M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, quelques mots, au nom du groupe République et Territoires/Les Indépendants, sur ce premier texte de notre session ordinaire que nous examinons cet après-midi.
Comme cela a été dit, le sujet que nous étudions est dense, technique et complexe. Cette qualification est judicieuse, tant les deux thèmes abordés sont à la base du droit de l’environnement.
Il va de soi que, dans le temps qui m’est imparti, je ne pourrai ni retracer l’état du droit avant les modifications proposées ni restituer en intégralité le travail accompli par notre excellent rapporteur Alain Fouché. Je vous renvoie donc au rapport de ce dernier qui constitue un document de référence pour celles et ceux qui suivent ces sujets et qui n’en reste pas moins très pédagogique pour celles et ceux qui en sont moins familiers. Notre rapporteur y a présenté les ordonnances dans une dimension historique – évolution du droit de l’environnement, genèse… –, leur analyse technique et juridique, les progrès qu’elles nous font réaliser et le travail accompli par l’Assemblée nationale.
S’agissant de l’ordonnance relative à l’évaluation environnementale, je reprends la question que posent très bien les auteurs du rapport : de quoi parle-t-on ?
De façon très simple, on peut dire que réformer le régime de l’évaluation environnementale, c’est s’inscrire dans une meilleure application du principe de prévention, la prévention consistant à empêcher la survenance des atteintes à l’environnement par des mesures appropriées, dites « préventives », avant l’élaboration d’un plan ou la réalisation d’un ouvrage ou d’une activité.
On retrouve ce principe dans l’article 3 de la Charte constitutionnelle de 2004 qui impose à toute personne de prévenir les atteintes à l’environnement ou, à défaut, d’en limiter les conséquences.
Notre rapporteur n’a pas proposé de modification substantielle de cette ordonnance. Il a très bien relayé des inquiétudes légitimes exprimées par certains maîtres d’ouvrage sur la nouvelle définition dite « englobante » de la notion de projet ; comme il le suggère, et nous y veillerons, il conviendra que les contours de cette définition puissent être rapidement précisés.
Globalement, et nous y souscrivons, cette réforme permet une réelle simplification de l’évaluation environnementale, en particulier en allégeant des contraintes qui pèsent sur les petits projets et les petites collectivités. Dieu sait que notre assemblée est particulièrement attentive aux projets menés par les collectivités de petite taille, qui regroupent l’essentiel du territoire de notre pays !
Le rapporteur a aussi proposé de réfléchir, sur la suggestion de notre collègue Alain Richard, à la normalisation des études pour en réduire les coûts. Nous sommes évidemment d’accord avec cette proposition et nous y souscrivons.
Toujours en ce qui concerne ce premier texte, nous soutiendrons quelques amendements cosignés par Ronan Dantec, Jean-François Longeot et moi-même pour tenir compte des recommandations de la commission d’enquête sur la séquence éviter-réduire-compenser, ou ERC.
J’en viens à la seconde ordonnance, qui renvoie à la mise en œuvre du principe de participation.
Comme l’écrit le professeur Michel Prieur, la protection de l’environnement, si elle est devenue une obligation de l’État, est avant tout un devoir des citoyens. On ne le dit pas assez !
C’est d’ailleurs ainsi que l’entend la Charte constitutionnelle de 2004, dont l’article 2 dispose : « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement. » Pierre Rabhi reprend ce principe quand il évoque la légende du petit colibri.
Pour que les citoyens puissent exercer ce devoir, des mesures ont été mises en place en faveur du droit à l’information. L’article 7 de la Charte fait ainsi écho à l’article 2 que je viens d’évoquer, en inscrivant dans la Constitution le droit pour toute personne « de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. » La mise en œuvre de ce principe a été le résultat d’un long processus, qui va de la loi Bouchardeau de 1983 à la convention d’Aarhus, ratifiée par la France en 2002, en passant par la loi Barnier de 1995.
Divers processus ont été mis en place : débat public ou concertation préalable s’agissant d’un projet, enquête publique lors de la demande d’autorisation d’un projet ou d’approbation d’un plan ou programme.
Cependant, chacun a en mémoire – Ronan Dantec l’a évoqué – les drames qu’ont pu provoquer différents projets à la source de tensions et d’oppositions parfois violentes. Il faut donc renforcer et moderniser la démocratie environnementale, c’est bien l’objet de la seconde ordonnance. Là encore, le rapport est exhaustif et pédagogique, je vous y renvoie, mes chers collègues.
Le rapporteur souligne, et il a raison de le faire, la qualité de la concertation préalable, qui a permis d’atteindre, dans le projet d’ordonnance, des points d’équilibre. Globalement, nous souscrivons aux amendements du rapporteur qui renforcent et améliorent ces éléments.
Pour conclure, mon groupe votera le projet de loi qui propose la ratification de ces deux ordonnances : en effet, elles s’inscrivent dans la nécessaire amélioration de l’application de deux principes essentiels du droit de l’environnement et elles nous mettent en règle, ce qui n’est pas le moins, avec nos obligations européennes en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe République et Territoires / Les Indépendants, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Ronan Dantec applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, premier texte de la session ordinaire, ce projet de loi de ratification d’ordonnances relatives au droit de l’environnement nous permet d’engager avec sérénité cette législature naissante.
Depuis le premier Grenelle de l’environnement, le législateur ne compte plus ses efforts pour faire de la protection de l’environnement le préalable à toute politique publique responsable.
Sur ce sujet, comme sur d’autres, le clivage droite-gauche me semble inopérant. J’ai d’ailleurs toujours dénoncé l’instrumentalisation de l’écologie pour des raisons partisanes. En cette année 2017, où tout le monde se doit d’être constructif…, c’est dans un tel état d’esprit que je souhaite procéder à l’examen du présent projet de loi et de beaucoup d’autres – je l’espère…
Sans circonvolution, je veux donc dire que je voterai ce projet de loi de ratification.
Comme mon collègue Gérard Cornu l’a précisé, vous ne trouverez personne au sein de notre groupe politique, Les Républicains, pour s’opposer à une réforme qui doit permettre de simplifier la vie quotidienne des collectivités territoriales et des professionnels, tout en assurant une meilleure association de nos concitoyens. C’est ce que réclament les citoyens et nos grands électeurs, comme je l’ai constaté dans mon département, la Mayenne, au cours de la campagne sénatoriale.
La première ordonnance relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes répond à la nécessité de simplifier le parcours des maîtres d’ouvrage, en prévoyant une étude d’impact par projet et non plus par procédure. Logiquement, cette réforme nécessite de renforcer l’étude d’impact qui devra désormais accompagner un projet tout au long de sa réalisation.
Je souscris donc sans difficulté aux deux nouvelles dispositions, qui conduisent l’étude d’impact, d’une part, à présenter un « scénario de référence » et un aperçu de l’évolution probable de l’environnement en l’absence de mise en œuvre du projet, d’autre part, à intégrer une description de la vulnérabilité de ce même projet au changement climatique, même si cette description peut apparaître, dans certains cas, superfétatoire.
Toujours en ce qui concerne la première ordonnance, les projets seront répartis entre ceux qui sont soumis à évaluation environnementale de manière systématique et ceux qui le seront au cas par cas, et ce, afin de davantage recourir à ce second procédé.
Toutes ces modifications sont appréciables pour les porteurs de projet qu’ils soient publics ou privés.
Dernier point intéressant directement les collectivités, la nécessité de soumettre pour avis le document d’évaluation environnementale avant autorisation du projet à la consultation des collectivités territoriales et de leurs groupements, en sus de l’autorité environnementale. Là encore, nous y souscrivons.
S’agissant de la seconde ordonnance, portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement, nous saluons, là aussi, l’esprit qui a présidé à sa rédaction. Cet esprit pourrait se résumer par la formule suivante : mieux associer nos concitoyens en amont pour gagner du temps en aval.
Si nous analysons point par point les dispositions de cette ordonnance comme le fait le rapport d’Alain Fouché – renforcement de la concertation en amont des processus d’autorisation et modernisation de la concertation en aval, notamment par une dématérialisation accrue de l’enquête publique –, nous avons toutes les raisons de nous réjouir.
Le seul accroc de cette parfaite harmonie réside, comme le rapporteur a eu l’occasion de le rappeler, dans la volonté de la majorité de marquer son territoire par rapport à une administration qu’elle doit déjà juger omnipotente.
Si j’ai souvent eu l’occasion de constater que la volonté du législateur est reléguée au second plan lorsqu’il est question de publier des mesures réglementaires d’application, je ne crois pas que le décret du 25 avril dernier en soit une bonne illustration.
En ce qui concerne le seuil de dépenses publiques au-delà duquel le droit d’initiative est ouvert aux populations concernées, son montant n’a jamais été évoqué par le législateur, parce qu’il s’agit manifestement d’une précision qui n’a rien à faire dans la loi, d’où le renvoi à un décret en Conseil d’État. Je suis donc favorable à la position du rapporteur de laisser le plafond à son niveau actuel – 10 millions d’euros – et non de l’abaisser à 5 millions. Je suis surtout favorable au respect de l’article 41 de la Constitution et je ne nie pas le fait qu’il est légitime de s’interroger sur le seuil optimal permettant la participation du public. Il est vrai que l’équilibre entre transparence et lourdeur administrative n’est pas toujours facile à déterminer.
J’aurais tendance à suivre le même raisonnement pour l’allongement à quatre mois, au lieu de deux, du délai offert pour exercer un droit d’initiative porté par les citoyens.
Malgré ces quelques différences d’appréciation, je me réjouis que nous commencions nos travaux sénatoriaux par l’examen d’un projet de loi guidé par la volonté d’alléger les contraintes administratives qui pèsent sur les collectivités territoriales et entraînant une baisse plus que nécessaire de la dépense publique.
Surtout, ce texte doit nous faire comprendre que la complexité normative n’a rien à voir avec une haute exigence en termes de protection de l’environnement.
Pour conclure, je plaiderai modestement pour une tâche qui, elle, ne l’est pas : la rationalisation des articles liminaires du code de l’environnement, afin de redonner de la cohérence à une somme de dispositions qui cohabitent parfois difficilement les unes avec les autres.
Je crois que, depuis l’ordonnance du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de l’environnement, ce code a connu de trop nombreuses modifications et un travail analogue à celui que nous avons observé, en 2015, à propos du code de l’urbanisme serait le bienvenu. Les collectivités territoriales y seront attentives.
Il y a donc beaucoup de travail en perspective en matière de simplification et je ne doute pas, pour l’instant, que le Gouvernement en soit conscient. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Olivier Jacquin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c’est avec un plaisir certain que j’interviens aujourd’hui dans l’hémicycle de la Haute Assemblée dans le cadre de la discussion du projet de loi ratifiant deux ordonnances du 3 août 2016 relatives à l’environnement.
Ma qualité de nouvel élu de la République revêt pour moi un caractère solennel, particulièrement sur un sujet aussi sensible que celui de la participation du public.
Le débat public constitue l’un des nouveaux liants de notre démocratie ; il implique la participation des citoyens bien au-delà des seules élections et doit être un facilitateur des décisions publiques.
En outre, ces ordonnances viennent conclure plusieurs années de travaux : dès 2014, à la suite de la conférence environnementale, plusieurs groupes de travail se sont réunis pour moderniser le droit de l’environnement.
Je suis attentif à quatre mesures phares.
Premièrement, le renforcement du rôle et des prérogatives de la Commission nationale du débat public, organisme indépendant qui a su faire la preuve de sa pertinence et de son dynamisme et que je tiens à saluer. Pour ne rien vous cacher, j’en ai une certaine connaissance, puisque j’y ai siégé quelques années comme représentant de l’Assemblée des départements de France.
Deuxièmement, la création d’un droit d’initiative citoyenne pour l’organisation d’une concertation préalable à certains projets.
Troisièmement, le renforcement de la transparence et une participation facilitée du public à la concertation, notamment par une plus grande dématérialisation.
Quatrièmement, enfin, la clarification des procédures d’évaluation environnementale pour les projets, plans et programmes.
Le projet de loi précise, dans son exposé des motifs, qu’il s’agit de renforcer la concertation en amont « à un stade de leur élaboration, où ils peuvent facilement évoluer pour prendre en compte les observations du public. »
Cela vient faire écho au drame du barrage de Sivens, où le manque de dialogue et de concertation avait conduit à des blocages, des violences, puis à la mort d’un jeune manifestant.
L’ordonnance n° 2016-1058 vise à modifier les règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes et l’ordonnance n° 2016-1060 tend à réformer les procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement.
Lors de son examen en commission, le projet de loi a fait l’objet d’une unanimité. Plusieurs amendements d’ordre rédactionnel ont été adoptés et d’autres sont venus préciser le texte, sans remettre en cause son économie générale.
Il faut toutefois noter, avec un certain regret, que M. le rapporteur a supprimé le seuil de 5 millions d’euros à partir duquel est ouvert le désormais fameux droit d’initiative citoyenne. Il a en effet estimé qu’il fallait laisser au pouvoir réglementaire le soin de le fixer.
Par ailleurs, plusieurs amendements déposés par MM. Bonnecarrère, Cabanel et Raison ont repris des propositions émises dans un rapport sénatorial d’information de mai 2017 intitulé Décider en 2017 : le temps d’une démocratie « coopérative ». Ces amendements ont été rejetés, au motif qu’ils allaient au-delà du champ des ordonnances, mais certains d’entre eux ont toutefois reçu un large soutien sur le fond.
J’aimerais aussi évoquer de manière positive deux amendements très récents.
Le premier, qui vient d’être déposé par le Gouvernement, vise à ce que la procédure dite « de conciliation », prévue au premier paragraphe de l’article L.121-19 du code de l’environnement et qui peut être lancée sur l’initiative de 10 % de la population recensée dans le département ou la région concernés, puisse l’être également sur l’initiative du Premier ministre. En effet, dans certaines situations, l’ambiance peut être dégradée et cette possibilité complémentaire peut améliorer le processus.
Le second, l’amendement n° 2 rectifié bis, déposé par MM. Bonnecarrère et Cabanel, tend à expérimenter une procédure continue de consultation du public, afin de couvrir toutes les phases des projets d’infrastructure et pas seulement celles en amont. Il est positif de constater que, contrairement à sa première version, cet amendement fait la distinction entre le garant et le commissaire enquêteur. Dans une apparence de simplification, il était proposé de substituer le garant au commissaire enquêteur. Or le garant tire sa force de sa neutralité et du fait qu’il ne prend pas position, ce qui n’est pas le cas du commissaire enquêteur, qui doit rendre un avis.
Enfin, lors de prochains travaux relatifs à la participation citoyenne, il serait profitable d’auditionner la Commission nationale du débat public, en particulier son président, Christian Leyrit, dont l’expertise est pleinement reconnue.
En l’état, mon groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Didier Guillaume. Belle première intervention !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais tenter de ne pas être redondant avec les propos que j’ai déjà tenus lors de la discussion générale et de ne pas anticiper, non plus, sur la discussion des amendements.
Je remercie les orateurs de la qualité et de la richesse de leurs interventions et je souhaite apporter d’ores et déjà quelques éléments de réponse.
Monsieur le rapporteur, vous avez rappelé la nécessité d’un seuil d’argent public pour le déclenchement du droit d’initiative en cas de projet et nous reviendrons, lors de la discussion des amendements, sur la question de la répartition des compétences entre les pouvoirs législatif et réglementaire. Je le répète, je m’en remettrai d’abord à la sagesse du Parlement pour savoir s’il faut renvoyer à un décret en Conseil d’État ou fixer un montant dans la loi, puis à la décision de la commission mixte paritaire si l’Assemblée nationale et le Sénat sont en désaccord en première lecture. Sur le fond, ce qui compte, pour le Gouvernement, c’est que ce seuil soit de 5 millions d’euros.
En ce qui concerne les délais – quatre ou six mois –, le Gouvernement a la volonté d’uniformiser et de simplifier le code de l’environnement et le code de l’urbanisme, ce qui constitue un véritable chantier pour le quinquennat, et je suis volontiers preneur de l’aide des sénateurs sur ce sujet.
Dans le même temps, nous avons aussi à cœur d'ouvrir des droits qui soient réels ! Et j’ai laissé prospérer à l’Assemblée nationale l’idée d’un allongement à six mois, parce que je suis moi-même élu local d’un département rural. Donner plus de temps à nos concitoyens qui vivent dans un milieu rural pour être pleinement informés de l’existence d’un projet et détecter un éventuel vice de forme au lieu d’en être informés à la dernière minute me semble plutôt de bon aloi. C’est donc pour défendre la ruralité, monsieur le rapporteur, que le Gouvernement a exprimé une sagesse positive sur cette question et je souhaite le dire clairement devant la Haute Assemblée, qui tient tant à cette ruralité.
Certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, m’ont interrogé sur les comparaisons internationales. La Commission européenne n’a pas produit d’étude comparative sur les questions qui nous occupent – elle parlerait de benchmark… Dans un rapport de 2007 sur les transpositions des directives en matière environnementale, la Commission estime qu’il n’y a pas véritablement de problème, mais je m'en remets aux dires des parlementaires. Certes, il existe ici ou là quelques documents épars, dont vous avez fait état, monsieur Bonnecarrère, dans votre rapport, et comme l’indiquait M. le ministre Richard, on doit sûrement pouvoir améliorer les choses en la matière.
Monsieur Cornu, vous avez évoqué la question de la répartition entre législatif et réglementaire, à laquelle je viens de répondre. Vous avez aussi pointé du doigt le risque de surtransposition, auquel je suis tout à fait sensible ; en l’espèce, ces ordonnances ne se prêtent pas à une telle interprétation. Je veux que les choses soient claires entre nous. Enfin, je vous remercie des vœux formulés au nom de votre groupe en ce qui concerne ces deux ordonnances.
Monsieur Dantec, je vous remercie aussi des encouragements que vous avez exprimés, en particulier sur la méthode et la concertation en amont. En ce qui concerne la séquence éviter-réduire-compenser, il me semble que l’Assemblée nationale a stabilisé le dispositif, ce qui permet de reconnaître effectivement cette démarche dans le droit. Nous y reviendrons dans un instant.
Par ailleurs, je vous informe que j’ai installé, la semaine dernière, à l’occasion d’un déplacement dans les Ardennes, département du sénateur Benoît Huré, un groupe de travail de la Conférence nationale des territoires sur l’éolien. Il s’agit pour nous, en toute transparence et dans un objectif de simplification, d’allier protection des paysages, lutte contre le mitage et déploiement dans les zones qui sont propices au développement de ce type d’énergie. Je me tiens naturellement à la disposition des sénateurs qui le souhaitent pour évoquer ces sujets.
Monsieur le ministre Alain Richard, je m’arrête bien évidemment quelques instants sur votre propos. En effet, vous êtes en quelque sorte le « papa » de ces ordonnances. Du moins, vous avez été pour quelque chose dans leur rédaction, même si, je le confesse, la manière de les écrire n’est peut-être pas exactement celle que vous souhaitiez – nous avons eu l’occasion d’échanger récemment à ce sujet. Néanmoins, vous rappelez qu’elles vont dans le bon sens, et seul le mouvement compte : vous faites vôtre cette maxime, sur laquelle le sénateur Bonnecarrère est également revenu. Comme vous, je crois qu’il est important de savoir apprendre à perdre du temps en amont, pour ne pas en perdre ensuite au contentieux.
Ces ordonnances vont-elles suffisamment loin ? Selon vous, non ! Eh bien, monsieur le ministre Richard, je partage votre opinion ! Mais le statu quo améliorerait-il les choses ? La réponse est également négative ; nous avons donc trouvé un point d’équilibre…
En ce qui concerne les études d’impact – il ne vous aura pas échappé que, pour toutes sortes de raisons, je n’étais pas membre du gouvernement précédent –, le travail de simplification que vous appelez de vos vœux n’a effectivement pas été fait. Or il s’agit d’un enjeu majeur, surtout pour les élus locaux, puisqu’ils sont bien souvent confrontés à ces procédures, en tant que porteurs de projet.
Dans le cadre de la convergence entre code de l’urbanisme et code de l’environnement, à laquelle s’ajoute l’apparition de l’autorisation environnementale unique, je me tiens également à la disposition du Sénat pour mener ce travail sur les études d’impact, sur lequel j’aurai l’occasion de revenir dans un instant.
En tout cas, je vous informe d’une nouveauté : en 2018, au titre des politiques d’open data du ministère de la transition écologique et solidaire, les contenus des études d’impact seront mis en ligne dans leur intégralité. C’est important pour les élus de vos départements, mesdames, messieurs les sénateurs, car cela facilitera le réemploi de ces données dans des procédures à venir. Je ne sais pas quel usage les porteurs de projet privés feront de ces données, mais j’en vois tout à fait l’intérêt pour les élus locaux, de même que pour les agents de l’État qui ont parfois eux-mêmes besoin d’être aidés dans la simplification.
Monsieur Gontard, il ne s’agit pas pour moi de polémiquer avec vous, car cela ne correspond ni à mon esprit ni à mon caractère – j’ajoute que la présidente de votre groupe veille au grain… Vous critiquez la technique des ordonnances : nous allons dépasser ce débat et nous concentrer sur le fond, car j’ai moi-même mon avis sur la question.
Vous me dites que vous n’avez pas eu beaucoup de temps pour travailler sur ces ordonnances, mais je vous ai présenté les excuses du Gouvernement sur ce point dans mon intervention en début de discussion générale. Je vous rappelle que, si ces ordonnances arrivent aussi tard, c’est parce qu’il y a eu des élections – présidentielle, puis législatives, puis sénatoriales. Je crois que nous pouvons nous en réjouir, en tant que démocrates. Si ces ordonnances arrivent aussi tôt, dans ce quinquennat, c’est tout simplement parce qu’elles sont prises dans le cadre d’habilitations contenues dans la loi Macron, adoptée lors du quinquennat précédent. Sur certains aspects, elles commencent à créer du droit ; sur d’autres, elles n’en créent pas complètement, parce qu’il faut encore voter la ratification. Il fallait aller vite, c’est pour cela que nous démarrons les travaux de cette session avec ce projet de loi. Si vous n’avez pas pu travailler autant que vous le souhaitiez, une fois de plus, veuillez m’en excuser, mais je ne peux pas faire beaucoup mieux.
Je veux quand même insister sur un point, monsieur le sénateur : on ne peut pas laisser penser qu’une étude au cas par cas soit une autorisation environnementale au rabais. Je me dois de le dire en tant que membre du Gouvernement, mais aussi en tant que garant du travail des agents des DREAL et des différentes administrations déconcentrées, qui incarnent l’autorité environnementale au quotidien dans nos territoires.
Une étude au cas par cas qui aboutit à la délivrance d’une autorisation environnementale est une procédure à part entière et non pas une procédure light, au rabais. Ce n’est pas ce que vous avez dit, bien évidemment, mais j’insiste sur cette mise au point afin qu’elle figure au compte rendu des débats. Il arrive en effet que les agents du ministère ne comprennent pas bien pour quelles raisons on oppose études au cas par cas et études d’impact, alors qu’ils mettent beaucoup du leur pour que ces études d’impact soient menées avec sincérité et précision. Ce point méritait donc d’être précisé.
Monsieur Bonnecarrère, je vous remercie de vos encouragements relatifs à la philosophie de ces ordonnances. Selon vous, « la faisabilité de l’infrastructure compte autant que la concertation ». C’est bien ce que j’ai dit à la tribune, et c’est la raison pour laquelle nous mettons en avant l’étude au cas par cas, qui est une véritable autorisation environnementale, tout en représentant un élément de simplification pour le porteur de projet. Surtout, cette évolution de l’étude d’impact vers l’étude au cas par cas évite la logique en silo, qui est terrible pour les porteurs de projet, publics comme privés. Je pense vraiment vous répondre en toute bonne foi en disant que cette ordonnance tient compte, à la fois, du porteur de projet et du citoyen.
Madame Tocqueville – vous me permettrez également de citer les sénateurs Bignon et Jacquin –, je vous remercie d’avoir rappelé la philosophie de ces ordonnances, qui sont effectivement importantes. Dans un souci d’efficacité, je vous propose de vous répondre plus précisément lors de l’examen des amendements.
Monsieur Jacquin, vous avez raison, le président de la Commission nationale du débat public, le préfet Leyrit, se tient à la disposition du Parlement, également pour l’évaluation des textes dont nous sommes en train de débattre, comme je vous l’ai annoncé tout à l’heure. En effet, on crée des droits nouveaux, et il n’y a pas plus humain que les droits de concertation, l’appel à des comportements de citoyens. D’ailleurs, s’agissant du benchmark européen, permettez-moi de relever que, en fonction des différentes cultures nationales, le rapport à la concertation n’est pas tout à fait le même selon les pays. Il n’a échappé à personne que les Pays-Bas ne sont pas l’Espagne ; la manière dont on associe les populations dans un État jacobin, centralisé, unitaire et dans un État fédéral n’est pas non plus la même ; enfin, un État qui a développé un certain type de rapports avec ses outre-mer ne procède pas de la même manière qu’un État qui n’a pas d’outre-mer : autant de réalités qu’il est important de noter.
Monsieur Chevrollier, permettez-moi de vous féliciter pour votre élection.