M. le président. En conséquence, l’article 1er A demeure supprimé.
Article 1er
Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code minier est ainsi modifié :
1° Le 1° de l’article L. 111-1 est ainsi rédigé :
« 1° Des hydrocarbures et des combustibles fossiles, la tourbe exceptée, qu’ils soient sous forme solide, liquide ou gazeuse, du graphite, du diamant ; »
2° Est ajoutée une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Arrêt de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures et du charbon
« Art. L. 111-4. – Par dérogation aux titres II à IV du présent livre, la recherche et l’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux et du charbon destinés à un usage énergétique sont régies par les dispositions de la présente section.
« Art. L. 111-5. – Pour l’application de la présente section, est considéré comme “gaz de mine” le gaz situé dans les veines de charbon préalablement exploitées dont la récupération s’effectue sans interventions autres que celles rendues nécessaires pour maintenir en dépression les vides miniers contenant ce gaz, afin de l’aspirer.
« Un gaz dont la récupération nécessiterait la mise en œuvre d’actions de stimulation, cavitation ou fracturation du gisement ne peut être considéré, pour l’application de la présente section, comme du “gaz de mine”.
« Art. L. 111-5-1 (nouveau). – Pour l’application de la présente section, sont considérés comme “hydrocarbures liquides ou gazeux destinés à un usage non énergétique” les hydrocarbures entrant dans la fabrication ou dans la composition de produits ou substances à finalité non énergétique.
« Art. L. 111-6. – Il est mis fin progressivement à la recherche et à l’exploitation du charbon et de tous les hydrocarbures liquides ou gazeux, quelle que soit la technique employée, à l’exception du gaz de mine défini à l’article L. 111-5, des hydrocarbures liquides ou gazeux destinés à un usage non énergétique et de la recherche réalisée sous contrôle public à seules fins de connaissance géologique du territoire national, de surveillance ou de prévention des risques miniers, afin de parvenir à un arrêt définitif de ces activités, dans les conditions et selon les modalités fixées par la présente section.
« Les hydrocarbures liquides ou gazeux connexes, au sens de l’article L. 121-5, à un gisement faisant l’objet d’un titre d’exploitation de mines pour une substance non mentionnée au premier alinéa du présent article ou un autre usage du sous-sol mentionné dans le présent code ne peuvent être exploités par le titulaire et doivent être laissés dans le sous-sol.
« Par exception à l’alinéa précédent, le titulaire est autorisé par l’autorité administrative à intégrer ces hydrocarbures dans un processus industriel dès lors que leur extraction est reconnue être indissociable de l’exploitation du gîte sur lequel porte le titre d’exploitation ou qu’elle résulte d’impératifs liés à la maîtrise des risques. Pour les hydrocarbures gazeux, la valorisation éventuelle est strictement limitée à un usage local, sans injection dans un réseau de transport ou liquéfaction.
« Art. L. 111-6-1. – Le titulaire d’une concession de substances mentionnées au premier alinéa de l’article L. 111-6 a droit, s’il en fait la demande au plus tard deux ans avant l’échéance de son titre, à la conversion de sa concession en titre d’exploitation portant sur une substance non mentionnée au même premier alinéa ou un autre usage du sous-sol mentionné dans le présent code dès lors qu’il démontre à l’autorité administrative, d’une part, la connexité, au sens de l’article L. 121-5, entre la nouvelle substance ou le nouvel usage et les hydrocarbures contenus dans le gisement et, d’autre part, la rentabilité économique de la poursuite de l’exploitation du gisement.
« Art. L. 111-7. – L’article L. 111-6 s’applique à la recherche et à l’exploitation dans le sous-sol et à la surface du territoire terrestre et du domaine public maritime, dans le fond de la mer et dans le sous-sol de la zone économique exclusive et du plateau continental définis, respectivement, aux articles 11 et 14 de l’ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française.
« Art. L. 111-8. – Il n’est plus accordé par l’autorité compétente de :
« 1° Permis exclusif de recherches ou d’autorisation de prospections préalables en vue de la recherche, y compris à des fins expérimentales, portant sur une ou des substances mentionnées au premier alinéa de l’article L. 111-6, à l’exception de la recherche réalisée sous contrôle public à seules fins de connaissance géologique du territoire national, de surveillance ou de prévention des risques miniers ; dans ce dernier cas, aucune concession ne peut être attribuée en application de l’article L. 132-6 ;
« 2° Concession en vue de l’exploitation de ces mêmes substances, sauf dans le cas prévu à l’article L. 132-6 ;
« 3° Prolongation d’une concession portant sur ces mêmes substances pour une durée dont l’échéance excède le 1er janvier 2040.
« La prolongation d’un permis exclusif de recherches portant sur ces mêmes substances demeure autorisée en application de l’article L. 142-1 et du second alinéa de l’article L. 142-2.
« Art. L. 111-8-1 et L. 111-9. – (Supprimés)
« Art. L. 111-10 (nouveau). – La durée des concessions attribuées en application de l’article L. 132-6 à compter de la promulgation de la loi n° …du …mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement ne peut permettre de dépasser l’échéance du 1er janvier 2040, sauf lorsque le titulaire du permis exclusif de recherches démontre à l’autorité administrative qu’une telle limitation ne permet pas de couvrir ses coûts de recherche et d’exploitation, en assurant une rémunération normale des capitaux immobilisés compte tenu des risques inhérents à ces activités, par l’exploitation du gisement découvert à l’intérieur du périmètre de ce permis pendant la validité de celui-ci. Dans ce dernier cas, l’autorité administrative fixe la durée des concessions comme la durée minimale permettant de couvrir les coûts de recherche et d’exploitation, en assurant une rémunération normale des capitaux immobilisés compte tenu des risques inhérents à ces activités, par l’exploitation du gisement susmentionné, dans la limite de la durée mentionnée à l’article L. 132-11. »
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l'article.
M. Guillaume Gontard. Nous arrivons au cœur de ce projet de loi hautement symbolique et qui place la France en accord avec ses engagements pris lors de la COP21. Son article 1er, qui interdit l’obtention de titre minier au-delà de 2040, se veut un message clair sur l’urgence d’une transition énergétique et la fin d’une dépendance exclusive aux produits pétroliers. C’est un beau message pour nos enfants, qui attendent de nous des mesures courageuses. Je regrette cependant les dernières évolutions, qui ont rendu ce projet de loi trop timide.
D’un symbole fort et attendu, nous dérivons vers des dispositions souvent floues et aléatoires. Il n’y a pas d’avenir dans la prospection de produits carbonés. Nous devons l’acter et concentrer la recherche vers d’autres ressources et d’autres pratiques plus vertueuses.
Je parlais de dérives : alors qu’aucune nouvelle autorisation ne devait pouvoir être attribuée, de multiples exceptions ont été ajoutées au nom de la préservation des droits acquis, c’est-à-dire le droit des concessionnaires de faire de l’argent pour faire de l’argent, indépendamment de toute considération environnementale, écologique ou sanitaire. Le permis ou la concession pourront ainsi être octroyés ou prolongés jusqu’en 2040, contrairement à ce qui était prévu dans le projet initial. Il n’y a plus d’extinction progressive, puisque l’ensemble des concessions arriveront à échéance la même année, soit dans vingt-trois ans : vingt-trois ans, alors que l’urgence est là ! Pis, des concessions pourront être octroyées au-delà de cette limite si les concessionnaires démontrent que la rentabilité, et non le seul équilibre économique, n’est pas avérée à cet horizon.
De quel équilibre parle-t-on ? Le seul équilibre qui puisse s’entendre est celui de notre planète. Cet équilibre-là ne se monnaye pas. Des concessions nouvelles pourront également être octroyées dans le cadre du droit de suite, qui permet qu’un permis de recherches donne droit ensuite à un permis d’exploitation. Les trente-trois titres de recherche en cours pourront donner lieu à autant de concessions et les soixante-deux concessions en cours de validité pourront être prolongées. Autant d’exceptions qui dénaturent ce projet de loi. Nous le regrettons profondément, car nous en partageons l’ambition première.
Soyons courageux ! Osons tourner la page ; il le faut maintenant. Nous devons respecter nos engagements et donner l’exemple.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l'article.
M. Fabien Gay. Nous en venons maintenant aux dispositions concrètes de ce projet de loi, qui marque un pas symbolique vers la fin de l’exploitation des énergies fossiles. Ainsi, de nouvelles règles sont définies, notamment l’interdiction de nouvelles concessions minières ou de nouveaux droits exclusifs de recherches après 2040.
Ces objectifs, nous pouvons les juger audacieux ou non. Mais, de toute manière, soyons clairs, ils sont extrêmement fragiles avec la signature par le conseil de l’Union européenne du CETA et sa mise en œuvre provisoire au 21 septembre dernier, le Président de la République ayant fait le choix de ne pas mettre son veto. Pourtant, sur le sujet qui nous concerne aujourd’hui, les conséquences du CETA seront désastreuses.
Ainsi, le CETA pourrait permettre de nouveaux investissements dans les sables bitumineux canadiens, qui non seulement augmenteraient les émissions de gaz à effet de serre, mais pourraient stimuler l’importation de ce pétrole très énergivore et peu écologique en Europe. Nous importerions donc un hydrocarbure dont la nocivité est pourtant avérée et reconnue.
Par ailleurs, et plus fondamentalement, le mécanisme dit de cour d’investissement introduit par le CETA pourrait permettre aux entreprises de contester des politiques climatiques d’intérêt public si elles contreviennent à leurs intérêts. Ainsi, le CETA précise que peuvent être contestées les décisions des États qui enfreignent le « traitement juste et équitable », constituent une « expropriation indirecte » d’une entreprise ou frustrent leurs « attentes légitimes ». Le projet de loi que nous examinons entre très directement dans ce cadre, au nom des droits acquis.
La seule manière de se prémunir contre ce type de procédures est de se mettre hors de portée de la libre interprétation des juges et d’exclure clairement certains secteurs du champ d’application du système d’arbitrage. C’est le cas, dans le CETA, pour toutes les politiques liées aux subventions ou à la stabilité financière, mais pas des politiques visant à réduire les gaz à effet de serre, contrairement à ce qu’avait recommandé le Parlement européen en 2015. Nous le regrettons, car il est évident que les entreprises n’hésiteront aucunement à saisir le tribunal d’arbitrage pour faire condamner la France.
Monsieur le ministre d’État, il est temps de prendre toutes nos responsabilités et de faire entendre une voix forte de la France, pour refuser la mise en œuvre du CETA, qui vide de sa substance ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l'article.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre d’État, votre projet de loi part d’un bon sentiment : réduire les gaz à effet de serre. Mais ce n’est pas le fait d’interdire l’extraction de 1 % du pétrole que nous consommons en France qui y contribuera !
Cela me fait penser aux Luxembourgeois qui sont vent debout contre la centrale nucléaire de Cattenom, située en Moselle – ils font régulièrement des manifestations pour s’y opposer –, et qui, dans le même temps, achètent à la France de l’électricité produite par cette centrale. Nous nous apprêtons à faire un peu la même chose, en décidant de cesser d’exploiter du pétrole pour montrer l’exemple à tout le monde, tout en continuant à en acheter !
À mon sens, pour être crédible, il aurait fallu cibler la consommation, que le pétrole vienne de France ou de l’étranger. Mais cibler le fait de produire quelques gouttes de pétrole en France, c’est juste se donner bonne conscience. Je ne veux pas être trop dur avec vous, mais j’ai un peu l’impression qu’il s’agit de se donner bonne conscience pour pas cher, un peu à l’instar de ces Luxembourgeois qui se battent contre la centrale nucléaire de Cattenom tout en achetant de l’électricité d’origine nucléaire à la France.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l'article.
M. Hervé Maurey. Au moment d’entamer l’examen des articles, j’indique que moi-même et un certain nombre de mes collègues du groupe Union Centriste accueillons le présent projet de loi avec un a priori plutôt favorable. Certes, comme cela a déjà été dit, nous trouvons qu’il s’agit d’un texte essentiellement symbolique. Ainsi que cela a aussi été rappelé, l’exploitation d’hydrocarbures en France représente 1 % de notre consommation. Nous le voyons donc bien, ce n’est pas avec une telle mesure que l’on arrivera à une société décarbonée à l’horizon de 2050.
Dans le même temps, le texte va dans le bon sens. Il faut bien prendre un certain nombre de mesures pour mettre en œuvre l’Accord de Paris, qui a été signé voilà maintenant près de deux ans. Toutefois, comme vous l’avez indiqué vous-même, monsieur le ministre d’État, pour arriver à atteindre les objectifs fixés par la COP21 et par la loi relative à la transition énergétique, il faut surtout accélérer sur les économies d’énergie : ce sont les économies que l’on fait qui permettent d’avoir le moins d’émissions de CO2. Il faut aussi accélérer sur le déploiement des énergies renouvelables : l’objectif de 40 % d’énergies renouvelables dans la consommation à l’horizon de 2040 doit absolument être tenu.
Certes, le présent projet de loi n’est pas la pierre angulaire que certains ont évoquée. Mais je pense que c’est tout de même une pierre parmi d’autres pour paver le chemin sur lequel la France s’est engagée avec beaucoup de détermination et de courage voilà deux ans.
En outre, je pense – du moins, je l’espère – que ce texte permettra de montrer l’exemple à d’autres pays. Le Canada, le Royaume-Uni et l’Allemagne, qui seraient en train de s’engager dans cette voie, ont été évoqués. Malheureusement, nous savons que, dans le même temps, d’autres pays sont plutôt dans une démarche contraire. Nous avons vu récemment la position de l’Australie – je ne parle pas des États-Unis –, qui fait plutôt machine arrière aujourd'hui.
Par conséquent, j’espère que la COP23, à laquelle vous allez participer la semaine prochaine, permettra de faire en sorte qu’un certain nombre d’États nous rejoignent et partagent notre détermination à mettre fin à la recherche et à la production d’hydrocarbures. Il n’y a qu’à cette condition que le texte proposé aujourd'hui, pour lequel nous avons, je le répète, un a priori positif, pourra être vraiment utile.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, sur l'article.
M. Jean-Noël Cardoux. Tel que proposé par le Gouvernement, le texte dont nous sommes saisis relève d’une spécialité bien française, que je qualifierais de deux termes : « affichage » et « autoflagellation ».
M. Roland Courteau. Oh !
M. Jean-Noël Cardoux. L’affichage ? Cela me paraît évident. On veut prouver aux Français que nous arriverons dans notre pays à limiter la production de gaz à effet de serre en supprimant la production française d’hydrocarbures, qui représente 1 % de notre consommation. C’est vraiment de la communication et de l’affichage.
Autoflagellation ? Adopter le texte tel qu’il était présenté à l’origine aurait pour effet de nous priver d’un certain nombre d’atouts environnementaux et économiques fondamentaux. Les atouts environnementaux ont déjà été évoqués : comme plusieurs orateurs l’ont souligné, les hydrocarbures français produisent trois fois moins de gaz à effet de serre, sont trois fois moins chargés en carbone que ceux que nous importons. Si l’on suit les prévisions du Gouvernement, en 2040, les hydrocarbures français représenteront 10 % de notre consommation. Pour compenser la fin de leur exploitation, nous allons importer des hydrocarbures, ce qui s’avérera plus polluant.
Il y a une autre conséquence environnementale : on oublie totalement les productions connexes, en particulier la production d’eau chaude, grâce à laquelle on économise fortement l’énergie. L’eau chaude due à l’extraction permet en effet le développement de cultures maraîchères, dans le Sud-Ouest par exemple, ou encore du chauffage urbain dans certaines zones HLM. Ces économies d’énergie compensent la production d’hydrocarbures.
Il y a aussi des arguments économiques : on va se priver, du moins partiellement, des travaux de la recherche française dans les sous-sols de notre pays. Nous n’avons pas encore tout exploré : interdire la recherche revient à se priver de prolongements économiques importants et d’emplois.
J’ajoute que l’interdiction menace non seulement les emplois liés aux entreprises d’extraction, mais aussi les produits versés aux collectivités d’accueil par ces entreprises. Alors que les collectivités territoriales sont déjà malmenées de toutes parts, les priver à terme de ces ressources non négligeables est un mauvais signal.
Pour toutes ces raisons, j’estime que l’article 1er dû aux travaux de la commission corrige en partie les dérives du texte. J’y suis donc favorable.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l’article.
M. Ronan Dantec. C’est toujours un plaisir d’intervenir après notre collègue Cardoux…
J’imagine quand même qu’il n’y a pas, dans cet hémicycle, un seul sénateur ou une seule sénatrice qui pense que l’objet du projet de loi se limite à baisser de 1 % la consommation d’hydrocarbures en 2040 ? Tout le monde a bien compris que, par ce texte, nous cherchons à renforcer la position de la France dans les négociations européennes en vue de diminuer la consommation du charbon en Pologne et en Allemagne. Nous ne pouvons pas demander aux Polonais de rapidement baisser leur consommation de charbon et continuer de notre côté l’exploitation des hydrocarbures, alors que le charbon constitue pour eux un socle économique très important et que les hydrocarbures, pour l’économie française, c’est epsilon !
Nous parlons donc bien, ce me semble, de notre responsabilité collective, en tant que parlementaires : mettre la France en position de force pour participer aux négociations à venir, au moment où la COP23 vient de s’ouvrir, et faire en sorte que l’Europe – je ne parle même pas du reste du monde – puisse réduire ses émissions de gaz à effet de serre dans les prochaines années. Je le répète, nous n’obtiendrons pas des Polonais, des Allemands et d’autres qu’ils fassent un effort considérable si nous n’en faisons pas un petit. Pour l’économie française, en effet, ce que nous voulons représente un tout petit effort.
Je suis très surpris que certains abordent ce texte par le petit bout de la lorgnette. L’enjeu de notre discussion est bien la position de la France dans les négociations internationales. C’est à l’échelle du monde qu’il faut considérer le problème, et non pas par un prisme localo-localiste.
Néanmoins, ce qu’il y a de redoutable, c’est que certains territoires seront affectés par nos décisions, celui dont je suis l’élu en premier. Il y a une raffinerie, la centrale de Cordemais, dont j’étais hier avec le directeur pour discuter des moyens d’écrire l’histoire d’une centrale à charbon qui ne fonctionnera plus au charbon dans cinq ans… Oui, nous sommes affectés !
La défense de nos territoires respectifs est légitime, bien sûr, mais elle peut conduire à condamner Saint-Martin, par exemple. On peut reconstruire totalement cette île une fois après le passage d’un ouragan, mais pas trois. L’ensemble du tourisme des Antilles, secteur qui emploie des dizaines de milliers de personnes, peut disparaître dans les prochaines années ; certains territoires peuvent être submergés ; le modèle économique de notre agriculture peut ne pas survivre…
Nous devons assumer nos responsabilités et placer la France en position de force dans ces négociations internationales vitales. Ce n’est pas le cas, hélas ! avec la rédaction retenue par la commission, qui crée trop de trous dans la raquette. (M. Joël Labbé applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je tenais à vous dire, monsieur le ministre d’État, que nous étions d’accord avec vous.
Nous sommes d’accord avec vous quand vous dites que nous faisons face à un enjeu universel. C’est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques a examiné ce texte de loi en l’amendant certes quelque peu, mais sans en modifier ni le sens ni la portée.
Nous sommes d’accord avec vous quand vous parlez d’urgence climatique ; d’accord pour enterrer les vieilles lunes de ceux qui doutent et des sceptiques.
Nous sommes même peut-être d’accord avec vous sur la fin, à terme, de l’exploitation des hydrocarbures.
Nous sommes d’accord avec vous quand vous prônez une transition écologique et défendez les formidables opportunités, notamment économiques, qu’elle représente pour la France comme pour l’Europe.
Mais, monsieur le ministre d’État, aidez-nous ! Nous avons entendu de grandes déclarations, émanant de toutes les travées de cet hémicycle, sur l’urgence de faire face à cet enjeu universel : je vous demande d’agir maintenant.
Aidez-nous à développer l’énergie hydraulique.
Mme Frédérique Puissat. Très bien !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Alors que le stockage de l’énergie est hydraulique, nous n’arrivons plus à faire vivre ce secteur en France ; nous fermons GE Hydro à Grenoble ; nous ne pouvons plus construire de turbine.
Aidez-nous pour que les agriculteurs et les collectivités territoriales construisent des méthaniseurs dans des délais plus courts, grâce à moins de normes et plus d’efficacité ; grâce aussi à de nouveaux financements qu’il faut trouver.
Aidez-nous pour que baisse la consommation d’énergie, en ne faisant pas figurer dans le projet de loi de finances pour 2018 la suppression des avantages fiscaux pour le remplacement des portes et des fenêtres.
Aidez-nous pour que les organismes d’HLM gardent les financements nécessaires à la rénovation des logements les plus énergivores, d’ailleurs habités par les plus modestes d’entre nous.
M. François Calvet. Excellent !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Aidez-nous à aller au-delà des recours des multiples associations écologistes locales qui se dressent contre l’éolien.
Aidez-nous pour de vrai, monsieur le ministre d’État. Pendant que nous votons des textes symbole dans cet hémicycle, il y a des entreprises qui ferment, comme la centrale thermique de Porcheville, dans mon département, par exemple. Pour elles, il n’y a pas de transition écologique possible : leur sort se joue maintenant, tout de suite. Dans certains territoires, ce sont de vrais drames qui parfois se nouent.
Aidez-nous concrètement : par des textes bien sûr, mais en tentant de persuader aussi les membres du Gouvernement, de sorte que les belles phrases, celles notamment contenues dans ce texte, se traduisent par des actes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 58 rectifié bis est présenté par MM. Guillaume, Courteau et Bérit-Débat, Mmes Cartron et Artigalas, MM. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mme Préville, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 104 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 7
Supprimer les mots :
destinés à un usage énergétique
II. – Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéa 11
Supprimer les mots :
, des hydrocarbures liquides ou gazeux destinés à un usage non énergétique
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 58 rectifié bis.
M. Roland Courteau. La commission des affaires économiques a introduit une nouvelle catégorie d’hydrocarbures – les hydrocarbures destinés à un usage non énergétique –, permettant d’élargir le champ des dérogations à l’arrêt de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures d’ici à 2040. Nous nous interrogeons sur la portée de cette modification.
Le plan Climat, que vous avez présenté le 6 juillet dernier, monsieur le ministre d’État, comporte un volet consacré à la sortie progressive de l’exploration et de la production des hydrocarbures en France. Il s’agit d’un choix politique : renoncer volontairement à exploiter des réserves d’énergie. Cela constitue, vous l’avez dit, un changement de paradigme.
En permettant que les dispositions de l’article 1er ne s’appliquent qu’aux hydrocarbures destinés à « un usage non énergétique », on stoppe l’ambition du projet de loi – l’arrêt définitif de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures –, en élargissant le champ des dérogations, qui pourraient se multiplier. Dans le même temps, on permet la poursuite de la recherche et de l’exploitation dans notre sous-sol d’hydrocarbures liquides ou gazeux, pour des usages non énergétiques.
Par ailleurs, force est de le constater, le projet de loi prend déjà en compte des possibilités de reconversion des sites pour valoriser d’autres activités, comme le gaz sulfuré du site de Lacq ou d’autres énergies renouvelables. Or, à entendre certains, l’arrêt de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures condamnerait la géothermie. À ce que je sache, les activités de géothermie ne font l’objet d’aucune interdiction en France.
En 2013, la ministre de l’écologie, Delphine Batho, a signé deux permis exclusifs de recherches de gîtes géothermiques, qui ont été suivis de nombreuses autres demandes de titres d’exploration.
Fin mars 2015, un fonds de garantie dénommé le GEODEEP a été créé pour encourager le développement de la géothermie. La fin de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures ne devrait donc pas se traduire par la remise en cause des activités de géothermie, largement soutenues en France.
Nous pensons que les exceptions doivent demeurer limitées et être strictement encadrées ; elles ne doivent pas devenir la règle. Tel est le sens du présent amendement.