pas trahir l’esprit de mes collègues en disant que nous allons tous voter ce texte. Il y a en effet urgence : je rappelle qu’il a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale en août 2016, voilà deux ans.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Dans le sillage de notre collègue Philippe Dallier, je souligne à mon tour que nous n’avons effectivement pas obtenu de réponse du Gouvernement. En revanche, nous avons entendu de la part de Mme la secrétaire d’État, et je l’en remercie, des propos répétés et fermes selon lesquels le Gouvernement souhaitait aller vite sur cette question.
À mes yeux, en matière publique, on ne peut pas s’exonérer de l’adage en vertu duquel celui qui paie fait la musique, donc on ne peut pas voter une loi où l’État fait la musique, tandis que les autres paient.
Madame la secrétaire d’État, j’ai une proposition à vous faire : plutôt que de tenir pour acquis que les maires vont nécessairement payer, donnons-nous rendez-vous à l’automne pour l’examen de la mission « Santé » du projet de loi de finances.
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. Bernard Jomier. Il s’agit bien d’une mission de santé de l’État, puisque cela a été défendu encore à l’instant par le Gouvernement. Nous porterons ensemble un amendement permettant de financer cette nouvelle dépense dans ce cadre-là. (Applaudissements.)
Mme Sylvie Goy-Chavent. Très bonne idée !
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pourquoi attendre l’automne ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Dans la continuité du point soulevé par Philippe Dallier, je voudrais vous faire observer que nous avons une influence sur les préfets…
Mme Sylvie Goy-Chavent. Si peu !
M. Arnaud de Belenet. S’agissant de petites sommes demandées par les collectivités au titre de la DETR, ils flèchent prioritairement les crédits d’investissement vers les sujets de santé publique, lorsque nous prenons la peine de leur demander, car ils y sont sensibles. (Exclamations.)
Or il se trouve que la loi de finances pour 2018 que nous avons adoptée a considérablement renforcé ces crédits de DETR.
M. Jackie Pierre. Elle est déjà consommée !
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. Pour toutes les raisons qui ont été évoquées, je ne voterai pas ce texte, car il importe d’envoyer un message au Gouvernement. J’entends bien la proposition qui vient d’être faite par l’un de nos collègues de déposer un amendement au prochain projet de loi de finances, mais le Gouvernement ne donne aujourd’hui aucune garantie qu’il retiendra cette proposition. On ajoute et on rajoute depuis des mois des dépenses budgétaires importantes pour les collectivités. Dans un avenir proche, il y aura le bio dans les cantines scolaires. Dans le même temps, on baisse les dotations et on supprime les emplois aidés.
Mme Patricia Schillinger. Vous financez bien des clubs de football qui ne rapportent rien !
M. Michel Savin. À un moment, il faut dire « stop ». À titre personnel, je le répète, je ne voterai pas ce texte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, dans le texte de la commission.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.) – (Applaudissements.)
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Utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, de la proposition de loi relative à l’harmonisation de l’utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique, présentée par M. Jean-Pierre Decool et plusieurs de ses collègues (proposition n° 337, texte de la commission n° 536, rapport n° 535).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Decool, auteur de la proposition de loi.
M. Jean-Pierre Decool, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je dispose comme vous, très certainement, de quelques années de vie publique derrière moi, et j’observe à quel point les mentalités, les états d’esprit ont évolué.
Je me souviens que, dans les années quatre-vingt, lorsque nous évoquions les problèmes des quartiers difficiles, de l’économie souterraine, des zones de non-droit, nous nous faisions traiter de « sécuritaires ». Que d’inepties essuyées !
Pourtant, il suffisait de rappeler la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, laquelle affirme, dans son article II, le droit à la sûreté et proclame, dans son article XII, que « la garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique ». La sécurité n’est donc pas une nouveauté du XXIe siècle…
Avec les années, les problèmes d’insécurité ont évolué et les remèdes trouvent partiellement leur source dans le progrès des nouvelles technologies.
C’est ainsi que des dispositifs de caméras de vidéosurveillance, appelée pudiquement vidéoprotection – vous apprécierez la nuance sémantique –, ont été installés dans de nombreuses villes pour témoigner d’agressions, de vols sur la voie publique, avec les résultats que l’on connaît, pour servir les enquêtes et la recherche de la vérité.
Puis la nature de l’insécurité a changé. Ce ne sont plus seulement les citoyens qui en sont victimes, mais les forces de sécurité, cette force publique qui peut être physiquement agressée, mais aussi juridiquement accusée d’insulter, de porter des coups, voire de violer lors de contrôles de police ordinaires ou lors de transports de prisonniers. Et les plaintes contre les autorités se multiplient.
La police protectrice doit se protéger !
Les agents des services pénitentiaires doivent se justifier !
Les sapeurs-pompiers bénévoles ou professionnels, qui n’appartiennent pas aux forces de sécurité, doivent prévenir les éventuels dérapages, et le mot est modéré. La violente agression des pompiers en décembre 2017 à Wattrelos, dans le Nord, reste dans les mémoires. Une quinzaine d’individus agressèrent avec une violence inouïe, à l’aide de marteaux, des sapeurs-pompiers. Ces derniers étaient venus secourir ceux-là mêmes qui auraient pu être des proches des agresseurs.
Nous pouvons regretter, une fois de plus, que la technologie doive se substituer à la parole, à la confiance, au bon sens des hommes et des femmes, mais c’est ainsi. La société a changé et nous devons nous adapter.
Certains vont y voir une atteinte aux libertés publiques et d’autres une garantie de la sécurité. Les deux concepts ne sont pas incompatibles, et nous devons tenir compte des impératifs de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.
Quel est donc l’intérêt de ce dispositif de caméras mobiles ?
Je veux être très pragmatique, très concret, en privilégiant l’efficacité sur l’idéologie, sur les partis pris.
Depuis 2012, les caméras mobiles sont expérimentées par les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale dans certaines zones de sécurité prioritaire afin de garantir les conditions légales des interventions. Puis, en 2016, la loi du 22 mars relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, modifiée par la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, a créé un dispositif spécifique pour l’enregistrement audiovisuel des interventions des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP.
Enfin, la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale et son décret d’application du 23 décembre 2016 ont prévu un dispositif d’expérimentation pour les agents de la police municipale dans le cadre de leurs interventions.
Ce dispositif avait pour objectif de mener une expérimentation de deux ans se déroulant du 3 juin 2016 au 3 juin 2018, c’est-à-dire il y a tout juste dix jours. D’après le rapport d’évaluation qui nous a été transmis, 391 communes ont participé à l’expérience, donnant lieu à l’utilisation de 2 325 caméras.
À Quiévrechain, dans le Nord, territoire que je connais bien, un de nos plus jeunes maires, Pierre Griner, a équipé ses cinq agents de police municipale de ces caméras. Les témoignages des intéressés expriment, sans hésitation, une sorte de cri du cœur, que je traduis en ces termes : « Ne nous retirez pas nos caméras ! »
Certains affirment qu’elles devraient même être obligatoires. Pourquoi ? Quelles sont les raisons profondes d’une telle détermination ?
La police ne ressent plus ce lien de confiance qui devrait être naturel.
L’assermentation ? Un concept qui ne signifie plus grand-chose aux yeux de ceux qui sont considérés comme devant en bénéficier. Les personnels de sécurité n’y accordent plus de force, car ils se sentent avant tout fautifs, parfois soupçonnés. Les assermentés doivent toujours rendre des comptes et se justifier. C’est triste et ce n’est pas dans cette enceinte que nous en chercherons les origines.
Alors, heureuse caméra, qui dispose, dès lors, de trois qualités !
Toute parole ou tout geste à l’encontre des personnels de sécurité peuvent désormais être filmés. S’ils ont été victimes de violences, le doute n’est plus permis. Autant la parole peut être remise en cause, autant l’image vidéo ne peut pas être contestée. Elle est authentique et parle mille fois plus qu’un témoignage écrit, qui ne frappe pas. L’image a une force dont ne dispose pas la phrase.
La caméra exerce ensuite un véritable effet dissuasif : l’auteur d’une contestation exprimée avec plus ou moins de violence verbale ou gestuelle, à l’issue d’un contrôle, sait qu’il est filmé. Il aura tendance à s’incliner et à ne plus chercher la provocation. Il sait que la preuve de la vidéo ne lui permettra pas de contester les conditions de son interpellation.
Enfin, et c’est le troisième intérêt du système, l’agent n’est pas obligé de déclencher la caméra. C’est en fonction du caractère plus ou moins tendu de l’intervention qu’il apprécie la nécessité ou non de déclencher le système. Un policier me rappelait que, si les caméras de télévision peuvent créer des réactions violentes, les caméras mobiles ont visiblement un réel caractère dissuasif.
Alors, pour une fois que quelque chose fonctionne, tentons de l’utiliser et de l’étendre à d’autres professionnels, tels que les sapeurs-pompiers et les personnels pénitentiaires, et ce dans les règles fixées par les textes relatifs à la protection des données personnelles : les images ne sont pas conservées au-delà de six mois et seul le responsable du système a accès au dispositif.
Mes chers collègues, pardon pour ce catalogue de textes et d’expériences vécues.
La genèse de cette proposition est simple : des maires de mon département du Nord, et d’autres, souhaitaient équiper les pompiers de caméras-piétons. Ils ne se heurtaient pas vraiment à un vide juridique, mais plutôt à un flou juridique, qui les dissuadait de se lancer dans l’expérience.
Cette proposition de loi a donc pour objectif de lever les doutes, de clarifier cette zone d’ombre en étendant l’usage de ces caméras à ces nouvelles catégories. Il s’agit non pas de les faire bénéficier du retentissement médiatique, mais de leur ouvrir le dispositif d’encadrement dont les policiers municipaux disposent.
C’est la raison pour laquelle la commission a opportunément, me semble-t-il, précisé par amendement la nature des interventions pour les pompiers : le dispositif est possible lorsque se « produit ou est susceptible de se produire un incident de nature à mettre en péril leur intégrité physique ou celle d’un tiers », ce qui exclut naturellement le dispositif pour les interventions de nature médicale.
Il en est de même pour les services pénitentiaires, qui pourraient disposer d’un régime spécifique d’utilisation de ces caméras.
Enfin, je suis satisfait de constater qu’un article du texte de la commission permet de prolonger l’usage des caméras pour la police municipale.
Certains élus qui ont lancé cette expérimentation, prévue jusqu’au 3 juin dernier, je le rappelle, ne souhaitent pas interrompre le processus en attendant le vote du présent texte.
Il serait opportun, madame la ministre, que vous clarifiiez juridiquement le régime de ces expérimentations pour les mois à venir, c’est-à-dire au lendemain du 3 juin, afin de rassurer les maires et les personnels concernés. Ont-ils l’autorisation de continuer à filmer, alors que l’on sait que le temps législatif, démocratique, est parfois long, et qu’il faudra transmettre cette proposition de loi à l’Assemblée nationale dans le cadre de la navette parlementaire ?
Laissons les expériences se prolonger et attendons leurs bilans pour éventuellement réajuster le cadre juridique.
Pour conclure, il me semble que ce dispositif, qui n’est pas la solution miracle – nous en avons conscience –, permet à la fois de protéger le représentant de l’ordre, comme la personne qui aurait pu être abusée. L’équilibre entre liberté et sécurité est trouvé, ce qui répond aux préoccupations de la population, des forces de sécurité et des élus.
Je remercie ici mes collègues Dany Wattebled, rapporteur, et Philippe Bas, président de la commission des lois, de l’attention portée à cette problématique lors des travaux de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Patrick Kanner applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dany Wattebled, rapporteur de la commission des lois. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, parce qu’ils incarnent l’autorité de l’État, les agents publics sont de plus en plus victimes d’insultes, d’outrages, voire d’agressions dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions.
Depuis plusieurs années, le nombre d’agressions de policiers et de gendarmes ne cesse d’augmenter, atteignant des niveaux préoccupants. En 2016, 687 policiers ont été blessés par arme en mission et 1 984 gendarmes ont fait l’objet d’une agression. Outre leur nombre, c’est également la violence de ces agressions qui inquiète. Tout le monde ici se souvient de l’agression effroyable d’un groupe de policiers à Viry-Châtillon en 2016.
Les forces de sécurité intérieure ne sont toutefois pas les seules concernées par cette montée de violence. Alors même qu’ils assurent des missions de secours à personne, les sapeurs-pompiers sont également soumis à une agressivité croissante dans le cadre de leurs interventions. En 2016, 2 280 d’entre eux ont déclaré avoir été victimes d’une agression, soit une augmentation de 18 % par rapport à l’année précédente.
Les agressions physiques commises à l’encontre des personnels pénitentiaires sont également en hausse : plus de 4 000 surveillants sont blessés chaque année dans le cadre de leurs missions. Il faut ajouter à ce chiffre les quelque 12 000 agressions verbales dont ils sont victimes.
Face à ces actes intolérables, le législateur n’est pas resté inactif.
Récemment, la répression des actes commis à l’encontre des agents publics a été renforcée. Depuis 2017, les peines encourues pour outrage à personne détentrice de l’autorité publique ont ainsi été augmentées et alignées sur celles encourues pour les outrages à magistrat.
Des initiatives ont également été prises en matière préventive. Parmi celles-ci figure la mise en place des caméras mobiles, plus communément appelées « caméras-piétons ».
Ces caméras mobiles ont été initialement mises en œuvre à compter de 2013, et uniquement à titre expérimental, au bénéfice des agents de la police nationale. Elles ont été pérennisées pour l’ensemble des policiers et des gendarmes en 2016. Une expérimentation a été lancée, la même année, pour les agents de police municipale et les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP.
L’objectif de ces caméras est double. Il s’agit, d’abord, de mieux protéger les agents contre les accusations parfois excessives dont ils font l’objet. En cas de contentieux ou de contestation des conditions dans lesquelles s’est déroulée une intervention, les enregistrements vidéo constituent des éléments de preuve objectifs, susceptibles d’être utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire.
Il s’agit, ensuite, face à la dégradation des relations entre les forces de l’ordre et une partie de la population, d’inciter les uns et les autres à une plus grande modération. Or l’usage de l’enregistrement audiovisuel est apparu comme un moyen d’apaiser les tensions.
Dans les faits, le recours aux caméras mobiles a démontré toute son utilité. L’effet modérateur sur le terrain a effectivement été ressenti. Le simple port d’une caméra par les agents a eu un effet dissuasif et parfois permis d’apaiser des situations tendues.
La proposition de loi déposée par notre collègue Jean-Pierre Decool, qu’il nous revient aujourd’hui d’examiner, vise à étendre l’usage de ces caméras mobiles à d’autres catégories d’agents de sécurité dont les conditions d’intervention se dégradent chaque jour.
La commission des lois a validé, sur le principe, l’extension proposée à ces deux catégories d’agents. La protection de nos agents publics est devenue une nécessité. Les violences commises à leur égard constituent en effet une atteinte à notre République, ce que nous ne pouvons tolérer !
Notre commission a toutefois estimé nécessaire d’apporter plusieurs modifications à la proposition de loi, avec deux objectifs : d’une part, assurer la proportionnalité des dispositifs proposés et garantir le droit au respect de la vie privée et, d’autre part, adapter les dispositifs proposés aux besoins du terrain.
L’extension de l’usage des caméras mobiles aux sapeurs-pompiers n’allait pas de soi. Pour la première fois, en effet, l’usage de ces caméras serait étendu à des agents qui ne remplissent pas une mission de sécurité publique. Et nous nous sommes interrogés sur le point de savoir si l’atteinte au droit au respect de la vie privée est, dans ce cas, réellement proportionnée.
Parce que les sapeurs-pompiers incarnent, malgré tout, l’autorité publique, surtout celle de l’État, et parce qu’ils font l’objet d’agressions de plus en plus violentes, la commission des lois a estimé qu’une telle extension était possible, mais à condition de l’entourer de garanties suffisantes.
Elle a donc réécrit l’article 1er de la proposition de loi afin de définir un cadre plus précis et plus protecteur.
Le nouvel article retenu restreint, tout d’abord, l’usage des caméras individuelles aux seuls cas où « se produit ou est susceptible de se produire un incident de nature à mettre en péril leur intégrité physique ».
Il exclut, ensuite, la possibilité pour les sapeurs-pompiers de recourir aux caméras individuelles à l’occasion d’interventions à caractère médical, de manière à assurer le respect du secret médical.
Compte tenu des délais de lancement d’une telle expérimentation, notamment liés à la nécessité de passer des marchés publics pour l’acquisition des équipements, la durée de l’expérimentation sera allongée de deux ans à trois ans. Un rapport devrait également être remis par le Gouvernement au Parlement au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation.
Enfin, la rédaction adoptée par la commission prévoit que le décret d’application de l’article sera non seulement pris en Conseil d’État, mais qu’il interviendra aussi après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
En ce qui concerne les surveillants pénitentiaires, la commission des lois ne s’est pas contentée de valider le dispositif proposé, elle l’a également étendu. Bien entendu, il ne s’agit pas d’étendre l’usage de ces caméras à tous les surveillants ni à toutes les missions qu’ils remplissent. Toutefois, l’usage des caméras mobiles pourrait se révéler utile dans le cadre des missions qui présentent un risque particulier d’incident ou d’évasion, soit en raison de leur nature – je pense, par exemple, aux missions des équipes régionales d’intervention et de sécurité appelées en cas de crise – soit en raison du niveau de dangerosité des détenus concernés – détenus violents ou radicalisés, notamment.
Il m’a d’ailleurs été rapporté que l’administration pénitentiaire avait déjà recours à des caméras mobiles. L’extension a donc, à tout le moins, le mérite de donner un cadre à ces pratiques !
En contrepartie de cette extension du champ de l’article 2, la commission des lois a estimé préférable de rendre le dispositif expérimental pour une durée de trois ans.
De plus, la commission des lois a souhaité profiter de cette proposition de loi pour pérenniser l’usage des caméras mobiles par les polices municipales.
L’expérimentation, lancée en 2016, a bien pris fin le 3 juin 2018, sans que le Gouvernement ait transmis le rapport d’évaluation dans les délais impartis. Nous nous trouvons désormais dans une situation de vide juridique, qui fragilise l’usage de ces caméras par les communes.
Cette situation, madame la ministre, nous la déplorons fortement, car elle place aujourd’hui les communes dans une position pour le moins complexe. Nous sommes chaque jour confrontés, sur le terrain, à des maires qui s’inquiètent de l’avenir de ce dispositif !
Vos services ont bien voulu me transmettre un rapport d’évaluation provisoire de cette expérimentation. Ce rapport dresse un bilan très positif de l’expérimentation conduite. Au total, 344 communes ont demandé à pouvoir se doter de ces caméras et 2 106 caméras ont été déployées. Le caractère dissuasif du port des caméras par les policiers municipaux, comme pour les forces de l’État, a été salué par la plupart des communes concernées.
Face à ce bilan positif, la commission des lois a décidé de compléter la proposition de loi afin de pérenniser le dispositif.
Nous espérons désormais, madame la ministre, que cette proposition de loi fera rapidement l’objet d’une discussion à l’Assemblée nationale pour que la situation des communes soit sécurisée aussi tôt que possible. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement se félicite que votre Haute Assemblée ait pris l’initiative d’inscrire ce débat à son ordre du jour et juge particulièrement bienvenue cette proposition de loi relative à l’harmonisation de l’utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique.
Je ne reviendrai pas sur la genèse des différentes dispositions législatives adoptées par le Parlement depuis 2016, qui ont progressivement étendu le cadre légal autorisant les membres des différentes forces de sécurité à utiliser une caméra mobile, qu’il s’agisse des agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, des membres des forces de sécurité intérieure, puis, enfin, des agents de police municipale. Tout cela a parfaitement été exposé par M. le rapporteur et par l’auteur de la proposition de loi.
Vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, à quel point le Gouvernement est attaché à l’utilisation, par les forces de sécurité intérieure, de cet équipement qui présente de réels atouts opérationnels et qui constitue un facteur d’apaisement des possibles tensions entre les forces de l’ordre et la population.
À ce titre, dans le cadre de la police de sécurité du quotidien lancée en février dernier, nous avons décidé de multiplier par quatre le nombre de caméras-piétons au sein de la police et de la gendarmerie nationale afin d’atteindre le nombre de 10 000 caméras d’ici à 2019.
Nous considérons qu’à terme, quand ces équipements seront largement diffusés, déclencher sa caméra, en cas d’incident ou de situation qui s’envenime, doit devenir un réflexe pour chaque policier ou gendarme affecté sur le terrain.
Je n’insisterai du reste pas plus sur le fait que l’usage de cet équipement me paraît plus efficient, en termes d’apaisement des relations entre forces de l’ordre et population, que l’instauration d’une obligation de délivrance d’un récépissé en cas de contrôle d’identité.
M. Henri Leroy. Tout à fait !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le législateur l’avait d’ailleurs admis dans le cadre de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté en instaurant une expérimentation afin que tout contrôle d’identité fasse l’objet d’un enregistrement au moyen d’une caméra mobile. Le périmètre retenu pour cette expérimentation par le décret du 25 avril 2017 a été celui de zones de sécurité prioritaire réparties dans 21 départements. Le bilan de cette expérimentation, qui s’est achevé le 1er mars dernier, est en train d’être tiré, notamment afin d’évaluer l’impact de cette obligation sur le déroulement des interventions.
Dans le droit fil des orientations retenues sous la précédente législature, le Gouvernement entend donc maintenir le recours le plus large possible, dans un cadre de sécurité publique, à ces équipements et s’emploie à les déployer.
À l’origine, le but principal de la proposition de loi était – vous l’avez rappelé – de créer, à l’instar de ce qui a été prévu en 2016 pour les policiers municipaux, une expérimentation relative à l’usage des caméras mobiles pour les sapeurs-pompiers. Le Gouvernement comprend l’intention et l’origine d’une telle proposition. C’est avec la plus grande fermeté que le ministère de l’intérieur a condamné les récentes agressions, que vous avez rappelées, monsieur le rapporteur, dont ont été victimes des sapeurs-pompiers dans l’exercice de leurs missions de secours. C’est avec fermeté que de tels actes doivent être réprimés ! Et c’est avec la même fermeté que nous nous employons à faire en sorte que leurs interventions puissent s’effectuer dans des conditions optimales de sécurité, en particulier en prévoyant qu’ils soient accompagnés par les forces de l’ordre si cela apparaît nécessaire.
À ce titre, la possibilité offerte aux sapeurs-pompiers de filmer leurs interventions constitue-t-elle pour eux un moyen de sécuriser ces dernières ? Le Gouvernement n’en était pas persuadé. En effet, les situations opérationnelles dans lesquelles ils sont amenés à se trouver engagés peuvent poser des questions en termes de respect de la vie privée – dans la mesure où ils sont amenés à pénétrer dans des domiciles sans mandat judiciaire – et du secret médical.
Pour autant, le Gouvernement note que le travail de qualité effectué par votre commission des lois, sous la houlette de son rapporteur, aura permis d’apporter une réponse à ces questions en prévoyant que l’enregistrement ne saurait être déclenché « dans les cas où il est susceptible de porter atteinte au secret médical ». S’agissant d’un dispositif à caractère expérimental pour une durée de trois ans, le Gouvernement s’en remettra donc sur ce point à la sagesse des parlementaires, en soulignant qu’un tel dispositif ne pourra pas constituer l’alpha et l’oméga pour la sécurité des sapeurs-pompiers, et qu’il conviendra de rester particulièrement attentifs à la bonne mise en œuvre des instructions données par ailleurs pour leur garantir un niveau de sécurité optimal.
Le deuxième aspect du texte initial visait à créer un régime permanent d’utilisation des caméras mobiles, similaire à celui dont bénéficient actuellement policiers et gendarmes, par les agents de l’administration pénitentiaire chargés des missions d’extractions judiciaires ou de transfèrements administratifs.
Le Gouvernement est, bien entendu, favorable à un tel dispositif. Il y souscrit d’autant plus volontiers que votre commission des lois a fort opportunément élargi le champ de cette faculté aux personnels de surveillance chargés de « missions présentant, à raison de leur nature ou du niveau de dangerosité des personnes détenues concernées, un risque particulier d’incident ou d’évasion ». Suivant la logique retenue lors de chaque extension du cadre légal d’usage des caméras mobiles, votre commission a préféré un dispositif expérimental à un dispositif pérenne, ce qui apparaît cohérent aux yeux du Gouvernement.
J’en termine, enfin, par l’article additionnel introduit par votre commission dans le texte de la proposition de loi et qui vise à pérenniser l’expérimentation prévoyant l’usage de caméras mobiles par les agents de police municipale. Lors d’un débat sur la sécurité routière qui s’est déroulé dans cette enceinte, j’ai déjà eu l’occasion d’aborder ce sujet et de répondre au sénateur Leroy qu’un texte serait prochainement examiné par l’Assemblée nationale.
Votre proposition de loi a été inscrite à l’ordre du jour du Sénat et nous avons trouvé opportun d’aller encore plus vite en y introduisant cette disposition.
M. Henri Leroy. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cela a déjà été indiqué, cette expérimentation est arrivée à son terme le 3 juin dernier.
Je voudrais affirmer ici haut et fort qu’il ne faut accorder aucun crédit à la petite musique que j’ai pu entendre en certains lieux – pas ici, je le précise ! –, laissant accroire que le Gouvernement n’aurait pas fait preuve de sérieux sur ce dossier, traité avec une certaine forme de légèreté et d’impréparation.
En effet, c’est la conception initiale du cadre législatif de cette expérimentation qui nous a conduits à nous trouver dans la situation actuelle. La loi du 3 juin 2016 faisait courir le délai d’expérimentation de deux ans à compter de la date de publication de la loi, tout en conditionnant son démarrage à la prise d’un décret qui nécessitait la consultation de la CNIL, pour des raisons évidentes et que chacun comprend.
Ce décret étant sorti à la fin du mois de décembre 2016, il en est résulté que la délivrance des autorisations et l’acquisition du matériel par les communes n’ont permis de faire démarrer réellement l’expérimentation que dans le courant de l’année 2017. Il était alors difficile, au vu des textes débattus depuis le début de la nouvelle législature, de se prononcer sur l’opportunité de pérenniser ou d’abandonner une expérimentation qui venait à peine de commencer.
Je laisse évidemment de côté cette polémique pour vous dire que le ministère de l’intérieur vous a adressé, un peu tardivement peut-être,…
Mme Éliane Assassi. Hier soir !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. … mais récemment, le bilan que l’on peut tirer de cette expérimentation.
Voici les éléments que je veux donner en synthèse. Premièrement, des autorisations donnant lieu à l’utilisation de 2 325 caméras mobiles ont été accordées à 391 communes. Chaque commune titulaire d’une telle autorisation possède, en moyenne, 6 caméras mobiles.
Deuxièmement, l’acquisition de caméras mobiles par les communes a fait l’objet d’un soutien financier de l’État, via le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, à hauteur de 171 000 euros en 2017 – 116 communes en ont bénéficié pour l’achat de 893 caméras.
Troisièmement, les rapports reçus des communes ayant participé à l’expérimentation insistent sur le caractère dissuasif du port des caméras par les agents. Le constat d’une responsabilisation des personnes filmées et d’un plus grand respect envers les agents de police municipale est unanimement partagé.
Les rapports précisent que le port de caméras individuelles présente un caractère rassurant pour les agents et a permis de réduire l’agressivité des particuliers, ainsi que les infractions d’outrage à agent. Des communes soulignent que, grâce au port de caméras, il a été possible d’apaiser des situations qui auraient pu dégénérer en un outrage envers les agents de police municipale. De nombreuses communes précisent, enfin, que leurs agents de police municipale n’ont pas eu l’occasion de procéder à un enregistrement.
Quatrièmement, les caméras mobiles ont permis de recueillir des éléments de preuve lors de certaines interventions des agents de police municipale. À plusieurs reprises, des extractions ont été utilisées dans le cadre de procédures judiciaires et certaines ont permis d’identifier des contrevenants.
Cinquièmement, plusieurs communes ont souligné l’utilité pédagogique du dispositif. Les policiers municipaux peuvent ainsi se former aux gestes et techniques d’intervention et améliorer leurs pratiques en visionnant les enregistrements réalisés lors d’interventions.
Je crois donc qu’un bilan particulièrement positif peut être tiré de l’usage des caméras mobiles par les agents de police municipale, ce qui explique les nombreuses demandes de pérennisation du dispositif que nous avons reçues.
Dans ces conditions, le Gouvernement soutient pleinement cette initiative, ainsi que la proposition de loi dans son ensemble. Il s’emploiera, dans le cadre d’un agenda parlementaire très chargé, à faire en sorte que ce texte, si vous décidez de l’adopter, puisse être examiné au plus vite par l’Assemblée nationale.
Enfin, pour répondre à la question posée par l’auteur de cette proposition de loi, il est clair que, l’expérimentation sur les polices municipales étant terminée, les agents ne sont plus autorisés à enregistrer leurs interventions tant que le texte que nous examinons n’aura pas totalement abouti, et c’est bien naturel. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en octobre 2015, le Comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté affirmait dans un rapport que l’expérimentation du port des caméras-piétons « est un succès reconnu par tous ». Il ajoutait : « Dans un contexte de violences croissantes commises à l’encontre des agents publics, le recours à l’enregistrement vidéo et sonore objective les faits en cas de recours à la coercition proportionnée. Il joue un rôle dissuasif dans la montée des tensions et aide dans de nombreux cas à prévenir le passage à l’acte violent. » Ce constat est d’ailleurs le même que celui qui figure dans le rapport du ministère de l’intérieur, établi sur la base de l’expérimentation effectuée dans le cadre de l’article 114 de la loi de 2016, que nous avons reçu hier soir.
M. Cazeneuve, ancien ministre de l’intérieur, voyait dans ces caméras individuelles un outil « déontologique » permettant d’apaiser la relation entre la police et la population, car leur utilisation permet d’établir, image et son à l’appui, quel a été le comportement des uns et des autres. Il est vrai – et je rejoins sur ce point ce que disait Patrick Kanner en commission – qu’il ne faut pas trop « mécaniser » les relations sociales dans notre pays. Néanmoins, le rôle du législateur est aussi d’amener un peu d’harmonie – en l’occurrence de permettre à nos forces de sécurité et de police, ainsi qu’à ceux qui concourent à la sûreté et à la sécurité des personnes, d’exercer leurs missions dans des conditions tout à fait sereines dans la sécurité.
Alors que le débat sur les rapports entre la police et la population, notamment dans les quartiers sensibles, a été relancé par la violente interpellation dont a fait l’objet un jeune homme à Aulnay-sous-Bois en février 2017, il semble important de rappeler que les attentes envers ce dispositif divergent, selon que l’on est un représentant des forces de l’ordre ou un citoyen. Nos concitoyens perçoivent généralement ces caméras comme un moyen d’éviter les bavures policières et les contrôles au faciès – si et seulement si – elles filment en continu.
Or ce cas de figure n’est, pour l’instant, pas envisagé. Les syndicats de policiers, quant à eux, se félicitent que la vidéo ne soit déclenchée que sur l’initiative des policiers, au nom de l’autonomie sur le terrain des forces de l’ordre.
C’est notamment pour répondre à ces préoccupations que plusieurs décrets ont été adoptés à la fin de décembre 2016 afin d’étendre l’expérimentation, pendant deux ans, de ces caméras individuelles par les agents de police municipale et les agents de sûreté de la SNCF et de la RATP dans le cadre de leurs interventions. Rappelons que ces décrets viennent apporter des précisions complémentaires quant aux conditions d’utilisation de ces caméras.
La prévention des incidents au cours des interventions, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves et la formation des agents de police municipale sont les principaux enjeux des décrets de décembre 2016.
Par ailleurs, il convient de rappeler que les caméras mobiles sont déjà utilisées par les policiers et gendarmes. Cet usage, autorisé à partir de 2013 à titre expérimental, fut généralisé à partir de 2016 par la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale. Le caractère dissuasif de ce dispositif a été unanimement reconnu par la direction générale de la police nationale, qui a salué « leur effet modérateur » dans les zones-test.
L’article L. 241-1 du code de la sécurité intérieure fixe les conditions d’utilisation des caméras mobiles par les agents de sécurité. Il précise, en effet, que « dans l’exercice de leurs missions de prévention des atteintes à l’ordre public et de protection de la sécurité des personnes et des biens ainsi que de leurs missions de police judiciaire », les gendarmes et les policiers nationaux peuvent déclencher l’équipement « en tous lieux », « lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident », après avoir prévenu les personnes filmées. Tout enregistrement permanent est donc clairement exclu. L’obligation d’information est aussi respectée avant le déclenchement de la caméra.
De plus, il convient de le souligner, une fois filmées, les images ne peuvent être consultées qu’à l’issue de l’intervention et « après leur transfert sur un support informatique sécurisé ». Sauf utilité pour une quelconque procédure, elles seront effacées « automatiquement » au bout de six mois.
L’utilisation de ce dispositif par les policiers municipaux a donc été réalisée à titre expérimental dans les mêmes conditions. Ainsi définies par le code des transports, les règles encadrant le dispositif pour les agents de la SNCF et de la RATP sont les mêmes.
L’objectif principal de ces caméras est finalement de protéger les personnels de sécurité tout en garantissant un cadre plus apaisé et plus coopératif lors des contrôles ou interpellations.
L’expérimentation prévue par l’article 114 de la loi du 3 juin 2016, votée sur l’initiative du Parlement, est arrivée à son terme le 4 juin 2018. Les premiers éléments recueillis par le ministère de l’intérieur laissent apparaître, à ce stade, que plus de 301 communes ont obtenu l’autorisation d’utiliser environ 2 325 caméras mobiles pour une durée moyenne d’autorisation préfectorale de dix mois.
Forts de ce bilan positif et malgré quelques critiques relatives particulièrement au droit d’accès des images filmées par les personnes concernées ou encore aux risques d’atteinte à la vie privée, nous estimons qu’il est opportun d’étendre l’expérimentation de ces caméras-piétons à d’autres agents de sécurité publique, dont font partie les agents pénitentiaires ou des sapeurs-pompiers volontaires ou professionnels.
Par conséquent, l’harmonisation des règles d’utilisation et le déploiement de caméras mobiles au bénéfice des agents de sécurité publique permettront notamment de s’assurer de la proportionnalité des conditions de mise en œuvre du dispositif avec le droit au respect de la vie privée.
Mes chers collègues, l’utilité et l’efficacité de ces caméras ne sont plus à démontrer dans un contexte où nos agents de sécurité publique sont confrontés à une agressivité croissante dans l’exercice de leurs missions.
Nous nous devons de leur apporter un cadre juridique harmonisé afin qu’ils puissent se prémunir contre des accusations parfois excessives. Nous devons leur garantir un cadre légal qui leur permettra de se défendre correctement lors d’une procédure judiciaire.
Mais n’oublions pas, afin de rassurer nos concitoyens, que les règles d’utilisation de ce dispositif doivent aussi respecter le droit à la vie privée. D’où la nécessité d’encadrer « justement » et « strictement » l’usage de ces caméras mobiles.
C’est à la suite de toutes ces observations qu’il nous a semblé nécessaire d’étendre et de préciser le cadre d’utilisation des caméras mobiles individuelles par les personnels de sécurité.
Enfin, si le cadre juridique est clair en matière d’utilisation des caméras mobiles, pour les gendarmes, les agents de police nationale et municipale, les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, il reste quelques ajustements à faire pour les professions non réglementées, telles que les pompiers et les personnels pénitentiaires.
J’ai donc décidé de cosigner la proposition de loi portée par mon collègue Jean-Pierre Decool afin que l’on puisse « harmoniser et aligner le régime juridique applicable à l’utilisation des caméras mobiles individuelles tout en étendant son champ d’application sous forme expérimentale ou non ».
Quant au groupe du RDSE, il soutient sans réserve cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, tout récemment, alors que l’expérimentation des deux années de port de caméras-piétons par les polices municipales a pris fin, les maires des 300 communes expérimentales et des syndicats de police viennent de s’exprimer de façon unanime sur leur efficacité contre la délinquance et les incivilités. Et parmi celles-ci, on trouve deux villes de mon département, Guise et Marle.
Depuis ce 3 juin, le vide juridique en ce qui concerne la pérennité du port de caméras par les polices municipales est un mauvais signe donné aux policiers municipaux et un excellent signe, si je puis dire, pour les délinquants !
Le rapport d’expérimentation évoqué par le ministre de l’intérieur ne nous est parvenu, par mail, qu’hier en début de soirée. Il confirme bien l’unanime satisfaction des utilisateurs.
Cette proposition de loi, que j’ai cosignée, s’inscrit donc dans une suite logique de prévention des conflits, mais aussi de protection des agents en charge de notre sécurité, qu’ils soient policiers municipaux, sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires, ou personnels pénitentiaires.
M. Henri Leroy. Ce texte est très utile !
M. Antoine Lefèvre. Je rappelle que les agents chargés de la sécurité de la RATP et de la SNCF sont aussi équipés de ce dispositif, et ce depuis 2015. Il est donc temps d’en proposer un élargissement.
En cet instant, je souhaite évoquer la situation des personnels pénitentiaires, déjà en sous-effectif – je les rencontre régulièrement dans le cadre de la mission budgétaire « Justice » –, et visés par l’article 2.
Je veux ensuite rappeler un chiffre : on recense en effet chaque année – et selon un chiffre communiqué par la direction de l’administration pénitentiaire un peu plus de 4 000 agressions déclarées de surveillants, soit plus de dix par jour –, avec une interruption temporaire de travail, pour plus de 300 d’entre elles. Parmi ces agressions, on recense 51 prises d’otages de personnels depuis 2011.
Il s’agit, dans ces conditions, d’équiper ces personnels de caméras mobiles, en particulier lors des opérations d’escorte de prisonniers.
Je me permets, à ce moment de mon propos, d’évoquer quelques faits récents, et en prise directe avec notre article 2. En effet, le 16 mai dernier, un détenu de la maison d’arrêt de Brest, « fiché S » en raison d’une « tendance à la radicalisation », s’est évadé lors d’un transfert médical. L’homme de 21 ans a réussi à s’échapper, avec l’aide d’un complice extérieur, au moment de son arrivée au CHU de Brest, l’escorte n’étant pas – ou peu – armée. Il semblerait que les escortes pour extraction médicale sont – et cela semble être su des prisonniers, en tout cas de celui-ci – sous un niveau moindre de sécurité. Il semblerait même qu’il ait été averti de son extraction la journée précédente, alors que la doctrine veut que le détenu ne le soit que le jour même, justement pour éviter ces tentatives d’évasion.
Je citerai un autre exemple, auquel ont été récemment confrontés – et par trois fois – les personnels du pôle de rattachement des extractions judiciaires de Lille : ils ont été pris à partie par des véhicules sur l’autoroute, dans l’agglomération de Lille. Un outil de ce type aurait pu permettre une identification des auteurs. Ces personnels ne sont pas à l’abri d’une tentative d’évasion par aide extérieure. Pouvoir filmer lors d’une situation de danger immédiat constitue donc une source de preuves, vous l’avez rappelé, madame la ministre.
De même, lorsqu’ils présentent des détenus devant les différents tribunaux, lesquels n’ont pas tous un niveau de sécurité adapté à leurs missions – je veux parler de l’accès des escortes, des geôles, des couloirs de circulation à l’intérieur empêchant toute personne étrangère de venir au contact –, il leur arrive souvent d’être pris à partie par les familles ou amis des détenus. Or, si ces derniers se savent filmés, on peut penser que leurs attitudes et paroles n’auront pas la même intensité. C’est un autre exemple de l’aspect dissuasif qu’un tel système peut comporter.
À titre indicatif, le pôle de rattachement des extractions judiciaires de Laon, doté de neuf personnes, assure en moyenne environ 640 missions annuelles, pour un total de plus de 100 000 kilomètres parcourus.
La Chancellerie avait reconnu, dans un communiqué publié en réponse aux inquiétudes des personnels, que cet événement montrait « la nécessité de poursuivre et d’achever rapidement les travaux engagés pour harmoniser les règles, les procédures et les moyens mis en œuvre pour l’ensemble des missions extérieures assurées par l’administration pénitentiaire, que ce soit des extractions judiciaires ou médicales ou des permissions de sortie sous escorte ».
Qu’en est-il, madame la ministre, de ce nouveau dispositif qui devait être présenté aux organisations représentatives ? Vous pourrez peut-être nous donner des précisions utiles à ce sujet.
Cette proposition de loi répond à une demande légitime : ces missions d’une sensibilité particulière doivent pouvoir être menées en toute sécurité.
Je salue à ce propos l’amendement adopté par la commission sur l’initiative de notre rapporteur, visant à élargir le champ d’utilisation des caméras mobiles à d’autres missions que celles qui sont extérieures à la prison, à savoir à celles qui, au sein de l’établissement, exposent le personnel à un contact avec des individus signalés comme dangereux.
En ce qui concerne l’expérimentation de trois ans de l’utilisation des caméras par le personnel de l’administration pénitentiaire, si j’y adhère, je ne voudrais pas toutefois que, à la fin de ces trois années, il lui soit réservé le même sort qu’à celle concernant les policiers municipaux. Il est sage d’avoir spécifié que le rapport devra être remis dans un délai de six mois avant la fin des trois années d’expérimentation et de s’assurer ainsi d’une éventuelle continuité.
La discussion de cette proposition de loi et, notamment, de son article 2 est donc dans le vif de l’actualité et son adoption permettrait de finaliser l’équipement de notre personnel pénitentiaire.
Plus largement, je salue l’article additionnel inséré dans le texte sur l’initiative de notre excellent rapporteur et avec le soutien de tous. Cet article a pour objet ce que j’évoquais au début de mon intervention : il assure la continuité du port de caméras par la police municipale, dans une sorte de parallélisme des formes, et dans la suite logique du rapport d’évaluation publié hier soir.
Enfin, je souhaite à nouveau signaler brièvement la prolifération des téléphones portables saisis en prison : en six mois, nous en sommes à plus de 20 000 ! Je sais que Mme la garde des sceaux est bien consciente de ce problème, mais il est urgent d’agir.
En conclusion, je voterai bien évidemment cette proposition de loi, que j’avais cosignée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c’est décidément une belle journée pour notre collègue Jean-Pierre Decool, que je veux avant tout saluer pour cette proposition de loi, qui a été cosignée de manière très large et ouverte, ce qui témoigne d’une grande adhésion à cette initiative dans l’ensemble des groupes de notre assemblée.
L’usage des caméras mobiles a été pérennisé et étendu à l’ensemble des agents de la police nationale et de la gendarmerie nationale par la loi du 3 juin 2016. Son article 114 autorisait également, à titre expérimental jusqu’au 3 juin 2018, l’usage de ces caméras par les agents de la police municipale.
La loi du 22 mars 2016 a, quant à elle, permis de conduire une expérimentation similaire d’une durée de trois ans, qui prendra fin le 1er janvier 2020, au bénéfice des agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP.
La proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Decool vise à étendre l’usage de ces caméras mobiles dans le temps et à deux nouvelles catégories d’agents publics : les sapeurs-pompiers et les surveillants de l’administration pénitentiaire, qui demandent, légitimement, un renforcement de leur protection et une meilleure sécurisation de leurs interventions.
Le déploiement des caméras mobiles au bénéfice des agents de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des polices municipales a clairement démontré son utilité et son efficacité. Les caméras-piétons constituent un outil de pacification des relations entre les citoyens et les forces de l’ordre, ainsi qu’un outil de prévention des incidents.
La proposition de loi soumise à notre examen fait l’objet d’un large consensus. Toutefois, la commission des lois a souhaité mieux sécuriser les dispositifs proposés ; nous partageons son initiative.
Je ne reviendrai pas sur les diverses nouvelles rédactions qui ont déjà été évoquées par les précédents orateurs et, en particulier, par notre rapporteur Dany Wattebled, de manière très précise et exhaustive.
Saluons seulement le renforcement du respect de la vie privée et du secret médical, ainsi que le fait que certaines dispositions requièrent à la fois un décret en Conseil d’État et un avis motivé de la CNIL pour l’utilisation des données personnelles.
Saluons aussi la vigilance dont témoigne l’intégration au dispositif des sapeurs-pompiers de Paris et Marseille : du fait de leur statut, ils méritaient une approche singulière.
Par ailleurs, eu égard à la sensibilité des données susceptibles d’être collectées dans le cadre de ces enregistrements, un rôle particulier a été dévolu à la CNIL.
Enfin, le texte issu des travaux de la commission pérennise l’usage de caméras individuelles par les agents de la police municipale, dont l’expérimentation s’est achevée le 3 juin dernier ; c’est même son premier objet.
Au vu du rapport d’évaluation transmis au Parlement par le ministère de l’intérieur, le bilan de l’utilisation des caméras mobiles se montre largement positif : 391 communes ont participé à cette expérimentation, soit un chiffre assez significatif, qui correspond à l’utilisation de 2 325 caméras mobiles.
Les rapports sur l’utilisation des caméras transmis par ces communes au ministère de l’intérieur insistent essentiellement sur le caractère dissuasif du port de ces caméras par les agents des polices municipales. Elles permettent notamment de réduire l’agressivité de certains de nos concitoyens envers les policiers et revêtent, de fait, un caractère rassurant pour les agents de police.
Face à la fin de l’expérimentation, le 3 juin dernier, les communes éprouvaient une inquiétude légitime. Nous nous réjouissons donc que ce dispositif puisse être pérennisé par cette proposition de loi.
Le groupe La République En Marche soutient cette évolution, qui s’inscrit pleinement et efficacement dans la démarche de la police de sécurité au quotidien. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « Ce que Foucault sent, c’est que le pouvoir va devoir procéder autrement, beaucoup plus souplement, insidieusement, et en faisant une sorte d’échange : on troque une partie de notre liberté au nom d’une vie plus fluide. Il anticipe le fait qu’on passe d’un régime disciplinaire à un régime plus normatif. » C’est ce qu’explique Alain Damasio, romancier et auteur de La Zone du dehors.
« On troque une partie de notre liberté au nom d’une vie plus fluide », et même si fluide que ce genre de texte ne suscite désormais plus le moindre froncement de sourcils en commission des lois.
Sous couvert de pacification des relations entre l’État et ses administrés, on nous propose aujourd’hui d’étendre un dispositif jusque-là réservé aux forces de l’ordre – police nationale et gendarmerie – à d’autres agents de la fonction publique : policiers municipaux, d’abord, puis sapeurs-pompiers et agents de l’administration pénitentiaire.
L’extension du dispositif à la police municipale, dont l’expérimentation vient de s’achever, présenterait un « bilan très positif », selon Gérard Collomb. Nous regrettons que le rapport d’évaluation n’ait été rendu public qu’hier en début de soirée. Au-delà d’un évident satisfecit ministériel, ce rapport est – j’en juge après une lecture, je dois le dire, rapide – de nature à soulever un certain nombre de questions que nous ne pourrons, à l’évidence, pas aborder cet après-midi.
Je rappellerai que, pour notre part, nous n’étions pas favorables à cette expérimentation. Nous jugeons que sa pérennisation n’est pas souhaitable, comme nous avons eu l’occasion de le dire lors de la discussion de notre proposition de loi relative à la lutte contre les contrôles au faciès.
Le dispositif n’est pensé que du point de vue des agents en exercice, et non dans le but de protéger également les citoyens et, dans le cas de l’administration pénitentiaire, les usagers du service public. Les caméras mobiles sont allumées et éteintes par les agents qui les portent, donc lorsqu’ils le souhaitent.
Se pose alors la question du but de l’opération : s’agirait-il d’avoir des éléments de preuve pour porter plainte contre son interlocuteur, sans que celui-ci puisse s’en défendre ? « Surveiller et punir », donc, puisque les images qui seront transmises aux magistrats seront celles qui seront filmées par une seule et même partie.
La question du traitement des images est aussi importante : ces caméras sont souvent présentées comme un outil prétendument économique pour l’apaisement des relations entre forces de l’ordre et population, mais des moyens devront être donnés au personnel qui traitera les données filmées. Dès lors, ne vaudrait-il pas mieux consacrer ces moyens au traitement des causes profondes de la délinquance, par exemple en déployant une véritable police de proximité partout sur le territoire et en repensant notre politique carcérale ?
Enfin se pose la question de la protection des données personnelles. Il est prévu qu’elles soient détruites au bout de six mois, hors le cas où elles seront utilisées dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire. Dans ces derniers cas, en revanche, nulle mention des délais. Qu’en est-il ?
La vidéosurveillance « constitue le premier pilier de ce qu’on peut appeler la “société de surveillance” » : l’acuité des propos d’Alex Türk, ancien sénateur et président de la CNIL, est intacte, quoi qu’en disent les auteurs de la proposition de loi.
Dans un contexte de tout-sécuritaire et de réduction des dépenses publiques, la proposition qui nous est faite ne répond pas aux inquiétudes bien réelles et légitimes des professionnels, mais comporte de multiples risques de dérives. Ainsi, après la police, les pompiers et les personnels de l’administration pénitentiaire, pourquoi pas, demain, les personnels hospitaliers, qui sont régulièrement pris à partie, ou encore les instituteurs ou les professeurs dans certains établissements scolaires ?
C’est un leurre de vouloir résoudre par la technologie le problème du manque de moyens budgétaires. D’autres réponses existent, mais elles exigent de réorienter les politiques sécuritaires et d’austérité déjà engagées.
Les sapeurs-pompiers ne seront pas moins pris à partie avec une caméra mobile installée sur leur uniforme.
M. Antoine Lefèvre. Si !
Mme Éliane Assassi. Les violences à leur encontre sont bien réelles et inadmissibles, mais il ne s’agit pas simplement de s’insurger contre elles. Elles s’inscrivent dans une problématique plus globale de relation distendue entre certaines populations et les représentants de l’autorité étatique, sous quelque forme qu’elle s’exerce. Multiplier le recours à la technologie dans l’espace public ne résoudra sûrement pas le problème.
D’ailleurs, dans les 32 propositions formulées par la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France lors de l’élection présidentielle de 2017, aucune allusion n’est faite à l’usage des caméras mobiles ; en revanche, bien d’autres préoccupations s’y font jour, comme le maintien de la proximité territoriale des secours ou encore la nécessité de compenser la disparité financière entre les territoires, source d’inégalité dans le secours.
Pour les agents de l’administration pénitentiaire, notons que la disposition proposée porte sur les missions d’extractions judiciaires ou de transfèrements administratifs, sachant que les caméras de surveillance dans les établissements pénitentiaires sont déjà répandues.
Encore une fois se pose la question du but d’un tel dispositif. Profite-t-il à l’amélioration de la relation entre surveillants et prisonniers ? Améliore-t-il les conditions de travail des agents pénitentiaires ?
M. Antoine Lefèvre. Oui !
Mme Éliane Assassi. Les personnels de l’administration pénitentiaire concernés par ce texte – j’ai eu l’occasion, avec mon collègue Fabien Gay, d’en rencontrer un certain nombre lundi dernier – ne s’opposent pas à cette mesure, mais ils ne sont pas dupes, d’autant que le port de caméras mobiles durant les transferts de prisonniers n’est pas leur revendication prioritaire.
S’ils ne refusent pas de s’accommoder du port de ces outils, c’est à défaut d’autres réponses qui œuvreraient véritablement à l’apaisement et à un exercice de leur métier aussi serein que possible, avec des moyens matériels et humains suffisants.
Or, comme d’autres, ce texte ne fait que colmater les brèches profondes dans les relations entre l’État et ses administrés. Au lieu de traiter les causes – pourquoi un tel état de fait ? – on traite les symptômes – comment se départir des violences à un instant t ?
Je l’affirme à nouveau : surveillance désincarnée et suspicion généralisée ne répondront pas aux vrais enjeux de sécurité publique de notre pays.
Alors, madame la ministre, notre vote sur ce texte ne sera ni un vote de rejet ni un vote d’approbation, mais une abstention, qui se fonde principalement sur nos rencontres avec les personnels concernés, dont je rappelle qu’ils ne sont pas dupes quant à l’utilisation de ces caméras. (M. Fabien Gay applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2016, le Parlement autorisait les agents de sécurité de la SNCF et de la RATP, mais également les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale, à faire usage de caméras mobiles. Ce nouvel outil, généralement plutôt bien accueilli, alimentait toutefois certaines craintes, plusieurs de nos collègues nourrissant des doutes quant à son efficacité.
Deux ans plus tard, le déploiement de ces caméras individuelles a fait ses preuves : elles constituent un vecteur efficace d’apaisement des tensions et de prévention des incidents, contribuant ainsi à sécuriser les interventions des forces de l’ordre.
Présentée par notre collègue Jean-Pierre Decool, dont je salue l’initiative, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à étendre l’utilisation de ces caméras mobiles à deux nouvelles catégories d’agents publics.
Les sapeurs-pompiers, d’abord, contre lesquels les agressions ont augmenté de 20 % en 2016 d’après l’Observatoire national de la délinquance. J’en témoigne comme élu de la Haute-Savoie, mais je sais que certains de nos collègues, dont Sylvie Goy-Chavent, élue de l’Ain, partagent aussi les préoccupations qu’expriment à la fois les pompiers sur le terrain et leur encadrement.
Les surveillants de l’administration pénitentiaire, ensuite, qui sont confrontés à une population carcérale plus nombreuse et plus violente, et à des agressions malheureusement régulières. Ces phénomènes de violence sont inacceptables, et il était absolument nécessaire de répondre à la demande de sécurisation formulée par nos agents publics.
L’objectif recherché au travers de cette proposition de loi nous paraît d’autant plus légitime que les avantages liés à l’utilisation des caméras individuelles nous concernent tous : elles bénéficient évidemment aux agents dépositaires de l’autorité publique, mais aussi aux citoyens, qui pourraient sinon être victimes d’abus de droit et d’actes inappropriés. Elles profitent aussi aux magistrats, pour lesquels les enregistrements constituent des éléments de preuve objectifs, susceptibles de les aider dans leur travail.
Cependant, une extension de l’usage des caméras mobiles aux pompiers et au personnel pénitentiaire n’était pas sans risque, en raison des atteintes potentielles au droit au respect de la vie privée. Il fallait donc concilier la protection de ce droit constitutionnellement reconnu avec la prévention des atteintes à l’ordre public.
Sur ce point, plusieurs garanties ont été apportées par les auteurs de cette proposition de loi, qui ont tenu compte des préconisations de la CNIL. Siégeant au sein de cette commission, depuis plus de trois ans, en tant que représentant du Sénat, je m’en réjouis. Le périmètre du recours aux caméras a ainsi été strictement défini : toute personne filmée devra en être préalablement informée, et les caméras ne pourront pas être allumées en permanence.
De même, les conditions d’accès aux enregistrements et de leur conservation ont été encadrées pour préserver le droit au respect de la vie privée : seul un nombre limité de personnes pourra visionner les enregistrements, et ce dans une durée limitée à six mois.
La proportionnalité des dispositifs proposés est donc garantie, d’autant que plusieurs amendements adoptés en commission ont contribué à rééquilibrer la balance.
Sur proposition de notre rapporteur, Dany Wattebled, que je félicite pour la qualité de son rapport, l’usage des caméras individuelles par les sapeurs-pompiers a ainsi été davantage encadré : afin de protéger le secret médical, le recours aux caméras individuelles a été exclu pour toutes les interventions à caractère médical.
Il a également été décidé que les décrets d’application de l’expérimentation seraient pris après avis motivé et publié de la CNIL, ce qui devrait nous prémunir des risques d’atteinte à la vie privée. Je m’en réjouis de nouveau.
Enfin, l’examen de ce texte en commission a été l’occasion de pérenniser l’utilisation des caméras mobiles par les agents de police municipale, dont l’expérimentation s’est achevée le 3 juin dernier. En l’absence de cadre légal, des centaines de policiers municipaux se sont trouvés à cette date dans l’obligation d’abandonner ce dispositif, et de très nombreux maires ont fait part de leur volonté de poursuivre une expérimentation jugée très positive.
Face à l’urgence de la situation, et pour remédier au retard pris par le Gouvernement, plusieurs amendements, dont celui de notre collègue Yves Détraigne, ont alors été déposés de manière à pérenniser l’utilisation des caméras mobiles par les policiers municipaux. L’adoption d’un de ces amendements et l’insertion d’un tel dispositif dans l’article 2 bis de la proposition de loi sont une très bonne nouvelle pour nos communes.
Mes chers collègues, le groupe de l’Union Centriste votera en faveur de cette proposition de loi, les caméras mobiles ayant fait leurs preuves dans la pacification des rapports sociaux.
Rappelons-nous toutefois que ces dispositifs de vidéosurveillance ou de vidéoprotection ne pourront pas constituer l’unique réponse aux actes d’incivilité et aux nouvelles menaces, et que le recours aux caméras ne remplacera jamais les mesures de prévention ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Patrick Kanner. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je commencerai par remercier nos collègues sénateurs du Nord, Jean-Pierre Decool et Dany Wattebled : ils nous permettent de nous pencher sur le sujet des caméras mobiles, qui intéresse beaucoup nos concitoyens, mais aussi bien des élus locaux.
Cette proposition de loi et le travail du rapporteur sont guidés par la volonté de renforcer la sécurité des hommes et des femmes qui travaillent tous les jours à assurer celle de nos concitoyens. Cette volonté, le groupe socialiste et républicain la partage évidemment, d’autant que ce dispositif, rappelons-le, a été mis en place sous le quinquennat précédent.
Déjà expérimenté par la police et la gendarmerie nationale à compter de 2013, il a été pérennisé pour ces corps et étendu à la police municipale, sous forme expérimentale, par la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement.
Je citerai également la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, que j’avais défendue comme membre du Gouvernement devant la Haute Assemblée. Y était introduite une expérimentation, qui s’est achevée il y a quelques semaines et qui visait à pacifier les relations entre citoyens et force de police en rendant systématique l’enregistrement lors des contrôles d’identité. À cette occasion, madame la ministre, nous avions évoqué la question du récépissé ; Bernard Cazeneuve et moi-même avions rejeté cette hypothèse, estimant que les caméras mobiles étaient bien plus efficaces pour les relations interpersonnelles dans des situations bien souvent difficiles.
Avec cette proposition de loi, nous continuons donc sur une route entamée il y a plusieurs années, et ce avec un avantage certain, une visibilité accrue du fait des retours d’expérimentations.
Je remercie M. le président de la commission des lois d’avoir respecté sa promesse en nous transmettant, même tardivement, le rapport d’évaluation de l’expérimentation des caméras mobiles par les agents de police municipale. Je peux ainsi conforter les propos des orateurs qui m’ont précédé et relever que ce dispositif est efficace. Les retours du terrain sont positifs, tout comme l’étaient les conclusions du rapport de 2016 sur l’expérimentation menée entre 2013 et 2016 par la police et la gendarmerie.
Permettez-moi, mes chers collègues, de revenir sur les catégories d’agents publics visées par cette proposition de loi dans sa version initiale : les sapeurs-pompiers et les surveillants de l’administration pénitentiaire.
Oui, les caméras mobiles protègent ces agents. Elles pacifient d’abord les relations entre l’agent et le public. De ce fait, elles protègent des outrages verbaux les agents qui en sont équipés, et peuvent même prévenir les agressions physiques lors de leurs interventions. Elles peuvent aussi donner aux magistrats des éléments objectifs de preuve lors de procédures judiciaires.
On aurait tort de classer la présente proposition de loi dans la catégorie des textes de nature communicationnelle, répondant à l’émotion légitime suscitée dans l’opinion publique par un fait divers isolé : les difficultés rencontrées tant par les sapeurs-pompiers que par les surveillants de prison sont bien réelles, et elles sont croissantes. La commission des lois le souligne dans son rapport : rien qu’en 2016 le nombre de sapeurs-pompiers déclarant avoir été victimes d’une agression a bondi de 20 % par rapport à l’année précédente.
Il n’est pas nécessaire d’aller chercher très loin : dans l’actualité récente, on peut citer la très violente agression qu’ont subie trois pompiers à Aurillac dans la nuit du 2 au 3 juin dernier, alors qu’ils intervenaient dans le cadre d’une tentative de suicide. Il en va de même des agressions physiques du personnel pénitentiaire, dont le nombre s’élève annuellement à 4 000, selon la direction de l’administration pénitentiaire, soit une moyenne de 11 agressions par jour, dans un contexte où les détenus sont toujours plus nombreux, au vu des conditions que vous connaissez tous.
On se souvient d’ailleurs que le mouvement social des surveillants de prison survenu au début de cette année, d’une ampleur inédite depuis vingt-cinq ans, a été provoqué par une succession d’agressions à leur encontre.
Aussi, l’usage de caméras individuelles est légitime. Il est efficace, mais il est aussi justifiable. Il serait hâtif de refuser tout moyen nouveau que la technologie peut mettre au service de notre sécurité, tant qu’il existe des garanties permettant de respecter l’équilibre fondamental entre sécurité et libertés individuelles.
L’instauration de règles strictes pour contrôler cet équilibre est un défi majeur pour le législateur à l’époque que nous traversons. Pour y parvenir au mieux, nous devons avancer prudemment.
Cette proposition de loi s’inscrit en général dans le même cadre juridique que celui des professions utilisant déjà des caméras individuelles. Les enregistrements ayant pour finalité la prévention des incidents au cours des interventions, ils ne seront donc pas permanents au regard des conditions de mise en œuvre de ces enregistrements.
Les caméras devront être portées de façon apparente, ce qui garantit d’ailleurs leur effet dissuasif, et les personnes filmées devront être prévenues, dans la mesure où les circonstances le permettent, avec pour témoin un signal visuel spécifique indiquant que la caméra enregistre.
Enfin, les agents équipés de caméras ne pourront accéder directement aux informations enregistrées.
On peut ajouter à ces dispositions le cadre réglementaire qui sera fixé par le Conseil d’État, après avis de la CNIL, quant aux modalités de traitement des données personnelles provenant des caméras individuelles.
Premièrement, seules les images issues des caméras fournies par les services sont susceptibles d’être enregistrées dans les fichiers.
Deuxièmement, les images, les sons et l’identité du porteur sont stockés simultanément, et ce dernier doit justifier le cas échéant l’absence de déclenchement.
Troisièmement, les données doivent être conservées pendant un délai limité de six mois, sauf en cas d’utilisation dans le cadre d’une procédure judiciaire – cela a été rappelé par notre collègue Éliane Assassi –, et accessibles pour les personnes filmées.
Il faut toutefois souligner que, comme la CNIL le rappelle depuis 2015, plusieurs points demeurent problématiques dans le cadre ainsi établi.
Le premier point concerne l’accessibilité des données : la CNIL estime qu’au vu de la durée de leur conservation, et du fait que les traitements ne sont pas centralisés, le droit d’accès indirect aux images n’est pas effectif.
Deuxièmement, la CNIL met le doigt sur la difficile interprétation de la loi quant aux cas dans lesquels l’enregistrement est possible, c’est-à-dire « lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées ». Mes chers collègues, la notion d’incident et, plus encore, celle de risque d’incident sont éminemment subjectives, chacun l’aura bien compris.
Enfin, les enregistrements peuvent être réalisés en tous lieux, sans distinction entre l’espace public et les domiciles privés. Selon la CNIL, « des règles spécifiques devraient être prévues de manière à limiter toute atteinte à la vie privée des personnes concernées ». Nous l’avons fait dans ce texte, notamment pour les contrôles visant à des interventions médicales.
Ces préconisations de la CNIL nous montrent que la réflexion sur la technique est nécessaire et qu’elle doit être encore approfondie.
Il est problématique de traiter ces sujets par une proposition de loi. En effet, l’étude d’impact nous manque. Le travail de l’auteur et celui du rapporteur ne sont pas en cause – ils sont, je le répète, d’une grande qualité –, mais on peut regretter que le Gouvernement ne se soit pas saisi de ce sujet pour nous fournir des éléments techniques et éthiques qui nous permettraient d’avoir une vision plus globale encore de la question.
Malgré ces difficultés, la commission des lois a travaillé et a apporté des améliorations importantes. La proposition de loi initiale, en se contentant d’étendre l’existant à d’autres catégories de personnel, ne donnait pas forcément de réponses aux problématiques évoquées précédemment.
Des améliorations ont été apportées concernant les limites du cadre d’utilisation des caméras individuelles ; notre groupe les soutiendra.
J’approuve également la modification de l’article 2 visant à n’étendre le dispositif au personnel pénitentiaire qu’à titre expérimental. Rien ne justifiait un traitement différent de celui qui a été réservé à toutes les autres professions concernées jusqu’ici par le dispositif.
Nous approuvons aussi l’introduction de l’article 2 bis pérennisant l’expérimentation dont ont bénéficié les polices municipales. Nous allons ainsi, potentiellement, combler le vide juridique : le rapport d’expérimentation nous y incite.
Pour ma part, madame la ministre, je vous incite aussi, si vous le voulez bien – vous l’avez évoqué vous-même –, à exercer une pression amicale sur votre collègue chargé des relations avec le Parlement pour que ce texte soit adopté rapidement, et de manière conforme, par l’Assemblée nationale.
J’avais également déposé un amendement visant à permettre, dans un cadre bien identifié, d’offrir l’anonymat aux sapeurs-pompiers qui portent plainte, afin d’éviter qu’ils ne se trouvent exposés à des risques de représailles de la part des personnes mises en cause. La commission des lois l’a ce matin déclaré irrecevable au regard de l’article 45 de la Constitution. Je le regrette, parce que je crois sincèrement que cet amendement s’inscrivait dans la droite ligne de ce texte : j’entendais ainsi contribuer à sécuriser des professionnels qui risquent leur vie tous les jours pour protéger la nôtre. Cette question mérite en tout cas d’être débattue, et je ne manquerai pas de la porter plus loin à l’avenir sur le plan législatif.
En conclusion, le groupe socialiste et républicain, je le répète, se félicite de l’évolution dans laquelle s’inscrit la présente proposition de loi. Néanmoins, comme l’a rappelé notre collègue Stéphane Artano, prenons garde de ne pas mécaniser systématiquement tous les rapports humains.
L’utilisation des caméras mobiles est utile et pacificatrice, mais la formation des personnels doit demeurer prioritaire pour leur permettre de reconnaître et de gérer correctement les comportements. Il faut donc savoir où placer la barre du curseur.
Je lisais cette semaine un article qui traitait de la nouvelle traduction de 1984, ce fameux livre. On y lit que cet ouvrage « est toujours en avance sur nous. Il forme encore, en 2018, un phare inversé, notre horizon. » Gardons cela en tête, ne rejoignons pas cet horizon, et gardons-nous de dérives orwelliennes que pourrait entraîner une logique de surveillance poussée jusqu’au bout.
En 2007 déjà, la CNIL appelait à la vigilance dans son rapport annuel : « L’innovation technologique est à la fois porteuse de progrès et de dangers. Les individus sont tentés par le confort qu’elle procure, mais ils sont peu conscients des risques qu’elle comporte. » Aujourd’hui encore, c’est la vigilance face à ces risques qui doit être le mot d’ordre du législateur quand il touche à ces domaines.
C’est avec cette préoccupation que le groupe socialiste et républicain votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. Alain Marc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Alain Marc. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le recours aux caméras mobiles constitue un outil utile de sécurisation de l’intervention des agents publics.
Moins de deux ans après sa généralisation par le législateur, le déploiement de caméras mobiles au bénéfice des agents de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des polices municipales a démontré toute son utilité, cela a été souligné. Les difficultés croissantes rencontrées par d’autres agents publics conduisent aujourd’hui à s’interroger sur les possibilités d’extension de leur utilisation.
En 2016, quelque 2 280 sapeurs-pompiers ont déclaré avoir été victimes d’une agression au cours d’une intervention, soit une augmentation de près de 20 % par rapport à l’année précédente. Cette situation conduit les sapeurs-pompiers à revendiquer, de manière légitime, un renforcement de leur protection.
Quant aux surveillants pénitentiaires, ils doivent faire face à une population carcérale toujours plus nombreuse et toujours plus violente. Victimes d’agressions trop régulières, ils recherchent, de la même manière, une meilleure sécurisation de leurs interventions. Les manifestations du mois de janvier dernier en témoignent.
La proposition de loi que nous examinons cet après-midi a été déposée par notre collègue Jean-Pierre Decool. Je tiens tout particulièrement à souligner, à cette tribune, la pertinence de son initiative. Ce texte vise en effet à étendre l’utilisation des caméras mobiles, déjà déployées au bénéfice des agents de la police nationale et de la gendarmerie nationale, des agents de police municipale et des agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, à deux nouvelles catégories d’agents publics : les sapeurs-pompiers et les surveillants de l’administration pénitentiaire, qui sont confrontés, dans le cadre de leurs missions, à une agressivité croissante.
En commission, les amendements proposés par le rapporteur Dany Wattebled, dont je salue la qualité des travaux, ont apporté quelques ajustements destinés à assurer la proportionnalité des dispositifs prévus. Ainsi, sur l’initiative de son rapporteur, la commission a limité le champ d’utilisation des caméras mobiles par les sapeurs-pompiers aux situations présentant un risque d’atteinte grave à l’intégrité physique des agents et a exclu la possibilité de procéder à des enregistrements en cas de risque d’atteinte au secret médical.
La commission a par ailleurs prolongé d’une année la durée de l’expérimentation. Elle a prévu qu’un rapport d’évaluation soit remis au Parlement. Elle a précisé que le décret d’application devra être pris en Conseil d’État, après avis motivé et publié de la CNIL.
La commission a également rendu expérimental, pour une durée de trois ans, l’article 2 de la proposition de loi relatif à l’utilisation des caméras mobiles par les surveillants de l’administration pénitentiaire, tout en étendant son champ d’application aux missions présentant un risque particulier d’incident ou d’évasion, soit en raison de la nature même des missions exercées par les surveillants, soit compte tenu du niveau de dangerosité des détenus concernés.
Enfin, l’expérimentation de l’usage des caméras individuelles par les policiers municipaux a été pérennisée.
Madame la ministre, mes chers collègues, pragmatique et pertinente, cette proposition de loi répond à une véritable nécessité. C’est la raison pour laquelle le groupe Les Indépendants – République et Territoires la votera sans réserve. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Henri Leroy. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Henri Leroy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier notre collègue Jean-Pierre Decool, dont la proposition de loi nous donne ici une belle occasion de parler de l’équipement de nos autorités de sécurité publique.
Ce texte, dans sa version initiale, comportait deux avancées : d’une part, l’autorisation d’équiper les sapeurs-pompiers, à titre expérimental, de caméras mobiles ; d’autre part, la création d’un régime d’utilisation des caméras mobiles pour les agents de l’administration pénitentiaire.
En commission, nous sommes plusieurs à avoir proposé d’élargir le champ d’application de ce texte. Je rappelle que l’expérimentation de deux années permettant aux polices municipales d’utiliser leurs caméras mobiles a pris fin le 3 juin dernier, dans une indifférence générale regrettable.
C’est pourquoi, en commission, avec le rapporteur Dany Wattebled, nous sommes quelques sénateurs à avoir déposé des amendements pour autoriser durablement, sans condition de délai, les policiers municipaux à utiliser leurs caméras mobiles.
Lors du débat en séance publique sur la sécurité routière, le 5 juin dernier, j’ai longuement développé les raisons pour lesquelles la pérennisation du dispositif pour nos policiers municipaux ne comportait que des avantages. Je me réjouis du vote de ces amendements, car ils répondent à une attente très forte de nos maires et de nos élus délégués.
C’est pour des raisons similaires que je tiens à expliquer aujourd’hui pourquoi nous devons expérimenter l’utilisation des caméras individuelles par nos pompiers. D’ailleurs, madame la ministre, je suis fort satisfait de votre évolution sur le sujet.
Les conditions d’exercice de leurs fonctions par les sapeurs-pompiers se sont beaucoup dégradées depuis dix ans. Pourquoi ? Parce que nos pompiers portent l’uniforme, parce qu’ils représentent l’autorité, parce qu’ils travaillent de concert avec la police et la gendarmerie.
La conséquence en est, mes chers collègues, que le nombre des agressions dont sont victimes nos pompiers explose, année après année. Elles sont passées de 1 603 en 2014 à 2 280 pour la seule année 2016.
Comme de nombreux élus, je parle régulièrement avec des pompiers bénévoles ou professionnels des Alpes-Maritimes. Je retiens de ces nombreux échanges que nos pompiers subissent deux types de violence.
Les violences peuvent être sociétales. Lors d’interventions communes avec des policiers et gendarmes, la consommation d’alcool ou l’ambiance dite « festive », par exemple, peuvent conduire des individus à s’en prendre à des pompiers.
Les violences peuvent être aussi urbaines. Nous savons que certains quartiers sont gangrenés par les trafics, les incivilités et la violence. Ces comportements sont le fait de petits voyous ! Ce sont ces voyous qui caillassent nos pompiers. Ce sont ces voyous qui crachent sur nos pompiers. Ce sont ces voyous qui s’en prennent physiquement à nos gendarmes et à nos forces de l’ordre.
Alors, oui, madame la ministre, nous devons équiper nos pompiers de caméras-piétons, dans la mesure où elles remplissent deux fonctions essentielles.
La première fonction est préventive. Je rappelle qu’elles sont portées de façon apparente et qu’un signal lumineux indique que la caméra enregistre, déclenchée par l’agent qui la porte selon les circonstances.
La seconde fonction est de favoriser la sanction. En effet, visionner la scène est un moyen de preuve efficace dans les prétoires.
Cela implique toutefois, madame la ministre, que le Gouvernement revienne sur les lois Taubira qui ont affaibli l’institution judiciaire. Cela implique aussi qu’un voyou condamné à une peine de prison ferme aille en prison !
Jusqu’à présent, vous avez beaucoup usé de paroles, mais les actes ne sont pas encore au rendez-vous ! Si vous proposez de doter la justice de moyens juridiques et matériels suffisants, croyez-moi, tous les sénateurs Les Républicains seront derrière vous – et ils ne seront d’ailleurs pas les seuls.
Pour conclure, je renouvelle mon soutien aux métiers du service public de la protection, de la sécurité et de la défense. Ils incarnent l’esprit de la République et les valeurs de la France portées au plus haut. Nous avons ici une occasion très concrète d’aider ces héros du quotidien qui, pour beaucoup, sont bénévoles.
C’est l’honneur du Sénat de donner à ceux qui défendent nos valeurs les moyens de réaliser leur action. C’est pourquoi, mes chers collègues, j’espère que nous serons nombreux à voter cette proposition de loi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Alain Fouché. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer moi aussi le travail d’anticipation de notre collègue Jean-Pierre Decool.
En effet, l’expérimentation de caméras-piétons pour les policiers municipaux s’est achevée le 3 juin dernier. Faute de base légale, les policiers municipaux ne peuvent donc plus utiliser ces outils depuis le 4 juin.
Or, après deux ans d’expérimentation, la réussite de ce dispositif fait l’unanimité. Les caméras permettent d’apaiser les tensions, de sécuriser les missions des policiers en limitant les risques de comportement agressif, d’apporter la preuve du bien-fondé d’une intervention.
Ce dispositif vise aussi bien à protéger les agents qu’à constituer des éléments objectifs de preuve en cas de litige. Il participe à la protection des citoyens et du service public.
J’ai été corapporteur avec mon collègue François Bonhomme d’un rapport d’information sur la sécurité dans les transports terrestres face à la menace terroriste, qui a fait évoluer la loi Savary.
M. François Grosdidier. Excellent !
M. Alain Fouché. À la suite de ce travail, j’ai été à l’initiative d’un amendement à la loi du 22 mars 2016 autorisant l’utilisation à titre expérimental de caméras-piétons par les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP en intervention. Depuis sa mise en place au mois de février 2018, ces agents peuvent enregistrer les interventions qu’ils réalisent dans l’exercice de leurs missions, au moyen de caméras individuelles.
Cette expérimentation arrivera à échéance le 1er janvier 2020. Il faudra qu’elle soit pérennisée, car elle donne entière satisfaction. C’est le très vif souhait de la SNCF et de la RATP. Il faut naturellement aussi permettre aux autorités de sécurité publique de visionner en temps réel les données récoltées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier.
M. François Grosdidier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi du groupe Les Indépendants – République et Territoires tombe à point nommé, et la commission des lois du Sénat l’a utilement élargie.
Dans sa propension illimitée à tout compliquer et réglementer, l’État nous contraint à légiférer aujourd’hui. L’exemple des caméras-piétons en est une parfaite illustration.
En France, tout le monde a le droit de filmer. Seule la diffusion publique est réglementée selon le droit à l’image. Or nous, les maires, n’avions pas attendu ni même demandé d’autorisation à l’État pour équiper nos policiers municipaux. Eux-mêmes étaient régulièrement filmés par des citoyens, parfois même par des délinquants et des complices.
M. Antoine Lefèvre. Eh oui !
M. François Grosdidier. Je l’ai moi-même fait voilà sept ans, dans la commune dont j’étais alors le maire, pour faire taire les mises en cause injustifiées.
L’expérimentation a été immédiatement concluante. Les caméras protègent bien les policiers municipaux contre les mises en cause injustifiées. Elles protègent aussi les citoyens contre d’éventuels excès ou dérapages des policiers. Elles ont également pour effet de faire chuter immédiatement la tension dans près de 90 % des cas lorsque les individus se savent filmés. Enfin, elles fournissent aux juges des éléments objectifs et tangibles. Jamais un juge n’a refusé ces images au motif de l’absence de base légale ; d’ailleurs, les juges acceptent les images prises par la partie adverse.
Mais voilà, pour l’État, gendarmes et policiers seraient des sous-citoyens, seuls à ne pas pouvoir filmer sans autorisation expresse et caméra homologuée.
En 2016, le Gouvernement a tenu à donner un cadre légal à cet usage qui n’avait rien d’illégal. La loi du 3 juin 2016 autorisait expressément l’usage des caméras par les gendarmes et policiers nationaux, mais, pour les policiers municipaux, le limitait à une expérimentation circonscrite aux zones de sécurité prioritaire, les ZSP, selon le vote de l’Assemblée nationale. Le Sénat a bien évidemment étendu cette expérimentation à toutes les polices municipales.
L’expérimentation prenait fin le 4 juin dernier et le Gouvernement n’avait pas prévu de suite, sinon de faire envoyer par tous les préfets une circulaire aux maires, qui sont chefs de police municipale, leur indiquant que, à partir du 5 juin, il fallait remiser les caméras, ces modèles sophistiqués imposés par l’État, souvent peu fiables, coûtant sept fois plus cher que les modèles disponibles dans le commerce.
Madame la ministre, dans certains départements, les préfets demandent aux procureurs de poursuivre les maires ayant décidé de conserver ces caméras pour permettre aux policiers municipaux de filmer, à l’instar de tout autre citoyen. Je vous demande solennellement s’il s’agit d’initiatives personnelles ou d’une instruction ministérielle.
Le Sénat se doit de pallier cette carence de l’exécutif. C’est pourquoi la commission des lois, en particulier son rapporteur, Dany Wattebled, propose de pérenniser cet usage pour les policiers municipaux, auquel Henri Leroy et moi-même tenons beaucoup.
Il s’agit bien de pérenniser et non de prolonger l’expérimentation que l’on savait concluante bien avant que l’État ne la lance, puisque nous l’avions mise en œuvre depuis longtemps.
La caméra est aussi le meilleur régulateur de la relation police-population. C’est d’ailleurs confirmé par le rapport d’évaluation du ministère de l’intérieur en date du 7 juin dernier, un bon rapport même s’il enfonce des portes ouvertes – j’aurais pu vous l’écrire il y a deux ans ! Je vous renvoie au compte rendu de la commission consultative des polices municipales du mois de novembre 2016, où tout cela était déjà exposé.
La caméra est la solution de remplacement au récépissé de contrôle d’identité, qui ne ferait qu’ajouter de la paperasse à la paperasse.
Oui, il faut aussi équiper les sapeurs-pompiers, de plus en plus victimes d’agressions de la part de voyous. Le Sénat a d’ailleurs relevé le niveau des sanctions contre leurs agresseurs au niveau de celles visant les auteurs d’atteintes contre des personnes dépositaires de l’autorité publique ou des magistrats. Reste qu’au tribunal, il faut des preuves. C’est pourquoi il faut équiper les sapeurs-pompiers.
De la même façon, il faut équiper les agents de l’administration pénitentiaire. Les premières zones de non-droit en France, ce sont non pas les quartiers, mais les prisons : surpopulation carcérale, moyens insuffisants et autorité disqualifiée par l’impunité, dans la mesure où des gardiens peuvent être insultés et provoqués à longueur de journée.
La vidéo existe en prison, dans les couloirs, mais sans le son. Il faut l’image et le son pour appuyer les procédures disciplinaires et judiciaires et commencer à rétablir le droit dans ces établissements.
C’est pourquoi la commission des lois a enrichi ce texte.
Nous savons que les communes, pour les polices municipales, et les départements, pour les SDIS, sauront équiper leurs personnels selon leurs besoins.
Nous aimerions avoir la même certitude pour le ministère de l’intérieur, qui peine à équiper policiers et gendarmes. Les modèles sont inadaptés aux brigades anti-criminalité. Des policiers doivent continuer à utiliser leur propre GoPro, achetée à leurs frais.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. François Grosdidier. Les gendarmes sont particulièrement sous-équipés ; ils ne disposent de caméras qu’en ZSP, et encore dans une très faible proportion. J’ai même rencontré une compagnie qui en avait reçu trente, mais dont vingt étaient déjà en panne, alors qu’elle n’avait pas les moyens de les faire réparer. Une autre, en Lorraine, a vu ses caméras envoyées en Loire-Atlantique !
L’État ferait mieux d’accélérer l’équipement de ses forces plutôt que ralentir celui des collectivités. En attendant, l’adoption de ce texte est indispensable. C’est pourquoi le groupe Les Républicains le votera avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
M. Antoine Lefèvre. Il est partagé !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Bien sûr, le Gouvernement fait tout pour équiper en temps et en heure les gendarmes et les policiers de caméras. Des marchés publics sont lancés. Cela étant, monsieur le sénateur, dans la mesure où, comme je viens de le voir, vous êtes un expert en caméras, je serais ravie que vous me donniez des conseils techniques ; ils seront bienvenus ! (Sourires.)
Pour répondre à la question que vous m’avez posée, je précise qu’aucune instruction n’a été donnée aux préfets. Je le répète, depuis la fin de l’expérimentation et jusqu’au vote définitif de la loi, on n’a plus le droit de procéder à des enregistrements. (M. Arnaud de Belenet applaudit.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative à l’harmonisation de l’utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique
Article 1er
I. – À titre expérimental, dans l’exercice de leurs missions de prévention, de protection et de lutte contre les risques de sécurité civile, de protection des personnes et des biens et de secours d’urgence, les sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires et les militaires de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et du bataillon des marins-pompiers de Marseille peuvent procéder, au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident de nature à mettre en péril leur intégrité physique, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées.
L’enregistrement n’est pas permanent et ne peut être déclenché dans les cas où il est susceptible de porter atteinte au secret médical.
Les enregistrements ont pour finalité la prévention des incidents au cours des interventions des agents mentionnés au premier alinéa, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ainsi que la formation et la pédagogie des agents.
Les caméras sont portées de façon apparente par les agents. Un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre. Le déclenchement de l’enregistrement fait l’objet d’une information des personnes enregistrées, sauf si les circonstances l’interdisent. Une information générale du public sur l’emploi de ces caméras est organisée par le ministre de l’intérieur. Les personnels auxquels ces caméras sont fournies ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent.
Les enregistrements audiovisuels, hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, sont effacés au bout de six mois.
Le recours aux caméras individuelles est subordonné à une autorisation préalable, délivrée par le représentant de l’État compétent, sur demande de l’autorité de gestion du service d’incendie et de secours.
Les modalités d’application du présent article et d’utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d’État, après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
II (nouveau). – L’expérimentation prévue au I s’applique pour une durée de trois ans à compter de l’entrée en vigueur du décret mentionné au dernier alinéa du même I, et au plus tard six mois après la date de promulgation de la présente loi.
L’expérimentation est éligible au fonds interministériel pour la prévention de la délinquance défini à l’article 5 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.
Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de sa mise en œuvre.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
I. – À titre expérimental, pour les missions présentant, à raison de leur nature ou du niveau de dangerosité des personnes détenues concernées, un risque particulier d’incident ou d’évasion, les personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire individuellement désignés peuvent être autorisés à procéder, aux moyens de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées.
L’enregistrement n’est pas permanent. Aucun enregistrement ne peut être déclenché à l’occasion d’une fouille réalisée en application de l’article 57 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.
Les enregistrements ont pour finalités la prévention des incidents et des évasions, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par une collecte de preuves ainsi que la formation et la pédagogie des agents.
Les caméras sont portées de façon apparente. Un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre. Le déclenchement de l’enregistrement fait l’objet d’une information des personnes filmées, sauf si les circonstances l’interdisent. Une information générale du public est organisée par le garde des sceaux, ministre de la justice. Les personnels auxquels les caméras sont confiées ne peuvent avoir un accès direct aux enregistrements auxquels ils procèdent.
Les enregistrements audiovisuels, hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, sont effacés au bout de six mois.
Les modalités d’application du présent article et d’utilisation des données collectées sont précisées par décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
II (nouveau). – L’expérimentation prévue au I s’applique pour une durée de trois ans à compter de l’entrée en vigueur du décret mentionné au dernier alinéa du même I, et au plus tard six mois après la date de promulgation de la présente loi.
Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de sa mise en œuvre. – (Adopté.)
Article 2 bis (nouveau)
I. – Le chapitre unique du titre IV du livre II du code de la sécurité intérieure est complété par un article L. 241-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 241-2. – Dans l’exercice de leurs missions de prévention des atteintes à l’ordre public et de protection de la sécurité des personnes et des biens ainsi que de leurs missions de police judiciaire, les agents de police municipale peuvent être autorisés, par le représentant de l’État dans le département, à procéder en tous lieux, au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées.
« L’enregistrement n’est pas permanent.
« Les enregistrements ont pour finalités la prévention des incidents au cours des interventions des agents de police municipale, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ainsi que la formation et la pédagogie des agents.
« Les caméras sont portées de façon apparente par les agents. Un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre. Le déclenchement de l’enregistrement fait l’objet d’une information des personnes filmées, sauf si les circonstances l’interdisent. Une information générale du public sur l’emploi de ces caméras est organisée par le ministre de l’intérieur. Les personnels auxquels les caméras individuelles sont fournies ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent.
« Les enregistrements audiovisuels, hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, sont effacés au bout de six mois.
« L’autorisation mentionnée au premier alinéa est subordonnée à la demande préalable du maire et à l’existence d’une convention de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l’État, prévue par la section 2 du chapitre II du titre Ier du livre V du présent code.
« Lorsque l’agent est employé par un établissement public de coopération intercommunale et mis à disposition de plusieurs communes dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 512-2, cette demande est établie conjointement par l’ensemble des maires des communes où il est affecté.
« Les projets d’équipements des polices municipales en caméras individuelles sont éligibles au fonds interministériel pour la prévention de la délinquance défini à l’article 5 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.
« Les modalités d’application du présent article et d’utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d’État, pris après avis publié et motivé de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
II. – L’article 114 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale est abrogé. – (Adopté.)
Article 3
(Supprimé)
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, dans le texte de la commission.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
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Équilibre territorial et vitalité de la démocratie locale
Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi relative à l’équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie locale, présentée par MM. Philippe Bas, Bruno Retailleau et Mathieu Darnaud (proposition n° 466, texte de la commission n° 547, rapport n° 546, avis n° 539).
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.
TITRE II (SUITE)
DÉMOCRATISER L’ACTION PUBLIQUE LOCALE ET EN RENFORCER L’EFFICACITÉ (SUITE)
Chapitre IV (SUITE)
Améliorer les conditions d’exercice des mandats locaux (suite)
M. le président. Dans la discussion des articles, nous poursuivons, au sein du chapitre IV du titre II, l’examen des amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 20 sexies.
Articles additionnels après l’article 20 sexies (suite)
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Après l’article 20 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au II de l’article L. 237-1 du code électoral, les mots : « ou de ses communes membres » sont supprimés.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai également l’amendement n° 10.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 10, présenté par M. Grand et ainsi libellé :
Après l’article 20 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 239 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, tout élu ayant été amené à démissionner de son mandat de conseiller communautaire à la suite de l’un des cas d’incompatibilité prévus au II de l’article L. 237-1 qui ne se trouve plus dans la situation d’incompatibilité ayant conduit à cette démission, durant le temps d’exercice du mandat pour lequel il a démissionné, retrouve automatiquement son mandat de conseiller communautaire. L’élu concerné doit manifester son souhait de retrouver son mandat par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au président de l’établissement public de coopération intercommunale. La personne l’ayant remplacé dans ses fonctions de conseiller communautaire est considérée démissionnaire d’office. »
Veuillez poursuivre, monsieur Grand.
M. Jean-Pierre Grand. La loi de 2013 a rendu incompatible le mandat de conseiller communautaire avec un emploi salarié au sein de l’une des communes membres. Or le mandat de conseiller municipal au sein de l’une des communes membres n’est pas, lui, incompatible avec un emploi salarié au sein de l’intercommunalité. Il s’agit là d’une inégalité flagrante, qui ne repose sur aucune considération d’intérêt général. L’amendement n° 9, qui avait été adopté par le Sénat lors d’une précédente initiative parlementaire en mars 2016, vise à y mettre fin.
L’amendement n° 10 est un amendement de repli. Il tend à prévoir un mécanisme permettant à l’élu de retrouver son mandat de conseiller communautaire dès que cesse l’incompatibilité.
Je suis déjà intervenu sur ce sujet, qui concerne des élus peu nombreux, mais riches d’une réelle expérience, car ayant exercé des fonctions administratives et électives. Apporter une solution constituerait une reconnaissance pour ces élus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Comme vient de l’indiquer notre collègue Jean-Pierre Grand, ces deux amendements ont déjà été discutés récemment, lors de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Mireille Jouve. Ils avaient alors reçu un avis défavorable. Le même sort leur a été réservé lors de l’examen du présent texte en commission.
Je ne suis pas favorable à l’amendement n° 9, car l’incompatibilité qu’il tend à supprimer est un gage d’impartialité dans la gestion de l’EPCI.
De même, la disposition que tend à introduire l’amendement n° 10 est difficile à mettre en œuvre. Si elle était adoptée, elle forcerait le remplaçant du conseiller communautaire à démissionner d’office, ce qui ne semble pas opportun. En outre, elle pourrait menacer la stabilité des assemblées délibérantes des EPCI.
Même si je reconnais la pertinence de cet amendement – et l’astuce de son auteur ! – et si j’en comprends le sens, j’en demande le retrait. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Comme vient de le dire à l’instant le rapporteur, ces amendements, je m’en souviens, ont déjà été déposés sur un précédent texte. Je réitère notre avis défavorable.
C’est par parallélisme que le législateur a introduit une règle d’incompatibilité selon laquelle l’élu communautaire, étant en même temps élu municipal, ne peut être salarié de l’une des communes membres.
Comme cela a été rappelé hier, un groupe de travail sur le statut des élus locaux a été constitué au Sénat. Je vous propose donc, monsieur le sénateur, si vous en acceptez le principe, de travailler à l’uniformisation des règles d’incompatibilité en les appréhendant de manière globale dans le cadre du chantier sur le statut de l’élu local que le Président de la République a indiqué vouloir ouvrir lors du Congrès des maires de France. Votre réflexion pourra ainsi utilement s’inscrire dans le cadre des travaux conduits actuellement par le Sénat en ce domaine et sur lesquels le Gouvernement souhaitera s’appuyer.
M. le président. Monsieur Grand, les amendements nos 9 et 10 sont-ils maintenus ?
M. Jean-Pierre Grand. Non, je les retire, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 9 et 10 sont retirés.
L’amendement n° 54, présenté par M. Collombat, est ainsi libellé :
Après l’article 20 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 7° de l’article 222-13 du code pénal est abrogé.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement porte sur le statut de l’élu. Il faut essayer d’accorder aux élus un minimum de sécurité juridique.
Actuellement, le fait d’être dépositaire d’une autorité est systématiquement une circonstance aggravante, jamais atténuante, en cas de violences.
Cet amendement a pour origine la jurisprudence de la cour d’appel de Douai qui, pour une fois, a fait exception concernant le maire de Cousolre, dans le Nord. Cet élu avait été condamné, certes de façon symbolique, pour s’en être pris à un gamin qui embêtait le voisinage et semait la panique un peu partout. Pensant qu’un maire a aussi la responsabilité de faire respecter sa fonction, il avait agrippé ce jeune et lui avait donné une gifle, qui n’avait occasionné aucune séquelle.
À la surprise générale, et à la mienne en particulier, la cour d’appel de Douai a purement et simplement relaxé le maire, arguant que la réponse qu’il avait donnée était modérée et adaptée à la provocation qu’il avait subie dans l’exercice de ses fonctions. Cette jurisprudence est nouvelle.
Pour autant, le code pénal n’a pas été modifié. Cet amendement vise donc à supprimer le 7° de l’article 222-13 du code pénal, qui prévoit des circonstances aggravantes pour les personnes dépositaires de l’autorité publique en cas de violences.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je ne reviendrai pas en détail sur cet amendement, Pierre-Yves Collombat ayant exposé de façon exhaustive les faits qui l’ont amené à le déposer.
Nous avons longuement débattu de ce sujet en commission des lois. Ayant trouvé que cet amendement était pertinent, la commission a émis un avis favorable, considérant que l’arrêt de la cour d’appel de Douai était éclairant.
Les élus doivent sans doute être exemplaires, mais dans la mesure où ils sont plus exposés que d’autres citoyens dans certains cas, comme dans l’exemple qui vient d’être évoqué, ils n’ont pas, selon nous, à être traités plus sévèrement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’avis du Gouvernement diverge cette fois de celui du rapporteur.
Une personne dépositaire de l’autorité ou de la force publique doit naturellement être exemplaire, comme tout citoyen. Elle n’a pas à être préservée particulièrement. De façon symétrique, lorsqu’un citoyen attaque un gendarme, un policier ou un maire, le code pénal prévoit une sanction plus lourde. La loi repose donc actuellement sur un équilibre.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne feindrai pas de m’étonner de l’attention que porte le Gouvernement à l’exercice réel des fonctions d’élu local. Je n’aurai pas cette hypocrisie-là !
Je suis tout de même étonné : l’adoption de cet amendement ne coûterait pas de « pognon » ! (Sourires.)
M. le président. Merci, cher collègue, pour cette explication de vote très courte, mais percutante !
Je mets aux voix l’amendement n° 54.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 20 sexies.
L’amendement n° 50, présenté par M. Collombat, est ainsi libellé :
Après l’article 20 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 432-14 du code pénal est ainsi modifié :
1° Après le mot : « susmentionnées », sont insérés les mots : « d’avoir en connaissance de cause et en vue » ;
2° Après le mot : « injustifié », sont insérés les mots : « , octroyé cet avantage injustifié » ;
3° Les mots : « publics et » sont remplacés par les mots : « publics ou ».
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement vise lui aussi à sécuriser l’exercice de la fonction d’élu. Un élu est amené à attribuer des marchés. Actuellement, systématiquement, toute erreur de procédure dans l’attribution d’un marché est considérée comme un délit, le délit de favoritisme.
L’objet de cet amendement est d’introduire la notion d’intentionnalité – il me semble avoir lu dans le code qu’il n’y a pas de délit s’il n’y a pas d’intention de le commettre. Il s’agit d’enlever cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des élus, lesquels, compte tenu de la complexité du code des marchés publics, peuvent commettre des erreurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Cet amendement a lui aussi été examiné à plusieurs reprises par le Sénat. Il est conforme à la définition adoptée par le Sénat lors de l’examen de la loi Sapin II. De façon cohérente, la commission y est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cet amendement, tel qu’il est rédigé, vise à atténuer, pour l’ensemble de ceux qui exercent une responsabilité publique, la portée de l’article 432-14 du code pénal relatif au délit de favoritisme.
Le Gouvernement n’est pas favorable à la modification isolée de cette incrimination, qui ne saurait être analysée, le cas échéant, que dans le cadre d’une réflexion plus générale sur le régime de responsabilité des élus.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. On pourra toujours conduire une réflexion générale sur ce sujet, mais je constate que vous ne faites pas preuve d’un grand empressement pour conduire une telle réflexion sur le statut de l’élu, madame la ministre !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 20 sexies.
Chapitre V
Procéder aux ajustements nécessaires au bon fonctionnement des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale
Article 21
Au premier alinéa de l’article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales, après la première occurrence des mots : « collectivité territoriale », sont insérés les mots : « ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre lorsqu’il y est expressément autorisé par ses statuts » et, après les mots : « à fiscalité propre », sont insérés les mots : « tout ou partie d’ ».
M. le président. L’amendement n° 72, présenté par M. Darnaud, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « propre », sont insérés les mots : « tout ou partie d’ » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, lorsqu’il y est expressément autorisé par ses statuts, peut également déléguer à une collectivité territoriale tout ou partie d’une compétence qui lui a été transférée. » ;
2° Au deuxième alinéa, le mot : « délégante » est remplacé par les mots : « ou de l’établissement public délégant ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l’article 21 est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l’article 21
M. le président. L’amendement n° 20 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, MM. Grosdidier et Meurant, Mme Eustache-Brinio, MM. Paccaud, Bascher, Panunzi et Joyandet, Mme Lamure, MM. Courtial, Bonhomme, Chatillon, Vaspart et de Nicolaÿ, Mme Thomas, M. Cardoux, Mme Deseyne, M. Pierre, Mme Deromedi, MM. Longuet et Savary, Mme Garriaud-Maylam et MM. Revet, D. Laurent, Lefèvre, Bonne, Sido, Hugonet et Laménie, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le sixième alinéa du I de l’article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au 1° du présent I, une commune nouvelle constituée sur le périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut s’opposer au transfert de la compétence en matière de plan local d’urbanisme, de documents d’urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, au nouvel établissement public de coopération intercommunale qu’elle a intégré. »
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Comme vous le savez, certaines communes nouvelles se sont constituées sur le périmètre intégral d’un ancien EPCI à fiscalité propre. Dans les cas où cet EPCI avait élaboré un plan local d’urbanisme intercommunal, ou PLUI, ce dernier devient alors très souvent le plan local d’urbanisme, ou PLU, de la commune nouvelle.
Dans l’hypothèse où cette commune nouvelle intègre un nouvel EPCI, il conviendrait qu’elle n’ait pas à transférer sa compétence PLU à l’échelon intercommunal et qu’elle puisse la conserver.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. En cohérence avec les positions que nous avons adoptées hier lors de l’examen d’une première série d’amendements, et à la suite de la suppression de l’article 8, nous considérons que cet amendement, qui a trait à la question des communes nouvelles, doit être renvoyé, comme l’ensemble des sujets s’y rapportant, à l’examen prochain de la proposition de loi de notre collègue Françoise Gatel. En conséquence, je demande le retrait de cet amendement.
Je précise néanmoins que la commission a trouvé particulièrement intéressant et pertinent l’amendement de notre collègue Stéphane Piednoir. Nous espérons qu’il pourra prospérer lors de la discussion de la proposition de loi de Françoise Gatel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Piednoir, l’amendement n° 20 rectifié est-il maintenu ?
M. Stéphane Piednoir. Non, je le retire, monsieur le président. Nous le redéposerons lors de l’examen de la proposition de loi de Françoise Gatel, comme nous y invite le rapporteur.
M. le président. L’amendement n° 20 rectifié est retiré.
L’amendement n° 19 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, MM. Grosdidier et Meurant, Mme Eustache-Brinio, MM. Danesi, Paccaud, Bascher, Panunzi et Joyandet, Mme Lamure, MM. Courtial, Bonhomme, Chatillon, Vaspart et de Nicolaÿ, Mme Thomas, M. Cardoux, Mme Deseyne, M. Pierre, Mme Deromedi, MM. Longuet et Savary, Mme Garriaud-Maylam, M. Revet, Mme A.M. Bertrand et MM. Lefèvre, Bonne, Sido, Hugonet, Laménie et B. Fournier, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa du II de l’article L.5214-16 du code général des collectivités territoriales :
1° Le mot : « doit » est remplacé par le mot : « peut » ;
2° Les mots : « d’au moins trois des neuf » sont remplacés par le mot : « des ».
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Le présent amendement a pour objet de rendre plus souple la répartition des compétences entre les communes et les intercommunalités.
L’article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales prévoit ainsi que les communes membres d’un EPCI doivent transférer à cet EPCI au moins trois compétences sur les neuf qui sont énumérées dans l’article.
L’objet de cet amendement est de transformer l’obligation de transfert de ces compétences optionnelles en une simple faculté offerte aux communes. Une telle souplesse est souvent demandée dans nos territoires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je comprends parfaitement les motivations de notre collègue. Nous avons également déjà eu un long débat sur cette question. L’avis de la commission était plutôt favorable.
Cela étant dit, je réaffirme que nous n’avons pas l’intention de court-circuiter les travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ni ceux de la mission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des dernières lois de réforme territoriale. Or, inévitablement, s’il était adopté, cet amendement, aussi pertinent soit-il, modifierait considérablement les règles du jeu et la répartition des compétences au sein des intercommunalités.
Nous ne doutons pas que la mission de contrôle et de suivi, qui étudie précisément la revitalisation des communes et le lien entre communes et intercommunalités, abordera la question de la répartition des compétences, qu’elle fera des préconisations, comme elle l’a fait dans ses précédents rapports, lesquelles viendront éclairer nos débats lors de l’examen d’un prochain texte.
Il est vrai qu’une véritable problématique se pose. Ce texte a fait l’objet de nombreuses discussions, lors des auditions et des débats en commission. Aujourd’hui, et Mme la ministre le sait, car la question a été abordée lors de l’examen de la proposition de loi relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération, les intercommunalités épousent des types de territoires très différents. Certains sont très ruraux, avec une faible centralité, d’autres sont plus urbains – c’est à mon sens ce qui justifie l’existence d’une communauté d’agglomération. Et je ne parle pas des communautés d’agglomération de taille XXL, qui sont au cœur du sujet que vient d’évoquer notre collègue Stéphane Piednoir.
On voit bien, s’agissant du transfert des compétences optionnelles, que, dans certains grands territoires, il faudrait différencier les compétences ayant une vocation supra-communale, voire relevant d’un niveau plus élevé, et les autres, ayant plutôt vocation à être exercées à un échelon de proximité. Il y a lieu, à mon sens, de réfléchir à ces sujets.
Dans les intercommunalités très disparates, l’exercice des compétences, en particulier des compétences optionnelles, pose problème. La commission demande donc le retrait de cet amendement, même si elle comprend pleinement les motivations de leurs auteurs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. La position du Gouvernement est la même que celle du rapporteur.
Il est compliqué de modifier un système qui forme un ensemble. Toucher aux compétences optionnelles aurait ainsi un impact sur les questions de fiscalité. Je rappelle que nous avons récemment réduit, dans la loi de finances, le nombre de compétences optionnelles requises pour bénéficier d’une DGF bonifiée de neuf à huit.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Piednoir, l’amendement n° 19 rectifié est-il maintenu ?
M. Stéphane Piednoir. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 19 rectifié est retiré.
Article 21 bis (nouveau)
Après l’article L. 5211-4-3 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 5211-4-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 5211-4-4. – Tout établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut, si ses statuts le prévoient expressément, participer à un groupement de commandes mentionné à l’article 28 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics quelles que soient les compétences qui lui ont été transférées. »
M. le président. L’amendement n° 60 rectifié, présenté par MM. de Belenet, Patriat, Yung, Dennemont et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Arnaud de Belenet. Cet amendement vise à supprimer l’article 21 bis, qui a été introduit en commission.
Cet article permet à un EPCI de participer à un groupement de commandes – cela ne pose pas de problème – si ses statuts le prévoient, quelle que soit par ailleurs la compétence de l’EPCI.
Cette formulation nous semble poser quelques difficultés, d’autant plus si l’on veut défendre les communes. Les statuts de l’EPCI, dans lesquels figure la liste des compétences, sont soumis aux conseils municipaux, dans des conditions de majorité qualifiée qui ne permettent pas de déroger à l’attribution des compétences. Contrairement aux compétences dont la liste doit figurer dans les statuts, la précision consistant à indiquer que l’EPCI pourra participer à un groupement de commandes ne mentionnerait pas forcément les champs sur lesquels porteront les groupements de commandes.
Il s’agit de préserver la lisibilité de l’action publique locale et des compétences relevant exclusivement des communes. Il ne faut pas créer de risque juridique dans nos territoires du fait d’une imprécision.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je ne partage pas l’avis de notre collègue s’agissant de la fragilité juridique. En revanche, je réaffirme la pertinence de cet article, notamment pour les territoires comptant des intercommunalités de faible densité démographique et regroupant des communes peu densément peuplées. Dans ce cas précis, cet article prend tout son sens.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’émets un avis favorable sur cet amendement de suppression de l’article 21 bis. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Cécile Cukierman. Quelle surprise !...
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Vous connaissez tous le principe de spécialité, qui s’oppose à ce qu’un EPCI agisse hors des compétences qui lui sont attribuées et qu’il passe des marchés pour l’exercice des compétences qui relèveraient des communes membres.
Les statuts de l’EPCI qui sont soumis aux conseils municipaux dans des conditions de majorité qualifiée ne permettent pas davantage de déroger à l’attribution des compétences. Contrairement aux compétences dont la liste doit figurer dans les statuts, la précision consistant à indiquer que l’EPCI pourra participer à un groupement de commandes ne mentionnerait pas forcément les champs sur lesquels porteront les groupements de commandes.
Afin de préserver la lisibilité de l’action publique locale, il est donc nécessaire que les EPCI ne jouent pas le rôle d’acheteur au titre de compétences relevant seulement des communes.
Pour cette raison, le Gouvernement est favorable à cet amendement de suppression, qui, au fond, protège les communes.
M. le président. La parole est à M. Pierre Louault, pour explication de vote.
M. Pierre Louault. Je pense, madame la ministre, que vous faites erreur.
M. Pierre Louault. Les communautés de communes doivent de plus en plus être aussi des communautés de service pour les communes. La possibilité pour les communes de constituer un groupement de commandes pour les contrôles électriques et un certain nombre des obligations leur incombant leur permettra d’obtenir un marché groupé et donc des prix.
C’est une erreur de vouloir à tout prix séparer les communes de la communauté de communes. Cet amendement n’est pas bon. Les communautés de communes doivent pouvoir créer un lien entre les communes et doivent leur permettre de faire ce qu’elles ne peuvent pas faire seules.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Nous voterons contre cet amendement et pour l’article, et ce pour une raison très simple. Je dois dire d’ailleurs que je m’étonne beaucoup de la réponse de Mme la ministre.
Je rappelle que la loi précise déjà qu’il est possible de mettre en place des services communs entre communes et communautés de communes hors de tout transfert de compétences. Je ne vois donc pas pourquoi il ne serait pas possible, par analogie, d’ouvrir cette possibilité dans le cadre des groupements de commandes, qui sont une très bonne chose. Ces groupements aident en effet nos communes et rendent l’action publique plus efficace et parfois moins coûteuse.
M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour explication de vote.
Mme Anne Chain-Larché. Je partage tout à fait le point de vue de mes collègues. Madame la ministre, vous le savez, les dotations aux collectivités locales sont en baisse. Toutes les communes s’en alarment. Il faut donc autoriser tout ce qui permettra aux communes de réduire leurs dépenses, surtout les plus importantes d’entre elles, notamment grâce à la solidarité entre les communautés de communes et les communes. Plus on contraint, plus on restreint, plus on limite l’initiative. Or l’initiative doit venir des territoires.
Je rappelle que les conférences des maires servent justement à déterminer en quoi les communautés de communes peuvent leur venir en aide. C’est typiquement grâce à ce type d’article qu’on libère les énergies et que l’on permet aux communes de faire des économies substantielles. Libérer les énergies, c’est accorder plus de liberté aux communes et aux EPCI.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. Votre argument me semble très pertinent, madame la ministre. Vous avez tout à fait raison : d’un point de vue purement juridique, le transfert de compétences doit respecter un certain nombre de règles. Néanmoins, dans la vraie vie, il se trouve que nos communautés de communes, notamment dans les territoires ruraux, sont amenées à accompagner les communes.
Votre démarche vise à plus de simplification, du moins c’est ce que vous dites. En soutenant cet article, vous apporteriez la démonstration que vos actes correspondent à vos discours.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Bien sûr que les groupements de commandes existent, et on en fait tout le temps,…
M. Pierre Cuypers. Alors ?...
Mme Jacqueline Gourault, ministre. … mais un EPCI ne peut y participer que s’ils exercent une compétence qui lui a été attribuée.
M. le président. Je mets aux voix l’article 21 bis.
(L’article 21 bis est adopté.)
Article 21 ter (nouveau)
Le troisième alinéa de l’article L. 2122-8 du code général des collectivités territoriales est complété par les mots : « ou, dans les communes de 1 000 habitants et plus, lorsqu’il a perdu le dixième de ses membres, arrondi à l’entier supérieur ».
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, sur l’article.
M. Patrick Chaize. Je voudrais souligner l’importance que revêt cet article à mes yeux.
Maire d’une commune de 3 000 habitants, j’ai dû choisir en septembre dernier, comme la loi me l’a imposé, entre ce mandat et mon mandat de sénateur.
Dans cette commune, en 2014, aucune liste d’opposition ne s’était présentée, ce qui démontrait l’unité qui régnait au sein de ce territoire. Malheureusement, l’un de mes conseillers municipaux est décédé, ce qui, conformément au code électoral, a conduit au renouvellement complet du conseil municipal.
Dans une période où un tel rendez-vous démocratique n’était pas attendu, c’est-à-dire à mi-mandat, des déchirements se sont fait jour et une campagne difficile s’est soldée par la mise en minorité de l’équipe municipale en place.
La nouvelle équipe municipale a adopté une autre ligne. Le projet qui avait été monté ne sera donc pas réalisé et celui de la nouvelle équipe n’aura pas le temps d’être mis en place. Cette collectivité aura donc perdu six ans.
L’adoption de cet article permettra d’éviter de telles situations en favorisant la stabilité de nos conseils municipaux. Je vous invite donc, mes chers collègues, à le voter.
M. le président. L’amendement n° 62, présenté par M. de Belenet et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Arnaud de Belenet. Cet amendement vise à supprimer cet article, non par hostilité au dispositif proposé, bien au contraire,…
M. Philippe Dallier. Eh bien ? On est au-delà du « en même temps » ici !
M. Arnaud de Belenet. … mais, d’une part, parce qu’il ne sera réservé qu’à une strate et qu’il n’y a aucune raison d’en priver d’autres collectivités et, d’autre part, parce que nous avons envisagé des solutions, au sein de cette assemblée et ailleurs, pour pallier ces problèmes. Nous avons notamment évoqué la piste des suppléants.
Certes, la réélection du maire et de ses adjoints en cas de vacance d’une partie du conseil a bien failli poser problème à un certain nombre d’entre nous lorsque nous avons été élus ou réélus à l’automne dernier, mais, par souci de cohérence et d’équité entre les territoires, nous proposons de supprimer cet article pour faire mieux demain.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. J’invite notre collègue de Belenet à regarder les résultats des dernières élections municipales dans la strate de communes qui va de 5 000 à 20 000 habitants. Je n’en dirai pas plus… Vous verrez, en regardant simplement les scores aux élections de 2014, le nombre de communes qui ont été fragilisées.
Je le dis très clairement : prévoir deux suppléants ne sera pas une solution suffisante. Dans certaines communes, comme vient de l’évoquer notre collègue Patrick Chaize, les listes majoritaires pourront se retrouver sans réserve pour compléter le conseil municipal à la suite d’une situation douloureuse que représente un décès ou de la démission d’un élu pour raisons professionnelles.
Si nous avons placé la barre à 1 000 habitants, c’est parce que, dans les municipalités plus petites, il existe une solution beaucoup plus simple : on peut organiser des élections partielles pour remplacer les conseillers manquants. Ce n’est absolument pas possible dans les communes de plus de 1 000 habitants, ce qui pose un véritable problème, que beaucoup d’entre nous ont failli rencontrer à l’occasion de l’application de la loi sur le non-cumul des mandats.
S’il y a un dispositif qui trouve toute sa pertinence et je dirais même qu’il est urgent d’adopter, c’est bien celui qui est contenu dans cet article, parce qu’il résout des problèmes qui peuvent se poser dans l’ensemble des conseils municipaux de France. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur le sénateur Chaize, je reconnais que le problème que vous soulevez existe. J’ai moi-même évoqué hier une question concernant le fléchage des conseillers municipaux vers les EPCI dans les communes de moins de 1 000 habitants en cas de changement de maire. Reste que ces sujets doivent être étudiés dans leur globalité et qu’il faut éviter de changer le système comme cela.
En outre, le statut de l’élu arrive. Il me semblerait bienvenu que le Sénat, dont je respecte l’initiative, corrige à cette occasion ce qui ne fonctionne pas, avec l’appui du Gouvernement.
En conséquence, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Nous ne voterons pas l’amendement de notre collègue de Belenet, car nous sommes particulièrement sensibles au problème soulevé par notre collègue Chaize. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion de discuter de ce sujet à plusieurs reprises.
Que l’on raisonne en pourcentage ou en nombre de suppléants, cela fonctionne. Il suffit d’augmenter le nombre de suppléants en proportion du nombre de conseillers municipaux, afin de conserver un seuil de 10 %. Ainsi, quelle qu’elle soit, la méthode choisie sera efficace.
En tout état de cause, il faut régler cette difficulté : elle a pénalisé des équipes qui faisaient leur travail tout à fait correctement, qui avaient lancé leur projet et qui, à un moment qu’elles n’avaient pas anticipé, ont été confrontées à des échéances électorales. La population ne se déplace pas beaucoup en ces occasions, et la participation extrêmement faible conduit à une forme de déni de démocratie.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Didier Marie a dit l’essentiel : il faut être pragmatique au sujet de cette mesure, car cette situation a provoqué un peu partout des difficultés, qui ne se limitent pas, d’ailleurs, à la commune concernée, mais conduisent à remettre en cause des orientations financières ou politiques, alors même que l’on peut régler très facilement le problème.
Nous voterons donc contre cet amendement et en faveur de l’article.
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Je voterai également contre cet amendement.
Dans mon canton d’élection, une commune de 12 000 habitants n’avait qu’une liste aux dernières élections municipales. Pour des raisons personnelles, le maire a souhaité démissionner. Fort heureusement, il est resté conseiller municipal, sinon il aurait fallu organiser des élections municipales qu’absolument rien ne justifiait.
Cet article me semble de bon sens. C’est pourquoi il faut rejeter l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. On peut comprendre que notre collègue souhaite supprimer cet article, mais cela serait dangereux. À cet égard, l’exemple cité par notre collègue Patrick Chaize est très pertinent.
Les communes de moins de 1 000 habitants rencontrent également des difficultés. Certains d’entre nous ont été contraints de quitter leur poste de maire en raison de la loi sur le non-cumul des mandats. J’ai moi-même dû le faire dans une commune de 160 habitants. Certes, on peut rester conseiller municipal, mais il suffit d’un décès ou d’une démission pour être obligé de voter pour un siège. Une telle élection partielle pose de vrais problèmes d’organisation. C’est encore plus complexe au-delà de 1 000 habitants.
Dans un souci d’équité et de respect de l’engagement de ceux qui s’investissent dans la démocratie locale, je soutiens la position de la commission exprimée par le rapporteur en faveur du maintien de cet article.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. S’agissant de la proposition de désigner des suppléants, je rappelle que, durant nos débats d’hier, l’un de nos collègues avait émis l’idée de réduire le nombre d’élus en raison des difficultés que rencontrent les communes à trouver des candidats. Nous disions même que les derniers postes étaient pourvus par des bouche-trous. Imaginez ce que sera la situation lorsque nous devrons chercher des gens pour être suppléants !
M. François Bonhomme. Avec enthousiasme !
M. Patrick Chaize. Nous savons que la motivation leur fera défaut. Alors, plutôt que de nommer des suppléants et de se satisfaire d’être théoriquement au complet pour élire le maire, je préfère mettre en place une tolérance de 10 %. Mieux vaut disposer de conseillers motivés et impliqués que de bouche-trous présents exclusivement pour compléter un conseil. Il me semble donc important de maintenir cet article.
Madame la ministre, vous suggérez que cette disposition pourrait être améliorée. La navette parlementaire est aussi faite pour cela ! C’est pourquoi je ne comprends pas cette demande de suppression.
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. Dans une commune de 5 000 habitants du département où je suis élu, une seule liste s’est présentée lors des dernières élections municipales. Malheureusement, au bout d’un an, le maire est décédé. Cela a causé un traumatisme important au sein de l’équipe municipale, et il a fallu organiser une nouvelle élection.
Durant la nouvelle campagne électorale, plusieurs listes sont entrées en lice. Première injustice : des membres du conseil sortant ont été éliminés à cause du scrutin proportionnel ; deuxième injustice : la majorité de l’intercommunalité a basculé en raison de l’arrivée des nouveaux élus, ce qui a remis en cause les projets politiques en cours. Cette situation a donc provoqué un double traumatisme, dans la commune et dans l’intercommunalité.
Nous devons être attentifs à cette problématique. C’est la raison pour laquelle je soutiens la position exprimée par le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je ne vais pas revenir sur les longues discussions que nous avons eues hier soir au sujet de l’article 11 bis, durant lesquelles nous cherchions à permettre d’élire un maire lorsque le conseil municipal n’est pas complet.
Cet article nous propose une autre façon de faire. Cette solution alternative ne me semble pas mauvaise, bien que la loi requière que le conseil municipal soit complet dans cette circonstance.
M. le président. Je mets aux voix l’article 21 ter.
(L’article 21 ter est adopté.)
Article 21 quater (nouveau)
Après les mots : « collectivités territoriales, », la fin du 2° de l’article L. 270 du code électoral est ainsi rédigée : « s’il y a lieu de procéder à l’élection d’un nouveau maire ou de remplacer un adjoint et que le conseil municipal a perdu le dixième de ses membres, arrondi à l’entier supérieur. » – (Adopté.)
Article 21 quinquies (nouveau)
La cinquième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :
1° La section 4 du chapitre II du titre Ier du livre II est complétée par un article L. 5212-26-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5212-26-1. – Afin de financer la réalisation ou le fonctionnement d’un équipement, des fonds de concours peuvent être versés entre un syndicat de communes et les communes membres après accords concordants exprimés à la majorité simple du comité syndical et des conseils municipaux concernés.
« Le montant total des fonds de concours ne peut excéder la part du financement assurée, hors subventions, par le bénéficiaire du fonds de concours. » ;
2° Le chapitre II du titre II du livre VII est complété par un article L. 5722-12 ainsi rédigé :
« Art. L. 5722-12. – Les syndicats mixtes de gestion forestière mentionnés à l’article L. 232-1 du code forestier peuvent recevoir de leurs membres, pour la réalisation des aménagements et équipements résultant de leur objet statutaire, des subventions ou des fonds de concours, sans que leur montant total puisse excéder la part du financement assurée, hors autres subventions, par leur bénéficiaire. »
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, sur l’article.
M. Patrick Chaize. Cet article est, lui aussi, très important pour le fonctionnement des syndicats intercommunaux. Même si aucun amendement n’a été déposé, je souhaiterais entendre l’avis de Mme la ministre sur le sujet. Le dispositif prévu par cet article pourrait en effet être repris dans un autre texte, par exemple dans le projet de loi de finances.
Les syndicats intercommunaux d’énergie, notamment, fonctionnaient avec des fonds de concours des communes. Aujourd’hui, pour des raisons diverses, l’administration devient plus « tatillonne » et demande à ces syndicats de ne plus utiliser ces fonds. Or cette pratique de fait avait cours pratiquement sur l’ensemble du territoire.
Cette position provoque des dysfonctionnements au sein des syndicats intercommunaux. L’adoption de cet article permettrait de revenir à une situation plus normale dans les équilibres entre les communes adhérentes et leurs syndicats.
M. le président. Je mets aux voix l’article 21 quinquies.
(L’article 21 quinquies est adopté.)
Articles additionnels après l’article 21 quinquies
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 40 rectifié bis, présenté par Mme Primas, MM. Bansard, Bazin, Bizet, Brisson et Cambon, Mme Chain-Larché, MM. Charon, Chatillon, Cuypers et Danesi, Mmes Deroche, Deseyne, Di Folco, Dumas, Duranton et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier, Grosdidier et Husson, Mme Lanfranchi Dorgal et MM. Laugier, D. Laurent, Lefèvre, H. Leroy, Mandelli, Panunzi, Perrin, Piednoir, Pierre, Poniatowski, Raison, Savary, Schmitz et Vaspart, est ainsi libellé :
Après l’article 21 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Au b du 2° du I de l’article L. 5215-20, les mots : « voirie ; signalisation » sont remplacés par les mots : « la voirie d’intérêt communautaire et sa signalisation » ;
2° Au 11° du I de l’article L. 5215-20-1, les mots : « Voirie et signalisation » sont remplacés par les mots : « Voirie d’intérêt communautaire et sa signalisation » ;
3° Au b du 2° du I de l’article L. 5217-2, les mots : « voirie ; signalisation » sont remplacés par les mots : « la voirie d’intérêt métropolitain et sa signalisation » ;
4° Au 1° du I de l’article L. 5218-2, les mots : « voirie” et “signalisation » sont remplacés par les mots : « la voirie d’intérêt métropolitain et sa signalisation ».
La parole est à Mme Catherine Di Folco.
Mme Catherine Di Folco. La loi MAPTAM a conduit à la création d’EPCI de taille très importante, incluant un grand nombre de communes et prenant la forme de communauté d’agglomération, de communauté urbaine ou de métropole.
Dans ces deux dernières catégories, la compétence « voirie » est obligatoire et totale, ce qui implique que les communautés urbaines ou les métropoles exercent des compétences d’ultraproximité, dont l’entretien quotidien de la voirie, alors que ces EPCI devraient se concentrer sur la stratégie territoriale et les grands plans d’aménagement. Cela conduit à détourner ces EPCI de leur mission et génère un sentiment profond de dépossession des maires vis-à-vis de leurs administrés.
En conséquence, cet amendement vise à restreindre la compétence de la communauté urbaine et de la métropole à la voirie principale, déterminée d’intérêt communautaire ou métropolitain par l’organe délibérant.
M. le président. Le sous-amendement n° 66, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Amendement n° 40 rectifié bis, alinéa 7
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
4° Le c du 2° du I de l’article L. 5217-2 est abrogé ;
5° Le 1° du I de l’article L. 5218-2 est ainsi modifié :
a) Les mots : « voirie” et “signalisation » sont remplacés par les mots : « la voirie d’intérêt métropolitain et sa signalisation » ;
b) Les mots : « et pour la compétence “création, aménagement et entretien des espaces publics dédiés à tout mode de déplacement urbain ainsi qu’à leurs ouvrages accessoires” prévue au c du même 2° » sont supprimés.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. L’amendement n° 40 rectifié bis est judicieux. Fort utilement, il vise à restreindre la compétence obligatoire à la voirie d’intérêt communautaire dans les communautés urbaines et les métropoles. En effet, avec ces transferts, les mairies sont aujourd’hui dépossédées de cette mission essentielle de proximité qui nécessite pourtant une grande réactivité.
Qu’observons-nous, madame la ministre ? Les délais d’exécution sont doublés, voire triplés, et nous ne maîtrisons ni les coûts ni les recettes. Dans la situation précédente, nos communes recherchaient les recettes nécessaires et mettaient en œuvre un certain nombre de moyens pour diminuer les coûts.
Ce que nos concitoyens ne savent pas, c’est que nous payons au centime près les travaux mal exécutés, ou trop lentement mis en œuvre, par les métropoles ! J’ai bien évidemment en tête la métropole dans laquelle je suis élu. Or je n’ai jamais vu pendant les trente-cinq ans durant lesquels j’ai été maire une situation aussi désastreuse.
Nous voulons reprendre notre espace public. Nous savons quelles sont les voiries d’intérêt communautaire : ce sont celles qui étaient déjà d’intérêt d’agglomération.
Quand, à Montpellier, on met sept mois pour répondre à un appel d’offres et quatorze mois pour ouvrir un dossier, on n’avance plus, et cela a un impact économique sur les entreprises ! Nous, nous ne travaillions pas comme cela auparavant !
Mme Cécile Cukierman. C’est pour ça qu’il fallait s’opposer aux métropoles !
M. Jean-Pierre Grand. Je vous demande donc de supprimer cette compétence obligatoire et de redonner un pouvoir opérationnel aux communes. En plus, nos concitoyens pensent que nous sommes responsables : ils s’adressent au maire. Nous sommes donc perdants sur tous les tableaux : sur le plan financier, en matière d’exécution, politiquement et, d’une certaine manière, moralement.
M. le président. L’amendement n° 21 rectifié bis, présenté par Mme Primas, MM. Bansard, Bazin, Bizet, Brisson et Cambon, Mme Chain-Larché, MM. Charon, Chatillon, Cuypers et Danesi, Mmes Deroche, Deseyne, Di Folco, Dumas, Duranton et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier, Grosdidier et Husson, Mme Lanfranchi Dorgal et MM. Laugier, D. Laurent, Lefèvre, H. Leroy, Mandelli, Panunzi, Perrin, Piednoir, Pierre, Poniatowski, Raison, Savary, Schmitz et Vaspart, est ainsi libellé :
Après l’article 21 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Au b du 2° du I de l’article L. 5215-20, les mots : « voirie ; signalisation » sont remplacés par les mots : « la voirie d’intérêt communautaire et sa signalisation » ;
2° Au 11° du I de l’article L. 5215-20-1, les mots : « Voirie et signalisation » sont remplacés par les mots : « Voirie d’intérêt communautaire et sa signalisation ».
La parole est à Mme Catherine Di Folco.
Mme Catherine Di Folco. Il s’agit d’un amendement de repli.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 40 rectifié bis et défavorable sur le sous-amendement n° 66.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Bonhomme. C’est une vision des choses…
M. Jean-Pierre Grand. Le droit en vigueur ne marche pas, madame la ministre !
M. Pierre-Yves Collombat. Détricotons la camisole de force !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Merci, monsieur le rapporteur, de donner un avis favorable à un amendement qui prend en compte la réalité du terrain !
On a créé de très grandes intercommunalités dans les territoires ruraux, rassemblant 60 ou parfois 100 communes, ce qui pose des problèmes. On a même inventé les communautés urbaines rurales pour atteindre une certaine dimension, conformément à la loi. Une communauté urbaine que les élus de la Marne connaissent bien – celle de Reims – rassemble 143 communes pour plus de 1 000 kilomètres de voirie communale. Cette organisation est-elle vraiment tirée vers le haut quand elle s’occupe des nids-de-poule ? Je ne le crois pas.
Ce sujet, en outre, divise les maires, puisque, dans les grandes intercommunalités, il y a une liste d’attente, alors que les communes ont d’abord besoin de se rassembler. C’est la raison pour laquelle il faut que cette compétence soit optionnelle. Les intercommunalités qui veulent s’occuper de l’ensemble des voiries doivent pouvoir le faire, celles qui préfèrent laisser aux maires la gestion quotidienne de ces infrastructures doivent également pouvoir le faire.
Cet amendement vise en outre à permettre à l’intercommunalité de déterminer elle-même les voiries communautaires. Je vous invite donc, mes chers collègues, à le soutenir.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Le rapporteur modifiera peut-être son avis sur mon sous-amendement quand j’aurai précisé mon propos.
Il faut étendre cette disposition à l’espace public, parce que, à défaut, si la rue devenait municipale, la petite placette située à quelques mètres dépendrait toujours de la métropole, qui serait chargée d’y mener des travaux éventuels.
Monsieur le rapporteur, cette précision, que l’expérience et le souci de la cohérence m’ont conduit à ajouter au texte de l’amendement, emportera peut-être votre décision finale…
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Je constate qu’il existe beaucoup de difficultés dans un certain nombre d’endroits, mais, dans d’autres, les choses se passent bien.
Mme Cécile Cukierman. Il faut toujours des bons élèves dans une classe !
M. Didier Marie. Je voudrais vous faire part de mon expérience.
Nous avons une métropole constituée de 71 communes, pour 570 000 habitants. En référence à une discussion que nous avons eue hier, j’indique que nous avons dès le départ installé des pôles de proximité. La compétence « voirie » est bien évidemment exercée à l’échelle de la métropole, mais les équipes de proximité sont dans ces pôles ; ainsi, lorsqu’il y a un nid-de-poule, le maire de la commune appelle le directeur du pôle de proximité et, dans les heures qui suivent, le trou est bouché.
M. Jean-Pierre Grand. Chez nous aussi, mais trois mois après !
M. Didier Marie. À mon sens, il s’agit plus d’un problème d’organisation que d’un problème de répartition des compétences.
Il me semble dangereux de détricoter, par ces amendements, le fonctionnement des établissements publics de coopération intercommunale.
M. Philippe Dallier. C’est une possibilité, en effet !
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Si la loi MAPTAM avait été plus raisonnable, elle aurait empêché la création d’agglomérations de soixante kilomètres de large pour aller chercher certaines communes. Et ne parlons pas des communautés urbaines rurales et des métropoles !
Les maires de communes qui se trouvent à trente ou quarante kilomètres du centre de l’agglomération sont mal servis. C’est pourquoi ces amendements et ce sous-amendement me semblent tout à fait pertinents : ils répondent à un réel problème que rencontrent ces maires, qui se sentent abandonnés.
Par ailleurs, on parle de la longueur des procédures, mais, parfois, il n’y en a pas du tout, et les nids-de-poule ne sont pas traités.
Les maires se sentent dépossédés, alors que la population vient les voir, eux, et non le président de l’EPCI. Je voterai donc ces amendements.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 21 quinquies, et l’amendement n° 21 rectifié bis n’a plus d’objet.
L’amendement n° 57 rectifié, présenté par MM. Chaize, D. Laurent et Poniatowski, est ainsi libellé :
Après l’article 21 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1636B undecies du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« … Lorsque les dispositions de l’article 1522 bis sont appliquées à un établissement public de coopération intercommunale résultant de la fusion de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale, dont l’un au moins a institué, préalablement à la fusion, une redevance d’enlèvement des ordures ménagères en application de l’article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales, le produit de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères applicable à la totalité du territoire de l’établissement public de coopération intercommunale résultant de la fusion ne peut excéder la somme des produits totaux de cette taxe ou de cette redevance tels qu’issus des rôles généraux, pour chacun des établissements publics de coopération intercommunale fusionnés, au titre de l’année précédente. »
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Aux termes du code général des impôts, « la première année d’application des dispositions de l’article 1522 bis, le produit de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ne peut excéder le produit total de cette taxe tel qu’issu des rôles généraux au titre de l’année précédente ».
L’esprit de ce texte, qui ne prend pas en compte la situation des établissements publics de coopération intercommunale fusionnés, est que l’instauration d’une part incitative de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, ou TEOM, ne doit pas être un moyen d’accroître le produit global de cette taxe.
La conséquence collatérale de ce texte est que, en cas de fusion d’établissements publics de coopération intercommunale, l’instauration d’une TEOM avec part incitative sur l’ensemble du territoire devient impossible lorsque l’un des EPCI fusionnés avait supprimé cette taxe pour la remplacer par une redevance d’enlèvement des ordures ménagères, ou REOM. Ce cas n’a pas été envisagé par le législateur, puisque, hors cas de fusion d’EPCI, un EPCI n’a aucune raison de passer de la redevance à la taxe avec part incitative.
Le cas de la fusion d’EPCI n’ayant pas été imaginé par le législateur, il convient de permettre le passage à la taxe avec part incitative sur l’ensemble du territoire d’un EPCI dont une partie du territoire était passée au système de la redevance préalablement à la fusion.
Le présent amendement vise à insérer un alinéa supplémentaire dans l’article 1636 B undecies du code général des impôts afin de prévoir explicitement ce cas.
Conformément à l’esprit du texte, le produit total de la taxe avec part incitative ne devra pas excéder la somme des produits des taxes et redevances des différents EPCI fusionnés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. La commission a mené une longue réflexion sur ce sujet particulièrement complexe qui, comme l’a dit notre collègue Patrick Chaize, a fait l’objet d’un oubli de la part du législateur.
La commission avait décidé de solliciter le retrait de cet amendement. Cependant, depuis notre dernière réunion, nous avons été éclairés par de nouveaux éléments.
Il n’est bien sûr pas question de revenir sur l’avis de la commission, mais il est vrai que, pour les raisons que notre collègue Patrick Chaize vient d’évoquer, la rédaction proposée répond de façon intelligente aux problèmes qui se posent en cas de fusion d’EPCI. C’est pourquoi, au regard des éléments nouveaux qui ont été portés à notre connaissance, à titre personnel, j’émettrai un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le sujet est effectivement très technique.
Cet amendement vise à permettre aux EPCI issus de fusions d’instaurer sur l’ensemble de leur territoire la part incitative de la TEOM dès la première année, y compris si un ou plusieurs EPCI préexistants avaient institué la REOM.
Une telle modification du code général des impôts relève d’une loi de finances ou d’une loi de finances rectificative. La présente proposition de loi n’est pas le véhicule législatif adéquat pour modifier les modalités de fixation d’une imposition locale.
J’appelle votre attention sur le fait que, dans le cadre de la refonte de la fiscalité locale et dans le cadre de la feuille de route sur l’économie circulaire, le Gouvernement examine différentes évolutions juridiques relatives à la TEOM.
En outre, l’instauration d’une part incitative de la TEOM sur le territoire d’un EPCI nouvellement constitué pose un certain nombre de difficultés techniques. La REOM qui pourrait être due au sein de l’un des EPCI qui se regroupent est, comme chacun le sait, payée par l’usager proportionnellement au coût du service rendu. N’étant pas recouvrée par voie de rôle, elle ne saurait servir de base pour fixer le montant maximal de la part incitative de la TEOM dans le cadre que vous proposez.
Pour toutes ces raisons, même si je comprends bien le fond du problème, je crois qu’il serait judicieux de retirer votre amendement afin de poursuivre le travail sur ce sujet dans les deux cadres que j’ai évoqués.
M. le président. Monsieur Chaize, l’amendement n° 57 rectifié est-il maintenu ?
M. Patrick Chaize. Madame la ministre, je ne retirerai pas cet amendement, pour les mêmes raisons que précédemment : nous ne voterons pas ce texte dans sa forme finale aujourd’hui. Il est donc important que nous adoptions cette disposition afin qu’elle soit éventuellement améliorée au cours de la navette.
Par ailleurs, vous avancez que la présente proposition de loi n’est pas le véhicule adéquat pour une telle disposition, mais la commission des finances du Sénat, pourtant très vigilante, ne lui a pas opposé l’article 40.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 21 quinquies.
Article 22
Après l’article L. 3111-7 du code des transports, il est inséré un article L. 3111-7-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 3111-7-1 A. – Lorsque la région délègue à un département la compétence mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 3111-7, en application de l’article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales, le département délégataire peut confier, dans les conditions fixées par la convention de délégation conclue avec la région, l’exécution de tout ou partie des attributions ainsi déléguées à des communes, établissements publics de coopération intercommunale, syndicats mixtes, établissements d’enseignement, associations de parents d’élèves et associations familiales. »
M. le président. L’amendement n° 73, présenté par M. Darnaud, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
au deuxième alinéa
par les mots :
aux premier et deuxième alinéas
La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 22, modifié.
(L’article 22 est adopté.)
Article 23
La section 1 du chapitre III du titre Ier du livre VI de la première partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :
1° Après l’article L. 1613-5, il est inséré un article L. 1613-5-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 1613-5-1 A. – Avant le 1er avril de chaque année, le représentant de l’État dans le département notifie à chaque collectivité territoriale ou groupement de collectivités territoriales concerné le montant de son attribution individuelle au titre des composantes de la dotation globale de fonctionnement mentionnées aux articles L. 2334-1 et L. 3334-1. À défaut de notification avant cette date, la responsabilité de l’État peut être engagée. » ;
2° La première phrase de l’article L. 1613-5-1 est complétée par les mots : « avant le 1er avril de chaque année ».
M. le président. L’amendement n° 74, présenté par M. Darnaud, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 3, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Tout retard dans la notification à une collectivité territoriale ou à un groupement de collectivités territoriales du montant de son attribution individuelle est présumé lui causer un préjudice jusqu’à preuve contraire.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Il s’agit, là aussi, d’un sujet maintes fois évoqué par une immense majorité de maires.
Cet amendement a pour objet de renforcer la sanction en cas de retard pris par l’État dans la notification aux collectivités territoriales et à leurs groupements du montant de leur attribution individuelle annuelle au titre de la dotation globale de fonctionnement. Tout retard serait présumé porter préjudice à la collectivité territoriale ou au groupement concerné jusqu’à preuve contraire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Bien évidemment, l’avis du Gouvernement est défavorable. (Sourires.)
M. Pierre-Yves Collombat. Quelle déception !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Comme vous le savez, la DGF est en ligne aux alentours du 31 mars. Cette année, c’était le 3 avril.
M. Philippe Dallier. Eh oui !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Comprenez que le Gouvernement, qui porte l’autorité publique, ne peut pas être accusé. Il faut savoir être souple, comme nous l’avons été pour les élus tout à l’heure.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Nous voterons cet amendement. Je souhaite toutefois signaler à M. le rapporteur que nous demeurons circonspects : nous ne sommes pas sûrs que l’État soit effrayé par cette rédaction. (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 23, modifié.
(L’article 23 est adopté.)
Article 24
Le titre II du livre IV du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 422-8, les trois occurrences du nombre : « 10 000 » sont remplacées par le nombre : « 20 000 » ;
2° Le chapitre III est complété par un article L. 423-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 423-2. – Lorsque le maire d’une commune exerce au nom de celle-ci la compétence mentionnée au a de l’article L. 422-1, le conseil municipal peut soumettre l’enregistrement d’une demande de permis de construire, d’aménager ou de démolir ou d’une déclaration préalable à un droit de timbre dont il fixe chaque année le montant, dans la limite de 150 €. Le montant du droit de timbre peut varier selon la catégorie de demande ou de déclaration assujettie.
« L’organe délibérant d’un établissement public de coopération intercommunale dispose de la même faculté lorsqu’une commune a délégué sa compétence à cet établissement public en application de l’article L. 422-3.
« Une commune ou un établissement public de coopération intercommunale qui a institué le droit de timbre prévu au présent article ne peut avoir recours à la faculté prévue au premier alinéa de l’article L. 422-8. »
M. le président. L’amendement n° 27, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Watrin, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Si les deux premiers alinéas de l’article 24 ne nous posent pas de problème, ce n’est pas le cas des alinéas 3 à 6, que nous proposons de supprimer au travers de cet amendement.
Nous pouvons comprendre les raisons qui ont présidé à la rédaction de ces alinéas. Des années de baisse des dotations aux collectivités ont parfois rendu leur tâche compliquée. En outre, la raréfaction d’un certain nombre de services publics et, donc, la diminution du nombre de fonctionnaires de l’État qui pouvaient accompagner le travail des élus locaux poussent aujourd’hui les auteurs de la présente proposition de loi à donner aux collectivités locales la possibilité de soumettre à un droit de timbre l’enregistrement d’une demande de permis de construire, d’aménager ou de démolir ou d’une déclaration préalable.
Nous pensons, de façon générale, qu’il n’est pas juste, pas équitable de faire payer celui qui a recours à un tel service. C’est pourquoi nous proposons la suppression des alinéas 3 à 6. Sachez que nous sommes totalement disponibles, mes chers collègues, pour réfléchir avec vous à d’autres solutions, afin de trouver les recettes suffisantes – elles existent dans notre pays – pour satisfaire les besoins des collectivités territoriales. En attendant, je le répète, la solution qui vise à faire « payer » l’usager n’est pas la bonne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je rappelle que la loi ALUR a considérablement réduit le nombre de communes et d’EPCI susceptibles de bénéficier de la mise à disposition gratuite des services de l’État pour l’instruction des demandes en matière d’urbanisme et qu’elle a également procédé à un transfert de compétence sans compensation financière pour les communes dotées d’une simple carte communale. Ce transfert de compétence sans compensation financière étant contraire à l’article 72-2 de la Constitution, nous attendons avec intérêt, et même avec une certaine délectation, le dépôt d’une QPC à ce propos.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement, lui, émet un avis favorable, madame Cukierman. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. J’entends les arguments du rapporteur, mais je note l’avis favorable du Gouvernement… (Sourires.)
Plus sérieusement, ce n’est pas parce qu’il y a eu transfert de compétence sans compensation financière qu’il faut en faire supporter le coût par l’usager.
J’en vois certains en face de moi qui lèvent les bras, mais permettez-moi de rappeler que la majorité sénatoriale est toujours très volontariste en matière d’exonération de charges, de baisse de la fiscalité et d’octroi de pauses pour les entreprises. Or, là, cela ne gêne apparemment personne de faire payer l’usager quel qu’il soit et quel que soit le service auquel il veut avoir recours.
Par principe, nous ne sommes pas favorables à ce que l’on crée un droit de timbre dans ces cas-là.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Cette question me paraît importante.
L’État nous a transféré il y a déjà plusieurs années tout le dossier des demandes d’autorisation en matière d’urbanisme sans compenser le coût de ce service, alors que, dans beaucoup de petites collectivités, il était auparavant assuré gratuitement par l’État. Il me semble donc équitable que ce service, qui est aujourd’hui payé par l’ensemble des contribuables de la commune, puisse faire l’objet non pas d’une facturation, mais d’une contribution raisonnable de la part des pétitionnaires.
Je rappelle qu’une personne ne pétitionnant qu’une ou deux fois dans une vie, cela ne constitue pas une dépense excessive. Au demeurant, une contribution est demandée, par exemple, pour la délivrance d’un passeport.
Dans la mesure où il s’agit d’un service sollicité à titre exceptionnel et compte tenu de la baisse des dotations de l’État que nous avons connue sous forme de rabot toutes ces dernières années et de ce transfert de charges qui n’a pas été compensé, je suis très favorable à ce que l’on demande une contribution aux pétitionnaires.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Je veux apporter un éclairage.
À l’époque, j’avais saisi le ministre chargé des collectivités, parce que, quand nous nous sommes retrouvés avec l’obligation d’organiser un service d’instruction des documents d’urbanisme dans les conditions que l’on sait, nous avons été confrontés à une recrudescence de demandes de certificats d’urbanisme, notamment de la part des notaires, qui facturaient ensuite ce service à leurs clients. Les collectivités faisaient finalement de la prestation de service pour le compte d’autrui et se trouvaient dans l’impossibilité de juguler ce phénomène.
Mme Cécile Cukierman. Ce ne sont pas 150 euros qui vont régler le problème !
M. François Bonhomme. Je suis donc d’accord avec le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Permettez-moi de faire un petit rappel historique, même si nous sommes nombreux à avoir vécu ces événements.
En 1983, la compétence en matière d’urbanisme pour la délivrance des certificats d’urbanisme, des permis de construire et d’autres documents a été transférée de l’État aux maires. C’était un acquis de la décentralisation.
Le ministre de l’intérieur de l’époque, Gaston Defferre, a aussitôt constaté que les 36 000 communes de France n’avaient généralement pas les moyens d’exercer cette compétence. Il a donc sagement mis les services de l’État à la disposition des maires. C’était une bonne chose.
M. Pierre-Yves Collombat. On gouvernait, à l’époque !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il se trouve que, dans les années récentes, un gouvernement dans lequel vous n’aviez aucune part, madame la ministre, a soudain tiré le tapis sous les pieds des maires, leur retirant la possibilité que les services de l’État, dont les effectifs diminuaient, puissent continuer à instruire les demandes de permis de construire.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est le libéralisme !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. En vérité, cela a induit pour nos communes une charge nouvelle et brutale au moment même où les dotations étaient drastiquement réduites et alors que des charges nouvelles étaient insidieusement transférées par l’État aux collectivités territoriales.
Il me semble que, lorsque l’on représente l’État, on ne peut pas à la fois augmenter les charges des collectivités et refuser que celles-ci trouvent les financements nécessaires pour assumer ces charges.
Il s’agit d’une contribution modeste qui est demandée aux usagers pour défrayer en partie les services de nos collectivités qui fournissent les documents d’urbanisme.
Madame la ministre, je suis convaincu, vous connaissant, et me souvenant de la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales que vous avez été, mais voyant aussi à l’œuvre la ministre chargée des libertés locales que vous êtes aujourd’hui, que, à la lumière du débat et des échanges que nous avons, vous ne pouvez que faire évoluer votre avis pour que celui-ci vaille engagement du Gouvernement à régler ce problème en faveur de nos communes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.
M. Charles Guené. J’entends parfaitement l’argumentation du président et du rapporteur de la commission des lois. Il me semble toutefois gênant de fixer un seuil à 20 000 habitants. J’ai peur que les pétitionnaires dans les communes en dessous de ce seuil aient l’impression d’être victimes d’une distorsion. Je pense notamment à ceux des communes rurales.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je rassure notre collègue Charles Guené : ce seuil de 20 000 habitants a été supprimé en commission.
M. François Bonhomme. La voie est libre !
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. J’aimerais appeler nos collègues à une certaine cohérence.
Vous nous dites très justement que, la suppression de la taxe d’habitation, ce seront des recettes en moins non compensées par l’État. Pour autant, faire payer les services publics n’est pas la solution ! Aujourd’hui, il s’agit d’un droit de timbre pour les permis de construire, mais, demain, ce sera pour les activités périscolaires, etc. Certaines familles payent quasiment plus de services publics que d’impôts locaux. Il n’est pas bon de fuir la réalité des problèmes et de transférer ainsi intégralement sur les usagers les charges que l’État ne veut plus supporter.
Mme Cécile Cukierman. Pourquoi ne pas faire payer les entreprises ? Des choix politiques ont été faits lors de la discussion du dernier budget !
M. Pierre Ouzoulias. Dans les communes très populaires du département des Hauts-de-Seine, on observe aujourd’hui une baisse dramatique de la fréquentation des cantines scolaires – cela pose un problème de santé majeur –, parce que les communes ont décidé de faire payer ce service. Je pense sincèrement que la solidarité nationale devrait permettre aux gamins d’accéder à la cantine, notamment dans les quartiers populaires. Si l’on continue avec votre logique, les cantines seront bientôt complètement désertées.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. J’ai bien entendu les explications de M. le président de la commission des lois. Je lui rappelle toutefois que, en 1983, la mise à disposition des services de l’État avait vocation à être transitoire, ce qui explique qu’on ait pu y mettre fin aussi facilement.
M. Bruno Sido. Certaines transitions durent longtemps !
M. Éric Kerrouche. Cette mise à disposition a certes duré longtemps, mais, je le répète, elle était transitoire.
M. Pierre-Yves Collombat. Il a fallu attendre la vague libérale !
M. Éric Kerrouche. Nous voterons le présent amendement, car il va dans le bon sens. Le risque de recul des services publics est une réalité.
Même si l’adoption de cette disposition est d’abord symbolique, je pense que les symboles ont un poids, mais aussi un coût pour celui qui les paye.
M. François Bonhomme. Il n’y a que l’air qui soit gratuit !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur Ouzoulias, la suppression de la taxe d’habitation se fera sous la forme d’un dégrèvement. Elle sera donc compensée à l’euro près. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. C’est la fête !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Pour aller dans le sens de votre amendement, madame Cukierman, je rappelle, parce que cela n’a pas été dit, que les bénéficiaires de permis de construire sont tenus au paiement de taxes et de contributions d’urbanisme prévues par le code de l’urbanisme. Cela constitue déjà un impôt. Il serait donc préjudiciable d’en rajouter, entraînant ainsi une hausse des prélèvements obligatoires, ce que certains dans cette assemblée ne manqueraient pas de dénoncer.
M. le président. Je mets aux voix l’article 24.
(L’article 24 est adopté.)
Article additionnel après l’article 24
M. le président. L’amendement n° 29 rectifié bis, présenté par M. Perrin, Mmes Primas et Estrosi Sassone, MM. Pointereau, Longuet, Raison, Magras et Kennel, Mmes Eustache-Brinio et Chauvin, MM. Nougein, Courtial, Vial, H. Leroy, Joyandet, Meurant, Huré et Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Paccaud et J.M. Boyer, Mmes Puissat et Gruny, M. Panunzi, Mme Keller, MM. Vaspart et Houpert, Mmes Delmont-Koropoulis et Deromedi, M. Savin, Mmes Raimond-Pavero, Deseyne et F. Gerbaud, MM. Mayet, Vogel, Savary, Bascher et Reichardt, Mmes Imbert, Lherbier et Garriaud-Maylam, M. Babary, Mme A.M. Bertrand, M. D. Laurent, Mme Duranton, MM. Revet et Sido, Mme Lassarade, MM. Laménie, Priou et Bonhomme et Mme Thomas, est ainsi libellé :
Après l’article 24
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2334-37 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le dixième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle est consultée sur tout projet subventionné au titre de la dotation des équipements ruraux. » ;
2° La dernière phrase de l’avant-dernier alinéa est supprimée.
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Cet amendement vise à permettre à la commission d’élus dite « commission DETR » de rendre un avis décisionnel sur tout projet de subvention au titre de la dotation d’équipement des territoires ruraux, quel que soit son montant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je ne voudrais ni contrarier ni contredire les cosignataires de cet amendement, mais, tel qu’il est rédigé, il ne permettra pas de rendre l’avis de la commission DETR décisionnel.
Même si l’adoption de cet amendement ne rendra pas cet avis décisionnel, elle permettra – celles et ceux qui siègent au sein de ces commissions savent comment elles se déroulent – que puissent être présentés l’ensemble des projets, et non pas les seuls projets supérieurs à 100 000 euros. La commission des lois a donc émis un avis favorable. En tout état de cause, le préfet conservera le pouvoir décisionnel sur l’attribution des DETR.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Sido. Oh !
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. La nouvelle version de la commission DETR compte deux députés et deux sénateurs par département – nous avons largement débattu de la composition de cette commission d’élus.
De nombreuses demandes émanent des communes et des intercommunalités de toutes tailles, et l’enveloppe financière de l’État, variable d’un département à l’autre, est répartie sous l’autorité des préfets et des sous-préfets. De ce point de vue, on ne peut que regretter la suppression de la réserve parlementaire – je reviens une fois de plus sur le sujet –, qui offrait aux parlementaires une latitude dont ils sont désormais privés, réduisant leur pouvoir décisionnel au sein de la commission DETR.
Je soutiendrai toutefois cet amendement, qui vise à donner à la commission d’élus une visibilité complète sur tous les dossiers DETR tout en demeurant réservé sur la réalité de notre pouvoir de décision.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Madame la ministre, je profite de cette occasion pour vous demander si tous les préfets de France et de Navarre ont bien l’obligation de réunir cette commission. Je crois connaître la réponse, mais il y a au moins un département – je vous laisse imaginer lequel – où nous n’avons reçu aucune invitation. J’attendrai le 30 juin, mais je m’étonne tout de même de n’avoir à ce jour aucune nouvelle de la préfecture.
L’année dernière, les subventions ont été distribuées au mois de février sans que personne ait été informé de quoi que ce soit. Cette année, nous n’avons même pas été invités !
Le président du Sénat m’a fait l’honneur de me désigner pour siéger au sein de cette commission, mais je n’ai pas encore eu la joie de pouvoir remplir la mission qui m’a été confiée. (Mme Martine Berthet et M. Bruno Sido applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Madame la ministre, je m’étonne de votre réponse.
Vous savez comment les choses se passent dans les territoires : les maires sollicitent leurs parlementaires quel que soit le montant des financements demandés. Les petits projets de moins de 100 000 euros sont d’ailleurs parfois beaucoup plus importants qu’un projet pour une intercommunalité d’une dimension X – je ne dis même pas XXL.
Les parlementaires, notamment les sénateurs, depuis le non-cumul des mandats, sont de plus en plus coupés du terrain. Est-ce la volonté de ce gouvernement d’avoir des élus hors sol ? (Oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Telle est la question qui se pose aujourd’hui !
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Dans les conseils départementaux et régionaux, toutes les subventions, si modestes soient-elles, figurent en annexe du rapport et font l’objet d’une transparence totale. Pourquoi l’État ne ferait-il pas preuve de la même transparence ?
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je rejoins ce que vient de dire Marc Laménie.
Des parlementaires siègent à la commission DETR, qui est saisie pour avis de tous les projets de subvention de plus de 100 000 euros. Nous faisons notre travail de terrain : nous rencontrons les maires, qui nous expliquent leurs dossiers. Il me paraîtrait donc normal que les sénateurs connaissent tous les projets de subvention au titre de la DETR.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Il me semblerait normal, dès lors qu’un euro d’argent public est dépensé pour les territoires, que nous le sachions. Il s’agit juste ensuite de donner un avis.
J’adresse donc une supplique à Mme Jacqueline Gourault, millésime 2015-2016…
M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.
M. Charles Guené. Une part importante de la réserve parlementaire ayant été intégrée à la DETR, il paraît logique, par parallélisme des formes, que sa répartition fasse l’objet de la même publicité, y compris pour les financements les plus modestes.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je confirme à notre collègue Philippe Dallier que le préfet a l’ardente obligation de réunir la commission DETR, d’autant plus que c’est elle qui doit fixer les critères d’éligibilité au titre de la DETR.
M. Philippe Dallier. La Seine-Saint-Denis est décidément un département hors norme pour tout !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. On pourrait remonter à des millésimes plus anciens, puisque j’ai moi-même siégé au sein d’une commission DETR…
Les choses sont claires.
Premièrement, cette commission a pour mission de définir les critères qui permettront au préfet d’instruire les demandes de subvention.
Deuxièmement, à la suite de la suppression de la réserve parlementaire, les parlementaires siègent au nombre de quatre au sein des commissions DETR.
Troisièmement, il me semble en effet curieux, monsieur Dallier, que, à la date d’aujourd’hui, la commission DETR ne se soit pas encore réunie dans votre département.
Quatrièmement, nous avons donné des instructions très précises à tous les préfets pour que les parlementaires soient informés de l’ensemble des dossiers présentés. (M. Bruno Sido s’exclame.) Je le répète : des instructions très précises.
Enfin, la DETR étant une dotation de l’État – une dotation qui, avec la DSIL, a augmenté de 5 %, je le souligne en passant…–, il est bien normal que ce soit le préfet qui décide. La commission ne peut pas être décisionnaire, c’est impossible. D’ailleurs, tous les gouvernements qui se sont succédé ont adopté cette position.
Il faut distinguer les questions formelles et les questions de communication. S’il y a le moindre problème du type de celui qui vient d’être soulevé, il faut le signaler à Gérard Collomb ou à moi-même. Nous regarderons de près ce qui se passe dans les départements concernés.
Par ailleurs, je crois que, d’une manière générale, les subventions versées au titre de la DETR sont les bienvenues. Avec la DSIL, en effet, elles représentent des sommes importantes.
Il n’y a donc pas de complication ; tout est clair et transparent.
J’ajoute que, bien évidemment, pour assurer la transparence, toutes les subventions attribuées peuvent être publiées sur le site internet de la préfecture.
M. François Bonhomme. Donc, avis favorable ?
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. La transparence que vous proposez, madame la ministre, qu’elle vienne, nous l’attendons ! Ce serait parfait.
Je suis quelque peu réservé sur l’aspect décisionnel qu’aurait l’avis d’une commission DETR, pour siéger depuis de longues années dans une telle structure. En revanche, que le seuil soit abaissé me paraît relever de la pure transparence.
Je regrette simplement de ne pas avoir déposé un amendement relatif à la DSIL, car celle-ci, décidée au niveau de nos nouvelles et immenses régions, me paraît encore plus obscure. Mon dernier courrier au préfet de région pour lui demander où il en était de l’utilisation de la DSIL par département et par thématique est resté sans réponse… Sur ce sujet aussi, la transparence est nécessaire !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je souscris tout à fait au propos de notre collègue Jacquin. Je rappelle que, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, la commission des lois avait proposé que la même commission se réunisse pour la DETR que pour la DSIL.
M. le président. Mes chers collègues, je suis obligé de vous inviter à la concision, pour que nous puissions terminer l’examen de ce texte avant la suspension de séance.
Je mets aux voix l’amendement n° 29 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 24.
Article 25 (nouveau)
Le III de l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les projets d’investissement portés par des communes de moins de 1 000 habitants, cette participation minimale du maître d’ouvrage est de 5 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques. »
M. le président. L’amendement n° 75, présenté par M. Darnaud, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le deuxième alinéa du III de l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, ce taux est ramené à 5 % lorsque le maître d’ouvrage est une commune de moins de 1 000 habitants. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l’article 25 est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l’article 25
M. le président. L’amendement n° 58 rectifié bis, présenté par M. Chaize, Mme Bories et MM. Pierre et Lefèvre, est ainsi libellé :
Après l’article 25
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 2411-5 est ainsi modifié :
a) Au 1°, le mot : « vingt » est remplacé par le mot : « quarante » ;
b) Le 3° est ainsi modifié :
- à la première phrase, le nombre : « 2 000 » est remplacé par le nombre : « 10 000 » ;
- à la seconde phrase, le mot : « révisé » est remplacé par le mot : « augmenté » ;
2° Après l’article L. 2411-10, il est inséré un article L. 2411-10-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2411-10-… – I. – Une taxe peut être instituée par délibération du conseil municipal pour contribuer au financement par la commune des frais liés au fonctionnement d’une section de commune.
« II. – La taxe est instituée avant le 1er octobre de l’année pour être applicable à compter de l’année suivante.
« III. – La taxe est acquittée par chaque membre de la section de commune. Son montant est déterminé par délibération du conseil municipal dans la limite de 200 euros.
« IV. – La taxe ne peut être perçue dès lors que les biens de la section de commune ont été transférés à la commune en application des articles L. 2411-11 à L. 2411-12-2 ou L. 2411-13.
« V. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. » ;
3° Après l’article L. 2411-18, il est inséré un article L. 2411-18-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2411-18-… – Le conseil municipal peut, par délibération, prononcer la dissolution d’une section de commune :
« – soit à la demande de la commission syndicale ou, lorsque la commission syndicale n’a pas été constituée en raison des 1° ou 3° de l’article L. 2411-5, de la moitié des membres de la section ;
« – soit lorsque la commission syndicale n’a pas été constituée en raison du défaut de réponse des électeurs, constaté dans les conditions prévues au 2° de l’article L. 2411-5
« – soit lorsqu’il n’existe plus de membres de la section de commune. »
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Cet amendement concerne les sections de commune. Selon le code général des collectivités territoriales, « constitue une section de commune toute partie d’une commune possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune ».
Héritage de l’histoire, la section de commune a essentiellement une fonction patrimoniale. Elle possède la personnalité juridique. La gestion des biens et des droits attachés à la section est assurée en principe par le conseil municipal et par le maire. Cette gestion peut être assurée aussi par une commission syndicale élue par les habitants.
Force est de constater que la complexité du régime juridique, dans la ligne droite d’un dispositif issu du droit médiéval, pose aujourd’hui de sérieuses difficultés à de nombreuses communes rurales. L’aspect de démocratie locale tend à s’estomper derrière des considérations de défense d’intérêts particuliers. L’obsolescence du cadre juridique constitue également une source de contentieux.
Aussi la lourdeur de ces sections de commune suscite-t-elle des interrogations quant à leur maintien.
Dans ce contexte, il est proposé de limiter les cas de création d’une commission syndicale, d’instaurer une taxe communale pour la gestion des sections de commune et de permettre au conseil municipal de prononcer la dissolution d’une section de commune selon des cas définis.
Il faut bien reconnaître que, à l’heure de la construction européenne, ce principe semble tout à fait obsolète.
Mme Cécile Cukierman. La question a été traitée dans un autre texte !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Nous sommes réservés, car la rédaction de l’amendement pose un problème de constitutionnalité. Aussi, malgré l’importance de la question soulevée, je sollicite le retrait de l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Chaize, l’amendement n° 58 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Patrick Chaize. Je le maintiens, pour la même raison que précédemment : je suis persuadé que la rédaction de l’amendement peut être améliorée, mais je tiens à ce que la question reste en débat dans le cadre de ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Nous ne voterons pas cet amendement, dont les auteurs généralisent un peu trop par rapport à ce qu’est aujourd’hui la réalité des sections de commune. Les considérer telles qu’elles sont décrites dans l’objet est, à mon avis, assez caricatural.
En 2012 et 2013, nos débats sur la proposition de loi visant à faciliter le transfert des biens sectionaux aux communes, présentée par Jacques Mézard et les collègues de son groupe, avaient fait apparaître un certain nombre de spécificités. Dans nos départements, nous avons encore un certain nombre de communes comportant des sections qui vivent.
La loi modernisant le régime des sections de commune, issue de cette proposition de loi sénatoriale, permet aujourd’hui, dans un certain nombre de cas, d’apporter des réponses et des solutions aux communes dont les sections dysfonctionnent, voire ne se réunissent plus.
En l’occurrence, monsieur Chaize, il ne s’agit pas d’inscrire une disposition dans le texte pour poursuivre la discussion. Il s’agit d’un débat à reprendre, au vu des travaux qui ont déjà été menés, de l’évolution législative intervenue ces dernières années et de son application dans les départements. Ce n’est pas un sujet qu’on peut traiter de façon aussi légère et en généralisant autant !
M. le président. L’amendement n° 53 rectifié ter, présenté par MM. Chaize, Brisson, Bascher, Milon, Vaspart, Saury et Pierre, Mmes de Cidrac et Deromedi et MM. D. Laurent, Mandelli et Savary, est ainsi libellé :
Après l’article 25
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 6 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture, après les mots : « collectivités locales », sont insérés les mots : « , des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, ».
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Cet amendement a pour objet de consacrer dans la loi la prise en compte par les statuts des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement de la participation des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre à ces associations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 25.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Cette proposition de loi et tous les débats qu’elle nous a inspirés soulignent l’imperfection de la loi NOTRe et nous confortent dans l’idée qu’il faut ménager de la souplesse et permettre aux territoires de s’adapter.
Je remercie le président et le rapporteur de la commission des lois d’avoir évoqué un sujet non traité dans le cadre de ce texte : les communes nouvelles, qui sont l’exemple même d’un dispositif législatif qui permet, mais n’impose pas. Je souhaite vivement que la proposition de loi qui a été déposée sur ce sujet puisse être examinée en séance publique, afin que nous puissions prendre en compte l’envie d’évolution de nos territoires pour conforter la proximité.
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. Cette proposition de loi avait pour objectif d’adapter la loi NOTRe pour améliorer la situation concrète sur le terrain. Au bout du compte, je trouve que non seulement elle ne l’améliore pas, mais que son adoption pourrait, sur le terrain, créer des problèmes là où il n’y en avait pas.
Ainsi, l’article 10 permet le retrait de deux ou trois communes d’une intercommunalité sans que les autres communes et le conseil communautaire puissent même donner leur avis, dès lors que le seuil de population est atteint – un seuil dont je rappelle qu’il est, en zone de montagne, de 5 000 habitants. Je pense que cette mesure créera des difficultés sur le terrain.
Il en va de même pour l’exercice territorialisé des compétences : alors que, aujourd’hui, on peut organiser la proximité dans la gestion d’une intercommunalité, la mesure inscrite dans la proposition de loi conduirait à la fragmentation d’un certain nombre de communautés.
Dernier exemple – mais je pourrais en donner d’autres – : supprimer l’obligation de faire acte de candidature aux élections municipales dans les communes de moins de 1 000 habitants me semble une régression. Cette obligation, qui s’est appliquée pour la première fois à l’occasion des élections municipales de 2014, a marqué un vrai progrès par rapport à l’époque antérieure.
Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas la proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Comme Pierre-Yves Collombat l’a annoncé dans la discussion générale, nous voterons cette proposition de loi, même si, comme le rapporteur l’a reconnu, elle n’est pas forcément révolutionnaire. Elle apporte en tout cas quelques améliorations aux situations nées de l’application de la loi NOTRe.
Comme nous l’avons souligné dans nos différentes interventions, si nous avions collectivement été un peu plus combatifs et exigeants quant à l’écriture de la loi NOTRe, un certain nombre de difficultés et de blocages que nous constatons toutes et tous dans nos territoires ne seraient pas apparus.
Il y aurait certainement encore beaucoup à faire pour poursuivre l’amélioration, mais, pour l’heure, nous voterons la proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. L’impression générale qui était la nôtre avant le début de nos débats s’est malheureusement renforcée : cette proposition de loi est bien un texte touche-à-tout, qui traite aussi bien du statut de l’élu, de la compétence « voirie » des métropoles et des déclarations de candidature aux municipales que de l’ingénierie des départements, des pôles de proximité et de la composition de la commission départementale de la coopération intercommunale, entre autres sujets.
Plus subrepticement, ce texte remet en cause certains acquis de la loi NOTRe, qui, tout en étant imparfaite, a tout de même modernisé, clarifié et simplifié notre organisation territoriale.
Vous nous dites, monsieur le rapporteur, qu’il faut marquer une pause et laisser respirer les élus. Nous pensons, nous, que, par ce texte, vous réintroduisez une confusion qui risque de provoquer du désordre et de déstabiliser des édifices en cours de consolidation. C’est pourquoi nous voterons contre la proposition de loi.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Je souscris pleinement à la philosophie qui gouverne la proposition de loi : panser des plaies ouvertes consécutives à la réforme territoriale, singulièrement à la loi du 7 août 2015, dite loi NOTRe.
Cette démarche du rapporteur et du président de la commission des lois est, me semble-t-il, la meilleure façon d’opérer – non pas simplement au sens chirurgical –, dans la mesure où la loi NOTRe, dont nous mesurons tous les jours qu’elle s’est éloignée de ses objectifs initiaux, a créé un grand maelström, un grand bastringue institutionnel, source d’inertie, de démobilisation, de découragement et parfois même de discorde.
Ce grand saut dans le vide a suscité, partout où je passe, une organisation administrative et un fonctionnement territorial qui s’apparentent à une construction byzantine. Depuis lors, évidemment, il n’est plus question de grand soir, fût-il révolutionnaire, ni de grand meccano institutionnel, tant notre équilibre institutionnel est sorti fragilisé, et même contusionné, de cette réforme territoriale.
Madame la ministre, j’ai été interloqué, hier, lorsque vous nous avez accusés de remettre en cause le principe de stabilité institutionnelle réclamé par les élus et de contrevenir à des principes fondateurs. Je trouve ce reproche tout à fait excessif.
Vous avez également prétendu que nous irions à l’encontre de la nécessaire rationalisation en supprimant les schémas départementaux. Je crois que la rationalisation telle que vous la concevez a souvent été pratiquée par les préfets au nom d’une interprétation abusive s’apparentant en réalité à un véritable instrument de torture du fait communal. Là aussi, des mesures correctives s’imposent.
En définitive, le Sénat aura démontré qu’il est dans son rôle, en dépit de ceux qui voudraient l’empêcher d’exercer sa mission d’évaluation et de contrepoids, tel Arnaud de Belenet, qui a fait preuve hier soir, en défendant la motion tendant à opposer la question préalable, d’une certaine persévérance dans la négation de la réalité territoriale.
Sur des matières aussi compliquées et fragiles, je crois que les corrections que nous opérons sont attendues. Cette proposition de loi apporte une respiration et une souplesse bienvenues.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, dans le texte de la commission, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe La République En Marche.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 123 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 304 |
Pour l’adoption | 179 |
Contre | 125 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Philippe Dallier.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs
Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la délégation aux collectivités territoriales et de la délégation aux entreprises, de la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, présentée par MM. Rémy Pointereau, Martial Bourquin et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 460, texte de la commission n° 549, rapport n° 548, rapport d’information n° 526, avis nos 500 et 543).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la proposition de loi.
M. Rémy Pointereau, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre de la cohésion des territoires, mes chers collègues, dès le mois de mai 2017, le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, s’est emparé d’un enjeu très important, crucial même, pour nos territoires : la dévitalisation des centres-villes et centres-bourgs.
Sous l’impulsion de notre président, Gérard Larcher, et avec le soutien des délégations présidées par Élisabeth Lamure et Jean-Marie Bockel, Martial Bourquin et moi-même nous sommes attaqués à cette problématique, devenue plus qu’un enjeu économique ou commercial : un enjeu de société qui dépasse les clivages politiques.
Nous avons commencé par dresser un diagnostic en juillet 2017. Celui-ci est sans appel : nos cœurs de ville et de bourg meurent. Ainsi, il y a plus de 20 % de vacances commerciales dans de nombreuses villes, jusqu’à 29 % à Calais et 26 % à Vierzon. Nous avons recensé près de 700 villes en grande difficulté et plusieurs centaines de bourgs pôles de centralité qui le sont également.
En matière d’autorisations d’implantations commerciales, nous sommes allés beaucoup trop loin : 14 millions de mètres carrés de surfaces commerciales en France métropolitaine en 2010, 17 millions de mètres carrés en 2017, soit une augmentation de 30 %.
C’est à partir de ce triste état des lieux que nous avons préparé la présente proposition de loi, afin d’agir et de proposer des solutions concrètes.
Nous avons auditionné près de 150 personnes et écouté les 4 000 élus qui ont répondu à une consultation en ligne. Aujourd’hui, vous êtes près de 240 sénateurs et sénatrices, de toutes sensibilités politiques, à avoir apporté votre soutien à notre initiative, ce dont je vous remercie. Mais vous n’êtes pas les seuls, car elle a également le soutien public des différentes associations d’élus – Association des maires de France, Association des maires ruraux de France, Association des petites villes de France –, ainsi que de nombreuses associations professionnelles. C’est bien la preuve que ce texte était très attendu.
Croyez-le, monsieur le ministre, cher Jacques Mézard, notre proposition de loi n’a pas vocation à concurrencer votre plan « Action cœur de ville ». Compte tenu de son antériorité, elle n’a pas été concoctée comme un contre-projet. Au reste, ce n’est pas une pratique sénatoriale, et vous le savez bien. Au contraire, nous la voyons comme un complément, destiné surtout à régler les questions structurelles qui ne sont pas traitées dans le plan ORT, ou opération de revitalisation de territoire.
Notre texte prend le mal à la racine, en s’attaquant aux causes profondes de la dévitalisation, qui sont multiples. Mais il ne s’agit pas de s’attarder sur les causes ; il s’agit de trouver des solutions. C’est tout l’enjeu de cette proposition de loi, qui n’oubliera aucun territoire. Pour ce faire, nous avons voulu prendre des mesures structurelles, avec l’urgence de s’attaquer à la culture de la périphérie et de réguler le e-commerce.
Notre projet est ouvert à toutes les collectivités qui ont un cœur de ville ou de bourg méritant de s’inscrire dans un périmètre « OSER », ou opération de sauvegarde économique et de redynamisation, défini par les élus. Il s’attache à favoriser le repeuplement des centres-villes par la réduction du coût du logement en centre-ville, la réduction du poids des normes et la préservation des services publics en centre-ville. Notre objectif est aussi de rénover et de renforcer le FISAC, le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, qui a été complètement abandonné. Nous souhaitons également rénover le système de régulation des implantations en périphérie.
Je tiens à remercier tous ceux qui ont travaillé sur ce texte, notamment les différents rapporteurs, Jean-Pierre Moga, Arnaud Bazin et Jean-Pierre Leleux, avec lesquels nous avons coconstruit et corédigé certaines dispositions.
Nous présenterons ce soir ou demain des amendements visant à dissiper les dernières inquiétudes exprimées sur certains articles, notamment en ce qui concerne la fiscalité. Je souligne d’ores et déjà que, sans cette nouvelle fiscalité, rien ne pourra être fait.
Notre objectif est de rééquilibrer les conditions de concurrence et d’activité entre centre-ville, périphérie et e-commerce. Finalement, ce que nous proposons, c’est un système de bonus-malus destiné à réduire les coûts et les charges en centre-ville. Ce qui passe, entre autres mesures, par l’instauration de deux mécanismes de fiscalité écologique : une contribution sur l’artificialisation des terres et une taxe sur la livraison liée au e-commerce.
Je tiens à dissiper toutes les inquiétudes au sujet de la taxe sur les livraisons du e-commerce. Nous proposerons par voie d’amendement une nouvelle méthode de calcul, fondée sur un pourcentage – 1 % – du prix du bien commandé.
Tels sont, mes chers collègues, les objectifs de ce pacte national de revitalisation, désormais entre vos mains. La question que nous nous sommes posée et que vous devez vous poser à votre tour est : voulons-nous pour demain une ville ou un bourg de centralité accueillant, avec un cœur qui vit et qui bat, avec du lien social et du lien culturel, ou une ville à l’américaine, avec ses friches commerciales ? Allons-nous continuer d’abandonner nos territoires ou leur montrer qu’ils peuvent compter sur nous ?
Adopter cette proposition de loi, c’est non seulement s’opposer à toutes les fatalités, mais surtout « oser » la revitalisation de nos territoires ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, auteur de la proposition de loi.
M. Martial Bourquin, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, après Rémy Pointereau, avec lequel j’ai travaillé pendant neuf mois, je voudrais pousser un cri d’alerte, un cri d’alarme : nos centres-villes, nos centres-bourgs meurent, et c’est l’identité de nos villes et de nos bourgs qui s’efface ! Avec cette dévitalisation, c’est aussi la dignité des habitants qui est affectée. La culture de l’étalement urbain, la culture de la périphérie, a fait des dégâts considérables.
Quel est l’enjeu de cette proposition de loi ? Tout simplement de proposer une série de mesures fortes et structurelles. Structurelles, car le Sénat, comme défenseur des territoires, a la charge de prendre en compte cette situation, qui ne cesse de se dégrader.
Il s’agit aussi de favoriser le développement des petites entreprises, qui font la prospérité de ces territoires et animent nos centres-villes.
Il s’agit enfin de dépasser des mesures ponctuelles pour redynamiser de façon pérenne les centres-villes et les centres-bourgs. Du correctif, nous en faisons depuis vingt ans ; cette fois, il faut faire du structurant. En d’autres termes, il faut essayer de comprendre pourquoi nos centres-villes se dévitalisent. Deux raisons au moins expliquent ce phénomène.
La première tient au fait que nous avons déplacé les flux de consommation et les flux de services, si bien qu’inévitablement la population habite, parfois travaille et consomme à la périphérie des villes. Si nous ne remédions pas à ce problème, nous ferons du correctif. Le structurant, c’est de donner à la ville, au bourg, toute sa dimension, c’est-à-dire de maximiser la présence de l’ensemble des activités commerciales et de services, des activités sociales et culturelles au centre-ville. Si nous parvenons à le faire, nous pourrons remédier à cette dévitalisation, qui est en cours depuis quelques dizaines d’années.
Il faut avoir la volonté d’agir. Comme l’a dit mon collègue Rémy Pointereau, ce texte comporte plusieurs propositions. Surtout, monsieur le ministre, il y a un projet, mais aussi le financement qui va avec. Et tout cela est tout à fait crédible et réaliste !
Il s’agit simplement de vouloir ! Quand on veut, on peut, et si on le veut vraiment, on parviendra à revitaliser nos centres-villes et nos centres-bourgs !
N’oublions pas ce que René Char disait : « Notre avenir n’est précédé d’aucun testament. » Ne soyons pas la génération d’élus qui aura laissé dépérir ces centres-villes. Nous ne pourrons plus revenir en arrière. Dans beaucoup de territoires, nous pouvons encore revitaliser les centres-villes. Soyons cette génération d’élus qui aura pris conscience du problème et qui aura été capable de proposer une série de mesures efficaces.
Nous devons défendre la ville européenne : depuis la cité grecque, on a toujours concentré l’ensemble des relations commerciales, l’ensemble des relations liées aux services dans le cœur de ville, mais aussi la démocratie, la sociabilité, la cohésion sociale. Ce problème de société est devant nous : il faut nous y attaquer pour y remédier.
Le projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dit projet de loi ÉLAN, n’est pas concurrent de notre texte. C’est un projet complémentaire. Nous travaillons sur ce problème depuis neuf mois, c’est-à-dire bien avant la mise en place de ce gouvernement. Aujourd’hui, le Sénat, avec son expertise et les 4 000 personnes qu’il a auditionnées, a une série de propositions à faire.
Monsieur le ministre, un savant mixte entre ÉLAN et OSER serait la meilleure des choses ! Je vous invite à faire en sorte que nous puissions travailler ensemble à ce mixte savant. Ainsi, nous pourrons donner de l’élan à OSER. Avec OSER, nous ferons en sorte qu’ÉLAN prenne toute sa dimension ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous livrer l’analyse de la commission des affaires économiques sur cette importante initiative du Sénat.
Notre analyse se résume à cinq affirmations.
Premièrement, nos centres-villes et centres-bourgs ne doivent pas rester en marge de la reprise économique et de la vague d’optimisme qui traversent notre pays. Démographiquement, il n’est d’ailleurs pas normal que nos centres-villes soient moins vivaces aujourd’hui, dans une France de plus de 67 millions d’habitants, qu’ils ne l’étaient en 1980 avec 55 millions d’habitants.
Deuxièmement, sur le plan social, nous devons envoyer un signal fort à une France qui se sent oubliée. Je remarque au passage que, là où les centres-villes sont le mieux préservés, en France comme chez nos voisins européens, le lien social est plus vivace, les actes délictueux sont moins nombreux et l’esprit de cogestion l’emporte sur la conflictualité ou les divisions. Nous savons tous qu’en centre-ville les rideaux métalliques des commerces fermés, les volets clos des premiers étages sont étroitement corrélés avec la montée de la délinquance, de la violence et des extrêmes.
Troisièmement, Rémy Pointereau et Martial Bourquin ont rallié plus de 230 d’entre nous à l’idée que les centres-villes et les centres-bourgs représentent encore plus que la somme des difficultés de logement, d’animation commerciale ou de distorsions fiscales. Il s’agit d’un véritable « enjeu de civilisation ». Cela signifie concrètement que les dégâts créés par l’immobilisme dans ce domaine sont extrêmement préjudiciables à notre pays. On traite souvent les sujets économiques à coups de statistiques savantes, mais n’oublions pas que le facteur psychologique l’emporte largement sur tout le reste.
Quatrièmement, le travail transversal de nos délégations et de nos commissions sur le plan juridique a anticipé un tournant de la jurisprudence européenne. Je rappelle, car c’est l’une des clefs de compréhension du texte, qu’en janvier 2018 le juge européen a fait prévaloir le droit d’un élu local des Pays-Bas à imposer l’installation d’un magasin de chaussures en centre-ville sur la liberté d’installation, c’est-à-dire l’un des piliers des traités européens. Qui aurait parié, dans notre pays, sur un tel résultat ? Rétrospectivement, on peut légitimement se demander si notre fameuse tendance à surtransposer les normes européennes n’a pas contribué à faire de la France la « championne du monde » de la facilité à créer des grandes surfaces, surtout en périphérie.
Cinquièmement, les réactions suscitées par cette proposition de loi au cours des auditions ont été enthousiastes. Je parle surtout ici de son volet normatif, non fiscal. Il s’agit d’une véritable « bouffée d’oxygène » pour les maires ruraux, qui se sentent aujourd’hui pris en étau entre l’inertie et l’illégalité, au moment où il leur faut prendre en compte les transformations profondes des attentes et des modes de vie. Ces maires soulignent que la vélocité de l’action publique locale a beaucoup diminué par rapport aux années 1990 où l’on pouvait agir plus simplement et plus vite : c’est un paramètre clé et un facteur de découragement pour les élus. Nous avons le devoir de répondre aux espoirs que ceux-ci placent en nous.
Je retiens également des auditions que, techniquement et sur le terrain, la réussite de la revitalisation dépendra de deux principaux facteurs.
D’une part, rien ne sera possible si l’on ne met pas la compétence et l’ingénierie à la disposition des territoires qui en ont le plus besoin.
D’autre part, rien ne se fera non plus si l’on n’accorde pas un avantage comparatif aux petits centres-villes en termes d’attractivité. Les recettes pour attirer les opérateurs privés et stimuler l’activité sont connues : avantages fiscaux, simplification des normes, mais aussi innovations majeures comme, par exemple, réserver la primeur de la 5G aux territoires ruraux.
À présent, j’évoquerai l’essentiel des positions prises par la commission des affaires économiques.
À l’article 1er, nous avons, en une seule phrase, donné un socle à cette construction législative d’une trentaine de dispositions. C’est d’abord, monsieur le ministre, un message rassembleur de toutes les initiatives qui poursuivent un objectif similaire et, en particulier, le plan gouvernemental « Action cœur de ville ». C’est également un puissant outil de rééquilibrage de notre tendance à surtransposer le droit européen, qui place la protection des centres-villes au rang de motif impérieux d’intérêt général pouvant justifier des dérogations. Nous traduisons ce motif impérieux en « obligation nationale » pour que tous les acteurs puissent également se saisir des facultés de différenciation et d’expérimentation prévues par notre Constitution. Notre pays attend un desserrement pragmatique du carcan réglementaire : tentons l’expérience avec les centres-villes !
Toujours à l’article 1er, nous avons adopté plusieurs amendements pour mieux prendre en compte l’artisanat, l’animation culturelle et l’attractivité touristique. Nous avons également étendu le périmètre de la revitalisation pour les communes de moins de 10 000 habitants tout en conservant, pour les autres, le plafond de 4 % de la surface urbanisée prévu à ce même article.
L’article 7 sur l’intervention de l’architecte des Bâtiments de France a bien failli déclencher une polémique (Exclamations amusées sur les travées du groupe Union Centriste.), mais la sagesse sénatoriale l’a emporté ; elle s’exprime au travers de notre texte consensuel ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Françoise Gatel. Bravo !
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur. Cet article appelle les architectes des Bâtiments de France au réalisme financier et ouvre la voie – je me tourne une nouvelle fois vers le banc du Gouvernement – à un redéploiement de l’avantage fiscal « Malraux » vers les petits centres-villes qui en ont le plus besoin.
En ce qui concerne l’urbanisme commercial, notre approche est dominée par l’esprit de confiance à l’égard des élus de terrain et la volonté de donner aux dispositifs toute leur capacité opérationnelle. C’est ce qui conduit notre commission à apporter plusieurs correctifs ponctuels et techniques sur ce volet, correctifs qui n’en remettent pas en cause la philosophie générale.
Finalement, avec ce texte, le Sénat agit concrètement sur un sujet d’une importance majeure pour nos territoires. Face à la métropolisation et à des pratiques commerciales qui n’ont fait qu’accélérer le déclin des commerces et des services de proximité et, il faut le dire, d’un certain « vivre ensemble » dans nos villages et nos bourgs, ce texte donne des clefs en intervenant sur une pluralité de thématiques très complémentaires.
Je le répète, nous sommes plus de 230 sénateurs à avoir cosigné ce texte ; pour nos communes, nos centres-bourgs, nos centres-villes, nous devons être une force de proposition et nous avons une obligation de résultat ! Je vous demande donc d’adopter cette proposition de loi, dans le texte issu de nos travaux et sous réserve des amendements sur lesquels nous émettrons un avis favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche. – M. Martial Bourquin applaudit également.)
Mme Françoise Gatel. Bravo !
M. Loïc Hervé. Excellent ! C’est un véritable succès !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances.
M. Arnaud Bazin, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le travail approfondi conduit sous l’impulsion de nos collègues Rémy Pointereau et Martial Bourquin pour aboutir à la proposition de loi que nous examinons ce soir. Je ne manquerai toutefois pas de saluer le modèle d’initiative parlementaire pour le Sénat que constitue ce texte, d’autant plus que celui-ci porte sur un phénomène, qui est connu de tous et a déjà été évoqué, mais qui constitue sans nul doute l’un des défis majeurs de nos sociétés contemporaines : la dévitalisation croissante d’un grand nombre de nos centres-villes et de nos centres-bourgs.
Contrairement aux projets déjà présentés pour endiguer cette tendance, y compris le dernier plan « Action cœur de ville » du Gouvernement, dont il a été question, le « pacte » porté par la proposition de loi s’inscrit dans une logique de rupture. À un ciblage restreint déterminé par l’État, ce texte préfère un périmètre étendu décidé par les collectivités. À la mobilisation d’outils contractuels agrégeant les financements de plusieurs partenaires, il ajoute l’utilisation d’une palette multiple de leviers, dont des mécanismes fiscaux. C’est à ce titre que la commission des affaires économiques a délégué à notre commission l’examen au fond de neuf articles. Elle a également sollicité notre avis sur six articles.
Prolongeant la démarche ayant animé l’élaboration de la proposition de loi, la commission des finances a fait valoir ses analyses dans un débat fécond avec ses auteurs.
La mobilisation du levier fiscal permet de répondre utilement à certaines difficultés identifiées pour les centres-villes et les centres-bourgs. Il ne saurait toutefois constituer qu’un outil de second rang. En effet, la pression fiscale ne constitue qu’un des facteurs d’implantation d’un commerce. L’existence d’un marché, avec une demande à satisfaire, est indispensable. Il faut donc des infrastructures, des services publics et des logements. C’est pourquoi l’outil normatif doit constituer, avant le levier fiscal, la clé de voûte d’une démarche de revitalisation.
Surtout, compte tenu du niveau élevé des prélèvements obligatoires et de la nécessaire maîtrise des comptes publics, l’outil fiscal doit être manié avec précaution. Son utilisation doit aussi respecter le principe d’égalité devant les charges publiques et se prémunir de risques d’effets de bord, voire d’effets d’aubaine. À cet égard, la définition actuelle du périmètre « OSER » pose quelques difficultés juridiques compte tenu des critères prévus. Afin que les dispositifs fiscaux spécifiques prévus par le texte ne portent pas atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques, une meilleure définition de ce périmètre devra être trouvée à l’occasion de la navette.
Parallèlement, la commission des finances est également consciente que la revitalisation de nos centres-villes et de nos centres-bourgs ne saurait être totale sans moyens financiers. C’est à cette aune qu’elle a procédé à l’examen de la proposition de loi. Dans cette perspective, elle a souhaité faire évoluer le texte sur plusieurs points. Nous y reviendrons lors de l’examen des articles, mais je souhaiterais préciser la démarche globale que nous avons retenue. Celle-ci peut être résumée en deux axes.
D’une part, nous avons procédé à une analyse de la proportionnalité des dépenses fiscales introduites vis-à-vis de leur efficacité escomptée dans la revitalisation de nos centres et dans l’accompagnement de la transition de nos commerces de proximité vers l’économie du XXIe siècle.
D’autre part, nous avons privilégié une utilisation raisonnée du levier fiscal, afin de ne pas alourdir la pression fiscale globale, de réduire les distorsions de concurrence identifiées et d’assurer des recettes pour financer les mesures proposées.
S’agissant des dépenses fiscales, la commission des finances a supprimé l’article 3. Cette position se fonde sur les difficultés juridiques communautaires de l’application de taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée pour certains travaux conduits dans le périmètre « OSER », ainsi que sur le caractère coûteux et peu efficace de l’application de la réduction d’impôt « Pinel » en faveur de l’investissement locatif intermédiaire dans ce même périmètre. L’essentiel du débat portera toutefois sur les articles 26 à 28, qui introduisent de nouvelles taxes ce qui, pour la commission des finances, suscite toujours un mouvement initial de recul.
Considérant les difficultés posées par la taxe sur les livraisons, elle a adopté, comme l’avait fait le Sénat lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, une taxe analogue à la TASCOM – la taxe sur les surfaces commerciales – pour les entrepôts principalement utilisés pour le e-commerce et les drive.
Un amendement des auteurs de la proposition de loi tend à réintroduire cette taxe dans le texte, mais selon des modalités corrigées, pour tenir compte de nos observations. Plusieurs interrogations subsistent toutefois concernant la capacité de l’administration fiscale à la recouvrer. Cette taxe risque en particulier de porter préjudice, au premier chef, à nos entreprises de e-commerce. Si l’administration pourrait avoir du mal à récupérer des informations sur la distance parcourue pour une livraison d’un bien commandé par Amazon, nul doute qu’elle y parviendra plus facilement pour la FNAC-Darty…
De façon plus globale, la numérisation de l’économie nous impose de procéder à une actualisation du système fiscal. Je crois que nous en sommes tous conscients et convaincus.
M. le président. Il faut conclure !
M. Arnaud Bazin, rapporteur pour avis de la commission des finances. Le Sénat, au travers du groupe de travail sur la fiscalité numérique, dont les travaux sont reconnus par l’ensemble des acteurs, y travaille de longue date. De même, le Gouvernement devrait prochainement recevoir un rapport de la mission de l’Inspection générale des finances sur les distorsions de concurrence entre commerce en ligne et commerce physique.
M. le président. Il faut vraiment conclure !
M. Arnaud Bazin, rapporteur pour avis de la commission des finances. Ce rapport devrait être rendu public pour compléter notre réflexion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche. – M. Martial Bourquin applaudit également.)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la culture. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos se concentrera sur l’article 7, qui vise à desserrer les contraintes patrimoniales dans les périmètres « OSER » et dont la commission de la culture s’est saisie pour avis.
Je me souviens qu’il y a moins de deux ans nous débattions dans ce même hémicycle de notre législation en matière de protection du patrimoine. L’un des objectifs de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine – la loi LCAP –, dont j’ai eu l’honneur d’être l’un des deux corapporteurs, avec ma collègue Françoise Férat, était de simplifier le régime des espaces protégés, ainsi que d’associer davantage les collectivités territoriales à leur définition, sans remettre en cause le haut niveau de protection du patrimoine dont jouit notre pays.
Faut-il sensiblement revenir sur des règles qui commencent tout juste à s’appliquer ? Je ne le crois pas. Après tout, nous déplorons sans cesse l’instabilité juridique et la frénésie législative.
Si l’on entre dans le détail de notre législation actuelle et si l’on dépasse l’aspect relationnel, parfois compliqué – j’en conviens –, entre le maire et l’architecte des Bâtiments de France, on se rend compte que l’avis conforme de ce dernier ne constitue pas véritablement un obstacle aux politiques de développement local.
Rappelons d’abord que le fonctionnement des sites patrimoniaux remarquables, les SPR, comme la délimitation des périmètres « intelligents » des abords, désormais appelés à se généraliser, reposent sur des procédures transparentes et concertées, ce qui limite plutôt les risques de contentieux. Ils sont le fruit d’un travail entre l’État, les collectivités territoriales et les citoyens, puisqu’ils sont soumis à enquête publique. C’est pourquoi ils ont un caractère opposable.
Il existe par ailleurs, dans les espaces protégés, des instances de dialogue, qu’il s’agisse de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, la CNPA, ou des commissions régionales éponymes, les CRPA, comme des commissions locales des SPR. La loi LCAP en a d’ailleurs largement revalorisé les attributions et a confié leur présidence à des élus. Celles-ci pourraient constituer des enceintes utiles pour permettre aux maires d’associer, le plus en amont possible, les acteurs du patrimoine aux enjeux des projets de revitalisation.
Ensuite, les chiffres montrent que l’instruction de la demande d’autorisation par l’ABF n’allonge pas démesurément les délais d’examen : ils sont en moyenne de 22 jours sur les deux mois dont il dispose, un délai d’ailleurs réduit de quatre à deux mois au moment de l’examen de la loi LCAP.
La décision de l’ABF apparaît très rarement bloquante : un avis conforme défavorable ne serait rendu que dans 6,6 % des cas ; ce taux tomberait même à 0,1 % à la suite des échanges qui s’ensuivent.
Enfin, dernier élément et non des moindres, les recours sont désormais possibles et plutôt efficaces. C’est au préfet de région de trancher les désaccords entre les élus et les ABF, après un dialogue collégial au sein de la Commission régionale du patrimoine et de l’architecture.
Je pense que nous aurions tout à gagner à ce que ces recours soient banalisés, tant ils facilitent le dialogue et permettent de rapprocher les points de vue. J’ajoute qu’ils pourraient constituer une forme de jurisprudence pour l’harmonisation des règles appliquées par les ABF.
Que des relations conflictuelles subsistent entre certains maires et certains ABF, j’en conviens en revanche volontiers. J’en ai fait, comme d’autres, l’expérience au cours de mes années d’élu local. Je suis très conscient que les décisions des ABF sont parfois perçues comme arbitraires. Il faut donc faire en sorte que leurs avis soient plus prévisibles, d’un territoire à l’autre, d’un ABF à l’autre. C’est une nécessité à la fois pour les maires, pour les ABF et pour le patrimoine.
L’instruction transmise par Mme la ministre de la culture aux préfets de région il y a quelques jours, sur la base des préconisations faites par un groupe de travail composé d’élus et d’ABF, dont nos collègues Rémy Pointereau, coauteur de la présente proposition de loi, et Sylvie Robert étaient membres, me semble de bon augure.
La rédaction de l’article 7, telle qu’elle résulte des travaux de la commission des affaires économiques, s’inscrit dans cette logique. Elle vise à renforcer la continuité des avis au travers d’une instruction des ministères chargés du patrimoine et de l’urbanisme et à systématiser le dialogue entre les élus et les ABF en amont du lancement des projets « OSER ». Elle a été toilettée des éléments qui figuraient dans la proposition de loi initiale et qui, soit mettaient inutilement en danger la protection du patrimoine – je pense, entre autres dispositions, à l’avis simple de l’ABF –, soit faisaient courir de réels risques juridiques.
La rédaction qui est soumise au vote du Sénat aujourd’hui est le fruit d’un travail et d’un dialogue entre les auteurs de la proposition de loi, Rémy Pointereau et Martial Bourquin, le rapporteur au fond, Jean-Pierre Moga, et moi-même. Elle constitue un bon compromis entre les enjeux en présence : économiques, financiers, urbanistiques et patrimoniaux. Elle permet de préserver l’approche de protection patrimoniale…
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. … que notre tradition législative a héritée de la loi Malraux. L’avis conforme est préservé, mais le maire a la garantie d’être écouté.
Quoi qu’il en soit, félicitons-nous de cette proposition de loi qui s’attaque à un fléau de taille, qui gangrène nombre de nos centres-villes, en particulier parmi les villes de petite et moyenne dimension.
M. le président. Il faut vraiment conclure !
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Dans ce défi, le patrimoine a tout son rôle à jouer ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à saluer l’initiative des sénateurs Pointereau et Bourquin, qui présentent une proposition de loi traitant d’un sujet majeur pour l’équilibre de nos territoires.
Vous connaissez mon attachement au Sénat. Je suis donc très heureux de voir que la Haute Assemblée est, une fois encore, force de proposition en matière d’aménagement du territoire, en application tout simplement de l’article 24 de la Constitution, que j’ai souvent invoqué ici même. Ce soir, votre assemblée est force de proposition en matière d’aménagement des centres-villes et des centres-bourgs. Je ne peux que m’en féliciter.
Élu local depuis plusieurs décennies, j’ai présidé ma communauté d’agglomération de 2001 à juin 2017. Il s’agit d’une communauté d’agglomération moyenne, qui compte 57 000 habitants. Je me suis rapidement rendu compte des difficultés particulières que rencontraient ces villes moyennes et ces petites villes, difficultés qui ont clairement été aggravées – je n’ai cessé de le dire – par certaines réformes territoriales, en particulier la fusion des régions. (Mme la présidente de la commission des affaires économiques applaudit.) Je n’épiloguerai pas sur des débats qui ont déjà eu lieu dans cette assemblée, mais je constate dans mes déplacements hebdomadaires les conséquences de ces réformes sur les villes moyennes.
Il faut en outre évoquer le phénomène de la métropolisation. Je ne suis pas de ceux qui disent qu’il ne faut pas de métropoles – on a besoin de métropoles, et de métropoles fortes –, mais, comme je l’ai moi-même déclaré il y a quinze mois dans cet hémicycle, vingt-deux métropoles, c’est trop ! Maintenant qu’elles existent, le Gouvernement, dont j’ai l’honneur de faire partie, n’entend pas bouleverser de nouveau la carte territoriale.
En tout cas, ce qui est sûr, c’est que, entre les métropoles, nous avons besoin de villes moyennes et de petites villes qui soient de véritables pôles de centralité. Elles ont une caractéristique, d’ailleurs, c’est d’être en osmose, en relation étroite avec les territoires ruraux les entourant.
Je constate aussi que, depuis les années soixante-dix, aucun plan important n’a été mis en place pour dynamiser ces villes moyennes et ces petites villes. Aucun ! Et cela fait plus de quarante ans ! Quand je suis devenu ministre au mois de juin 2017, il m’est apparu urgent d’élaborer un plan pour venir en aide à un certain nombre de villes moyennes. Oh, j’entends les critiques : 222 villes retenues, ce n’est pas assez, il en faudrait plus ! Si j’en avais retenu 500, on m’aurait de toute façon dit que ce n’était pas assez et qu’il en fallait plus…
Nous avons beaucoup travaillé avec les associations d’élus, en particulier Villes de France, présidée par Caroline Cayeux, qui siégeait il y a peu encore sur vos travées, pour mettre en œuvre une opération simple ne nécessitant ni la création d’une agence ni des structures administratives lourdes, mais permettant d’agréger un certain nombre de moyens : 1,5 milliard d’euros d’Action logement, 1 milliard d’euros en fonds propres – il ne s’agit pas de recyclage ! – et 700 millions d’euros en prêts de la Caisse des dépôts et consignations ainsi que 1,2 milliard d’euros de l’Agence nationale de l’habitat.
On peut me dire que ce n’est pas structurel, mais, pour les 222 villes retenues – Jean-Pierre Leleux ne me dira pas le contraire –, c’est tout de même un levier pour les dynamiser. Certes, toutes ne sont pas confrontées à de grandes difficultés, mais on peut considérer qu’un grand nombre d’entre elles ont accumulé, au fil des ans, des caractéristiques assez similaires : vacance de logements et de commerces – l’un allant souvent avec l’autre, d’ailleurs –, difficultés en termes de mobilité et sur le plan économique. Il était donc nécessaire d’agir, et d’agir vite, d’où ce programme « Action cœur de ville », auquel Rémy Pointereau et Martial Bourquin ont fait référence.
Je ne vois pas dans leur proposition de loi une concurrence, mais un complément. (Ah ! sur des travées du groupe socialiste et républicain.) J’ai en effet l’habitude de tenir compte du travail parlementaire, et si je vous disais autre chose, mesdames, messieurs les sénateurs, ce ne serait pas conforme à la façon dont j’ai toujours agi.
Le fait que cette proposition de loi soit complémentaire ne signifie pas qu’elle soit similaire au projet gouvernemental. Cela veut dire qu’il y aura débat à l’occasion de l’examen du projet de loi ÉLAN, dans lequel, d’ailleurs, je souhaite que nous puissions intégrer un maximum de ses dispositions. Reste que je ne prendrai pas position, ce soir, sur les mesures fiscales que vous proposez : je ne suis pas ministre de l’économie et des finances…
M. Jean-François Husson. Pas encore ! (Sourires.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ça ne pourrait pas être pire !
M. Jacques Mézard, ministre. De nombreuses mesures contenues dans cette proposition de loi méritent d’être étudiées et même, nous nous en sommes entretenus avec certains de leurs initiateurs, que nous examinions les conditions dans lesquelles nous pouvons les promouvoir dans le cadre des dispositions législatives découlant du projet gouvernemental.
Je tiens à le signaler aussi, le travail que nous avons réalisé a été mené en concertation avec les collectivités locales, ainsi, bien sûr, qu’avec Villes de France – si je ne suis pas avec vous demain, pour la suite de ce débat, c’est que je serai au congrès de cette association, à Cognac –, mais aussi certains conseils régionaux et conseils départementaux, avec qui nous travaillons à la réalisation d’opérations complémentaires, dans l’intérêt des petites villes et des villes moyennes. J’étais la semaine dernière à Metz et Lunéville pour lancer la première convention « Action cœur de ville ». Nous avons ainsi convenu avec Jean Rottner, le président de la région Grand Est, de mener un travail complémentaire sur un ensemble de villes moyennes et petites. Je parle bien de « complémentarité », et ce dans une optique de servir l’intérêt général.
Je suis également en concertation avec d’autres présidents de région, notamment celui de la région Auvergne-Rhône-Alpes et celui de la région Centre. C’est ainsi, je crois, qu’il faut avancer. Il y a des questions d’opportunité – je pense au financement de certaines opérations –, liées à une urgence à agir, en particulier dans le domaine du logement et du commerce, mais nous devons aussi avancer sur un certain nombre de dispositions structurelles.
Comme vous le savez – les auteurs de la proposition de loi l’ont relevé –, le programme que j’ai mis en place pourra s’articuler autour d’un dispositif intégrateur unique : l’opération de revitalisation de territoire, prévue à l’article 54 du projet de loi ÉLAN, qui, tout juste voté par l’Assemblée nationale, viendra prochainement devant la Haute Assemblée.
Je souhaite préciser, pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, que, contrairement à ce que j’ai pu entendre, l’ORT a vocation à s’adresser, non seulement aux 222 villes et intercommunalités retenues dans le plan « Action cœur de ville », mais aussi, plus largement, à toutes les collectivités désireuses de s’emparer d’un outil opérationnel de revitalisation de leur centre-ville. Cet outil prévu par le projet de loi ÉLAN – plus que la dénomination, c’est l’instrument qui me paraît essentiel – pourra donc être utilisé par toutes les villes qui le souhaitent.
Le Gouvernement, je l’ai dit, est en accord avec nombre de mesures contenues dans la présente proposition de loi. D’ailleurs, et c’est heureux puisque nous sommes partis des mêmes bilans et des mêmes constatations, certaines de ces dispositions m’apparaissent très proches de celles qui sont actuellement discutées dans le cadre de l’examen du projet de loi ÉLAN.
Parmi les dispositifs voisins, et potentiellement similaires, on peut citer la définition d’un périmètre de revitalisation – « OSER » dans la proposition de loi -, qui correspond globalement à l’opération de revitalisation de territoire inscrite dans notre projet de loi. Je pense aussi à la constitution d’une agence nationale permettant de coordonner les différentes actions publiques. Nous agissons, là aussi, en parallèle – des parallèles ont la caractéristique de ne pas se rejoindre ; en ce qui nous concerne, il vaudrait mieux que nous nous rejoignions –, car l’agence nationale de la cohésion des territoires devrait pouvoir intégrer une telle mission. Son préfigurateur, le préfet Serge Morvan, doit nous rendre ses conclusions dans les tout prochains jours. Sur ces sujets – et là, nous parlons de dispositions structurelles –, nos approches sont similaires.
Cette proposition de loi affiche d’autres évolutions intéressantes et innovantes, notamment en matière d’urbanisme commercial.
Tous, nous pouvons dresser un certain nombre de constats sur les déséquilibres existants en matière d’urbanisme commercial, mais ces déséquilibres n’affectent pas de la même manière tous les territoires, les différences entre ces derniers étant parfois considérables. Si, dans le cadre du projet de loi ÉLAN, je n’ai pas été favorable à un moratoire général sur les centres commerciaux en périphérie, c’est parce que, dans certains endroits, il ne faudrait pas préserver ou protéger de manière excessive des monopoles.
La situation diffère selon les territoires, disais-je. Par conséquent, il faut mettre en place des dispositifs permettant qu’un certain nombre de décisions soient prises au niveau local, et ce, même si le pouvoir préfectoral peut être utilisé pour cela, en collaboration et en concertation avec les élus locaux.
Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, si la Haute Assemblée en est d’accord et pour accélérer l’adoption de certaines dispositions contenues dans cette proposition de loi, je vous propose que nous puissions insérer celles sur lesquelles nous tomberons d’accord dans le projet de loi examiné prochainement. Faisons du calendrier parlementaire et de l’examen quasi concomitant de ces deux textes une force ! Cela permettra d’aller plus vite, tout en évitant l’éparpillement de mesures dans différents textes de loi.
Si vous le permettez, j’aimerais m’attarder sur deux thématiques spécifiques évoquées dans votre proposition de loi, qui méritent une attention particulière.
Je ne parlerai pas ce soir, cher Jean-Pierre Leleux, des ABF. Après l’ode que vous leur avez faite, je ne pense pas judicieux de poursuivre le débat.
M. Didier Guillaume. C’est sûr !
M. Jacques Mézard, ministre. Nous y reviendrons ultérieurement, avec nos expériences réciproques, à défaut d’être communes.
D’une part, plusieurs propositions relèvent de l’urbanisme et d’une amélioration des outils de planification, le but étant de permettre aux élus de mieux s’emparer de ce sujet. Ces mesures peuvent s’inscrire dans les objectifs de notre projet de loi, qui a permis de faire avancer le travail de concertation vers une planification urbaine agile en matière de commerce, avec, effectivement, et même si, comme vous, je ne raffole pas de ce type d’outils, une ordonnance sur la simplification et la modernisation des SCOT, les schémas de cohérence territoriale.
D’autre part, s’agissant de la régulation de l’aménagement commercial, nous avons souhaité supprimer tout seuil de déclenchement d’une commission départementale d’aménagement commercial, ou CDAC, lorsque le projet consiste à implanter une surface en centre-ville, le seuil actuel étant de 1 000 mètres carrés. Cette question complexe a donné lieu à de multiples amendements lors de l’examen du projet de loi ÉLAN à l’Assemblée nationale et motive certaines de vos propositions. Par rapport au texte adopté par l’Assemblée nationale, je le dis très clairement, je suis ouvert à la discussion. Souhaitant que nous puissions avancer ensemble, je suis prêt à retravailler la question avec vous dès maintenant, dans le cadre de ce texte.
Parmi les autres pistes de réflexion avancées dans la proposition de loi figurent, à juste titre, le fonctionnement des CDAC, leur composition, leur échelle – départementale ou régionale –, les seuils d’analyse des dossiers et l’effectivité de leur décision. Certains d’entre vous ont siégé dans des CDAC et, auparavant, dans des CDEC et ont géré des exécutifs municipaux à l’époque où nous pouvions cumuler… (Rires et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Martial Bourquin. Eh oui !
M. Jacques Mézard, ministre. Je ne pouvais pas résister à faire ce rappel à l’excellent sénateur Bourquin…
Ceux-là ont pu, à cette époque, se rendre compte des difficultés de fonctionnement de ces commissions, qu’elles aient revêtu une forme ou une autre. À un moment, on nous a dit : « Il ne faut plus de représentants des chambres consulaires » ; à un autre moment : « Il faut qu’ils siègent »… Un coup ils entraient, un coup ils sortaient ! C’est la réalité du fonctionnement, y compris des commissions nationales, que nous avons connu, et l’on pourrait épiloguer longuement sur les dossiers et les délais de procédure.
Effectivement, du travail reste à faire. Mais tout cela est extrêmement difficile, car de nombreuses expérimentations ont été menées depuis une trentaine d’années, qui n’ont pas forcément donné satisfaction à tout le monde. D’ailleurs, si nous débattons encore des questions d’urbanisme commercial, c’est bien que les solutions mises en place n’étaient pas forcément les meilleures. Je n’en fais grief à personne, car nous en portons tous la responsabilité, depuis plusieurs décennies.
Nous avons considéré que ces questions appelaient une concertation et l’élaboration de bilans de fond, ce que nous avons fait dans le cadre du réseau « Commerce, ville et territoire », sous l’égide du ministère de l’économie et du ministère de la cohésion des territoires. Les concertations menées jusqu’à présent ont montré des positions divergentes sur les propositions d’équilibrage entre stratégie de territoires et commission de régulation. La question n’est donc pas encore résolue et mérite d’être approfondie. Sur ce point, également, je suis ouvert à la discussion.
Je souligne par ailleurs, cela a été rappelé par des intervenants précédents, que le Gouvernement a diligenté plusieurs études sur le sujet, qui ont permis de progresser. C’est le cas du rapport sur la revitalisation commerciale des villes petites et moyennes, que j’avais demandé à André Marcon et qu’il m’a remis voilà quelques semaines.
D’autres études sont en cours, notamment un rapport de l’Inspection générale des finances traitant de l’équité fiscale entre commerce physique et commerce électronique – j’ai vu avec intérêt que c’était l’un des sujets d’importance traités dans le cadre de cette proposition de loi –, ou le rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable portant sur les villes moyennes.
C’est donc un travail important qui a été réalisé, et dont il reste aujourd’hui à tirer la substantifique moelle.
Aussi vous comprendrez que les mesures fiscales contenues dans cette proposition de loi soient mises en perspective avec les conclusions du rapport commandé par le Gouvernement à l’IGF, dont nous connaîtrons les conclusions à la fin de ce mois.
Enfin, il y aura les différents retours d’expérience du plan « Action cœur de ville », désormais lancé – ce sont 50 conventions qui seront signées d’ici à la fin du mois de juillet et 222 d’ici la fin du mois de septembre –, ainsi que les retours d’expérience de l’utilisation de l’opération de revitalisation de territoire et de l’appel à projets « Repenser la périphérie commerciale », placé sous l’égide de mon ministère.
Tout cela permettra de faire émerger les bonnes pratiques, qui viendront nourrir les futures évolutions législatives. Je pense, notamment, à l’application de la dérogation aux autorisations d’aménagement commercial en centre-ville et aux mesures opérationnelles mises en place pour revitaliser ces centres-villes.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques observations que je voulais formuler préalablement à la discussion de cette proposition de loi, que le Gouvernement considère avec sagesse. Comme la sagesse est aussi l’une des vertus du Sénat, je ne doute pas que nous pourrons trouver, ensemble, des solutions. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Rémy Pointereau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au plus proche des problématiques des territoires, le Sénat est, avec cette initiative de la délégation aux collectivités territoriales et de la délégation aux entreprises, pleinement dans son rôle de représentant des collectivités territoriales.
Depuis des siècles, la mémoire des Français entretient un lien particulier avec l’idéal mythifié du « village », qui s’incarne dans une certaine idée d’une France paisible et immuable. Le village de l’affiche « La force tranquille » de François Mitterrand pour l’élection présidentielle de 1981…
M. Didier Guillaume. Très bonne référence !
M. Jean-Claude Requier. … s’inscrivait dans cette tradition. Et, dans cette mémoire, l’image même des centres-bourgs s’inscrit totalement. Pourtant, nous sommes en train de vivre ce que le sociologue Jean-Pierre Le Goff appelle la « fin du village », c’est-à-dire la disparition d’une société autrefois organisée autour d’une communauté de production – avec ses marchands, ses artisans –, mais également d’un espace socialement signifiant.
« Les sentiments et les idées ne se renouvellent, le cœur ne s’agrandit et l’esprit humain ne se développe que par l’action réciproque des hommes les uns sur les autres », alertait déjà Tocqueville en son temps. Oui, dans ces villes trop hâtivement qualifiées de moyennes, on ne se croise qu’à peine, on ne se parle plus guère ! Ne soyons donc pas surpris du sentiment de délaissement que peuvent éprouver leurs habitants, ni de la montée des extrêmes.
Soyons honnêtes : ce processus de transformation s’est déroulé sur des décennies, lentement, par l’action comme par l’inaction. La responsabilité en est d’ailleurs partagée par les élus et les gouvernements successifs. C’est ainsi que l’espace de nos centres-villes a été remodelé par la fuite des équipements attractifs, la disparition du petit commerce au profit des grandes surfaces, le recul des services publics, mais aussi la multiplication des lotissements.
Bien sûr, et malgré le carcan des normes qui les contraignent, il faut saluer l’engagement constant des élus locaux pour faire vivre leur territoire, en particulier les lieux d’échange et de lien social : construction de musées, organisation de festivals, sauvegarde et valorisation du patrimoine.
Mes chers collègues, disons-le clairement, cette proposition de loi ne va pas révolutionner la vie des centres-bourgs. En revanche, mes collègues du RDSE et moi-même estimons qu’elle a le mérite de mettre en lumière la question de la dévitalisation des centres-bourgs et d’avancer des solutions, quand bien même l’économie peut en être discutée. Plus largement, c’est tout un cycle de débats qui débute, avec, en perspective, le plan « Action cœur de ville » et le projet de loi ÉLAN.
Néanmoins la philosophie de cette proposition de loi doit être saluée, à commencer par la volonté de réduire le poids des normes pesant sur les élus. Il est ainsi évident que l’expérimentation doit être renforcée, dans un contexte où les maires des communes petites et moyennes rencontrent plus de difficultés que les maires des grandes villes, par manque de moyens, d’ingénierie. Sans omettre le fait que l’offre intercommunale ne leur donne pas toujours la réponse attendue.
Dans le même esprit, les élus locaux des petites communes, qui ne disposent pas de service d’urbanisme pour monter les dossiers, sont parfois très désemparés devant les avis des ABF. Nous attendons une uniformisation des pratiques et plus de compréhension. À ce titre, l’introduction d’orientations applicables par les ABF va dans le bon sens.
La proposition de loi s’appuie également sur un large volet fiscal, destiné au financement des mesures qu’elle propose.
Sur la forme, il est évident que de telles mesures auraient bien plus leur place en loi de finances, par souci de cohérence.
Sur le fond, on peut s’interroger sur la pertinence d’un certain nombre de dispositifs. Je pense ainsi à la taxe sur les livraisons électroniques, calculée en kilomètres parcourus entre le dernier lieu de stockage et le point de livraison. À l’évidence, une telle mesure risque de pénaliser le monde rural, alors qu’un forfait serait plus à propos.
Dans le même registre, si la lutte contre l’artificialisation des terres est un objectif important, la taxe sur les entrepôts et les drive pourrait aboutir à créer un système favorisant les livraisons depuis l’étranger, pénalisant la compétitivité française.
Enfin, comme membre de la commission des finances, je m’interroge sur la compatibilité avec le droit communautaire de l’instauration de taux réduits de TVA pour les programmes mixtes des zones « OSER », au risque, aussi, d’instituer des mesures plus favorables que pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Parallèlement, on peut toujours renommer le FISAC… L’alimenter serait encore mieux ! Surtout, il convient de ne pas en exclure les réseaux de stations-service indépendants en zone rurale, lorsque l’on sait à quel point le carburant est un produit de première nécessité en zone non urbaine,…
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. Jean-Claude Requier. … et ce même si l’on a abaissé la vitesse à 80 kilomètres par heure !
D’autres mesures, encore, suscitent notre interrogation – c’est peu de le dire.
Pourquoi mettre en concurrence les zones « OSER » avec l’opération de revitalisation de territoire, l’ORT, qui cherche à atteindre les mêmes objectifs ? Nous en discuterons prochainement dans le cadre du projet de loi ÉLAN. Je rappelle que l’ORT n’est pas réservée aux 222 territoires du plan « Action cœur de ville ».
Pourquoi vouloir mettre sur pied une agence nationale pour les centres-villes et les centres-bourgs, au risque d’engendrer un effet de silo pour l’appui aux collectivités, alors que l’agence nationale pour la cohésion des territoires est en voie de concrétisation ? À notre sens, l’accent doit être mis, au contraire, sur la mutualisation des moyens d’ingénierie et d’intervention publiques.
Mes chers collègues, le Sénat remplit aujourd’hui son rôle de législateur et de représentant des collectivités. Nous devons nous en féliciter.
Avec pour seul souci l’intérêt de nos territoires, le groupe du RDSE sera attentif à la discussion de ce texte, car nous partageons l’objectif de donner un souffle nouveau à nos centres-bourgs. Non, la dévitalisation n’est pas une fatalité !
Restons humbles devant la tâche qui nous attend, celle d’imaginer de nouveaux équilibres entre métropoles et ruralités, entre centres-bourgs et espaces périurbains. Ce texte est une première étape. Pour notre part – nous sommes à la période des examens –, nous y voyons un bac blanc, précédant de quelques semaines le grand oral auquel, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous attellerons. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Noëlle Rauscent.
Mme Noëlle Rauscent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par MM. Bourquin et Pointereau et plusieurs de mes collègues nous donne aujourd’hui l’occasion d’aborder un sujet qui nous est cher à tous : l’avenir de nos centres-villes et centres-bourgs.
Depuis plusieurs années, nos concitoyens et nous-mêmes, souvent élus locaux, constatons la dégradation du bâti, la baisse de la population, l’activité économique bien souvent en déclin et les commerces en berne dans nos villes. Les modes de vie et de consommation ont évolué, le numérique a bouleversé nos habitudes, et nous avons parfois trop facilement autorisé tel ou tel développement commercial.
En tant que chambre des territoires, le Sénat doit se saisir de ce sujet et proposer des solutions concrètes pour demain. Ainsi, je souhaite saluer le travail de fond que mes collègues auteurs de la proposition de loi ont mené depuis plusieurs mois, à travers le groupe de travail transpartisan dédié.
Les propositions qui nous sont faites ce soir méritent notre plus grande attention et un débat apaisé. Plusieurs mesures vont en effet dans le bon sens : rôle de l’EPARECA, l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux ; obtention des AEC, les autorisations d’exploitation commerciale ; lutte contre le départ des services publics ; dérogation expérimentale de certaines normes ; rôle et composition des CDAC… Le financement de certaines mesures est toutefois à préciser.
Dans le prolongement du plan « Action cœur de ville » que vous portez, monsieur le ministre, l’article 54 du projet de loi ÉLAN tend à créer l’opération de requalification de territoire. Cet outil vise les mêmes objectifs que les périmètres « OSER ». Il ne se limite pas aux 222 territoires éligibles au plan, comme l’affirment certains, mais pourra être mobilisé – vous venez de l’indiquer – par toute collectivité souhaitant entrer dans la démarche.
À l’Assemblée nationale, cet article 54 a été largement enrichi, d’ailleurs par des mesures parfois similaires à celles que nous allons discuter ce soir et demain. Cela montre que nous marchons ensemble dans la bonne direction.
M. Jean-François Husson. Nous avançons !
Mme Noëlle Rauscent. Alors, plutôt que de multiplier les véhicules législatifs, enrichissons celui qui est en cours de navette. Profitons des débats à venir pour dégager le meilleur pour nos villes et nos territoires ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi est le fruit d’une longue concertation, ancrée dans le constat d’une dégradation de la situation des centres-villes et centres-bourgs. En découle la nécessité d’une action spécifique et transversale sur ces espaces urbains, facteurs de dynamisme et d’attractivité pour nos communes.
Développement des surfaces commerciales en périphérie, e-commerce, départ ou fermeture pure et simple des services publics – des services au public –, en matière d’offre de soins par exemple, recul de l’offre culturelle sont quelques-unes des principales causes de désaffection de ces centres-villes. S’y ajoute un phénomène général de métropolisation, accompagnée d’une hyperconcentration, et de désertification des zones rurales et périphériques.
Nous pouvons compléter utilement ce constat, en mettant en avant une dimension sociale indéniable, qui exclut une partie de la population de certains quartiers hors de prix, comme d’un certain type de commerces, par exemple de proximité et indépendants. Le pouvoir d’achat influe beaucoup sur les modes de vie et de consommation.
Tout cela, sans oublier l’aggravation des difficultés des collectivités territoriales et le désengagement de l’État s’agissant de ses missions d’accompagnement des territoires.
L’objectif est donc de protéger les centres-villes et centres-bourgs, de maintenir une offre commerciale, de lutter contre la vacance de logements, de conserver la présence de services publics, de lutter contre la désertification médicale, de faire revenir de la vie, de recréer du lien social, sans négliger l’enjeu écologique afin d’éviter le mitage des terrains naturels et lutter contre l’étalement urbain.
La proposition de loi se veut une réponse adaptée à l’ensemble de ces enjeux et attendue par les élus locaux et la population. Une réponse élaborée avec la préoccupation de donner les outils aux collectivités territoriales, indépendamment de leur taille, de leur « laisser la main », à l’opposé de la logique recentralisatrice du plan gouvernemental « Action cœur de ville ».
Or, mes chers collègues, vous connaissez notre attachement à la maîtrise, par les élus locaux eux-mêmes, de leur urbanisme. C’est un élément de libre administration territoriale.
Le texte vise donc à tourner le dos à des décennies de mode de développement urbain hors des centres-villes, une culture, presque, encouragée et mise en œuvre par de nombreux élus eux-mêmes. Il est parfois plus facile et moins onéreux, il faut le reconnaître, de construire sur des terrains en périphérie que de densifier ou réhabiliter en centre urbain.
Mais la proposition de loi remet également en cause la pertinence de lois ayant libéralisé et déréglementé, à la fois, l’urbanisme et le développement économique dans les territoires, au nom de la simplification et de la concurrence libre et non faussée. Elle remet tout autant en cause la pertinence de choix politiques d’austérité et de réduction de la dépense publique, qui ont conduit à l’hypermétropolisation et l’abandon des territoires fragiles et enclavés.
Sur le fond, nous partageons la plupart des dispositions qui donnent aux collectivités des outils afin de maîtriser leur développement et lutter contre la multiplication des surfaces commerciales en zone périphérique.
Nous sommes ainsi favorables à la création d’une agence nationale pour les centres-villes et les centres-bourgs et à la définition de périmètres d’opération de sauvegarde économique et de redynamisation.
Nous partageons la volonté d’une meilleure maîtrise de l’urbanisme commercial et soutenons le renforcement du rôle des schémas directeurs sur ces questions, comme les mécanismes d’autorisation d’installation commerciale permettant un meilleur contrôle.
Pour ce qui est des mesures dites « fiscales », nous sommes favorables à ce que les entrepôts et drive soient davantage mis à contribution. Le e-commerce prospère sur les lacunes de notre droit et crée une concurrence déloyale.
Nous partageons également l’idée d’une fiscalité qui pénalise l’étalement urbain, même si l’on ne peut se satisfaire de taxer le mitage sans l’empêcher réellement.
En revanche, nous sommes opposés aux mesures d’exonérations fiscales ou sociales, que ce soit pour la construction, pour la transmission d’entreprise ou autres. Nous sommes donc satisfaits que ces articles aient été supprimés en commission, notamment l’article 3, qui instaurait une sorte de Pinel des centres-bourgs et centres-villes, et l’article 12, sur la transmission d’entreprise. Ces dispositifs induisent le plus souvent des effets d’aubaine et n’ont jamais prouvé leur efficacité réelle, pour un coût souvent sous-estimé pour les deniers publics. Nous serons vigilants lors de l’examen des amendements.
Nous sommes également satisfaits que la commission de la culture ait rétabli l’avis conforme des architectes des Bâtiments de France, tout comme nous approuvons, en en mesurant les limites, la possibilité donnée aux communes de « s’opposer » à la fermeture et au transfert d’un service public, ainsi que le dispositif incitatif à l’implantation ou au retour de services médicaux dans les centres-villes.
En revanche, nous restons, opposés à l’expérimentation de la simplification des normes, notamment des normes environnementales et des normes d’accessibilité. Cette faculté reviendrait à mettre le doigt dans l’engrenage dangereux de la dérégulation.
Pour finir, je rappelle que, dans un sondage récent, les habitants ont formulé trois priorités en matière d’aménagement des centres-villes : la piétonnisation des rues, les commerces alimentaires et les transports en commun. Nous pensons que la problématique de la mobilité aurait pu être abordée par cette proposition de loi.
Considérant qu’il apporte un certain nombre des réponses adaptées à un constat partagé et se résume, à la suite de l’examen en commission, en une série de bonnes intentions, nous voterons ce texte comme un signal envoyé au Gouvernement sur l’attention à porter aux centres-villes et centres-bourg, notamment en vue de la discussion du projet de loi ÉLAN. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. – M. François Pillet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos villes et nos villages affrontent, depuis plusieurs années, l’urgence. Cette urgence est connue : c’est celle de la dévitalisation commerciale, du déclin de l’habitat, de la déprise démographique et de la disparition progressive d’espaces publics propices au maintien du lien social. Elle touche de très nombreux centres-villes et de très nombreux centres-bourgs. Nous y apportons une réponse aujourd’hui, avec ce pacte national de revitalisation commerciale.
La proposition de loi, guidée par l’impérieuse nécessité d’agir face à la fragilisation territoriale, n’a cependant pas souffert de la précipitation. Elle est le fruit d’une réflexion de plusieurs mois. Elle est l’aboutissement d’un riche travail d’expertise, d’auditions et de consultations, qui a permis la production d’un rapport d’information, présenté le 20 juillet 2017.
Pour empêcher l’irréversible délitement, les sénatrices et les sénateurs, avec plus de 230 cosignataires, ont été à la hauteur du défi territorial auquel notre pays fait face, conformément à la tradition du Sénat, à son utilité et à sa raison d’être. Ils l’ont été à plusieurs titres.
Ils l’ont été, d’une part, en dépassant les clivages partisans. L’intérêt général méritait ce dialogue et cette convergence des groupes politiques. Je remercie les auteurs, Martial Bourquin et Rémy Pointereau, d’avoir adopté une méthode de travail qui a rendu possible cette « prouesse ».
Ils l’ont été, d’autre part, en s’appuyant sur l’expérience de plus de 4 000 élus locaux, lesquels sont les premiers, au quotidien, à vivre cette dévitalisation.
Adopter cette confiance décentralisatrice offre la garantie du pragmatisme. Nous ne pouvons construire des solutions réalistes si nous ne collons pas aux nécessités du local, au plus près du terrain.
Avec la création des territoires « OSER », nous avons l’ambition de mettre à disposition un ensemble complet de mesures pour permettre aux élus d’affronter l’enjeu de la revitalisation commerciale des centres et de répondre à la question de l’attractivité et de la préservation du lien social dans leurs communes.
Je le répète, la proposition de loi fait confiance aux élus locaux. Elle s’inscrit dans le sens de la justesse et de l’efficacité décentralisatrice. Elle concerne tous les centres des communes qui respectent les critères.
Je veux le dire avec force : la sauvegarde de nos centres ne doit pas dépendre de la foudre jacobine.
Le Gouvernement a choisi arbitrairement 222 villes pour bénéficier des ORT, dans le cadre du plan « Action cœur de ville ». Ce n’est pas suffisant, même si c’est l’un des éléments de la réponse.
L’heure n’est pas à l’expérimentation. L’heure est à l’action, à une action réfléchie. C’est ce que nous proposons aujourd’hui avec cette proposition de loi.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Xavier Iacovelli. Au nom du groupe socialiste, nous défendrons plusieurs amendements. Nous souhaitons garantir la bonne inclusion des communes très rurales et des communes d’outre-mer dans le dispositif « OSER ». Nous accordons une attention particulière à ne pas légiférer uniquement pour la métropole urbaine. N’oublions jamais que la ruralité et les territoires ultramarins appartiennent à notre République ! Tel est le sens des amendements que présenteront mes collègues Franck Montaugé et Catherine Conconne.
L’examen en séance doit aussi être l’occasion de consolider le compromis adopté par la commission de la culture pour assurer l’harmonie entre la nécessité de revitalisation et la protection du patrimoine. C’est l’enjeu des trois sous-amendements que défendront Marie-Pierre Monier et Sylvie Robert.
Enfin, je présenterai un amendement pour renforcer le recours à l’expertise des chambres de commerce et d’industrie, des chambres de métiers et de l’artisanat et des chambres d’agriculture en amont de l’examen des demandes d’implantation commerciale par la CDAC.
Monsieur le ministre, pour développer les ORT dans les 222 villes désignées, vous prévoyez de mobiliser 1 milliard d’euros par an. Pour mettre en place les OSER dans les centres de plus de 700 communes et bourgs, la proposition de loi prévoit d’investir la même somme. Vous le voyez, il s’agit donc non pas d’une question de finances publiques, mais bel et bien d’un enjeu de cohésion territoriale.
Le Sénat a pris ses responsabilités en se rassemblant sur l’essentiel. Faites confiance au minutieux travail de notre assemblée ! Faites confiance aux milliers d’élus locaux qui ont exprimé leurs besoins et leurs attentes. Faites confiance aux acteurs économiques concernés, qui ont partagé leur expertise durant les nombreuses auditions.
Nous avons fait notre part du chemin. Nous avons répondu présents, dans l’intérêt de la préservation de l’équilibre territorial de notre pays. Vous avez, ce soir, fait un premier pas, en indiquant que vous pourriez insérer dans le projet de loi ÉLAN quelques dispositifs « OSER ». Nous attendrons donc la fin de l’examen de la proposition de loi pour savoir si vous êtes au rendez-vous, non pas de vos promesses, mais de la préservation de la conception européenne des communes françaises. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la dévitalisation des centres-villes n’épargne aucune région de France.
La proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs se fait l’écho d’un constat sans appel et d’une réalité quotidienne vécue par les élus et par les habitants. Le groupe Les Indépendants salue cette démarche, portée par Rémy Pointereau et Martial Bourquin, ainsi que par l’ensemble des sénateurs qui y ont contribué.
« Ne laissons pas s’éteindre les dernières lumières de la ville. » Ce cri d’alarme, lancé dans une tribune du journal Les Échos par les présidents de trois fédérations de commerces de proximité est éloquent, et nous y sommes sensibles.
Si nous n’agissons pas aujourd’hui, les enseignes clignotantes des grandes surfaces à la périphérie des villes remplaceront, demain, nos clochers, nos pharmacies, nos librairies et les derniers commerces de bouche qui animent encore les centres. Des trompe-l’œil peints sur la tôle grise des boutiques à vendre feront figure de cache-misère, tandis que les services publics s’éloigneront toujours plus des habitants, faisant de nos villes et de nos villages des cités fantômes sans devenir.
Ce constat sans appel est plus qu’une réalité quotidienne : c’est la suite logique d’un ensemble de choix de société qui a mené à ce qu’on appelle « la dévitalisation urbaine », conséquence directe de l’étalement urbain. La France est l’un des pays d’Europe qui comptent le plus grand nombre de centres commerciaux. Les mastodontes de la grande distribution et leur concurrence implacable ont grignoté jour après jour les marges des artisans et commerçants, menacés d’asphyxie. Le foisonnement de normes malheureuses, c’est-à-dire subsidiaires, décourage les nouvelles initiatives et affaiblit les normes nécessaires.
Depuis des années, les villes se vident, depuis leur centre, d’une lente hémorragie. Le taux de la population française qui vit dans des territoires en déshérence s’élève entre 20 % et 25 %. Le taux de vacance commerciale gagne 1 point par an dans plus de la moitié des centres des villes moyennes, tandis que les zones commerciales s’étendent en périphérie, au détriment des surfaces agricoles et des espaces naturels. À ce titre, le groupe dont je me fais le porte-parole a déposé un amendement visant à inscrire dans la loi l’objectif de zéro artificialisation nette du territoire d’ici à 2025.
Le programme « Action cœur de ville » mis en œuvre par le Gouvernement a fait 222 heureux gagnants, qui vont pouvoir bénéficier d’une aide particulière de l’État, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre. Il faut saluer cette initiative gouvernementale. Mais, comme tout programme ciblé, et même si vous avez précisé que d’autres pouvaient en profiter, ce plan ne peut traiter les problèmes d’un bon nombre de communes en difficulté. La proposition de pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs a le mérite de compléter cette initiative gouvernementale, d’être applicable sur l’ensemble du territoire et de ne laisser aucune commune sans levier d’action.
Comme vous l’avez indiqué, ces deux initiatives ne sont pas contradictoires ou concurrentes : elles sont complémentaires.
Incitation, régulation et responsabilité partagée des acteurs sont les maîtres mots de ce pacte. Les périmètres des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation qu’il propose d’instaurer fondent leur autorité sur les élus locaux, dans une logique de décentralisation et de développement des territoires. L’emprise de ces périmètres, dans lesquels s’appliqueraient l’ensemble des mesures structurelles du pacte, serait néanmoins limitée à 4 % de la surface urbanisée de la commune.
La création d’une agence nationale pour les centres-villes et centres-bourgs permettrait de fournir aux collectivités les plus fragiles l’ingénierie et les compétences techniques nécessaires à la conduite des opérations de revitalisation.
Le pacte se décline ensuite en un ensemble de mesures incitatives de soutien à l’offre de logement et au coût de l’installation commerciale.
Une série de mesures vise, en outre, à accélérer la numérisation du commerce de détail et à accorder aux maires la possibilité de s’opposer à la fermeture d’un service public.
Par ailleurs, nous saluons la volonté des auteurs et contributeurs du pacte de rénover le système de régulation des implantations commerciales afin de réorienter les flux économiques et financiers vers les centres. Ce dispositif offre également la possibilité, pour le maire d’une commune sous convention « OSER », de déroger à titre expérimental à un certain nombre de normes dont l’application serait disproportionnée.
Enfin, il est important que la rédaction définitive de l’article 7 du texte aboutisse à une rénovation salutaire du dialogue entre élus et architectes des Bâtiments de France. Notre groupe sera attentif à ce point. Il s’agit avant tout de démontrer que, avec un minimum d’intelligence et de concertation, attractivité économique et richesse patrimoniale ne sont pas incompatibles et peuvent même aller de pair. Il s’agit aussi de faire en sorte que des projets locaux essentiels à la survie des quelque 18 000 communes couvertes par un périmètre de protection d’un monument historique ou possédant un site patrimonial remarquable puissent être réalisés dans les meilleures conditions.
La vitalité des centres-villes est au cœur de nos préoccupations. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants accueille favorablement cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Martial Bourquin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est nécessaire d’appréhender le problème de la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs par le prisme d’une démarche globale, mais forte, qui touche à la fois les commerces, les logements, les mobilités, le numérique, la culture ou encore les services publics.
L’heure n’est plus à la pleurnicherie ni à la nostalgie. Il faut agir, décloisonner les actions d’aménagement, amorcer le retour des investisseurs privés, rendre la complémentarité des acteurs effective.
Je me réjouis donc de l’initiative parlementaire qui nous est présentée ce soir. Elle permet au Sénat, au travers de ses 31 articles, de s’affirmer pleinement sur la question des territoires, en s’attaquant de front aux causes structurelles du problème de dévitalisation et en proposant aux élus locaux des outils extrêmement importants pour lutter efficacement contre ce cercle vicieux. En effet, nous touchons là un point vital de nos territoires.
C’est donc tout naturellement que je souhaite, à la suite de mes collègues, féliciter les auteurs du texte, Rémy Pointereau et Martial Bourquin, mais aussi la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation et la délégation sénatoriale aux entreprises, de leur implication sur ce sujet. Leurs travaux permettent d’ouvrir un nouveau périmètre d’intervention, l’opération de sauvegarde économique et de redynamisation, ou OSER, s’adressant à tous les territoires, sans oublier bien évidemment les centres-bourgs et les centres-villes. Ils permettent de rééquilibrer les rapports vis-à-vis de la grande distribution et du commerce en ligne, en plein essor, et de réfléchir à une fiscalité innovante, qui devra être incitative et non pénalisante.
Nous avions identifié le problème que l’article 7 était susceptible de poser en matière de préservation du patrimoine, notamment au travers de la remise en cause de l’avis conforme des architectes des Bâtiments de France, mais, encore une fois, le Sénat a prouvé qu’il pouvait œuvrer sur la voie du compromis et proposer une solution des plus satisfaisantes. Je remercie le rapporteur pour avis Jean-Pierre Leleux et les membres de la commission de la culture de leur contribution sur ce point.
Enfin, la création de l’agence de revitalisation que les auteurs du texte proposent prouve que nos réflexions convergent, puisque cette idée de créer un guichet unique au service des territoires ruraux et périurbains, pour répondre à leurs besoins en ingénierie et en conseils, figurait au sein du rapport d’information que j’ai cosigné, l’année dernière, avec le président Hervé Maurey.
Je dirais même que cette dynamique est à l’œuvre, par-delà les tergiversations du Gouvernement sur ce point, comme en témoigne l’adoption, ce soir, de la proposition de loi relative à l’équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie locale, déposée par nos collègues Philippe Bas, Bruno Retailleau et Mathieu Darnaud, qui met en place une agence nationale pour la cohésion des territoires, sur laquelle j’ai pu m’exprimer en tant que rapporteur pour avis.
Aussi, dans le but d’inciter l’exécutif, en association avec les élus locaux, à optimiser les instances d’intervention pour la cohésion des territoires et de rationaliser les moyens, il me semble que l’agence proposée par la présente proposition de loi aura vraisemblablement vocation à s’intégrer à cette agence nationale, qui doit être le coordonnateur de l’ensemble des opérateurs. Il s’agit bien, en effet, de fédérer des énergies existantes et d’organiser l’intervention des compétences de l’État et des collectivités territoriales dans une logique de complémentarité et d’innovation, permettant aux territoires d’obtenir une réponse pragmatique quant à leurs attentes en matière de développement.
Vous le savez, monsieur le ministre, le seul plan « Action cœur de ville » ne suffira pas. Il est indispensable d’engager un dialogue partagé et constructif avec le Sénat et les associations d’élus pour l’avenir de nos territoires.
La politique destinée à redynamiser les centres-villes et centres-bourgs est en cours d’aménagement, et l’urgence à repenser nos schémas doit être le vecteur d’une certaine audace. Dès lors, mes chers collègues, il est nécessaire d’apporter notre soutien à l’économie de proximité que propose ce texte. Il est nécessaire d’« oser » ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – MM. Martial Bourquin et Jérôme Durain applaudissent également.)
M. Rémy Pointereau. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Françoise Férat. Monsieur le ministre, le 27 mars dernier, vous nous avez présenté le plan « Action cœur de ville » à destination de 222 villes moyennes, qui pourront bénéficier de 5 milliards d’euros sur cinq ans. C’est un bon début pour s’attaquer au problème de fond de la perte d’attractivité des centres-villes et centres-bourgs, phénomène qui s’accroît depuis les années 2000. En effet, la recomposition sociale des territoires a été puissante : adaptation ou non à la mondialisation, émergence des métropoles, accélération du développement de la grande distribution dans les années quatre-vingt-dix, commerce en ligne… Les villes touristiques et celles dont la population a des revenus importants sont, en partie, épargnées par ces évolutions.
Globalement, le premier constat alarmant nos concitoyens et les acteurs publics est la baisse de l’attractivité commerciale des centres. En moyenne, au plan national, ceux-ci ne satisfont plus que 30 % de nos besoins de consommation. Et pour cause, la France produit trop de surface commerciale ! Entre 1994 et 2009, les grandes surfaces ont crû de 60 %, alors que, dans le même temps, la consommation finale des ménages augmentait seulement de 38 %.
Ce modèle économique accompagne la casse de l’emploi, même s’il séduit les consommateurs, au détriment des boutiques de cœurs de cité. Pour réaliser un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros, il faut 250 boutiques, seulement 45 grandes surfaces et un seul entrepôt d’e-commerce. Or les boutiques emploieront 420 personnes, la distribution 170 et le e-commerce moins de 50. On marche sur la tête.
La proposition de loi de nos collègues Rémy Pointereau et Martial Bourquin, rejoints par de nombreux cosignataires, est très complète. Elle prend à bras-le-corps les enjeux pour remédier à la perte d’attractivité de nos centres-villes. Elle traite de l’attractivité commerciale, de la concurrence des sites de ventes en ligne, mais aussi de toutes les politiques publiques du cœur de ville : habitat, santé, numérique…
Dans la Marne, une ville connaît une forte attractivité du commerce de centre-ville, la vacance commerciale n’y étant que de 5,5 %, mais souffre de la vacance de logements en hypercentre, où elle s’élève à 14 %.
Je tiens à féliciter le travail remarquable mené collectivement pour élaborer ce texte, que certains pourraient qualifier de « fourre-tout », mais qu’il faut voir comme une véritable politique globale pour les centres-bourgs et les centres-villes.
Il manque trois éléments dans cette proposition de loi. Ces éléments sont absents, non pas en raison de l’oubli de ses rédacteurs, mais parce qu’ils ne relèvent pas du domaine législatif. Ces points sont déterminants pour nos villes.
Même si le texte y fait référence, le premier concerne l’État, qui doit reprendre la main et muscler l’aménagement du territoire. C’est une nécessité pour la cohésion nationale et le développement économique en France. Il faudrait retrouver les vertus du plan et de la DATAR ! Il faut, monsieur le ministre, un État stratège, régulateur, aménageur, qui laisse toute leur place aux élus.
Le deuxième élément est relatif à l’adaptation des commerçants aux nouvelles attitudes et habitudes des consommateurs : boutiques en ligne, livraisons au bureau, boutiques éphémères, horaires d’ouverture… De nombreux professionnels ont pris le virage, mais d’autres n’ont pas encore trouvé le chemin. Les organisations professionnelles doivent accompagner les commerçants et les artisans.
Enfin, les consommateurs, qui sont des dizaines de millions, doivent être des « consommacteurs ». Les habitants-citoyens doivent prendre conscience de l’importance de la vitalité d’un centre d’une commune. Le slogan disait : « Nos emplettes sont nos emplois ». Disons aussi que « nos emplettes de proximité sont nos emplois de proximité » ! Plus largement, un cœur de ville ou de bourg est l’agora de la population.
La proposition de loi vise à donner un nouveau souffle à 700 communes en France.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Françoise Férat. Elle est équilibrée. Elle n’oublie pas l’importance des élus locaux et des collectivités pour mettre en œuvre la dynamique, et elle redonnera confiance aux entrepreneurs, aux artisans et commerçants. Le groupe Union Centriste lui apportera son soutien.
Ceux qui me connaissent seront surpris de ne pas m’avoir entendue évoquer l’article 7…
M. le président. Il faut vraiment conclure, ma chère collègue !
Mme Françoise Férat. … et la protection du patrimoine. Ce point sera abordé avec talent par ma collègue Sonia de la Provôté. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Martial Bourquin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est dans les termes de « scénario de l’inacceptable » que la DATAR évoquait, en 1971,…
M. Jean-François Husson. C’était hier !
M. Max Brisson. … une possible France des années 2000, caractérisée par la concentration dans des zones de forte polarisation.
En 2018, n’y sommes-nous pas, lorsque l’on sait que des dizaines et des dizaines de villes moyennes subissent une désertification alarmante de leur centre ? Chacun a en tête l’image de vitrines sales, recouvertes d’affiches, où se multiplient les panneaux marqués « bail à céder ». Or les cœurs des centres-villes et les centres-bourgs furent longtemps des lieux de vie et de partage. On y naissait, on y grandissait, on y étudiait, on y produisait, on y négociait, on y échangeait.
Les bâtiments que nous considérons aujourd’hui comme patrimoniaux étaient des lieux de vie en perpétuelle transformation. Aujourd’hui, la production y a disparu, la réparation n’y a plus droit de cité, le commerce y recule, les services se retirent, la population s’en éloigne et celle qui reste se paupérise.
Certes, le patrimoine hérité est protégé et rénové comme il ne l’a jamais été, ce qui est une excellente chose. À cet égard, l’article 7 réécrit parvient à un judicieux équilibre. Mais l’histoire ne nous apprend-elle pas aussi que, quand les hommes se retirent, les pierres finissent toujours par tomber ? Et les meilleures prescriptions n’y changeront rien ! Il faut donc y renouer avec la vie. Il faut y renouer avec notre histoire, qui a toujours fait des centres-villes et des centres-bourgs des lieux d’accueil, de tolérance, d’échange, à l’opposé de la ville qui se dessine sous nos yeux, ségrégative, cloisonnée, égoïste.
Tel est le premier enjeu de cette proposition de loi, dont je veux remercier nos collègues Pointereau et Bourquin.
Ce texte cible également un autre enjeu : la lutte contre une métropolisation qui aspire à elle les énergies, alors que, comme le disait Erik Orsenna, lors de son audition par notre commission de la culture, la France ne peut devenir « une suite de quatorze Singapour » – le « scénario de l’inacceptable » dont parlait la DATAR ! En effet, le territoire français est, depuis le Moyen Âge, un maillage de centres-villes et de centres-bourgs.
La logique de la « start-up nation » ne peut être la dynamique unique de l’aménagement du territoire. À défaut, le risque est grand d’une cassure profonde entre ceux que sert l’intensification de la mondialisation et ceux qui n’ont pas vocation à entrer dans cette compétition.
Voilà pourquoi je soutiens cette proposition de loi, globale, transversale et novatrice, au sens où elle peut renverser des tendances, certes lourdes, mais dont nous pensons qu’elles ne sont pas irréversibles.
Je soutiens cette proposition de loi, parce qu’elle est profondément décentralisatrice et girondine, dans un temps par trop jacobin et centralisateur. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Rémy Pointereau applaudit également.)
Mme Françoise Gatel. C’est vrai !
M. Max Brisson. Je soutiens cette proposition de loi, parce qu’elle est vivifiante, parce qu’elle fait confiance aux élus, parce qu’elle croit en leur capacité à élaborer des stratégies territoriales innovantes et dynamiques, parce qu’elle leur laisse la liberté de définir, à partir de critères communs, les périmètres des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation, parce que c’est aux élus qu’il reviendra de mobiliser, dans ces périmètres, les outils incitatifs, régulateurs ou coercitifs à leur disposition.
Je crois également au contenu de cette proposition de loi, parce qu’elle propose de déroger aux règles communes, compte tenu de l’urgence. C’est ce que commandent l’intérêt général et l’exigence de l’équité républicaine. Appliquer partout, de manière uniforme et sans discernement, les mêmes règlements, c’est s’installer au royaume de l’absurde, alors qu’il faut, au contraire, retrouver un juste équilibre entre le cadre national et les libertés locales.
Je crois enfin au contenu de cette proposition de loi, parce que les axes de la politique de reconquête qu’elle propose sont les bons : il s’agit de déroger, parce qu’il y a urgence ; il s’agit de protéger, parce que les lois du marché ne conduisent pas à l’équilibre nécessaire ; il s’agit d’encourager, parce que l’initiative doit être orientée dans le sens de l’intérêt général.
Dans « un pays où il existe 258 variétés de fromage », comme le disait le général de Gaulle,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Un grand décentralisateur !
M. Max Brisson. … la variété des situations nous appelle à encourager les initiatives, à construire un cadre dérogatoire et à faire confiance aux élus pour prendre les bonnes décisions.
Quant à l’État, monsieur le ministre, son action doit s’inscrire dans une logique non pas de contrôle, mais de soutien aux bonnes initiatives, comme vous l’avez affirmé tout à l’heure. Celles-ci sont proposées en nombre dans le présent texte. Nous le soutiendrons tous très largement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Martial Bourquin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, comme maire jusqu’au mois d’octobre dernier d’un bourg-centre chef-lieu de canton, j’ai bien sûr suivi avec attention et bienveillance les travaux du groupe de travail du Sénat sur la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Cette attention est, nous le voyons, transpartisane et unanime. Nous sommes en effet tous conscients de la transformation de nos territoires à cause de l’implantation en périphérie d’espaces commerciaux et parallèlement de l’assèchement des centres-villes.
En nous intéressant à ce problème, nous sommes à dire vrai les continuateurs de préoccupations aussi anciennes que ces transformations. Pensons à la loi Royer, en 1973, sur le commerce et l’artisanat ; déjà, à l’époque, les mêmes constats qu’aujourd’hui. Et pourtant, nous avons continué à défigurer nos entrées de villes, à « tartiner » nos périphéries de lotissements aux dépens de la densification de l’habitat, et bien sûr vidé les centres-bourgs ! C’est donc à un problème ancien et complexe auquel répond cette proposition de loi, notamment via le levier fiscal.
Membre de la commission des finances, j’aimerais m’arrêter sur ce point. Notre commission a fait le constat, partagé, me semble-t-il, par tous les groupes politiques, de mesures sans études d’impact, difficiles à évaluer budgétairement, probablement en contradiction avec le droit européen, parfois inapplicables. Je pense ici à la taxe sur les livraisons liées au commerce électronique, qui ne sera pas applicable et qui de surcroît créera une discrimination en fonction du lieu d’habitation du consommateur, tout en réduisant de fait le pouvoir d’achat des Français, parce que cette mesure sera répercutée. Je pense aussi aux différentes niches fiscales que la proposition de loi met en œuvre, qui vont à l’encontre de l’objectif de simplification et de lisibilité auquel je m’attache. On sait qui profite des niches quand elles existent : pourquoi renforcer le régime des sociétés d’investissements immobiliers cotées, alors qu’il a favorisé la création de sociétés foncières qui participent à l’implantation de projets commerciaux en périphérie ? Il existe par ailleurs déjà de nombreux dispositifs, comme le dispositif « Malraux ».
Mes chers collègues, j’ai cosigné cette proposition de loi, parce que je crois que le Sénat doit envoyer un message fort aux élus locaux et aux citoyens. Cependant, je l’ai cosignée comme un appel, et les faiblesses du texte justifient que nous prenions le temps d’expertiser les mesures adéquates. C’est d’ailleurs ce que j’ai entendu ce matin en commission des finances, y compris de la part d’autres cosignataires de cette proposition de loi. Le temps, nous l’avons encore. Ce sera l’objet du projet de loi ÉLAN, notamment de son article 54 portant revitalisation des centres-villes.
Par ailleurs, le programme « Action cœur de ville » que vous portez, monsieur le ministre, vise à traiter globalement le sujet, qu’il s’agisse de la réhabilitation, mais aussi de la mobilité et des connexions, des équipements et des services publics, de l’espace public.
Monsieur le ministre, vous avez la confiance du groupe La République En Marche sur le sujet que mettent en avant la proposition de loi et le Sénat aujourd’hui.
M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sonia de la Provôté. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le pacte national de revitalisation vise un objectif précis : renforcer l’attractivité des centres-villes et des centres-bourgs. Il prévoit un ensemble d’outils pour inverser de façon structurelle cette déprise des centres, qui n’est pas une fatalité, mais bien le résultat d’erreurs et d’une certaine passivité ou impuissance accumulées ces dernières années. En effet, si les causes sont multiples, on peut tout de même remarquer, par exemple, qu’en périphérie les surfaces commerciales ont augmenté deux à trois fois plus vite que la consommation des ménages, que la consommation elle-même a évolué ou que la disparition des services publics et au public des centres s’est aggravée. Nous devons agir rapidement pour nos centres urbains.
Si le plan « Action cœur de ville » comprend des avancées, l’ambition de cette proposition de loi du Sénat est plus large. Elle vise tous les centres des villes et des bourgs. On estime que 600 à 700 communes sont concernées par une situation d’urgence ; si les 222 villes identifiées en font partie, les autres ont tout autant de besoins. Il n’y a pas ici d’opposition au plan « Action cœur de ville » ou au projet de loi ÉLAN, mais la volonté d’apporter des propositions pratiques pour les bourgs et les communes concernés susceptibles de compléter la loi, une sorte de boîte à outils la plus complète possible.
C’est une culture de la centralité qu’il faut retrouver. Nos centres sont le cœur vivant de nos communes ; ils ont une fonction citoyenne et sociale : leur redonner dynamisme et vitalité est primordial. Les commerces, bien évidemment, sont au cœur de ce modèle de centralité.
Je remercie Rémy Pointereau et Martial Bourquin pour ce texte de synthèse, fruit de nombreuses auditions et échanges. Cette proposition de loi est une proposition de loi de terrain.
J’évoquerai deux sujets particuliers.
Le premier concerne l’urbanisme commercial.
La tendance est actuellement au retour des consommateurs en centre-ville. Cette tendance doit être accompagnée pour être durable.
À l’échelle d’un territoire, un élément majeur de régulation est l’organisation de l’urbanisme commercial à tous les niveaux. L’armature commerciale du territoire sur lequel on applique le maillage du SCOT permet d’éviter le rôle délétère du jeu de la concurrence entre les territoires, souvent responsable de friches commerciales et de désertification.
M. Jean-François Husson. Très juste !
Mme Sonia de la Provôté. Le besoin et la proposition de commerces ne sont pas les mêmes suivant que l’on est un pôle de proximité, relais, secondaire, d’intérêt régional ou extrarégional.
Intégrer les prescriptions dans le SCOT au travers du DAC, pour les décliner dans les documents d’urbanisme est une avancée forte de cette proposition de loi.
Planifier, réguler, avoir une vision commune et partagée du développement commercial en orientant une part des flux financiers et économiques vers les centres : les outils proposés ici vont dans ce sens.
Le second point sur lequel j’appuierai, qui a fait l’objet de nombreuses discussions, porte sur le rôle de l’architecte des Bâtiments de France et son avis conforme.
L’article 7 a fait débat, comme l’a rappelé notre collègue Jean-Pierre Leleux, en instituant une procédure visant à simplifier la prise en compte des protections patrimoniales dans le périmètre des OSER.
La commission de la culture, sous la présidence de Catherine Morin-Desailly, a proposé une solution d’équilibre : préserver les règles de protection patrimoniale existantes et instaurer un dialogue renforcé, fructueux et ouvert – j’y insiste - entre élus et ABF en amont des projets. C’est un compromis indispensable, utile et protecteur. D’ailleurs, la loi LCAP a déjà permis des avancées considérables dans ce dialogue entre les ABF, les opérateurs et les élus locaux, notamment grâce au travail précis effectué par nos collègues Françoise Férat et Jean-Pierre Leleux. Cette loi concilie justement les impératifs économiques et la préservation du patrimoine.
Le patrimoine, il faut le marteler, est en lui-même un atout touristique et économique majeur ; c’est indéniable. L’évolution de l’article 7, souhaitée par tous, le montre : lorsque le rôle de chacun est respecté et conforté, le dialogue n’en est que plus fructueux et le résultat plus efficace.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Sonia de la Provôté. Pour conclure, je tiens à dire que cette proposition de loi fait consensus, puisque 230 sénateurs ont souhaité s’y associer. C’est un événement rare qui marque l’urgence de la situation actuelle de nos centres-villes et centres-bourgs et le besoin impératif d’outils. Ce texte est certes perfectible,…
M. le président. Il faut vraiment conclure !
Mme Sonia de la Provôté. … mais les débats y contribueront. Je vous invite, mes chers collègues, à largement y participer pour le rendre efficient grâce à la sagesse du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Martial Bourquin applaudit également.)
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Patrice Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France d’aujourd’hui se fracture. L’unité de notre pays est en train de se défaire et nous, élus de la République, sommes confrontés au quotidien au décrochage, désormais perçu par tous, entre nos métropoles et nos communes.
C’est le réseau si dense de nos villes, petites et moyennes, qui est en train de flancher. Les centres-villes et les centres-bourgs, qui autrefois participaient à l’attractivité et au dynamisme de nos territoires, connaissent une perte de population, la disparition des commerces et la paupérisation de leurs habitants.
De plus, cela engendre des réductions de ressources fiscales et de dotations de l’État.
Au même titre que les métropoles, et peut-être même plus, car celles-ci ont souvent des images qui leur sont propres, ces territoires sont de véritables vitrines de notre pays. Ils sont constitutifs de son image et participent d’ailleurs à son attractivité. Ils incarnent le vivre ensemble, le lien social et le plaisir du quotidien. Or, au fil du temps, la désindustrialisation de la France, l’attrait de l’habitat individuel, l’évolution des modes de consommation et de circulation ont éloigné les gens des centres-villes. Le malaise se répand ainsi bien au-delà des zones rurales pour menacer notre maillage urbain dans son ensemble, y compris à proximité des métropoles, qui attirent et absorbent même ce qui leur reste de vitalité.
C’est donc une façon de vivre qui est remise en cause et l’image d’une France riche de ses villes et de ses villages que l’on maltraite. À titre d’exemple, à Nevers, plus de 10 000 habitants sont partis en quarante ans, et 21 % des locaux commerciaux sont vides, concurrencés par des zones commerciales géantes en périphérie.
Les Français eux-mêmes sont inquiets d’un tel déclin des centres-villes. Une enquête réalisée par l’institut CSA ce mois-ci auprès d’un millier de Français montre que sept Français sur dix sont préoccupés par cette désertification. Face à cela, ils sont 95 % à considérer que la modernisation du centre doit devenir un « objectif important » pour le maire ; 53 % jugent même que ce doit être « tout à fait prioritaire ».
Le plan gouvernemental « Action cœur de ville » lancé en mars dernier est une première étape qui permettra à 222 villes de bénéficier d’une convention de revitalisation de leur centre. Cependant, cette démarche laisse de côté plus de 400 villes qui avaient candidaté, sans compter celles qui ne se sont pas manifestées, sachant qu’elles ne correspondaient pas aux critères de population retenus.
C’est pourquoi cette proposition de loi de nos collègues est essentielle pour répondre aux besoins de toutes ces communes. Elle contient un grand nombre d’avancées concrètes pour revitaliser nos centres-villes et nos centres-bourgs. Elle redonne des responsabilités aux élus présents sur le terrain. Elle prend en compte le problème de manière globale tant en termes de logements, de commerces, que de services publics pour les adapter aux nouveaux modes de vie.
J’insisterai ici sur les mesures financières et fiscales qui sont proposées. Il faut rééquilibrer la fiscalité au profit de ceux qui en ont besoin : les collectivités en difficulté et les ménages. Le volet fiscal de ce texte est aussi essentiel pour rééquilibrer les coûts entre les centres-villes et leur périphérie et dégager des ressources au profit des collectivités.
L’article 3 de la proposition de loi, malheureusement supprimé par la commission des finances, visait justement à alléger la fiscalité sur les logements dans les périmètres des conventions « OSER ». Car la reconquête des centres-villes induit à la fois la construction de logements nouveaux, mais aussi et surtout la rénovation des locaux d’habitation existant pour permettre l’installation d’une population nouvelle sans la désolvabiliser par des coûts excessifs de logement. La mise en place de ce dispositif avait pour corollaire le développement des commerces et, par conséquent, de l’emploi.
Je soutiens également les mesures fiscales proposées pour équilibrer les conditions économiques dans lesquelles se développe le e-commerce, qui aggrave la situation de désertification des centres-villes en constituant une concurrence absolument déloyale au commerce physique installé.
M. le président. Il faut conclure !
M. Patrice Joly. De même, la taxation des mètres carrés de parkings de grandes surfaces commerciales ou de stockage doit permettre de lutter contre l’artificialisation des terres agricoles.
La revitalisation des territoires représente, pour la France, un enjeu majeur…
M. le président. Il faut vraiment conclure !
M. Patrice Joly. … à la fois d’image de ses territoires et d’attention portée à des populations, qui bien souvent se sentent abandonnées. Il y va non seulement de l’attractivité de notre pays,…
M. le président. Merci !
M. Patrice Joly. … mais aussi de l’unité de la France et de l’égalité de traitement et de droits entre les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la dévitalisation des centres-villes est un véritable fléau. Elle touche nombre de nos communes, en particulier celles de petites et moyennes dimensions. C’est bien l’existence même de ces communes qui se joue aujourd’hui ! Il est donc urgent d’agir dès maintenant, car, demain, les indicateurs montrent qu’il risque d’être trop tard.
Parmi ces indicateurs, il en est un qui est particulièrement révélateur : le commerce de proximité. C’est le véritable poumon de nos communes, et chacun sait ici que, lorsqu’un rideau se baisse, c’est un peu de la vie de la commune qui disparaît. Sans commerces, les habitants se détournent des centres-villes, et c’est le début de la dévitalisation.
Déjà, en 2017, par exemple, le taux de vacance commerciale moyen des centres-villes s’établissait à 11,1 %, alors qu’il n’était que de 7,2 % en 2012. C’est à ce cercle vicieux qu’il nous faut nous attaquer !
Certaines collectivités le font déjà concrètement en se donnant les moyens d’agir. Il en est ainsi du conseil régional d’Île-de-France – je parle sous le contrôle de notre collègue et amie Anne Chain-Larché -, qui a mis en place, dès janvier 2017, un programme de renouvellement urbain en Île-de-France. Il s’agit d’accompagner les maires et les présidents d’EPCI dans la reconquête d’une véritable urbanité, notamment dans des quartiers difficiles.
Par des contrats d’aménagement régionaux ou les nouveaux contrats ruraux, la région a ainsi subventionné les besoins d’équipements des communes suivant la taille de leur population. Ce sont 180 projets vitaux pour les communes d’Île-de-France qui vont rapidement sortir de terre grâce à cette action.
Je suis heureux que le Sénat, toujours attentif à la vie des territoires et aux réalités de terrain, se soit saisi du sujet de la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Notre institution a un rôle majeur à jouer dans l’aménagement du territoire, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, conformément à l’article 24 de la Constitution, article auquel, à ma connaissance, il n’est pas prévu de toucher…
M. Jean-François Husson. Pas encore !
M. Jean-Raymond Hugonet. Le Sénat est à l’écoute des élus. Si j’osais paraphraser le général Cambronne, je dirais que les centres-villes se meurent, mais que le Sénat ne se rend pas ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Jean-François Husson. Bravo !
M. Jean-Raymond Hugonet. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui va dans le bon sens en s’attaquant au problème sous un autre angle, et je tiens à remercier Rémy Pointereau et Martial Bourquin d’avoir pris cette heureuse initiative. Il s’agit notamment de mettre fin au véritable frein que constitue l’application de normes figées et décalées en cas de rénovation d’un patrimoine ancien. Nombre d’opérations de revitalisation d’un bourg ont échoué pour de simples raisons administratives inadaptées. Entre les monuments historiques, les sites classés, le patrimoine remarquable, la rigidité administrative, érigée en véritable sport olympique dans notre pays, transforme de bonnes raisons initiales en mode d’emploi pour faire échouer un projet, en perdant de vue l’essentiel.
Il est urgent de redonner du sens à tout ça : oui, le patrimoine doit être protégé, mais pas au détriment des Français ! L’objectif n’est pas de transformer la France, aussi magnifique soit-elle, en un musée. L’objectif est que ses habitants se sentent bien dans leur pays et puissent continuer à y vivre.
S’agissant des architectes des Bâtiments de France, il est grand temps de donner une seule et même doctrine pour ne pas subir des desiderata individuels locaux insupportables et plutôt d’œuvrer raisonnablement à une vraie protection du patrimoine.
Je me réjouis du compromis intelligent trouvé au Sénat grâce à la commission de la culture, sous l’égide de sa présidente, Catherine Morin-Desailly, et de son rapporteur pour avis, Jean-Pierre Leleux,…
Mme Françoise Férat. Absolument !
M. Jean-Raymond Hugonet. … compromis qui consiste à associer les architectes des Bâtiments de France à l’élaboration de la convention « OSER ».
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Raymond Hugonet. Il ne s’agit pas en effet d’opposer les uns aux autres, ni même de « cliver » les différents intervenants. Il s’agit bien, dans le respect de notre patrimoine, de tenir compte avec discernement des nécessités de revitalisation de l’habitat et des activités économiques et sociales, ainsi que des capacités financières des collectivités.
M. le président. Il faut vraiment conclure !
M. Jean-Raymond Hugonet. Cette proposition de loi nous en donne assurément les moyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Martial Bourquin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Mézard, ministre. Je me réjouis que le constat soit assez généralement partagé par l’ensemble des intervenants. Je tiens cependant à préciser, ayant entendu parler de jacobinisme, que le mot ne m’a jamais fait peur, mais il se trouve que le projet « Action cœur de ville » mis en place par le Gouvernement n’est vraiment pas jacobin, puisque c’est le type même de processus qui est entre les mains des élus locaux. Pour l’État, il s’agit simplement de coordonner et de faciliter la réalisation des projets des collectivités contenus dans le plan « Action cœur de ville », avec une liberté considérable telle que nous n’en avons point connue depuis très longtemps dans ce type d’action.
Pour ce qui est de l’insuffisance des fonds qui auraient été fléchés sur ce dispositif, j’ai entendu avec intérêt M. Iacovelli considérer que, au-delà du milliard d’euros annuel consacré aux 222 villes, il manquait tout le reste… Je ne voudrais pas entrer dans une polémique, mais le plan de revitalisation des centres-bourgs engagé sous le dernier quinquennat s’élevait à 40 millions d’euros sur six ans et concernait 54 communes. Je veux bien recevoir des leçons, c’est le jeu du débat démocratique, mais il s’agit aussi d’avoir un peu de mémoire… Je tenais à le préciser, parce que je ne pense pas que ce soit très constructif.
M. Martial Bourquin. Il s’agissait de Jean-Michel Baylet, non ?
M. Jacques Mézard, ministre. Non, et puis vous savez, monsieur Bourquin, j’ai toujours été libre vis-à-vis de quiconque.
M. Martial Bourquin. Ce n’est d’ailleurs pas le sujet !
M. Jacques Mézard, ministre. Tout à fait ! J’entends que le nombre de 222 villes peut paraître insuffisant. Je répondrai aussi que je n’ai jamais eu 400 demandes supplémentaires ; je ne sais pas d’où sort ce chiffre, mais je puis dire qu’il n’a jamais existé.
Je suis heureux d’avoir pu, avec nos équipes, donner satisfaction à un certain nombre d’intervenants. Je tenais aussi à rappeler que j’aurai plaisir à travailler avec eux pour faciliter la redynamisation de leur centre-ville.
Comme je l’ai dit dans mon intervention liminaire, la question de la fiscalité est un sujet difficile, cela a d’ailleurs été rappelé par plusieurs orateurs. Si je n’ai pas pu vous donner de réponses positives ce soir, c’est parce qu’il reste beaucoup de concertation à mener, et je ne pense pas que nous soyons au bout du chemin.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi portant pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs
Chapitre Premier
Définition des centres-villes et centres-bourgs pouvant bénéficier des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation « OSER »
Article 1er
Définition des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation des centres-villes et centres-bourgs dites « OSER »
La préservation de la vitalité des centres-villes et centres-bourgs constitue une obligation nationale qui justifie des mesures dérogatoires ciblées sur les territoires en difficulté ainsi qu’un effort particulier pour y garantir la sécurité publique.
I. – Les centres-villes et centres-bourgs affectés par une forte vacance commerciale ou artisanale, un déclin de leur attractivité touristique ou de leurs animations culturelles, une décroissance démographique ou une dégradation de l’habitat peuvent faire l’objet d’opérations de sauvegarde économique et de redynamisation visant à préserver, renforcer ou ranimer leur tissu urbain, économique et commercial. Ces opérations peuvent aussi être engagées de manière préventive.
II. – La décision d’engager une opération de sauvegarde économique et de redynamisation et la délimitation de son périmètre et sa durée, qui ne peut excéder cinq années renouvelables deux fois, font l’objet d’une même délibération motivée, prise par le conseil municipal de la commune et par l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre auquel appartient la commune, sur la base d’une analyse de la situation du logement, du commerce et de l’artisanat dans le périmètre projeté. Elle fait l’objet d’un avis, qui est rendu public, du représentant de l’État dans le département.
III. – Le périmètre de l’opération de sauvegarde est caractérisé par au moins deux des éléments suivants :
1° Une forte densité commerciale, exprimée par tout indicateur pertinent intégré à la base de données mentionnée à l’article L. 751-9 du code de commerce, et d’entreprises de l’artisanat commercial ou de service, mesurée grâce aux informations détenues par l’INSEE ou les réseaux consulaires ;
2° La présence d’un ou plusieurs monuments remarquables ouverts au public illustrant une centralité par leur fonction administrative, économique ou culturelle ;
3° Une forte densité d’un habitat ancien antérieur au vingtième siècle.
Il s’étend sur une surface inférieure à 4 % de la surface urbanisée de chaque commune concernée. Ce pourcentage est majoré, pour les communes de moins de 10 000 habitants, de 2 % par tranche de 1 000 habitants selon la séquence suivante : 6 % entre 9 000 et 10 000 habitants, 8 % entre 8 000 et 9 000 habitants, 10 % entre 7 000 et 8 000 habitants, 12 % entre 6 000 et 7 000 habitants, 14 % entre 5 000 et 6 000 habitants, 16 % entre 4 000 et 5 000 habitants, 18 % entre 3 000 et 4 000 habitants, 20 % entre 2 000 et 3 000 habitants, 22 % entre 1 000 et 2 000 habitants et 24 % en dessous de 1 000 habitants.
IV. – Chaque opération de sauvegarde économique et de redynamisation fait l’objet d’une convention signée par le maire de la commune, le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre auquel appartient la commune et le représentant de l’État dans le département. La région, le département et les autres acteurs peuvent y être associés.
V. – Le périmètre de l’opération de sauvegarde économique et de redynamisation est un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité au sens de l’article L. 214-1 du code de l’urbanisme.
VI. – L’opération de sauvegarde économique et de redynamisation fait l’objet d’un bilan annuel présenté au conseil municipal de la commune et à l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et d’une évaluation complète tous les cinq ans qui présente les résultats de l’opération dans le périmètre concerné en termes de construction et de réhabilitation de logements, de résorption de la vacance commerciale ou artisanale et de développement de l’offre commerciale, artisanale, culturelle ou touristique, d’amélioration du cadre et de la qualité de vie, de préservation et d’implantations d’équipements et services publics. Cette évaluation expose aussi les conséquences de l’opération pour les ressources de la commune et de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Le représentant de l’État dans le département est informé par l’autorité compétente au moins deux mois à l’avance de la date de la réunion du conseil municipal de la commune ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre au cours de laquelle cette évaluation est présentée. Il transmet son avis sur les résultats de l’opération au moins quinze jours avant cette réunion.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, sur l’article.
M. Jean-Marie Bockel. Je voudrais saluer à mon tour l’initiative de Rémy Pointereau et de Martial Bourquin. Cette proposition de loi est en effet le fruit d’un travail conjoint et transpartisan engagé, avec les commissions, par la délégation aux collectivités territoriales et la délégation aux entreprises, présidée par Mme Lamure. Je dis cela, car nous nous sommes beaucoup impliqués en amont, les auteurs de la proposition le savent, pour que ce travail puisse se faire dans de bonnes conditions. Il y a eu de nombreuses tables rondes, une consultation nationale des élus locaux qui a recueilli plus de 4 000 réponses, qui nous ont donné des éléments et ont contribué à la qualité de votre diagnostic.
Comme l’a montré la discussion générale, nous sommes tous d’accord pour qu’une action résolue soit engagée. C’est une priorité pour 75 % des élus que nous avons consultés. Nous sommes donc attendus.
Comme le ministre vient de l’indiquer, le Gouvernement a conscience du caractère vital de ce sujet. Le plan qu’il engage est à saluer, mais rien ne nous empêche de l’enrichir. C’est ce à quoi nous nous attelons, ce en quoi nous sommes dans notre rôle de défenseur des territoires.
L’article 1er me semble constituer la charpente de toute la proposition de loi. Il définit la notion de centre-ville ou de centre-bourg en se fondant sur des données objectives, ce qui manquait. Surtout, il fournit le socle territorial pour la revitalisation, les fameuses opérations de sauvegarde économique et de redynamisation, dites « OSER ». Ces opérations se distinguent assez nettement des opérations de revitalisations de territoire projetées par le Gouvernement.
Ainsi, ces opérations « OSER » seront à la main des élus locaux, alors que les aides du plan gouvernemental, si valables soient-elles, sont conçues selon une logique de liste de villes prioritaires décidées par le Gouvernement. Or il me paraît que cette idée de hiérarchiser ou d’éliminer un certain nombre de collectivités, avec les meilleures intentions, va à l’encontre de leur capacité d’initiative. Au fond, tous les territoires qui s’en donneront les moyens pourront bénéficier d’OSER, y compris des territoires inframétropolitains, pour ne citer que cet exemple.
Enfin, aux opérations « OSER » est automatiquement associé un ensemble cohérent de mesures structurelles, par exemple d’ordre fiscal ou de régulation du commerce. La batterie de mesures envisagées, nous pouvons bien sûr en discuter, a le mérite d’une cohérence d’ensemble. C’est ce que nous attendions. Ce sera utile pour l’avenir, à la fois pour ce texte, mais aussi pour les négociations à venir.
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Marie Bockel. Je conclus, monsieur le président.
Les enjeux sont nombreux : repeuplement, logements, équipements publics, poids des normes, réorientation des flux économiques vers les centres…
M. le président. Il faut vraiment conclure, monsieur Bockel !
M. Jean-Marie Bockel. Tel est l’objet de l’article 1er, que je soutiens.
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.
M. Maurice Antiste. Plusieurs territoires d’outre-mer, notamment la Martinique et la Guadeloupe, sont concernés au premier plan par la dévitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Cela est d’autant plus vrai au regard des chiffres sur la baisse démographique dans ces territoires, publiés par l’IEDOM, l’Institut d’émission des départements d’outre-mer, et l’IEOM, l’Institut d’émission d’outre-mer, le 16 mai dernier, où il apparaît qu’en l’espace de dix ans la population a diminué de 6,7 % en Martinique et 2,8 % en Guadeloupe. Les projections à l’horizon de 2050 de la population en outre-mer sont aussi peu réjouissantes.
Face à ce constat, il ne s’agit pas de critiquer ce qui a été fait pour redynamiser les centres-villes et centres-bourgs dans ces territoires, puisqu’un certain nombre de mesures ont été engagées. Je pense, par exemple, au programme « Action cœur de ville » présenté le 27 mars dernier par le ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard. Je pense également au programme national expérimental en faveur de la revitalisation des centres-bourgs annoncé à l’automne 2013 et qui a abouti à la signature, en 2017, de la convention portant opération de revitalisation du centre-bourg et de développement du territoire de la ville de Saint-Pierre, en Martinique. Cela est d’autant plus nécessaire que le nord de l’île fait l’objet d’une désertification médicale importante, d’une baisse des services publics de proximité et d’une prolifération d’immeubles et de logements insalubres et inoccupés, alors même que la demande de logement social y reste particulièrement importante.
Ces programmes, certes honorables, sont indispensables pour des réponses conjoncturelles au cas par cas, mais la dévitalisation est un phénomène de grande ampleur qui s’accélère clairement et auquel il est urgent de répondre. Cela explique mon adhésion à cette proposition de loi lors de son dépôt. Celle-ci a par ailleurs pour intérêt de faire le lien avec l’architecture et le patrimoine de nos villes, héritage à protéger tout en permettant le développement de nos cités, comme la maison de la Bourse de Saint-Pierre, joyau de l’architecture créole. Notre richesse patrimoniale constitue une composante essentielle de notre identité antillaise et revêt une importance certaine quant à l’attractivité économique et touristique de notre territoire.
C’est pourquoi « capitaliser sur les atouts culturels, architecturaux et historiques des centres-villes » tout en permettant aux « élus locaux de faciliter le retour des habitants et de l’activité en centre-ville par de nouveaux moyens d’action » est vital et donne tout son sens à cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, sur l’article.
Mme Viviane Artigalas. La désertification de nos centres-villes et centres-bourgs est une préoccupation grandissante des élus de nos territoires depuis plusieurs années. Chacun leur tour, les gouvernements successifs ont tenté d’y apporter une réponse.
On peut saluer ainsi les dispositions prises par la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, qui a étendu la zone d’intervention de la politique de la ville aux centres dégradés de villes moyennes et des zones rurales.
J’évoquerai également la création du Fonds de soutien à l’investissement local, en 2015, qui accompagne désormais le développement des bourgs-centres et des villes de moins de 50 000 habitants, ou encore le dispositif « Action cœur de ville ». Ainsi, en décembre 2017, le Gouvernement a lancé un plan de soutien visant 222 villes considérées comme « pôles d’attractivité », mais qui ne concerne pas les centres des petites villes et les centres-bourgs des communes rurales. Or tous ont besoin de mesures complémentaires afin de regagner en attractivité. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a le mérite d’élargir le périmètre d’intervention des différents dispositifs existants et d’en créer de nouveaux.
Encore faut-il s’entendre sur ce qui définit un centre-ville ou un centre-bourg. Identifier précisément le périmètre d’action des pouvoirs publics permet de cibler au mieux les dispositifs adaptés et d’éviter ainsi une dispersion des aides, notamment financières.
La présente proposition de loi répond à cette problématique. En élargissant le périmètre d’intervention des dispositifs de revitalisation, elle permettra à de petites villes et bourgs, qui sont souvent centraux dans des territoires de faible densité démographique, de bénéficier d’opérations de sauvegarde économique et de redynamisation.
Ainsi, dans les Hautes-Pyrénées, seules Tarbes et Lourdes entrent dans le dispositif « Action cœur de ville ». Le nouveau dispositif « OSER », proposé dans le présent texte de loi, permettra d’intégrer des petites villes et des bourgs qui remplissent une fonction de centralité vis-à-vis de leur bassin de vie.
Cette proposition de loi s’inscrit dans la continuité des dispositifs existants et contribue à les stabiliser. J’ajouterai les contrats « bourgs-centres », propres à la région Occitanie, que le conseil régional a engagés en faveur du développement et de l’attractivité de ces communes essentielles à la vitalité de nos territoires.
Je me félicite donc de ce travail. Je ne doute pas que le Sénat sera sensible à cet effort en direction de nos élus locaux, qui leur permet de mettre en œuvre une véritable politique locale de revitalisation, puisque le conseil municipal et l’EPCI…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Viviane Artigalas. … pourront décider de s’engager dans une opération de sauvegarde, d’en déterminer le périmètre et la durée.
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, minuit vient de sonner. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à zéro heure trente, afin d’aller plus avant dans l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, sur l’article.
Mme Élisabeth Lamure. Comme beaucoup d’entre vous l’ont dit ce soir, la désertification de nos centres-villes est un défi pour les collectivités territoriales, mais c’est un défi qui ne peut être relevé sans les entreprises. Ce sont en effet les flux de consommation, d’investissement et de production qui structurent l’organisation spatiale de notre territoire. C’est pourquoi je me félicite de ce que notre délégation aux entreprises se soit engagée, l’an dernier, avec la délégation aux collectivités territoriales, dans un travail commun associant les commissions permanentes, afin de trouver ensemble comment revitaliser les centres-bourgs et les centres-villes.
Je salue ce texte qui en est issu et que nous examinons ce soir. Son article 1er permet aux territoires de procéder à des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation. Dans ces périmètres « OSER », le développement économique des entreprises, surtout les plus petites d’entre elles, sera facilité. Le texte prévoit le déploiement prioritaire du très haut débit en centre-ville, avec le plan France très haut débit. Il facilite l’installation de nouveaux commerçants par l’expérimentation d’un contrat plus souple, le contrat de dynamisation commerciale, qui prévoit une redevance proportionnelle au chiffre d’affaires du preneur. Il va également encourager la conclusion des baux commerciaux par la création d’un fonds de garantie pour les loyers commerciaux impayés en centre-ville. Il réduit la fiscalité des entreprises en centre-ville et rend possible une exonération pour elles de la TASCOM. Enfin, il prévoit d’accompagner les petits commerces vers le numérique au travers du FISAC, qu’il faudra évidemment alimenter à la hausse, et d’un crédit d’impôt pour leur formation et leur équipement numérique.
Ces mesures, propres à revitaliser le tissu économique des centres-villes, sont au cœur du pacte national qui nous est proposé. Je tenais à y apporter tout mon soutien dès l’examen de cet article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, sur l’article.
Mme Catherine Conconne. Mes premiers mots seront pour remercier et féliciter les deux auteurs de la proposition de loi, Rémy Pointereau et Martial Bourquin. Ils en sont non seulement auteurs, mais ils ont également porté avec passion et détermination une véritable boîte à outils mise à la disposition des communes, des moyens pour lutter contre une préoccupation ô combien collective : la mort, oui, la mort de nos centres-villes !
Oui, je parle de ces nouveaux paysages faits de rideaux baissés, de rues désertifiées, de panneaux « à vendre », « à louer », qui finissent par pâlir d’usure !
Oui, les habitudes commerciales ont changé !
Oui, internet, auquel je n’oserai pas faire de procès, tant parfois je me demande comment on faisait avant, a fait des dégâts !
Oui, pour être plus à l’aise, des unités entières de services publics ont migré vers la périphérie, nous laissant dans certaines de nos villes d’horribles friches urbaines !
Cette proposition de loi aura plusieurs vertus et l’adhésion qu’elle a suscitée, avec plus de 200 signatures recueillies, en est la meilleure preuve. Elle imposera en tout cas de faire taire, à jamais, la légende selon laquelle le Sénat ne servirait à rien, serait ce machin inutile que beaucoup veulent démolir. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
Oui, le Sénat est la chambre des territoires, qui doit demeurer ce rempart pour nos communes, nos conseils régionaux, nos conseils départementaux ! Il s’agira plus que jamais de ne pas ébrécher cette légitime relation.
Dans mon territoire, la Martinique, cette proposition de loi est bienvenue, tant les phénomènes qui ont provoqué son initiative sont nombreux. L’article 1er campe fort bien le décor, ne laissant aucune place à l’approximation. Grâce à un bon sens remarquable, il porte les vraies réponses aux vraies questions, à toutes les questions. Cet article pose d’emblée un cadre, qui parle aux élus. C’est un signal fort à l’attention de ceux qui vivent la désespérance de nos villes.
La proposition de loi ose en plus faire acte de justice, rétablir l’équité, en forçant les très célèbres GAFA à prendre leur part des dégâts collatéraux qu’ils provoquent. Comment, en effet, rester insensible, dans ma ville, à la fermeture de l’avant-dernière librairie, lassée par une guerre contre cette énorme enseigne de la bulle internet, dont le patron est devenu aujourd’hui la première fortune du monde ?
Oui, nous devons nous battre !
M. le président. Il faut conclure !
Mme Catherine Conconne. Et c’est une valeur de la gauche à laquelle j’appartiens que de vouloir mieux redistribuer les recettes, les revenus (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), dans l’équité et la justice qui doivent prévaloir dans notre République ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Sophie Primas. Quel dommage de finir ainsi, il y a une phrase en trop !
M. Xavier Iacovelli. C’est bien d’être de gauche !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cette proposition de loi sénatoriale est tout à fait bienvenue et même essentielle pour l’avenir de notre pays et de nos territoires. La métropolisation est une vraie menace, la logique du marché et de l’économie de services étant de concentrer toujours davantage. Si rien n’est fait dans l’organisation des pouvoirs publics pour rétablir un maillage territorial qui va du petit village jusqu’à la grande ville et la métropole en passant par la ville moyenne, nous perdrons une partie de l’âme de ce pays.
J’adhère à l’ensemble de ce qui est proposé dans cette proposition de loi. Étant donné que je présiderai demain la séance publique, je me permets d’intervenir dès à présent sur la question de l’habitat et du logement.
Quand on fait le bilan des rénovations de nos centres mises en œuvre à partir des années soixante et soixante-dix, un double constat s’impose. Si l’on a grandement favorisé la réhabilitation dans l’ancien, au travers notamment des opérations programmées pour l’amélioration de l’habitat, les OPAH, on n’a que trop rarement su maintenir la mixité sociale dans ces centres-villes, qui ont plutôt connu une paupérisation, et la mixité générationnelle. Ces territoires ont accueilli peu de couples avec enfants et beaucoup plus de personnes âgées ou, quand ils bénéficiaient d’une vraie dynamique, de jeunes logés dans des logements étudiants.
Il faut donc arriver à trouver des réponses en matière d’habitat qui soient quelque peu nouvelles. Je plaide pour la promotion du développement de l’accession sociale à la propriété dans l’ancien, sachant qu’on ne fera pas venir un jeune couple dans une maison traditionnelle, sombre, aux murs épais, sans terrasse. La tendance est d’accéder à la propriété en périphérie, dans un pavillon, une maison individuelle, plus adaptés aux formes de vie actuelles, au besoin de lumière, à l’envie de manger dehors quand il fait beau.
Cette volonté de reconfiguration du bâti dans ces territoires va se doubler d’une exigence, celle d’« oser » réinventer des formes architecturales qui sachent allier modernité et patrimoine. Il va falloir que les architectes en général et les architectes des Bâtiments de France en particulier soient en même temps plus créatifs et moins conservateurs. À force de vouloir trop conserver, on ne conserve plus rien et tout tombe en ruines.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je terminerai en évoquant un outil d’ordre réglementaire, sur lequel nous travaillons, M. le ministre le sait, son cabinet y ayant été sensibilisé. Je veux parler du fameux PSLA, le prêt social location-accession, qui, aujourd’hui, n’est pensé que pour le neuf, pas pour l’ancien. À nous d’inventer un PSLA pour la reconfiguration de l’ancien, dès lors qu’il s’agit bien d’une reconfiguration. Ce sera un outil utile.
M. Jean-Marie Bockel et Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 21 rectifié, présenté par MM. Montaugé, Iacovelli et P. Joly, Mme Artigalas, M. Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot et Sueur, Mme Blondin, M. Botrel, Mme Espagnac, M. Fichet, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
centres-villes et centres-bourgs
par le mot :
communes
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Je voudrais à mon tour saluer l’initiative et le travail des deux auteurs de cette proposition de loi, Rémy Pointereau et Martial Bourquin. Je tiens également à souligner le consensus large qui s’est dessiné au Sénat en faveur de ce texte et qui sera, je n’en doute pas, confirmé à l’issue de ce débat au moment du vote sur l’ensemble.
Je le dis sans aucune visée polémique, monsieur le ministre, je ne pense pas que l’on puisse dire que rien n’a été fait pour les centres-villes ou les centres-bourgs depuis trente ou quarante ans, sauf à considérer que des milliers d’élus locaux, dont la plupart d’entre nous font partie, ont travaillé d’arrache-pied pour rien. Nos centres-villes, nos centres-bourgs ont progressé, mais pas suffisamment, et c’est tout l’intérêt du texte dont nous discutons ce soir.
Il faut aller plus loin, c’est entendu, chacun en sera d’accord. Qu’il me soit permis de citer ce qu’ont explicitement rappelé les auteurs de la proposition de loi dans l’exposé des motifs : « [Les] conventions OSER seront, au contraire des ORT, potentiellement ouvertes à toutes les collectivités. » Voilà qui est très bien. Sachons en tirer les conséquences pour la clarté et la cohérence du texte lui-même, ainsi que pour les maires de petites communes, j’en connais moi-même de nombreux dans mon département du Gers, désireux de s’engager en ce sens.
Je propose donc, par cet amendement, de clarifier l’alinéa 1 de l’article 1er, en remplaçant les termes « centres-villes » et « centres-bourgs » par celui de « communes ». Entendons-nous bien, je ne demande pas que ces termes soient remplacés partout, c’est même une bonne chose qu’ils figurent ailleurs dans le texte.
De la sorte, il n’y aura aucune ambiguïté : l’ensemble des communes du territoire pourront accéder au dispositif. Je présenterai dans quelques instants un second amendement, afin de préciser, pour les petites communes, les possibilités d’engagement de projets dans le cadre de ces périmètres « OSER ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur. L’amendement soulève une question simple : toutes les communes sont-elles potentiellement concernées par le pacte de revitalisation des centres-villes ? La réponse est « oui ». L’amendement nous a donc semblé satisfait.
Le but du texte est d’appliquer des solutions dérogatoires dans certains centres-villes en difficulté et non pas sur l’ensemble des territoires communaux, car cela serait contraire au principe d’égalité.
C’est pourquoi nous avons émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. L’avis du Gouvernement sera également défavorable.
Monsieur Montaugé, je veux vous dire combien je me réjouis que la ville d’Auch soit retenue dans le dispositif « Action cœur de ville ».
M. Franck Montaugé. Moi aussi !
M. Jacques Mézard, ministre. Je ne pense pas que cela ait suscité un avis défavorable de votre part…
Le fait de vouloir étendre le dispositif à toutes les communes de France ne s’inscrit pas dans la logique d’ensemble, qui vise les centres-villes et les centres-bourgs, non les communes globalement. Adopter un tel amendement reviendrait à s’écarter de l’essence même du dispositif.
Par ailleurs, je n’ai pas indiqué que rien n’avait été fait dans toutes ces villes. J’ai dit qu’il n’y avait pas eu de plan spécifique pour les villes moyennes depuis quarante ans. C’est tout à fait différent. Je n’ai personnellement pas eu le sentiment, dans la communauté d’agglomération que j’ai présidée, de n’avoir rien fait pendant seize ans...
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Je vous remercie de ces explications.
Le sujet se clarifie. Pour autant, je relis l’extrait de l’exposé des motifs : « [Les] conventions OSER seront, au contraire des ORT, potentiellement ouvertes à toutes les collectivités. » Il y a une contradiction dans le texte même, que certains orateurs lors de la discussion générale ont d’ailleurs évoquée. L’ambiguïté est là, le texte n’est pas clair.
J’entends bien les réponses qui ont été apportées, notamment par vous, monsieur le ministre. Mais je suis au regret de vous dire, monsieur le rapporteur, que vos propos sont contradictoires. Il faut clairement dire que le dispositif n’est pas accessible à toutes les communes. Or je ne trouve pas une telle précision dans le texte.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Je compléterai l’argumentation de mon collègue Montaugé. Ouvrir le dispositif à toutes les communes n’empêcherait pas de devoir respecter deux des trois critères définis dans la proposition de loi. Ne faisons pas de contresens. Nous soutiendrons cet amendement, dont l’adoption permettrait d’avoir la certitude que les communes rurales seront bien englobées dans les périmètres « OSER ».
M. le président. L’amendement n° 40, présenté par M. Malhuret et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 3, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et de la commission du développement économique de la région
La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Cet amendement prévoit un avis consultatif de la commission du développement économique de la région sur la décision d’engager une OSER.
La région détient en effet le chef de filat pour les questions économiques et définit les orientations en matière d’aides aux entreprises ou d’aides à l’investissement immobilier.
En outre, depuis la loi NOTRe de 2015, la région est seule compétente pour définir les aides et les régimes d’aides générales à la création ou à l’extension d’activités économiques et aux entreprises en difficulté.
Il paraît donc logique qu’elle émette un avis consultatif sur les opérations de sauvegarde économique et de redynamisation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur. L’avis et le soutien de la région sont bien entendu très importants en matière de revitalisation des centres-villes.
Toutefois, la commission n’a pas souhaité alourdir le texte, d’autant que nous avons déjà prévu que les régions et les départements seraient signataires des conventions de sauvegarde. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. L’avis du Gouvernement sera également défavorable, pour deux raisons.
Tout d’abord, le Gouvernement considère que, plus on simplifiera et moins il y aura de contraintes administratives, mieux ce sera. Son objectif est d’accélérer le processus et de permettre de coordonner et de flécher le maximum de moyens au service des collectivités dans les meilleurs délais.
Ensuite, cet amendement prévoit un avis consultatif de la commission du développement économique de la région. On peut demander au conseil régional de donner un avis, mais je vois mal comment une commission irait s’immiscer dans les affaires d’autres collectivités. Je suis soucieux de la liberté et de l’autonomie de chaque niveau de collectivité.
Ce qui me semble important, c’est qu’il y ait une coordination entre les collectivités qui le souhaitent. En tout cas, j’entends que le dispositif du Gouvernement s’articule, de façon complémentaire et en toute liberté, entre l’État et les différentes collectivités. C’est en bonne voie, me semble-t-il.
M. le président. Monsieur Malhuret, l’amendement n° 40 est-il maintenu ?
M. Claude Malhuret. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 40 est retiré.
L’amendement n° 49 rectifié, présenté par Mme Bonfanti-Dossat, MM. Brisson et Courtial, Mmes Lherbier, Puissat et Deromedi, MM. Savary et Revet, Mmes Garriaud-Maylam et Gruny, M. Babary, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Lefèvre et Bonne, Mme Bruguière, MM. H. Leroy, Perrin et Raison, Mmes Chauvin et Lassarade, M. Pierre, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Laménie, B. Fournier et Bonhomme, Mme Thomas et M. Daubresse, est ainsi libellé :
Alinéa 3, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et d’une consultation du conseil départemental
La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Les conseils départementaux sont appelés à jouer un rôle important dans l’aménagement du territoire, plus particulièrement via leurs programmes d’aide aux projets des communes, essentiels pour boucler le financement d’un projet local. Ils s’associent également aux communes lorsqu’ils proposent des aides pour maintenir les commerces de proximité, par exemple en rachetant des locaux.
Certains départements, comme le mien, participent déjà aux opérations de revitalisation des centres-bourgs. C’est la raison pour laquelle cet amendement prévoit de les associer aux OSER, sans alourdir la procédure, via une simple consultation des élus départementaux, qui, en tant qu’élus locaux, ont une connaissance humaine des territoires et de leurs problématiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur. Nous ne sommes pas opposés à cet amendement sur le fond, bien au contraire, mais il convient là encore, à mon sens, de ne pas alourdir le texte de la commission. Les départements sont déjà associés au stade essentiel de la conclusion des conventions, s’ils le souhaitent.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jacques Mézard, ministre. Même avis, pour les raisons que j’ai indiquées à propos du précédent amendement. S’il faut recueillir à chaque fois l’avis de toutes les autres collectivités, outre que cela alourdira la procédure, je vous laisse imaginer quelle sera la situation si l’avis est négatif ou très critique…
Les concertations sont utiles, naturellement, mais il n’est pas souhaitable de les imposer via des dispositions législatives ou réglementaires.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. L’alinéa 3 de l’article 1er prévoit un avis du préfet, mais il n’y est pas question d’un avis de la région ou du département. Or qui va financer ?
N’oublions pas qu’un département marche sur deux pieds : la solidarité des hommes, à travers l’action sociale, et la solidarité des territoires. Dans l’ancien monde, les départements agissaient déjà, avec des moyens un peu plus importants, pour soutenir les centres-villes et le milieu rural, par l’octroi de subventions, la construction de collèges… Il me paraîtrait donc tout à fait légitime que les départements soient à tout le moins consultés, puisqu’ils seront encore amenés à financer.
C’est aussi une question de cohérence : que je sache, le schéma départemental des services au public est toujours coprésidé par le préfet et le président du conseil départemental.
En ce qui concerne l’aménagement numérique, les régions ont pris les choses en main, et c’est tout à fait légitime, mais il n’empêche que le schéma départemental d’aménagement numérique reste de la compétence du département.
Le département demeure donc un échelon pertinent en matière de réflexion sur l’aménagement du territoire. Soyons attentifs à ne pas laisser de côté les acteurs de proximité. Je reconnais que les autres alinéas de cet article désignent le département comme un acteur essentiel, mais veillons à placer toutes les parties sur un pied d’égalité.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. On a pu imaginer, en 2014, que les départements allaient disparaître. Sauf que cette vieille institution a la couenne dure ! La mise en œuvre de la loi NOTRe, qui n’était pas faite pour eux, a montré que les communes et les intercommunalités étaient finalement tout à fait en phase avec les départements et avaient la volonté de travailler avec ces derniers. Il me semble d’ailleurs que la loi NOTRe attribuait au département le chef de filat en matière de solidarité territoriale.
Notre collègue va sans doute retirer l’amendement, par solidarité lot-et-garonnaise avec le rapporteur… (Sourires.) C’est dommage, car je l’aurais volontiers voté, pour affirmer que le département doit conserver un rôle central en matière d’aménagement du territoire.
M. le président. La parole est à M. Pierre Louault, pour explication de vote.
M. Pierre Louault. Ce sujet a déjà été évoqué en commission et j’avais cru comprendre, alors, que l’on intégrait à la réflexion les départements, en raison de compétences spécifiques, et la région, qui pourrait également participer au financement. Cela nous semble important. Les départements et les régions ont toute leur place dans la revitalisation des centres-bourgs.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Il me semble important de prendre en compte la diversité des territoires. Je ne nie pas la valeur et l’intérêt de la contribution des départements, mais certains d’entre eux ne s’engagent nullement dans l’accompagnement des communes.
Par ailleurs, nous souhaitons tous que les choses soient simples. Or si l’on inscrit dans le texte que l’avis du département devra être recueilli, pourquoi ne pas prévoir aussi celui de l’intercommunalité, à qui il arrive de contribuer au financement ? Une commune qui a un projet de revitalisation travaillera naturellement avec le département en ce qui concerne le développement numérique, mais il ne faut pas allonger les délais en multipliant les avis. Qui plus est, pourquoi demander l’avis du département s’il ne donne pas un sou ?
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je fais entièrement mienne l’intervention de Françoise Gatel.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour explication de vote.
Mme Françoise Férat. Ce débat m’étonne quelque peu, car il me semblait que ce problème avait été réglé, via l’adoption d’un amendement que j’avais déposé en commission et qui avait été complété par celui de M. Louault, visant à associer également la région à la démarche.
Je rejoins M. Savary : pour les problématiques de proximité, le chef de file, c’est tout de même le département ! J’entends que certains départements ne participent pas à la vie des communes, mais d’autres, comme celui de la Marne, les accompagnent parfaitement.
M. le président. Madame Bonfanti-Dossat, l’amendement n° 49 rectifié est-il maintenu ?
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Non, je le retire, monsieur le président. Je ne doute pas que notre rapporteur lot-et-garonnais prendra en considération cet échange ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur. Je relis le IV de l’article 1er : « Chaque opération de sauvegarde économique et de redynamisation fait l’objet d’une convention signée par le maire de la commune, le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre auquel appartient la commune et le représentant de l’État dans le département. La région, le département et les autres acteurs peuvent y être associés. »
Vous avez donc déjà satisfaction, ma chère collègue.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Merci !
M. le président. L’amendement n° 22 rectifié bis, présenté par Mme Conconne, MM. Iacovelli et P. Joly, Mmes G. Jourda et Artigalas, MM. Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Montaugé, Tissot et Sueur, Mme Blondin, M. Botrel, Mme Espagnac, M. Fichet, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
et antérieur à 1980 en outre-mer
La parole est à Mme Catherine Conconne.
Mme Catherine Conconne. C’est un amendement de bon sens, qui vise à la prise en compte de nos territoires, souvent très éloignés du centre et parfois oubliés des dispositifs législatifs.
Dans nos territoires, nombre de villes ont été construites récemment, l’urbanisation y ayant été beaucoup plus tardive que dans la France hexagonale, à l’histoire très ancienne. La création de ces villes s’est faite cahin-caha, par urbanisation des plantations.
À Saint-Pierre, qui fut entièrement détruite en 1902, il ne reste plus rien des constructions antérieures au XXe siècle, à part quelques pans de murs et un bout d’église. J’ai également pensé, en rédigeant cet amendement, à des villes de la France hexagonale qui ont été bombardées pendant la Seconde Guerre mondiale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Moga, rapporteur. Le cas de l’outre-mer a souvent été évoqué au cours des auditions et les départements ultramarins sont pris en compte au travers de ce texte.
Le présent amendement apporte néanmoins une précision très utile pour mieux encore prendre en compte les spécificités de nos outre-mer, où les conditions climatiques et les catastrophes naturelles fragilisent le bâti souvent beaucoup plus vite qu’en Europe.
Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Conconne. Merci !
M. le président. Mes chers collègues, il reste 43 amendements à examiner.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 14 juin 2018 :
À dix heures trente :
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire ;
Rapport de M. Gérard Cornu, rapporteur pour le Sénat (n° 560, 2017-2018) ;
Texte de la commission mixte paritaire (n° 561, 2017-2018).
Suite de la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs (n° 460, 2017-2018) ;
Rapport de M. Jean-Pierre Moga, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 548, 2017-2018) ;
Rapport d’information de MM. Rémy Pointereau et Martial Bourquin, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et de la délégation aux entreprises (n° 526, 2017-2018) ;
Avis de M. Jean-Pierre Leleux, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 500, 2017-2018) ;
Avis de M. Arnaud Bazin, fait au nom de la commission des finances (n° 543, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 549, 2017-2018).
De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
Proposition de loi tendant à imposer aux ministres des cultes de justifier d’une formation les qualifiant à l’exercice de ce culte (n° 30, 2017-2018) ;
Rapport de Mme Françoise Gatel, fait au nom de la commission des lois (n° 537, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 538, 2017-2018).
À dix-huit heures trente et le soir :
Suite de la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs (n° 460, 2017-2018).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 14 juin 2018, à zéro heure trente.)
nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
La liste des candidats établie par la commission des lois a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 9 du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : MM. Philippe Bas, Loïc Hervé, Mmes Jacky Deromedi, Muriel Jourda, MM. Jean-Yves Leconte, Jean-Pierre Sueur, Mme Nathalie Delattre ;
Suppléants : Mme Agnès Canayer, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Christophe-André Frassa, Hervé Marseille, Alain Richard.
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD