Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, ministre des armées. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. En effet, la commission des affaires étrangères a supprimé la conjonction de coordination « et ». Or celle-ci est extrêmement importante, dans la mesure où elle fait apparaître que les marchés de défense et de sécurité doivent être soumis, de façon cumulative, à deux conditions.
La première est organique : seuls l’État et ses établissements publics peuvent conclure des marchés de défense et de sécurité.
La seconde condition est matérielle : les marchés de défense et de sécurité sont ceux qui ont pour objet les prestations mentionnées à l’article 6 de l’ordonnance du 23 juillet 2015.
L’ajustement rédactionnel proposé nuirait à la clarté de la définition des marchés de défense et de sécurité.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Cambon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement légistique.
Madame la ministre, nous prenons bonne note de vos observations sur une subtilité qui ne nous paraissait pas aussi claire. Pour autant, nous maintenons cet amendement. Nous en reparlerons lors de la commission mixte paritaire.
Mme la présidente. L’amendement n° 141, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre. Il s’agit de supprimer une disposition introduite en commission, précisant un certain nombre de cas de dispenses des règles de publicité et de mise en concurrence qui sont spécifiques au marché de défense et de sécurité.
Dit ainsi, cela paraît très abstrait. En réalité, la disposition introduite par la commission correspond à une préoccupation, que je partage pleinement, qui consiste à essayer d’exploiter au mieux toutes les marges de manœuvre offertes par le droit européen en vue de faciliter les acquisitions les plus sensibles du ministère des armées.
Si nous partageons la philosophie qui motive cette disposition, il nous semble en revanche que la méthode retenue pose problème pour différentes raisons.
Tout d’abord, cette méthode consiste à introduire les considérants d’une directive, qui sont dépourvus de toute valeur normative, dans un article de loi. Or ces considérants n’ont pas à être transposés en droit interne.
Ensuite, la rédaction retenue intègre dans l’ordonnance des illustrations de ce que pourrait recouvrir chacun des cas d’exclusion. Cela présente de sérieux risques, les illustrations qui ne sont pas citées pouvant être considérées comme ne pouvant donner lieu à exclusion du champ de l’article.
Enfin, la rédaction proposée présente selon nous un risque de contrariété avec le droit européen, puisqu’elle pourrait être interprétée comme élargissant le champ d’application des différentes exclusions à la procédure de mise en concurrence prévue par la directive.
Au-delà de ces aspects strictement juridique et rédactionnel, je précise qu’il est sans doute possible d’atteindre le même objectif, non pas en légiférant, mais en poursuivant les travaux de recensement des marges de manœuvre susceptibles de rendre les acquisitions d’un certain nombre de services de forces, en particulier ceux qui ont besoin d’expérimenter du matériel sur des petites séries. Nous pouvons y parvenir dans le cadre d’une instruction sur laquelle nos services travaillent actuellement et qui permettrait aux services acheteurs d’utiliser au mieux toutes ces souplesses, ce que, en effet, ils ne font pas aujourd’hui.
Pour toutes ces raisons, je propose au Sénat de supprimer cette disposition législative et de faire en quelque sorte crédit au Gouvernement d’une instruction à venir. C’est à la fois plus correct sur le plan juridique et parfaitement en ligne avec l’objectif recherché par la commission et la Haute Assemblée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Madame la ministre, j’entends bien votre argumentation et nous pourrions nous y ranger si cette affaire ne traînait pas depuis des d’années. Dois-je rappeler que, voilà quatre ans, un rapport d’information de notre assemblée signé par Gérard Larcher, Jacques Gautier et Daniel Reiner pointait déjà le fait que nombre de procédures d’acquisition ne convenaient absolument pas dans un certain nombre de cas, notamment pour les forces spéciales ?
Il faut aborder le problème de manière très claire. C’est le sens des interventions liminaires de mes collègues Cédric Perrin et Hélène Conway-Mouret. Essayons de faire bouger les choses !
Contrairement à ce que vous avez affirmé, il ne s’agit pas simplement de transposer un considérant – ce serait en effet juridiquement assez étrange. Il s’agit d’user des facultés que nous donne la directive européenne, dont je dois rappeler qu’elle a été négociée sous présidence française et que la France était alors très attachée à bien prendre en compte les spécificités de la défense en matière de marchés publics.
La réalité, nous la connaissons – peut-être est-ce dû à la pratique ou aux textes – : un nombre important d’acheteurs publics rechignent à passer des marchés de gré à gré, probablement pour se couvrir juridiquement. Certes, une telle pratique n’est pas critiquable en soi, mais elle gêne considérablement ; nous en avons eu la confirmation tout au long des auditions, que celles-ci concernent les représentants des forces spéciales ou des gradés de nos armées.
La commission en a tiré les conclusions qui s’imposent et a été unanime pour ajouter cette disposition de simplification des procédures de marchés publics de la défense. Elle a par conséquent émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. L’une de nos maladies chroniques, c’est la surtransposition des directives européennes.
M. Bruno Sido. Exact !
M. Richard Yung. D’ailleurs, on nous le dit tout le temps. La conférence des présidents du Sénat l’a encore rappelé il n’y a pas si longtemps, demandant à la commission des affaires européennes d’y être attentive. Nous pouvons tous citer des dizaines d’exemples.
J’ai bien l’impression que nous sommes dans un cas de figure similaire.
Pour ma part, je suis favorable au maintien du dispositif en l’état ; il ne faut pas l’alourdir. S’il faut une instruction, madame la ministre, rédigeons-la. Alors, certes, comme toujours, en France, ça traîne, mais, il y a quatre ans, ce n’est pas nous qui étions responsables des instructions… Pour le reste, ne surtransposons pas !
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Perrin, pour explication de vote.
M. Cédric Perrin. La surtransposition est incontestablement une problématique. Cependant, il y a aussi un problème de mentalité, et c’est dans cette optique que nous avons décidé d’agir : aujourd’hui, un certain nombre d’acheteurs n’ont pas le sentiment d’être tout à fait Français et ils n’essaient pas de rédiger leurs offres de marché pour faire en sorte de privilégier nos matériels.
En outre, le risque et la responsabilité en raison du principe de précaution sont tels que la peur domine et que certains se dotent à la fois d’un parapluie et d’un parasol pour éviter tout problème.
J’espère que nous travaillerons à régler ce problème de mentalité dans les semaines à venir. Reste qu’il était important que ce sujet vienne sur la table pour qu’enfin nous en prenions conscience et que chacun – le Gouvernement d’un côté, les parlementaires d’un autre – essaye de faire bouger les choses.
Mme la présidente. L’amendement n° 43, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° L’article 56 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Ils veillent, dans le cadre des marchés de défense ou de sécurité, à donner une information ne représentant aucun risque pour la sécurité nationale et celle des forces employées. Un décret pris en Conseil d’État fixe les éléments devant figurer sur la communication faite au public, notamment le choix de l’opérateur public ou privé dont l’offre a été acceptée. » ;
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Nous comprenons tout à fait l’exigence d’assurer la sécurité nationale. Il est vrai qu’actuellement la loi promeut une transparence totale en matière de passation de marchés publics. C’est logique : il s’agit de l’argent du contribuable et d’une question d’intérêt général ; mais il est tout aussi vrai que la défense n’est pas n’importe quel secteur et que le secret relève parfois de la sécurité nationale.
De fait, il nous faut trouver un équilibre entre sécurité nationale, d’une part, et droit à l’information des citoyennes et citoyens, d’autre part. Dans ce cadre, nous ne pensons pas que la mesure prise à l’Assemblée nationale, d’une opacité totale, permette d’y parvenir. En effet, il existe de véritables enjeux en matière de marchés publics de défense : montants concernés, présence d’intermédiaires et des commissions afférentes, domaines sensibles. Ces sujets concernent l’ensemble de la communauté nationale.
C’est dans cette recherche d’équilibre que s’inscrit cet amendement. Il semble en effet intéressant de confier au Conseil d’État le soin d’établir une liste d’informations non compromettantes pour la sécurité nationale, mais dont la divulgation entre dans le cadre du droit à l’information. Cela paraît nécessaire au regard de certains scandales touchant des entreprises françaises ayant des intérêts en France et à l’étranger. Pour n’en citer qu’un, on peut s’interroger sur le cas de Lafarge, dont il a été question dans nos débats hier soir. Soupçonnée de financements plus ou moins directs à des organisations terroristes, cette entreprise est-elle prestataire pour l’État en matière de défense nationale ? Cette question nous semble légitime.
Je le répète, sur cette question, un équilibre est à trouver. À nos yeux, cet amendement y participe.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Mon cher collègue, on comprend bien l’intention de votre groupe. Vous avez déjà tenu un raisonnement identique lors de nos débats d’hier. Néanmoins, je rappelle que l’article 26 vise justement à mettre en place un dispositif exceptionnel pour les marchés de défense et de sécurité, parce que nombre d’entre eux présentent une sensibilité particulière, notamment au regard de la sécurité et de la concurrence. C’est donc à bon droit, me semble-t-il, que l’Assemblée nationale a introduit un dispositif visant à soustraire ces marchés de défense et de sécurité à l’obligation générale.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 88, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par six alinéas ainsi rédigés :
…° L’article 64 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du II, après les mots : « les titulaires » sont insérés les mots : « ainsi que, dans des conditions fixées par voie réglementaire, les entreprises qui leur sont liées et leurs sous-traitants ou leurs sous-contractants, » ;
b) Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elles sont également applicables aux marchés publics dont les prestations sont complexes et d’une durée supérieure à cinq ans. » ;
c) Il est ajouté un IV ainsi rédigé :
« IV. – Les soumissionnaires à un marché public, mentionné au premier alinéa du III et négocié sans publicité ni mise en concurrence préalables par l’État ou ses établissements publics fournissent à l’acheteur, si celui-ci en fait la demande, tous renseignements sur les éléments techniques et comptables de l’estimation du coût de revient des prestations qui font l’objet du marché public. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre. Cet amendement vise à renforcer le dispositif de contrôle des coûts de revient des marchés publics. Il s’agit d’obtenir des titulaires de marchés publics, si besoin par des contrôles sur place, l’ensemble des renseignements sur les éléments techniques et comptables du coût de revient des prestations qui font l’objet d’un marché.
Des enquêtes de coûts sont réalisées par les services du ministère. Cet amendement a vocation à les élargir sur trois aspects.
Premièrement, ces enquêtes de coûts pourront concerner l’ensemble des entreprises qui contribuent significativement aux dépenses d’exécution du marché public et non plus seulement le titulaire du marché. Elles pourront donc inclure les sous-contractants, les filiales et les maisons mères.
Deuxièmement, ces enquêtes de coûts pourront porter sur des marchés publics qui n’ont pas été conclus sans mise en concurrence lorsque ces marchés ont pour objet des prestations complexes et d’une durée supérieure à cinq ans.
Troisièmement, ces enquêtes de coûts pourront être réalisées avant même la notification d’un marché conclu sans mise en concurrence, afin de permettre aux services du ministère d’apprécier le plus en amont possible la pertinence des prix proposés et de négocier ainsi de façon plus efficace.
L’élargissement de ce dispositif d’enquêtes de coûts doit permettre de mieux s’assurer de la bonne utilisation des deniers publics et d’apprécier de façon plus objective l’efficacité des dépenses que notre ministère engage.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Cet amendement m’a laissé perplexe. Il est arrivé extrêmement tardivement, ce qui rend compliqué le travail de la commission, vous en conviendrez, madame la ministre. Or il s’agit d’une modification substantielle.
Nous comprenons votre intention et nous l’approuvons. Il est évidemment important de pouvoir s’assurer que les titulaires des marchés publics et leurs sous-traitants ne réalisent pas des marges anormales. De nombreux cas pourraient être évoqués à cet égard. Néanmoins, le dispositif que vous proposez est assez intrusif pour les entreprises concernées et peut poser un certain nombre de difficultés pour ce qui est du secret des affaires et même de la liberté d’entreprendre.
La commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement, en sachant que, dans un esprit constructif, je voterai pour, à titre personnel, afin de laisser une marge de discussion en commission mixte paritaire et pour soutenir votre intention, qui va dans le bon sens, de porter une grande attention à l’utilisation de l’argent public et de veiller à ce que les marges des industriels ne soient pas trop élevées. Mais, de grâce, pour la prochaine loi de programmation militaire, dans cinq ans, transmettez-nous les amendements plus tôt !
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.
Mme Hélène Conway-Mouret. Dans un budget programmé important comme celui-ci, la maîtrise des dépenses reste indispensable. La capacité de mener des enquêtes et des analyses de coûts est une mesure qui nous oblige, nous, parlementaires, et vous, madame la ministre, quand il est question d’argent public.
La Cour des comptes, dans son rapport de février 2013, estimait que des économies importantes pouvaient être obtenues en exerçant une pression plus importante sur les fournisseurs lorsque ceux-ci sont relativement peu nombreux, voire en situation de monopole ou de quasi-monopole, et lorsque les marchés sont fréquemment passés selon des procédures négociées sans mise en concurrence et pour des durées longues.
Le code des marchés publics autorise déjà ces enquêtes sur les coûts de revient, mais la Cour des comptes avait constaté un manque de moyens humains pour les engager et des négociations trop tardives. Elle avait recommandé notamment de renforcer et de professionnaliser les effectifs d’acheteurs des structures des armées chargées de la maintenance.
Le mouvement a été engagé sous le quinquennat précédent puisque, dans son rapport de 2017, la Cour des comptes a constaté que la capacité de négociation de l’État auprès des industriels s’était améliorée et que la division des enquêtes de coûts était progressivement montée en puissance, en passant à quarante-trois personnes, contre trente auparavant. Les dispositions réglementaires ont également été renforcées pour permettre une meilleure efficacité.
En résumé, nous avons avancé, et nous sommes tout à fait favorables à un renforcement de la capacité du ministère des armées à mieux maîtriser les coûts de ses achats, que ce soit pour la maintenance ou l’achat des équipements. Nous voyons dans votre amendement, madame la ministre, une étape supplémentaire.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 26, modifié.
(L’article 26 est adopté.)
Section 2
Dispositions domaniales intéressant la défense
Article 27
(Non modifié)
Au III de l’article 73 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière, l’année : « 2019 » est remplacée par l’année : « 2025 ».
Mme la présidente. L’amendement n° 44 rectifié, présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, MM. Foucaud, Gay et Gontard, Mme Gréaume et MM. P. Laurent, Ouzoulias, Savoldelli et Watrin, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Les problèmes du parc immobilier de la défense sont connus : perte drastique de son importance avec la vente de 17 % de sa surface depuis 2008 et manque de maintenance sur le parc restant, qui représente tout de même un tiers du parc immobilier de l’État. Alors que les besoins sont en hausse constante, le constat est inquiétant.
Il l’est d’autant plus que, malgré cette loi de programmation militaire et la montée en charge des dépenses de défense, il n’est pas sûr que les 2,5 milliards d’euros diagnostiqués par notre collègue Dominique de Legge seront disponibles, et suffisants, d’ici à 2023. Pourtant, l’État maintient sa stratégie de vente du parc immobilier en vue de réduire les dépenses publiques. Il a même conscience que des infrastructures laissées à l’abandon ont été remplies en urgence, notamment depuis la réactivation de l’opération Sentinelle, et sont aujourd’hui en vente à prix réduit si les nouveaux propriétaires s’occupent des travaux de mise en conformité.
L’État ne semble pourtant pas en tirer les conclusions nécessaires. De plus, l’avancée d’un projet de service national universel dont les contours restent flous fait craindre une nouvelle dégradation des conditions d’hébergement et de vie des soldats. Car c’est bien de cela qu’il s’agit ! On ne parle pas ici d’infrastructures exceptionnellement occupées, mais de lieux de vie quotidiens.
Il est vrai qu’on ne peut pas partir du principe que chaque bâtiment vendu aurait pu servir de lieu d’hébergement, mais je pense sincèrement qu’il faut se poser la question de la réaffectation de ces infrastructures dans un grand plan de réinvestissement pluriannuel du parc immobilier de défense.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Depuis le début de cette discussion, nous faisons en sorte de favoriser les recettes et les ressources nouvelles pour nos forces armées tant les besoins sont grands. Or l’article 27 proroge jusqu’en 2025 le régime dérogatoire au régime habituel de cession des biens immobiliers de l’État. En effet, lorsqu’un ministère déclare inutile un bâtiment, un système interministériel excessivement pesant et lourd se met en route, qui nécessite de consulter tous les autres ministères pour savoir s’ils en auraient l’utilité. Ce n’est qu’en fin de procédure qu’il peut être procédé à la vente.
Nous avons la volonté de faciliter l’action du ministère lorsqu’il veut vendre ses biens, non pas pour un coût inférieur – d’autres amendements nous permettront de revenir sur ce point –, mais pour que la défense profite de ces ressources. Il s’agit, je l’ai rappelé, de 500 millions d’euros de ressources potentielles. Nous avons donc tout intérêt à faciliter ces mutations.
La commission a par conséquent émis un avis défavorable sur cet amendement, afin que, jusqu’en 2025, le ministère des armées se trouve dispensé de ce régime interministériel très lourd de vente de ses biens immobiliers.
M. Bruno Sido. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je voudrais préciser que le même système dérogatoire existe pour le ministère des affaires étrangères et que celui-ci a fonctionné de façon satisfaisante pendant une petite dizaine d’années.
Le problème du ministère des affaires étrangères, c’est que le système arrive en bout de chaîne et qu’il ne lui reste plus de propriétés immobilières de valeur à vendre. C’est sans doute un peu différent pour le ministère des armées.
En contrepartie, je ne sais pas si c’est le cas pour les armées, le ministère des affaires étrangères n’a pas de dotation pour les gros travaux et la maintenance de ses bâtiments, qu’il doit financer avec le produit des ventes immobilières. Il faut donc penser à l’avenir et sans doute prévoir, d’ici à quelques années, une situation moins florissante.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 27.
(L’article 27 est adopté.)
Article 28
Le second alinéa de l’article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques est ainsi rédigé :
« Lorsque la cession de ces immeubles implique l’application des mesures prévues à l’article L. 541-2 du code de l’environnement ou, en fonction de l’usage auquel le terrain est destiné, la réalisation d’une opération de dépollution pyrotechnique, l’État peut subordonner la cession à l’exécution, par l’acquéreur, de ces mesures ou de ces travaux. Dans ce cas, les opérations de dépollution pyrotechnique sont exécutées conformément aux règles de sécurité définies par voie réglementaire. Le coût réel de ces mesures ou travaux s’impute sur le prix de vente à concurrence du montant fixé à ce titre dans l’acte de cession, déterminé par un expert indépendant choisi d’un commun accord par l’État et l’acquéreur. Cette expertise est contradictoire. Le diagnostic de pollution, le rapport d’expertise et le relevé des mesures de dépollution à réaliser sont annexés à l’acte de vente. Une fois la cession intervenue, l’acquéreur supporte les dépenses liées aux mesures supplémentaires de dépollution nécessaires à l’utilisation future de l’immeuble cédé. » – (Adopté.)
Article 28 bis (nouveau)
Après le II de l’article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques, il est rétabli un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – Jusqu’au 31 décembre 2025, la décote prévue aux I et II n’est applicable aux cessions de terrains occupés par le ministère des armées que lorsque ces terrains, bâtis ou non, sont destinés à la réalisation de programmes de logements sociaux intégralement réservés aux agents de ce ministère. »
Mme la présidente. L’amendement n° 145, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre. Cet amendement vise à supprimer l’article 28 bis.
Vous savez que le ministère des armées est propriétaire d’un grand parc immobilier, qu’il gère de façon active, ce qui donne lieu à un certain nombre de cessions. Ces cessions peuvent bénéficier à des collectivités territoriales pour lesquelles la récupération de ces terrains contribue à la bonne utilisation du foncier public. Le patrimoine immobilier du ministère se voit soumis à un mécanisme que vous connaissez bien, du nom de la ministre qui l’a institué, la « décote Duflot », visant à favoriser la mobilisation du foncier public pour accroître l’offre de logements et participer à l’objectif général de cohésion des territoires et de la politique du logement.
L’article 28 bis remet en cause, à la faveur de la loi de programmation militaire, un dispositif général qui s’applique au ministère des armées, mais également bien au-delà du périmètre de ce ministère. J’en comprends la philosophie. Le Sénat souhaite que la décote Duflot soit maintenue dans un seul cas, celui où le ministère des armées pourrait récupérer, sous forme de mise à disposition, 100 % des logements qui passeraient par le canal de ce mécanisme.
On peut évidemment discuter de la politique immobilière de l’État dans le cadre de la loi de programmation militaire, mais je ne crois pas que ce soit tout à fait sa place. Même si cette disposition est destinée à aider le ministère des armées, je ne suis pas totalement convaincue que ce soit le lieu pour procéder à des ajustements tout à fait significatifs dans le cadre d’une politique du logement plus globale. Pour cette raison, je vous demanderai de bien vouloir adopter cet amendement de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Nos collègues ont bien compris le système de la décote Duflot issu de la loi de 2013, visant à favoriser la réalisation de logements sociaux et permettant d’appliquer une décote allant jusqu’à 100 % de la valeur vénale du prix des terrains ou des biens immobiliers cédés par l’État, moyennant une réservation gratuite de 10 % de ces logements au profit des logements sociaux. Lors de la révision de la loi de programmation militaire de 2015, le Sénat, sur l’initiative de notre commission, avait déjà limité le taux de la décote à 30 % pour les terrains occupés par le ministère de la défense, mais cette disposition a été abrogée.
Il faut bien mesurer les conséquences pratiques et financières de ces dispositions. D’après les calculs auxquels la commission s’est livrée, le ministère des armées a perdu 25 millions d’euros sur ses possessions immobilières en province, auxquels il convient d’ajouter les fameux 50 millions d’euros de l’îlot Saint-Germain.
Pour mémoire, le ministère des armées, sous un précédent gouvernement, a procédé à la vente de l’îlot Saint-Germain - les parties les plus contemporaines des locaux du ministère, pas l’hôtel du ministre. La valeur de cet îlot était estimée à environ 85 millions d’euros, mais, par le jeu de la décote, la cession s’est conclue à hauteur de 29 millions d’euros, soit près de 50 millions d’euros de perte pour les finances du ministère des armées.