Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Les professeurs d’histoire-géographie vont se succéder… Pour ma part, je comprends ce que vous voulez dire, ma chère collègue, de même que je comprends ce qu’a dit le rapporteur. Une proposition de résolution permettrait de réaffirmer l’importance de l’enseignement du fait européen et de la citoyenneté européenne.
Les professeurs d’histoire-géographie de première enseignent actuellement l’Europe. Par ailleurs, trop souvent, lorsque la société est confrontée à une difficulté, l’on se tourne vers l’école et l’on affirme qu’elle ne fait rien, alors qu’elle fait beaucoup. L’Europe figure par exemple au programme de la classe de première. La citoyenneté européenne est enseignée. En tant que membre du Conseil supérieur des programmes, je pense que cet enseignement va perdurer et qu’il sera même renforcé.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. À titre personnel, je voterai cet amendement, qui a le mérite de poser un problème essentiel, qui se pose malheureusement depuis de nombreuses années.
Scrutin après scrutin, les taux de participation sont de plus en plus faibles, en particulier lors des élections européennes, ce qui est franchement très regrettable, car les députés européens ont des prérogatives importantes. Le taux d’abstention est élevé, quelles que soient les élections, qu’il s’agisse des élections législatives, départementales ou municipales.
Il est vrai que le corps enseignant fait son maximum à tous les niveaux et que l’Europe est inscrite dans les programmes. Les jeunes sont intéressés par le fonctionnement des institutions. Nous le voyons bien au Sénat lorsque nous accueillons des groupes scolaires, ou encore les conseillers municipaux enfants, les collégiens et les lycéens. Cet amendement visant à les sensibiliser encore davantage, je le voterai.
Pour compléter, je rappelle que, chaque année, 800 000 jeunes participent à la Journée défense et citoyenneté, la JDC, qui a remplacé le service national actif, dont on peut regretter la disparition. La JDC est un moyen important pour parler de citoyenneté, de respect des institutions, des valeurs de la République et des devoirs des jeunes. Les jeunes s’y intéressent. Il y a matière à faire !
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je pense qu’il y a deux débats dans notre discussion. Le premier porte sur l’instruction civique. Tout le monde est d’accord : il faut faire plus et mieux.
En tant que parlementaire, je me suis rendu dans une classe d’élèves de 8 ans et je les ai trouvés très intéressés par la vie politique et par nos institutions. Nous sommes un certain nombre à accueillir des classes chaque mois, beaucoup de jeunes souhaitent venir. Les étudiants sont contents de participer au programme Erasmus, par exemple.
Le second débat porte sur les moyens de faire reculer l’abstention, laquelle est une réalité. Si vous pensez que vous allez régler la question par des cours d’instruction civique, vous vous mettez le doigt dans l’œil ! Cette question est d’ordre politique. Le désintérêt de l’ensemble du peuple français ou européen pour les élections européennes, ou pour d’autres élections d’ailleurs, vient d’autre chose. Il tient à la manière dont l’Europe se construit aujourd’hui et aux promesses non tenues.
Je rappelle, une fois de plus, que, en mai 2005, on a demandé au peuple de se prononcer par referendum sur l’adhésion de la France à un traité européen, après un débat comme il n’y en avait jamais eu dans le pays. Les Français ont voté non à 55 %, mais le traité a tout de même été ratifié deux ans plus tard ! Je puis vous dire que cela a marqué les Français. Ils ont dit qu’ils ne voulaient pas d’une Europe libérale, mais ils l’ont eue quand même ! Cela explique le fort taux d’abstention.
On ne réglera pas tout avec des cours d’instruction civique. Le débat, je le répète, est politique. Je souhaite que nous discutions de cette question, ici, mais aussi ailleurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Les cours d’instruction civique sont importants, mais il faut aussi que les responsables politiques cessent de mettre leurs propres turpitudes sur le compte de l’Europe et empêchent de débattre sérieusement et sereinement de l’Europe. Que chacun balaie devant sa porte !
Il faut effectivement faire de l’instruction civique et de l’histoire et rappeler ce que l’Europe a apporté, mais si cette dernière est aujourd’hui mal comprise, c’est parce que, depuis vingt-cinq ans, des générations de responsables politiques mettent tous leurs échecs et leur manque de courage sur le dos de l’Europe. Nombre de décisions relèvent aujourd’hui de la responsabilité de l’Europe et devraient être prises à cet échelon, mais tel n’est pas le cas, parce que les hauts responsables politiques ne sont pas prêts à assumer que les Européens doivent gérer les problèmes ensemble.
Depuis hier, je ne compte plus le nombre de fois où j’ai entendu parler des « représentants de la France » au Parlement européen, alors qu’il s’agit de « représentants des citoyens européens »… C’est pourtant la base ! L’instruction civique doit commencer ici, dans cet hémicycle. Il faut savoir de quoi nous parlons : de l’Europe et des citoyens européens. Je tenais à le dire à ce moment du débat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, pour explication de vote.
Mme Josiane Costes. Évidemment, l’abstention ne s’explique pas par une cause unique, mais le manque d’instruction civique est l’un des facteurs qui peuvent aggraver la situation.
J’ai quitté l’éducation nationale il y a quelques années, mais je la connais bien, car j’y ai exercé différentes fonctions. Certes, l’enseignement de l’Europe passe par l’instruction civique et les cours d’histoire-géographie, mais il faut aussi parler d’Europe dans toutes les matières, par exemple en anglais. Je pense que l’on peut faire mieux pour juguler l’abstention.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je tiens à redire que le développement de l’idée européenne passe par la culture et l’éducation. Il n’en demeure pas moins que votre amendement, madame Costes, est un véritable cavalier. C’est la raison pour laquelle j’en demande le retrait.
Mme la présidente. Madame Costes, maintenez-vous toujours l’amendement n° 64 rectifié ?
Mme Josiane Costes. Nous avons beaucoup parlé de mon amendement, qui a suscité le débat. Je le retire, madame la présidente, car j’ai atteint mon but ! (Sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 64 rectifié est retiré.
Article 7
La présente loi entre en vigueur à l’occasion du prochain renouvellement général des représentants au Parlement européen.
Toutefois, le II de l’article 5 entre en vigueur le lendemain de la publication de la présente loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, l’article 7 du projet de loi prévoyait que, indépendamment des négociations européennes conduites en vue de créer une circonscription européenne unique au sein de laquelle des représentants seraient élus sur des listes transnationales, la présente loi entrerait en vigueur lors du prochain renouvellement des représentants français au Parlement européen. Cela signifiait que le texte entrerait en vigueur à ce moment-là, sans que l’aboutissement, ou la poursuite des négociations en la matière ne modifie la portée et les dispositions du texte.
Votre commission a malheureusement supprimé la mention relative aux listes transnationales, ce que le Gouvernement regrette.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet est essentiel pour la démocratie et pour l’Europe, puisqu’il vise à créer un lien direct entre les citoyens et l’Europe en leur permettant d’élire des représentants au Parlement européen qui, au-delà d’être français, allemands, suédois ou maltais, sont des représentants européens, élus sur les projets qu’ils portent pour l’Europe, selon leur sensibilité politique.
Cet amendement vise à empêcher la création d’un véritable espace public européen, au sein duquel les citoyens de plusieurs pays se rejoindraient pour porter un projet politique commun et confronter leurs idées à celles d’autres citoyens de l’Europe défendant un projet différent.
Le Président de la République et le Gouvernement continueront à porter ce projet, car il est une condition essentielle pour intéresser de nouveau les citoyens à l’Europe, notamment les plus jeunes d’entre eux, madame Costes, et pour renforcer la démocratie européenne. Ce projet fait toujours l’objet de négociations entre les États membres.
Si nous avons pris acte du vote du Parlement européen en février dernier, nous rappelons qu’il ne portait pas sur le projet de révision de l’acte électoral européen, dont nous avons beaucoup parlé hier, pour lequel la France a proposé la création de ces listes transnationales. Il ne signifie donc pas, pas plus que la suppression de cette mention à l’article 7, que ce projet ne verra pas le jour.
Je rappelle que plusieurs de nos partenaires européens – l’Espagne, l’Italie, l’Irlande, le Portugal et la Grèce – soutiennent ce projet dans la perspective des élections européennes de 2024.
C’est dans cette perspective que le Gouvernement continuera à défendre cette idée, pour ne pas dire cet idéal, aussi bien en France qu’à l’échelon européen, afin qu’elle traduise de manière concrète le renforcement de la démocratie européenne à laquelle nombre de citoyens aspirent. (M. André Gattolin applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, sur l’article.
M. Bernard Jomier. Comme l’a souligné Mme la ministre, nous sommes effectivement à la recherche d’outils qui permettent d’intéresser davantage nos concitoyens aux élections européennes.
Pour une première génération, l’Europe a été un symbole de paix. L’attachement à l’idée européenne a été fort dans cette génération. Plus tard, l’Europe a su accroître les protections sociales et être synonyme de progrès environnementaux. Les citoyens s’identifiaient à cette Europe et participaient aux élections européennes.
Nous ne sommes malheureusement pas surpris aujourd’hui que les plus jeunes soient ceux qui participent le moins aux élections européennes. À quel projet européen peuvent-ils adhérer ?
Il s’agira l’année prochaine non pas de faire des élections européennes le champ clos d’un débat national, mais bien d’intéresser nos concitoyens à un projet européen. Au-delà de la production de fond de nos différents mouvements politiques, les listes transnationales sont une belle idée. En effet, ces dernières permettent de rassembler, à l’échelle du continent, les tenants d’une idée commune.
Ce projet n’altérerait par ailleurs en rien les liens avec les territoires. Avec le scrutin actuel, quel citoyen connaît les députés européens de son territoire ? Quasiment aucun ! Le nouveau mode de scrutin étant à l’échelle nationale, ce lien n’est pas le plus pertinent. Les listes transnationales, elles, créent un lien entre le citoyen européen et le territoire européen. Elles permettent un meilleur lien avec le projet européen.
Par ailleurs, ces listes sont symboliques, la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen ayant fait porter le projet sur 27 députés, soit 4 % des sièges du Parlement européen ; il n’y avait aucun changement fondamental par ailleurs. Il s’agit d’un symbole permettant à ceux qui sont motivés par la construction d’un projet européen, rassemblant l’ensemble des citoyens de l’Union, de l’élaborer et de le porter dans de meilleures conditions.
Pour ma part, je regrette que la commission, même si je comprends ses raisons, ait supprimé cette disposition, avant de supprimer dans quelques instants l’article 7 dans son intégralité. J’appelle le Gouvernement et le chef de l’État, qui est très volontaire sur cette question, à poursuivre ce beau projet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, sur l’article.
M. Jean-Pierre Grand. Ce que vous venez de dire, madame la ministre, est d’une force énorme. On va au-delà de l’Europe fédérale ! Aucun pays européen n’est allé aussi loin aujourd’hui.
En tant que gaulliste, je m’interroge, car l’Europe fédérale, ce n’est pas exactement notre philosophie. Aller encore plus loin que l’Europe fédérale en instaurant des listes transnationales me paraît être quelque chose d’important. Aucun pays européen n’a aujourd’hui mis en œuvre de telles listes.
Vous ouvrez là, madame la ministre, avec beaucoup de talent et de conviction, je le sais, un véritable débat. Peut-être ce débat sera-t-il celui de l’élection européenne ? Que sera l’Europe de demain à l’issue des élections européennes ?
Nous sommes certes en pleine période d’évolution de nos institutions, mais on ne peut évoluer si rapidement, au détour d’une déclaration du gouvernement de la République française. Le gaulliste que je suis ne pouvait pas ne pas le souligner.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 8 est présenté par M. Masson et Mmes Herzog et Kauffmann.
L’amendement n° 80 est présenté par M. Richard, au nom de la commission.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Claudine Kauffmann, pour présenter l’amendement n° 8.
Mme Claudine Kauffmann. La rédaction initiale de l’article 7 s’inscrivait dans la logique développée par le Président de la République, lequel souhaite faire évoluer l’Union européenne vers une structure fédérale au sein de laquelle les États-nations seraient marginalisés.
Un amendement visant à supprimer la référence explicite à l’éventuelle création d’une liste transnationale a été adopté par la commission des lois. Cependant, il semble préférable de supprimer purement et simplement cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 80.
M. Alain Richard, rapporteur. La commission a constaté qu’il existait au sein de notre assemblée un large éventail d’opinions et de projets sur l’avenir de l’Union européenne et qu’il n’était pas très facile de savoir s’il existe une majorité en faveur de l’instauration, par accord entre les vingt-sept nations, d’une composante nouvelle du Parlement européen.
Je l’ai rappelé au début de notre discussion, chaque État légifère sur les modalités de l’élection de ses représentants au Parlement européen, à l’intérieur d’un cadre fixé par un acte européen, dont je rappelle d’un mot la genèse.
Le Traité de Rome, signé le 25 mars 1957, stipulait que le Parlement européen serait élu au suffrage universel direct. L’Acte européen, qui l’organisait, fut enfin adopté le 20 septembre 1976, soit dix-neuf ans et demi plus tard. Sans entrer dans les détails, je souligne que la France, sous différentes majorités, n’a pas été pour rien dans ce long délai. Dès 1960, une majorité de l’Assemblée parlementaire européenne de l’époque proposait un système de vote qui suscitait de nombreux débats entre les États, notamment du fait de la France. Cet acte européen a évolué ; il fixe un cadre.
Il va de soi que, si un second collège, représentant l’ensemble de l’Europe, devait être instauré pour l’élection du Parlement européen, un nouvel acte européen, accepté par le Conseil européen, donc par tous les chefs d’État et de gouvernement, et approuvé à la majorité par le Parlement actuel, serait nécessaire.
Or il n’y a pas de proposition sur la table, puisque la procédure d’adoption d’un nouvel acte européen n’est pas commencée. Le chef de l’État a pris des contacts, il a lancé des propositions. Comme l’a indiqué Mme la ministre, ces propositions ont reçu un accueil variable de la part des différents dirigeants de l’Union européenne. Elles ont fait l’objet d’un débat, indirect il est vrai, au sein du Parlement européen, où les groupes parlementaires se sont exprimés.
Le dossier continue. Il opposera des conceptions de la gouvernance de l’Union européenne qui ne sont plus celles des années soixante-dix. Depuis lors, il y a eu trois nouveaux traités sur l’Union européenne, lesquels changent l’équilibre institutionnel de l’Union.
La commission, pour sa part, légifère pour les élections européennes de mai 2019. Elle a fait son travail, comme l’y invite d’ailleurs régulièrement le Gouvernement, qui est de n’inscrire dans la loi que des dispositions normatives. Or il n’a échappé à personnes que les dispositions de l’article 7 n’étaient pas normatives. C’est ce qui a conduit la commission à retirer la mention d’une liste transnationale. Dès lors, il y a plus besoin d’un article prévoyant l’entrée en vigueur de la loi.
Cet amendement vise donc à supprimer l’article 7.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, votre amendement est naturellement cohérent avec le texte tel qu’il est issu des travaux de la commission. Évidemment, je ne puis que continuer à regretter la suppression de la mention qui figurait dans l’article 7.
Même si je comprends tout à fait votre rigueur légistique, j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 et 80.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Au cours de ces débats, nous avons tous fait le constat que l’éloignement croissant de nos concitoyens vis-à-vis de l’Europe était un véritable problème. Chacun souhaite rapprocher l’Europe des citoyens.
Nous divergeons en revanche sur la réponse à apporter à ce problème. Le Gouvernement souhaite un retour à la circonscription unique, présentée comme un moyen de rapprocher nos concitoyens de l’Europe. Un certain nombre d’entre nous pense que cela ne répondra pas à leurs attentes.
Une majorité de sénateurs du groupe Les Républicains a soutenu une autre approche, l’ancrage régional, qui n’est pas la panacée, mais qui serait dans tous les cas un moindre mal pour essayer de renforcer le lien entre les citoyens et l’Europe.
Madame la ministre, les grands pays, sauf l’Espagne, ont une circonscription régionale. C’est le cas de l’Allemagne, de l’Italie et de la Pologne. Songeons que l’Occitanie a la taille de l’Irlande et la Nouvelle Aquitaine celle de l’Autriche, que la France est un pays de 65 millions d’habitants qui élira au moins 74 députés, voire plus, et que nous prenons le risque d’élire des députés hors sol.
Nous avons aussi beaucoup parlé, pendant ces débats, de la France ultramarine. La situation de la France ultramarine a été bien expliquée par notre collègue Michel Magras et par nos autres collègues ultramarins. Si nous n’avons pas voté les amendements visant à créer une circonscription ultramarine, c’est qu’ils s’inscrivaient dans le cadre d’une circonscription unique, qui créait un système binaire ne pouvant pas nous satisfaire.
L’amendement que j’ai présenté visait à créer une circonscription ultramarine et douze circonscriptions pour la France métropolitaine.
Nous nous réjouissons malgré tout de l’adoption de l’amendement n° 30 rectifié ter, qui permettra d’intégrer les parlementaires européens dans le calcul du temps d’antenne de la campagne officielle.
Je regrette, pour conclure, l’absence d’ancrage régional. Certes, le débat fut noble. Nous avons parlé de notre projet sur l’Europe, de notre volonté d’Europe. Nous avons parfois mélangé, dans les débats, carottes et navets, mais nous sommes parvenus à un rapport noble, parfaitement expliqué par Philippe Bas : la majorité sénatoriale est très fortement attachée au lien entre la représentation des citoyens et celle des territoires. Nous voulons, pour toutes les élections, conserver ce lien fort entre citoyens, territoires et élus de la République. Ce qui vaut pour les sénateurs doit valoir aussi pour les députés européens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)
M. Philippe Mouiller. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la ministre, ne soyez pas triste en ce qui concerne les listes transnationales. Comme je le rappelais hier, le Sénat a déjà adopté, en 2016, sur l’initiative de sa commission des affaires européennes, une résolution européenne demandant la mise en place d’une liste transnationale pour intégrer l’ensemble des citoyens européens vivant hors de l’Union dans une circonscription unique, une sorte de territoire supplémentaire. Le Gouvernement, faute d’arriver à un accord avec ses partenaires européens sur une liste transnationale pour tous, pourrait soutenir cette idée, déjà portée par le Sénat.
Je voudrais vous faire part d’un autre regret. Dans cette résolution européenne de 2016, le Sénat avait indiqué sa volonté d’une représentation spécifique des outre-mer, contrairement à la décision prise hier dans notre hémicycle. Nous allons vivre avec, malheureusement. Je pense que le sujet mériterait d’être repris à l’avenir. Il existe tout de même des différences, cela a été dit à plusieurs reprises, et quelques termes blessants ont même été utilisés.
Nous regrettons par ailleurs que le Gouvernement n’ait pas prévu que les listes se présentant aux élections européennes inscrivent le nom des candidats qu’elles souhaitent porter à la tête de la Commission européenne. C’est pourtant le meilleur moyen d’arriver au débat transnational que vous dites appeler de vos vœux. Ce qui avait été fait en 2014 aurait pu être renforcé en 2019 ; ce ne sera pas le cas.
En tout état de cause, malgré ces regrets, ces espoirs déçus, nous constatons que le fait de revenir à une circonscription nationale permet aux différentes manières de voir l’avenir de l’Europe, l’avenir de la France en Europe, de s’incarner dans des listes qui ne seront plus régionales et permettront un débat sur l’ensemble du territoire.
M. Michel Savin. Très bien !
M. Jean-Yves Leconte. Cette orientation était souhaitable ; c’est ce qui nous manquait précédemment.
Par conséquent, le groupe socialiste et républicain, au-delà des quelques regrets que je viens d’énoncer, votera ce texte et appelle le Gouvernement à travailler sur les listes transnationales…
Mme la présidente. Merci, mon cher collègue !
M. Jean-Yves Leconte. … pour les échéances de 2024 ! (MM. Jean-Yves Roux et Alain Duran applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Madame la ministre, cosignataire de l’amendement de Max Brisson, je ne paraphraserai pas son propos, mais reviendrai sur un élément précis qui explique pourquoi je ne voterai pas ce texte.
La modification d’un mode de scrutin n’est jamais anodine. Il y a parfois, souvent même, des arrière-pensées politiques. Je ne fais pas ce procès à Mme la ministre dans le cas présent.
M. Michel Savin. À M. Macron ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Néanmoins, ces dernières années, on a modifié le mode de scrutin de très nombreuses élections. S’agissant des élections départementales, régionales, les périmètres des collectivités ont été modifiés, et force est de constater que cela n’a pas eu un effet positif sur l’abstention.
Or j’ai bien entendu votre argument, madame la ministre : vous souhaitez, et c’est notre souhait à tous, que les citoyens reviennent vers les urnes. Cela n’a pas été le cas lors des élections départementales avec de grands cantons ; cela n’a pas été le cas lors des élections régionales avec de grandes régions.
Nous assistons à une course au gigantisme. On veut à présent créer une grande circonscription nationale. Vous me direz qu’elle a jadis existé, mais je pense sincèrement que l’on a aujourd’hui paradoxalement besoin de proximité, dans un monde doté de formidables moyens de communiquer avec l’ensemble du globe, mais dans lequel on ne communique plus avec ses voisins.
La circonscription régionale était un moindre mal, c’est la raison pour laquelle je ne voterai pas ce texte. Je suis navré de cette mode du « toujours plus grand » : on veut même de plus grands bailleurs sociaux, de plus grands syndicats… Je pense qu’on y reviendra, un jour ou l’autre. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de cette discussion dont l’objet, l’évolution du mode d’élection des représentants au Parlement européen, n’est autre qu’un retour à une expérience passée. Je suis pour un système politique fondé sur la prise en compte et l’évaluation. Un système qui prétend créer de la proximité, on l’évalue à travers le taux d’abstention, mais aussi par la notoriété de ses parlementaires. Eh bien, je suis désolé de vous le dire, peu de personnes, y compris dans cet hémicycle, sont à même de citer le nom de plus de dix parlementaires français au Parlement européen !
La proximité, aujourd’hui, ne se joue pas uniquement au niveau géographique. Nous sommes dans l’ère de la communication, et il est aussi des proximités affinitaires. Bien sûr, il est important de faire les marchés, de toucher la main des gens, de les recevoir. Il est important aussi de répondre à leurs courriels, à leurs courriers traditionnels ; c’est également une façon de construire un lien.
Ce qui est notable, au cours de ces deux journées, c’est que nous ayons parlé d’Europe, et en assez grand nombre, ce qui est rarement le cas lors des débats préalables à la réunion du Conseil européen qui se tiennent régulièrement dans l’hémicycle. Certes, les enjeux électoraux peuvent être une motivation. Cependant, comme je l’ai dit lors de la discussion générale, ce projet de loi est dénué d’arrière-pensées électorales. (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.) Compte tenu du système de découpage, la projection avec l’effet majoritaire nous ferait gagner sans doute plus de voix qu’avec la proportionnelle sur l’ensemble des circonscriptions. Les politologues qui travaillent sur le sujet vous le diront.
L’ambition, l’arrière-pensée non pas électorale mais politique, c’est effectivement la réémergence d’un débat national sur l’Europe - je n’ai pas dit un débat nationaliste, c’est le droit des nationalistes de l’avoir. Il s’agit que l’on parle d’Europe à l’occasion des élections européennes.
J’ai accompagné une liste en 2009…
M. Jean-Pierre Grand. Laquelle ? (Sourires.)
M. André Gattolin. … et j’ai vu pratiquement tous les candidats ne faire campagne que sur des sujets nationaux du moment. Même le représentant centriste de l’époque, que j’estime beaucoup, s’est présenté quasiment comme un pré-candidat à l’élection présidentielle. La seule liste que j’ai eu la chance d’accompagner a parlé d’Europe et a fait un très bon score !
Déjà, ne détournons pas l’objet de l’élection. Que l’on soit pour ou contre l’Europe, critique ou thuriféraire, la participation sera faible si nous ne créons pas les conditions d’un débat. Ce n’est pas une simple question de proximité que de répartir soixante-quatorze ou soixante-dix-neuf postes sur plus d’une centaine de départements.