Sommaire
Présidence de M. David Assouline
Secrétaire :
M. Dominique de Legge.
2. Remplacement d’une sénatrice nommée au Gouvernement
3. Candidature à une commission
4. Mise au point au sujet de votes
5. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
6. Fin de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur de la commission des affaires économiques
M. Nicolas Hulot, ministre d'État
Demande de renvoi à la commission
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 57 rectifié bis de M. Didier Guillaume. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques
Amendement n° 42 rectifié de M. Joël Labbé. – Rejet.
Amendement n° 60 rectifié bis de M. Didier Guillaume. – Retrait.
Amendement n° 43 rectifié de M. Joël Labbé. – Rejet.
Amendement n° 16 rectifié de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 8 rectifié de Mme Françoise Férat. – Rejet.
Amendement n° 18 rectifié de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 7 rectifié de Mme Françoise Férat. – Retrait.
Amendement n° 15 rectifié bis de M. Ladislas Poniatowski. – Adoption.
Amendement n° 32 rectifié de M. Georges Patient. – Devenu sans objet.
Amendement n° 91 rectifié de M. Georges Patient. – Devenu sans objet.
Amendement n° 19 rectifié de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 86 rectifié de M. François Patriat. – Rejet.
Amendements identiques nos 20 rectifié de M. Fabien Gay et 105 du Gouvernement
Amendement n° 52 rectifié de M. Joël Labbé
Amendement n° 45 rectifié de M. Joël Labbé
Amendement n° 62 rectifié bis de M. Didier Guillaume
Amendement n° 63 rectifié bis de M. Didier Guillaume
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques ; M. Ronan Dantec.
Amendements identiques nos 20 rectifié de M. Fabien Gay et 105 du Gouvernement (suite). – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 52 rectifié de M. Joël Labbé (suite). – Rejet.
Amendement n° 45 rectifié de M. Joël Labbé (suite). – Retrait.
Amendement n° 62 rectifié bis de M. Didier Guillaume (suite). – Retrait.
Amendement n° 63 rectifié bis de M. Didier Guillaume (suite). – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
Amendement n° 106 rectifié du Gouvernement. – Devenu sans objet.
L’article demeure supprimé.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur
Amendement n° 65 rectifié bis de M. Didier Guillaume. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 2
Amendement n° 24 rectifié de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 29 rectifié de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 25 rectifié de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 64 rectifié ter de M. Didier Guillaume. – Retrait.
Amendement n° 26 rectifié de M. Fabien Gay. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 67 rectifié ter de M. Didier Guillaume. – Adoption.
Amendement n° 68 rectifié bis de M. Didier Guillaume. – Adoption.
Amendement n° 69 rectifié ter de M. Didier Guillaume. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 70 rectifié ter de M. Didier Guillaume. – Rejet.
Amendement n° 22 rectifié de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 48 rectifié de M. Joël Labbé. – Rejet.
Amendement n° 110 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 56 rectifié de M. Joël Labbé. – Devenu sans objet.
Amendement n° 23 rectifié de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 55 rectifié bis de M. Joël Labbé. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l'article 3
Amendement n° 27 rectifié de M. Fabien Gay. – Rejet.
Amendement n° 71 rectifié ter de M. Didier Guillaume. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
M. Jean-Marc Boyer, rapporteur pour avis
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 3 ter
Amendement n° 28 rectifié de M. Fabien Gay. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 53 rectifié bis de M. Joël Labbé. – Adoption.
Amendement n° 74 rectifié bis de M. Didier Guillaume. – Devenu sans objet.
Amendement n° 73 rectifié bis de M. Didier Guillaume. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
Nomination d’un membre d’une commission
compte rendu intégral
Présidence de M. David Assouline
vice-président
Secrétaire :
M. Dominique de Legge.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mardi 31 octobre 2017 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Remplacement d’une sénatrice nommée au Gouvernement
M. le président. Conformément à l’article 32 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, a fait connaître que, en application de l’article L.O. 319 du code électoral, M. Jean-Paul Prince a remplacé, en qualité de sénateur de Loir-et-Cher, Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Le mandat de notre collègue a débuté le vendredi 3 novembre dernier, à zéro heure.
3
Candidature à une commission
M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
4
Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, lors du scrutin n° 4 du 31 octobre 2017, portant sur l’ensemble de la proposition de loi tendant à soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans la mission d’accueil des gens du voyage, Mmes Nathalie Delattre et Véronique Guillotin, MM. Stéphane Artano et Franck Menonville ont été déclarés comme ayant voté contre, alors qu’ils souhaitaient voter pour.
Par ailleurs, Mme Josiane Costes et moi-même souhaitions nous abstenir.
Ce sont, monsieur le président, de petits réglages de début de session… (Sourires.)
M. le président. Acte est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
5
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer, dans la tribune d’honneur du Sénat, une délégation de cinq parlementaires de l’Assemblée fédérale suisse, conduite par M. Fathi Derder, conseiller national. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, se lèvent.) Cette délégation est accompagnée par notre collègue Cyril Pellevat.
La délégation est en France pour une visite d’étude, centrée autour de trois thèmes : les liaisons, en particulier ferroviaires, entre la France et la Suisse,…
Mme Élisabeth Lamure. C’est un sujet, en effet.
M. le président. … l’innovation, dans la perspective d’un renforcement de la coopération dans les domaines de la science, de la recherche et des transferts technologiques et, enfin, les conséquences du nouveau découpage des régions sur les relations avec la Suisse.
La délégation s’est ainsi rendue hier après-midi au siège de la SNCF, à la Plaine Saint-Denis. Au Sénat, elle s’est entretenue avec les membres du groupe interparlementaire d’amitié France-Suisse et avec notre collègue Daniel Dubois, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, sur les crédits de la recherche.
Le Sénat français entretient d’excellentes relations de confiance et d’amitié avec l’Assemblée fédérale suisse, qu’illustre l’organisation l’an passé, au Palais du Luxembourg, d’un grand colloque sur le cinq-centième anniversaire du Traité de Fribourg instaurant la « paix perpétuelle » entre la France et la Suisse.
Mes chers collègues, permettez-moi de souhaiter, en votre nom à tous, à nos homologues du Parlement suisse la plus cordiale bienvenue, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour. (Mmes et MM. les sénateurs applaudissent.)
6
Fin de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement (projet n° 21, texte de la commission n° 43, rapport n° 42, avis n° 46).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre d’État.
M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, madame le rapporteur de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur de la commission du développement durable, saisie pour avis, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, chers amis, le projet de loi mettant fin à la recherche ainsi que, à terme, à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels, selon l’expression consacrée, et portant diverses dispositions relatives à l’énergie est l’une des pierres angulaires de la stratégie de la France pour lutter contre le changement climatique.
Cela n’est pas un tout ni un aboutissement, c’est un axe qui doit guider, orienter nos politiques publiques dans les décennies à venir.
Il y a quelques jours, vous ne l’ignorez pas, le programme des Nations unies pour l’environnement a publié, comme par un fait exprès, un nouveau rapport ; malheureusement les rapports se succèdent et se confirment les uns les autres, ce qui fait que nous entrons dans une sorte d’accoutumance aux mauvaises nouvelles. Ce rapport indique que, sans ambitions supplémentaires de la communauté internationale – non pas seulement de notre pays, qui est plutôt en pointe sur ce sujet – par rapport aux engagements pris dans l’Accord de Paris, les chances de rester en deçà d’une augmentation de 2 °C sont proches de zéro.
Aussi je crains que, après avoir été victimes pendant des décennies d’une forme de scepticisme, nous basculions petit à petit, de manière indolente, dans une sorte de fatalisme. Pourtant, paradoxalement, nous ne pouvons pas être plus informés que nous ne le sommes sur les conséquences irréversibles d’un phénomène qui peut lui-même devenir irréversible ; mais la fenêtre d’opportunité dont l’Humanité, dans sa grande diversité, peut bénéficier pour empêcher cette irréversibilité est, c’est vrai, de plus en plus étroite…
Aujourd'hui encore, comme on l’a fait de tout temps, on me dit : « À quoi bon ? », « Pourquoi le faire tout seul ? », « On en fait trop… », « On n’en fait pas assez… », « Cela ne sert à rien… » ; mais, d’ajournement en résignation, de résignation en renoncement, nous sommes arrivés à un moment déterminant. Et ce texte nous permet de prendre notre part dans le rehaussement de nos ambitions ; j’espère, et même je ne doute pas, que, s’il est voté, si cette ambition est confirmée, elle fera contagion.
Voilà quelques jours, j’ai fait un aller-retour aux Fidji, non pas pour mon plaisir personnel, mais pour affirmer notre solidarité vis-à-vis des pays qui constatent clairement la menace et les conséquences des changements climatiques, même si nous ne sommes pas nous-mêmes épargnés. Je voulais simplement leur dire, dans la perspective de la COP23, qui a débuté cette semaine à Bonn, que la France est à leurs côtés, aux côtés de tous ceux qui subissent sans les avoir forcément provoquées les conséquences des changements climatiques.
C’est dans ce cadre, dans cet esprit, face à cet enjeu, auquel on risque de s’accoutumer, que ce projet de loi s’inscrit.
Peut-être aurez-vous à cœur de me dire, dans les discussions qui vont suivre, que ce texte seul ne suffit pas. Oui, ce projet de loi seul ne suffit pas, il vient se greffer sur d’autres dispositions.
La France a été incontestablement leader dans le partage du diagnostic et dans la prise de conscience ; il faut lui reconnaître que, dans l’Accord de Paris, qui tient presque du miracle diplomatique, elle a permis l’établissement de cette feuille de route ; mais une feuille de route ne vaut pas succès et nous entrons maintenant dans la mise en œuvre. Là aussi, nous devons être exemplaires.
Le principe même de l’Accord de Paris est de créer une dynamique irréversible, de nous mettre en mesure de faire collectivement et individuellement toujours plus, jusqu’à ce que nous retrouvions la trajectoire qui maintient le réchauffement en dessous de 2°C. Cette cible n’est pas un totem, les scientifiques, ainsi que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international eux-mêmes, affirment que, au-delà de cette limite, nous perdrons la main sur notre propre destin.
Ainsi, avec ce projet de loi, nous sommes, on peut le dire – les mots ont un sens –, à un carrefour de civilisation. Dit autrement, soit nous laissons l’avenir décider à notre place, soit nous nous mettons en situation, au travers de ce texte et de bien d’autres instruments qui en compléteront le dispositif, de décider nous-mêmes ce que nous voulons faire de l’avenir.
En rédigeant cette intervention, je pensais à cette phrase de Jean Monnet selon laquelle « les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise ». Nous sommes déjà dans la crise climatique, qui a frappé durement, ai-je besoin de le rappeler ?, les Caraïbes, où s’est rendu le Premier ministre – il nous en a fait un compte rendu il y a quelques instants en conseil des ministres –, et qui ne cessera hélas de nous rappeler à l’ordre. La démonstration qui en a été faite à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, qui nous a probablement plus touchés en raison de notre proximité géographique, citoyenne et culturelle, n’est qu’un sinistre échantillon de ce qui risque de se répéter dans un avenir proche.
La tentation, face à la complexité de l’effort, que je ne sous-estime pas, serait de céder à la résignation, et c’est à cette tentation que je souhaite que nous essayions ensemble de renoncer, au-delà de nos divergences et de nos différences.
C’est en tout cas le choix du Gouvernement, et la France confirmera avec ce texte son souhait d’entrer dans l’ère de l’après-pétrole, de l’après-énergies fossiles, en devenant l’un des premiers pays à bannir de l’ensemble de son territoire la recherche de nouveaux gisements d’hydrocarbures, et à en limiter l’exploitation jusqu’à l’horizon 2040 ; notre pays aura ainsi définitivement renoncé à l’exploration d’hydrocarbures.
Pourquoi est-ce que j’insiste sur ce point ? Parce que, si l’on veut engager dans cette transition nos concitoyens, les acteurs économiques et les responsables, il faut faire preuve de cohérence. Je m’aperçois, je le dis sans procès d’intention, que, si tout le monde partage l’inquiétude et la volonté d’agir contre le changement climatique, je ne rencontre pas la même adhésion quand il s’agit d’entrer dans une dimension plus opérationnelle. Autrement dit, on est pour lutter contre les changements climatiques, mais on est parfois contre ce que cela implique.
Que nous disent les scientifiques, résumant ainsi l’équation assez lourde mais qui, bien appréhendée, peut faire d’une contrainte une opportunité ? Ils affirment que, pour avoir une chance de gagner la bataille climatique, une chance de ne pas entrer dans ce phénomène irréversible, nous devons renoncer volontairement à exploiter 70 % à 80 % des réserves d’énergies fossiles que nous avons, facilement accessibles, sous nos pieds.
Difficile de renoncer volontairement à une telle aubaine, tant nos sociétés ont été inféodées, associées aux énergies fossiles, et même dopées et aliénées par elles depuis cent cinquante ans. Mais si les énergies fossiles ont représenté, en partie, la solution, nous découvrons brutalement qu’elles seraient en passe de devenir plutôt le problème.
Cela dit, plus tôt nous nous mettrons en mesure d’organiser, de planifier, de projeter cette sortie des énergies fossiles, plus facile sera la transition et plus nous en tirerons, selon moi, les avantages économiques. Gardons-le à l’esprit, la transition énergétique, justifiée notamment par l’impératif climatique, est à l’œuvre, elle est partie. À quel rythme ? Qui sera dans les wagons de tête ? Qui sera dans les wagons de queue ? Telles sont en fait les seules questions qui se posent.
Pour être fidèles à l’Accord de Paris, nous devons atteindre aussi vite que possible, au milieu de ce siècle, la neutralité carbone, soit le fait de ne pas émettre plus de gaz à effet de serre que ce que les écosystèmes ont la capacité naturelle d’absorber.
Nous devons donc entrer, pardonnez-moi l’expression, dans une sorte de cure de désintoxication, et nous libérer progressivement mais irrévocablement de notre dépendance aux énergies fossiles.
Avec l’adoption du plan Climat, la France a déjà fait sien l’objectif de la neutralité carbone à l’horizon 2050. Vous le savez, ce plan décline un certain nombre de moyens et d’actions permettant de réduire notre dépendance aux énergies fossiles.
Je me permets au passage une petite réflexion supplémentaire. Si l’impératif climatique ne nous précipitait pas dès maintenant dans l’obligation de sortir des énergies fossiles, nous aurions été de toute façon invités, à terme, à nous préparer à l’après-pétrole, à l’après-énergies fossiles, ne serait-ce que par l’épuisement naturel des ressources. Mais il est d’autres bénéfices à la sortie des énergies fossiles ; ainsi, j’essaierai de vous démontrer que cette contrainte, qui alourdit un peu le fardeau de nos sociétés, constitue aussi, certains d’entre vous en sont peut-être déjà convaincus, une opportunité qui tombe à pic.
D’abord, une dirigeante de l’Organisation mondiale de la santé l’a elle-même indiqué à plusieurs reprises, lutter contre les changements climatiques est aussi un agenda de santé publique. C’est d’ailleurs par ce biais que la Chine est entrée dans cette dynamique, en raison de la pollution et de ses conséquences sociales et sanitaires.
En outre, en nous affranchissant progressivement des énergies fossiles, si nous y arrivons, j’ai le sentiment que la France se libérera aussi de dépendances que nous avons vis-à-vis d’un certain nombre de puissances. C’est une raison supplémentaire pour produire à terme notre énergie à l’intérieur de nos frontières, grâce notamment aux énergies renouvelables ; cette indépendance énergétique, cette perspective de souveraineté, est un argument supplémentaire qui s’ajoute à l’enjeu climatique.
Pour réduire notre consommation, je propose un certain nombre de mesures. La première consiste à mettre fin à la production d’électricité à base de charbon d’ici à 2022,…
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur de la commission des affaires économiques. D’accord !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Ça…
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. … tout en proposant aux territoires et aux salariés concernés, dans ce domaine comme dans d’autres, des contrats de transition permettant d’offrir à tous des solutions de reconversion ; c’est une condition du succès de la transition.
J’observe que, depuis que nous avons pris cet engagement, d’autres pays – le Canada, le Royaume-Uni – se sont engagés dans la même direction. C’est important, car on me demande souvent pourquoi nous faisons les choses tout seuls. D’une part, chacun a sa stratégie – nous ne sommes pas les seuls à avoir pris des engagements à Paris et, pendant que nous bâtissons notre stratégie, d’autres définissent la leur – et, d’autre part, nous pouvons parfois donner l’exemple. Nous savons aussi que, depuis peu, l’Allemagne elle-même y réfléchit.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Il faut qu’elle réfléchisse vite…
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Pour réduire notre consommation d’énergie, j’ai aussi proposé une série de mesures qui concernent directement les Français, pour les accompagner, car, oui, il faut être socialement aussi juste que possible dans cette transition, et mêler incitation et dissuasion pour ne mettre personne dans une impasse. Les dispositifs que j’ai définis dans le plan Climat ciblent en priorité les ménages les plus modestes, pour les inciter à sortir de leur dépendance aux énergies fossiles.
Le projet de loi de finances pour 2018 contient des mesures, dans ce que l’on a appelé « le paquet de solidarité climatique ». Il s’agit, sans entrer dans le détail, de la prime à la conversion pour acquérir des véhicules moins polluants, même d’occasion – cette prime pourra atteindre 3 000 euros pour les ménages modestes, voire 6 000 euros s’il s’agit d’un véhicule électrique –, ou pour changer de chaudière et passer du fioul aux énergies renouvelables, ainsi que de crédits d’impôt, qui seront bientôt transformés en primes. Bref, s’il n’y a pas une exigence sociale dans l’ensemble de notre stratégie, nous ferons face à un certain nombre de résistances justifiées ; ce souci d’équité ne doit en aucun cas nous échapper.
C’est à cette condition que nos politiques publiques seront en cohérence avec la loi de transition énergétique, qui prévoit, je le rappelle, d’atteindre 32 % d’énergies renouvelables en 2030 et de réduire de 30 % notre consommation d’énergies fossiles à la même date – j’y insiste, sinon, on ne comprend pas la pertinence du texte sur lequel je vous propose de débattre. Tous ces objectifs sont conformes à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, que le Parlement a adoptée, je le rappelle, en 2015.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Nous l’avons même enrichie.
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. C’est dans le même esprit que nous avons annoncé la fin, d’ici à 2040, de la vente des véhicules émettant des gaz à effet de serre, avec, disons-le, un soutien assez spontané et rapide, dès lors que les règles du jeu ne changent pas, des constructeurs automobiles, qui y voient une chance unique de rupture technologique et d’innovation.
Là aussi, force est de constater qu’une dynamique internationale s’est créée très rapidement : la Norvège, le Royaume-Uni, l’Inde, la Chine se sont dotés dans la foulée d’objectifs ambitieux en matière de véhicules électriques ou de fin de production de véhicules émettant des gaz à effet de serre, avec parfois des calendriers plus serrés que le nôtre. J’ai écrit au commissaire européen chargé des transports pour l’encourager à adopter une réglementation plus ambitieuse pour l’Union en 2025 et en 2030.
C’est bien cet état d’esprit qui doit prévaloir, celui d’une France qui montre la voie et qui entraîne ses partenaires sur la voie de l’ambition. Je sais que l’on m’objectera, comme on l’a fait à l’Assemblée nationale, l’argument du « à quoi bon » : à quoi bon placer la France seule dans cette situation, qui peut paraître pénalisante dans un premier temps ?
D’abord, je ne pense pas qu’elle soit pénalisante, car elle nous permettra de nous mettre le plus rapidement possible en ordre de marche pour bénéficier des opportunités de cette transition énergétique. Ensuite, je ne peux pas me priver du plaisir de partager un mot d’un homme qui a siégé ici, bien avant vous. Victor Hugo disait ainsi : « Ce que Paris conseille, l’Europe le médite ; ce que Paris commence, l’Europe le continue. » J’espère qu’il en ira de même avec ces objectifs.
Ce projet de loi s’inscrit donc dans une logique d’ensemble qui vise à nous redonner, c’est très important, notre liberté de choix en matière de politique énergétique. Cette logique d’ensemble s’appuie sur deux piliers. Le premier consiste à réduire la consommation d’énergies fossiles, c’est la clef de notre indépendance. Le second consiste à construire la sortie progressive de la production de ces énergies ; c’est le sens de ce projet de loi.
Les énergies fossiles sont au cœur de notre économie, mais aussi, il faut le souligner, de la géopolitique mondiale. Notre dépendance aux hydrocarbures nous place aussi dans une situation de dépendance vis-à-vis des pays producteurs. En nous libérant des hydrocarbures, j’espère que nous nous libérerons de ce lien, qui ne nous donne pas toujours une liberté de parole ou d’action.
Cette dépendance est d'abord économique, puisque, chaque année, nous dépensons plus de 50 milliards d’euros pour acheter du gaz et du pétrole, un somme qu’il serait plus judicieux d’injecter dans notre économie plutôt que de la dépenser à l’extérieur de notre pays !
Mais cette dépendance est aussi géopolitique, parce que, comme la plupart des ressources naturelles, les énergies fossiles ne sont jamais très éloignées des sources de conflits auxquels nous avons assisté depuis la Seconde Guerre mondiale. J’ai tendance à penser que, en nous libérant de cette dépendance, nous nous soustrairons à autant de sources de conflits à venir.
C’est pourquoi je considère ce projet de loi comme un pilier d’une stratégie beaucoup plus globale, qui vise à rendre la France indépendante et autonome sur le plan énergétique. Cet objectif fait sens. Il est ambitieux, mais réaliste.
C’est le sens de la transition énergétique que le pays a entamée avant que j’accède à mes responsabilités et que j’espère accélérer sous ce gouvernement. Cette transition doit nous emmener vers une France peut-être pas exclusivement – l’avenir le dira –, mais majoritairement tournée vers les énergies renouvelables, dont on observe, contrairement à toutes les prédictions, qu’elles deviennent économiquement totalement envisageables, ce que je n’aurais pu affirmer de manière aussi nette voilà encore quelques années.
C’est dans ce cadre que je présenterai, dans les mois qui viennent, ce que j’ai appelé, pour une meilleure compréhension, un green New Deal – vous me pardonnerez, mesdames, messieurs les sénateurs, cette petite entorse à la langue française. Celui-ci doit viser à faire de notre pays un pionnier des énergies propres, dans le domaine du stockage, mais aussi dans celui de l’hydrogène. Nos petites, moyennes et grandes entreprises et nos industries couvrant l’ensemble de ces domaines, je suis intimement convaincu que nous pouvons également créer de nombreux emplois à l’occasion de cette transition.
J’en viens à un autre point important : avec ce projet de loi, le Gouvernement vous propose tout simplement d’aligner enfin notre droit avec nos objectifs de lutte contre le changement climatique, dans un souci de cohérence.
Jusque-là, malgré quelques avancées, permises notamment par la loi Jacob, qui a interdit la fracturation hydraulique et à laquelle je rends hommage, notre droit ne nous permettait pas de refuser des permis, alors même que nous avions adopté l’Accord de Paris.
De ce non-choix, de ce flou juridique a résulté une situation intenable, puisque nous étions contraints, par les simples injonctions de la justice, de renouveler les permis et d’en attribuer d’autres, tout en sachant bien que cela n’était pas conforme à notre ambition de chef de file dans la lutte contre le changement climatique. Ce texte aura entre autres mérites de clarifier la situation. Lorsque j’ai pris mes fonctions de ministre, j’ai moi-même découvert cette situation où prévalait un droit inadapté aux enjeux de notre siècle, où le droit de suite régnait en maître et empêchait le Gouvernement de refuser tout nouveau permis, alors même que nous savions que c’était contraire à nos objectifs de lutte contre le changement climatique.
Je veux maintenant vous préciser rapidement ce qu’est la philosophie du Gouvernement, pour que cette transition puisse être assumée.
Se pose d'abord la question des entreprises, des filières industrielles et des emplois. D’ici à 2040, une échéance à la fois proche et lointaine – c’est la vertu de la progressivité de ce projet de loi –, je pense que nous aurons le temps de construire, avec les entreprises, les salariés et, parfois, les collectivités, les évolutions nécessaires, pour ne laisser personne de côté.
Nous allons vite. Nous avons d'ores et déjà commencé à dialoguer avec les acteurs qui s’y préparent, pour identifier les compétences qui vont devoir se transformer et, dans le même temps, appréhender les reconversions possibles.
Je ne doute absolument pas que les énergies renouvelables puissent offrir des solutions de reconversion intéressantes, par exemple avec la géothermie. Des passerelles peuvent et devront être tissées entre ces acteurs. Cependant, et c’est d’ailleurs un sujet que j’ai évoqué avec Muriel Pénicaud, il faudra évidemment que des formations puissent également être proposées aux salariés.
Nous travaillerons avec les territoires qui seront concernés, pour que leur avenir ne dépende plus de la seule exploitation des énergies fossiles, mais s’appuie bien sur une diversité de ressources et d’activités.
En fait, tout bien considéré, ce projet de loi ne fait qu’accélérer un rythme normal, qui est celui de l’exploitation des ressources naturelles : il y a toujours eu des gisements qui s’épuisaient et des exploitations qui s’arrêtaient.
Ce sera aussi la logique des contrats de transition écologique que nous souhaitons élaborer, en 2018, avec, pour commencer, une quinzaine de territoires, dont certains pourraient justement faire partie de ceux qui sont concernés par l’arrêt de l’exploitation des hydrocarbures.
Pour être très franc avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, le contenu de ces contrats est encore à inventer. Il doit être élaboré collectivement, avec les territoires et les entreprises concernés. Les contrats doivent présenter une certaine souplesse pour pouvoir s’adapter à chacun des cas, mais ils reposeront évidemment sur une mobilisation interministérielle des services nationaux, mais aussi, et surtout, territoriaux de l’État, avec l’aide de l’ensemble de nos opérateurs.
Ce sont environ 3 500 emplois qu’il faudra réinventer d’ici à 2040. C’est beaucoup, mais cet objectif ne me semble pas hors de portée compte tenu des gisements d’emplois qui pourront aussi se développer dans les autres domaines. Ainsi, l’éolien a permis, pour la seule année 2015, la création de près de 2 000 emplois. Le solaire, qui a connu un repli dans les années 2010-2014, repart à la hausse et crée lui aussi, chaque année, de nombreux emplois, lesquels sont répartis de manière assez équitable sur l’ensemble du territoire.
J’en profite d’ailleurs pour préciser que le Gouvernement a déposé, à l’Assemblée nationale, un amendement, qui a été adopté, visant à simplifier le raccordement des installations d’énergies renouvelables en mer.
Mais ce projet de loi est aussi une partie de notre réponse à ceux qui, notamment de l’autre côté de l’Atlantique, ont tenté de faire dérailler l’Accord de Paris, sans y parvenir tout à fait – mais ils ont entravé quelque peu son mouvement. En effet, contrairement à ceux qui jouent en solitaire, nous préférons être une nation solidaire.
Nous sommes donc là pour démontrer, qu’on le veuille ou non, que le train de l’Accord de Paris va quitter la gare, laissant sur le quai ceux qui pensent que l’économie du XXe siècle est la solution. J’espère que, grâce à vous – j’ai bien conscience que cela ne se fera pas sans vous –, cette dynamique va s’accélérer.
Oui, il faut maintenir l’Accord de Paris dans son intégrité. Cet accord est irréversible, d’abord parce que l’on ne négocie pas avec l’avenir de nos enfants ! Au-delà de cette formule usitée, si les mots ont un sens, si les rapports scientifiques en ont un, c’est bien cela qui est en jeu. C’est bien pour cela que, au-delà des différences culturelles, politiques, économiques, il serait presque indigne que, sur un tel sujet, d’habituelles divisions ou postures puissent resurgir – cela n’empêche pas des divergences d’appréciation –, au moins sur l’importance de l’objectif, qui conditionne tout ce qui est important à nos yeux.
En effet, si l’on regarde les scénarios du pire, dont nous ne sommes pas si éloignés, tous les acquis démocratiques et civilisationnels seront mis à mal par l’effet domino des conséquences des changements climatiques.
Ce projet de loi comporte aussi plusieurs dispositions qui permettent de répondre aux défis du climat, mais aussi de la sécurité de l’approvisionnement énergétique que nous devons aux consommateurs. Il ne vous a peut-être pas échappé, mesdames, messieurs les sénateurs, que, l’hiver dernier, nous ne sommes pas passés très loin d’un problème d’approvisionnement.
Ainsi, les articles 4 et 5 du projet de loi vont permettre d’engager, et c’est très important, une réforme du stockage souterrain de gaz naturel, pour à la fois améliorer notre système de stockage et mieux le réguler, préciser les compétences de la Commission de régulation de l’énergie et favoriser une concurrence juste et, surtout, sans surrémunération de certains acteurs.
Quant aux articles 6 et 7, ils transposent simplement des directives européennes. La première porte sur la qualité des biocarburants, afin simplement d’éviter que ceux-ci aient une empreinte carbone trop élevée, en provoquant, par exemple, la déforestation. La seconde directive prévoit la réduction des émissions de certains polluants de l’air, toujours avec ce même souci de protéger les Français et la planète.
Enfin, la prochaine étape, que je tiens à évoquer ici, pour avoir été interpellé à plusieurs reprises sur un certain nombre de sujets qui ne figurent pas dans le projet de loi, sera une réforme du code minier. Cette dernière s’appuiera notamment, dans le courant de l’année 2018, sur les débats qui ont déjà été menés au Sénat sur ce dossier, particulièrement sensible et, du reste, volumineux.
Aujourd’hui, avec le présent projet de loi, je pense que nous mettons fin, même si ce n’est peut-être pas de manière définitive, à cette hypothèque sur notre nature et sur notre futur. Nous donnons une chance à notre pays, qui n’a pas que des idées pour remplacer le pétrole, mais qui a bien aussi un projet de société et toute une gamme de solutions.
J’aspire à un consensus sur ce projet juste, humaniste, solidaire qui, s’il en est encore besoin – je pense toutefois que ce temps est révolu –, va démontrer que non seulement l’environnement – ou l’écologie, peu importe le vocable – n’est pas l’ennemi du développement de l’économie, mais qu’il en est justement la condition et l’opportunité.
C’est cette volonté d’une transition écologique et solidaire que j’aimerais construire et porter avec vous. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, en interdisant une production nationale qui couvre à peine 1 % de nos besoins en pétrole et 0,1 % en gaz, le Gouvernement a choisi le symbole au détriment de l’efficacité. (Mme Françoise Cartron et M. Roland Courteau s’exclament.) Or, si la politique est parfois faite de symboles, les symboles ne suffisent pas à faire une politique.
En premier lieu, il n’est pas question de contester l’urgence à agir pour le climat. D’ailleurs, sur ce sujet, le Sénat, notre commission en particulier, a prouvé sa détermination. Je rappelle que c’est grâce au soutien de notre commission qu’a été fixée une trajectoire ambitieuse de hausse de la taxe carbone dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. C’est encore le souci du climat qui a guidé notre défense d’un mix de production électrique décarboné reposant sur ses deux pieds, le nucléaire et les énergies renouvelables. Et, chaque fois que notre commission a dû se prononcer sur des textes européens, elle a plaidé pour une tarification la plus incitative possible du carbone.
Sur ces questions, le Sénat a toujours défendu une vision à la fois ambitieuse et pragmatique. Or, où est le pragmatisme dans ce texte, dont le Gouvernement insiste sur la portée éminemment symbolique, le caractère pionnier et l’effet d’entraînement recherché sur d’autres pays ? Et qui peut raisonnablement imaginer que les grands pays producteurs d’hydrocarbures renonceront à leur rente pétrolière pour suivre l’exemple français, bien qu’ils soient pour la plupart signataires de l’Accord de Paris ?
Une autre voie était possible pour agir sur le climat. Elle consistait à traiter le problème à la racine, c’est-à-dire par la consommation. Les hydrocarbures représentent encore plus des trois quarts de notre consommation énergétique finale. Dès lors, comment atteindre l’objectif d’une baisse de la consommation des énergies fossiles de 30 % en 2030 ?
C’est la question à laquelle devrait prioritairement répondre le Gouvernement. Les pistes sont du reste nombreuses, bien qu’elles soient plus difficiles à mettre en œuvre et plus coûteuses, au moins à court terme, qu’une interdiction de la production nationale, qui fait office de paravent bien commode. Il faudrait, en particulier, « muscler » les dispositifs d’aide à la conversion des véhicules, développer de nouvelles solutions de mobilité, relancer le transport ferroviaire, maritime et fluvial de marchandises, renforcer les aides à la rénovation thermique des bâtiments plutôt que de tenter de les diminuer.
Derrière le symbole de l’interdiction, il y a surtout une réalité économique, sociale, industrielle et environnementale que l’on ne saurait ignorer, celle des 1 500 emplois directs et 4 000 emplois indirects de l’exploration-production sur le territoire national qui vont disparaître sans que la question de la reconversion soit abordée autrement que par la promesse d’un rapport et par l’annonce de « contrats de transition écologique et solidaire » dont le contenu comme les moyens restent à préciser.
Au-delà de ces conséquences immédiates, on pressent déjà une perte d’attractivité auprès des jeunes, qui n’iront pas vers ces métiers, et une dégradation de l’image de la France aux yeux des investisseurs étrangers. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe La République En Marche.)
Certes, la logique d’une interdiction à l’échelle nationale aurait pu se justifier si elle contribuait véritablement à lutter contre le réchauffement climatique. Or, en remplaçant une production nationale, même limitée, par des hydrocarbures importés par voie terrestre ou maritime et parfois produits en usant de techniques moins respectueuses de l’environnement, on dégrade notre bilan carbone plutôt qu’on ne l’améliore, puisque l’empreinte carbone du pétrole importé serait au moins trois fois supérieure à celle du pétrole produit localement.
Le Gouvernement objecte que, en raison de la baisse supposée de la consommation, une telle substitution n’aura pas lieu, puisque le 1 % de la consommation couvert par la production nationale aura disparu. Or il restera toujours une part de la consommation que l’on aurait pu satisfaire par la production nationale, sauf à supposer une consommation nulle, mais ce n’est pas demain la veille.
Vous l’aurez compris, notre commission n’adhère pas à l’option retenue par le Gouvernement.
M. Roland Courteau. Nous l’avons compris !
Mme Françoise Cartron. Ça oui !
M. Joël Labbé. Cette position ne fait pas l’unanimité dans la commission !
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Toutefois, une opposition frontale ne permettrait pas au Sénat d’enrichir le projet de loi. C’est pourquoi nous avons fait un autre choix : celui d’équilibrer le texte, en préservant la recherche pour ne pas insulter l’avenir, en limitant l’atteinte aux droits acquis pour que l’État tienne sa parole et, au passage, pour qu’il n’ait pas à payer d’indemnisations très importantes et, enfin, en autorisant les usages vertueux dont il serait dommage de se priver par dogmatisme.
Afin de préserver la recherche, nous avons introduit une dérogation pour la recherche réalisée sous contrôle public à seules fins de connaissance géologique du sous-sol, de surveillance ou de prévention des risques miniers.
Afin de limiter l’atteinte aux droits acquis, nous avons prévu les « mesures transitoires plus substantielles » suggérées par le Conseil d’État pour traiter les demandes en cours d’instruction, tout en préservant le principe d’une interdiction à l’horizon 2040. La loi ne s’appliquera qu’aux demandes déposées après le 6 juillet 2017, qui est la date de présentation du plan Climat, afin d’éviter tout effet d’aubaine, à l’exception de l’encadrement du droit de suite qui, lui, vaudra y compris pour le passé. Les concessions qui pourraient en résulter ne pourront donc excéder le 1er janvier 2040. J’ajoute que, même dans l’hypothèse où la quarantaine de demandes d’octroi de permis concernées serait accordée, dès lors que, statistiquement, un permis de recherche sur dix aboutit à une exploitation, il ne serait question que de quatre ou cinq concessions au plus, et encore celles-ci devraient-elles cesser en 2040.
J’y insiste, il s’agirait non pas d’attribuer de « nouvelles concessions », mais uniquement de respecter les demandes déjà déposées, que l’administration se refuse à traiter depuis des années parce qu’elle serait contrainte d’y faire droit en application du code minier actuel.
Enfin, notre commission a autorisé les usages vertueux des hydrocarbures en étendant une dérogation déjà ajoutée à l’Assemblée nationale et en créant une nouvelle dérogation. En effet, pour permettre la poursuite de l’exploitation du soufre dans le bassin de Lacq, nos collègues députés ont autorisé l’exploitation des hydrocarbures dits « connexes ».
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Mais cette dérogation, pensée uniquement pour le gaz de Lacq, ne trouvait pas à s’appliquer aux hydrocarbures liquides connexes, dont la situation est pourtant comparable et qui contribuent à une valorisation locale de nos ressources.
Mme Françoise Cartron. Non !
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Deux exemples illustrent l’intérêt d’une telle exception : l’exploitation de pétrole permet déjà de chauffer gratuitement, à Parentis-en-Born, une dizaine d’hectares de serres de tomates et, dans le bassin d’Arcachon, les 450 logements que comportera à terme un écoquartier, grâce aux calories récupérées de l’eau issue du processus de production du pétrole. Sans valorisation du pétrole, cette activité de production de chaleur devrait cesser, faute de modèle économique, et de tels projets ne pourraient pas être développés à l’avenir. Nous avons donc adapté la dérogation pour couvrir tous ces cas.
La seconde dérogation concerne les hydrocarbures destinés à un usage non énergétique dont l’utilisation finale du produit n’émet pas de gaz à effet de serre, puisqu’il n’y a pas de combustion. Les exemples de débouchés sont très nombreux : bitumes, lubrifiants, cires, colles, textiles synthétiques ou matières plastiques, autant de produits dont nous aurons évidemment encore besoin en 2040. Ces hydrocarbures produits localement viendront alimenter nos filières nationales, qui, sans cela, devraient recourir à des importations.
Pour finir sur le volet « hydrocarbures », j’indiquerai simplement que notre commission a fait en sorte que l’encadrement du droit de suite préserve la rentabilité de l’activité. Enfin, elle n’a pas souhaité rouvrir le débat sur l’interdiction des techniques dites « non conventionnelles ».
J’aborderai brièvement deux autres mesures importantes du texte.
La première est la réforme du stockage souterrain du gaz naturel, sujet sur lequel le Gouvernement avait déjà été habilité à légiférer, mais n’avait pu aboutir dans le délai imparti. Compte tenu de l’urgence de la réforme et de son état d’avancement, notre commission a préféré l’inscrire dans la loi plutôt que de renvoyer à une nouvelle ordonnance. Je vous proposerai simplement quelques derniers ajustements techniques.
La seconde mesure importante a été introduite à l’Assemblée nationale par voie d’amendement gouvernemental, alors que son lien avec le texte initial est loin d’être avéré. Elle vise à réformer les conditions de raccordement des énergies renouvelables en mer. En s’inspirant du modèle en vigueur dans les pays nordiques, qui a prouvé son efficacité, elle devrait permettre de réduire les délais de réalisation ainsi que les coûts de soutien pour la collectivité. Aussi, malgré nos réserves sur la forme, nous approuvons la réforme sur le fond. Nous sommes simplement allés au bout de sa logique en étendant les cas d’indemnisation possibles du producteur dans l’hypothèse d’une indisponibilité du raccordement.
Enfin, en matière de distribution d’électricité, notre commission a souhaité mieux encadrer la notion de réseaux intérieurs créée à l’Assemblée nationale, pour sécuriser le monopole de la distribution publique et préserver la péréquation tarifaire, à laquelle nous sommes tous ici très attachés.
Tels sont, mes chers collègues, les principaux apports de notre commission.
J’ajouterai, pour terminer, que l’examen en séance sera l’occasion de traiter un sujet sur lequel nombre d’entre vous ont été sensibilisés : je veux parler de la concurrence déloyale de certains biocarburants importés et du danger qu’elle représente, à très court terme, pour la filière française. Après analyse, il nous semble que l’urgence de la situation justifie qu’un dispositif transitoire de protection soit mis en place, en attendant que la plainte déposée devant la Commission européenne aboutisse.
Sous le bénéfice de l’ensemble de ces amendements, je vous proposerai d’adopter le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Jean-Marc Boyer, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, la France est mobilisée depuis plusieurs années pour la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre.
Dans le cadre de l’Accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015, elle s’est engagée à agir pour contenir l’augmentation de la température moyenne mondiale en dessous de 2 degrés par rapport aux niveaux préindustriels.
Lutter contre le réchauffement climatique nécessite avant tout de réduire notre consommation d’énergies fossiles, qui participent à hauteur de 70 % aux émissions de gaz à effet de serre en France. D’où notre regret, monsieur le ministre d’État, que le projet de loi que vous présentez ne comporte aucune mesure relative à la baisse de la consommation d’hydrocarbures et qu’il se limite à organiser la fin de la production de pétrole et de gaz sur le territoire national à l’horizon 2040.
Monsieur le ministre d’État, vous parlez de course contre la montre pour lutter contre le réchauffement climatique, mais cette course doit s’organiser en équipe, en partenariat, en concertation avec les autres pays européens pour être efficace et pour dépasser la portée symbolique des mesures envisagées.
Certes, vous avez plusieurs fois rappelé que ce texte ne devait pas être appréhendé seul et qu’il serait accompagné ultérieurement de mesures relatives à la réduction de la consommation énergétique et au développement des énergies renouvelables.
Cependant, si nous comprenons l’urgence qu’il y a à réduire l’utilisation des énergies fossiles, la décision d’arrêter la production nationale d’hydrocarbures d’ici à 2040 nous paraît incohérente, pour deux raisons.
Premièrement, 45 % de l’énergie finale consommée en France provient aujourd'hui du pétrole, contre 22 % pour l’électricité et 19 % pour le gaz. Bien sûr, il est souhaitable que la part du pétrole baisse, mais, selon certaines estimations, elle s’établira encore à 50 millions de tonnes en 2040, contre 75 millions de tonnes aujourd’hui.
Deuxièmement, la décision de mettre fin à la production nationale d’hydrocarbures pourrait donc paradoxalement conduire à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre, puisque la France devra substituer à cette production des importations d’hydrocarbures, qui génèrent beaucoup plus d’émissions de C02. En effet, selon certaines estimations, une tonne de pétrole produite en France émet trois fois moins de C02 qu’une tonne de pétrole importée. Nous risquons surtout de remplacer du pétrole et du gaz conventionnels par l’importation d’hydrocarbures non conventionnels, dont les modalités d’extraction et de transport sont dommageables pour l’environnement et fortement émettrices de gaz à effet de serre.
Il s’agit d’un débat important. C’est aussi un débat d’actualité si l’on pense aux négociations entre l’Union européenne et le Canada sur l’accord économique et commercial global, le CETA. Dans son rapport au Premier ministre sur l’impact du CETA sur l’environnement, le climat et la santé, la commission indépendante mise en place rappelle que l’extraction et la consommation de pétrole brut issu des sables bitumineux canadiens génèrent un volume de gaz à effet de serre 41 % plus élevé que pour le pétrole classique.
Ce projet de loi aurait dû, à notre sens, être assorti d’une réflexion quant à la mise en place d’un traitement différencié – par exemple, une taxation différenciée – des hydrocarbures importés en fonction du bilan carbone qu’ils présentent sur l’ensemble de leur cycle de vie.
Malgré cette réserve de taille quant à la portée et aux effets du texte, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, saisie pour avis, n’a pas souhaité s’opposer à celui-ci, mais a cherché à en améliorer le contenu.
La principale mesure du projet de loi vise à mettre progressivement fin à la recherche et à l’exploitation d’hydrocarbures en France d’ici à 2040.
Au regard du volume de la production nationale d’hydrocarbures, qui couvre 1 % de notre consommation annuelle, les effets de cette mesure seront doubles. Sur le plan de l’emploi et de l’activité, d’une part, les effets seront vraisemblablement limités. En termes d’investissements et d’innovation, d’autre part, cette mesure pourrait avoir un impact négatif sur l’ensemble de la filière pétrolière et gazière, en décourageant à l’avenir les investissements de recherche et de développement dans ces secteurs. Or ces investissements sont facteurs d’innovations, lesquelles profitent bien souvent à l’ensemble de la filière énergétique française.
Continuer à investir dans la recherche et la connaissance de notre sous-sol est essentiel.
C’est pourquoi nous avons souhaité, avec ma collègue rapporteur de la commission des affaires économiques, Mme Élisabeth Lamure, prévoir explicitement que les activités de recherche sur les hydrocarbures réalisées sous contrôle public à des fins d’amélioration de la connaissance scientifique continueront à être autorisées. Bien entendu, ces activités de recherche ne pourront pas déboucher sur une exploitation des gisements.
S’agissant des autres dispositions contenues dans le texte en matière d’énergie et d’environnement, je me limiterai à saluer la réforme des modalités de financement du raccordement des installations d’énergies renouvelables en mer prévue à l’article 5 bis.
Pour terminer, le projet de loi pose le problème de la vision globale de notre politique énergétique. En effet, on ne peut pas à la fois mettre fin à l’exploitation des énergies fossiles, développer les énergies renouvelables et réduire considérablement notre parc nucléaire sans remettre en cause notre indépendance énergétique et sans que la facture payée par les consommateurs augmente significativement.
Nous ne sommes pas résignés, monsieur le ministre d’État, mais cette transition énergétique doit s’accompagner avant tout d’une révolution idéologique et philosophique qui doit dépasser largement les frontières françaises et européennes.
Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, telle est la position de notre commission sur ce projet de loi, dont vous avez compris qu’il ne nous satisfait qu’à moitié. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, les membres du groupe socialiste et républicain soutiennent volontiers la démarche engagée par M. le ministre d’État, car il y a urgence et parce que le temps joue contre nous.
Il n’est pas exagéré, en effet, de considérer que le sort du monde se joue en partie, de nos jours, dans la capacité des pays à se mobiliser contre le chamboulement climatique.
Qui n’a pas encore constaté que les catastrophes climatiques que nous subissons partout sur la planète démontrent largement la vulnérabilité des sociétés humaines devant la force de la nature lorsqu’elles sont construites dans le déni de l’environnement ? Il n’y a que le président des États-Unis qui ne semble ni le constater ni le comprendre.
Comme cela a déjà été cité, « pour la première fois, l’Humanité est en mesure d’anéantir sa propre espèce ». Voilà pourquoi il est devenu urgent de passer d’une société fondée sur une consommation abondante d’énergies fossiles à une société plus sobre et écologiquement plus responsable.
C’est tout l’enjeu de la loi relative à la transition énergétique, c’est tout l’enjeu de ce projet de loi très volontariste, qui annonce clairement que la France s’engage dans la sortie des énergies fossiles, et c’est tout l’enjeu de l’Accord de Paris.
Dans cet environnement mondial chamboulé au plan climatique, dans ce monde plein d’incertitudes géopolitiques, il n’est pas de meilleure réponse aux enjeux écologiques, climatiques, économiques et sociaux. Et la France, par son exemplarité en ce domaine, peut contribuer à assurer le succès de l’ordre de mobilisation des nations contre le changement climatique. « Impossible ! », diront les sceptiques. Mais, comme le disait Nelson Mandela, « cela paraît toujours impossible jusqu’à ce que ce soit fait. »
Saluons ce texte qui permet enfin de franchir l’étape du passage à l’acte. Vous nous proposez, monsieur le ministre d’État, un texte qui va au-delà du symbolique, un texte de rupture qui bouscule les vieilles lunes et en termine avec le laisser-faire et le laisser-aller consistant à reporter les décisions difficiles sur les générations futures. Nous savons que le temps joue contre nous. Nous ne pouvons plus attendre, comme certains le pensent, qu’une main invisible – en l’occurrence, celle du marché – le fasse à notre place.
Notre modèle énergétique n’est plus durable. Dès lors, il s’agit, avec ce projet de loi, d’accélérer la transition tout en commençant par nous libérer des énergies fossiles.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Nous sommes d’accord, mais rien ne figure dans le texte !
M. Roland Courteau. Et, pour s’en libérer, il faut commencer par réduire nos consommations d’énergies fossiles. Il faut être cohérent ! Force est de le constater, nous avons en France un immense gisement d’énergie, celui des économies d’énergie, et particulièrement dans le domaine des transports. « L’avenir de l’automobile, c’est l’électricité », disait Thomas Edison à Henry Ford. Ainsi, quatre-vingt-sept ans plus tard, nous commençons à lui donner raison.
Reste l’autre bataille, celle de la rénovation thermique dans le secteur du bâtiment, et notamment dans celui du logement. Il faut faire sauter le mur de l’argent et l’indifférence de certains propriétaires qui font obstacle au lancement des travaux.
Reste, enfin, le chantier du développement des énergies renouvelables, où nous devons lever les freins de l’administration dans nos territoires.
La première révolution industrielle s’est appuyée sur le charbon ; la deuxième fut l’alliance de l’électricité avec le moteur fonctionnant au pétrole. Nul doute que la troisième révolution industrielle alliera la technologie d’internet et les énergies renouvelables.
Enfin, il faut aller dans le sens de la social-écologie, car, ne l’oublions pas, quand les conditions de vie se détériorent à cause d’un environnement dégradé, ce sont les plus faibles, les plus précaires qui en subissent les conséquences les plus graves.
Le texte que vous nous proposez est à la fois audacieux et courageux. Il s’agit aussi d’un texte responsable en ce qu’il donne de la visibilité aux territoires impactés et accorde du temps aux entreprises pour s’adapter à la mutation des filières. Il convient d’ores et déjà de prévoir de solides mesures d’accompagnement et d’apporter des garanties concrètes aux territoires en transition.
J’en termine en rappelant que, à l’issue des travaux en commission, nous nous sommes abstenus, non sans regret. Certains points d’achoppement sont apparus au travers des amendements adoptés : trop d’exceptions, trop de dérogations ont rompu l’équilibre du chapitre Ier. Nous défendrons donc plusieurs amendements visant à rétablir cet équilibre. Prenons garde de ne pas offrir un cheval de Troie à ceux qui veulent que rien ne change.
Nous sommes assez d’accord sur la rédaction des autres chapitres et articles retenue par la commission – à quelques exceptions près, sur lesquelles je reviendrai. Nous approuvons notamment la transposition des directives sur les biocarburants et sur la réduction des polluants atmosphériques, à l’origine de milliers de morts.
Nous espérons que le Sénat préservera toute sa force à votre projet de loi, monsieur le ministre d’État, que nous saluons. S’il est vrai que « le futur n’attend pas », alors il nous faut contribuer très vite à l’inventer. Gardons confiance, en cette période de COP23. Comme l’a dit Friedrich Hölderlin, « là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve » – enfin, je l’espère… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels. C’est assurément un sujet d’importance pour notre pays au lendemain de l’accord climatique de Paris, sur lequel nous avons adopté une résolution à l’unanimité dans cet hémicycle, et à l’heure où Bonn accueille la COP23 – nouvelle importante échéance internationale des négociations sur le changement climatique.
Alors que les États-Unis ont décidé de se retirer de cet accord international sur la préservation de l’environnement, la France a plus que jamais un rôle de pilote. Pour préserver le consensus mondial, nous devons agir et faire preuve de courage en nous appliquant des règles exemplaires en matière de politique énergétique. Le projet de loi répond à cette ambition en réaffirmant nous objectifs de lutte contre le changement climatique tout en préservant nos mécanismes de sécurité d’approvisionnement.
Vous l’avez souligné, monsieur le ministre d’État, ce texte est une pierre angulaire. Pour réussir le pari d’une limitation de l’augmentation des températures mondiales en deçà de 2° C, le pic d’émissions de gaz à effet de serre devra survenir, au plus tard, en 2020. Il faut donc aller vite et frapper fort en éliminant le plus rapidement possible l’usage des hydrocarbures.
Le 30 octobre dernier, l’Organisation météorologique mondiale a publié son bulletin annuel, s’inquiétant d’une hausse dangereuse de la température et rappelant que, « la dernière fois que la Terre a connu une teneur en CO2 comparable, c’était il y a trois à cinq millions d’années : la température était de 2 à 3° C plus élevée et le niveau de la mer était supérieur de dix à vingt mètres par rapport au niveau actuel » en raison de la fonte des nappes glaciaires.
Mes chers collègues, le temps presse. En 2016, les températures de surface de la mer ont été les plus élevées jamais constatées. La hausse du niveau moyen de la mer s’est poursuivie, menaçant même certains pays océaniques de disparition totale. Ce phénomène, ne nous y trompons pas, touche également notre pays : sur la base d’une hausse du niveau des mers d’un mètre d’ici à 2100, la Camargue, l’estuaire de la Gironde seront profondément remodelés ; la vallée de l’Adour, la Vendée, une bonne partie du littoral de la Charente-Maritime et de la Somme, département qui m’est cher, seront submergées. Je ne parle pas de nos outre-mer, territoires ô combien solidaires des Îles Fidji qui président aujourd’hui la COP23.
Faisons preuve de lucidité en prenant à bras-le-corps cette problématique et en nous engageant en faveur d’une neutralité carbone de notre pays.
Le projet de loi va dans le bon sens : il met fin à l’exploitation d’énergies polluantes, conforte nos engagements en matière de réduction des émissions de polluants atmosphériques et de promotion des énergies vertes et il assure, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre d’État, à travers ses articles 4 et 5, la sécurité d’approvisionnement des Français pour protéger notre pays dans un monde où l’énergie sera, plus que jamais, un motif de conflit et de compétition internationale.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires exprime par ma voix une réelle et sincère sensibilité sur ces problématiques climatiques. Il apporte donc son plein et entier soutien à cette initiative de révision de notre politique énergétique. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », disait le président Chirac. Nous ne pouvons continuer de détourner le regard.
Les travaux de l’Assemblée nationale ont saisi toute l’ampleur de ce texte pour l’avenir de notre planète et de notre pays. L’ajout du charbon dans la liste des substances interdites – 6 800 centrales à charbon fonctionnent actuellement dans le monde ; ce n’est pas rien, et il ne sera pas aisé de les supprimer –, l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation du gaz de schiste, au cas où une autre technique que la fracturation hydraulique pourrait être employée, ou l’information du consommateur sur le type de gaz fourni sont autant d’initiatives qui vont dans le bon sens.
Pour autant, nous appelons à une certaine vigilance. L’argument de la protection de l’environnement ne doit pas faire entrave à notre nécessaire capacité d’innovation, de progrès et de recherche. Il ne faut pas tomber dans l’excès inverse.
En commission des affaires économiques, au Sénat, le vote d’une dérogation pérenne pour la recherche réalisée sous contrôle public, à seule fin de connaissance géologique du sous-sol, de surveillance ou de prévention des risques miniers, pourrait aller dans le sens d’une forme de logique et de raison. Nous verrons, au cours du débat, comment les choses évoluent sur ce sujet.
Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants - République et Territoires suivra les débats avec bienveillance et avec le souci d’accompagner ces propositions vers une rédaction à la fois protectrice pour la planète et pour nos concitoyens.
Adaptons-nous pour ne pas nous résigner. Prenons l’initiative plutôt que de nous voir imposer des décisions. Plus tard nous agirons, plus la marche à gravir sera haute et plus les choses seront difficiles. L’écologie n’est pas une contrainte, c’est une chance : l’inaction nous coûtera plus cher que l’action.
Ces engagements ne font pas seulement de la France un pays pilote. Ils peuvent nous donner également une longueur d’avance dans la course commerciale et technologique de demain. Ne cédons pas au fatalisme du « c’est trop difficile, on n’y arrivera jamais »… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, j’ai une double incompréhension.
Votre texte, monsieur le ministre d’État, notamment son article 1er, a un mauvais bilan écologique – cela a déjà été dit très clairement ; je n’y reviens donc pas. Il a également un mauvais bilan économique : il va juste alourdir, pendant une vingtaine d’années, le déficit de notre commerce extérieur, plaie de notre pays qui nous prive des moyens de conduire des bonnes politiques. Il a en outre un mauvais bilan en termes d’emplois. On connaît le nombre de chômeurs ; or c’est un texte gouvernemental qui va accroître encore un peu plus le nombre d’emplois qui vont être supprimés.
Monsieur le ministre d’État, vous nous aviez habitués à plus de talent pour trouver des solutions innovantes. Ce texte est purement dogmatique, c’est seulement un geste, histoire de dire qu’on a fait quelque chose, alors que, en réalité, on ne fait rien. Moi, je suis prêt à me battre à vos côtés, aux côtés de tous ceux qui le veulent, en faveur des énergies renouvelables, et de toutes les innovations en la matière – et Dieu sait s’il y en a ! Je suis aussi prêt à me battre pour le maintien d’une filière que je continue de considérer comme environnementalement bonne, à savoir la filière nucléaire. Nous avons beaucoup de choses à faire bien plus utiles que de voter ce texte qui n’est qu’un geste.
Mes chers collègues de la commission, vous avez repris tous les arguments que j’avais développés dans mes amendements. Vous les avez fait figurer dans votre communiqué de presse, mais vous n’avez pas eu le courage d’en tirer les conséquences. Or quand un texte est mauvais, il est mauvais (M. Roland Courteau s’esclaffe.), et on ne le vote pas.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. On peut l’améliorer !
M. Philippe Adnot. On peut améliorer les autres parties du texte, mais, l’article 1er, si l’on dit publiquement qu’il est mauvais, eh bien, on ne le vote pas !
Vous savez que j’ai beaucoup de sympathie pour vous et que je suis prêt à vous soutenir en beaucoup de circonstances, mais là, pour le coup, on ne va pas dans la bonne direction. Nous avons tellement à faire pour relever les défis qui nous attendent en matière de stockage d’énergie ou d’énergies renouvelables, par exemple.
N’ayant pu redéposer mes amendements en raison des conditions de délai, j’ai décidé de me rallier au texte proposé par mes amis Marnais. Si nous l’adoptons, cela reviendra à accorder à la commission ses aménagements et à faire en sorte que l’article 1er ne s’applique pas. Je vous remercie par avance, mes chers collègues, de nous soutenir. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Férat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, écologiste rattaché au groupe du RDSE – et bien intégré en son sein, je tiens à le préciser –, c’est avec plaisir que j’interviens en son nom sur ce projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures. Ce texte nous permet de porter nos regards vers 2040, c’est-à-dire vers le moyen et le long terme. De tels textes sont trop rares.
Comme vous, monsieur le ministre d’État, je tiens à souligner combien il est symbolique que les Îles Fidji, directement menacées par le dérèglement climatique, président la COP23. Sur la seule année 2016, selon une étude publiée par Oxfam, 23,5 millions de personnes auront été déplacées. Et le phénomène va continuer !
Deux ans déjà se sont écoulés après l’accord historique de la COP21. N’oublions pas la barrière des 2 degrés qui va être difficile à tenir. Pour y parvenir, il est scientifiquement avéré que 80 % des ressources carbonées doivent rester dans le sous-sol. La bataille contre les émissions de carbone, loin d’être gagnée, est engagée. Nous avons le devoir de l’emporter !
Nous devons parvenir à stabiliser, puis à réduire rapidement, les émissions de gaz à effet de serre. Certains scientifiques estiment qu’il faudrait, pour avoir une chance de succès, atteindre l’inversion de la courbe dès 2020.
Nous possédons déjà l’ensemble des technologies qui nous permettront de faire face aux enjeux : les énergies renouvelables et le développement des économies d’énergie, l’économie circulaire, les transports décarbonés… On en parle trop peu, car tout chez nous est segmenté, mais j’ajouterai aussi l’agriculture, dont l’impact carbone peut – et doit – devenir positif pour le climat. Sur ce dernier point, je vais être quelque peu hors sujet, tout en restant dans le sujet. (Sourires.)
Lors de l’examen du texte relatif à la transition énergétique, lequel portait aussi notre regard au-delà de la prochaine décennie, le groupe écologiste a introduit dans la stratégie bas-carbone la notion de 4 pour 1000 en agriculture, sur des bases scientifiques, devenue, lors de la COP21, un projet de recherche internationale.
Quel est ce mécanisme ? Si nous parvenons à accroître le stockage naturel du carbone atmosphérique dans les sols de seulement 4 pour 1000, soit 0,4 % par an, nous pouvons stocker l’équivalent carbone des émissions totales annuelles de l’Humanité. Il s’agit d’un levier extrêmement puissant permettant d’atteindre plus rapidement l’inversion de la courbe des émissions pendant la phase de transition qui nous conduira vers une économie décarbonée. Je souhaitais rappeler cette avancée, qui permet de considérer l’agriculture comme un atout dans la lutte contre le changement climatique et non plus comme un problème.
Cette initiative internationale, si elle est poursuivie et menée à son terme, doit permettre de concilier les objectifs de sécurité alimentaire – essentiels – et de lutte contre les changements climatiques en soutenant de meilleures pratiques agroécologiques, dont l’agriculture biologique, respectueuses des équilibres environnementaux, de la biodiversité et de la vie du sol, biomasse d’une extraordinaire richesse. Pour y parvenir, il faudra non seulement une directive européenne visant à la préservation des sols, mais aussi une convention internationale. Il faudra, enfin, sortir les productions alimentaires du grand marché mondial.
J’en viens au fond de ce texte, dont tout le monde souligne la portée symbolique, la France ne produisant que 1 % des hydrocarbures qu’elle consomme. Mais il s’agit ici de montrer l’exemple, et nous vous rejoignons, monsieur le ministre d’État, en renonçant à exploiter nos richesses énergétiques fossiles et en nous concentrant vers les ressources d’avenir.
Certains ont pointé une incohérence : si nous devons nous priver d’exploiter nos propres ressources et que, dans le même temps, nous importons des combustibles fossiles dont le bilan carbone est moins bon, nous aurons raté notre objectif. Il faudra donc être vigilant sur ces questions, notamment dans le cadre du CETA.
L’amendement de la commission du développement durable, qui visait à apporter une réponse à cette problématique n’a pas fait long feu lors de son examen en commission, ce matin. Nous pourrons toutefois en discuter de nouveau cet après-midi.
La version de ce texte issue des travaux de l’Assemblée nationale était très modérée ; celle de notre commission des affaires économiques est, hélas ! plus que timorée.
Je relèverai deux points majeurs : les importations d’hydrocarbures issus des sables bitumineux et celles de biocarburants issus de l’huile de palme dont l’effet sur le climat est trois fois pire que le gazole, issu du pétrole. Il va falloir apporter une réponse à ces deux questions.
J’espère, mes chers collègues, que nous saurons revenir à un texte plus ambitieux qui puisse servir d’exemple à travers le monde et renforcer la position de la France dans la diplomatie climatique, aujourd’hui toujours plus cruciale pour l’avenir de l’Humanité.
Notre groupe, après un riche débat ce matin, a décidé de s’abstenir à moins que nous soyons, avec mon collègue Ronan Dantec et nos autres collègues du RDSE, suffisamment vaillants pour faire adopter nos amendements et que la force de persuasion de M. le ministre d’État nous permette de l’emporter. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Karam.
M. Antoine Karam. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le projet de loi présenté devant notre assemblée vise à faire de la France une nation pionnière de la sortie des énergies fossiles. En pratique, ce texte permet aussi à l’État de sortir d’une forme de duplicité qui, s’agissant des demandes de permis, l’a souvent conduit à ne pas prendre de décisions, laissant les tribunaux le faire à sa place.
Vous en conviendrez, la Guyane pâtit de cette duplicité depuis de nombreuses années. D’un côté, la majorité des demandes de permis restent sans réponse et, de l’autre, le décret censé transférer compétence en matière de titres miniers offshore à la collectivité territoriale se fait attendre depuis dix-sept ans, sans que les condamnations prononcées par le Conseil d’État soient prises en compte.
Dans ce contexte, vous comprendrez aisément que, en dépit d’une ambition partagée, mon collègue Georges Patient, sénateur de la Guyane, et moi-même portions des amendements visant à défendre les intérêts de notre territoire. En effet, comment expliquer aux Guyanais, en proie à des difficultés économiques et sociales profondes, qu’on leur interdit d’explorer leurs hydrocarbures, alors que chez nos voisins du Guyana, ExxonMobil annonce l’une des plus importantes découvertes d’hydrocarbures des dix dernières années. Imaginez un instant : si un tel projet venait à voir le jour en Guyane, comme le souhaite le géant américain, on parlerait d’un chiffre d’affaires potentiel de 100 milliards de dollars avec des retombées fiscales d’environ 420 millions de dollars par an pour la Guyane, et proches du milliard pour l’État.
Je pose donc une première question, soulevée implicitement par le Conseil d’État lui-même : quelles contreparties réelles la Guyane et les outre-mer en général retirent-ils de ce texte, symbole qu’ils vont pourtant payer au prix fort ? Hormis quelques dispositions concernant les îles Wallis-et-Futuna, je regrette qu’aucune mesure d’adaptation ne soit prévue pour les territoires ultramarins, malgré leur faible contribution au réchauffement climatique et des difficultés économiques réelles.
Certes, le Gouvernement a prolongé un permis d’exploration détenu par Total, avant de s’engager à prendre, d’ici à la fin de l’année, le décret tant attendu. Si je salue ces engagements, je crains néanmoins que nous soyons encore loin du compte, tant cette compétence ne sera plus qu’une coquille vide, une fois ce texte adopté.
Monsieur le ministre d’État, vous dites avoir prolongé ce permis au titre de droits acquis, mais qu’en est-il des droits retenus, littéralement pris en otage par les gouvernements successifs – de droite comme de gauche – préférant garder le silence pour entraîner des décisions implicites de rejet plutôt que de refuser expressément des demandes et d’avoir à les motiver ? À cet égard, le texte de la commission présente une avancée intéressante.
En descendant massivement dans la rue, les Guyanais ont voulu faire savoir à toute la France qu’il ne peut y avoir, dans notre République, d’un côté opulence et puissance et, de l’autre, un sentiment d’abandon et de soumission. Au-delà de l’exaspération, je vous demande d’entendre l’aspiration profonde portée lors de cette mobilisation historique, celle de faire des Guyanais les premiers acteurs de leur développement. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le mercredi 2 août dernier, l’Humanité avait consommé l’ensemble des ressources que la planète peut renouveler en une année. Le coût de cette surconsommation récurrente est déjà visible : pénuries en eau, désertification, déforestation ou encore disparition d’espèces. Vivre à crédit ne peut être que provisoire, parce que la nature n’est pas un gisement dans lequel nous pouvons puiser indéfiniment.
L’Accord de Paris a permis de définir une limite, celle des 2 degrés de hausse de température, comme un cap déterminant à ne pas dépasser pour éviter le déchaînement des éléments qui rendrait les conditions de vie difficiles et les changements irréversibles.
Ouragans, inondations, sécheresses, incendies : une séquence de catastrophes naturelles historiques, aggravées par le réchauffement climatique, frappe d’ores et déjà tous les continents. Pourtant, cette urgence climatique n’est pas partagée par tout le monde. Les climato-sceptiques remettent en cause les fondements du réchauffement climatique, quand certains grands groupes industriels ne se préoccupent souvent que de leur rentabilité financière à court terme, au détriment de la planète et de l’humain.
Ce projet de loi interroge plus largement sur notre société de demain. En 2050, si nous n’agissons pas, l’ONU prévoit le déplacement de 150 millions de réfugiés climatiques. Comment ferons-nous, alors, pour accueillir des millions de femmes et d’hommes et faire société commune, quand nous peinons aujourd’hui à accueillir quelques milliers de réfugiés dans la plus grande dignité ?
Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre d’État, votre projet de loi est un symbole en ce qu’il touche l’un des multiples aspects sur lesquels il faut agir pour sauver l’humain et la planète. Oui, l’action politique relève aussi du domaine symbolique !
Avec ce texte, nous pouvons envoyer un signal fort, celui d’une France qui prend ses responsabilités et qui, si elle saisit cette occasion, peut prendre la tête du combat inévitable contre le dérèglement climatique et pour la sauvegarde de notre planète. Dans ce cadre, il nous faut agir vite et fort, tant que la puissance publique et le pouvoir politique le peuvent encore.
Si l’on peut regretter que ce projet de loi ne traite que de la production d’hydrocarbures sur notre territoire, laquelle ne représente que 1 % de notre consommation nationale, et qu’il ne définisse rien sur nos importations et nos exportations, nous pensons malgré tout qu’il s’agit d’un texte important qui apporte une pierre à l’édifice.
Toutefois, un symbole qui n’est pas suivi d’actes politiques forts ne reste qu’un élément de communication. L’action isolée ne peut suffire, elle est comprise dans un modèle de société global. Le premier de ces actes consiste à refuser – c’est vital – le CETA (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. le ministre d’État opine.), cet accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne, qui va accroître la concurrence entre les secteurs agricoles, affaiblir les normes sanitaires et environnementales et entraver durablement nos politiques publiques.
Mme Éliane Assassi. Absolument !
M. Fabien Gay. Le CETA, s’il venait à être mis en œuvre, mettrait à bas le projet de loi que nous examinons aujourd’hui. Oui, il faut le dire avec force : le CETA n’est pas climato-compatible et aucun garde-fou, monsieur le ministre d’État, ne pourra entraver sa dangerosité !
Je vous fais donc une proposition, ainsi qu’à tous mes collègues ici présents : malgré nos différentes sensibilités, nous œuvrons autour de ce projet de loi dans un même objectif de préservation de la planète et nous œuvrons, de manière générale et chacun à notre manière et avec nos idées, pour les Françaises et les Français. Pourquoi ne pas mettre alors entre les mains du peuple tous les éléments de ce traité de libre-échange, initier de grands débats publics et donner la parole à nos concitoyens par référendum, en acceptant, cette fois-ci, leur décision ?
Ma deuxième proposition, c’est de systématiquement placer l’intérêt général, donc environnemental et social, avant les intérêts privés, partisans et financiers. Ce sera toujours le sens de nos amendements, car c’est ce qui anime nos combats politiques.
Je prends un seul exemple. La date butoir de 2040 pour le renouvellement des concessions, déjà très tardive à notre goût, fait l’objet de multiples dérogations, notamment si le concessionnaire justifie que la rémunération normale des capitaux n’est pas avérée. Une telle disposition fait primer la rentabilité sur l’exigence environnementale.
Oui, monsieur le ministre d’État, le capitalisme financiarisé et mondialisé tel que nous le connaissons aujourd’hui n’est pas, lui non plus, compatible avec les intérêts de l’humain et de la planète ! Il recherchera toujours la rentabilité immédiate et le profit à tout prix, au détriment de tout le reste.
J’en viens donc à mon dernier point. Ce projet de loi, vous l’avez dit, doit s’accompagner d’autres projets de loi, notamment sur la place faite aux énergies renouvelables, l’objectif étant d’atteindre la part de 30 % du mix énergétique. Pour ce faire, il faut un investissement public massif dans la formation et la recherche, car les emplois de demain sont là. Nous en récolterons les fruits dans vingt ou trente ans. La plateforme emplois-climat évalue à un million le nombre d’emplois dans ce domaine en 2020 si nous investissons aujourd’hui. Alors, chiche, faisons-le !
Je suis persuadé que le cerveau humain a la capacité d’imaginer un moyen d’utiliser efficacement l’énergie du soleil, qui nous envoie chaque jour 8 000 fois nos besoins énergétiques. On va me dire que tout cela coûte cher ! Je fais donc une proposition : pourquoi ne pas mobiliser 10 % des 300 milliards d’euros provenant de foyers français qui dorment dans les paradis fiscaux – c’est une révélation du Figaro du 30 septembre dernier –, soit 30 milliards d’euros, pour investir dans les énergies renouvelables, l’emploi et la formation ? (Eh oui ! sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Oui, il faut mobiliser l’argent qui dort tranquillement au soleil et ne profite qu’à quelques-uns, pour l’avenir de notre planète et pour l’Humanité ! Il faut donc des actes et, pour cela, il faut de la volonté politique.
Je finis, comme c’est la coutume ici, par une citation. (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Puisque nous fêtons aujourd'hui le centenaire de la révolution russe, permettez-moi de citer Lénine (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) : « Là où il y a une volonté, il y a un chemin ». Croyez-le, monsieur le ministre d’État, il y a beaucoup de volonté au sein du groupe communiste républicain citoyen et écologiste pour trouver le chemin d’une société émancipée qui respecte l’homme et la planète ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Éliane Assassi. Bravo !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Citer Lénine, c’est limite !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. René-Paul Savary applaudit également.)
Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nous abordons l’examen de ce projet de loi, qui est l’une des premières mises en œuvre de l’accord de Paris sur le climat. Il affiche les ambitions de la France et des cosignataires en matière de transition énergétique et de lutte contre le changement climatique. Je partage ces ambitions.
Puisque la COP21, qui a entériné ce traité international, a eu lieu en France, puisque notre pays a toujours été à l’avant-garde des défis planétaires et universels, il est légitime qu’il soit l’un des premiers à se montrer exemplaire. Seulement, monsieur le ministre d’État, la France ne doit pas être la seule ! Comme pour ce qui concerne l’application des normes européennes, pour lesquelles le Président de la République ne souhaite pas de surtransposition, nous ne devons pas être en décalage avec nos concurrents mondiaux.
Dans votre message audiovisuel du 10 octobre dernier relatif à l’explication de ce projet de loi, vous estimiez que ce texte permettrait à la France d’« avoir une autorité pour peut-être » – peut-être ! – « convaincre d’autres partenaires de faire de même ». Souhaitons-le ! C’est une intention ambitieuse, et il faut en passer par là. Cependant, nous devons assurer en droit la compétitivité de notre économie et de nos entreprises. Parallèlement, il faudra également garantir notre approvisionnement en énergie. Je le rappelle, l’énergie constituera un défi fondamental de nos civilisations dans les prochaines décennies, avec l’eau et l’alimentation.
Je pense sincèrement, devant toutes ces préoccupations déterminantes pour l’avenir de la France, qu’il convient d’inscrire la réciprocité de la fin de l’exploitation des hydrocarbures dans la loi. Nous devons mettre un garde-fou nous permettant de prolonger l’exploitation si les autres pays ne nous suivent pas. Une telle volonté de réciprocité n’est qu’une application pure et simple de la hiérarchie des normes juridiques. En effet, l’article 55 de notre Constitution prévoit que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie. » C’est clair, notre droit constitutionnel exige que notre obligation soit tenue si les partenaires respectent leurs engagements.
Vous dites que l’année 2040 est proche. Estimez-vous que nous ne consommerons plus d’hydrocarbures en 2040 ? Ou plutôt que nous n’aurons pas à en importer ? Comme vous, je le souhaite. C’est d’ailleurs l’ambition que vous avez affichée avec la fin des véhicules thermiques. Toutefois, autant des alternatives existent pour l’automobile, avec l’électricité, l’hydrogène ou le biogaz, autant nous ne serons pas totalement sortis, en 2040, de l’ère des hydrocarbures, je le pense sincèrement, malgré les investissements en matière de transition énergétique que nous aurons pu faire et le développement exigé des énergies renouvelables : solaire, éolien, méthanisation. Nous utiliserons beaucoup moins d’hydrocarbures, mais nous en utiliserons encore. Dans certains secteurs, les palliatifs n’ont pas encore été trouvés. Par exemple, dans le domaine de l’aviation, il n’y a pas d’alternative au kérosène.
Vous avez recours à un argument très imagé et très symbolique : selon vous, lorsqu’on est passé de l’âge de pierre à l’âge du fer, ce n’était pas parce qu’il n’y avait plus de pierre, mais, parce que le fer, c’était mieux ! C’est partiellement vrai. En effet, entre l’âge de pierre et l’âge du fer, il y a eu l’âge de bronze, qui a duré environ deux mille ans, selon les régions du monde.
Nous le voyons au travers de vos références historiques, il a fallu une longue période de transition pour que l’homme, grâce à la technique, puisse battre le fer. Le symbole est fort, mais la temporalité est importante pour tendre vers une efficacité technologique. Car nous devons franchir des étapes.
Moi aussi, je peux avoir recours aux symboles, et notamment évoquer les bandes dessinées de mon enfance, dans lesquelles les voitures de l’an 2000 volaient. Nous en sommes loin !
En 2040, il est vraisemblable que nous continuerons à utiliser des hydrocarbures, car les techniques évoluent, mais pas aussi vite que nous l’imaginons. Pourquoi, dès lors, en importer – nous y serons en effet contraints ! –, dans la mesure où cela aura un impact carbone beaucoup plus important que la consommation d’hydrocarbures nationaux ?
Sur un plan environnemental, le pétrole produit en France permet, grâce à l’absence de transport, d’éviter l’émission de 100 000 tonnes de C02. Ainsi, une tonne de pétrole produite en France émet trois fois moins de C02 qu’une tonne importée.
De plus, en se privant de sa production nationale, la France favorisera plus encore l’importation de pétrole étranger, dont nous ne connaissons pas les conditions environnementales et sociétales d’extraction, contrairement à ce qui se passe dans notre pays. Nous bénéficions en effet d’un arsenal de normes et de contraintes permettant de protéger la biodiversité et les sols.
Quel mauvais bilan pour le climat, monsieur le ministre d’État ! En effet, si l’on regarde le projet de loi que vous présentez avec une vision basique, on s’aperçoit in fine que vous proposez non pas la fin des énergies fossiles, mais la fin de la production française.
Nous consommerons toujours des hydrocarbures, vraisemblablement moins, mais ils seront importés. La priorité, je le rappelle, est le combat contre le réchauffement climatique. Toutefois, ne l’oublions pas, ces exploitations engendrent des revenus financiers importants pour les collectivités et leurs habitants. Dans la Marne – permettez-moi en cet instant d’associer à mon propos mes collègues Yves Détraigne et René-Paul Savary –, où nous avons des idées, mais aussi un peu de pétrole, les ressources de la redevance communale et départementale des mines représentent chaque année 1,8 million d’euros. On pourrait additionner l’ensemble des départements impactés par cette législation.
Les installations en question assurent des centaines d’emplois directs et indirects et permettent des avancées scientifiques, notamment géologiques. Il s’agit de véritables écosystèmes industriels, qui se situent bien souvent dans des zones déjà touchées par la crise économique ou éloignées des zones d’emplois dynamiques.
Enfin, dans votre vidéo, vous parlez d’indépendance énergétique. Les hydrocarbures français apportent une réponse à une telle volonté, parallèlement au développement des énergies renouvelables.
Je partage vos objectifs en matière de baisse des émissions de C02 et de gaz à effet de serre ; je suis bien sûr favorable à la transition énergétique pour lutter contre le réchauffement climatique. Mais il faut trouver un équilibre dans le cadre d’un projet de loi, en prenant en compte un principe de réciprocité avec nos partenaires internationaux ; un principe de compétitivité des entreprises ; un principe d’écologie en consommant des hydrocarbures français, dont le bilan carbone est meilleur que les hydrocarbures importés ; un principe de réalité s’agissant de la temporalité de la fin des hydrocarbures et des alternatives possibles.
Nous sommes naturellement prêts à soutenir des mesures visant à lutter contre le réchauffement climatique. Mais telle n’est pas la question qui nous est posée aujourd’hui avec ce projet de loi. Nous disons « oui » à l’objectif, mais « non » à la méthode et ses conséquences.
Vous le verrez, monsieur le ministre d’État, les amendements que certains d’entre nous ont déposés ne sont pas radicaux. Ils visent plutôt à conserver l’objectif d’une sortie du recours aux énergies fossiles, mais en atténuant les conséquences économiques et sociales néfastes pour nos territoires. Soyez-y attentifs ! Notre groupe pourrait alors voter ce texte s’il est équilibré. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, dans la continuité de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015, nous devons nous prononcer aujourd’hui sur des questions stratégiques pour notre ambition énergétique.
Tout d’abord, je voudrais revenir sur la méthode employée, car, si la majorité gouvernementale a changé, la méthode est restée la même et accuse plusieurs faiblesses dont nous ne pouvons nous satisfaire.
Cette méthode, c’est celle de la procédure accélérée et de l’urgence proclamée sur des sujets qui mériteraient une réflexion d’ensemble : le mix énergétique, le coût de l’énergie pour les consommateurs et, surtout, notre projet de société, l’économie nationale et l’emploi.
Cette méthode, c’est également celle des postures prescriptives et des objectifs chiffrés dépourvus de dimension économique et de vision stratégique.
Cette méthode, c’est, enfin, celle d’une démarche unilatérale, dépourvue de dimension européenne. Or une transition énergétique réussie ne se fera pas sans l’Europe, et la France ne pourra pas la mener seule, simplement parce qu’elle se veut exemplaire.
Au contraire, je suis convaincu de la nécessité de ne pas adopter de posture et de croiser notre ambition en matière de transition énergétique à notre volonté dans le domaine économique, à notre vision de l’aménagement du territoire, à la valorisation de leur diversité, à une prise en compte des réalités sociales ou encore à notre conception du rôle de la France au sein de l’Union européenne et dans un monde qui, à l’horizon de 2050, comptera 9,5 milliards d’habitants.
Aussi, monsieur le ministre d’État, dans la perspective de mise en œuvre du plan Climat que vous avez appelé de vos vœux, je vous pose la question suivante : pouvons-nous revoir la méthode et prendre un peu plus de temps et de recul pour légiférer sur des sujets aussi stratégiques ?
Ensuite, sur le fond, on peut s’interroger sur la pertinence d’un texte de loi qui aura des conséquences sur une production ne couvrant que 1 % de la consommation nationale. Toutefois, pour les acteurs du secteur, ces conséquences seront bien réelles, les rapporteurs l’ont rappelé. Ne l’oublions pas, la réalité, c’est aussi la fragilisation d’une filière pétrolière et gazière d’excellence engendrant aujourd'hui un chiffre d’affaires de 35 milliards d’euros.
De plus, la loi sera contre-productive sur le plan environnemental, puisque, en remplaçant une production nationale par des importations dont l’empreinte carbone est bien supérieure, on dégrade notre bilan carbone plutôt qu’on ne l’améliore.
Le texte aura également un impact sur les collectivités territoriales, plus précisément sur les communes et les départements. À ce titre, monsieur le ministre d’État, pouvez-vous nous en dire plus sur les contrats de transition écologique qui bénéficieront aux territoires concernés par ce texte ? En effet, des femmes et des hommes sont aujourd'hui exposés aux conséquences de l’adoption du projet de loi que nous examinons.
Ainsi, il apparaît – je rejoins en ce sens les travaux de nos rapporteurs – qu’une autre voie est possible, notamment au travers des dispositifs d’aide à la conversion des véhicules et de la relance du transport ferroviaire, maritime et fluvial de marchandises, ou encore par le biais d’outils fiscaux que l’on peut adapter en fonction de la recherche. Il s’agit d’un véritable projet de société, structurant, de nos territoires, en France, en Europe et dans le monde.
J’en viens ainsi à mon troisième point, l’enjeu économique et de la recherche, qui est absolument stratégique.
Monsieur le ministre d’État, lors de votre audition par la commission des affaires économiques, j’ai évoqué l’exemple du diesel, que je voudrais rappeler de nouveau, car il me semble caractéristique à bien des égards : quand nous avions vingt-cinq ans – nous avons sensiblement le même âge –, on encourageait l’achat de voitures diesel, prétendument meilleures pour la santé, car moins polluantes, et permettant d’apporter une solution au risque de rupture de l’approvisionnement pétrolier à l’horizon des années 2000. Ainsi les vérités d’hier ne sont-elles pas celles d’aujourd'hui !
Sans doute convient-il de se montrer prudent face aux décisions irréversibles prises par la COP21. Le développement durable, ce n’est pas cela ! Le développement durable est lié à nos connaissances. Les certitudes d’aujourd'hui seront peut-être qualifiées d’erreurs demain. C’est la raison pour laquelle il convient de poursuivre la recherche dans notre pays. Son arrêt symbolique constituerait un appauvrissement. Pourtant, c’est ce que ce projet de loi prévoit. Des emplois et des sites industriels seraient menacés. Surtout, nous nous retrouverions dans une situation comparable à celle que connaissent les OGM : les jeunes chercheurs ont quitté notre pays, qui est devenu dépendant dans ce domaine. Cela représente un appauvrissement et une inquiétude pour les générations futures.
J’évoquerai également la part du secteur industriel dans le PIB, comme nous l’avons déjà fait, monsieur le ministre d’État, ici même, en la mettant en perspective : elle est passée de 30 % à 19 % en trente ans. Pour redonner une chance aux femmes et aux hommes qui sont au bord de l’emploi, il faudra bien retrouver une capacité industrielle ! Ainsi, la perspective de réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 représente un appauvrissement, si les bases ne sont pas bonnes.
J’évoquerai un dernier exemple. En économie, la brutalité des chiffres peut être terrible et lourde de conséquences. J’ai visité récemment une entreprise que je connais bien. Elle a reçu des propositions d’approvisionnement en gaz de schiste provenant d’outre-Atlantique. Alors qu’elle n’est pas située en bordure maritime, ce gaz lui est proposé à un prix inférieur de 25 % au gaz provenant du gazoduc proche de son implantation. Telle est la réalité territoriale et économique ! Que doit faire l’industriel, confronté, à chaque instant, à de telles réalités ? Notre regret est grand que ce texte si important – nous sommes d’accord sur ce point – n’ait pas été élaboré dans la perspective économique qui est la nôtre.
Je remercie Mme la rapporteur et M. le rapporteur pour avis de leur travail, sans lequel notre groupe ne pourrait annoncer son intention de voter majoritairement ce texte, après l’adoption des amendements relatifs aux deux domaines à nos yeux les plus importants, à savoir la préservation de la recherche et la limitation de l’atteinte aux droits acquis. Être exemplaire, sans céder à une forme de résignation : c’est possible grâce au travail effectué, dans une France qui ne renonce pas, mais ose, entreprend, et donne envie aux jeunes de relever les défis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, à l’heure où la Haute Assemblée commence l’examen de ce projet de loi, je voudrais souligner non seulement l’ambition de ce texte, mais aussi sa cohérence avec ce qui a été entrepris par nos gouvernements au cours des dernières années.
Ne boudons pas notre plaisir ! Ce texte présente des avancées nombreuses et significatives, ce qui me conduit d’ailleurs à regretter d’autant plus les reculs introduits par la commission des affaires économiques, saisie au fond, sur lesquels nous vous proposerons de revenir par l’adoption d’un certain nombre d’amendements.
Le projet de loi intègre l’enjeu crucial que représente le changement climatique pour notre humanité et pose un premier jalon dans notre effort collectif de réduction de l’usage des énergies fossiles. Il fait également sienne la nécessité d’innover et d’investir dès aujourd’hui dans de nouveaux modes durables de production d’énergie, afin de contribuer à la transition énergétique.
Ces objectifs sont en réalité, ne nous le cachons pas, un choix de société. Ils nous obligent par-delà les travées sur lesquelles nous siégeons et traduisent une vision résolument progressiste.
La cause que vous défendez aujourd’hui, monsieur le ministre d’État, à savoir la fin de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures conventionnels comme non conventionnels, me tient d’autant plus à cœur que je suis élu de la Dordogne, un territoire potentiellement riche en ressources gazières et déjà ciblé par trois demandes de permis de recherches à Brive-la-Gaillarde, Cahors et Beaumont-de-Lomagne. La zone en question s’étend sur près de soixante-dix communes de mon département et englobe une importante partie de la vallée de la Dordogne, zone classée réserve mondiale de biosphère par l’UNESCO en 2012. Elle concerne également la vallée de la Vézère, riche en sites préhistoriques, comme celui de la grotte de Lascaux, et classée site remarquable.
Ma vigilance sur ce sujet rejoint celle des nombreux collectifs formés sur le terrain, associations et élus locaux, qui se montrent inquiets s’agissant de l’avenir de ces permis.
Dès lors, je l’ai dit, il y a tout lieu de saluer la cohérence de votre projet par rapport à l’action entreprise par François Hollande au cours son quinquennat, s’agissant tant des engagements pris au cours de la COP21 que des mesures inscrites en 2015 dans la loi relative à la transition énergétique.
En outre, ce texte complète opportunément la loi de 2011 sur l’interdiction de la fracturation hydraulique, texte positif, mais source d’insécurité juridique. En effet, il n’interdisait nullement l’exploration et l’exploitation par recours à d’autres techniques que celle de la fracturation hydraulique, omission relevée très justement dans l’exposé des motifs d’une proposition de loi présentée conjointement par notre regrettée collègue Nicole Bricq et Didier Guillaume en 2011, que j’avais cosignée et soutenue.
Nous espérons pouvoir vous convaincre, madame la rapporteur, que seule la définition que nous vous proposons, et qui n’est autre que celle de la proposition de loi de Nicole Bricq, permettra de poser un second verrou pour enterrer définitivement toute possibilité d’explorer ou d’exploiter des hydrocarbures non conventionnels. Car l’extraction du gaz de schiste sans fracturation hydraulique est déjà une réalité dans plusieurs pays, sans que les risques et dégâts environnementaux potentiels en soient pour autant diminués.
Second point de vigilance que je souhaite mettre en avant aujourd’hui : les conséquences économiques et sociales de l’arrêt des activités déjà décrites d’ici à 2040. Ce texte, pour marcher sur ses deux jambes, doit reposer sur un important volet de transition apportant le soutien nécessaire à la transformation et la mutation de l’activité des sites visés par l’arrêt de l’exploitation des hydrocarbures. Aussi, nous avons tenu, monsieur le ministre d’État, à réaffirmer, par voie d’amendement, toute la place des contrats de transition écologique.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, comme cela a été dit avec beaucoup de talent par mon collègue et ami Roland Courteau, c’est dans un état d’esprit constructif et résolument ambitieux que le groupe socialiste souhaite examiner ce projet de loi. Conscient de l’exigence qu’il porte, mais aussi de l’ampleur du défi posé, il souhaite même le voter, à condition de revenir à l’esprit du texte initial. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Frédéric Marchand applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Cuypers. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le projet de loi que nous allons examiner est l’occasion pour moi d’aborder la question ô combien sensible de l’indépendance énergétique de la France.
Vous l’avez rappelé devant nous, monsieur le ministre d’État, l’objectif posé par la loi relative à la transition énergétique de passer de 75 % à 50 % d’électricité d’origine nucléaire à l’horizon de 2025 – cette date semble susceptible d’être modifiée – suppose de fermer non pas 17, mais 25 des 58 réacteurs du parc nucléaire français. Il suppose également de faire évoluer dans des délais très courts notre mix énergétique. Or, nous le savons, les énergies renouvelables ne pourront pas répondre à nos besoins à l’instar du nucléaire, sans rupture technologique s’agissant du stockage et du transport de l’électricité, ce qui ne semble pas de dessiner dans un horizon très court.
Parallèlement, le texte vise à mettre fin à la recherche et à l’exploitation des hydrocarbures sur le territoire français, en fermant une soixantaine de gisements pétroliers et gaziers couvrant près de 1 % de la consommation nationale. Mesure symbolique, dira le Gouvernement. Pas vraiment ! Car c’est une filière industrielle qui est tout simplement amenée à disparaître.
L’activité d’exploration et de production d’hydrocarbures a été au cœur de la constitution d’une filière pétrolière et gazière d’excellence, engendrant actuellement un chiffre d’affaires de 35 milliards d’euros, employant 64 000 personnes en France et faisant vivre quelques-uns de nos territoires. Ce texte aura pour conséquence de fragiliser une filière industrielle dans laquelle la France est en pointe, ainsi qu’un tissu économique composé d’entreprises de toutes tailles. Pour autant, ce texte n’aura pas pour conséquence de faire diminuer la consommation nationale d’hydrocarbures. En outre, leur importation à hauteur de 1 % de notre consommation aura un impact environnemental important, puisque cela entraînera trois fois plus d’émission de gaz à effet de serre que leur production sur le territoire national, ce qui est tout à fait paradoxal, vous en conviendrez.
Les travaux de la commission des affaires économiques ont permis de rendre ce texte plus réaliste. Je tiens à ce stade à saluer l’excellent travail des deux rapporteurs.
Les décisions du Gouvernement sont hasardeuses et ne feront que renforcer notre dépendance énergétique à l’égard des pays tiers.
L’enjeu primordial de l’indépendance énergétique, c’est aussi la question de la survie des biocarburants français, aujourd’hui menacés à la suite d’une baisse importante des droits de douane européens. Le contexte dans lequel se trouve la filière française et européenne de biocarburants est, vous le savez, très alarmant. En septembre, l’Union européenne a pris la décision de réduire significativement les droits antidumping appliqués au biodiesel argentin.
Telle est la concurrence déloyale qui va être installée grâce au gouvernement français, si rien n’est entrepris en l’état actuel. Une hausse massive des importations de ce carburant fait craindre des effets désastreux non seulement sur l’environnement, mais aussi sur un secteur de l’économie performant, qui verra sacrifiés les emplois qu’il génère, c’est-à-dire environ 20 000 emplois. Ainsi, la filière va subir la concurrence de biodiesels étrangers, notamment argentins, mais aussi, demain, indonésien, à base d’huile de palme, massivement subventionnés par leur pays d’origine et soumis à des critères de durabilité moins exigeants qu’en Europe. C’est une réalité !
Ce texte nous donne l’opportunité de prendre des mesures transitoires permettant de répondre à l’urgence de la situation, le temps que la Commission européenne se penche sur la question. J’aurai l’occasion d’y revenir pendant les débats, à l’occasion de la défense de deux amendements que j’ai déposés. Je proposerai ainsi de relever le niveau d’exigence en termes de durabilité, c’est-à-dire en termes d’émissions de gaz à effets de serre, soit pour les seuls biocarburants importés depuis un pays situé hors de l’Union européenne, soit pour tous les biocarburants importés, sans exception.
Je souhaite enfin préciser que je ne suis pas opposé à la décroissance des hydrocarbures. Mais, si tel doit être notre objectif, il manque très clairement, dans ce texte, un volet sur la consommation et un autre sur le soutien à l’évolution du mix énergétique. C’est là toute la faiblesse de votre initiative, monsieur le ministre d’État. Nous priver de ressources de notre sous-sol et nous rendre encore plus dépendants des pays tiers que nous ne le sommes aujourd’hui est à mon sens une erreur grave, qui entraînera des conséquences durables tant sur l’environnement que sur l’emploi et sur notre économie.
M. Claude Kern. Excellent !
M. Pierre Cuypers. S’il est un point positif dans ce texte dont l’enjeu est de faire mourir des filières énergétiques, c’est celui de nous donner l’opportunité de préserver la filière des biocarburants. Ce matin, la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à l’amendement visant à éviter les effets de bord s’agissant des biocarburants importés, ce dont je me réjouis pleinement. J’espère, monsieur le ministre d’État, que le Gouvernement ira également dans ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand.
M. Frédéric Marchand. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, nous avons tous dans un coin de la tête la date du 21 juillet 1969 et la célèbre formule de Neil Armstrong : « Un petit pas pour l’Homme, un grand bond pour l’Humanité. »
Comparaison n’est pas raison, certes, mais nous pouvons, sans ambages, affirmer que ce projet de loi que vous portez, monsieur le ministre d’État, est de la même veine.
Vous l’avez dit devant les sénatrices et les sénateurs lors de votre audition, et l’avez répété aujourd’hui : il s’agit d’une loi pionnière, et nous espérons qu’elle fera contagion.
L’esprit de cette loi est simple : prendre un chemin sans attendre que d’autres prennent l’initiative. Et chacun sait bien, vous l’avez dit, que, lorsque la France donne l’exemple, il arrive parfois que d’autres pays, d’Europe et d’ailleurs, suivent cet exemple.
Ce projet de loi fait partie d’un tout, nous en sommes conscients, car nous savons pertinemment que les hydrocarbures extraits sur notre territoire représentent 1 % de notre consommation. La lutte contre le réchauffement climatique ne saurait donc se réduire à cette seule loi, comme vous nous l’avez répété, monsieur le ministre d’État. Celle-ci est bien évidemment conçue pour additionner ses effets à ceux déjà attendus de l’inscription d’autres objectifs dans la loi relative à la transition énergétique de 2015 – certains des collègues qui m’ont précédé l’ont rappelé –, à commencer par la réduction de notre consommation, objectif incontournable partagé par les entreprises et les citoyens de ce pays, assortie du développement à grande échelle des énergies renouvelables.
Il s’agit bien d’une loi pionnière, qui est en outre une loi de cohérence. C’est la cohérence qui nous permettra de gagner la bataille climatique ! Cette bataille a commencé depuis maintenant un certain temps ; nous savons qu’elle comptera plus de bénéficiaires que de perdants.
La transition énergétique est une transition des modes de transport, des modes de production agricole, du logement : autant de champs d’emploi, d’innovation et de recherche très importants.
La cohérence consiste aussi à accompagner cette loi de mesures de solidarité en direction des plus modestes. Le « paquet de solidarité climatique » prévu dans le projet de loi de finances que nous aurons l’occasion d’examiner prochainement comprend un certain nombre de dispositifs, notamment la prime à la reconversion pour des véhicules moins polluants, l’aide au remplacement des chaudières et, plus globalement, à la rénovation des bâtiments.
Transition écologique et solidarité en direction des plus modestes sont bien l’alpha et l’oméga de la politique ambitieuse portée aujourd’hui par le Gouvernement ; nous ne pouvons évidemment que nous en réjouir.
Cette loi n’a de sens que si elle entraîne les autres, et je suis certain que, dans les couloirs de la COP23, à Bonn, l’initiative française devrait être souvent évoquée !
N’ayons pas peur d’assumer cette transition écologique et faisons de cette dernière une chance pour nos territoires, en plaçant au cœur du réacteur, si vous me permettez cette image, mes chers collègues, la question des entreprises, des filières industrielles et des emplois.
Le travail avec les territoires a déjà démarré. Il vise à identifier les compétences pour lancer la transition énergétique ambitieuse que nous appelons tous, ici, de nos vœux.
Oui, les énergies renouvelables sont notre avenir, et nous avons l’impérieux devoir d’y consacrer des moyens, à la hauteur du mouvement engagé aujourd’hui à l’échelle du monde ! Avec ce projet de loi, nous donnons à notre pays une chance plus qu’une contrainte.
Le texte comporte des dispositions qui permettent de répondre aux défis du climat, mais aussi à celui de la sécurité de l’approvisionnement énergétique que nous devons au consommateur ; d’autres mesures sont des transpositions de directives européennes.
Ce dispositif est le premier étage d’une fusée qui doit nous conduire sereinement vers une transition énergétique partagée et ambitieuse. Nos collègues députés, en le votant, ont parfaitement intégré les grands enjeux qui sont devant nous.
Le texte, enrichi au cours des débats à l’Assemblée nationale, est parfaitement équilibré ; il concrétise bien les engagements pris par le Président de la République et le Gouvernement. Nous souhaitons que notre assemblée l’adopte à son tour.
Nous allons désormais entamer l’examen des amendements déposés ; nous serons évidemment particulièrement attentifs à ce que l’esprit initial du projet de loi ne soit pas remis en cause.
Monsieur le ministre d’État, vous pouvez compter sur les sénateurs du groupe La République En Marche pour que nous fassions ensemble le bond de la transition énergétique, de la transition écologique. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, avant de répondre à un certain nombre d’interrogations que vous avez soulevées – je ne serai pas exhaustif : nous aurons l’occasion, pendant l’examen des amendements, de reprendre certains points –, je veux apporter quelques petites précisions.
J’ai entendu à deux ou trois reprises le mot « dogmatique » – je vous rassure, je ne suis pas susceptible –, mais je ne crois pas l’être. Je peux d’ailleurs en faire la démonstration : tout à l’heure a été évoqué un objectif qui a été inscrit dans une loi dont nous ne sommes pas responsables, mais que j’ai en partie soutenue, à savoir la loi relative à la transition énergétique, votée durant la précédente législature. Dans cette loi figure, entre autres objectifs, celui de ramener la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % d’ici à 2025. Si j’étais dogmatique, je m’entêterais sur ce calendrier et sur cet objectif. Or j’ai annoncé ce matin – j’ai été le premier, pardon de l’expression, à soulever le lièvre – que s’obstiner dans ce calendrier serait pure folie. Une telle obstination se ferait au détriment de nos autres objectifs et nous ferait perdre notre crédibilité s’agissant de l’ensemble de la transition.
Autrement dit, je fais mienne une forme de pragmatisme, laquelle doit évidemment se conjuguer avec une forme d’exigence, parce que la situation climatique nous oblige à ne pas baisser la garde et à faire le maximum. Et si je devais m’obstiner sur cet objectif, au risque de repousser la fermeture des centrales à charbon ou même de rouvrir des centrales thermiques pour parer aux risques d’approvisionnement, c’est à bon droit que vous me taxeriez de dogmatisme.
J’ai conscience de la difficulté ; j’entends les arguments des uns et des autres, dont aucun, précisément, ne me semble dogmatique. Ces arguments sont parfois, individuellement, recevables, mais collectivement discutables. Nous sommes en effet face à un enjeu universel ; si nous attendons que chaque pays adopte la même stratégie au nom de la fameuse réciprocité, nous pouvons toujours espérer…
Avec ce texte, nous nous attelons à l’élaboration et à la mise en œuvre de notre propre contribution. À Paris, 196 États se sont, avec une forme de sincérité, fixé des objectifs. Au moment où nous travaillons à leur réalisation, eux, de leur côté, font de même. N’allez pas imaginer que nous serions le seul pays qui, unilatéralement, déciderait de se pénaliser lui-même, les autres se contentant de fixer des objectifs sans définir de stratégie propre : d’autres pays, vous le verrez, renonceront, à un moment ou à un autre, à exploiter 80 % des réserves d’énergies fossiles qui se trouvent sous leurs pieds, parce que chacun a conscience des enjeux.
Nous sommes en train de travailler sur ce qui relève de notre propre responsabilité, mais ne doutons pas que d’autres nations font de même. Ce serait leur faire injure que de penser que nous sommes les seuls à nous pénaliser et à tenir nos engagements. Je tenais à faire ce rappel.
Comme cela a été dit tout à l’heure, que ce soit dans le cadre de la COP23 ou dans d’autres circonstances, à l’occasion du sommet du 12 décembre prochain ou de la COP24 notamment, je suis convaincu que chaque État s’inspirera des initiatives que les autres pays auront prises, des stratégies qu’ils auront définies, des dispositions qu’ils auront adoptées. Si nous attendons que tous s’accordent sur la même stratégie, je crains que nous ne perdions la bataille, dans laquelle nos chances de réussite sont déjà assez aléatoires.
Si, en 2040, il s’avère que notre effort s’est simplement limité à mettre fin à l’exploitation de 1 % de notre consommation d’hydrocarbures, cet effort – je veux bien l’entendre – aura été inutile. Le cas échéant, pour le coup, nous aurions définitivement perdu la bataille climatique. J’en profite pour dire – ce point a été évoqué et suggéré à plusieurs reprises – que cet objectif n’est pas simplement symbolique. Le terme « symbolique » est réducteur et caricatural. Lorsque l’homme a marché sur la Lune, c’était symbolique, mais ça n’a pas été une petite expérience ! Ce 1 % est plus que symbolique : il aura un effet d’entraînement.
L’histoire nous montre que la contrainte n’est pas l’ennemie de la créativité ; elle en est la condition. Nous devons nous fixer un certain nombre de contraintes. L’année 2040, c’est proche, je l’ai dit ; néanmoins, compte tenu des impacts en termes de transformations d’emplois, cette échéance nous laisse largement le temps. Et il y aura beaucoup plus de gagnants que de perdants, si tant est même qu’il y ait des perdants – simplement, des personnes ou des secteurs seront probablement obligés, le moment venu, de se reconvertir. Mais cela ne se fera pas du jour au lendemain. Le calendrier prévu nous permettra, humainement, socialement, économiquement, via notamment l’organisation des formations nécessaires, de faire cette transition. Et je suis convaincu, pas par vue de l’esprit, mais au regard du potentiel de créativité que j’ai observé dans nos entreprises, quelle que soit leur taille, que les bénéficiaires seront beaucoup plus nombreux que les secteurs éventuellement impactés.
En outre, ce projet de loi est conçu pour additionner ses dispositions à d’autres objectifs déjà définis, qui figurent pour la plupart dans la loi relative à la transition énergétique et dont le calendrier ne sera pas remis en cause. Le seul calendrier qui sera réévalué pour être rendu compatible avec nos ambitions, c’est celui des 50 % de nucléaire en 2025 ; nous allons travailler, dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie, à revoir la faisabilité de cet objectif d’une manière totalement réaliste.
Par ailleurs, certains semblent avoir un peu oublié que nous nous sommes déjà fixé un objectif, dont la satisfaction conditionne tous les autres succès dans ce domaine : celui de réduire de 50 % notre consommation énergétique d’ici à 2050, de 20 % d’ici à 2030, et de réduire notre consommation d’énergies fossiles de 30 % d’ici à 2030. Aucune science exacte là-dedans : la société va devoir se mettre en ordre de marche, et les investissements devront être au rendez-vous. C’est pourquoi je souhaite aussi travailler sur un grand plan destiné à doper le développement et l’efficacité des énergies renouvelables. Il ne suffit pas, en effet, de se fixer de tels objectifs pour qu’ils soient immédiatement réalisés ; mais nous allons créer les conditions de la réussite.
Bien entendu, tout cela s’additionne et, en 2040, nous aurons largement réduit nos importations d’énergies fossiles.
Au passage, j’ai bien entendu un sénateur du groupe communiste s’inquiéter à juste titre des risques inhérents à la signature du CETA. Je n’ignore rien de ce risque, qui est celui de l’incohérence, puisque j’ai moi-même été l’un de ceux qui ont tiré la sonnette d’alarme.
M. Fabien Gay. Vous êtes d’accord avec moi !
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Le Gouvernement a bâti un plan d’action que j’ai moi-même présenté ; loin de moi la posture consistant à dire que ce plan serait un bouclier hermétique qui nous protégerait définitivement. Y sont proposées un certain nombre de solutions, dont certaines relèvent de la compétence de la Commission européenne – je pense notamment à une directive européenne qui pourrait nous permettre d’agir sur la qualité des carburants. Je ne sais quelles décisions seront prises, mais nous allons nous atteler à ce dossier sur un plan diplomatique, croyez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, notamment avec nos partenaires allemands.
Monsieur Gay, vous appeliez de vos vœux l’organisation d’un référendum. Mais pourquoi un référendum serait-il nécessaire, alors qu’au deuxième semestre de 2018, si je ne me trompe, le Sénat et l’Assemblée nationale auront à s’exprimer ?
M. Fabien Gay. À moins d’un référendum !
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Il n’en est pas besoin, me semble-t-il. Les députés et les sénateurs auront leur mot à dire. Et si d’aventure nos inquiétudes ne sont pas levées, chacun devra prendre ses responsabilités.
D’autres dispositions ont été prises pour réduire notre consommation, par la programmation de la sortie des véhicules thermiques ou par le lancement d’un plan de rénovation des bâtiments.
De toute façon, quel que soit le modèle énergétique que nous développons, chacun a bien conscience qu’il y a une condition du succès : c’est la réduction massive de notre consommation. Coup de chance : on sait le faire ! Coup de chance : nous avons les entreprises pour cela ! Coup de chance : c’est un avantage pour les citoyens ! Coup de chance : c’est un avantage compétitif pour nos entreprises !
Un certain nombre de questions ont été posées. Comme je l’ai dit, je ne répondrai qu’à quelques-unes d’entre elles, non pas pour éluder les autres, mais parce que, compte tenu des dizaines d’amendements que nous allons avoir à discuter,…
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Une centaine !
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. … nous aurons l’occasion d’en débattre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez évoqué les usages non énergétiques du pétrole et du gaz, qu’il faudrait exonérer de la disparition programmée. Je vous dis d’emblée, s’agissant de tout ce qui relève des exonérations, des exceptions,…
M. Roland Courteau. … des dérogations !
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. … des dérogations, en effet, que nous avons fait en sorte, afin de nous prémunir contre tout risque d’inconstitutionnalité, que ce projet de loi respecte les droits acquis – et je m’en félicite. Ce texte n’est certes pas l’alpha et l’oméga de notre stratégie énergétique, nous en avons convenu ; il s’agit néanmoins d’un dispositif important. Si nous élargissons les trous dans la raquette – pardon de l’expression –, le projet risque, au bout d’un moment, de se vider de sa substance.
Mme Françoise Cartron. Eh oui !
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Un tel dispositif d’exonération serait, selon moi, contraire à l’esprit du projet de loi, dont l’enjeu est d’inscrire dans le droit une sortie de la production et de la consommation des énergies fossiles.
Il est très difficile, voire impossible, de faire la différence entre les hydrocarbures qui feraient l’objet d’un usage non énergétique et ceux qui, au contraire, relèveraient d’un usage énergétique. Notre objectif, via ce projet de loi, est bien d’envoyer le signal d’une exigence de transformation, y compris en direction de certains secteurs comme la chimie ou les plastiques, qui doivent eux aussi apprendre à se passer des énergies fossiles. Ça vaut pour tout le monde !
Ce signal doit encourager à trouver des alternatives. Pour avoir visité certaines des entreprises concernées, notamment dans le domaine de la chimie, je ne veux pas, à ce stade, faire de promesses, mais je fais assez confiance au génie humain. Et vous verrez, mesdames, messieurs les sénateurs, les choses arriveront, comme d’un fait exprès, si sont respectés les trois principes qui guident toujours mon action : prévisibilité, irréversibilité, progressivité.
De mon point de vue, l’adoption des amendements qui ont été déposés dans le sens que je viens d’indiquer brouillerait un peu les pistes. Précisément, nous n’enverrions pas les bons signaux aux acteurs économiques, alors que nous disposons, dans ce qu’on appelle la « chimie verte », de véritables champions – je les ai évoqués tout à l’heure – qui innovent et cherchent à trouver des substituts, notamment d’origine végétale.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Françoise Cartron. Nous sommes d’accord !
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. En outre, la chimie fondée sur les hydrocarbures conduit à la mise en décharge de nombreux produits et a donc pour effet de réalimenter le cycle des émissions de gaz à effet de serre. L’avenir, me semble-t-il, c’est donc plutôt l’économie circulaire. C’est là-dessus qu’il faudra miser !
S’agissant des permis en cours, je me permets de le dire, les auteurs de certains des amendements dont nous aurons à discuter aujourd’hui ou demain rament un peu à contre-courant. L’objectif de l’Accord de Paris, c’est bien de sortir des énergies fossiles ; c’est nécessaire si nous voulons atteindre la neutralité carbone et maîtriser le réchauffement de la planète en le limitant à 2 °C. Commençons par fermer les vannes ! Quelques gouttes continueront quand même à passer après 2040, mais si, en plus, nous autorisons les quarante et quelques demandes qui étaient en attente, l’impact sera encore réduit d’autant.
Les permis qui sont en cours d’examen ne disposeront donc pas du droit de suite. Je suis très attaché au droit de suite, parce que le Conseil d’État, avec raison, nous a bien alertés sur ce point. Mais, pour moi, l’intérêt du projet de loi est d’envoyer de bons signaux. Pourquoi accorderions-nous des permis alors que nous savons qu’il va falloir nous passer des énergies fossiles ? Nous mentirions aux acteurs économiques en leur délivrant de nouveaux permis tout en proclamant la nécessité de sortir, un jour ou l’autre, des énergies fossiles. Il faut mettre tout le monde dans une même trajectoire, au service d’un même objectif.
Deux cas se présentent : pour les permis déjà accordés, leurs détenteurs disposent d’un droit de suite et pourront en faire usage ; les permis non encore délivrés, comme je conçois les choses, seront eux refusés.
S’agissant de la recherche, préoccupation légitime évoquée tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, nous n’accorderons pas de permis de recherches sans droit de suite – faire le contraire n’obéirait à aucune logique économique. Personne, en effet, n’investira dans la recherche s’il n’y a aucun droit d’exploration à la clé. Une telle disposition aurait en outre pour conséquence de fragiliser la loi, car les acteurs économiques pourraient ensuite nous mettre sous pression en nous demandant de mettre en œuvre des droits de suite, chose qui aura pourtant été rendue impossible.
Sur le fond, nous sommes confrontés à deux défis. Le premier est celui de la connaissance de notre sous-sol, que certains imaginent perdue sans la recherche des hydrocarbures. C’est faux ! Nous continuerons à chercher et à comprendre ce qui se trouve dans notre sous-sol. Dans le cadre de la transition énergétique en effet, nous aurons besoin d’un certain nombre de ressources, et je serais heureux de les exploiter chez nous plutôt que de les faire venir d’Extrême-Orient. Je ne vois donc pas en quoi nous ne pourrions pas continuer à évaluer les ressources de notre sous-sol, en matière de géothermie notamment.
Deuxièmement, certains s’alarment légitimement de la perte de compétence des ingénieurs et géologues français. Mais ne faisons pas preuve de naïveté : c’est sur les grands gisements que se construit cette expertise ; or 80 % de l’activité des entreprises concernées par la fin de l’exploration – il est important de le rappeler – se fait à l’étranger, et non en France. C’est plus qu’un détail : économiquement, ces entreprises ne sont pas dépendantes de leur seule activité sur le territoire métropolitain, et leurs compétences ne disparaîtront pas, du moins immédiatement, puisqu’elles vont continuer à s’exercer.
Voilà, à ce stade, une première salve de réactions. Pardon de me répéter : je comprends les arguments de chacun. En vous écoutant tous, mesdames, messieurs les sénateurs, je repensais à cette phrase de Bossuet, qui disait : « Nous sommes d’étranges créatures qui nous affligeons des effets dont nous continuons à adorer les causes. » D’une manière ou d’une autre, il faut que nous sortions des énergies fossiles ! Je n’ai pas dit que vous aviez dit le contraire. Certains d’entre vous ont simplement dit que ce 1 % serait peut-être la dernière goutte non utilisée et que, à nous priver en priorité de cette goutte-là, nous augmenterions nos importations. Non ! C’est probablement ce pronostic qui nous oppose. Nous ferons l’un et l’autre : nous allons montrer l’exemple, entraîner d’autres pays, qui feront la même chose que nous – être exemplaire ne signifie pas être unique ! Et nous allons, en parallèle, réduire massivement nos importations.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par M. Masson, d'une motion n° 133.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer en commission le projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement (n° 43, 2017-2018).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la motion.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, chers collègues, ce projet de loi est essentiellement une modification fondamentale du code minier. On remet en cause, par ce texte, un certain nombre de principes fondamentaux hérités de plusieurs siècles, puisque le code minier date de Napoléon.
Monsieur le ministre d’État, c’est très bien de légiférer pour dans vingt-deux ans. Mais vous savez ce qu’est la vie publique : on vote des lois et, très souvent, deux ans après, on les modifie ; a fortiori, la probabilité est énorme pour qu’une loi fixant des objectifs à vingt-deux ans fasse l’objet de changements et de rectifications au cours des prochaines années.
Indépendamment de l’intérêt que l’on peut porter à ce que vous nous proposez, quitte à bouleverser le code minier, il y avait d’autres priorités. Vous le savez, le code minier est quelque peu déphasé par rapport à l’évolution des technologies ; il mériterait une sérieuse modernisation. Cette modernisation nous est promise par tous les gouvernements qui se succèdent depuis dix ans ! Au lieu de faire un texte sur l’opportunité duquel je ne me prononcerai pas, mais qui sera applicable dans vingt-deux ans, après tout un tas de changements, je pense qu’il aurait été préférable de prendre en main la réforme d’un certain nombre d’aspects du code minier qui nécessitent de manière urgente des adaptations. Je vais vous donner deux exemples de ces adaptations nécessaires. Le premier est celui de l’orpaillage, le second celui de la gestion de l’après-mine.
L’orpaillage, vous le savez, est une technique d’exploitation de l’or qui pose d’énormes problèmes en Guyane, polluant au mercure des centaines et même des milliers de kilomètres de rivière, empoisonnant les populations qui vivent dans la forêt vierge. Je le dis tel que je le pense : il est quand même plus important de régler ce problème que de spéculer sur notre capacité à sabrer, dans vingt-deux ans, 1 % de la consommation française de pétrole ! (M. Gérard Longuet applaudit.)
Deuxième exemple, encore plus important à mon sens, celui de l’après-mine. À l’époque de l’élaboration du code minier, les mines étaient de petites exploitations plus ou moins artisanales. Aujourd’hui, dans beaucoup d’endroits – c’est ce qui s’est passé notamment avec le charbon et le minerai de fer –, les mines deviennent des entreprises assez gigantesques. Et le code minier ne répond pas du tout aux problématiques de l’après-mine ! Il y a eu dans cette enceinte et à l’Assemblée nationale d’énormes débats sur l’après-mine, notamment s’agissant des mines de fer, secteur dans lequel il y a des problèmes : des affaissements miniers se produisent de manière inopinée sur la surface.
Je voudrais citer un exemple encore plus flagrant et urgent aujourd'hui : le dossier de l’après-mine dans le bassin houiller de Lorraine. Des éléments sont complètement ignorés par le code minier. Dans le cas d’espèce, il s’agit de la remontée de la nappe phréatique. Dans l’ouest du bassin houiller de Lorraine, des exploitations ont conduit à faire descendre la surface d’une dizaine de mètres. Personne ne se rendait compte de rien : tant qu’on exploitait, on pompait l’eau. Et la nappe phréatique avait baissé en même temps que le sol. Simplement, aujourd'hui, on ne pompe plus, et la nappe phréatique remonte. Il y a actuellement des milliers de maisons où la nappe phréatique affleure dans les sous-sols ou dans les caves.
Autre exemple, dans la partie est du bassin houiller, des exploitations en dressant ont conduit à détruire quasiment des communes, notamment celle de Rosbruck. Là encore, rien n’est prévu, me semble-t-il, dans le code minier. Pis, les services de Charbonnages de France, qui sera prochainement remplacé par l’État, essayent de retarder la mise en œuvre de leurs responsabilités, en faisant recours sur recours pour empêcher l’application d’un certain nombre de décisions judiciaires.
Monsieur le ministre d’État, ma question est simple : alors qu’il y a d’énormes problèmes dans le code minier avec des conséquences urgentes, immédiates, est-il pertinent de s’en désintéresser, de ne pas les traiter, de ne pas en parler, comme le font tous les gouvernements successifs depuis dix ans, tout en légiférant pour un hypothétique 1 % de la consommation française dans vingt-deux ans ? C’est, je le crois, une question de bon sens. J’aimerais bien que vous me précisiez votre pensée sur le code minier et sa modernisation.
S’il n’y a pas d’engagement clair sur la réforme qu’on nous promet depuis dix ans, avec des délais de mise en place et de prise en main des dossiers, il est hors de question que je participe, via ce texte, à une opération pour se donner bonne conscience. Nous ne sommes pas là seulement pour nous donner bonne conscience ! Nous sommes aussi là pour régler les vrais problèmes. Or les vrais problèmes du code minier ne consistent pas à se demander si l’on va continuer à exploiter 1 % de la consommation française de pétrole en France ou si l’on va l’acheter à l’Arabie Saoudite ou à tel ou tel autre pays. Certes, c’est sympathique, et cela donne l’impression que l’on s’occupe du climat. Je ne suis pas contre le fait d’avoir la main sur le cœur ; mais on ne peut se le permettre que si l’on traite parallèlement les vrais problèmes !
Or, je vous le dis, que ce soit dans le bassin houiller de Lorraine pour l’après-mine ou en Guyane, il y a des problèmes autrement plus urgents – j’insiste sur l’urgence – que le fait de savoir si on va tirer un trait sur 1 % de la consommation française de pétrole dans vingt-deux ans. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Christine Herzog applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, contre la motion.
M. Daniel Gremillet. Notre groupe ne peut pas voter cette motion tendant au renvoi à la commission : ce serait anéantir tout le travail d’enrichissement réalisé au Sénat.
J’ai entendu l’intervention de notre collègue. Je l’encourage à voter les amendements présentés par notre rapporteur. En adoptant nos amendements sur la recherche et la connaissance des sols et des sous-sols, le Sénat offrira un débouché à ce qui vient d’être exprimé.
M. le ministre d’État l’a indiqué, un texte sur le code minier est en préparation pour le début de l’année 2018.
À nos yeux, il serait dommage de se priver de l’enrichissement et des apports de notre commission des affaires économiques, dont je salue la présidente et l’ensemble des membres, qui ont été obligés de travailler dans l’urgence. Le texte issu de l’Assemblée nationale, lui, prive complètement notre territoire de la recherche, donc de la connaissance pour le futur, un savoir pourtant indispensable pour la balance commerciale de notre pays et pour les économies d’énergie.
En outre, et vous le savez, monsieur le ministre d’État, toutes les entreprises, tous les acteurs économiques sont actuellement en train d’élaborer leur budget. Et, parmi les premiers éléments qu’examine une entreprise qui se respecte pour établir son budget, il y a l’énergie, l’eau, ainsi que le coût de la main-d’œuvre et de la matière. En d’autres termes, les sujets dont nous débattons et les conséquences qui en découlent ne sont pas neutres pour la performance économique de notre pays.
Nous avons besoin d’avancer, en ciblant les éléments permettant de montrer le chemin restant à parcourir pour atteindre la performance économique, mais également répondre aux exigences environnementales et sociétales du futur. Par conséquent, notre groupe votera contre la motion tendant au renvoi à la commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Notre commission ne s’est pas prononcée sur cette demande de renvoi à la commission. À titre personnel, j’y suis évidemment défavorable. En effet, comme l’a souligné notre collègue Daniel Gremillet, nous avons beaucoup travaillé, et en détail, sur ce texte, malgré des délais extrêmement contraints. Nous avons examiné de nombreux amendements, et nous en avons adopté, je crois, une cinquantaine. La demande de renvoi à la commission ne me paraît donc pas du tout justifiée.
En outre, c’est évidemment au Gouvernement qu’il appartient de se prononcer sur la réforme du code minier. Or il nous a déjà laissé entendre que la réforme était en projet pour 2018.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Monsieur le sénateur Masson, lorsque vous déclarez vouloir vous occuper des « vrais problèmes », vous insinuez en creux – je vous prie de bien vouloir m’excuser, mais je tenais à réagir sur ce point – que les sujets que nous traitons relèvent de problèmes accessoires.
Certes, les problèmes que vous évoquez au sujet du code minier sont réels. Mais, plutôt que d’opposer les sujets, il faut les conjuguer. Les problématiques que vous abordez seront prises en compte en 2018, en nous inspirant des travaux déjà effectués par Jean-Paul Chanteguet.
Ma responsabilité est d’introduire dans notre champ de préoccupations et dans notre champ de vision un invité un peu surprise au XXIe siècle : le long terme ! Il est vrai que nous avons jusqu’à présent toujours sacrifié l’urgence à l’essentiel. Mais, désormais, l’urgence, c’est aussi le long terme !
N’y voyez aucun mauvais esprit, mais, lorsque vous tournez légèrement en dérision l’objet du projet de loi, c’est parce que vous considérez que c’est un tout. Or ce texte fait partie d’un ensemble de dispositifs. Je pense à la loi relative à la transition énergétique, au plan Climat ou à nos démarches pour essayer de réorienter notre mode de production agricole afin que celui-ci contribue également à la lutte en faveur du climat. Je pourrais également évoquer les transports ou bien d’autres domaines, dans le bâtiment ou le logement… C’est aussi faire abstraction de l’énergie que nous dépensons sans compter en matière diplomatique aux échelons européen et international pour engager les autres États ; et, croyez-moi, ce n’est pas facile !
Nous ne parlons pas d’un petit problème. Il s’agit au contraire d’un énorme problème, qui peut saper tout ce qui a de l’importance à vos yeux, ainsi que je l’ai souligné tout à l’heure.
N’employez donc pas de termes un peu caricaturaux. Pour ma part, je ne caricature pas vos propos, car vous avez raison : le sujet que vous évoquez est important. Nous avons estimé qu’il fallait traiter à part les hydrocarbures et la réforme du code minier, laquelle sera lourde et, si j’ai bien compris, complexe, même si certains ont déjà un peu anticipé sur nos travaux. Le Gouvernement s’y est engagé : la réforme du code minier – comme vous l’avez rappelé, celui-ci date de Napoléon – sera mise en œuvre en 2018.
Je suis évidemment défavorable à la motion tendant au renvoi à la commission.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 133, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement
Chapitre Ier
Arrêt de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques en application de l’Accord de Paris
Article 1er A
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 57 rectifié bis, présenté par MM. Guillaume, Courteau et Bérit-Débat, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Préville et Cartron, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier est ratifiée.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement vise à rétablir l’article 1er A, qui a été supprimé en commission des affaires économiques. L’article supprimé visait à ratifier l’ordonnance du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier.
Alors que le présent projet de loi procède à des modifications de la partie législative du code minier, nous considérons qu’il est utile de ratifier une ordonnance portant précisément sur la codification de celle-ci.
Nous tenons à souligner que cet article 1er A était issu de l’adoption par l’Assemblée nationale en séance publique d’un amendement ayant reçu un avis favorable de la part à la fois du rapporteur de la commission du développement durable et du Gouvernement.
Monsieur le ministre d’État, nous savons que vous vous êtes engagé à proposer dans le courant de l’année 2018 un projet de loi visant à réformer le code minier, et nous nous en félicitons. Nous sommes conscients qu’il sera nécessaire à cette occasion de corriger un ensemble d’erreurs et de procéder à diverses adaptations.
Comme vous l’avez vous-même souligné, en ratifiant cette ordonnance, il s’agit de permettre de mettre un terme à l’ambiguïté entourant le statut des articles du code minier issus de la recodification portée par l’ordonnance de 2011 et dont la légalité est parfois encore remise en cause, une ordonnance non ratifiée ne revêtant qu’un caractère réglementaire. Adopter cet amendement nous semble donc utile.
Mme Catherine Procaccia. Heureusement ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. J’ai lu avec attention les propos que M. le ministre d’État a tenus en commission à l’Assemblée nationale. Il a indiqué que cette ordonnance requérait « un important travail de toilettage », que « la ratifier brutalement risquerait de remettre en cause les dispositions adoptées ultérieurement » et que ce travail avait « vocation à être fait dans le cadre de la réforme du code minier ».
Je souscris totalement à ces propos. C’est pourquoi j’ai proposé à la commission de supprimer l’article 1er A. J’ajoute qu’il serait inconséquent d’autoriser la ratification d’une ordonnance sans la modifier tout en sachant que certaines dispositions devraient l’être.
En outre, je ne crois pas que l’on grandisse le rôle du législateur en ratifiant à l’emporte-pièce, sauf si les auteurs de l’amendement peuvent m’assurer avoir examiné avec attention les quatre-vingt-douze pages de l’ordonnance et me confirmer qu’il n’y a pas lieu de procéder à une seule modification…
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. J’avais été favorable à l’adoption d’un tel amendement à l’Assemblée nationale. De notre point de vue, cette disposition met un terme à l’ambiguïté qui entoure le statut des articles du code minier issus de la recodification portée par l’ordonnance de 2011 et dont la légalité est malheureusement parfois encore remise en cause.
Le Gouvernement souhaite le maintien de l’article dans le projet de loi. Je suis donc favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Il me semble cohérent de ratifier l’ordonnance portant sur la partie législative concernée, dont le caractère légal peut être questionné. Pourquoi attendre une réforme du code minier pour ratifier une telle ordonnance ? J’ai l’impression qu’il serait préférable de ne pas remettre à demain ce que nous pouvons faire aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. L’argumentaire avancé pour justifier un tel amendement me semble tout de même un peu court.
Il nous est indiqué que le fait de donner une consécration législative à l’ordonnance permet de sécuriser le dispositif. En d’autres termes, on empêche les gens qui pourraient attaquer telle ou telle disposition devant le Conseil d’État de le faire. Mais cela revient à reconnaître nous-mêmes que telle ou telle disposition figurant dans l’ordonnance n’est pas nécessairement conforme aux principes du droit !
Il ne me paraît pas opportun du tout de faire cela à la sauvette sans discuter du contenu de l’ordonnance. Il faut qu’il y ait un vrai débat. Et je pense qu’il doit avoir lieu dans la logique d’une réforme globale du code minier.
Je ne voterai donc pas cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. L’ordonnance compte effectivement quatre-vingt-douze pages. Compte tenu de l’engagement de la procédure accélérée sur ce projet de loi, il a été complètement impossible à Mme la rapporteur et M. le rapporteur pour avis de rendre une expertise sur le fond.
L’avis défavorable que nous émettons sur cet amendement tient donc à la rapidité avec laquelle nous avons eu à examiner le projet de loi. Encore une fois, l’urgence à légiférer n’est pas avérée, même si le sujet est évidemment important. Nous n’avons pas eu suffisamment de temps pour expertiser ces quatre-vingt-douze pages extrêmement techniques d’ordonnance.
M. le président. En conséquence, l’article 1er A demeure supprimé.
Article 1er
Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code minier est ainsi modifié :
1° Le 1° de l’article L. 111-1 est ainsi rédigé :
« 1° Des hydrocarbures et des combustibles fossiles, la tourbe exceptée, qu’ils soient sous forme solide, liquide ou gazeuse, du graphite, du diamant ; »
2° Est ajoutée une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Arrêt de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures et du charbon
« Art. L. 111-4. – Par dérogation aux titres II à IV du présent livre, la recherche et l’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux et du charbon destinés à un usage énergétique sont régies par les dispositions de la présente section.
« Art. L. 111-5. – Pour l’application de la présente section, est considéré comme “gaz de mine” le gaz situé dans les veines de charbon préalablement exploitées dont la récupération s’effectue sans interventions autres que celles rendues nécessaires pour maintenir en dépression les vides miniers contenant ce gaz, afin de l’aspirer.
« Un gaz dont la récupération nécessiterait la mise en œuvre d’actions de stimulation, cavitation ou fracturation du gisement ne peut être considéré, pour l’application de la présente section, comme du “gaz de mine”.
« Art. L. 111-5-1 (nouveau). – Pour l’application de la présente section, sont considérés comme “hydrocarbures liquides ou gazeux destinés à un usage non énergétique” les hydrocarbures entrant dans la fabrication ou dans la composition de produits ou substances à finalité non énergétique.
« Art. L. 111-6. – Il est mis fin progressivement à la recherche et à l’exploitation du charbon et de tous les hydrocarbures liquides ou gazeux, quelle que soit la technique employée, à l’exception du gaz de mine défini à l’article L. 111-5, des hydrocarbures liquides ou gazeux destinés à un usage non énergétique et de la recherche réalisée sous contrôle public à seules fins de connaissance géologique du territoire national, de surveillance ou de prévention des risques miniers, afin de parvenir à un arrêt définitif de ces activités, dans les conditions et selon les modalités fixées par la présente section.
« Les hydrocarbures liquides ou gazeux connexes, au sens de l’article L. 121-5, à un gisement faisant l’objet d’un titre d’exploitation de mines pour une substance non mentionnée au premier alinéa du présent article ou un autre usage du sous-sol mentionné dans le présent code ne peuvent être exploités par le titulaire et doivent être laissés dans le sous-sol.
« Par exception à l’alinéa précédent, le titulaire est autorisé par l’autorité administrative à intégrer ces hydrocarbures dans un processus industriel dès lors que leur extraction est reconnue être indissociable de l’exploitation du gîte sur lequel porte le titre d’exploitation ou qu’elle résulte d’impératifs liés à la maîtrise des risques. Pour les hydrocarbures gazeux, la valorisation éventuelle est strictement limitée à un usage local, sans injection dans un réseau de transport ou liquéfaction.
« Art. L. 111-6-1. – Le titulaire d’une concession de substances mentionnées au premier alinéa de l’article L. 111-6 a droit, s’il en fait la demande au plus tard deux ans avant l’échéance de son titre, à la conversion de sa concession en titre d’exploitation portant sur une substance non mentionnée au même premier alinéa ou un autre usage du sous-sol mentionné dans le présent code dès lors qu’il démontre à l’autorité administrative, d’une part, la connexité, au sens de l’article L. 121-5, entre la nouvelle substance ou le nouvel usage et les hydrocarbures contenus dans le gisement et, d’autre part, la rentabilité économique de la poursuite de l’exploitation du gisement.
« Art. L. 111-7. – L’article L. 111-6 s’applique à la recherche et à l’exploitation dans le sous-sol et à la surface du territoire terrestre et du domaine public maritime, dans le fond de la mer et dans le sous-sol de la zone économique exclusive et du plateau continental définis, respectivement, aux articles 11 et 14 de l’ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française.
« Art. L. 111-8. – Il n’est plus accordé par l’autorité compétente de :
« 1° Permis exclusif de recherches ou d’autorisation de prospections préalables en vue de la recherche, y compris à des fins expérimentales, portant sur une ou des substances mentionnées au premier alinéa de l’article L. 111-6, à l’exception de la recherche réalisée sous contrôle public à seules fins de connaissance géologique du territoire national, de surveillance ou de prévention des risques miniers ; dans ce dernier cas, aucune concession ne peut être attribuée en application de l’article L. 132-6 ;
« 2° Concession en vue de l’exploitation de ces mêmes substances, sauf dans le cas prévu à l’article L. 132-6 ;
« 3° Prolongation d’une concession portant sur ces mêmes substances pour une durée dont l’échéance excède le 1er janvier 2040.
« La prolongation d’un permis exclusif de recherches portant sur ces mêmes substances demeure autorisée en application de l’article L. 142-1 et du second alinéa de l’article L. 142-2.
« Art. L. 111-8-1 et L. 111-9. – (Supprimés)
« Art. L. 111-10 (nouveau). – La durée des concessions attribuées en application de l’article L. 132-6 à compter de la promulgation de la loi n° …du …mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement ne peut permettre de dépasser l’échéance du 1er janvier 2040, sauf lorsque le titulaire du permis exclusif de recherches démontre à l’autorité administrative qu’une telle limitation ne permet pas de couvrir ses coûts de recherche et d’exploitation, en assurant une rémunération normale des capitaux immobilisés compte tenu des risques inhérents à ces activités, par l’exploitation du gisement découvert à l’intérieur du périmètre de ce permis pendant la validité de celui-ci. Dans ce dernier cas, l’autorité administrative fixe la durée des concessions comme la durée minimale permettant de couvrir les coûts de recherche et d’exploitation, en assurant une rémunération normale des capitaux immobilisés compte tenu des risques inhérents à ces activités, par l’exploitation du gisement susmentionné, dans la limite de la durée mentionnée à l’article L. 132-11. »
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l'article.
M. Guillaume Gontard. Nous arrivons au cœur de ce projet de loi hautement symbolique et qui place la France en accord avec ses engagements pris lors de la COP21. Son article 1er, qui interdit l’obtention de titre minier au-delà de 2040, se veut un message clair sur l’urgence d’une transition énergétique et la fin d’une dépendance exclusive aux produits pétroliers. C’est un beau message pour nos enfants, qui attendent de nous des mesures courageuses. Je regrette cependant les dernières évolutions, qui ont rendu ce projet de loi trop timide.
D’un symbole fort et attendu, nous dérivons vers des dispositions souvent floues et aléatoires. Il n’y a pas d’avenir dans la prospection de produits carbonés. Nous devons l’acter et concentrer la recherche vers d’autres ressources et d’autres pratiques plus vertueuses.
Je parlais de dérives : alors qu’aucune nouvelle autorisation ne devait pouvoir être attribuée, de multiples exceptions ont été ajoutées au nom de la préservation des droits acquis, c’est-à-dire le droit des concessionnaires de faire de l’argent pour faire de l’argent, indépendamment de toute considération environnementale, écologique ou sanitaire. Le permis ou la concession pourront ainsi être octroyés ou prolongés jusqu’en 2040, contrairement à ce qui était prévu dans le projet initial. Il n’y a plus d’extinction progressive, puisque l’ensemble des concessions arriveront à échéance la même année, soit dans vingt-trois ans : vingt-trois ans, alors que l’urgence est là ! Pis, des concessions pourront être octroyées au-delà de cette limite si les concessionnaires démontrent que la rentabilité, et non le seul équilibre économique, n’est pas avérée à cet horizon.
De quel équilibre parle-t-on ? Le seul équilibre qui puisse s’entendre est celui de notre planète. Cet équilibre-là ne se monnaye pas. Des concessions nouvelles pourront également être octroyées dans le cadre du droit de suite, qui permet qu’un permis de recherches donne droit ensuite à un permis d’exploitation. Les trente-trois titres de recherche en cours pourront donner lieu à autant de concessions et les soixante-deux concessions en cours de validité pourront être prolongées. Autant d’exceptions qui dénaturent ce projet de loi. Nous le regrettons profondément, car nous en partageons l’ambition première.
Soyons courageux ! Osons tourner la page ; il le faut maintenant. Nous devons respecter nos engagements et donner l’exemple.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l'article.
M. Fabien Gay. Nous en venons maintenant aux dispositions concrètes de ce projet de loi, qui marque un pas symbolique vers la fin de l’exploitation des énergies fossiles. Ainsi, de nouvelles règles sont définies, notamment l’interdiction de nouvelles concessions minières ou de nouveaux droits exclusifs de recherches après 2040.
Ces objectifs, nous pouvons les juger audacieux ou non. Mais, de toute manière, soyons clairs, ils sont extrêmement fragiles avec la signature par le conseil de l’Union européenne du CETA et sa mise en œuvre provisoire au 21 septembre dernier, le Président de la République ayant fait le choix de ne pas mettre son veto. Pourtant, sur le sujet qui nous concerne aujourd’hui, les conséquences du CETA seront désastreuses.
Ainsi, le CETA pourrait permettre de nouveaux investissements dans les sables bitumineux canadiens, qui non seulement augmenteraient les émissions de gaz à effet de serre, mais pourraient stimuler l’importation de ce pétrole très énergivore et peu écologique en Europe. Nous importerions donc un hydrocarbure dont la nocivité est pourtant avérée et reconnue.
Par ailleurs, et plus fondamentalement, le mécanisme dit de cour d’investissement introduit par le CETA pourrait permettre aux entreprises de contester des politiques climatiques d’intérêt public si elles contreviennent à leurs intérêts. Ainsi, le CETA précise que peuvent être contestées les décisions des États qui enfreignent le « traitement juste et équitable », constituent une « expropriation indirecte » d’une entreprise ou frustrent leurs « attentes légitimes ». Le projet de loi que nous examinons entre très directement dans ce cadre, au nom des droits acquis.
La seule manière de se prémunir contre ce type de procédures est de se mettre hors de portée de la libre interprétation des juges et d’exclure clairement certains secteurs du champ d’application du système d’arbitrage. C’est le cas, dans le CETA, pour toutes les politiques liées aux subventions ou à la stabilité financière, mais pas des politiques visant à réduire les gaz à effet de serre, contrairement à ce qu’avait recommandé le Parlement européen en 2015. Nous le regrettons, car il est évident que les entreprises n’hésiteront aucunement à saisir le tribunal d’arbitrage pour faire condamner la France.
Monsieur le ministre d’État, il est temps de prendre toutes nos responsabilités et de faire entendre une voix forte de la France, pour refuser la mise en œuvre du CETA, qui vide de sa substance ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l'article.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre d’État, votre projet de loi part d’un bon sentiment : réduire les gaz à effet de serre. Mais ce n’est pas le fait d’interdire l’extraction de 1 % du pétrole que nous consommons en France qui y contribuera !
Cela me fait penser aux Luxembourgeois qui sont vent debout contre la centrale nucléaire de Cattenom, située en Moselle – ils font régulièrement des manifestations pour s’y opposer –, et qui, dans le même temps, achètent à la France de l’électricité produite par cette centrale. Nous nous apprêtons à faire un peu la même chose, en décidant de cesser d’exploiter du pétrole pour montrer l’exemple à tout le monde, tout en continuant à en acheter !
À mon sens, pour être crédible, il aurait fallu cibler la consommation, que le pétrole vienne de France ou de l’étranger. Mais cibler le fait de produire quelques gouttes de pétrole en France, c’est juste se donner bonne conscience. Je ne veux pas être trop dur avec vous, mais j’ai un peu l’impression qu’il s’agit de se donner bonne conscience pour pas cher, un peu à l’instar de ces Luxembourgeois qui se battent contre la centrale nucléaire de Cattenom tout en achetant de l’électricité d’origine nucléaire à la France.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l'article.
M. Hervé Maurey. Au moment d’entamer l’examen des articles, j’indique que moi-même et un certain nombre de mes collègues du groupe Union Centriste accueillons le présent projet de loi avec un a priori plutôt favorable. Certes, comme cela a déjà été dit, nous trouvons qu’il s’agit d’un texte essentiellement symbolique. Ainsi que cela a aussi été rappelé, l’exploitation d’hydrocarbures en France représente 1 % de notre consommation. Nous le voyons donc bien, ce n’est pas avec une telle mesure que l’on arrivera à une société décarbonée à l’horizon de 2050.
Dans le même temps, le texte va dans le bon sens. Il faut bien prendre un certain nombre de mesures pour mettre en œuvre l’Accord de Paris, qui a été signé voilà maintenant près de deux ans. Toutefois, comme vous l’avez indiqué vous-même, monsieur le ministre d’État, pour arriver à atteindre les objectifs fixés par la COP21 et par la loi relative à la transition énergétique, il faut surtout accélérer sur les économies d’énergie : ce sont les économies que l’on fait qui permettent d’avoir le moins d’émissions de CO2. Il faut aussi accélérer sur le déploiement des énergies renouvelables : l’objectif de 40 % d’énergies renouvelables dans la consommation à l’horizon de 2040 doit absolument être tenu.
Certes, le présent projet de loi n’est pas la pierre angulaire que certains ont évoquée. Mais je pense que c’est tout de même une pierre parmi d’autres pour paver le chemin sur lequel la France s’est engagée avec beaucoup de détermination et de courage voilà deux ans.
En outre, je pense – du moins, je l’espère – que ce texte permettra de montrer l’exemple à d’autres pays. Le Canada, le Royaume-Uni et l’Allemagne, qui seraient en train de s’engager dans cette voie, ont été évoqués. Malheureusement, nous savons que, dans le même temps, d’autres pays sont plutôt dans une démarche contraire. Nous avons vu récemment la position de l’Australie – je ne parle pas des États-Unis –, qui fait plutôt machine arrière aujourd'hui.
Par conséquent, j’espère que la COP23, à laquelle vous allez participer la semaine prochaine, permettra de faire en sorte qu’un certain nombre d’États nous rejoignent et partagent notre détermination à mettre fin à la recherche et à la production d’hydrocarbures. Il n’y a qu’à cette condition que le texte proposé aujourd'hui, pour lequel nous avons, je le répète, un a priori positif, pourra être vraiment utile.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, sur l'article.
M. Jean-Noël Cardoux. Tel que proposé par le Gouvernement, le texte dont nous sommes saisis relève d’une spécialité bien française, que je qualifierais de deux termes : « affichage » et « autoflagellation ».
M. Roland Courteau. Oh !
M. Jean-Noël Cardoux. L’affichage ? Cela me paraît évident. On veut prouver aux Français que nous arriverons dans notre pays à limiter la production de gaz à effet de serre en supprimant la production française d’hydrocarbures, qui représente 1 % de notre consommation. C’est vraiment de la communication et de l’affichage.
Autoflagellation ? Adopter le texte tel qu’il était présenté à l’origine aurait pour effet de nous priver d’un certain nombre d’atouts environnementaux et économiques fondamentaux. Les atouts environnementaux ont déjà été évoqués : comme plusieurs orateurs l’ont souligné, les hydrocarbures français produisent trois fois moins de gaz à effet de serre, sont trois fois moins chargés en carbone que ceux que nous importons. Si l’on suit les prévisions du Gouvernement, en 2040, les hydrocarbures français représenteront 10 % de notre consommation. Pour compenser la fin de leur exploitation, nous allons importer des hydrocarbures, ce qui s’avérera plus polluant.
Il y a une autre conséquence environnementale : on oublie totalement les productions connexes, en particulier la production d’eau chaude, grâce à laquelle on économise fortement l’énergie. L’eau chaude due à l’extraction permet en effet le développement de cultures maraîchères, dans le Sud-Ouest par exemple, ou encore du chauffage urbain dans certaines zones HLM. Ces économies d’énergie compensent la production d’hydrocarbures.
Il y a aussi des arguments économiques : on va se priver, du moins partiellement, des travaux de la recherche française dans les sous-sols de notre pays. Nous n’avons pas encore tout exploré : interdire la recherche revient à se priver de prolongements économiques importants et d’emplois.
J’ajoute que l’interdiction menace non seulement les emplois liés aux entreprises d’extraction, mais aussi les produits versés aux collectivités d’accueil par ces entreprises. Alors que les collectivités territoriales sont déjà malmenées de toutes parts, les priver à terme de ces ressources non négligeables est un mauvais signal.
Pour toutes ces raisons, j’estime que l’article 1er dû aux travaux de la commission corrige en partie les dérives du texte. J’y suis donc favorable.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l’article.
M. Ronan Dantec. C’est toujours un plaisir d’intervenir après notre collègue Cardoux…
J’imagine quand même qu’il n’y a pas, dans cet hémicycle, un seul sénateur ou une seule sénatrice qui pense que l’objet du projet de loi se limite à baisser de 1 % la consommation d’hydrocarbures en 2040 ? Tout le monde a bien compris que, par ce texte, nous cherchons à renforcer la position de la France dans les négociations européennes en vue de diminuer la consommation du charbon en Pologne et en Allemagne. Nous ne pouvons pas demander aux Polonais de rapidement baisser leur consommation de charbon et continuer de notre côté l’exploitation des hydrocarbures, alors que le charbon constitue pour eux un socle économique très important et que les hydrocarbures, pour l’économie française, c’est epsilon !
Nous parlons donc bien, ce me semble, de notre responsabilité collective, en tant que parlementaires : mettre la France en position de force pour participer aux négociations à venir, au moment où la COP23 vient de s’ouvrir, et faire en sorte que l’Europe – je ne parle même pas du reste du monde – puisse réduire ses émissions de gaz à effet de serre dans les prochaines années. Je le répète, nous n’obtiendrons pas des Polonais, des Allemands et d’autres qu’ils fassent un effort considérable si nous n’en faisons pas un petit. Pour l’économie française, en effet, ce que nous voulons représente un tout petit effort.
Je suis très surpris que certains abordent ce texte par le petit bout de la lorgnette. L’enjeu de notre discussion est bien la position de la France dans les négociations internationales. C’est à l’échelle du monde qu’il faut considérer le problème, et non pas par un prisme localo-localiste.
Néanmoins, ce qu’il y a de redoutable, c’est que certains territoires seront affectés par nos décisions, celui dont je suis l’élu en premier. Il y a une raffinerie, la centrale de Cordemais, dont j’étais hier avec le directeur pour discuter des moyens d’écrire l’histoire d’une centrale à charbon qui ne fonctionnera plus au charbon dans cinq ans… Oui, nous sommes affectés !
La défense de nos territoires respectifs est légitime, bien sûr, mais elle peut conduire à condamner Saint-Martin, par exemple. On peut reconstruire totalement cette île une fois après le passage d’un ouragan, mais pas trois. L’ensemble du tourisme des Antilles, secteur qui emploie des dizaines de milliers de personnes, peut disparaître dans les prochaines années ; certains territoires peuvent être submergés ; le modèle économique de notre agriculture peut ne pas survivre…
Nous devons assumer nos responsabilités et placer la France en position de force dans ces négociations internationales vitales. Ce n’est pas le cas, hélas ! avec la rédaction retenue par la commission, qui crée trop de trous dans la raquette. (M. Joël Labbé applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je tenais à vous dire, monsieur le ministre d’État, que nous étions d’accord avec vous.
Nous sommes d’accord avec vous quand vous dites que nous faisons face à un enjeu universel. C’est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques a examiné ce texte de loi en l’amendant certes quelque peu, mais sans en modifier ni le sens ni la portée.
Nous sommes d’accord avec vous quand vous parlez d’urgence climatique ; d’accord pour enterrer les vieilles lunes de ceux qui doutent et des sceptiques.
Nous sommes même peut-être d’accord avec vous sur la fin, à terme, de l’exploitation des hydrocarbures.
Nous sommes d’accord avec vous quand vous prônez une transition écologique et défendez les formidables opportunités, notamment économiques, qu’elle représente pour la France comme pour l’Europe.
Mais, monsieur le ministre d’État, aidez-nous ! Nous avons entendu de grandes déclarations, émanant de toutes les travées de cet hémicycle, sur l’urgence de faire face à cet enjeu universel : je vous demande d’agir maintenant.
Aidez-nous à développer l’énergie hydraulique.
Mme Frédérique Puissat. Très bien !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Alors que le stockage de l’énergie est hydraulique, nous n’arrivons plus à faire vivre ce secteur en France ; nous fermons GE Hydro à Grenoble ; nous ne pouvons plus construire de turbine.
Aidez-nous pour que les agriculteurs et les collectivités territoriales construisent des méthaniseurs dans des délais plus courts, grâce à moins de normes et plus d’efficacité ; grâce aussi à de nouveaux financements qu’il faut trouver.
Aidez-nous pour que baisse la consommation d’énergie, en ne faisant pas figurer dans le projet de loi de finances pour 2018 la suppression des avantages fiscaux pour le remplacement des portes et des fenêtres.
Aidez-nous pour que les organismes d’HLM gardent les financements nécessaires à la rénovation des logements les plus énergivores, d’ailleurs habités par les plus modestes d’entre nous.
M. François Calvet. Excellent !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Aidez-nous à aller au-delà des recours des multiples associations écologistes locales qui se dressent contre l’éolien.
Aidez-nous pour de vrai, monsieur le ministre d’État. Pendant que nous votons des textes symbole dans cet hémicycle, il y a des entreprises qui ferment, comme la centrale thermique de Porcheville, dans mon département, par exemple. Pour elles, il n’y a pas de transition écologique possible : leur sort se joue maintenant, tout de suite. Dans certains territoires, ce sont de vrais drames qui parfois se nouent.
Aidez-nous concrètement : par des textes bien sûr, mais en tentant de persuader aussi les membres du Gouvernement, de sorte que les belles phrases, celles notamment contenues dans ce texte, se traduisent par des actes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 58 rectifié bis est présenté par MM. Guillaume, Courteau et Bérit-Débat, Mmes Cartron et Artigalas, MM. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mme Préville, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 104 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 7
Supprimer les mots :
destinés à un usage énergétique
II. – Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéa 11
Supprimer les mots :
, des hydrocarbures liquides ou gazeux destinés à un usage non énergétique
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 58 rectifié bis.
M. Roland Courteau. La commission des affaires économiques a introduit une nouvelle catégorie d’hydrocarbures – les hydrocarbures destinés à un usage non énergétique –, permettant d’élargir le champ des dérogations à l’arrêt de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures d’ici à 2040. Nous nous interrogeons sur la portée de cette modification.
Le plan Climat, que vous avez présenté le 6 juillet dernier, monsieur le ministre d’État, comporte un volet consacré à la sortie progressive de l’exploration et de la production des hydrocarbures en France. Il s’agit d’un choix politique : renoncer volontairement à exploiter des réserves d’énergie. Cela constitue, vous l’avez dit, un changement de paradigme.
En permettant que les dispositions de l’article 1er ne s’appliquent qu’aux hydrocarbures destinés à « un usage non énergétique », on stoppe l’ambition du projet de loi – l’arrêt définitif de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures –, en élargissant le champ des dérogations, qui pourraient se multiplier. Dans le même temps, on permet la poursuite de la recherche et de l’exploitation dans notre sous-sol d’hydrocarbures liquides ou gazeux, pour des usages non énergétiques.
Par ailleurs, force est de le constater, le projet de loi prend déjà en compte des possibilités de reconversion des sites pour valoriser d’autres activités, comme le gaz sulfuré du site de Lacq ou d’autres énergies renouvelables. Or, à entendre certains, l’arrêt de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures condamnerait la géothermie. À ce que je sache, les activités de géothermie ne font l’objet d’aucune interdiction en France.
En 2013, la ministre de l’écologie, Delphine Batho, a signé deux permis exclusifs de recherches de gîtes géothermiques, qui ont été suivis de nombreuses autres demandes de titres d’exploration.
Fin mars 2015, un fonds de garantie dénommé le GEODEEP a été créé pour encourager le développement de la géothermie. La fin de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures ne devrait donc pas se traduire par la remise en cause des activités de géothermie, largement soutenues en France.
Nous pensons que les exceptions doivent demeurer limitées et être strictement encadrées ; elles ne doivent pas devenir la règle. Tel est le sens du présent amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, pour présenter l’amendement n° 104.
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. J’aimerais d’abord répondre, si vous me le permettez, monsieur le président, au cri du cœur lancé par Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Votre appel à l’aide, madame la présidente de la commission, je vous le renvoie en écho : je vous demanderai moi aussi, en temps utile, de m’aider pour que, dans notre façon d’aborder ces problèmes, nous changions d’échelle. J’en suis intimement convaincu – si je ne l’étais pas, honnêtement, je serais beaucoup plus mal à l’aise que je ne le suis pour défendre le présent texte –, il y a dans la transition énergétique un potentiel économique et un potentiel de gisements d’emplois qui sont énormes. Mais, pour les exploiter, il va falloir voir les choses en grand. Le saupoudrage ne changera pas grand-chose.
C’est la raison pour laquelle j’ai demandé au Président de la République de m’autoriser à travailler, non pas simplement dans les limites de mon ministère, mais avec l’ensemble des ministères concernés – le ministère du travail, le ministère de l’économie, le ministère de la recherche… – sur un grand plan, afin de changer totalement d’échelle. C’est à mon sens la seule manière de convaincre. Cela va donc prendre quelques mois.
Je présenterai ce plan au premier trimestre de 2018. Il va falloir que nous soyons ingénieux, créatifs ; que nous utilisions le grand plan d’investissement ; que nous voyions ce que nous pouvons faire avec la Caisse des dépôts et consignations, avec Bpifrance, avec le plan Juncker, et même au-delà.
Dans ce domaine, ce n’est pas simplement de la dépense ; c’est de l’investissement. Cela a été dit, l’énergie qu’on ne dépense pas, c’est de l’argent que l’on économise ; l’énergie qu’on n’importe pas également.
Je n’ai pas la prétention de dire que je vais arriver tout seul à faire cette démonstration ; c’est un travail collectif pour lequel, à un moment ou un autre, nous aurons besoin de votre soutien. Merci, donc, madame la présidente de la commission, pour votre approche très constructive.
J’en viens à l’amendement n° 104.
Les dispositions adoptées en commission des affaires économiques du Sénat visent à exclure du projet de loi le cas des hydrocarbures utilisés pour un usage non énergétique. Or le code minier ne prévoit pas la notion d’usage lorsqu’il délivre une autorisation d’extraction d’une substance. De notre point de vue, cette disposition serait donc très difficile à mettre en œuvre. Par voie de conséquence, elle pourrait même détourner tout l’esprit du texte.
Par ailleurs, au-delà des évolutions prévisibles vers une économie circulaire et vers des bioplastiques, il serait nécessaire de faire préalablement le bilan des émissions de gaz à effet de serre pour ces usages non énergétiques, qui, contrairement à ce qu’on croit, ne sont pas totalement nulles, loin de là.
Cet amendement vise donc à revenir à la rédaction adoptée à l’Assemblée nationale.
M. le président. L’amendement n° 42 rectifié, présenté par MM. Labbé, Dantec et Requier, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes et MM. Gold, Guérini, Menonville et Vall, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 11
Supprimer les mots :
, des hydrocarbures liquides ou gazeux destinés à un usage non énergétique
II. - Alinéa 13, première phrase
Remplacer les mots :
indissociable de l’exploitation du gîte sur lequel
par les mots :
le préalable indispensable à la valorisation des substances sur lesquelles
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement tend à rétablir la rédaction du projet de loi votée à l’Assemblée nationale en ce qui concerne la possibilité de continuer à exploiter les hydrocarbures liquides ou gazeux connexes à un gisement de substances non énergétiques faisant l’objet d’un titre d’exploitation de mines. La commission des affaires économiques du Sénat a élargi cette dérogation à l’exploitation des hydrocarbures connexes à d’autres usages du sous-sol.
Nous considérons que l’extension de la dérogation réduirait considérablement l’ambition première du projet de loi. Cet amendement vise donc à circonscrire la dérogation aux seules substances non énergétiques, à l’exclusion des autres usages du sous-sol.
M. le président. L’amendement n° 60 rectifié bis, présenté par MM. Guillaume, Courteau et Bérit-Débat, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Préville et Cartron, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 13
1° Première phrase
Remplacer les mots :
indissociable de l’exploitation du gîte sur lequel porte le titre d’exploitation
par les mots :
le préalable indispensable à la valorisation des substances
2° Seconde phrase
Rédiger ainsi le début de cette phrase :
Pour les hydrocarbures ainsi extraits, la valorisation éventuelle …
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Le dispositif de cet amendement s’articule avec celui de l’amendement n° 57 rectifié bis défendu par Roland Courteau. Nous souhaitons en effet rétablir la rédaction adoptée par les députés, qui prévoyait des dérogations permettant de poursuivre l’exploitation de gisements de substances connexes non énergétiques contenues dans les hydrocarbures liquides ou gazeux.
La rédaction adoptée à l’Assemblée nationale prévoyait que les hydrocarbures ainsi extraits seraient strictement limités à un usage local, sans pouvoir être injectés dans des réseaux de transport ou de liquéfaction. La version issue des travaux de l’Assemblée nationale donnait la possibilité aux titulaires d’une concession d’hydrocarbures exploitant un gisement connexe aux hydrocarbures, ou valorisant un produit non hydrocarbure – le soufre du site de Lacq, par exemple –, de faire une demande de conversion de sa concession d’hydrocarbures en concession portant sur une substance non énergétique. Dans ce cas, le titulaire du titre minier devait faire la démonstration à l’autorité administrative de la connexité des deux ressources et de la viabilité économique de l’exploitation du gisement de l’autre ressource.
Les dérogations à l’arrêt de l’exploitation des hydrocarbures étaient donc strictement encadrées. Or la commission des affaires économiques a nettement élargi le champ des dérogations en permettant d’intégrer ce type d’hydrocarbures dans un processus industriel et en limitant aux seuls hydrocarbures gazeux la stricte valorisation locale. Le présent amendement vise à revenir sur l’extension des dérogations possibles et à maintenir un encadrement strict de ces dernières.
M. le président. L’amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. Labbé, Dantec et Requier, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes et MM. Gold, Guérini, Menonville et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 13, seconde phrase
Supprimer les mots :
Pour les hydrocarbures gazeux,
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. La commission des affaires économiques du Sénat a limité l’obligation de la valorisation locale des hydrocarbures connexes aux seuls hydrocarbures gazeux.
Il convient de limiter l’exploitation des hydrocarbures connexes, qu’ils soient liquides ou gazeux, à une valorisation strictement locale, afin de préserver l’esprit du projet de loi, qui vise à mettre fin progressivement à l’exploitation des hydrocarbures. Le présent amendement tend donc à revenir à la version adoptée par l’Assemblée nationale sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Lorsqu’ils sont utilisés comme matière première, les hydrocarbures n’ont pas d’impact sur le réchauffement climatique, puisque l’utilisation finale du produit dans lequel ils sont incorporés ne suppose pas de combustion et donc n’émet pas de gaz à effet de serre.
Les exemples de débouchés sont très nombreux, je n’y reviendrai pas. Je rappelle seulement qu’en 2016 la pétrochimie a consommé, en France métropolitaine, environ 11 % de l’ensemble des produits pétroliers en tant que matière première.
Le Gouvernement avance deux objections.
La première est que le code minier n’examine pas l’usage d’une substance lorsqu’il en autorise l’extraction ; cette disposition serait par conséquent très difficile à mettre en œuvre. Sur le premier argument, c’est une évidence : le code minier n’examine pas les usages tant que le législateur n’en décide pas autrement, ce que nous faisons ici. Quant à la difficulté pratique, elle est parfaitement surmontable.
D’une part, il est des cas où l’usage non énergétique peut être attesté sans aucune difficulté en raison de la nature même de l’hydrocarbure ; c’est notamment le cas de certains champs pétroliers pour lesquels le brut est assez lourd et sera essentiellement dédié à la fabrication de bitumes.
D’autre part, pour les cas où la nature de l’hydrocarbure n’en restreindrait pas l’usage à des finalités non énergétiques, une traçabilité pourrait être organisée sans difficulté par la filière, par exemple via un système de certification ou de labellisation.
La seconde objection du Gouvernement consiste, d’une part, à laisser penser que les progrès de l’économie circulaire et des bioplastiques permettraient de nous passer de tous les sous-produits du pétrole à l’horizon de 2040, ce qui me paraît utopique, et, d’autre part, à plaider pour une évaluation préalable du bilan carbone de ces usages non énergétiques. Or ces usages ne sont pas plus émetteurs de gaz à effet de serre que d’autres activités de transformation industrielle. Dès lors, faudrait-il renoncer à toute activité industrielle ?
La commission a donc émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 58 rectifié bis et 104.
Le dispositif de l’amendement n° 42 rectifié confond plusieurs notions introduites ou clarifiées dans le texte de la commission.
Son premier alinéa supprime l’une des références, mais une seule, aux hydrocarbures à finalité non énergétique, quand son deuxième rétablit en partie la rédaction de l’Assemblée nationale en matière d’hydrocarbures liquides ou gazeux connexes.
Nous avons décidé en commission d’étendre cette rédaction pour qu’elle puisse trouver à s’appliquer aux hydrocarbures liquides connexes, et pas seulement au gaz de Lacq. Nous l’avons fait, en outre, en visant l’exploitation du gîte plutôt que la seule valorisation des substances, cela afin d’ouvrir la dérogation à des activités de géothermie. Je m’étonne, sur ce dernier point, que les auteurs de l’amendement ne soient pas favorables au développement de la géothermie.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur les amendements nos 60 rectifié bis et 43 rectifié, pour les mêmes raisons.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. Le Gouvernement est évidemment favorable à l’amendement n° 58 rectifié bis, qui est identique à son amendement n° 104.
Le Gouvernement est également favorable à l’amendement n° 42 rectifié, pour des raisons déjà évoquées. Je voudrais seulement ajouter que la fabrication des plastiques vierges à partir de pétrole est, contrairement aux idées reçues, fortement consommatrice d’énergie. Elle génère également des émissions de gaz à effet de serre. Il est donc préférable de recourir au recyclage. Pour vous donner un ordre de grandeur : une tonne de plastique recyclé, ce sont 2,5 tonnes de CO2 économisées.
Le Gouvernement est favorable, sur le fond, à l’amendement n° 60 rectifié bis. Nous préférerions néanmoins qu’il soit retiré au profit de l’amendement n° 42 rectifié, qui nous semble mieux rédigé.
Enfin, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 43 rectifié, pour des raisons déjà évoquées.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.
Mme Françoise Cartron. Les cinq amendements en discussion visent à revenir sur les dérogations prévues par l’article 1er. Ces dérogations, M. le ministre d’État l’a dit, tendent à affaiblir la portée du présent texte.
Mme la rapporteur a mobilisé à l’appui de sa démonstration l’exemple d’une réalisation à venir dans le bassin d’Arcachon. Étant élue de la Gironde, je connais bien la commune de La Teste-de-Buch. Or ce projet d’écoquartier est en réalité encore dans les cartons.
M. le ministre d’État l’a dit, l’un des objectifs du présent texte est d’ouvrir les imaginations, de proposer des réponses plus innovantes. Ne pas multiplier les dérogations à son application permettra de trouver des solutions plus innovantes pour le chauffage de cet écoquartier encore en gestation que la sempiternelle extraction d’hydrocarbures. C’est ainsi que ce projet prendra place de manière encore plus évidente dans notre lutte contre le réchauffement climatique.
Je voterai donc ces amendements, qui redonnent du sens à la loi voulue par M. le ministre d’État.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Je persiste et signe : les dérogations aux dispositions de l’article 1er doivent être limitées au gaz sulfuré de Lacq. Si ces dérogations devaient devenir la règle, la portée et l’ambition de ce texte seraient particulièrement réduites.
À quoi bon légiférer si c’est pour ne rien changer ? Si c’est pour poursuivre la recherche des hydrocarbures dans notre sol ?
Bref, ne multiplions pas les coups de canif dans ce texte. C’est trop important !
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Notre groupe votera ces amendements.
Il est toujours bon de replacer nos discussions dans leur contexte. Je ne reviendrai pas sur l’urgence climatique, qui a été longuement exposée au cours de la discussion générale. Si nous voulons limiter le réchauffement climatique, on sait qu’il faut laisser 80 % des énergies fossiles dans le sol. Ce n’est pas la seule solution, mais, sans elle, nous n’y arriverons pas.
Pour notre groupe, l’échéance de 2040 – dans vingt-deux ans ! – est déjà trop tardive. Avec le texte tel qu’issu des travaux de la commission, on multiplie, en plus, les dérogations à son application. Nous devrions tout mettre en œuvre, collectivement, pour définir une date à partir de laquelle tout doit changer, pour investir massivement, pour imaginer demain.
Ceux qui ne défendent pas ce projet de loi le considèrent comme symbolique. Tel qu’il a été modifié, il l’est en effet : les hydrocarbures pourront continuer d’être exploités au-delà de 2040 pour des usages non énergétiques ; nous allons même examiner des amendements pour en repousser l’application à 2050 !
Notre groupe votera donc les amendements en discussion commune. Il faut toujours garder en tête notre objectif pour le futur ; et avec ce texte en l’état, nous ne l’atteindrons pas.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je suis très gêné par ce projet de loi. Françoise Férat l’a rappelé, nous sommes élus d’un territoire où les pompes sont présentes partout : nous vivons entourés, en pleine campagne, de puits de pétrole, et ce depuis plus de trente ans.
Cela crée beaucoup d’activités : nous voyons les camions passer, les améliorations apportées au pipeline allant jusqu’à Nangis et y transportant les produits extraits du sol. Tout cela se passe en bonne intelligence et fait vivre une économie locale.
Dans notre département, c’est une entreprise de plus de 75 emplois qui peut être détruite, alors que vous venez seulement de lancer un grand plan d’investissement pour la transition. Pour l’heure, il s’agit pour nos territoires d’une innovation plus destructrice que créatrice…
C’est là où ce projet de loi me gêne. Nous l’aurions examiné après avoir lancé des investissements pour le XXIe siècle, nous aurions pu l’expliquer à nos concitoyens. Mais, dans l’ordre retenu, nous allons devoir dire aux habitants de la Marne que des emplois, tous situés en milieu rural, où il est dur de trouver du travail, vont être détruits.
J’appelle votre attention sur ce point particulier, monsieur le ministre d’État, car la question se posera bientôt pour les méthaniseurs. Les projets actuels de méthaniseurs sont le fait de financiers, et non pas d’agriculteurs locaux, qui n’ont pas les moyens de se les offrir. Il faudra revoir le dispositif pour que la méthanisation offre des débouchés à ces derniers.
Vous parlez enfin des bioplastiques. En 2040, on ne recourra non plus à la pétrochimie, mais à la biochimie pour fabriquer ces plastiques. Notre territoire est au cœur du dispositif, grâce à son pôle mondial de compétitivité organisé autour de la bioéconomie. Or, soyez-y attentif, monsieur le ministre d’État, le projet de loi de finances pour 2018, suivant les recommandations de Bruxelles, remet en cause le taux d’incorporation du biogazole ou du diester dans le diesel, tout en malmenant la fiscalité sur ce dernier. Or c’est grâce aux engagements pris par les gouvernements précédents que le modèle économique tient, que des recherches peuvent être menées sur des carburants de future génération, que des débouchés peuvent être trouvés pour le bioplastique. Je vois donc une incohérence entre ce projet de loi et les dispositions contenues dans le projet de loi de finances pour 2018.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Je le répète, les dispositions de ce texte seront applicables dans vingt-deux ans. Il n’est pas nécessaire de les durcir au maximum dès aujourd’hui. On pourra toujours le faire plus tard, si on s’aperçoit que c’est nécessaire. On a le temps : on a vingt-deux ans devant nous ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.) Le texte ne s’appliquera pas demain !
Mme Cécile Cukierman. Dans vingt-deux ans, il sera trop tard !
M. Jean Louis Masson. Contentons-nous de fixer les principes ; il sera toujours temps de préciser les choses ensuite.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 58 rectifié bis et 104.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Monsieur Courteau, le Gouvernement vous a invité à retirer l’amendement n° 60 rectifié bis au profit de l’amendement n° 42 rectifié. Que décidez-vous ?
M. Roland Courteau. Je vais le retirer au profit de l’amendement n° 42 rectifié… (Sourires.)
M. le président. … qui vient d’être rejeté. (Nouveaux sourires.)
L’amendement n° 60 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 43 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 59 rectifié bis est présenté par MM. Guillaume, Courteau et Bérit-Débat, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Préville et Cartron, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 107 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéa 11
Supprimer les mots :
et de la recherche réalisée sous contrôle public à seules fins de connaissance géologique du territoire national, de surveillance ou de prévention des risques miniers
II. - Alinéa 17
Après la référence :
L. 111-6
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 59 rectifié bis.
M. Roland Courteau. La commission des affaires économiques a prévu une dérogation à l’arrêt des activités de recherche sur les hydrocarbures. Nous nous interrogeons sur la réelle portée de ces dispositions.
Force est de souligner que les dérogations précédentes introduites par la commission permettent déjà la poursuite des activités de recherche concernant « les hydrocarbures liquides ou gazeux destinés à un usage non énergétique ».
Permettre de poursuivre la recherche en présentant cela comme une rare exception fortement encadrée, au sens où cette recherche doit se réaliser « sous contrôle public à seules fins de connaissance géologique du territoire national, de surveillance ou de prévention des risques miniers », nous laisse particulièrement perplexes.
On nous présente les choses comme si l’arrêt de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures allait sonner la fin de la recherche scientifique en France. Mais cette recherche scientifique publique n’existe-t-elle pas déjà aujourd’hui ? Serait-elle le monopole des compagnies pétrolières ? Devrait-elle disparaître du fait de l’arrêt progressif, à l’horizon de 2040, de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures par ces mêmes compagnies ?
Vous l’aurez compris, nous ne sommes absolument pas hostiles à la recherche, et à la recherche scientifique en particulier, évidemment. Mais nous nous interrogeons sur le sens et la portée de cette dérogation nouvelle.
Qui plus est, comme cela est souligné dans l’objet de l’amendement du Gouvernement, identique au nôtre, « la recherche dans le domaine du sous-sol à des fins de connaissance géologique, de surveillance ou de prévention des risques miniers ne nécessite pas la délivrance de permis de recherches d’hydrocarbures. La délivrance d’autorisations de travaux à des fins de développement de la connaissance restera autorisée, indépendamment des dispositions de ce projet de loi ».
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons supprimer les dispositions introduites par la commission des affaires économiques, qui ne nous paraissent pas utiles.
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, pour présenter l’amendement n° 107.
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. En France, la filière du sous-sol comporte de nombreuses entités publiques qui sont engagées dans la recherche sur ce thème : le BRGM, l’IFREMER, l’IFPEN, l’INERIS. Leurs missions couvrent largement la connaissance géologique et la compréhension des phénomènes liés au sol et au sous-sol. Ces entités interviennent en appui des politiques publiques.
Vous l’avez dit et nous en sommes d’accord, l’arrêt de l’activité de recherche et d’exploitation des hydrocarbures n’emportera pas l’arrêt de cette filière, qui s’est d’ailleurs orientée ces dernières années vers la géothermie et le stockage d’énergie.
La recherche dans le domaine du sous-sol à des fins de connaissance géologique, de surveillance ou de prévention des risques miniers ne nécessite pas la délivrance de permis de recherches d’hydrocarbures. La délivrance d’autorisations de travaux à des fins de développement de la connaissance restera autorisée, indépendamment des dispositions de ce projet de loi.
A contrario, interdire la délivrance de nouveaux permis de recherches d’hydrocarbures, quelle que soit la technique utilisée et quel que soit l’opérateur, est cohérent avec l’ensemble du projet de loi.
M. le président. L’amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Gay et Gontard, Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, M. Foucaud, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Collombat, est ainsi libellé :
Alinéas 11 et 17
Remplacer les mots :
réalisée sous contrôle public
par le mot :
publique
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Le projet de loi prévoit la fin de l’exploration du sous-sol pour y chercher des hydrocarbures. À la suite de l’examen par la commission des affaires économiques, une exception pour la recherche y a été ajoutée.
S’il est logique que ce texte ne fasse pas entrave à la science, il prévoit une formule, que nous jugeons quelque peu alambiquée, de « recherche sous contrôle public », dont le but est l’amélioration de la connaissance géologique des sous-sols et la prévention des risques miniers. Une telle rédaction ménage des intérêts divergents et laisse la porte ouverte à des activités de recherche privées dont la finalité pourrait être déguisée. Pour des raisons de clarté, nous lui préférons les termes de « recherche publique », afin de garantir que toute future activité de sondage des sous-sols du territoire national soit seulement guidée par les besoins de la science et l’intérêt général.
Confier l’exclusivité de la recherche géologique à la puissance publique correspond parfaitement à la philosophie du présent projet de loi et permet d’éviter tout détournement de son objet. Nous pourrions faire le choix de supprimer cette disposition ; nous préférons l’encadrer.
M. le président. Le sous-amendement n° 109, présenté par Mme Lamure, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Amendement n° 17, alinéas 4 et 5
Rédiger ainsi ces alinéas :
par les mots :
publique réalisée
La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Ce sous-amendement est rédactionnel.
Je rappelle la ligne retenue par la commission : il s’agit de ne pas insulter l’avenir en renonçant à l’acquisition de connaissances qui pourraient contribuer au développement de filières d’avenir et accompagner la transition vers un nouveau modèle énergétique. La recherche ainsi autorisée ne pourra donner lieu ni à l’attribution d’une concession ni à l’utilisation des techniques dites « non conventionnelles ». D’ailleurs, pour lever toute ambiguïté sur le caractère nécessairement public de la recherche, je vous propose d’adopter l’amendement n° 17 rectifié du groupe CRCE, modifié par le sous-amendement n° 109 de la commission.
Pourquoi se lierait-on aujourd’hui les mains ? En effet, nos chercheurs pourraient trouver dans quelques années – sait-on jamais – un intérêt à étudier de nouveau les réservoirs et les champs d’hydrocarbures pour avancer dans la connaissance de sujets tels que le stockage géologique du CO2 ou de l’hydrogène. Rien ne justifie, à mon sens, que l’on se prive de cette possibilité.
L’avis de la commission est donc défavorable sur les amendements identiques nos 59 rectifié bis et 107.
L’avis est favorable, en revanche, sur l’amendement n° 17 rectifié présenté par M. Gay, sous réserve de l’adoption de notre sous-amendement n° 109.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. La poursuite de la recherche dans le domaine du sous-sol à des fins de connaissance géologique, qui est nécessaire, de surveillance ou de prévention des risques miniers ne nécessite pas la délivrance de permis de recherches d’hydrocarbures. Je demande donc le retrait de l’amendement n° 17 rectifié, au profit des amendements identiques nos 59 rectifié bis et 107, qui sont plus précis. À défaut, l’avis sera défavorable.
Le Gouvernement est également défavorable au sous-amendement n° 109.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Je soutiens l’amendement n° 59 rectifié bis du groupe socialiste, que j’ai cosigné, notamment, avec Roland Courteau.
Je ne vois pas pourquoi on ferait une exception pour la recherche. Aujourd’hui, le mode de recherche est toujours le même : il s’agit de la fracturation hydraulique.
Dans mon département – j’ai déjà évoqué cette problématique –, trois permis ont été refusés. En ce qui me concerne, s’il était question de faire des recherches par fracturation hydraulique sur des sites protégés pour ce qu’ils représentent sur le plan tant de l’histoire de l’Homme que de la biodiversité, je m’y opposerai très fortement.
Au nom de cette logique, je soutiens cet amendement, qui tend à interdire ce type de recherche, même lorsque l’objectif visé est une meilleure connaissance du sous-sol.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. La dérogation prévue par la commission des affaires économiques est certes strictement limitée dans son objet comme dans ses modalités. Néanmoins, même si telle n’est pas votre intention, madame la rapporteur, nous craignons qu’une telle dérogation ne serve de cheval de Troie à ceux qui veulent prolonger l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures au-delà de 2040 et qui continuent de s’intéresser aux hydrocarbures de roche-mère, et que, par le biais de courts-circuits de l’histoire, elle ne soit utilisée à d’autres fins.
Je remarque que, dans le code minier, dont on parle tant, le mot « recherche » signifie « exploration » et qu’un lien y est établi entre exploration et exploitation, d’où notre prudence. Ce n’est pas sur vous que porte ce soupçon, madame la rapporteur, mais bien sur l’éventuelle utilisation de cette dérogation par certaines personnes malintentionnées. J’y insiste, c’est peut-être un cheval de Troie.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 59 rectifié bis et 107.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Gay et Gontard, Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, M. Foucaud, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Collombat, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 18
Supprimer les mots :
, sauf dans le cas prévu à l’article L. 132-6
II. - Alinéa 20
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement vise à supprimer du présent article la mention du « droit de suite » en matière d’exploitation d’hydrocarbures.
Ce fameux droit de suite, consacré par l’article L. 132-6 du code minier, permet au titulaire d’un permis d’exploration, dont la prospection est fructueuse, d’obtenir quasi automatiquement une concession pour exploiter son site, sans mise en concurrence ni autre procédure. Par cette disposition, le titulaire n’est donc pas soumis au dépôt d’un nouveau dossier complet auprès de l’autorité administrative. Dans les faits, ce droit ôte à la population locale toute possibilité de faire valoir son point de vue et à la puissance publique toute maîtrise des conditions d’exploitation du sous-sol.
Cet article du code minier a été rédigé au XIXe siècle et, de manière incompréhensible, n’a pas été modifié depuis lors. Il avait été imaginé à l’époque pour attirer les investisseurs, qui n’avaient alors rien à voir avec les gigantesques multinationales que nous connaissons aujourd’hui.
Se rangeant à l’avis du Conseil d’État, le Gouvernement n’a pas souhaité encadrer ce droit dans la version initiale du projet de loi, ce que je regrette. Plus volontaire, l’Assemblée nationale a obligé le Gouvernement à faire un compromis en inscrivant dans la loi la date butoir de 2040 pour toutes les concessions en cours issues d’un droit de suite, sauf si les industriels prouvent qu’ils n’ont pas rentabilisé leur investissement.
La commission des affaires économiques du Sénat est revenue en arrière en précisant que cette disposition ne s’appliquerait qu’aux permis accordés après le vote de la présente loi. Ainsi, les trente-trois détenteurs actuels de permis de recherches pourront obtenir leur concession comme si de rien n’était. Cette situation va à l’encontre de l’esprit même du présent projet de loi et elle est incompatible avec le respect des engagements de l’Accord de Paris.
Nous proposons donc d’en finir une bonne fois pour toutes avec cette disposition, que ce soit pour les permis de recherches en cours ou pour les permis futurs. Cette restriction est indispensable. Ne nous inquiétons pas d’une éventuelle question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les industriels. Nous considérons en effet que la Charte de l’environnement, qui a valeur constitutionnelle, pourra être opposée à tout recours.
Comme vous l’avez précisé, monsieur le ministre d’État, « le droit de suite règne en maître ». Il est temps d’en finir.
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié, présenté par Mme Férat, MM. Détraigne et Savary, Mmes Loisier, Sollogoub et Guidez, MM. Médevielle, Cuypers et Laugier, Mme Joissains et MM. Bonnecarrère, Janssens, Kern, D. Dubois et Adnot, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La fin de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels est valable sous réserve de réciprocité de la fin de la recherche et l’exploitation de ces hydrocarbures par une majorité des États signataires de l’Accord de Paris.
La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Je souhaite revenir sur la notion de réciprocité.
Le présent amendement n’est finalement que l’application législative de l’article 55 de la Constitution, que j’ai précédemment évoqué devant vous.
S’il est important que la France soit le premier pays à prendre des mesures relatives à l’application de l’Accord de Paris sur le climat, je tiens à le redire, elle ne doit pas être la seule à le faire. Afin de ne pas pénaliser la compétitivité de l’économie française et surtout de respecter la hiérarchie des normes en appliquant scrupuleusement notre Constitution, il convient d’adopter cette mesure prévue dans l’Accord de Paris à condition qu’un nombre important d’États signataires de ce traité s’engagent également à renoncer à ces énergies fossiles. Une fois encore, il s’agit tout simplement de respecter notre Constitution.
Monsieur le ministre d’État, puisque ce projet de loi est la continuité du traité sur le climat, intégrons l’ensemble des règles régissant le respect des traités internationaux dans le corpus législatif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. L’amendement n° 16 rectifié vise à supprimer le droit de suite. Il s’agit d’une remise en cause des droits acquis qui, par ailleurs, ouvrirait droit à une indemnisation par l’État dont le montant pourrait être tout à fait considérable. L’avis est donc défavorable.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 8 rectifié, sur le fond, je comprends la démarche de Mme Férat : elle souhaite que la France ne soit pas seule à se lancer. Je pense toutefois que cette disposition n’a aucune chance de prospérer dans le texte final. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. La suppression du droit de suite proposée par les auteurs de l’amendement n° 16 rectifié porterait atteinte de manière disproportionnée aux droits acquis. J’ai tenu, lors de l’élaboration du plan Climat, à garantir celui-ci et à ne pas le fragiliser, compte tenu de l’avis du Conseil d’État. Je ne vous le cache pas, j’aurais souhaité que nous allions plus loin.
Nous ne pouvons pas revenir sur ces droits acquis. L’avis est donc défavorable.
Si nous conditionnons l’arrêt des activités de recherche et de production des hydrocarbures en France à l’application de l’Accord de Paris par les autres États signataires, comme le prévoit l’amendement n° 8 rectifié, nous y serons encore dans longtemps ! Il est contraire à la volonté du Gouvernement d’initier au niveau international une démarche volontariste. Je rejoins sur ce point l’argument développé par Ronan Dantec.
Même si cela est normal, car chacun est dans sa mission, je crois que vous sous-estimez, madame Férat, la difficulté diplomatique à laquelle la France est confrontée, qui relève en partie de mes responsabilités, pour convaincre d’autres États signataires, notamment en Europe, d’être encore plus ambitieux. C’est vrai dans le cadre de la COP23 et dans la perspective de la COP24, qui s’annonce particulièrement délicate. Vous ne pouvez pas imaginer combien cette initiative que nous allons prendre, si tant est que le présent texte garde son sens et son ambition, va nous aider.
On nous reprocherait de ne pas avoir pris cette mesure pour une petite fraction de notre économie, dont l’abandon sera largement compensé par d’autres opportunités. Il ne faut pas sous-estimer cet argument. Je le mentionne, car je l’entends au quotidien dans le cadre de mes responsabilités diplomatiques.
L’avis est donc défavorable sur l’amendement n° 8 rectifié. Une fois n’est pas coutume, nous partageons l’avis de la commission.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Ce qu’a dit Mme la rapporteur est absolument stratégique vis-à-vis de ce qui se passe dans notre pays. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mes chers collègues, remettre en cause des engagements pris auprès d’entreprises ayant investi à une époque où les règles du jeu étaient différentes en les empêchant d’exploiter les résultats de leurs recherches, c’est le meilleur moyen de faire fuir les investisseurs. C’est pourquoi je soutiens la proposition de Mme la rapporteur, qui a été adoptée par la commission. En effet, cette question dépasse largement le problème des hydrocarbures.
Le texte de la commission vise à faire appel à notre sens des responsabilités. On ne peut pas dire que la date butoir proposée par la commission entraîne un effet d’aubaine, puisqu’il est prévu un retour en arrière. C’est un signe fort, qui va bien au-delà de ce qui nous occupe aujourd’hui.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. La logique du code minier, quel que soit le matériau en cause – or, minerai de fer, charbon, pétrole… –, est d’autoriser la recherche. Si le prospecteur ne trouve rien, il en est pour ses frais. En contrepartie, s’il trouve quelque chose, il bénéficie d’un droit prioritaire pour exploiter ce qu’il a trouvé. Sinon il n’y aurait plus de code minier en France ! Il est totalement irresponsable de dire que l’on va tirer un trait sur toutes les dispositions qui existent !
Cela me fait penser à certains pays arabes qui, à un moment donné, lorsque le prix du pétrole a monté, ont tout remis en cause. On n’en est tout de même pas réduit à fonctionner comme ces États qui, voilà vingt ou trente ans, ont profité de la conjoncture pour renier leur signature et tous les engagements qu’ils avaient pris !
C’est un problème de crédibilité. Si les agents économiques, dans le domaine minier mais aussi ailleurs, ne peuvent plus faire confiance à la parole de l’État, il n’y a plus qu’à mettre la clé sous la porte. De tels amendements sont irresponsables ! Il n’est pas pensable que l’on puisse, dans cette enceinte, proposer quelque chose d’aussi biscornu. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
L’État a pris des engagements conformes au code minier. Il est donc logique de les respecter. Si vous décidez de ne pas le faire, ayez au moins le courage de dire aux gens qu’il va falloir indemniser ceux qui auront été spoliés de manière injuste. On peut faire de la démagogie d’extrême gauche, mais il faut de temps en temps avoir le courage d’en assumer les conséquences.
M. le président. Madame Férat, l’amendement n° 8 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Férat. Monsieur le ministre d’État, c’est justement parce que je ne sous-estime pas votre pouvoir de persuasion que je vais maintenir cet amendement. Je pense que vous serez capable de faire entendre la voix de la France aux autres pays et que la possibilité de vous appuyer sur la Constitution sera un « plus » lors de ces échanges.
Madame la rapporteur, espérer est le propre de l’engagement en politique. Je vous avoue que, dans ce domaine, je suis tout à fait au point. (Sourires.)
Encore une fois, monsieur le ministre d’État, il s’agit d’appliquer notre Constitution. Je ne comprends donc pas vos réserves.
Considérant que cet amendement a toute sa légitimité, je le maintiens.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. J’ai cosigné cet amendement, car il est de bon sens.
Vous dites, monsieur le ministre d’État, que « nous y serons encore dans longtemps ! » Pensez-vous réellement que, en montrant l’exemple sur l’extraction de ces 1 % d’hydrocarbures et en n’exigeant pas la réciprocité, nous serons crédibles ? Je pense, pour ma part, qu’on va nous rire au nez ! On nous dira que nous ne prenons pas beaucoup de risque à montrer l’exemple et que la France est plus arrogante que déterminante dans le processus.
Autre incohérence : vous avez dit que les entreprises qui explorent notre sous-sol étaient à 80 % internationales. Cela veut dire qu’elles n’investiront plus en France, mais à l’étranger, pour extraire des hydrocarbures que nous allons acheter, puis importer. Le bilan carbone sera encore plus dénaturé !
La réciprocité permettrait d’avancer dans le dialogue et de rendre ce texte compréhensible sur le terrain. C’est la raison pour laquelle je continue de soutenir cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Vous avez tous compris lors de la discussion générale que je souhaitais la suppression de l’article 1er du projet de loi. La sagesse aurait en effet voulu qu’on le supprime, puisqu’il est mauvais pour le bilan carbone, mauvais pour notre balance commerciale, mauvais pour l’emploi. Il s’agit donc là d’un amendement a minima.
Monsieur Dantec, penser qu’une mesure visant ces 1 % d’hydrocarbures donnera de la crédibilité à la France, c’est complètement illusoire ! Ce qui nous donnera de la crédibilité, c’est notre capacité à mettre en place les innovations qui nous permettront de produire des énergies renouvelables. Lorsque nous serons capables de faire la démonstration, grâce à ces innovations, que ces énergies renouvelables peuvent remplacer le pétrole, alors, nous serons crédibles. Pour l’instant, c’est illusoire, je le répète.
Je soutiens donc fortement cet amendement, et je vous invite, mes chers collègues, à le voter « a minima ».
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je m’étais dit que je n’interviendrais pas trop souvent – même si je bous par moments –, mais là, tout de même…
Monsieur Savary, cela a dû être dur de vous élever si vous partiez du principe qu’il ne faut jamais être le premier à faire l’effort : « S’il ne le fait pas, moi je ne le fais pas non plus, nananère… » On a dû ramer !
Par ailleurs, d’où vous vient cette non-croyance en la capacité d’innovation de la France ? Comment peut-on considérer que la France est incapable en vingt ans, en une génération, de répondre au défi énergétique ? Je suis désolé, mais j’ai davantage confiance dans mon pays que vous. Croyez-vous vraiment que, dans vingt ans, en 2040 – si c’était dans trois ou quatre ans, je pourrais comprendre –, la cinquième puissance du monde ne sera pas capable de répondre à ce défi énergétique relatif à ce 1 % de production d’hydrocarbures ? Ce n’est pas sérieux !
Cela soulève la question de la bonne intelligence du monde. Quelques-uns de mes collègues et moi-même avons failli intervenir lorsque nous avons entendu ces mots, qui nous ont fait réagir. Je le redis, c’est la véritable question que soulève ce projet de loi.
Quelle est notre bonne intelligence du monde ? Je veux bien qu’il y ait des enjeux de développement dans vos territoires, et j’intègre parfaitement le fait que ces derniers sont plus concernés que le mien, qui va bien. Mais la bonne intelligence ne concerne pas seulement les habitants d’un territoire : elle porte aussi sur la crise syrienne. Celle-ci est partie d’une sécheresse en Chine qui a provoqué la hausse du prix des matières premières alimentaires sur le marché de Chicago et entraîné les premières émeutes de la faim, lesquelles ont d’abord conduit aux printemps arabes, que nous avons soutenus, avant d’aboutir à la crise syrienne. Cette crise a été amplifiée par les sécheresses, particulièrement par les sécheresses à répétition – Al Gore en parle souvent – qui ont conduit les paysans syriens dans les villes.
La bonne intelligence consiste peut-être alors en une autre solution : garder ses puits de pétrole et accepter un certain nombre de familles syriennes chez soi. C’est effectivement une forme de bonne intelligence dont on pourrait discuter. Mais il est préférable de vivre en bonne intelligence avec le monde entier que de penser qu’on peut le faire seulement sur son territoire, sans penser au reste du monde. (M. Joël Labbé applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. L’argument avancé par la commission pour justifier le rejet de cet amendement me laisse quelque peu dubitatif. Il n’est pas dit que l’amendement n’est pas bon, mais qu’il vaut mieux ne pas le voter parce qu’il risque de ne pas être adopté dans le texte final… Selon moi, le fait que cet amendement ne serait éventuellement pas suivi par l’Assemblée nationale ne constitue pas une justification. Il n’est pas du tout logique de se dire que nous ne votons pas un amendement parce qu’il n’a aucune chance d’aboutir !
Il ne me paraît pas inintéressant d’essayer de valoriser cette idée de réciprocité, même si elle ne chemine pas jusqu’à son terme, de la faire avancer. À entendre certaines personnes, la France pourrait donner des leçons au reste du monde. Mais avons-nous la taille suffisante pour donner l’exemple partout, nous sacrifier et être en première ligne quand les autres font exactement le contraire ? Je crois que l’idée d’une certaine réciprocité – on pourrait même la limiter à l’Union européenne, par exemple – ne serait pas aberrante et nous permettrait peut-être d’avancer.
Même si certains pensent que l’Assemblée nationale ne cautionnera pas cette vision, il ne faut pas céder, sinon le Sénat ne sert plus à rien ! Si l’on renonçait à faire tout ce que l’Assemblée nationale n’acceptera pas, simplement pour lui faire plaisir, alors on ne fera plus rien !
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Je veux répéter à Mme Férat ce que j’ai dit, me semble-t-il, en commission : sur le fond, nous comprenons tout à fait son amendement, qui est sans doute légitime. Mais la commission a travaillé à trouver un équilibre entre le texte proposé par le Gouvernement, sur lequel nous n’étions pas d’accord au fond, et les dérogations que nous avons apportées et que nous essayons de préserver. Ce sera justement la marque de fabrique de notre maison.
J’y insiste, si la commission a demandé le retrait de cet amendement ou y sera, à défaut, défavorable, c’est bien pour les raisons que je viens d’indiquer.
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. J’entends bien ce que vous dites : notre décision va prêter à sourire si nous pensons donner des leçons en nous affranchissant simplement des 1 % d’hydrocarbures que nous produisons sur notre territoire. Vous pourriez aussi inverser le raisonnement : si nous ne sommes même pas capables de le faire, que pourrons-nous faire ? Encore une fois, il faut relier cet objectif à tous les autres, car on évoque ce sujet comme s’il était isolé, que cette mesure constituait notre seule contribution et que nous n’avions pas d’autres plans d’action ou d’autres mesures.
D’abord, la France n’a pas vraiment de raison de donner des leçons – ça, c’est sûr ! –, notamment au moment où une grande partie du monde subit les conséquences d’un phénomène qu’elle n’a pas provoqué et qui est la conséquence d’un mode de développement dont elle n’a pas profité. Notre pays, pas plus que les autres, n’est donc en situation de donner des leçons. Il s’agit plutôt de remplir notre devoir d’humanité au regard des conséquences que nous infligeons aux uns et aux autres, y compris aux populations les plus vulnérables de notre propre territoire.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. L’idée est donc simplement d’essayer de donner l’exemple, mais, vous pouvez me croire, d’autres pays, dont certains que l’on ne soupçonne pas, comme l’Inde ou la Chine, n’ont pas nos états d’âme : ils y vont à fond et rafleront toutes les opportunités économiques de la transition énergétique.
Je dis seulement qu’il y a un avantage économique à se fixer des horizons à long terme, avec évidemment des points d’étape. Pardon de me répéter, mais nous avons beaucoup plus à gagner, y compris sur le plan économique, à essayer, à un moment ou à un autre, d’aligner les indicateurs et les objectifs.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 18 rectifié, présenté par MM. Gay et Gontard, Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, M. Foucaud, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Collombat, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Supprimer les mots :
pour une durée dont l’échéance excède le 1er janvier 2040
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Cet amendement, qui s’inscrit dans la philosophie du projet de loi, a pour objet de renforcer l’ambition et l’efficacité de celui-ci. Ainsi, le texte vise à parvenir à la fin de l’exploitation des hydrocarbures à l’horizon de 2040. Pour ce faire, il prévoit l’arrêt de toutes les concessions en cours à cette date.
Dans la réalité, les concessions dont l’échéance est plus tardive que 2040 pourront continuer leurs activités, puisque la loi n’est pas rétroactive. De plus, il existe une exception introduite par le texte pour les concessions qui n’auraient pas atteint leur « rémunération normale » en 2040, disposition que nous proposerons de supprimer au travers d’un prochain amendement.
Alors qu’existent déjà ces exceptions qui fragilisent cette date butoir, curieusement, le projet de loi laisse la possibilité de prolonger toutes les concessions en cours dont l’échéance arrive à terme avant 2040 jusqu’à cette date. Il va sans dire que cette disposition sera utilisée par tous les titulaires desdites concessions, ou presque, pour continuer leur activité économique jusqu’à la dernière minute. Dans une optique de transition énergétique efficiente, il nous paraît opportun que le texte prévoie plutôt, comme cela était envisagé initialement, que les concessions actuelles ne pourraient être prolongées au-delà de leur échéance, et ce dès la publication de la présente loi.
Personne ne demande un arrêt immédiat de toutes les concessions, comme fait semblant de le croire le Conseil d’État dans son avis ; il s’agit simplement de rendre impossible la prolongation des concessions qui arriveront à leur terme. Cette disposition permettrait un arrêt progressif entre 2018 et 2050, plutôt qu’un arrêt brutal des extractions d’hydrocarbures dans notre pays, tout en respectant les engagements contractés par l’État. Pour les chefs d’entreprise et leurs salariés, cela offrirait une visibilité accrue quant à l’échéance au-delà de laquelle ils devront avoir entamé une nécessaire transition.
Nous rappelons une nouvelle fois qu’il est indispensable d’extraire et de consommer moins de 20 % des énergies carbonées encore présentes dans les sous-sols de la Terre pour parvenir à l’objectif de l’Accord de Paris. Pourquoi ne pas commencer dès à présent avec cette mesure de bon sens ?
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme Férat, MM. Détraigne et Savary, Mmes Loisier, Sollogoub et Guidez, MM. Médevielle, Cuypers et Laugier, Mme Joissains et MM. Bonnecarrère, Janssens, Kern, D. Dubois et Adnot, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Remplacer l’année :
2040
par l’année :
2050
La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Cet amendement vise à reporter l’échéance maximale à 2050.
Monsieur le ministre d’État, je ne réitérerai pas les propos que j’ai tenus lors de la discussion générale, mais, en réalité, si votre projet de loi ne tend pas à supprimer l’utilisation des énergies fossiles, il prévoit la fin du « produire en France ». Si vous aviez rédigé le texte pour interdire la vente d’hydrocarbures à des fins énergétiques sur le territoire français à partir du 1er janvier 2040, cela aurait eu un sens en matière de bilan carbone. Mais ce n’est pas le cas.
J’aurais aimé que vous m’apportiez quelques précisions. Si j’ai bien compris, le texte tend à autoriser le dépassement de l’échéance de 2040 si le titulaire de la concession démontre que cette limitation ne lui permet pas de couvrir ses coûts de recherche et d’exploitation. Si ce n’est pas cela, alors je souhaite bon courage à ces entreprises !
Par ailleurs, je voudrais soulever une question très importante à laquelle je n’ai pas trouvé de réponse dans ce texte : dans le cas où un accord initial de concession dépasserait la date de 2040 – je parle bien d’un accord écrit, validé et signé –, honorerez-vous les engagements de l’État ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. L’amendement n° 18 rectifié vise à supprimer la possibilité de prolonger une concession existante dès la promulgation de la loi. Cette mesure reviendrait sur les effets légitimement attendus de la possession d’un titre en cours de validité et pourrait dès lors ouvrir la possibilité d’une indemnisation. L’avis est donc défavorable.
Quant à l’amendement de Mme Férat, il repose sur des arguments similaires, mais non identiques, à ceux qui sous-tendent la proposition de réciprocité. Un certain nombre de concessions s’achèveront à des dates ultérieures à 2040 en raison de leur durée – la plus lointaine en 2054. C’est la raison pour laquelle la commission a demandé le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. La suppression prévue par l’amendement n° 18 rectifié conduirait à porter atteinte, d’une manière disproportionnée, aux droits acquis. Pour respecter l’avis du Conseil d’État, nous avons eu à cœur que le texte ne revienne pas sur ces droits. Nous sommes donc défavorables à cet amendement.
Pour répondre à votre interrogation, madame Férat, il y aura effectivement quelques « gouttes », comme je les appelle : certaines concessions iront au-delà de 2040. Elles sont peu nombreuses – il y en a cinq. C’est la raison pour laquelle la porte n’est pas totalement étanche. Nous sommes dans l’état d’esprit, réclamé précédemment par certains, de ne pas mettre des acteurs économiques en difficulté au regard de droits qui leur ont été accordés.
Pour contribuer à des objectifs climatiques, notamment l’axe 9 du plan Climat, nous nous sommes fixé comme but de laisser les hydrocarbures dans le sous-sol. Vous proposez un décalage de la date à 2050. Compte tenu du temps que nous avons perdu et de la petite fenêtre de tir que nous avons, cette proposition ne peut recueillir notre accord. Nous sommes donc défavorables à l’amendement n° 7 rectifié.
M. le président. Madame Férat, l’amendement n° 7 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Férat. J’ai entendu les propos de M. le ministre d’État, et je lui fais toute confiance quant à son engagement. Je retire donc mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par M. Poniatowski, Mme Chain-Larché, MM. Savary et Cuypers, Mme Gruny, MM. Chatillon, Revet, Laménie, Mandelli, Mouiller et D. Laurent, Mme Thomas, MM. Chaize et Danesi, Mme Bories, M. Milon, Mme Estrosi Sassone et MM. Cambon, Longuet, del Picchia et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation, une région d’outre-mer peut, dans le cadre de la compétence prévue par l’article L. 611-31 concernant les titres miniers en mer, renouveler une concession après 2040 et délivrer un permis exclusif de recherches ou une autorisation de prospection préalable sous réserve du respect des conditions prévues par le présent code.
La parole est à M. Ladislas Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Cet amendement a pour objet de permettre aux régions ultramarines de délivrer de nouveaux permis d’exploitation en mer et de prolonger sans date butoir les concessions existantes.
Monsieur le ministre d’État, je vous rappelle que, dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État indiquait qu’il était utile de prendre en compte la spécificité des régions ultramarines au regard de leur moindre développement économique et de leur très faible contribution au réchauffement climatique, alors même que la part des énergies renouvelables du mix énergétique dans ces régions est importante. Par exemple, en Guyane, les énergies renouvelables – photovoltaïque, hydraulique et biomasse – représentent 61 % de la production d’électricité locale.
Je reprends cet extrait de l’avis du Conseil d’État, car la Guyane est davantage, et avant les autres, concernée par votre projet de loi, qui est un peu un coup de couteau dans le dos des régions ultramarines.
Vous connaissez la situation locale : cette région est très particulière et le sous-sol marin a un potentiel très intéressant – le Conseil d’État le savait lorsqu’il a rendu son avis.
Dans l’ex-Guyane hollandaise, le Suriname, et dans la zone du Brésil située juste à côté, il est procédé à des explorations qui semblent vraiment intéressantes. Dans la Guyane anglaise, le Guyana, du pétrole et du gaz ont été découverts, et des investissements ont été lancés pour les exploiter. Le sous-sol de notre Guyane est le même : il constitue donc forcément un potentiel très intéressant.
Alors, monsieur le ministre d’État, je connais votre réponse : « J’ai été formidable avec la Guyane, j’ai autorisé le groupe Total à avoir une petite zone d’exploitation. » Certes, Total explorera et, en cas de découverte, exploitera, mais en 2040 vous fermez le robinet, alors que les voisins continueront à exploiter ! Ces régions ont besoin d’un soutien financier et de projets économiques, et leurs populations de travail. Cette ressource est vraiment intéressante.
M. le président. Il faut conclure, monsieur Poniatowski !
M. Ladislas Poniatowski. C’est la raison pour laquelle nous demandons une dérogation pour les régions ultramarines.
M. le président. L’amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Patient, Karam et Hassani, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 111-8-… – Par dérogation aux dispositions précédentes, une région d’outre-mer peut, dans le cadre de la compétence prévue par l’article L. 611-31 concernant les titres miniers en mer, renouveler une concession après 2040 et délivrer un permis exclusif de recherches ou une autorisation de prospection préalable sous réserve du respect des conditions prévues par le présent code.
L’amendement n° 91 rectifié, présenté par MM. Patient, Karam et Hassani, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions précédentes, le département de Mayotte, les régions de Guadeloupe et de La Réunion, les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique peuvent jusqu’au 1er janvier 2040, dans le cadre de la compétence prévue par l’article L. 611-31 concernant les titres miniers en mer, accorder un permis exclusif de recherches ou une autorisation de prospections préalables en vue de la recherche ou une concession en vue de l’exploitation portant sur une ou des substances mentionnées au premier alinéa de l’article L. 111-6 sous réserve du respect des conditions prévues par le présent code.
La parole est à M. Georges Patient, pour présenter ces deux amendements.
M. Georges Patient. L’amendement n° 32 rectifié est pratiquement le même que celui de M. Poniatowski, dont je partage l’argumentation. Je n’insisterai donc pas.
En revanche, concernant le second amendement, de repli ou de conciliation, j’aimerais que M. le ministre d’État en tienne compte, d’autant que le Président de la République, quand il s’est rendu en Guyane il y a dix jours, s’est engagé pour que le processus entamé aille à son terme, c’est-à-dire que les permis d’exploration débouchent sur des permis d’exploitation.
Dans le rapport de la commission, j’ai lu avec plaisir, madame la rapporteur, que vous laissiez entendre que cette interdiction d’exploration n’aurait pas de sens si l’exploration et l’exploitation ont lieu dans les pays avoisinants. C’est tout à fait le cas dans lequel se trouve la Guyane. Tous ces éléments devraient donc concourir à permettre l’adoption de cet amendement, d’autant que la Guyane est exemplaire en ce qui concerne le bilan carbone, avec un mix énergétique qui fait la part belle aux énergies renouvelables.
Monsieur le ministre d’État, je vous demande de nous laisser cette opportunité de développement endogène de la Guyane, au moins jusqu’en 2040, la date butoir que vous avez vous-même choisie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. J’entends les arguments des auteurs des amendements consistant à dire qu’il serait absurde, au vu de la situation économique et sociale de ces territoires, de se priver d’exploiter des ressources dont la présence est très probable, au moins au large de la Guyane, et dont les retombées économiques pourraient être importantes.
S’agissant de la Guyane, je rappellerai que, pour ce qui concerne les permis exclusifs de recherches valides ou pour lesquels une demande est en cours d’instruction, ces amendements seraient en réalité largement satisfaits. Comme vous le savez, le Gouvernement a déjà prolongé, par un arrêté du 14 septembre dernier, le permis « Guyane Maritime » détenu par Total, qui avait pris fin le 1er juin 2016 ; il court désormais jusqu’au 1er juin 2019. À l’issue de cette phase, Total pourra demander, si les réserves identifiées le justifient, l’attribution d’une concession, qui ne pourra lui être refusée en vertu du droit de suite.
J’ajoute que la nouvelle rédaction de l’article 2 adoptée par la commission permettra également que deux autres permis portant sur deux autres zones au large de la Guyane – « Guyane Maritime Shelf » et « Guyane Maritime Udo » – soient attribués, puis prolongés et, en cas de découverte, que l’on aboutisse à l’attribution de concessions selon le même schéma.
Ainsi, en combinant la prolongation déjà accordée par le Gouvernement et le texte adopté par votre commission, plusieurs concessions d’hydrocarbures pourraient être accordées au large de la Guyane si le potentiel de réserves était confirmé. Pour ces raisons, je demande aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. Monsieur Poniatowski, je suis un peu chagriné de vous avoir entendu dire que j’ai planté un couteau dans le dos des territoires ultramarins. Ma préoccupation, qui ne se situe peut-être pas sur la même échelle de temps mais qui fait l’objet de ma démarche de longue date, est de protéger les territoires ultramarins, qui sont déjà affectés par les conséquences des changements climatiques. Aucun territoire ne sera épargné !
Je comprends néanmoins ce que vous avez voulu me dire, car je ne suis pas ignorant et encore moins insensible – j’espère que vous me croyez – aux difficultés économiques de ces territoires. J’aurais préféré qu’ils se tournent vers les filières d’avenir plutôt que vers celles du passé, mais j’avais immédiatement accordé le permis « Guyane Maritime ».
Pour le reste, permettez-moi de vous dire que si j’accordais, pour les raisons que vous évoquez et qui sont parfaitement nobles et légitimes, une dérogation à nos territoires ultramarins, alors que d’autres États océaniens s’imposent eux-mêmes la contrainte de ne pas utiliser les énergies fossiles pour aller directement vers les énergies renouvelables, je perdrais un certain nombre d’arguments.
Je dis simplement que l’arrêt des activités de recherche et d’exploitation vaut dans toutes les zones de juridiction française, à terre comme en mer, en métropole comme dans les territoires. Je suis donc défavorable à l’amendement n° 15 rectifié bis et, dans le même esprit, à l’amendement n° 32 rectifié. Pour ce qui concerne l’amendement n° 91 rectifié, sur le report de l’application de la loi au 1er janvier 2040, j’y suis également défavorable, parce que j’essaie de protéger autant que faire se peut l’intégrité de cette loi et ses effets.
M. le président. Monsieur Poniatowski, l’amendement n° 15 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Ladislas Poniatowski. Je ne le retire évidemment pas, monsieur le président.
J’ai senti, monsieur le ministre d’État, votre gêne, parce que vous êtes conscient des arguments économiques, notamment concernant la Guyane. Je sais que vous connaissez bien ces territoires.
Ce serait une véritable erreur. Pourquoi vouloir sanctionner ce territoire qui n’est pas favorisé ? C’est une zone défavorisée, et mon collègue guyanais a repris presque mot pour mot, virgule après virgule, le même texte pour son amendement, parce qu’il en est bien conscient. Il défend même mieux son territoire que moi,…
M. Gérard Longuet. C’est normal !
M. Ladislas Poniatowski. … ce qui est en effet normal.
C’est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement, et j’espère que nos collègues seront nombreux à nous soutenir.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Il nous arrive, avec mon collègue Poniatowski, d’être d’accord. Je voudrais d’ailleurs rafraîchir la mémoire de Mme Lamure : c’est un amendement que j’ai déposé avec Mme Jouanno qui a permis l’augmentation de la contribution carbone énergie ; il avait été soutenu par un certain nombre de membres de la commission des affaires économiques du Sénat. Nous avions travaillé ensuite avec M. Chanteguet à l’Assemblée nationale. C’est ainsi que les choses se sont faites s’agissant de l’augmentation de la contribution carbone énergie. Je referme cette parenthèse en forme de rappel historique.
Les trois derniers ouragans ont coûté aux Caraïbes 230 milliards de dollars de dégâts. Ce qui tue aujourd’hui les Antilles, c’est non pas de ne pas avoir droit au pétrole, mais d’être les premières victimes du réchauffement climatique. J’y insiste, 230 milliards en trois ouragans en une seule année !
Vous avez avancé le chiffre de 100 milliards de recettes espérées pour un gisement dont on n’est pas certain. Nous sommes dans le non-sens, car on voit bien que cela ne marche pas : d’un côté, pour gagner des sommes non négligeables et avec un impact économique que nul ne conteste, on voudrait continuer sur cette voie ; de l’autre, on sait que des économies entières, notamment celles de ces territoires, sont en train de s’effondrer, en particulier sur le plan touristique. Donc, cela ne marche pas !
Derrière cette loi, qui est un symbole fort, il y a un seul enjeu pour le lobby pétrolier : la Guyane. Le reste, il s’en fout ! La Haute-Marne et l’est du bassin parisien passeront par pertes et profits, sans états d’âme. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je le dis parce que c’est ainsi !
Le seul enjeu pour le lobby pétrolier, ce sont les permis d’exploitation de la Guyane. Jouer le développement des territoires ultramarins, qui sont les premières victimes du réchauffement climatique, pour justifier que le lobby puisse encore un instant toucher des dividendes et des recettes, ce n’est pas correct !
La réalité du monde, c’est cette souffrance-là. Ce qu’on essaye de faire aujourd’hui – c’est notre responsabilité de parlementaire –, c’est sortir d’une machine infernale qui va tout broyer. Néanmoins, aujourd’hui, un certain nombre d’acteurs considèrent effectivement, de manière cynique, qu’il faut sacrifier le futur au présent, continuer sur un modèle qui est condamné le plus longtemps possible, quitte à ce que les Antilles soient balayées.
Mais qu’on le fasse au nom des territoires ultramarins, même s’il y a des enjeux très forts de développement de la Guyane – je serai le premier à soutenir un développement durable de ce territoire –, ce n’est pas politiquement correct !
M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, pour explication de vote.
M. Antoine Karam. Je pensais que c’était une légende de dire que les Français étaient fâchés avec la géographie. Or, dès la classe de sixième, on apprend que la géographie n’est pas uniforme. Je ne veux donc pas que l’on confonde les Antilles et la Guyane.
M. Ronan Dantec. Ce n’est pas ce que j’ai fait !
M. Antoine Karam. Il y a une tendance à confondre les Antilles, qui font partie de la Caraïbe, et la Guyane, qui est en Amérique du Sud…
Cela a été dit, nous sommes dans une zone où il y a du pétrole partout. Ce qui est bon pour le Guyana, le Suriname, le Brésil – un pays de 200 millions d’habitants – ne serait donc pas bon pour la Guyane ?
En fait, la Guyane est considérée comme une Belle au bois dormant qui vit sur un potentiel de richesses. Notre collègue a évoqué les richesses minières de notre sous-sol, qui sont exploitées de façon illégale, puisque douze tonnes d’or quittent clandestinement la Guyane quand une tonne y reste. Voilà la réalité de la Guyane ! Mme la rapporteur, qui est venue en Guyane à notre invitation avec la délégation sénatoriale aux entreprises, a pu constater nos réalités.
Une fois pour toutes, il faut en finir avec ces clichés : qui mieux que nous peut savoir ce que nous voulons pour nos territoires ? Plutôt que de procéder à des transferts sociaux, plutôt que de vivre d’assistanat, nous voulons nous aussi en finir avec l’économie de comptoir et développer notre territoire. Venez voir ce qui se passe dans nos territoires plutôt que de faire perdurer ces clichés qui ne correspondent pas à la réalité de nos pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour explication de vote.
M. Georges Patient. Puisqu’on parle beaucoup de pollution, il ne faut tout de même pas oublier que c’est en Guyane que se situe notre base spatiale. Or quand les fusées décollent, elles déversent sur toute la population guyanaise des tonnes et des tonnes de kérosène, et cela n’émeut personne ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Longuet. Eh oui !
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. M. Karam a parfaitement raison d’expliquer la géographie : la Guyane, ce n’est pas les Antilles, elle ne subit pas les ouragans, etc. Surtout, ce département a énormément de potentialités qui ne sont malheureusement pas exploitées, ce qui fait que les Guyanais n’en profitent pas. On sait ou on imagine qu’il y a du pétrole au large de la Guyane. Or on va supprimer la possibilité de l’exploiter. Concernant les mines d’or, là encore, comme il y a beaucoup d’or mais que peu de permis d’exploitation minière sont délivrés, on observe beaucoup d’activités illégales. Quant à la forêt, qui couvre, je crois, 90 % du territoire, elle est primaire, et donc n’y touchons pas !
Il faut garder à l’esprit la réalité de ce département très particulier. Nous aimerions bien pouvoir, par nos arguments, apporter un peu plus de richesse aux Guyanais. Je ne pense pourtant pas que c’est ici que nous pourrons résoudre le problème de la crise qui perdure en Guyane. Je tiens simplement à exprimer ma solidarité avec ce département, que nous avons en effet visité : nous avons vu ces réalités.
Quant à la question qui nous est posée aujourd’hui sur l’exploitation des hydrocarbures, j’ai donné la position de la commission en indiquant que la demande était en partie satisfaite, à la fois par le permis « Guyane maritime » et par l’article 2 du projet de loi.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 32 rectifié et 91 rectifié n’ont plus d'objet.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L’amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Gay et Gontard, Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, M. Foucaud, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Collombat, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Rétablir l’article L. 111-8-1 dans la rédaction suivante :
« Art. L. 111-8-1. – Chaque titre minier d’exploration ou d’exploitation délivré, étendu ou prolongé est accompagné par un cahier des charges qui précise les prescriptions particulières qui s’imposent au titulaire minier.
« Le cahier des charges doit, si la protection de l’environnement, de la sécurité et de la santé publiques ou d’autres usages existants ou planifiés du sol ou du sous-sol le justifient, interdire le recours à certaines techniques d’exploration ou d’exploitation sur tout ou partie du périmètre du titre. Il doit également, pour les mêmes motifs, limiter les formations géologiques auxquelles le titre s’applique.
« Les conditions spécifiques mentionnées au premier alinéa du présent article sont publiées avec l’avis de mise en concurrence d’une demande de titre ou, si leurs demandes ne sont pas mises en concurrence, portées à la connaissance du ou des candidats. Les conditions spécifiques peuvent être complétées par l’autorité administrative compétente pour délivrer le titre minier au regard des résultats de la procédure de participation du public et de l’instruction locale, ainsi que de l’évaluation environnementale ou de l’enquête publique. Les conditions spécifiques modifiées sont alors portées à la connaissance du ou des demandeurs avant la délivrance du titre.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Par cet amendement, nous souhaitons revenir sur la question du cahier des charges.
L’Assemblée nationale, sur l’initiative de son rapporteur, a introduit un article nouveau au sein du code minier, qui donne à l’administration la possibilité d’imposer le respect d’un cahier des charges lors de la délivrance, de l’extension ou de la prolongation d’un titre d’exploration ou d’exploitation dans les cas où « la protection de l’environnement, de la sécurité et de la santé publiques ou d’autres usages existants ou planifiés du sol ou du sous-sol » l’exigent. Nous partageons la volonté ici exprimée de renforcer l’encadrement des activités d’exploration et d’exploitation autorisées après l’entrée en vigueur de la loi et de limiter au maximum leur impact sur l’environnement local.
Notre commission a fait le choix de supprimer ces dispositions au nom de la complexification administrative qui pourrait en résulter. Bien évidemment, nous le regrettons. Nous considérons que, dans l’attente de la refonte du code minier qu’a annoncée M. le ministre d’État, la définition d’un cahier des charges pourrait constituer un moyen efficace pour mieux prendre en compte les impératifs environnementaux et la participation du public. Aujourd’hui, nous le savons tous, le code minier est largement lacunaire dans ces domaines.
Nous allons même plus loin, en transformant la faculté en obligation. Ainsi, pour chaque titre minier octroyé, l’administration se verrait dans l’obligation de réaliser un cahier des charges. Nous allons toujours dans le même sens en souhaitant que ce cahier des charges puisse mentionner l’interdiction du recours à certaines techniques et limiter les formations géologiques auquel le titre s’applique. Vous l’aurez compris, il s’agit de prendre en compte les avancées de l’article 3, qui élargit la définition des pratiques interdites en mettant fin à l’exploration et à l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels.
Par ce cahier des charges, nous souhaitons donc encadrer plus fortement, lors de leur prolongation ou de leur extension, les permis existants qui ne sont pas visés expressément par les dispositions de l’article 3, et ce sans plus attendre.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 44 rectifié est présenté par MM. Labbé, Dantec et Requier, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes et MM. Gabouty, Gold, Guérini, Menonville et Vall.
L’amendement n° 61 rectifié bis est présenté par MM. Guillaume, Courteau et Bérit-Débat, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Préville et Cartron, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 21
Rétablir l’article L. 111-8-1 dans la rédaction suivante :
« Art. L. 111-8-1. – Si la protection de l'environnement, de la sécurité et de la santé publiques ou d'autres usages existants ou planifiés du sol ou du sous-sol le justifient, un cahier des charges précise les prescriptions particulières qui s'imposent au titulaire du titre minier.
« Le cahier des charges est établi par l'autorité administrative compétente pour délivrer un titre minier d'exploration ou d'exploitation d'hydrocarbures, ou accorder son extension ou sa prolongation. Il tient compte du résultat de l'instruction administrative de la demande de titre minier, de son extension ou de sa prolongation et, dans le cas où cette demande a nécessité la mise en œuvre d'une procédure de participation du public, l'autorité administrative peut compléter le cahier des charges pour prendre en compte les résultats de la procédure de participation du public. Le cahier des charges est porté à la connaissance du demandeur.
La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 44 rectifié.
M. Joël Labbé. Le présent amendement vise à rétablir une disposition introduite en séance publique lors de l’examen du projet de loi par l’Assemblée nationale et supprimée par notre commission des affaires économiques.
Loin de représenter une nouvelle complexité administrative, la possibilité pour l'autorité administrative d’établir un cahier des charges précisant les prescriptions particulières nécessaires pour tenir compte de la protection de l’environnement, de la sécurité et de la santé publiques constitue une avancée. En effet, cette disposition permet de renforcer l’encadrement des activités de recherche et d’exploitation des hydrocarbures pour mieux prévenir leurs impacts environnementaux.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 61 rectifié bis.
M. Roland Courteau. Notre amendement exprime les mêmes préoccupations que celui qui a été défendu à l’instant par Joël Labbé : nous souhaitons réintroduire des dispositions adoptées par les députés et supprimées par notre commission des affaires économiques.
Imposer un cahier des charges, si la protection de l’environnement, de la sécurité et de la santé publiques l’exige, lors de la délivrance ou de la prolongation d’un titre minier d’exploration ou d’exploitation d’hydrocarbures, ne nous paraît pas être une mesure disproportionnée dans un domaine où, par définition, les activités sont risquées et peuvent avoir des impacts environnementaux importants. Il s’agit donc de faire œuvre de prévention en renforçant l’encadrement des activités d’exploration et d’exploitation autorisées après l’entrée en vigueur de ce projet de loi.
Ce cahier des charges permettra également de tenir compte, le cas échéant, du résultat de la procédure de participation du public. C’est une avancée importante à l’heure où la démocratie participative progresse. Notre amendement tend donc à répondre à de très justes préoccupations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Notre commission a supprimé la disposition que vise à réintroduire l’amendement n° 19 rectifié, car elle a considéré que celle-ci n’avait fait l’objet d’aucune concertation et que ses contours comme ses conséquences éventuelles sur la délivrance des titres n’avaient pas été explicités. Au surplus, les intérêts visés sont déjà protégés par le code minier, en particulier par la police des mines, et l’autorité compétente a déjà toute liberté pour arrêter les modalités d’instruction des titres, sans qu’il faille mobiliser pour cela un nouveau concept qui serait source de complexification administrative, au mieux, et d’insécurité juridique, au pire.
Par ailleurs, nous avons considéré que, si cette notion devait perdurer, elle ne pourrait trouver à s’appliquer aux seuls hydrocarbures et devrait être examinée dans le cadre de la réforme du code minier annoncée pour le courant de l’année 2018.
J’ajoute que les auteurs de cet amendement vont bien au-delà du simple rétablissement du texte de l’Assemblée nationale, puisqu’ils prévoient, d’une part, que ce cahier des charges serait obligatoire et, d’autre part, qu’il pourrait aller jusqu’à interdire l’usage de certaines techniques. La commission a donc émis un avis défavorable.
Notre avis sur les amendements identiques nos 44 rectifié et 61 rectifié bis est également défavorable, pour des raisons similaires.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Ces amendements trouvent leur inspiration dans une disposition qui a été débattue lors de l’examen de la proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l’environnement, en janvier dernier.
Le Gouvernement partage les préoccupations relatives à la protection de l’environnement, de la sécurité et de la santé publiques. Un cahier des charges peut effectivement être utile, dans des cas spécifiques, pour préciser des prescriptions particulières qui s’imposent aux titulaires du titre minier. Les députés sont parvenus à une rédaction à laquelle nous étions favorables.
Cette rédaction a été supprimée par la commission des affaires économiques du Sénat. Je suis favorable à sa réintroduction, de préférence sous la forme des amendements identiques nos 44 rectifié et 61 rectifié bis. Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 19 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 44 rectifié et 61 rectifié bis.
M. Roland Courteau. Nous considérons que, si la protection de l’environnement, de la sécurité et de la santé publiques le justifie, un cahier des charges peut préciser certaines préoccupations, interdire certaines techniques, limiter les formations géologiques auxquelles le titre s’applique, ou encore tenir compte des résultats d’une éventuelle procédure de participation du public. En somme, dans certains cas, un cahier des charges peut être très utile. Je n’y vois pas forcément une complexité administrative, voire une insécurité juridique, mais plutôt une meilleure protection de l’environnement, de la sécurité et de la santé publiques. En ce domaine, ce n’est jamais trop !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 44 rectifié et 61 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 86 rectifié, présenté par M. Patriat et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Rétablir l’article L. 111-9 dans la rédaction suivante :
« Art. L. 111-9. – Les titres miniers et autorisations régulièrement délivrés antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° … du … mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement ainsi que ceux qui demeurent valides en application de la présente section continuent, jusqu’à leur échéance, d’être régis par les dispositions du présent code qui leur sont applicables ainsi que par le chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement.
La parole est à M. Frédéric Marchand.
M. Frédéric Marchand. Cet amendement vise à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale.
Le projet de loi définit un cadre nouveau pour la délivrance de titres d’exploration ou d’exploitation d’hydrocarbures. En revanche, les procédures d’instruction et de gestion des titres restent identiques ; les règles prévues par le code minier et le code de l’environnement restent applicables. Afin de favoriser l’intelligibilité de la loi et de lever toute ambiguïté, le Conseil d’État a souhaité que cela soit indiqué explicitement. Il semble souhaitable de conserver cette précision.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Notre commission a supprimé ces dispositions au motif que la loi n’a pas à rappeler que le droit en vigueur continue à s’appliquer, ce qu’il fait par définition sauf dispositions expresses contraires. En l’espèce, la section 3 créée à l’article 1er déroge au code minier uniquement dans les limites et sous les réserves qu’elle prévoit.
Au surplus, un tel rappel pourrait même s’avérer contre-productif, car rien ne démontre que la liste ainsi fixée soit exhaustive. Un doute pourrait alors naître sur l’application d’autres dispositions non citées bien qu’applicables.
Enfin, le présent amendement ne vise pas à revenir exactement à la rédaction adoptée à l’Assemblée nationale. Cela, au-delà de l’inutilité de l’exercice, en montre bien la difficulté : la loi de 2011 n’est plus mentionnée, alors même que la référence au code de l’environnement est étendue à l’ensemble du chapitre relatif aux procédures de participation du public.
Encore une fois, tout ce à quoi la loi ne déroge pas continue, par définition, à s’appliquer. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. Cet amendement tend effectivement à revenir à la rédaction que le Conseil d’État a préconisée et qui rappelle de manière explicite le cadre dans lequel doit se dérouler l’activité durant cette période d’arrêt progressif. Dans la mesure où cette rédaction a pour objectif d’assurer la lisibilité du texte pour l’ensemble des parties prenantes, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 20 rectifié est présenté par MM. Gay et Gontard, Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, M. Foucaud, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Collombat.
L’amendement n° 105 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 22
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 20 rectifié.
M. Fabien Gay. J’ai déjà évoqué l’exception prévue à cet alinéa lors de ma précédente intervention. Elle prévoit que les entreprises dont la concession n’aurait pas atteint « l’équilibre économique », dans la version adoptée par l’Assemblée nationale, ou assuré leur « rémunération normale », dans celle retenue par la commission des affaires économiques du Sénat, puissent demander une dérogation afin de poursuivre leur activité au-delà de 2040.
Passons sur la notion très floue de « rémunération normale des capitaux immobilisés », qui ne veut déjà pas dire grand-chose en langage économique et ne veut strictement rien dire en langage juridique. Nous connaissons en effet la capacité des grands groupes, armés qu’ils sont de bataillons d’avocats, à toujours exploiter à leur avantage les failles du droit ; ce n’est pas la peine de leur faire ce cadeau. Nous pouvons être certains que tous les titulaires de concessions tenteront d’utiliser cette exception pour poursuivre leur activité. Quel organisme public contrôlera la véracité de leur comptabilité ? Selon quel critère de définition de la « rémunération normale » et avec quels moyens humains et financiers le ferons-nous ?
On voit bien que cette exception, après tant d’autres, est une brèche qui risque de devenir une faille béante dans un texte, déjà amoindri, qui fixe des échéances trop tardives. La date de 2040 est suffisamment lointaine, dans une perspective d’endiguement du réchauffement climatique, pour qu’on ne lui tolère aucune autre exception que celles que la loi ne peut pas corriger faute de rétroactivité.
Enfin, si une entreprise ne parvient pas à réaliser de bénéfices sur une concession entre aujourd’hui et 2040, c’est que le gisement d’hydrocarbures concerné ne méritait pas d’être exploité. L’intérêt général n’a pas à souffrir des erreurs d’appréciation économique des entreprises !
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, pour présenter l’amendement n° 105.
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. La commission des affaires économiques du Sénat a modifié les dispositions relatives à la limitation du droit de suite, d’une part, en les intégrant à l’article 1er du projet de loi et, d’autre part, en introduisant la notion de « rémunération normale des capitaux immobilisés compte tenu des risques inhérents à ces activités » pour les cas où il serait permis de dépasser l’échéance du 1er janvier 2040.
Cet amendement, associé à l’amendement n° 106 rectifié que je présenterai après le vote de l’article 1er, a pour objet de maintenir la disposition en question dans un article dédié et de revenir à la notion d’« équilibre économique », qui a fait l’objet d’un consensus lors des débats en séance publique à l’Assemblée nationale.
M. le président. L’amendement n° 52 rectifié, présenté par MM. Labbé et Dantec et Mme Costes, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 111-10. – La durée des concessions attribuées en application de l'article L. 132-6 ne peut permettre de dépasser l'échéance du 1er janvier 2040. »
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Nous avons compris la volonté de revenir à quelque chose de plus juste. Le compromis adopté par l’Assemblée nationale est déjà extrêmement discutable. On trouvera toujours des exploitants pour faire de nouveaux investissements et justifier ainsi la poursuite de l’exploitation.
Je veux rendre hommage à Mme Lamure pour le flou de son idée du retour sur investissement ! L’intérêt de ce texte est tout de même de pouvoir le présenter ailleurs dans le monde. Or les banques ont prêté, de mémoire, entre 2014 et 2017, 110 milliards de dollars aux entreprises qui exploitent les sables bitumineux. Or, avec l’amendement Lamure, ces gens pourront nous dire jusqu’à la fin des temps que, au vu de l’argent investi dans les sables bitumineux, ils ne peuvent arrêter l’exploitation… Autant dire que cette rédaction signifie la fin de la négociation sur le climat. Bravo ! Je pense, madame la rapporteur, que vous serez très populaire dans certains milieux et probablement moins dans d’autres.
On parvient à des résultats totalement aberrants, parce que, à l’évidence, pour la majorité sénatoriale, la seule chose qui importe aujourd’hui est que le business puisse continuer as usual ; le changement climatique est très secondaire par rapport au retour sur investissement des capitaux !
M. le président. L’amendement n° 45 rectifié, présenté par MM. Labbé, Dantec et Requier, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes et MM. Gabouty, Gold, Guérini, Menonville et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 111-10. – La durée des concessions attribuées en application de l'article L. 132-6 ne peut permettre de dépasser l'échéance du 1er janvier 2040, sauf lorsque le titulaire du permis exclusif de recherches démontre à l'autorité administrative qu'une telle limitation ne permet pas de couvrir ses coûts de recherche et d'exploitation en vue d'atteindre l'équilibre économique par l'exploitation du gisement découvert à l'intérieur du périmètre de ce permis pendant la validité de celui-ci. Dans ce dernier cas, l'autorité administrative fixe les modalités de prise en compte des coûts de recherche et d'exploitation dans le décret en Conseil d'État prévu à l'article L. 132-2. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Il s’agit d’un amendement de repli.
Dans la version du projet de loi adoptée par l’Assemblée nationale, les concessions attribuées en application du droit de suite pouvaient exceptionnellement s’étendre au-delà du 1er janvier 2040 si le titulaire du permis exclusif de recherches démontrait que cela était nécessaire pour couvrir les coûts de recherche et d’exploitation « en vue d'atteindre l’équilibre économique par l’exploitation du gisement ». Notre commission des affaires économiques a substitué à cette notion celle de « rémunération normale des capitaux immobilisés ».
Le présent amendement a pour objet de rétablir la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, qui permet de mieux limiter le recours au droit de suite, conformément à l’esprit du projet de loi.
M. le président. L’amendement n° 62 rectifié bis, présenté par MM. Guillaume, Courteau et Bérit-Débat, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Préville et Cartron, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 22, première phrase
Remplacer les mots :
en assurant une rémunération normale des capitaux immobilisés compte tenu des risques inhérents à ces activités
par les mots :
en vue d’atteindre l’équilibre économique
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Nous souhaitons, par cet amendement, rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, qui prévoyait que la durée des concessions attribuées en application du droit de suite pourrait dépasser l’échéance du 1er janvier 2040 uniquement si le titulaire démontrait qu’un tel raccourcissement l’empêcherait de couvrir les frais engagés et d’atteindre ainsi l’équilibre économique par l’exploitation du gisement découvert. Notre commission des affaires économiques, comme chacun le sait, a remplacé la notion d’« équilibre économique » par celle de « rémunération normale des capitaux immobilisés compte tenu des risques inhérents à ces activités ».
Quant à nous, nous considérons que la notion d’« équilibre économique » est plus facile à appréhender d’un point de vue juridique que celle de « rémunération normale des capitaux ». Cette dernière notion est beaucoup plus variable, car elle dépend de multiples facteurs. La rémunération considérée comme normale des mines d’exploitation d’hydrocarbures n’est pas la même selon que le prix du pétrole est faible ou élevé ; elle n’est pas la même lorsque ces mines conventionnelles sont concurrencées par des hydrocarbures de schiste ; elle est encore bien différente selon que l’on se place du point de vue des actionnaires, dont la rémunération est constituée de dividendes, ou de celui des entrepreneurs, qui sont rémunérés pour le risque qu’ils prennent par ce qu’on peut appeler le profit.
Enfin, et c’est sans doute aussi le but recherché, cette notion de « rémunération normale des capitaux » permettra à la fois un exercice plus large du droit de suite et des prolongations plus longues, allant bien au-delà de 2040, que celle d’« équilibre économique ». Cela conduit, une fois de plus, à étendre le champ des dérogations et à vider de sa substance le projet de loi. Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons rétablir la rédaction adoptée par les députés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Les amendements de suppression nos 20 rectifié et 105 sont identiques sur la forme, mais pas sur le fond.
Les auteurs de l’amendement n° 20 rectifié sont opposés au droit de suite et souhaitent donc sa suppression. Toutefois, l’adoption de cet amendement aurait paradoxalement pour effet de supprimer l’encadrement de ce droit tel qu’il a été introduit à l’Assemblée nationale et amendé par notre commission. En supprimant cet alinéa, cet amendement permettrait aux nouvelles concessions attribuées en application du droit de suite de s’appliquer au-delà du 1er janvier 2040 sans aucune condition.
Quant à l’amendement n° 105, il vise à supprimer cet alinéa, mais pour le rétablir à l’article 1er bis dans la rédaction adoptée à l’Assemblée nationale.
Notre commission a choisi de maintenir cet encadrement pour éviter que la durée d’une concession nouvelle puisse excéder le 1er janvier 2040.
Je rappellerai par ailleurs que la rédaction retenue par notre commission ne fait que revenir à l’esprit de la rédaction initiale, qui retenait la notion de « rentabilité normale » de l’activité. Nous préférons quant à nous l’expression de « rémunération normale », qui est plus usitée en droit, mais cela revient exactement au même. Je suis même prête à proposer, si cela pouvait emporter l’accord du Gouvernement, de revenir, au mot près, à la formulation qu’il avait lui-même proposée, en amendant le texte de l’article 1er. Il s’agirait de remplacer, à l’alinéa 22, les mots « en assurant une rémunération normale des capitaux immobilisés compte tenu des risques inhérents à ces activités » par les mots « avec une rentabilité normale ».
Faute d’une telle modification, l’avis de la commission sur ces deux amendements sera défavorable.
L’amendement n° 52 rectifié vise à limiter au 1er janvier 2040 la durée des concessions attribuées en application du droit de suite, et ce sans possibilité de dérogation.
Je rappelle que l’obtention d’une concession par le titulaire d’un permis exclusif de recherches est de droit, comme le Conseil d’État l’a confirmé dans son avis sur le projet en rangeant le droit de suite parmi les situations légalement acquises des titulaires d’un permis exclusif de recherches.
L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
Les amendements suivants concernent également la notion de « rentabilité normale ».
Je rappellerai, comme je l’avais déjà fait en commission, que cette notion est parfaitement connue en droit et est déjà utilisée, dans le code de l’énergie, pour fixer le niveau des tarifs réglementés de vente d’électricité, des tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité et de gaz, et des tarifs d’achat du biométhane, ou encore pour dimensionner les appels d’offres à l’effacement électrique. C’est pourquoi nous vous proposons cette formulation.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. La suppression pure et simple de l’alinéa 22 conduirait à ne plus définir de dispositions spécifiques aux nouveaux octrois de concessions. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 20 rectifié. Il est certes identique à l'amendement n° 105 du Gouvernement, mais celui-ci est associé à l’amendement n° 106 rectifié, que je présenterai lors de l’examen de l’article 1er bis. Je prends bonne note des efforts de la commission pour aller dans notre sens.
Adopter la rédaction prévue par l’amendement n° 52 rectifié reviendrait à porter atteinte, de matière disproportionnée me semble-t-il, aux droits acquis. Cela fragiliserait encore ce projet de loi, qui l’est déjà suffisamment par ailleurs… Le Gouvernement soutient une rédaction plus équilibrée, qui a fait l’objet d’un consensus à l’Assemblée nationale. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 45 rectifié reprend la rédaction ayant fait l’objet d’un consensus à l’Assemblée nationale. Le Gouvernement y est favorable, mais il semble préférable que ce dispositif figure dans un article dédié. C’est la raison pour laquelle je demande le retrait de cet amendement au bénéfice des amendements nos 105 et 106 rectifié.
L’amendement n° 62 rectifié bis vise lui aussi à reprendre une rédaction qui a fait l’objet d’un consensus à l'Assemblée nationale. Le Gouvernement y est donc favorable, mais, comme pour l’amendement précédent, il semble préférable que cette disposition figure dans un article dédié.
C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement au bénéfice des amendements nos 105 et 106 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 63 rectifié bis, présenté par MM. Guillaume, Courteau et Bérit-Débat, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Préville et Cartron, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain, a été omis alors qu’il fait lui aussi l’objet de cette discussion commune. Il est ainsi libellé :
Alinéa 22, seconde phrase
Après les mots :
l’autorité administrative fixe
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
les modalités de prise en compte des coûts de recherche et d’exploitation dans le décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 132-2.
La parole est à Mme Nelly Tocqueville.
Mme Nelly Tocqueville. Nous souhaitons rétablir la rédaction qui avait été adoptée par les députés, permettant de restreindre la possibilité de dépasser l’échéance de 2040 pour la durée de la première concession tout en respectant les exigences prévues en matière de droit de suite. Il s’agit donc d’encadrer le droit de suite dans le respect des principes constitutionnels tout en revenant à l’esprit même du projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques nos 20 rectifié et 105.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Concernant l'amendement n° 105, le Gouvernement serait-il d’accord pour remplacer les mots « rémunération normale » par les mots « rentabilité normale », et revenir ainsi aux termes de la rédaction initiale du projet de loi ?
Rappel au règlement
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur Dantec, je n’ai pas goûté les propos très désagréables que vous avez tenus à l’égard de Mme le rapporteur. De telles insinuations ne sont pas de mise dans cet hémicycle et me semblent très malvenues, eu égard à la qualité du travail réalisé, dans des conditions difficiles, par Mme le rapporteur et la commission.
M. Charles Revet. Tout à fait !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Il me paraîtrait de bon aloi que vous retiriez ces propos. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Mes propos étaient peut-être un peu provocateurs, mais je n’ai nullement voulu blesser Mme la rapporteur. Si tel a été le cas, je la prie de bien vouloir m’en excuser.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Merci, monsieur Dantec.
M. Ronan Dantec. Néanmoins, je maintiens que ce que l’on met aujourd’hui sur la table va à l’encontre de la recherche d’un accord sur le climat. Je ne reviens donc pas sur cette dimension politique de mes propos.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 20 rectifié et 105.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Monsieur Dantec, l'amendement n° 45 rectifié est-il maintenu ?
M. Ronan Dantec. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 45 rectifié est retiré.
Monsieur Courteau, l'amendement n° 62 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Roland Courteau. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 62 rectifié bis est retiré.
Madame Tocqueville, l'amendement n° 63 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Nelly Tocqueville. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 63 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 1er bis.
Article 1er bis
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 106 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code minier, telle qu’elle résulte de l’article 1er de la présente loi, est complétée par un article L. 111-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 111-10. – La durée des concessions attribuées en application de l’article L. 132-6 ne peut permettre de dépasser l’échéance du 1er janvier 2040, sauf lorsque le titulaire du permis exclusif de recherches démontre à l’autorité administrative qu’une telle limitation ne permet pas de couvrir ses coûts de recherche et d’exploitation en vue d’atteindre l’équilibre économique par l’exploitation du gisement découvert à l’intérieur du périmètre de ce permis pendant la validité de celui-ci. Dans ce dernier cas, l’autorité administrative fixe les modalités de prise en compte des coûts de recherche et d’exploitation dans le décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 132-2. »
Monsieur le ministre d’État, pouvons-nous considérer que cet amendement est devenu sans objet à la suite du rejet de l’amendement n° 105 à l’article 1er ?
M. le président. En conséquence, l’article 1er bis demeure supprimé.
Article 2
La section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code minier s’applique, quelle que soit la technique utilisée, à toute demande, déposée auprès de l’autorité compétente après le 6 juillet 2017, d’octroi initial ou de prolongation d’un permis exclusif de recherches ou d’une autorisation de prospections préalables, ou d’octroi initial ou de prolongation d’une concession portant sur une ou des substances mentionnées à l’article L. 111-6 du même code.
Par exception à l’alinéa précédent, l’article L. 111-10 s’applique à toute demande déposée auprès de l’autorité compétente postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi ainsi qu’aux demandes en cours d’instruction à cette même date.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. L’article 2 traite des conditions dans lesquelles la loi s’appliquera aux demandes de titre en cours d’instruction. Je rappelle que, en raison de l’inaction de l’administration depuis de nombreuses années, ce stock de demandes est substantiel, les plus anciennes remontant à 2009.
Le Gouvernement souhaite que la loi s’applique rétroactivement à l’ensemble de ces demandes, sauf décisions de justice définitives contraires – en pratique, le cas ne s’est pas présenté à ce jour. Cette rétroactivité aurait pour effet de faire tomber l’ensemble des demandes d’octroi initial de permis de recherches, soit quarante-deux demandes, ainsi que les trois demandes d’octroi initial de concession qui ne relèvent pas du droit de suite.
Le Gouvernement nous demande d’adopter une disposition rétroactive, ce qui est contestable sur le plan des droits acquis et de la sécurité juridique, au surplus sans que nous en connaissions véritablement le champ d’application effectif ni les conséquences financières pour l’État.
Monsieur le ministre d’État, nous avions compris des échanges avec votre cabinet que de telles demandes étaient sur votre bureau pour signature. Toutefois, devant la commission des affaires économiques du Sénat, vous avez démenti vouloir signer de « nouveaux permis ». Qu’en sera-t-il exactement ? La prolongation récente du permis « Guyane maritime » serait-elle la seule exception et, si oui, sur quels critères vous êtes-vous fondé pour établir cette unique exception et pour exclure l’octroi d’autres permis ? Je pense en particulier aux deux permis de recherches concernant les deux autres zones situées au large de la Guyane.
Sur ce point, nous n’avons pas non plus d’évaluation, même approximative, des indemnisations que l’État devra verser. Or celles-ci sont certaines, puisque la loi reviendra sur les effets légitimement attendus de ces demandes, pour lesquelles le Gouvernement lui-même nous a rappelé que le droit en vigueur ne lui permettait pas de motiver des décisions expresses de rejet : il y a donc bien un droit qu’une loi rétroactive viendrait remettre en cause, ouvrant ainsi un droit à indemnisation.
Pourrait-on au moins savoir si ces indemnisations potentielles seront de l’ordre de la dizaine de millions d’euros, de la centaine de millions d’euros, voire davantage ? Je précise que l’État a déjà été condamné à verser plusieurs millions d’euros d’astreintes, non exécutées à ce jour, uniquement pour avoir tardé à répondre, et qu’il s’agirait là d’indemnisations non plus sur la forme, mais sur le fond, donc potentiellement plus importantes.
Monsieur le ministre d’État, sur ces sujets, quels éléments précis d’information pouvez-vous nous apporter ?
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos 21 rectifié, 46 rectifié et 108 sont identiques.
L'amendement n° 21 rectifié est présenté par MM. Gay et Gontard, Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, M. Foucaud, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Collombat.
L'amendement n° 46 rectifié est présenté par MM. Labbé, Dantec et Requier, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes et MM. Gold, Guérini, Menonville et Vall.
L'amendement n° 108 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
La section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code minier s’applique, quelle que soit la technique utilisée, à toute demande, déposée auprès de l’autorité compétente postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi, d’octroi initial ou de prolongation d’un permis exclusif de recherches ou d’une autorisation de prospections préalables, d’octroi initial ou de prolongation d’une concession portant sur une ou des substances mentionnées à l’article L. 111-6 du même code ainsi qu’aux demandes en cours d’instruction à cette même date, sous réserve de décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée enjoignant à l’administration de procéder à la délivrance ou d’autoriser la prolongation de l’un de ces titres.
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié.
M. Fabien Gay. Il est défendu, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l'amendement n° 46 rectifié.
M. Joël Labbé. Une fois encore, il s’agit de rétablir la rédaction d’un article qui avait été adoptée par l’Assemblée nationale.
La commission des affaires économiques du Sénat a restreint l’application de l’article 1er prévoyant l’arrêt progressif de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures aux demandes de titre déposées au 6 juillet 2017, en excluant les demandes en cours d’instruction.
Afin de préserver l’esprit et l’efficacité du projet de loi, il convient d’appliquer ces dispositions aux demandes en cours d’instruction, eu égard à leur nombre – soixante-treize demandes de titre d’exploration et quatorze demandes de titre d’exploitation au 1er septembre 2017. En effet, une telle dérogation viderait le projet de loi de sa substance.
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, pour présenter l’amendement n° 108.
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. L’article 2, dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, ne faisait pas de distinction entre les demandes de titre, sauf celles pour lesquelles une décision de justice est passée en force de chose jugée, enjoignant ainsi à l’administration de délivrer le titre ou d’autoriser sa prolongation. Il avait pour objet de solder le stock de demandes en cours dans les délais les plus brefs possible après l’entrée en vigueur du projet de loi.
L’article 2, tel qu’il a été adopté par la commission des affaires économiques du Sénat, vise à ce que soient instruites à nouveau les demandes implicitement rejetées ou pour lesquelles l’avis rendu avant le 6 juillet 2017 par le Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, le CGEIET, est favorable. Sont concernées en particulier les quarante-deux demandes d’octroi de permis exclusif de recherches qui sont en cours d’instruction. De notre point de vue, laisser la possibilité de délivrer ces permis reviendrait à vider de sa portée, une fois de plus, le projet de loi : cela ralentirait substantiellement l’arrêt progressif de l’activité que souhaite amorcer de manière irréversible le Gouvernement dès la publication de ce texte.
Cet amendement vise donc à revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.
M. le président. L'amendement n° 65 rectifié bis, présenté par MM. Guillaume, Courteau, Bérit-Débat et Cabanel, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Préville et Cartron, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code minier s’applique, quelle que soit la technique utilisée, à toute demande, déposée auprès de l’autorité compétente postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi, d’octroi initial ou de prolongation d’un permis exclusif de recherches ou d’une autorisation de prospections préalables, d’octroi initial ou de prolongation d’une concession portant sur une ou des substances mentionnées à l’article L. 111-6 du même code ainsi qu’aux demandes en cours d’instruction par l’administration à cette même date, sous réserve de décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée enjoignant à celle-ci de procéder à la délivrance ou d’autoriser la prolongation de l’un de ces titres.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Sans revenir sur les arguments qui viennent d’être développés, je soulignerai qu’il s’agit également d’apporter une précision rédactionnelle, tendant à éviter que les mots « demandes en cours d’instruction » ne soient interprétés comme se référant aussi à la phase d’instruction des requêtes et appels devant la juridiction administrative et n’ajoutent ainsi implicitement, à l’exception de décision de justice passée en force de chose jugée prévue par le présent projet de loi, une exception de chose en l’état d’être jugée. Pour éviter toute confusion, il convient donc de mentionner qu’il s’agit des « demandes en cours d’instruction par l’administration ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Instaurer la rétroactivité pour les demandes et les titres en cours d’instruction signifierait, d’une part, revenir sur les effets légitimement attendus des demandes déposées – le Gouvernement lui-même reconnaît que le droit antérieur ne lui permettait pas de les rejeter –, et, d’autre part, sanctionner les demandeurs en raison de l’inaction de l’État au cours des dernières années – je rappelle que les demandes les plus anciennes remontent à 2009 –, ce dernier ayant préféré garder le silence plutôt que de prononcer des décisions explicites de rejet qu’il aurait été bien en peine de motiver…
Là aussi, nous avons recherché un point d’équilibre entre l’exigence de sécurité juridique et l’objectif affiché du Gouvernement d’un arrêt de ces activités à l’horizon 2040. Seules les demandes déposées au plus tard le 6 juillet 2017, soit la date d’adoption par le Gouvernement de son plan Climat comportant l’annonce de « la sortie progressive de la production d’hydrocarbures sur le territoire français à l’horizon 2040 », seront concernées, ce qui évitera tout effet d’aubaine pour les demandeurs.
En revanche, l’encadrement du droit de suite, en vertu duquel la durée d’une concession ne pourra dépasser le 1er janvier 2040, sauf si la rentabilité de l’opération exige d’aller au-delà, sera applicable y compris aux demandes en cours d’instruction.
L’horizon 2040 visé par le Gouvernement est ainsi maintenu, y compris pour les demandes en cours, tout en préservant les effets légitimement attendus de ces demandes.
La commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Si je vous suis, madame le rapporteur, je crains d’avoir ensuite des difficultés à faire la démonstration de l’efficacité d’un texte que je vois s’assécher peu à peu…
Si j’ai signé le permis d’exploitation pour le projet « Guyane maritime », c’est que, comme je l’ai déjà expliqué, il relevait des droits acquis et qu’il était impossible de revenir en arrière. C’est un principe qui a prévalu pour toute l’élaboration de ce projet de loi.
Quant aux demandes qui ont été déposées mais qui ne créaient pas de droit, ce sera éventuellement en contentieux qu’elles seront jugées, selon le droit en vigueur, qui sera alors celui de la future loi.
Dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, l’article 2 n’établissait pas de distinction entre les demandes de titre, hormis celles pour lesquelles une décision de justice était passée en force de chose jugée, enjoignant à l’administration de délivrer le titre ou d’en autoriser la prolongation. Il avait pour objet de solder le stock des demandes en cours dans les délais les plus brefs après l’entrée en vigueur de ce projet de loi.
Pour dire les choses très sincèrement, je ne pense pas que l’importance du stock de demandes de permis en attente d’instruction tenait simplement à la mauvaise volonté de l’administration : les décisions intervenaient peut-être plus haut… Si l’on accordait quarante-deux permis supplémentaires, je pourrais comprendre la position de ceux qui estiment que ce texte ne sert plus à grand-chose.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 rectifié, 46 rectifié et 108.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote sur l'amendement n° 65 rectifié bis.
M. Roland Courteau. La disposition adoptée en commission constitue une nouvelle dérogation. Elle réduit davantage encore la portée du texte et rompt son équilibre. Selon nous, cela va bien trop loin et à l’encontre des objectifs du texte. À ce rythme, que va-t-il rester de votre démarche, monsieur le ministre ?
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Nous sommes en train de détricoter le texte.
M. Roland Courteau. Bien sûr !
M. Claude Bérit-Débat. Tout ce qui en faisait la substantifique moelle est en train de disparaître. Comme nous l’avons dit et répété lors de la discussion générale, ce projet de loi, tel qu’il avait été initialement conçu, nous agréait parfaitement, mais, si cela continue, nous finirons par changer d’avis et nous prononcer contre ce que nous proposera la majorité sénatoriale !
M. Roland Courteau. Bien dit !
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Je conteste le terme de « détricotage ». (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) En réalité, nous avons essayé de trouver un équilibre.
Une quarantaine de demandes de permis sont en souffrance, les plus anciennes remontant à 2009. Je ne sais si cette situation tient à la volonté de l’administration ou si la décision, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, émane de plus haut.
Selon les statistiques, une concession sur dix environ est accordée à la suite de l’octroi d’un permis de recherches. Cela signifie que l’instruction de la quarantaine de demandes de permis en attente, en admettant qu’il y ait ensuite une possibilité d’exploitation, débouchera sur l’octroi de quatre à cinq concessions. Pourquoi ne pas les accepter, sachant que nous les encadrons, en prévoyant qu’il n’y aura pas de possibilité de dérogation et que la date limite de 2040 sera maintenue ? Est-ce réellement détricoter le texte que de proposer d’accepter quatre ou cinq concessions, ce qui permettra d’éviter des contentieux et de légitimes demandes d’indemnisation ? Il ne s’agit pas de détricotage, nous essayons simplement d’aboutir à un texte propre.
M. Ronan Dantec. Mais un peu chargé en CO2 !
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Il y va aussi de la parole de l’État. Certaines demandes de permis attendent sur des bureaux depuis douze ans… C’est une question de correction ! L’image de l’État est mise à mal par ce genre de comportement. Je ne crois pas que vous vouliez plus que nous un État dilettante, monsieur le ministre d’État. Il faut un État fort, qui prend des décisions, y compris pour dire non ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Vous essayez de justifier ce qui est devenu une posture. Madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, la tradition du Sénat est d’enrichir les textes. Nous le faisons très fréquemment, mais, aujourd'hui, on est en train de vider complètement de sa substance un texte majeur, même s’il est symbolique ! Ce serait pourtant une fierté pour le Sénat de travailler collectivement afin d’aboutir à un texte amélioré.
Je suis contrarié par la tournure que prennent les débats. C’est assez désolant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Mme Primas a parlé avec justesse de la parole de l’État. Or la parole de l’État, c’est la COP21 ! L’État français a pris ses responsabilités afin que la planète puisse entrer dans un cycle vertueux et répondre aux défis majeurs du XXIe siècle. Cela pose des problèmes de mise en œuvre, c’est vrai ; nous sommes ici pour en discuter, sans posture.
Il est évident que l’Assemblée nationale rétablira son texte. Comme l’a indiqué Claude Bérit-Débat, nous nous acheminons vers un vote contre afin de montrer que c’est la seule droite conservatrice qui ne veut pas faire d’efforts sur la question du climat, tout en ayant du mal à assumer sa position ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Assumez vos amendements, mes chers collègues !
Nous comprendrions que vous nous disiez qu’il faut se mettre autour d’une table pour discuter d’un certain nombre de sujets délicats, car nous sommes conscients que tout n’est pas simple. Mais ce n’est pas du tout ce que vous faites : vous videz systématiquement les dispositions du texte de leur substance. Si le projet de loi était adopté en l’état par le Parlement, la France ne serait plus en mesure d’être leader sur la question du changement climatique. Le texte tel que proposé par le Gouvernement visait à ce que la France conserve ce rôle. Il montrait que l’État tient sa parole et tire les conséquences de la COP21 pour ses propres politiques publiques, y compris quand c’est compliqué dans les territoires. Vous, à l’inverse, vous avez été nombreux à dire : « On bougera quand les autres bougeront. » Avec de tels raisonnements, personne ne bouge et le climat se réchauffe ! Assumez donc ce que vous faites, et ne prétendez pas être des champions de la lutte contre le changement climatique ! Nous voterons contre pour marquer notre désaccord avec votre vision.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. « Il faut que tout change pour que rien ne change », mais il y a le feu à la maison !
Le changement climatique pose des problèmes inédits à l’Humanité. J’ai en mémoire l’intervention de M. Magras en commission. Il nous a expliqué qu’un tel cyclone, d’une violence inouïe, c’était du jamais vu, jamais connu auparavant. La cause, c’est le changement climatique !
Les îles Fidji sont directement menacées. Si nous ne faisons rien, si nous ne bougeons pas, il y aura demain des millions de réfugiés climatiques ! Allons-nous continuer à faire comme M. Trump, qui nie la réalité de tout cela, ou allons-nous prendre le problème à bras-le-corps, aborder enfin les vrais sujets et faire en sorte de réduire les émissions de CO2 ? C’est de cela qu’il s’agit ! Si nous persistons à ne pas prendre nos responsabilités, l’irréparable se produira. L’Humanité est mortelle, on le sait maintenant, du fait de l’existence non seulement des armes nucléaires, mais également du réchauffement climatique.
À force d’exceptions, on met en pièces le projet de loi : dès lors, nous ne pouvons plus le voter, car il est dénaturé.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.
Mme Françoise Cartron. Mme Primas a invoqué le respect de la parole de l’État s’agissant de dossiers en souffrance depuis douze ans. On ne peut pas aborder ces dossiers en faisant comme si le monde n’avait pas changé en douze ans, comme si nous n’étions pas confrontés à une urgence nouvelle. Compte tenu de l’enjeu et des responsabilités qui sont les nôtres, nous ne pouvons pas accepter que l’on accorde dix, quinze ou trente permis supplémentaires au motif que cela ne débouchera en définitive que sur l’octroi de deux ou trois concessions. Ce n’est pas possible !
D’exception en exception, de dérogation en dérogation, on perd de vue l’objectif ambitieux qui était affiché. M. le ministre l’a dit, on devrait aborder ces sujets sans a priori politiques, sans postures politiciennes.
Aux membres de la majorité sénatoriale, je rappellerai cette phrase du président Chirac : « Notre maison brûle, et nous regardons ailleurs. » Aujourd’hui, alors que l’urgence est là, de recul en recul, d’exception en exception, nous laissons notre maison brûler et continuons à regarder ailleurs… (M. Ronan Dantec applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Ce projet de loi n’est pas si symbolique que cela ; sinon, on ne s’échinerait pas à le vider de sa substance. En réalité, il pose une question de fond : sommes-nous capables de sortir des énergies fossiles d’ici à une vingtaine d’années ? C’est une nécessité vitale si l’on ne veut pas mettre en péril la planète, son écosystème, l’Humanité !
Nous sommes face au mur et, comme je l’ai déjà dit en commission, si nous ne posons pas maintenant un acte politique fort, dans vingt ans, le politique, quel qu’il soit, ne pourra plus prendre de décision, car il sera déjà trop tard.
Cela a été dit : d’exception en exception, de dérogation en dérogation, on est en train de vider le texte de sa substance. On entre maintenant dans le vif et le dur du sujet. Si cet article est adopté en l’état, nous enverrons le signal que nous n’avons pas pris conscience de l’urgence climatique
Pour notre part, nous voterons l’amendement. S’il n’est pas adopté, nous voterons contre l’article.
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.
M. Roland Courteau. Nous l’avions deviné !
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Depuis 1992, nous en savons suffisamment sur ce sujet pour agir. Or il a fallu pratiquement un quart de siècle pour faire partager le constat. Ces réserves, ces réticences, ces atermoiements, cette tendance à s’accorder sur le plus petit dénominateur commun, je les constate également à l’échelle européenne. Il nous faudra donc peut-être encore vingt-cinq ans pour nous mettre à niveau.
M. Roland Courteau. Il sera trop tard !
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Mais alors l’histoire nous jugera et il apparaîtra que, en spectateurs parfaitement informés, nous avons laissé l’irréversible se produire.
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Je ne trouve plus les mots. Il y a déjà eu tant d’alertes, tant de rapports. On a évoqué Saint-Martin et Saint-Barthélemy, mais bien avant que ces îles qui nous sont proches soient frappées, j’ai vu au Sahel, aux Philippines, en Océanie les effets du réchauffement climatique. Chaque année, on compte trois fois plus de déplacés climatiques que de réfugiés politiques. J’ai une cruelle conscience de ce que le réchauffement va provoquer dans un monde qui danse sur un volcan en activité.
J’entends bien les arguments des uns et des autres. Si l’on s’en tient au présent, chacun d’entre eux, considéré individuellement, est recevable, mais, si l’on songe à l’avenir, ils sont collectivement irrecevables. Je ne doute pas que vous soyez de bonne foi, mais je pense très sincèrement que vous n’avez pas pris la mesure de ce qui nous attend. On n’en fera jamais trop !
Je ne veux pas employer de mots déplaisants, mais que restera-t-il du texte si l’on continue, petit à petit, à le vider de sa substance : pas de permis, sauf pour les hydrocarbures non énergétiques ; acceptation des demandes de permis déjà déposées ; exclusion de l’outre-mer du champ de la loi…
Si l’on accorde des permis en 2017, comme vous le souhaitez, l’exploitation débutera en 2027, après dix ans d’exploration en moyenne, pour s’achever en 2040 au mieux. Je ne suis même pas sûr que ce soit très pertinent d’un point de vue économique.
Je voulais simplement vous livrer mon sentiment, sans faire d’effets de manches. Je crois que vous n’avez pas encore pris la mesure de ce qui nous attend. Ne vous inquiétez pas pour la planète, elle s’en sortira parfaitement. Comme d’habitude, ce sont les populations les plus démunies, y compris chez nous, qui trinqueront les premières, mais nous en prendrons tous pour notre grade, à un moment ou à un autre. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche. – MM. Ronan Dantec et Joël Labbé applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Je souhaiterais appeler chacun à un peu plus d’esprit de responsabilité. L’enjeu nous dépasse largement, nous devons être à la hauteur. Si nous ne faisons rien, la température sur la planète augmentera de deux degrés peut-être plus vite que prévu. Inondations, ouragans, disparition des espèces – y compris, à terme, la nôtre : nous sommes au pied du mur. C’était un beau projet de loi, emblématique. Il aurait été bien que l’on fasse ce petit pas.
M. Roland Courteau. Vous pouvez être fiers !
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 2
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 24 rectifié, présenté par MM. Gay et Gontard, Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, M. Foucaud, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Collombat, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles L. 132-6, L. 142-1 et L. 142-7 du code minier sont abrogés.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Nous proposons de supprimer, au sein du code minier, toute obligation, pour l’administration, de renouveler un permis de recherches ou d’octroyer une concession minière du fait du droit de suite.
Nous proposons cette évolution du droit pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, nous considérons que ces dispositifs contraignent trop fortement la puissance publique, qui doit conserver la maîtrise de sa politique énergétique et minière. Le cumul des dispositions de renouvellement automatique conduit à un droit de mener des recherches ou d’exploiter des concessions ne pouvant être remis en question durant des dizaines d’années. Ce n’est pas acceptable !
Ensuite, de telles dispositions affaiblissent l’efficacité du dispositif du présent projet de loi. Ainsi, tous les détenteurs des trente-trois permis de recherches actuellement en vigueur auront non seulement la possibilité d’obtenir la prolongation de ces derniers, mais aussi le droit à une première concession en raison du droit de suite. L’interdiction de toute nouvelle concession, qui est le symbole fort de ce projet de loi, sera alors privée de toute portée.
Monsieur le ministre, vous arguez que ce droit de suite ne peut être remis en cause, car il s’agit d’un droit acquis pour les détenteurs de permis de recherches. Pour notre part, il nous semble important que le législateur puisse faire évoluer le droit, surtout si celui-ci n’est plus en phase avec l’urgence, reconnue par nos concitoyens, de changer les pratiques en matières énergétique et environnementale. Nous devons faire évoluer le droit pour mettre fin à l’exploitation des énergies fossiles et lutter contre le changement climatique. Le Conseil d’État a reconnu le caractère d’intérêt général de cet objectif.
Le caractère d’intérêt général est ici clair et bien identifié ; il ne fait aucun doute. Il convient dès lors de faire évoluer le droit. Il est possible, dans ces conditions, de remettre en cause des droits acquis, comme l’indique la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Une phase d’indemnisation des concessionnaires sera bien sûr nécessaire, ne nous le cachons pas, mais notre avenir et celui de nos enfants sont à ce prix.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de ce droit de suite, qui fait primer des intérêts économiques particuliers sur l’intérêt commun et celui de notre planète.
M. le président. L'amendement n° 29 rectifié, présenté par MM. Gay et Gontard, Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, M. Foucaud, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Collombat, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase de l’article L. 132-6 du code minier les mots : « a droit », sont remplacés par les mots : « peut seul prétendre » et après le mot : « demande », sont insérés les mots : « au plus tard six mois ».
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement a également été déposé à l'Assemblée nationale. Nous proposons de faire évoluer le droit de suite, en supprimant son caractère automatique pour en faire une simple faculté laissée à l’appréciation de l’administration.
Nous considérons que si seul le titulaire d’un permis exclusif de recherches d’exploration peut obtenir une concession en vue de l’exploitation, l’État ne doit pas, par principe, être tenu d’octroyer une concession sur les gisements exploitables.
Nous en reviendrons ainsi à l’esprit de la loi, qui veut que le droit de suite soit un simple droit de non-mise en concurrence, et non un droit automatique à l’octroi d’une concession.
M. le président. L'amendement n° 25 rectifié, présenté par MM. Gay et Gontard, Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, M. Foucaud, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Collombat, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 132-6 du code minier est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces dispositions n’exemptent pas le titulaire d’un permis exclusif de recherche faisant demande d’une concession de l’obligation d’une évaluation environnementale et de la tenue d’une enquête publique, conformément aux dispositions prévues aux chapitres II et III du livre Ier du code de l’environnement. »
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Cet amendement vise à encadrer l’octroi de concessions d’exploitation aux titulaires de permis de recherches, et partant à encadrer le fameux « droit de suite ».
Pour ce faire, nous proposons de soumettre les permis concernés par les dispositions de l’article L. 132-6 du code minier à une enquête publique pour l’octroi de toute nouvelle concession lié à la mise en œuvre du droit de suite.
Un tel amendement a déjà été discuté à l’Assemblée nationale. D’autres groupes présentent des amendements similaires. Il a été répondu aux députés qui, en défendant un amendement sur cette question, faisaient également entendre la voix des ONG, que l’enquête publique était déjà prévue par l’article L. 132-3 du code minier, ainsi que par l’article 26 du décret n° 2006-648, qui prévoit que « toute demande d’exploitation doit faire l’objet d’une enquête publique et être accompagnée d’une notice environnementale ».
Cependant, cette enquête et ces notices environnementales n’ont en réalité aucune portée, les concessions ayant été systématiquement octroyées en raison du caractère automatique, dans les faits, du droit de suite.
L’inscription de l’enquête publique dans le projet de loi vise donc à limiter le caractère automatique du droit de suite et à laisser à l’administration une possibilité effective de refuser certains permis, si cela est nécessaire eu égard aux conclusions de l’enquête publique.
Si vous nous dites qu’une telle modification n’est pas nécessaire, car il s’agit déjà du droit positif, nous estimons pour notre part que rien n’empêche de préciser dans le texte la procédure applicable dans le cadre du droit de suite, afin d’améliorer l’intelligibilité de la loi.
M. le président. L'amendement n° 64 rectifié ter, présenté par MM. Guillaume, Courteau et Bérit-Débat, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Préville et Cartron, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Préalablement à sa délivrance, la demande d’octroi de concessions est soumise à une évaluation environnementale, en application de la section 2 du chapitre II du titre II du livre Ier du code de l’environnement. Cette évaluation porte sur les incidences environnementales de l’exploitation du périmètre sollicité ainsi que sur les effets notables de la manière dont le demandeur compte procéder.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Nous avons eu de nombreux débats sur le droit de suite et sur le fait que, même s’il ne devrait pas être automatique, il l’est en pratique dans la plupart des cas. Notre amendement tend à prévoir que le passage d’un permis de recherches d’exploration à une concession d’exploitation fasse l’objet d’une évaluation environnementale. Il vise ainsi à compléter l’article L. 132-6 du code minier, qui consacre le droit de suite et dont je rappelle les termes :
« Sans préjudice des dispositions de l’article L. 142-4, pendant la durée de validité d’un permis exclusif de recherches, son titulaire peut seul obtenir une concession portant, à l’intérieur du périmètre de ce permis, sur des substances mentionnées par celui-ci. Le titulaire d’un permis exclusif de recherches a droit, s’il en fait la demande avant l’expiration de ce permis, à l’octroi de concessions sur les gisements exploitables découverts à l’intérieur du périmètre de ce permis pendant la validité de celui-ci. »
Nous proposons, pour encadrer ce droit de suite quasiment automatique, de compléter cet article par un nouvel alinéa ainsi rédigé : « Préalablement à sa délivrance, la demande d’octroi de concessions est soumise à une évaluation environnementale, en application de la section 2 du chapitre II du titre II du livre Ier du code de l’environnement. Cette évaluation porte sur les incidences environnementales de l’exploitation du périmètre sollicité ainsi que sur les effets notables de la manière dont le demandeur compte procéder. »
M. le président. L'amendement n° 26 rectifié, présenté par MM. Gay et Gontard, Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, M. Foucaud, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Collombat, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 132-6 du code minier est complété par trois phrases ainsi rédigées : « La demande d'un titre minier d'exploitation est assortie d'une obligation pour le demandeur de réactualiser les données relatives à ses capacités financières et techniques. La vérification des capacités financières et techniques du demandeur par les autorités administratives compétentes est un préalable à l’instruction de la demande de titre. Si le demandeur ne justifie pas de capacités financières et techniques suffisantes, son dossier n'est pas instruit. »
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Nous l’avons déjà dit, nous contestons l’application automatique du droit de suite, qui oblige la puissance publique à octroyer une concession minière au détenteur d’un permis de recherches en cours de validité.
Outre cette contestation sur le fond du droit de suite, nous estimons que le code minier est peu précis sur les conditions concrètes d’application de ce droit. Nous ne savons pas si les dispositions relatives à l’octroi des concessions s’appliquent ou si ce droit est à ce point automatique que l’administration ne procède pas à la vérification des exigences définies pour toute autre concession. Nous souhaitons donc que le code minier soit plus précis. Il est nécessaire d’indiquer clairement que la délivrance d’un titre minier d’exploitation dans le cadre du droit de suite doit être assortie de l’obligation de réactualiser les données relatives aux capacités financières et techniques du demandeur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. L’amendement n° 24 rectifié vise à supprimer le droit de suite, ainsi que la prolongation des permis exclusifs de recherches, qui est de droit, et la possibilité de prolonger une concession telle qu’elle est prévue. Cet amendement constitue donc une remise en cause manifeste des droits acquis, qui ouvrirait droit à des indemnisations considérables. Il va bien au-delà de ce que prévoit le texte actuel. La commission émet un avis défavorable, ainsi que sur l’amendement n° 29 rectifié.
Les amendements nos 25 rectifié et 64 rectifié ter sont satisfaits par le droit existant, qui prévoit la tenue d’une enquête publique, ainsi que la remise d’une notice d’impact environnemental, jointe au dossier de demande. L’évaluation environnementale à proprement parler intervient quant à elle lors de la phase d’ouverture des travaux.
La commission demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 26 rectifié semble lui aussi totalement satisfait par le droit en vigueur, qui dispose, d’une part, que nul ne peut obtenir de permis exclusif de recherches s’il ne possède les capacités techniques et financières adéquates, d’autre part et surtout, qu’il en est de même pour l’attribution d’une concession ou d’une autorisation d’exploitation relativement à la capacité technique et financière à mener à bien l’exploitation et à assumer ses obligations. La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Dans la mesure où l’amendement n° 24 rectifié vise l’ensemble des activités minières, et pas simplement les hydrocarbures, je propose d’aborder le sujet en 2018, à l’occasion de la refonte du code minier. L’avis du Gouvernement est défavorable.
Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 29 rectifié.
En ce qui concerne l’amendement n° 25 rectifié, l’évaluation des enjeux environnementaux, cela a été dit, n’est pas absente de la demande de concession minière telle qu’elle est prévue aujourd'hui par le code minier puisque la présence d’une notice d’impact dans le dossier du pétitionnaire est requise. Il en est de même pour l’enquête publique, qui est déjà prévue. Rappelons aussi que tous les travaux, dont les forages, sont soumis à une étude d’impact et à une enquête publique. Il est vrai que les rares concessions demandées sont souvent accordées, mais ce n’est pas systématiquement le cas. Je considère que l’amendement est satisfait pour l’essentiel et invite donc ses auteurs à le retirer.
S’agissant de l’amendement n° 64 rectifié ter, nous considérons là aussi que le sujet devra être débattu lors de la refonte du code minier. Je demande donc le retrait de cet amendement.
Quant à l’amendement n° 26 rectifié, le code minier prévoit d’ores et déjà que nul ne peut obtenir un titre minier s’il ne possède pas les capacités techniques et financières nécessaires. De surcroît, mes services, au sein de l’administration centrale et en régions, s’assurent, tout au long de la vie du titre, du maintien de ces compétences. Je considère donc que cet amendement est déjà satisfait. J’invite ses auteurs à le retirer ; sinon, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre d’État, vous nous demandez gentiment de retirer nos amendements au bénéfice d’une réforme du code minier annoncée pour le premier semestre de 2018. À l’occasion de cette réforme du code minier, d'ailleurs ambitieuse, nous débattrons certainement des problématiques des sous-sols, mais aussi des difficultés sociales et économiques persistantes des anciens territoires d’exploitation minière, dans le Nord, dans l’Est, dans la Loire ou dans un certain nombre de départements du sud de la France.
Cependant, nous ne pouvons pas faire la loi ainsi ! Vous me direz que vous n’en êtes pas comptable, mais le gouvernement précédent, pendant cinq ans, nous a promis une réforme du code minier que nous n’avons jamais vue venir ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Mathieu Darnaud. C’est vrai !
Mme Cécile Cukierman. Je sais bien que le Gouvernement actuel entend faire de la politique autrement que ses prédécesseurs. Cependant, je constate depuis quelques mois que sa modernité, sa différence ne sont tout de même pas aussi frappantes que cela…
Je ne mets pas en doute votre parole, mais vous comprendrez donc que, sur un texte à forts enjeux, nous ne puissions pas retirer des amendements visant à instaurer des garanties en matière d’exploitation des sous-sols, dans l’attente d’une refonte du code minier prévue pour le premier semestre de 2018 et dont nous ne connaissons pas la teneur. Au contraire, emparons-nous de ce texte pour commencer à établir des orientations politiques fortes pour les années à venir, qui vous seront d’ailleurs très certainement utiles, monsieur le ministre d’État, lorsque vous présenterez devant le Parlement votre réforme du code minier.
Vous l’aurez compris, nous maintenons nos amendements. Je me doute du sort qui leur sera réservé, mais prenons acte dès aujourd'hui de profonds changements de logique dans l’exploitation de nos sous-sols et la détermination de l’avenir de nos anciens territoires miniers. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Madame la sénatrice, je ne suis pas seul à souhaiter une réforme du code minier : il s’agit d’une demande générale, ancienne, sans cesse exprimée. Nous pourrons utilement nous inspirer du travail qui a déjà été effectué, sous l’impulsion notamment de M. Chanteguet.
Cette réforme est bien prévue pour 2018, mais je ne peux pas m’engager à ce qu’elle soit présentée au premier semestre plutôt qu’au second.
Mme Cécile Cukierman. En conseil des ministres ou devant le Parlement ?
M. le président. Pas de dialogue direct, ma chère collègue !
Je mets aux voix l'amendement n° 24 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Madame Gréaume, l'amendement n° 25 rectifié est-il maintenu ?
Mme Michelle Gréaume. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Courteau, l'amendement n° 64 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Roland Courteau. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 64 rectifié ter est retiré.
Monsieur Gontard, l'amendement n° 26 rectifié est-il maintenu ?
M. Guillaume Gontard. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2 bis
(Non modifié)
Après l’article L. 132-12 du code minier, il est inséré un article L. 132-12-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 132-12-1. – Cinq ans avant la fin de sa concession et dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, l’exploitant remet à l’autorité administrative un dossier présentant le potentiel de reconversion de ses installations ou de leur site d’implantation pour d’autres usages du sous-sol, notamment la géothermie, ou pour d’autres activités économiques, en particulier l’implantation d’énergies renouvelables. » – (Adopté.)
Article 2 ter A (nouveau)
L’article L. 142-6 du code minier est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le titulaire a mis en œuvre la faculté de poursuivre des travaux de recherches en application du premier alinéa, la durée de la nouvelle période de validité, en cas de prolongation du permis exclusif de recherches, est calculée à partir de la fin de la précédente période de validité.
« Lorsque le titulaire n’a pas mis en œuvre la faculté prévue au premier alinéa entre la fin de la précédente période de validité et l’intervention de la décision de l’autorité compétente lui octroyant la prolongation sollicitée, la durée de la nouvelle période de validité, en cas de prolongation du permis exclusif de recherches, est calculée à compter de l’entrée en vigueur de la décision de l’autorité compétente octroyant la prolongation pour une nouvelle période de validité. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 47 rectifié est présenté par MM. Labbé, Dantec et Requier, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes et MM. Gold, Guérini, Menonville et Vall.
L'amendement n° 66 rectifié bis est présenté par MM. Guillaume, Courteau et Bérit-Débat, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Préville et Cartron, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 47 rectifié.
M. Joël Labbé. Alors que l'objet premier du présent projet de loi est de procéder à l'arrêt progressif de l'exploration et de l'exploitation des hydrocarbures, cet article prévoit que la durée de la prolongation d'un permis exclusif de recherches en cours d'instruction soit calculée à compter de l'entrée en vigueur de la décision de prolongation, et non pas à partir de la précédente période de validité du permis. Or il revient à l'administration de traiter les demandes dans des délais raisonnables : ce n’est pas à la loi de remédier aux retards qu’elle a accumulés. Aussi les auteurs du présent amendement proposent-ils la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Nelly Tocqueville, pour présenter l'amendement n° 66 rectifié bis.
Mme Nelly Tocqueville. Cet article est issu de l’adoption en commission des affaires économiques d’un amendement de la rapporteur, Mme Lamure.
Le droit actuel dispose que la prolongation d’un permis exclusif de recherches prend effet à la date d’expiration de la précédente période de validité. Compte tenu de retards constatés dans l’instruction et l’octroi des prolongations de permis, la commission fait observer que certaines prolongations octroyées n’avaient en réalité aucun intérêt. C’est la raison pour laquelle elle propose que, lorsque dans l’attente d’une prolongation de son titre le titulaire d’un permis exclusif de recherches ne poursuit pas ses travaux, la durée de cette prolongation soit calculée à compter de l’entrée en vigueur de la décision de prolongation. L’objectif est clair…
Cependant, dans la mesure où l’objet du projet de loi est l’arrêt de l’exploration et de l’exploitation des mines d’hydrocarbures d’ici à 2040, nous considérons qu’il n’est pas opportun de modifier les règles relatives à la prolongation d’un permis exclusif de recherches.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Ces amendements tendent à supprimer l’article introduit par la commission pour remédier aux retards accumulés par l’administration dans l’instruction des demandes de prolongation de permis.
Je le rappelle, ces prolongations sont pourtant de droit. Elles ont souvent été accordées bien après l’expiration de la période de validité du permis et peu de temps avant celle de la nouvelle période demandée, ce qui, dans la plupart des cas, leur a fait perdre tout intérêt.
Pour répondre à ces situations, le présent article prévoit que la durée de la prolongation soit calculée à compter de l’entrée en vigueur de la décision de prolongation. Cet article nous paraît parfaitement justifié.
J’ajoute que, contrairement à ce qui a été indiqué, il appartient bien au législateur de fixer les conditions dans lesquelles l’autorité administrative applique la loi.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. L’article 2 ter A adopté en commission des affaires économiques au Sénat vise à augmenter la durée de validité des permis de recherches lorsque l’explorateur a fait une demande de prolongation, mais n’a pas mis en œuvre ce que l’on appelle la « survie provisoire » de son permis, qui lui permet de poursuivre les travaux sans attendre la décision explicite sur la prolongation.
La portée de cet article excède, selon nous, le champ du présent projet de loi, puisqu’il concerne les permis relatifs à la recherche de toutes les substances de mines, et pas simplement les hydrocarbures. Dans le cas des hydrocarbures, l’application de ses dispositions conduirait à prolonger notablement la durée de vie des permis, sans cohérence, une fois encore, avec l’objectif d’une cessation d’activité à l’horizon de 2040.
Par ailleurs, la possibilité d’accorder la prolongation exceptionnelle jusqu’à trois ans d’un permis de recherches d’hydrocarbures, qui est autorisée par l’article L. 142-2 du code minier, permet déjà à l’État de prendre en compte des situations particulières, instruites au cas par cas, justifiant d’augmenter la durée de validité d’un permis de recherches.
Je suis donc favorable aux amendements nos 47 rectifié et 66 rectifié bis visant à supprimer ce nouvel article 2 ter A.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 47 rectifié et 66 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 ter A.
(L'article 2 ter A est adopté.)
Article 2 ter
Le code minier est ainsi modifié :
1° L’article L. 163-11 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En vue de leur utilisation pour d’autres usages du sous-sol ou pour d’autres activités économiques, les installations d’exploration ou d’exploitation indispensables à la mine au sens des articles L. 153-3 et L. 153-15 peuvent être converties ou cédées par l’explorateur ou l’exploitant à d’autres personnes publiques ou privées, sous réserve de l’exécution de la procédure d’arrêt de travaux pour toutes les installations non nécessaires aux nouveaux usages projetés et selon des modalités précisées par décret. »
2° (nouveau) Après l’article L. 163-11, il est inséré un article L. 163-11-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 163-11-1. – Afin de faciliter la conversion ou la cession des installations d’exploration ou d’exploitation visées au dernier alinéa de l’article L. 163-11, l’État peut décider de se voir transférer tout ou partie des droits et obligations liés à l’activité minière visés au titre V du livre Ier du présent code. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 87, présenté par M. Patriat et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
1° Après les mots :
d’exploitation
insérer les mots :
, ainsi que les installations
2° Après les mots :
ou privées
insérer les mots :
, après approbation par l’autorité administrative
3° Supprimer les mots :
et selon des modalités précisées par décret
II. – Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Noëlle Rauscent.
Mme Noëlle Rauscent. Cet article introduit par mes collègues de l’Assemblée nationale a été modifié au Sénat en commission. Sa rédaction mérite aujourd’hui d’être précisée sur plusieurs points.
La formulation retenue par la commission concernant les installations pouvant être transférées peut, en effet, prêter à confusion. Elle pourrait donner à entendre que seules les installations connexes peuvent être transférées, et pas les installations d’exploitation et d’exploration, tel un puits d’exploitation par exemple. Or l’objectif est bien de pouvoir transférer l’ensemble : il nous paraît important de lever le doute.
De plus, en cohérence avec la procédure d’arrêt de travaux, ce transfert doit être approuvé par l’autorité administrative, comme c’est d’ailleurs le cas pour les installations hydrauliques.
Enfin, il n’est pas nécessaire de renvoyer à un décret, puisque le code minier dispose déjà que les modalités de ce chapitre sont précisées par décret en Conseil d’État.
Quant aux dispositions des alinéas 4 et 5, introduites par la commission, elles exonéreraient, en l’état, l’explorateur ou l’exploitant d’arrêt de travaux miniers pour toutes les installations non nécessaires au nouvel usage lorsqu’ils souhaitent les transférer à l’État, alors qu’ils devraient le faire pour un transfert à toute autre personne publique ou privée, en vertu de l’alinéa 3. La nuance est de taille ! Pour lever cette ambiguïté, nous proposons de supprimer les alinéas 4 et 5, déjà satisfaits par l’alinéa précédent.
M. le président. L'amendement n° 67 rectifié ter, présenté par MM. Guillaume, Courteau et Bérit-Débat, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Préville et Cartron, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
l’État
insérer les mots :
, en concertation et après avis des collectivités territoriales concernées,
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, je défendrai en même temps, si vous me le permettez, l’amendement n° 68 rectifié bis.
Issu de l’adoption, à l’Assemblée nationale, d’un amendement de M. Pancher, ce nouvel article ouvre la possibilité de convertir ou de céder à d’autres personnes publiques ou privées les installations d’exploration ou d’exploitation d’hydrocarbures en vue d’autres usages du sous-sol.
La commission des affaires économiques du Sénat a complété cet article en prévoyant que l’État puisse décider le transfert à son profit de tout ou partie des droits ou obligations liés à l’activité minière, pour faciliter la conversion des sites miniers après l’arrêt de l’exploitation des hydrocarbures.
Nos amendements visent à ce que, dans le premier comme dans le second cas, les collectivités territoriales puissent être associées aux décisions de reconversion des sites miniers. Les territoires étant directement affectés par l’arrêt des activités d’exploration ou d’exploitation des hydrocarbures, il semble important que les collectivités locales puissent être parties prenantes.
M. le président. L'amendement n° 68 rectifié bis, présenté par MM. Guillaume, Courteau et Bérit-Débat, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Préville et Cartron, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
, sous réserve de l’exécution de la procédure d’arrêt de travaux pour toutes les installations non nécessaires aux nouveaux usages projetés
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Le 1° du I de l’amendement n° 87 tend à compléter la définition, précisée par la commission, des installations pouvant être converties ou cédées, au motif que ne seraient visées en l’état que des installations qualifiées de « connexes ». L’avis de la commission est favorable.
Le 2° du I prévoit que la cession à d’autres personnes publiques ou privées intervienne après l’approbation de l’autorité administrative. Nous n’y voyons pas d’inconvénient. L’avis de la commission est donc favorable.
Le 3° du I supprime le renvoi à un décret. Ce nouvel alinéa n’apportant rien au droit en vigueur, l’avis de la commission est défavorable.
Enfin, le II supprime la possibilité introduite par la commission d’un transfert à l’État, à son entière discrétion, des droits et obligations associés à l’ancienne activité minière. La commission y est défavorable.
La commission sollicite un vote par division sur l’amendement n° 87.
Par ailleurs, la commission émet un avis favorable sur les amendements nos 67 rectifié ter et 68 rectifié bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. L’objet de l’amendement n° 87 est notamment de définir quelles installations minières peuvent être transférées pour d’autres usages du sous-sol, ainsi que les modalités de transfert. Il est effectivement nécessaire de préciser que les installations d’exploration ou d’exploitation, et pas seulement les installations connexes qui sont visées aux articles L. 153-3 et L. 153-15, peuvent être transférées.
Il est également nécessaire de préciser que ce transfert doit être approuvé par l’autorité administrative.
Enfin, il n’est pas souhaitable que l’explorateur ou l’exploitant soit exonéré de la procédure d’arrêt de travaux miniers pour toutes les installations non nécessaires au nouvel usage lorsqu’il souhaite notamment les transférer à l’État, alors qu’il devra s’y conformer en cas de transfert à toute autre personne publique ou privée, en vertu de l’alinéa 3 et de l’article 2 ter.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
En ce qui concerne l’amendement n° 67 rectifié ter, les collectivités territoriales sont déjà associées lors de la procédure d’arrêt des travaux et lors de l’instruction du nouvel usage. Il ne me semble pas nécessaire de préciser de nouveau que le transfert doit être réalisé en concertation avec les collectivités, qui sont de toute façon associées en amont et en aval. Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
S'agissant de l’amendement n° 68 rectifié bis, il est effectivement nécessaire que l’explorateur ou l’exploitant accomplissent la procédure d’arrêt de travaux miniers pour toutes les installations non nécessaires au nouvel usage lorsqu’ils souhaitent transférer des installations à l’État, comme ils doivent le faire en cas de transfert à toute autre personne publique ou privée, en vertu de l’alinéa 3 et de l’article 2 ter. Je sollicite le retrait de cet amendement au profit de l’amendement n° 87, qui a précisément cet objet.
M. le président. Nous allons procéder au vote par division de l'amendement n° 87.
Je mets aux voix le I-1° et le I-2° de l'amendement.
(Le I-1°et le I-2° sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix le I-3° et le II de l'amendement.
(Le I-3° et le II ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de l'amendement n° 87, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Monsieur Courteau, l'amendement n° 67 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Roland Courteau. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Le ministre d’État nous a demandé de retirer nos amendements au profit de l’amendement n° 87, mais celui-ci a été amputé. Nous préférons donc les maintenir.
M. le président. L'amendement n° 69 rectifié ter, présenté par MM. Guillaume, Courteau et Bérit-Débat, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Préville et Cartron, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
cédées
insérer les mots :
, en concertation et après avis des collectivités territoriales concernées,
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Les territoires étant directement impactés par l’arrêt des activités d’exploration ou d’exploitation des hydrocarbures, il est nécessaire d’associer les collectivités territoriales aux décisions de reconversion des sites miniers en cas de transfert ou de conversion de ces derniers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Pour les mêmes raisons que précédemment, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 ter, modifié.
(L'article 2 ter est adopté.)
Article 3
I. – Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code minier est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Interdiction de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures par fracturation hydraulique ou toute autre méthode non conventionnelle
« Art. L. 111-11. – En application de la Charte de l’environnement de 2004 et du principe d’action préventive et de correction prévu à l’article L. 110-1 du code de l’environnement, la recherche et l’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche ou de l’emploi de toute autre méthode ayant pour but de conférer à la roche une perméabilité sont interdites sur le territoire national.
« Art. L. 111-12. – I. ― Avant le 13 septembre 2011, les titulaires de permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures liquides ou gazeux délivrés avant le 13 juillet 2011 remettent à l’autorité administrative qui a délivré les permis un rapport précisant les techniques employées ou envisagées dans le cadre de leurs activités de recherches. L’autorité administrative rend ce rapport public.
« II. ― Si les titulaires des permis n’ont pas remis le rapport prescrit au I ou si le rapport mentionne le recours, effectif ou éventuel, à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche, les permis exclusifs de recherches concernés sont abrogés.
« III. ― Avant le 13 octobre 2011, l’autorité administrative publie au Journal officiel la liste des permis exclusifs de recherches abrogés.
« IV. ― Le fait de procéder à un forage suivi de fracturation hydraulique de la roche sans l’avoir déclaré à l’autorité administrative dans le rapport prévu au I est puni d’un an d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.
« Art. L. 111-13. – I. – À compter de l’entrée en vigueur de la loi n° … du … mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement, tout demandeur d’un titre ou d’une autorisation concernant une ou des substances mentionnées à l’article L. 111-6 remet à l’autorité administrative, au moment du dépôt de sa demande, un rapport démontrant l’absence de recours aux techniques interdites en application de l’article L. 111-11. L’autorité administrative rend public ce rapport avant le démarrage de l’exploration ou de l’exploitation.
« II. – Si le demandeur n’a pas remis le rapport prescrit au I ou si le rapport ne démontre pas l’absence de recours à une méthode interdite en application de l’article L. 111-11, le titre n’est pas délivré. »
I bis (nouveau). – La loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique est abrogée.
II. – Le code minier est ainsi modifié :
1° Après le 4° de l’article L. 173-5, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :
« 4° bis Inobservation de l’article L. 111-11 ; »
2° Après le 3° du I de l’article L. 512-1, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :
« 3° bis De contrevenir à l’article L. 111-11 ; ».
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l'article.
M. Guillaume Gontard. Le présent article aborde un point très sensible : le traitement des hydrocarbures non conventionnels, c’est-à-dire les gaz et huiles de schiste, les bitumeux, les gaz de couche, les gaz et pétrole de réservoir compact.
Il est nécessaire d’être très précis dans la définition de ces hydrocarbures. C’était le cas du texte initial présenté au Conseil national de la transition écologique, le CNTE, le 23 juillet dernier. Nous regrettons que le Gouvernement ait suivi l’avis du Conseil d’État et préféré l’approche de la loi de 2011, ne visant que les techniques utilisées pour l’extraction, et faisant abstraction de la nature de l’hydrocarbure.
Cette approche nous semble incomplète. L’expérience de la loi de 2011 nous a bien montré que la seule prise en compte des techniques utilisées n’était pas suffisante, d’autant que ce mécanisme se fonde uniquement sur un système d’autodéclaration du détenteur du titre, présumant donc la bonne foi des déclarants.
L’expérience récente n’est pas encourageante. Sur seize permis visés, seuls trois ont été abrogés. Les détenteurs ont ainsi mentionné ne pas utiliser la fracturation hydraulique. Cela signifie tout simplement que treize permis sont aujourd’hui dormants et concernent des hydrocarbures non conventionnels, contrairement à ce qui a pu être affirmé dans l’étude d’impact.
La différence entre hydrocarbures non conventionnels et conventionnels n’étant pas précisément définie, il est fortement probable que d’autres permis de recherches ou d’exploitation concernent en réalité pour partie des hydrocarbures non conventionnels.
Il est indispensable d’agir au regard des graves préjudices écologiques que l’exploration ou l’exploitation de ces hydrocarbures non conventionnels engendrent. Il convient de définir un dispositif efficace pour ne plus permettre l’exploitation de ces hydrocarbures.
Nous présenterons donc deux amendements visant à sécuriser ce dispositif. Le premier reprend la définition des techniques interdites proposée par la commission du développement durable de l’Assemblée nationale. Le second vise à soumettre l’ensemble des détenteurs de titres miniers à une nouvelle déclaration, seul moyen d’assurer une prise en compte réelle de l’évolution législative par l’ensemble des détenteurs de titres miniers.
Pour autant, nous considérons que ce système présente encore des failles, puisqu’il repose une nouvelle fois sur la seule bonne foi des concessionnaires. Il est donc fort probable que nous ayons besoin à terme d’établir une définition claire des hydrocarbures non conventionnels.
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, sur l’article.
M. Mathieu Darnaud. Que l’on me permette d’associer à ma prise de parole mes collègues François Bonhomme, Cyril Pellevat et Jacques Genest.
Je souhaite profiter de l’examen de cet article 3 pour donner l’éclairage d’un élu d’un territoire directement concerné par la question des hydrocarbures non conventionnels, souvent dénommés gaz de schiste.
Pour l’Ardèche, comme pour d’autres départements tels le Gard, la Savoie, la Haute-Savoie ou l’Isère, où a été détectée la présence de schistes bitumineux, il est primordial que la loi interdise de façon explicite la recherche et l’exploitation de tous les hydrocarbures non conventionnels, et ce quel que soit le mode d’extraction.
D’abord, celle-ci sera forcément complexe, donc coûteuse, et sa rentabilité ne sera assurée qu’avec le maintien de cours relativement élevés. Or, qui peut prédire aujourd’hui quel sera le cours de ces matières premières dans les décennies à venir ?
Ensuite, les travaux conduits par le Syndicat intercommunal pour le thermalisme et l’environnement, qui ont servi de base à la rédaction de la loi Jacob de 2011, démontrent par exemple que le sous-sol d’un département comme l’Ardèche, particulièrement dans sa partie sud, présente, du fait de sa nature géologique, un niveau de risque accru en cas de forage profond, en raison des nombreuses failles qui le parcourent et qui jouent un rôle important dans le cheminement des eaux souterraines. Or les ressources de ce territoire, et de ceux qui l’entourent, proviennent principalement d’un tourisme qualitatif fondé sur ses atouts géologiques, en particulier le thermalisme et les activités nautiques dans les gorges de l’Ardèche.
Si une pollution des nappes phréatiques, comme celle qui a été constatée en Pennsylvanie en 2013, venait à se produire, les conséquences seraient tout simplement catastrophiques. Ce serait un désastre pour ce tourisme vert qui attire des millions de personnes venues profiter d’une nature préservée, ainsi que pour les productions agricoles, l’agriculture biologique occupant une place particulièrement importante dans le département de l’Ardèche. En outre, l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels jetterait des millions de camions sur un réseau exclusivement composé de routes départementales étroites, essentiellement montagneuses, créant un trafic ingérable et dangereux, facteur de nuisances inconciliables avec le modèle économique de nos territoires.
Miser sur une énergie déclinante et sur un non-sens économique serait une injure faite à nos enfants. Le gaz et le pétrole ne s’extraient qu’une seule fois, alors que les dommages qu’ils causent sont, eux, irréversibles. L’avenir de nos territoires passera non par l’exploitation de gisements à court terme, mais par l’investissement dans les richesses humaines et pérennes. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Je partage quasiment mot pour mot les propos de mon collègue Mathieu Darnaud, et je m’étonne dès lors que nos votes n’aient pas toujours été concordants ! (Sourires.)
L’article 3 tend à compléter la loi Jacob, adoptée en 2011, tout en redéfinissant les techniques interdites et en revoyant les conditions d’extraction.
Pour autant, peut-on dire qu’il comporte de réelles avancées ? Je pense que nous restons dans le même schéma que celui de la loi de 2011 : ce n’est pas l’exploration-exploitation des hydrocarbures non conventionnels qui est interdite, mais simplement une technique d’extraction.
De plus, la technique interdite par ce projet de loi est celle qui « vise à rendre à la roche une perméabilité ».
Monsieur le ministre, cette définition, bien évidemment trop floue, ouvre la voie à des utilisations abusives. En effet, le système repose sur une déclaration de l’exploitant, et il suffira donc que celui-ci indique ne pas avoir recours à la pratique interdite d’extraction pour que le permis ne soit pas abrogé.
Nous devons donc légiférer afin d’éviter un vide juridique qui permettrait à une multinationale pétrolière et gazière, Total pour ne pas la nommer, de récupérer un permis d’exploration en affirmant qu’elle n’utilise pas la fracturation hydraulique, sans pour autant donner d’indications claires sur les moyens utilisés… C’est la situation vécue à Montélimar, en région Auvergne-Rhône-Alpes.
Si de nombreux acteurs environnementaux semblent avoir accepté une définition des hydrocarbures non conventionnels liée à la technique d’exploitation, nous aurions préféré une définition directe de ces hydrocarbures, comme il en figurait une dans la proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l’environnement, adoptée par l’Assemblée nationale en janvier dernier.
Toutefois, nous acceptons le consensus autour de l’avis rendu par le Conseil d’État, qui indique que l’on ne peut différencier hydrocarbures conventionnels et hydrocarbures non conventionnels, la seule différence résidant dans leurs modes d’extraction, celui des seconds étant beaucoup plus polluant et fragilisant davantage les sous-sols.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 70 rectifié ter, présenté par MM. Guillaume, Bérit-Débat et Courteau, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Préville et Cartron, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche ou de l’emploi de toute autre méthode ayant pour but de conférer à la roche une perméabilité
par les mots :
huiles ou gaz de roche-mer, c’est-à-dire des hydrocarbures liquides ou gazeux qui sont emprisonnés au sein d’une formation de roche non poreuse et dont l’extraction nécessite de fracturer ou de fissurer cette roche par quelque technique que ce soit,
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Je me félicite d’avoir entendu mes collègues Mathieu Darnaud et Cécile Cukierman évoquer ce thème avec de tels accents ! Je les invite à voter cet amendement, qui répond parfaitement à leurs préoccupations.
La rédaction actuelle de l’alinéa 4 de l’article 3 vise à conforter l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels en définissant les techniques qui sont ou pourraient être utilisées à cette fin : il s’agit de la technique de fracturation hydraulique, déjà interdite par la loi Jacob de 2011, ou « de toute autre méthode ayant pour but de conférer à la roche une perméabilité ».
Monsieur le ministre, nous pensons que faire porter l’interdiction sur des techniques plutôt que sur la nature même des hydrocarbures non conventionnels n’est pas de nature à garantir sur le long terme l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation de ces hydrocarbures tout à fait spécifiques.
Il nous semble donc nécessaire d’interdire non seulement ces techniques très particulières, mais aussi et surtout l’objet spécifique de l’exploration et de l’exploitation, à savoir un type d’hydrocarbures dont l’extraction est source de graves dommages pour l’environnement.
C’est pourquoi cet amendement vise à interdire « la recherche et l’exploitation des huiles ou gaz de roche-mère, c’est-à-dire des hydrocarbures liquides ou gazeux qui sont emprisonnés au sein d’une formation de roche non poreuse et dont l’extraction nécessite de fracturer ou de fissurer cette roche par quelque technique que ce soit ».
Nous poserions ainsi un double verrou, avec l’interdiction des techniques et l’interdiction d’explorer ou d’exploiter des hydrocarbures non conventionnels répondant à une définition claire, celle qui figurait dans la proposition de loi de Nicole Bricq et de Didier Guillaume, présentée au nom du groupe socialiste et républicain.
Les observations du Conseil d’État ne doivent pas, selon moi, nous conduire à ne pas adopter cet amendement, que je vous invite, mes chers collègues, à voter massivement.
M. le président. L’amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. Gay et Gontard, Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, M. Foucaud, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Collombat, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
de la roche ou de l’emploi de toute autre méthode ayant pour but de conférer à la roche une perméabilité
par les mots :
, de stimulation de la roche ou de l’emploi de toute autre méthode ayant pour but de modifier notablement la perméabilité de la roche ou du réservoir de manière irréversible
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Cet amendement est fondamental. S’il n’est pas adopté, la portée de ce texte, s’agissant des hydrocarbures non conventionnels, sera quasiment nulle, la loi Jacob de 2011 interdisant déjà la fracturation hydraulique.
En effet, le code minier ne différencie pas hydrocarbures conventionnels – pétrole, gaz – et non conventionnels – pétrole et gaz de schiste, de couche ou de roche. Il se borne à interdire la fracturation hydraulique, qui n’est pas la seule technique d’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, sans même la définir…
Le projet de loi initial en restait là, mais l’Assemblée nationale, en commission, a proposé une définition précise et complète des techniques utilisées pour l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels. Cette rédaction a été modifiée en séance, sur proposition du Gouvernement, pour viser « toute autre méthode ayant pour but de conférer à la roche une perméabilité ».
Cette définition manque de précision et de rigueur scientifique, car toutes les roches présentent un certain degré de perméabilité.
Nous proposons donc d’en revenir à la définition proposée par la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, qui a été saluée par toutes les associations de préservation de l’environnement et qui permettra d’en finir, dès la publication de la présente loi, avec l’extraction d’hydrocarbures non conventionnels, dont les ravages écologiques, aux États-Unis ou au Canada par exemple, ne sont plus à démontrer.
M. le président. L'amendement n° 48 rectifié, présenté par MM. Labbé, Dantec et Requier, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mmes Costes et N. Delattre et MM. Gabouty, Gold, Guérini, Menonville et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
ou de l’emploi de toute autre méthode ayant pour but de conférer à la roche une perméabilité
Par les mots :
, stimulation de la roche ou tout autre méthode ayant pour but de modifier notablement la perméabilité de la roche ou du réservoir de manière irréversible
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. L’essentiel a été dit par mon collègue Fabien Gay.
Scientifiquement, toute roche possède un degré de perméabilité : on ne peut donc lui « conférer une perméabilité », mais seulement modifier celle-ci.
En outre, l’amendement vise à compléter l’article en introduisant la notion de « réservoir », ce qui permet d’inclure l’exploration des gaz et pétrole de réservoir compact.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. La définition présentée au travers des amendements nos 22 rectifié et 48 rectifié a déjà été écartée à l’Assemblée au profit d’une rédaction proposée par le Gouvernement, qui vise à mieux décrire les techniques qui sont utilisées pour explorer et exploiter les hydrocarbures non conventionnels piégés dans des roches non perméables.
Cette définition, qui est peut-être discutable sur le plan scientifique, nous semble préférable à celle figurant à l’amendement n° 48 rectifié, dans la mesure où elle couvre bien toutes les techniques non conventionnelles et ne comporte pas le risque de s’appliquer aux techniques conventionnelles sans danger pour l’environnement.
Quant à l’amendement n° 70 rectifié ter, il repose sur une autre approche consistant à viser des types d’hydrocarbures plutôt que des techniques. Au surplus, l’amendement introduit les notions nouvelles d’huiles ou gaz de roche-mère, de porosité de la roche et de fissuration de cette dernière, dont la prise en compte viendrait complexifier encore la définition.
On touche manifestement là aux limites de ce que peut faire le législateur lorsqu’il s’agit de manipuler des concepts scientifiques qui ne font pas consensus.
J’ajoute que nos collègues députés ont ouvert des débats qui n’avaient pas lieu d’être en pratique, puisque l’interdiction de la fracturation hydraulique, combinée aux pouvoirs que la police des mines confère déjà à l’État, nous prémunit déjà contre tous les risques de recours à des techniques non conventionnelles sur le territoire national.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. On s’en doute, je suis extrêmement vigilant sur ce point. Je suis intimement convaincu que le texte qui vous est soumis renforce encore le dispositif déjà très opérant de la loi Jacob. Nous avons fait le choix de fonder notre stratégie sur l’interdiction des techniques à risques plutôt que sur une définition des hydrocarbures non conventionnels qui, selon le Conseil d’État, serait juridiquement fragile.
La fracturation hydraulique est la seule technique opérationnelle. Elle est déjà interdite, et la définition des techniques proscrites retenue par l’Assemblée nationale, qui vise les techniques conférant une perméabilité à la roche, apporte une protection supplémentaire. C’est celle qui est validée par les experts géologues pour bannir définitivement les méthodes à risques. Il s’agit là d’une avancée par rapport à la loi de 2011.
Ce serait tout de même un comble de mettre un terme à l’exploration et à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et, dans le même temps, de laisser une possibilité d’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, dont l’interdiction fait consensus au sein de la classe politique. Si nous n’avons pas inscrit dans le texte de distinction entre ces deux catégories d’hydrocarbures, c’est pour éviter un risque juridique.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 70 rectifié ter, 22 rectifié et 48 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Je regrette cet avis défavorable, monsieur le ministre, même s’il ne nous surprend pas au regard des positions que vous aviez prises à l’Assemblée nationale.
Nous proposons, au travers de notre amendement, que l’interdiction ne porte pas seulement sur les techniques utilisées – outre la fracturation hydraulique, il y a aussi la fracturation pneumatique ou l’injection de gaz dans la roche. Notre démarche, qui s’inspire d’une proposition de loi présentée au Sénat par le groupe socialiste et républicain, nous semblait plus opérationnelle et plus radicale.
Je ne suis pas sûr que le texte, dans sa rédaction actuelle, apporte toutes les assurances nécessaires. Vous vous en portez garant, monsieur le ministre : nous verrons à l’usage…
En tout état de cause, je maintiens l’amendement n° 70 rectifié ter.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 110, présenté par Mme Lamure, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéas 5 à 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Par souci de clarté, le texte de la commission a codifié dans le code minier les dispositions de la loi Jacob de 2011.
Cette codification a été opérée « à droit constant » par rapport au texte adopté par l’Assemblée nationale, afin qu’il ne puisse nous être reproché d’en profiter pour revenir sur tel ou tel point de la loi.
Cet objectif de clarification n’ayant pas été contesté, le présent amendement prévoit d’aller au bout de la démarche de simplification en supprimant uniquement des dispositions nouvellement codifiées : les mesures transitoires prévues en 2011, qui n’ont par définition plus lieu d'être.
M. le président. L'amendement n° 56 rectifié, présenté par MM. Labbé, Dantec et Requier, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes et MM. Gabouty, Gold, Guérini, Menonville et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. L’article 3 du projet de loi, qui codifie la loi du 13 juillet 2011, prévoit que le fait de procéder à un forage suivi de fracturation hydraulique de la roche sans l’avoir déclaré à l’autorité administrative dans le rapport précisant les techniques envisagées est passible d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Or l’article L. 512-1 du code minier punit de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait de contrevenir à l’interdiction de recourir à la fracturation hydraulique de la roche ou l’emploi de toute autre méthode ayant pour but de conférer à la roche une perméabilité.
Au regard des difficultés d’articulation de ces deux sanctions, le présent amendement procède à leur alignement sur la peine prévue à l’article L. 512-1 du code minier, qui sanctionne également d’autres infractions en la matière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 56 rectifié ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Il est favorable : cet amendement permet de clarifier les sanctions applicables en cas de recours aux techniques interdites.
Toutefois, cet amendement sera satisfait et deviendra sans objet si l’amendement n° 110 de la commission est adopté.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 56 rectifié n’a plus d’objet.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Gay et Gontard, Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, M. Foucaud, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Collombat, est ainsi libellé :
Alinéa 9, première phrase
1° Remplacer le mot :
demandeur
par le mot :
détenteur
2° Supprimer les mots :
, au moment du dépôt de sa demande,
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Cet amendement a été déposé aux fins de s’assurer que les pratiques interdites par le présent article le soient réellement dans les faits, et ce également pour les détenteurs de titre minier, et non pour les seuls demandeurs de permis.
Ainsi, l’ensemble des détenteurs de permis, et non les seuls demandeurs, devront, si nous adoptons cet amendement, justifier auprès de l’autorité administrative qu’ils n’utilisent pas une méthode interdite par le présent article, qui comporte une définition plus large que celle de la loi de 2011.
L’adoption de cet amendement garantirait ainsi que les détenteurs actuels de permis ne puissent plus employer aucune méthode de fracturation de la roche ou de stimulation, hydraulique ou autre.
Je vous rappelle, mes chers collègues, qu’il existe aujourd’hui des permis dormants de recherches d’hydrocarbures non conventionnels.
Ne pas obliger l’ensemble des détenteurs de permis à produire un rapport sur la non-utilisation des pratiques interdites permettrait, par défaut, que des permis qui devraient être abrogés restent valides.
Dans un souci de respect des engagements pris par la France dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat, au vu de l’impact environnemental de ces techniques, mais également dans une optique de cohérence de ce projet de loi, il nous semble essentiel de garantir que l’interdiction de ces techniques qui visent à altérer la perméabilité de la roche soit bel et bien respectée par tous.
M. le président. L'amendement n° 55 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Dantec et Gabouty, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 11
Insérer un I ter ainsi rédigé :
I ter.- Les titulaires d’un titre ou d’une autorisation concernant une ou des substances mentionnées à l’article L. 111-6 du code minier remettent à l’autorité administrative, dans un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, un rapport démontrant l’absence de recours aux techniques interdites en application de l’article 1er de la présente loi. L’autorité administrative rend ce rapport public.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Il s’agit d’un amendement de cohérence. Les demandeurs de permis doivent fournir un rapport démontrant l’absence de recours aux techniques interdites. Il serait normal d’imposer la même exigence à ceux qui sont déjà titulaires de telles autorisations. Un délai de six mois leur serait accordé pour produire ce rapport.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Je commencerai par donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 55 rectifié bis, qui prévoit d’exiger également des titulaires de titre ou autorisation la remise d’un rapport démontrant l’absence de recours aux techniques interdites.
Même si une telle obligation n’aura d’autre effet que d’alourdir inutilement la charge administrative pour les titulaires de titre ou autorisation, cet amendement a effectivement le mérite de rétablir une certaine cohérence dans le texte de la loi de 2011.
La commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
L’amendement n° 23 rectifié serait satisfait par l’adoption de l’amendement n° 55 rectifié bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. L’adoption de l’amendement n° 55 rectifié bis conduirait à demander aux détenteurs d’un titre la remise d’un rapport sur le non-usage des techniques interdites. Du point de vue du Gouvernement, cette obligation n’est pas justifiée : les détenteurs ont déjà remis un tel rapport à l’occasion de leur demande de titre, et l’administration locale autorise et contrôle les travaux miniers afférents.
Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 55 rectifié bis, ainsi que, pour les mêmes raisons, à l’amendement n° 23 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article additionnel après l'article 3
M. le président. L'amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Gay et Gontard, Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, M. Foucaud, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Collombat, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’interdiction d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures par des techniques de stimulation de la roche ou toute autre méthode ayant pour but de modifier notablement la perméabilité de la roche ou du réservoir de manière irréversible, s’applique également à l’extérieur du territoire national pour les sociétés ayant leur siège social dans le territoire national ou leurs filiales dont l’activité est incluse à l’intérieur du périmètre de consolidation au sein des articles L. 233-1 et L. 233-3 du code de commerce.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Nous proposons, au travers de cet amendement, d’interdire aux sociétés et à leurs filiales ayant leur siège social en France de pratiquer la délocalisation en exploitant les hydrocarbures non conventionnels hors du sol national.
Nous souhaitons ainsi renforcer la responsabilité sociale et environnementale des entreprises dans la globalité de leurs activités. Cette responsabilité, si elle ne valait que sur sol national, ne serait que partiellement respectée et peu contraignante pour des sociétés dont l’activité s’exerce principalement à l’étranger.
La responsabilité ne s’arrête pas à la frontière d’un pays ; elle doit s’imposer de façon constante. En outre, interdire à des entreprises françaises l’exploitation des hydrocarbures sur le sol national, tout en l’autorisant hors de celui-ci, relève, dans le meilleur des cas, d’une incohérence incompréhensible, et, dans le pire des cas, d’un double discours selon lequel on trouverait plus acceptables les atteintes à l’environnement se produisant hors du territoire national.
Nous ne souhaitons pas, en présentant cet amendement, nous poser en « législateur universel », reproche qui avait été adressé à notre ancien collègue Michel Billout en 2011, lorsque notre groupe avait déposé un amendement similaire dans le cadre des discussions sur l’interdiction d’exploitation des gaz de schiste par fracturation hydraulique.
Nous pensons que, grâce à notre proposition, la France pourrait ouvrir la discussion, sinon la voie, vers une forme d’harmonisation environnementale nivelée, une fois n’est pas coutume, par le haut, en vue d’interdire les modes d’extraction particulièrement néfastes pour l’environnement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Cet amendement tend à interdire aux sociétés ou à leurs filiales ayant leur siège social en France d’utiliser des techniques dites non conventionnelles dans le cadre de leurs activités hors du territoire national.
Une telle interdiction, si elle devait être étendue hors des frontières nationales, ne saurait être fixée par la loi française, mais devrait nécessairement être arrêtée au plan européen ou international.
En outre, si la France l’adoptait unilatéralement, les sociétés concernées pourraient alors avoir intérêt à déplacer leur siège social hors de France pour contourner la mesure.
En conséquence, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d'État. Le dispositif de cet amendement, qui vise à étendre l’interdiction des méthodes visées par le projet de loi à toute société ayant son siège social en France, est malheureusement impossible à mettre en œuvre.
Néanmoins, le rapport demandé à l’article 3 ter permettra de mieux connaître l’impact environnemental des hydrocarbures importés et d’en tenir compte dans le cadre des travaux européens.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je ne conteste pas l’argument juridique avancé par Mme la rapporteur et M. le ministre, mais nous sommes toutes et tous ici des femmes et des hommes politiques. Dans la situation actuelle, alors qu’un nouveau scandale d’évasion fiscale vient d’éclater, nous devons nous interroger collectivement, me semble-t-il, sur ce que notre droit peut et doit permettre, sur ce que nous pouvons et devons faire à l’échelle européenne. Peut-on encore accepter qu’une entreprise ayant son siège social en France soit exemplaire sur le territoire national mais fasse fi, lorsqu’elle opère à l’étranger, de tous les enjeux dont nous débattons depuis le début de l’après-midi, lesquels, nous l’avons tous dit, ne peuvent être envisagés qu’à l’échelle de la planète ?
Le problème n’est pas de déterminer si cet amendement est juridiquement et constitutionnellement acceptable, mais d’envoyer un signal, en affirmant la responsabilité sociale, territoriale et environnementale à l’échelle de la planète de nos entreprises.
Oui, cet amendement est important, au-delà des critiques que sa rédaction peut susciter. Bien évidemment, madame la rapporteur, vous pouvez toujours nous dire que les entreprises françaises délocaliseront leur siège s’il est adopté. Mais si, à un moment donné, nous ne prenons pas nos responsabilités, nous devrons assumer, individuellement et collectivement, ce qui va se passer sur notre planète dans les années à venir.
Mes chers collègues, je vous invite à y réfléchir et, en conséquence, à adopter cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 27 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3 bis
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’accompagnement des entreprises et des salariés impactés par la fin progressive des activités d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures, ainsi que sur la reconversion des territoires concernés. Ce rapport est établi après concertation avec les parties prenantes, notamment les entreprises, les salariés, les collectivités territoriales et les partenaires sociaux.
En ce qui concerne l’accompagnement des salariés et des entreprises, ce rapport présente les mesures envisagées pour anticiper les mutations professionnelles et technologiques et pour favoriser le développement d’une économie de substitution œuvrant à la transition énergétique.
En ce qui concerne la reconversion des territoires, ce rapport détaille les dispositifs mis en place tant sur le plan économique et fiscal que sur le plan environnemental, lesquels peuvent notamment appuyer le développement des énergies renouvelables.
M. le président. L’amendement n° 71 rectifié ter, présenté par MM. Guillaume, Bérit-Débat et Courteau, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Préville et Cartron, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Il présente notamment le dispositif des contrats de transition écologique et solidaire, destinés d’une part aux salariés et d’autre part aux territoires concernés. Il expose les différentes modalités possibles de ces contrats, les moyens budgétaires et l’organisation nécessaires à leur déploiement dans le cadre d’une stratégie industrielle d’anticipation des mutations liées à la transition énergétique.
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Comme le souligne l’étude d’impact jointe au projet de loi, les activités d’exploration et de production d’hydrocarbures représentent pas moins de 1 500 emplois directs et 4 000 emplois indirects sur le territoire national.
Il est donc nécessaire de réfléchir aux perspectives d’évolution, d’anticiper les potentielles reconversions de ces activités et d’identifier, dès aujourd’hui, les stratégies industrielles à mettre en œuvre sur les territoires qui seront affectés sur le plan économique et en termes d’emploi par l’arrêt de la production d’hydrocarbures.
L’échéance de 2040 n’est pas si lointaine. L’avenir de ces territoires est à repenser et à reconstruire dès aujourd’hui. Pour cela, il nous faut trouver de bons outils.
Monsieur le ministre d’État, vous avez proposé, dans votre plan Climat, un outil particulièrement innovant pour répondre à ces préoccupations : les contrats de transition écologique et solidaire, les CTE, qui devraient permettre d’accompagner la reconversion des territoires touchés par la sortie progressive des énergies fossiles. Nous adhérons à 100 % à cette idée, car outre que ces contrats répondent à une exigence sociale, leur mise en œuvre permettra de favoriser les mutations industrielles et technologiques liées à la transition écologique.
L’article 3 bis prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’accompagnement des entreprises et des territoires impactés par la fin progressive des activités d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures, ainsi que sur la reconversion des territoires concernés. Nous souhaiterions que ce rapport fasse explicitement référence aux contrats de transition écologique et solidaire.
C’est pourquoi nous proposons de compléter cet article par un nouvel alinéa ainsi rédigé : ce rapport « présente notamment le dispositif des contrats de transition écologique et solidaire, destinés, d’une part, aux salariés et, d’autre part, aux territoires concernés. Il expose les différentes modalités possibles de ces contrats, les moyens budgétaires et l’organisation nécessaires à leur déploiement dans le cas d’une stratégie industrielle d’anticipation des mutations liées à la transition énergétique. »
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Cet amendement tend à compléter le rapport prévu au présent article par une présentation des contrats de transition écologique et solidaire. Ces contrats ont en effet été annoncés par le Gouvernement, mais sans précisions, à ce stade, sur les modalités ou les moyens budgétaires qui pourraient leur être dévolus.
Même si l’effort de coconstruction avec les acteurs locaux est louable, le Parlement gagnerait à être informé des grandes lignes de ces futurs contrats. Le rapport prévu à cet article me semble être un bon vecteur pour ce faire.
C’est pourquoi la commission émet un avis favorable sur l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. Monsieur le sénateur, j’ai effectivement conscience que les CTE détermineront l’acceptabilité et la faisabilité de la transition écologique. Ils en sont même la condition et tous les moyens de l’État doivent être déployés au bénéfice des territoires, des filières, des entreprises qui seront affectés par la fin progressive des activités d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures.
Si nous voulons que cette transition s’opère et que ses effets soient finalement positifs pour tout le monde, elle devra être à la fois écologique et solidaire, comme l’indique la dénomination du ministère dont j’ai la charge.
Dès l’an prochain, sous l’impulsion de Sébastien Lecornu, l’un des secrétaires d’État rattachés à mon ministère, nous allons expérimenter ces contrats de transition écologique dans une quinzaine de territoires. Ils ne peuvent pas être formatés à l’avance, car ils devront être coconstruits et copilotés au cas par cas avec les territoires concernés.
Le Gouvernement souhaite mettre en œuvre les contrats de transition écologique le plus tôt possible, sans attendre la remise du rapport demandé, prévue dans un an.
C’est pourquoi je vous suggère de retirer votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre d’État, je vous ai entendu, mais je pense que Claude Bérit-Débat pose une véritable question. Pensez aux milliers de salariés des filières considérées qui apprendront que, dans quelque temps, leur emploi sera supprimé ! Il est essentiel d’anticiper la reconversion, car sinon les personnes touchées, qui n’ont que leur salaire, exercent leur métier depuis des années et sont parfois âgées, vont se retrouver démunies. Inévitablement, des problèmes sociaux se poseront alors avec une acuité extraordinaire.
Il n’est donc pas pensable de ne pas anticiper ces profondes mutations industrielles. Notre amendement va dans le sens que vous préconisez, monsieur le ministre d’État. Mettre en œuvre une stratégie de reconversion est absolument nécessaire pour les territoires où existent des sites d’exploitation d’hydrocarbures. Elle doit être préparée dès maintenant avec les entreprises, les comités d’entreprise, les syndicats. Sans cela, je le répète, des drames sociaux surviendront inévitablement et votre projet, auquel nous souscrivons, rencontrera des oppositions extrêmement fortes.
Cet amendement, profondément juste, se fonde sur l’idée qu’il faut accompagner les mutations liées à la transition énergétique. Comme vous le disiez dans votre propos liminaire, monsieur le ministre d’État, la transition énergétique permettra de créer davantage d’emplois, mais, pour les personnes concernées, un « tiens » vaut mieux que deux « tu l’auras »… Il faut donc bien leur expliquer la situation et mettre en place à leur profit de véritables contrats de transition écologique.
M. le président. Monsieur Bérit-Débat, l’amendement n° 71 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Claude Bérit-Débat. Je ne retirerai pas mon amendement, monsieur le président, parce qu’il va dans le sens du plan Climat présenté par le Gouvernement, qui indique très précisément que, « pour tous les salariés dont l’emploi est directement menacé par la transition à moyen terme, comme c’est le cas dans la production d’énergies fossiles, nous mettrons en place des contrats de transition écologique. Ces contrats associeront les parties prenantes – salariés, collectivités territoriales, entreprises, État – dans la recherche d’un objectif commun de reclassement optimal pour les salariés, en utilisant et en faisant évoluer les outils existants. »
Nous partageons les objectifs que le Gouvernement s’est fixés. Comme vient de le dire notre collègue Martial Bourquin, il est nécessaire d’accompagner les importantes reconversions que connaîtront nos territoires. Qui peut le plus peut le moins ! Nous vous proposons simplement, monsieur le ministre d’État, d’ajouter à l’article 3 bis un alinéa qui reprend l’engagement que vous avez vous-même pris au travers du dispositif des contrats de transition écologique et solidaire.
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. J’entends bien et je partage votre préoccupation, monsieur le sénateur. Comme je le disais tout à l’heure, je ne suis ni dogmatique ni entêté. J’en veux pour preuve l’annonce que j’ai faite, ce matin, que le calendrier pour la réduction à 50 % de la part de l’énergie nucléaire dans notre mix électrique serait revu.
J’ai conscience de la brutalité sociale que pourrait présenter la transition écologique, au risque de compromettre l’ensemble de la démarche. On ne peut pas engager cette transition sans concertation, sans appréhender les choses de façon globale. Par exemple, j’ai toujours considéré que fermer la centrale de Fessenheim ne constituait pas en soi une stratégie. Nous le ferons, mais selon un schéma d’ensemble qui constituera une sorte de modélisation pour l’action que nous devrons mener à l’avenir.
Les contrats de transition écologique, dont nous devrons définir le modèle, n’ont pas vocation à être exclusivement des instruments de la mise en œuvre de la présente loi. Faire des rapports, c’est bien, mais je préfère entrer très rapidement dans l’action. Je rappelle que la réalisation des objectifs que nous nous fixons va s’étaler sur vingt-trois ans. À terme, environ 1 500 emplois directs, de 4 000 à 5 000 au total si l’on tient compte des sous-traitants, seront concernés. Quel que soit le nombre des personnes touchées, ce n’est jamais insignifiant, car il s’agit toujours de parcours humains. Le potentiel d’activités et d’emplois liés à la transition écologique devrait permettre de largement compenser les suppressions d’emplois et de faire en sorte que personne ne soit laissé de côté, grâce notamment à la formation.
Je ne pense pas que l’exercice soit impossible à réussir, pour peu qu’on s’y attelle dès maintenant. C’est d’ailleurs ce que nous avons commencé à faire, notamment dans le cadre de la conférence des territoires. En tout état de cause, la démarche doit être coconstruite avec les territoires concernés, et non pas dictée depuis Paris.
J’ai conscience, une fois encore, que l’acceptabilité sociale est la condition du succès. Sans elle, nous ne pourrons pas réaliser la transition écologique.
M. Roland Courteau. C’est certain !
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. Le principe du contrat de transition écologique reste à conceptualiser dans le détail. Il sera nécessaire de mobiliser l’ingénierie de tous les ministères afin d’adapter le dispositif aux spécificités de chaque entreprise, de chaque filière, de chaque territoire.
M. le président. Je mets aux voix l’article 3 bis, modifié.
(L’article 3 bis est adopté.)
Article 3 ter
Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 31 décembre 2018, un rapport évaluant l’impact environnemental des pétroles bruts et raffinés et des gaz naturels mis à la consommation en France en fonction notamment de leur origine, du type de ressource et de leurs conditions d’extraction, de raffinage et de transport. Il analyse les méthodes qui permettraient de différencier ces pétroles bruts et raffinés et les gaz naturels en fonction de cet impact ainsi que la faisabilité d’une différenciation des produits finis mis à la vente en France en fonction de l’origine des pétroles bruts et des gaz naturels dont ils sont issus, notamment dans la perspective d’un portage de ces propositions par la France dans le cadre des travaux européens sur la qualité des carburants.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Marc Boyer, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre d’État, lors de l’examen du projet de loi par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, nous avons été nombreux à craindre que l’on substitue à la production nationale d’hydrocarbures des importations d’hydrocarbures non conventionnels, comme le gaz de schiste ou le pétrole issu de sables bitumineux, dont les méthodes d’extraction sont très néfastes pour l’environnement et entraînent le rejet de volumes importants de gaz à effet de serre.
Comme je l’indiquais au cours de la discussion générale, il s’agit d’un problème très actuel, puisque, dans le cadre des négociations relatives au CETA, se pose justement la question de l’importation de pétrole issu des sables bitumineux, dont la production et l’utilisation engendrent, en volume, 41 % de gaz à effet de serre de plus que celle du pétrole classique.
Cela a conduit les députés à prévoir, à l’article 3 ter, la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport sur l’origine des pétroles et gaz importés, ainsi que sur leur impact environnemental. Il s’agit d’une première étape, qui devra permettre d’apprécier la possibilité de différencier les hydrocarbures en fonction de leur bilan carbone sur l’ensemble de leur cycle de vie. Il pourrait être envisagé, à partir des conclusions de ce rapport, de moduler la taxation sur les produits pétroliers en fonction de leurs émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble de leur cycle de vie.
Monsieur le ministre d’État, quelles actions comptez-vous promouvoir aux niveaux national et européen sur ce sujet ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 3 ter.
(L’article 3 ter est adopté.)
Article additionnel après l’article 3 ter
M. le président. L’amendement n° 101 rectifié bis, présenté par MM. Dantec, Chaize, Longeot, Gontard, Bignon, Léonhardt et Corbisez, Mme Sollogoub, MM. Labbé, Requier et Castelli, Mme N. Delattre et MM. Gabouty, Gold, Guérini, Menonville et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 3 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les sociétés importatrices d’hydrocarbures sur le sol français rendent publique, chaque année à compter du 1er janvier 2019, l’intensité d’émissions de gaz à effet de serre unitaire sur l’ensemble du cycle de vie par unité d’énergie des hydrocarbures importés. L’État fixe annuellement par décret le mode de calcul de cette intensité des hydrocarbures importés, en précisant les facteurs d’émissions différenciés pour chaque source de carburants.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement, cosigné par des sénateurs d’à peu près tous les groupes politiques, fait écho aux propos du rapporteur pour avis Jean-Marc Boyer. Son dépôt fait suite au débat qui s’est tenu en commission du développement durable sur la question des importations d’hydrocarbures.
Comme le ministre d’État, je préfère l’action aux rapports. Alors, comment être plus volontaristes sur ce sujet ? Sans nier les divergences qui ont pu s’exprimer ce soir, je crois que le Sénat ferait œuvre utile en allant un peu plus loin que la demande d’un simple rapport. Dans cette perspective, nous avons travaillé collectivement à élaborer la modeste proposition suivante : que les sociétés concernées rendent publique, chaque année, l’intensité, en termes d’émissions de gaz à effet de serre, des hydrocarbures qu’elles importent, l’État fixant par décret le mode de calcul.
Même modeste, cet amendement doit permettre d’ouvrir la réflexion : c’est à partir des données réelles qui seront ainsi publiées que nous pourrons, demain, définir une stratégie en ce qui concerne ces hydrocarbures importés qui émettent beaucoup plus de dioxyde de carbone que ceux produits sur le sol français.
Vous avez été nombreux, sur les travées de droite de cet hémicycle, à exprimer votre scepticisme à l’égard de la démarche sous-tendant le texte, estimant que mettre un terme à la production nationale, laquelle ne représente que 1 % de nos besoins, ne va pas changer la face du monde. Mais si nous prenons en compte le bilan carbone des hydrocarbures importés dans notre stratégie, l’impact sera beaucoup plus important.
À ce stade, la rédaction de cet amendement n’a pas encore été travaillée avec le Gouvernement, mais, s’il est adopté ce soir, nous aurons le temps de le faire d’ici à la commission mixte paritaire ou à une éventuelle nouvelle lecture. Ne manquons pas cette occasion d’avancer sur un sujet qui a suscité de nombreuses observations sur toutes les travées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Cet amendement semble, a minima, très prématuré. Il est au moins en partie satisfait par le dispositif de l’article 3 ter, le rapport prévu devant précisément servir de base à une telle différenciation des hydrocarbures en fonction de leur impact environnemental, qui du reste ne se limite pas aux seules émissions de gaz à effet de serre.
La mise en place de la traçabilité proposée par les auteurs de l’amendement, de même que la définition des critères retenus, se heurte aujourd’hui à des difficultés techniques, voire géopolitiques, que le rapport doit permettre de lever.
J’ajoute que de tels sujets doivent nécessairement être abordés au niveau européen, comme cela est indiqué à l’article 3 ter.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. Je souhaiterais d’abord donner quelques éléments de réponse au rapporteur pour avis, M. Jean-Marc Boyer.
Dans un premier temps, il nous faudra réaliser le rapport sur l’impact environnemental des pétroles importés. Il est trop tôt pour savoir ce que nous pourrons faire, mais, comme je l’indiquais tout à l’heure, ce sujet est lié à celui du CETA. Si la Commission européenne veut bien suivre nos préconisations, on pourrait imaginer qu’une directive européenne permette de jouer sur la différenciation des carburants. Nous allons travailler en ce sens avec certains de nos partenaires européens. Prendre cette question en compte me paraît essentiel pour rendre encore plus cohérents les objectifs du présent projet de loi, mais aussi pour aider certains à déterminer leur vote sur le CETA.
Monsieur le sénateur Dantec, vous proposez d’obliger les entreprises à établir le bilan carbone de leurs importations de pétrole selon un mode de calcul qui serait fixé par l’État. Cette proposition mérite, comme vous l’avez dit, d’être précisée et analysée. Comme nous n’avons pas pu faire ce travail à ce jour, j’étais plutôt enclin à vous demander le retrait de cet amendement, mais, après réflexion, j’émettrai un avis de sagesse.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je souhaite dire à Mme Lamure que cet amendement constitue une occasion d’avancer, qu’il serait dommage de manquer. Le Gouvernement est ouvert sur cette question et nous disposons de quelques semaines pour peaufiner le dispositif. À quoi bon cesser l’exploitation des hydrocarbures en France si ceux que nous importons présentent un bilan carbone plus défavorable ?
Votons aujourd’hui cet amendement, qui est simple et que le Gouvernement est prêt à retravailler ! Nous verrons dans la suite de la navette s’il pose des problèmes techniques indépassables. Il résulte d’un travail accompli au sein de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable par des sénateurs siégeant sur toutes les travées. Si nous ne l’adoptons pas, nous ne pourrons plus débattre de cette mesure par la suite. Ce serait vraiment dommage !
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je soutiens pleinement les propos de Mme le rapporteur. L’idée qui sous-tend cet amendement est généreuse, mais elle ne répond pas à la problématique de la distorsion de concurrence.
Comme dans d’autres secteurs – je pense par exemple à l’agriculture –, la véritable question est celle de la prise en compte des conditions de production des marchandises importées. Il faut instaurer une barrière ; sinon, une fois de plus, nous mettrons à mal notre économie.
La position de notre rapporteur est sage. Je voterai moi aussi contre cet amendement, dont le dispositif n’est pas du tout compatible avec un soutien lucide à la compétitivité de notre économie.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 101 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 5 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 195 |
Contre | 146 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain. – MM. Ronan Dantec et Joël Labbé applaudissent également.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3 ter.
Article 3 quater A
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Gay et Gontard, Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, M. Foucaud, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Collombat, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans le cadre de la politique mise en œuvre pour lutter contre le changement climatique conformément à la loi n° 2016-786 du 15 juin 2016 autorisant la ratification de l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015, et compte tenu des incidences environnementales de la production et de la consommation des hydrocarbures, notamment en matière d’émissions de gaz à effet de serre, l’État n’apporte aucun concours direct à l’exportation des activités de recherche et d’exploitation des hydrocarbures.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. La commission des affaires économiques du Sénat a fait le choix de supprimer un article qui permettait d’aller au-delà des symboles en appréhendant la question des hydrocarbures sous un angle plus large que celui de la seule production nationale.
Cet article, de portée limitée, certes, permettait de prendre en compte les activités d’exportation. Ainsi, le Gouvernement se voyait enjoindre de remettre un rapport au Parlement sur les concours de toute nature de l’État en soutien aux activités de recherche et d’exploitation des hydrocarbures hors du territoire national.
L’article 3 quater A élargissait le champ d’application du texte, puisque, nous le savons tous, l’activité du secteur s’exerce à l’international pour plus de 70 % de son chiffre d’affaires. Nous proposons de le rétablir et de le renforcer pour aller vers une interdiction de toute aide directe de l’État à l’exportation des activités de recherche minière et d’exploitation des hydrocarbures. Il s’agit de redonner de la cohérence à l’action publique dans ce domaine.
Actuellement, les subventions de l’État destinées aux activités nationales d’exploration, d’exploitation et d’acheminement d’hydrocarbures, notamment de pétrole et de gaz, sont distribuées sous forme d’exonérations de taxes ou par le financement direct d’infrastructures, comme les terminaux méthaniers et pétroliers.
La France a dépensé 395 millions d’euros par an entre 2014 et 2016 en financements internationaux pour la production de combustibles fossiles et l’exploitation d’infrastructures électriques. Depuis plus de trois ans, 22 % de ces projets concernent des activités d’exploration et d’extraction d’hydrocarbures.
Or, comme l’exposé des motifs l’indique, le présent texte incitera les investisseurs à orienter leurs investissements à court et moyen terme vers d’autres pays. Il n’est donc plus souhaitable que l’État continue de financer ces dépenses.
Dans l’esprit de ce projet de loi et de l’arrêt programmé de l’exploitation des hydrocarbures, les financements devraient être réorientés en faveur des énergies renouvelables, dont la part dans notre mix énergétique est appelée à se développer dans les vingt ans à venir.
Dans un souci de cohérence avec l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique et avec ceux qui sous-tendent ce projet de loi, nous proposons d’interdire le soutien direct de l’État à l’exploitation des énergies fossiles.
M. le président. Les amendements nos 50 rectifié, 72 rectifié bis et 88 sont identiques.
L’amendement n° 50 rectifié est présenté par MM. Labbé, Dantec et Requier, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mmes Costes et N. Delattre et MM. Gabouty, Gold, Guérini et Vall.
L’amendement n° 72 rectifié bis est présenté par MM. Guillaume, Courteau et Bérit-Débat, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Préville et Cartron, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 88 est présenté par M. Patriat et les membres du groupe La République En Marche.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les concours de toute nature de l’État en soutien aux activités de recherche et d’exploitation des hydrocarbures hors du territoire national.
La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 50 rectifié.
M. Joël Labbé. Cet amendement est moins percutant que l’amendement n° 28 rectifié, auquel nous nous rallierions volontiers s’il était adopté. Il vise à rétablir la demande de rapport sur les subventions accordées par l’État aux activités de recherche et d’exploitation des hydrocarbures à l’étranger. Ce rapport permettra d’étudier la cohérence de la politique de la France en matière d’énergies fossiles et de prendre les mesures qui conviennent.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour présenter l’amendement n° 72 rectifié bis.
Mme Françoise Cartron. Cet amendement vise lui aussi à rétablir l’article 3 quater A, qui a été adopté par les députés et supprimé par la commission des affaires économiques du Sénat.
Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai d’un an après la promulgation de la présente loi, un rapport sur les concours de toute nature de l’État en soutien aux activités de recherche et d’exploitation des hydrocarbures menées hors du territoire national.
Nous savons que les soutiens aux énergies fossiles sont extrêmement importants et se chiffrent en centaines de milliards d’euros. Ce projet de loi vise à mettre fin progressivement à l’exploration et à l’exploitation des mines d’hydrocarbures à l’horizon de 2040. Il s’agit bien évidemment de donner l’exemple ; ce texte est pionnier en la matière, ce dont nous nous félicitons. Reste que l’effort doit également porter sur le recensement des aides et des subventions destinées à l’industrie pétrolière hors de nos frontières.
Tel est le sens de cet amendement, dont l’adoption permettra de porter haut l’ambition du Gouvernement, qui remettra au Parlement un rapport recensant toutes les aides destinées au secteur pétrolier. C’est une question de transparence.
M. le président. La parole est à Mme Noëlle Rauscent, pour présenter l’amendement n° 88.
Mme Noëlle Rauscent. En cohérence avec l’esprit du projet de loi, qui vise à restreindre le développement des hydrocarbures fossiles dans les limites des possibilités dont dispose le Gouvernement français, il nous semble utile que le Parlement, eu égard à son rôle de contrôle et dans un souci de transparence, puisse connaître les concours apportés par l’État au développement de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures hors du territoire national. Sur cette base pourront être déterminées les actions pertinentes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. L’amendement n° 28 rectifié tend à supprimer tout concours direct de l’État à l’exportation des activités de recherche et d’exploitation des hydrocarbures.
La mise en œuvre des dispositions du présent projet de loi se traduira déjà, à terme, par la suppression de 1 500 emplois directs et de 4 000 emplois indirects dans le secteur de l’exploration-production sur le territoire national. L’adoption de cet amendement reviendrait à fragiliser davantage une filière d’excellence française, sans que l’impact d’une telle mesure ait été évalué. L’avis de la commission est donc défavorable.
Quant aux trois amendements identiques nos 50 rectifié, 72 rectifié bis et 88, ils visent à rétablir le rapport relatif aux concours de toute nature de l’État en soutien à la recherche et à l’exploitation d’hydrocarbures hors du territoire national que la commission a supprimé au motif de la faible portée opérationnelle d’une telle disposition. Par cohérence avec la position de la commission, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. Je comprends évidemment la préoccupation des auteurs de l’amendement n° 28 rectifié. Cependant, une telle mesure ne peut être mise en œuvre sans qu’un état des lieux et une étude d’impact aient été préalablement établis : c’était d’ailleurs l’objet du rapport prévu par l’article 3 quater A, adopté par l’Assemblée nationale et supprimé par la commission des affaires économiques du Sénat, dont je souhaite le rétablissement. L’avis du Gouvernement sur cet amendement est donc défavorable.
J’émets en revanche un avis favorable sur les trois amendements identiques nos 50 rectifié, 72 rectifié bis et 88, puisque je souhaite le rétablissement de l’article 3 quater A, comme je viens de le rappeler.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. J’insiste, car c’est une question de transparence : comment interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures sur notre sol et financer dans le même temps ces activités quand elles sont menées hors du territoire national ? Il faudrait a minima connaître le montant des concours de toute nature apportés par l’État.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 50 rectifié, 72 rectifié bis et 88.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 3 quater A demeure supprimé.
Mes chers collègues, il est vingt-trois heures cinquante-sept. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’au vote sur l’article 3 quater, afin de terminer l’examen du chapitre Ier.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Article 3 quater
Dans un délai d’un mois à compter de la promulgation de la présente loi, les demandes en cours d’instruction de titres d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures liquides et gazeux, les titres d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures liquides et gazeux en cours de validité, les caractéristiques principales de ces demandes et titres ainsi qu’une carte présentant leur périmètre sur le territoire national sont mis à la disposition du public sous forme électronique dans un standard ouvert librement réutilisable et exploitable. Les informations dont le titulaire du titre a indiqué, lors du dépôt de sa demande de titre, qu’elles sont couvertes par son droit d’inventeur ou de propriété industrielle ne sont pas rendues publiques.
Ces informations sont actualisées tous les semestres.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.
M. Guillaume Gontard. L’article 3 quater prévoit la mise en ligne en open data de l’ensemble des demandes de titre minier en cours d’instruction et des titres en cours de validité. Il s’agit d’un élément de transparence bienvenu.
Les amendements adoptés en séance publique à l’Assemblée nationale ont permis d’aller plus loin, en indiquant que ces informations devront être assorties d’une carte présentant le périmètre de ces titres sur le territoire national. C’est une bonne chose.
Ce renforcement de la transparence est d’autant plus justifié que ces informations étaient accessibles jusqu’au 31 décembre 2015, avant que le ministère ne les retire de son site internet dans le cadre d’une refonte de celui-ci. Aujourd’hui, il ne reste en ligne qu’une simple liste des permis en cours de validité au 1er juillet 2017.
Nous considérons qu’il est nécessaire d’aller plus loin. Il convient non seulement de rendre publique la carte des périmètres des titres miniers, mais également d’éditer un bulletin mensuel d’information. Ce bulletin rendra publics les titres miniers déjà attribués et les dossiers en cours d’instruction, avec le lien vers les préfectures. L’intégralité des documents requis pour l’enquête publique et des décisions administratives d’autorisation de travaux sera accessible. Il convient également de rendre publiques les références aux décisions de justice concernant les concessions et les arrêtés de rejet ou de refus relatifs aux permis et concessions.
Par ailleurs, toujours dans un souci de transparence, nous estimons nécessaire que le Gouvernement communique la liste récente des recours et des jugements en dernière instance déjà prononcés.
Il me semble qu’une communication de ce type permettrait, monsieur le ministre, d’instaurer un climat de confiance, notamment avec les associations environnementales.
Nous constatons, encore une fois, l’urgence d’une révision du code minier, notamment de sa partie relative à la participation du public. La mise en place d’une véritable transition énergétique, l’adhésion à des pratiques nouvelles ne pourront se faire que dans la concertation, la participation et la transparence.
J’ajouterai un mot sur la limite instaurée par la commission des affaires économiques, précisant que « les informations couvertes par le droit d’inventeur ou de propriété intellectuelle » du titulaire du titre ne peuvent être rendues publiques. Nous ne voyons pas bien quel usage pourrait être fait de cette disposition et souhaiterions disposer d’informations plus précises sur cette limite, car nous craignons qu’elle ne favorise le contournement de l’obligation de transparence formulée par le présent article.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 53 rectifié, présenté par MM. Labbé, Dantec et Gabouty, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1, première phrase
1° Après le mot :
instruction
insérer les mots :
, d’octroi, de prolongation, de mutation et d’extension
2° Après les mots :
demandes et titres
insérer les mots :
, les décisions administratives afférentes, les notices ou études d’impact environnementales des projets miniers,
II. – Alinéa 2
Remplacer le mot :
semestres
par le mot :
trimestres
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. L’article 3 quater, adopté sur proposition du rapporteur de la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, va dans le sens de la plus grande transparence de l’information du public souhaitée par le Gouvernement. L’amendement n° 53 rectifié vise à le compléter.
La mise en ligne des informations relatives aux demandes de titre minier doit valoir pour toute la durée de vie d’un titre – octroi, prolongation, mutation, extension –, pour que les informations transmises soient exhaustives.
Afin de permettre l’information la plus complète et la plus utile possible, cet amendement vise à mettre également à disposition du public les décisions administratives relatives aux projets miniers en cours. De même, les études d’impact environnemental sont des éléments importants qui permettent une bonne appréciation des enjeux économiques et environnementaux d’un projet minier et relèvent donc de la publication des informations administratives prévues par cet article. La centralisation des informations contribuera à la transparence et à l’accessibilité de l’information sur les projets miniers.
Pour atteindre l’objectif de transparence et d’accessibilité des données, il importe également que ces données brutes soient exploitables dans un standard ouvert et librement réutilisable. En outre, leur actualisation devra être relativement fréquente.
Je précise, enfin, que le dispositif de cet amendement préserve le droit d’inventeur ou de propriété industrielle du titulaire du titre.
M. le président. Le sous-amendement n° 134, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 53, alinéa 9
Supprimer les mots :
ou études d’impact environnementales
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. Monsieur Labbé, je demanderai à mon administration de veiller à la transparence des informations associées à l’activité minière. Je peux déjà vous annoncer que la carte et la liste des titres miniers en cours de validité et en cours d’instruction ont été publiées, mises à jour, sur le site internet du ministère la semaine dernière.
Je suis favorable aux demandes formulées par les auteurs de cet amendement, sous réserve de ne pas ajouter la publication des études d’impact, car celles-ci sont déjà accessibles sur les sites des préfectures. Le sous-amendement n° 134 vise donc à supprimer la mention des études d’impact environnemental des projets miniers. En effet, ces études d’impact ne font pas partie des dossiers de demande de titre minier ; ce sont des pièces des dossiers de demande d’ouverture de travaux miniers – forages, etc. –, qui sont déjà mises à disposition du public par les préfectures sur leur site internet lors de l’enquête publique.
M. le président. L’amendement n° 74 rectifié bis, présenté par MM. Guillaume, Courteau et Bérit-Débat, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Préville et Cartron, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
semestres
par le mot :
mois
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. L’article 3 quater est issu de l’adoption, par les députés, d’un amendement du rapporteur de la commission du développement durable. Il prévoit, dans un souci de transparence, que soient mis en ligne en open data, dans le mois suivant la promulgation de la loi, l’ensemble des demandes en cours d’instruction de titres d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures liquides et gazeux, l’ensemble des titres d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures liquides et gazeux en cours de validité, les caractéristiques principales de ces demandes et titres et une carte présentant leur périmètre sur le territoire national.
L’article prévoit également que ces données soient actualisées tous les semestres. Nous avons été alertés par des associations qui, si elles se félicitent de l’avancée en matière de transparence que représente cet article, s’interrogent sur la périodicité d’actualisation des informations devant être mises à la disposition du public. Ces associations considèrent qu’il serait nécessaire que ces données soient actualisées chaque mois, et non tous les semestres. Selon elles, jusqu’à la fin de 2015, l’ancien bureau « exploration-production des hydrocarbures », devenu « bureau des ressources énergétiques du sous-sol », publiait un bulletin mensuel d’information mis en ligne chaque début de mois sur le site ministériel. Notre amendement tend donc à préciser que ces données seront actualisées tous les mois.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Les auteurs de l’amendement n° 53 rectifié proposent, au 1° du I, que les demandes en cours d’instruction comprennent à la fois les demandes d’octroi, de prolongation, de mutation ou d’extension d’un titre ; cette partie de l’amendement me semble totalement satisfaite par le droit.
Le 2° du I prévoit que soient aussi publiées toutes les « décisions administratives afférentes », ainsi que les notices ou études d’impact environnemental. La première de ces catégories semble beaucoup trop large ; quant aux documents relevant de la seconde, ils font déjà l’objet de publicité à l’occasion de certaines demandes de titre.
La commission est donc défavorable au I de l’amendement.
Quant au II, il prévoit une actualisation des informations tous les trimestres, et non tous les semestres, ce qui pourrait permettre d’améliorer la transparence visée par ces dispositions. La commission y est par conséquent favorable.
J’émets donc un avis favorable sur l’amendement n° 53 rectifié, sous réserve que ne soient conservées que les dispositions du II.
Le sous-amendement n° 134 tend à supprimer des informations supplémentaires dont la mise en ligne est demandée et à maintenir la publication des « décisions administratives afférentes ». L’avis de la commission est défavorable.
L’amendement n° 74 rectifié bis vise à instaurer une actualisation mensuelle, et non plus semestrielle, des demandes de titre ou des titres en cours de validité mis en ligne par l’administration. La commission estime que l’actualisation trimestrielle prévue par l’amendement n° 53 rectifié est un bon compromis. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. On l’aura compris, je suis favorable à l’amendement n° 53 rectifié sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 134.
En ce qui concerne l’amendement n° 74 rectifié bis, je comprends bien l’intention de ses auteurs, mais prévoir une fréquence d’actualisation mensuelle me paraîtrait excessif. En revanche, je peux m’engager devant vous sur une mise à jour trimestrielle de ces informations. J’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Je suis favorable à l’adoption du sous-amendement n°134 proposé par M. le ministre d’État.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote sur l’amendement n° 53 rectifié, ainsi modifié.
M. Ronan Dantec. Ne serait-il pas possible d’adopter cet amendement à la condition que son I soit supprimé au cours de la navette ?
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. La commission est favorable à l’adoption du seul II, qui porte sur l’actualisation trimestrielle des informations. Si les auteurs de l’amendement le souhaitent, ils peuvent rectifier leur amendement en en supprimant le I. Dans ce cas, l’avis de la commission sera favorable.
M. le président. Monsieur Labbé, acceptez-vous de rectifier l’amendement dans le sens préconisé par Mme le rapporteur ?
M. Joël Labbé. J’accepte, afin que les dispositions du II puissent ainsi être adoptées.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 53 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Dantec et Gabouty, et ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
semestres
par le mot :
trimestres
Je mets aux voix cet amendement n° 53 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 74 rectifié bis n’a plus d’objet.
L’amendement n° 73 rectifié bis, présenté par MM. Guillaume, Courteau et Bérit-Débat, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin, Duran, Montaugé et Tissot, Mmes Préville et Cartron, M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. La rédaction initiale de l’article 3 quater, résultant de l’adoption par les députés d’un amendement du rapporteur de la commission du développement durable, vise à rendre transparentes les demandes de titre, ainsi que leurs caractéristiques principales.
Nous craignons que la disposition adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat, qui vise à tenir secrètes les informations couvertes par le « droit d’inventeur ou de propriété industrielle », ne restreigne fortement la portée de cet article, au rebours de l’objectif de transparence et d’information du public.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Cet amendement revient sur la précision apportée par la commission afin d’indiquer que les informations couvertes par le droit d’inventeur ou de propriété intellectuelle du titulaire du titre ne peuvent être rendues publiques.
Ces données relèvent déjà du champ des informations protégées. Par ailleurs, on voit mal en quoi ces éléments, sensibles sur le plan commercial et industriel, seraient de nature à améliorer l’information du public.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. La disposition dont la suppression est demandée vise à rassurer les pétitionnaires sur la prise en compte, par l’administration, des exigences de la propriété industrielle. Je suis favorable à son maintien. Je m’engage néanmoins à publier ce qui peut être rendu public pour assurer la transparence des informations associées à l’activité minière.
Le Gouvernement propose aux auteurs de cet amendement de le retirer.
M. le président. Monsieur Courteau, l’amendement n° 73 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Roland Courteau. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 73 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article 3 quater, modifié.
(L’article 3 quater est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné aujourd’hui 61 amendements ; il en reste 58.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 8 novembre 2017, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement (n° 21, 2017-2018) ;
Rapport de Mme Élisabeth Lamure, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 42, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 43, 2017-2018) ;
Avis de M. Jean-Marc Boyer, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 46, 2017-2018).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 8 novembre 2017, à zéro heure quinze.)
nomination d’un membre d’une commission
Le groupe Union Centriste a présenté une candidature pour la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Jean-Paul Prince est proclamé membre de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, en remplacement de Mme Jacqueline Gourault.
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD