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Dossier législatif : projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes et n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l'information et la participation du public à l'élaboration de certaines décisions susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement
Discussion générale (suite)

Évaluation environnementale

Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes et n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l'information et la participation du public à l'élaboration de certaines décisions susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant les ordonnances n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes et n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement (projet n° 666 [2016-2017], texte de la commission n° 9, rapport n° 8).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, cher Hervé Maurey, monsieur le rapporteur, cher Alain Fouché, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite, tout d’abord, adresser à chacune et à chacun d’entre vous mes plus sincères félicitations pour votre élection ou votre réélection dans cette chambre haute du Parlement qu’est le Sénat.

Je souhaite aussi vous exprimer tout l’honneur que j’éprouve en présentant aujourd’hui, au nom du Gouvernement, le premier texte de cette nouvelle session parlementaire soumis à votre approbation.

Je sais que ce projet de loi, essentiel mais particulièrement technique, a été examiné dans des délais relativement contraints, qui sont notamment justifiés par l’urgence de ratifier ces deux ordonnances, j’y reviendrai dans un instant. Néanmoins, et malgré ce calendrier resserré, j’ai pu constater que les échanges en commission, jeudi dernier, monsieur le président, monsieur le rapporteur, ont été particulièrement riches.

Je tiens à saluer le travail du rapporteur, Alain Fouché, qui a su s’emparer de sujets complexes que les élus locaux, dont je fais partie, connaissent bien.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a examiné, la semaine dernière, quinze amendements, dont onze ont été adoptés. Certains visent à modifier des dispositions adoptées à l’Assemblée nationale. Je pense néanmoins que nous pourrons facilement trouver un point d’équilibre. L’examen des amendements, tout à l’heure, me permettra de clarifier certains points.

Pourquoi ce projet de loi est-il important ?

Il permet de ratifier deux ordonnances fondamentales, prises le 3 août 2016, dans le cadre de la loi dite « Macron » : l’une relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes, pour reprendre la terminologie du droit communautaire, avec un objectif clair de simplification et de clarification des procédures ; l’autre permettant de réformer les procédures destinées à assurer l’information et la participation du public – c’est d'ailleurs sur celle-ci que les parlementaires, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, se sont plus particulièrement penchés –, avec une volonté d’associer davantage, en amont, les citoyens à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement.

Je souhaite, avant d’entrer dans le cœur de ces dispositions, dire un mot sur la méthode qui a permis leur élaboration. Ces ordonnances sont, avant tout, le fruit d’une riche concertation au sein de la commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique menée par le sénateur et ancien ministre de la défense Alain Richard, dont je tiens à saluer le travail précis, de dialogue et de consensus, ainsi que l’engagement souligné par toutes les parties.

Nous avons eu l’occasion d’échanger sur ce texte, et je crois – en tout cas, je l’espère – que ces ordonnances sont restées fidèles aux réflexions menées.

Cette concertation a permis d’obtenir un large consensus, que nous avons su conserver à l’Assemblée nationale et que nous allons conserver, j’en suis certain, au Sénat.

Permettez-moi maintenant de revenir sur le contenu de ces ordonnances, en commençant, tout d’abord, par l’ordonnance n° 2016-1058 sur l’évaluation environnementale.

Pourquoi cette ordonnance ?

Il s’agit, tout d’abord, de nous conformer au droit européen. La ratification de l’ordonnance permet, en effet, de conformer notre droit au droit européen, en transposant la nouvelle directive 2014/52/EU relative à l’évaluation environnementale des projets.

Cette directive permet notamment de définir des critères d’évaluation pour mieux prendre en compte la santé, la biodiversité, le changement climatique, ou encore les incidences visuelles des projets sur le patrimoine culturel et le paysage.

Elle permet également de séparer les phases d’instruction et d’évaluation de certaines procédures environnementales à l’échelon local.

Cette ordonnance procède surtout à une simplification pour les porteurs de projets, tout en renforçant la protection de notre environnement. Je prendrai deux exemples concrets qui illustrent cet équilibre entre simplification et protection.

D’abord, la simplification de l’étude d’impact que les élus locaux et les différents porteurs de projets connaissent particulièrement bien : les projets seront désormais appréhendés dans leur ensemble, y compris en cas de fractionnement dans le temps et dans l’espace et en cas de multiplicité des maîtres d’ouvrage.

Cela signifie une étude d’impact en une seule fois sur chaque projet et non plus une étude d’impact par procédure. On casse la logique de silo qui ajoutait jusqu’alors du délai à du délai, au détriment de la vision globale de l’autorité environnementale, bien souvent les DREAL, les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, les DEAL, les directions de l’environnement, de l’aménagement et du logement, ou la DRIEE, la direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie, sans oublier le corps préfectoral et, en dernier recours, le ministre.

Le développement de procédures dites au « cas par cas », ensuite, dans lesquelles on élève le degré d’exigence environnementale, mais en permettant à l’autorité environnementale de traiter ces demandes dans des délais plus courts, fait également partie de ces ordonnances.

Monsieur le sénateur Ronan Dantec, en commission, vous avez parlé du rapport, que vous avez remis au nom de la commission d’enquête sur la compensation des atteintes à la biodiversité. Je tiens à vous préciser que le travail effectué à l’Assemblée nationale a permis de traduire, dans l’ordonnance, le triptyque, cher à votre collègue Barbara Pompili, éviter-réduire-compenser, consacré par la loi Biodiversité et sur lequel vous vous étiez beaucoup investi. C’est une excellente chose, mais nous y reviendrons.

L’écriture de l’ordonnance étant antérieure à l’adoption de la loi, il fallait donc procéder à cette remise à niveau, à ce tuilage juridique. C’est chose faite !

J’en viens maintenant à l’ordonnance n°2016-1060 sur l’information et la participation du public.

Pourquoi cette ordonnance ?

Il s’agissait d’abord d’une réponse du gouvernement de l’époque – je la reprends à mon compte – à un changement de mentalité dans notre société qui s’est illustré avec la douloureuse crise, qui est d'ailleurs devenue un drame, de Sivens.

« Apprendre à perdre du temps en amont d’un projet ou d’une procédure pour ne pas en perdre ensuite » : cela paraît logique, mais nous n’avons pas toujours raisonné ainsi dans notre droit comme dans nos pratiques. Consulter en amont nos concitoyens permet, en effet, de lever les inquiétudes, de faire preuve de pédagogie, de dialogue, de répondre éventuellement à leurs doutes et à leurs craintes.

Certes, la participation du public aux décisions environnementales n’est une nouveauté ni en droit ni en fait, et plusieurs textes nationaux comme internationaux l’ont déjà consacrée. Je pense notamment à la convention internationale d’Aarhus de 1998, à la loi Barnier de 1995, qui a créé la Commission nationale du débat public, à l’article 7 de la Charte de l’environnement, adoptée en 2005, ou encore au Grenelle de l’environnement de 2010.

Néanmoins, cette ordonnance permet de créer des droits nouveaux en réponse à une véritable demande de nos concitoyens, qui souhaitent davantage participer et même être associés à l’élaboration des décisions qui peuvent avoir une incidence sur l’environnement.

D’une part, les citoyens se sentent de plus en plus concernés par la protection de l’environnement. Ils développent clairement une conscience citoyenne, quelles que soient les idéologies et les philosophies autour de cette question.

D’autre part, certains peuvent éprouver une forme de défiance face aux procédures menées par les pouvoirs publics. Il ne suffit plus qu’une autorité publique décrète qu’une chose est légitime pour qu’elle le devienne comme il y a quelques années.

Il s’agit donc pour nous de veiller à ce que nos concitoyens puissent non seulement participer, mais surtout le faire au bon moment.

Cette seconde ordonnance est par conséquent une réponse pour protéger l’environnement, mais aussi pour libérer et respecter les porteurs de projets, privés comme publics.

Elle permet en effet d’offrir aux porteurs de projets davantage de visibilité en amont de la procédure, et d’aller au-devant des problèmes pour les traiter le plus tôt possible. Vous y verrez sans malice, mesdames, messieurs les sénateurs, l’ombre du libérer-protéger.

Concrètement, cette ordonnance consacre de manière inédite des droits nouveaux pour les citoyens : premièrement, un droit d’accès aux informations pertinentes pour rendre la participation de chaque citoyen effective ; deuxièmement, un droit de demander l’engagement d’une procédure de participation dans des conditions sur lesquelles nous reviendrons ; troisièmement, un droit à disposer de délais raisonnables pour formuler des observations et des propositions ; quatrièmement, et cela est loin d’être neutre, un droit à disposer d’un véritable suivi de la concertation et d’un retour – positif comme négatif – sur les observations qui ont pu être formulées par les participants au débat public. C’est une question de respect à l’égard du citoyen. Ce n’était pas forcément le cas jusqu’à présent.

Ces droits nouveaux appellent naturellement de nouvelles modalités de consultation dans la forme et dans l’engagement.

Première nouveauté : la CNDP, la Commission nationale du débat public, est obligatoirement saisie sur l’opportunité du débat pour les plans et programmes nationaux – on reprend la terminologie communautaire – soumis à une évolution environnementale là où, auparavant, seuls les très grands projets, c’est-à-dire d’un coût supérieur à 300 millions d’euros, étaient concernés.

Deuxième nouveauté : l’élargissement de la saisine de la CNDP pour les grands projets. Ces grands projets, c’est-à-dire ceux qui sont compris entre 150 millions d'euros et 300 millions d'euros, sont actuellement rendus publics par les maîtres d’ouvrage ou par la personne publique responsable du projet qui indiquent leur décision de saisir ou non la CNDP. Ils informent ensuite la CNDP de la participation qu’ils prévoient.

Grâce à l’ordonnance, les citoyens ont désormais un droit de saisine de la CNDP sur ces grands projets. Le seuil a été fixé à 10 000 citoyens de l’Union européenne ; c’est une innovation majeure, fruit du travail de concertation mené au Conseil national de la transition écologique, le CNTE.

Troisième nouveauté : ce droit d’initiative citoyenne est également ouvert pour les projets sous maîtrise d’ouvrage publique ou privée percevant au moins 10 millions d'euros d’argent public.

À l’Assemblée nationale, les députés ont fait le choix d’abaisser ce seuil à 5 millions d’euros. Je sais, monsieur le rapporteur, cher Alain Fouché, que vous êtes attaché au respect de la séparation de la loi et du règlement. C’est dans cet esprit que vous avez souhaité supprimer la mention d’un seuil de 5 millions d’euros pour la remplacer par un décret en Conseil d’État.

Néanmoins, je tiens à rappeler le contexte qui a poussé les députés à inscrire dans la loi un seuil de 5 millions d’euros. C’est tout simplement le seuil permettant de prendre en compte des projets comme celui de Sivens, qui est justement à l’origine de ce texte destiné à apporter des réponses au drame que nous connaissons tous.

Ce qui compte pour le Gouvernement, mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est pas forcément que ce seuil soit inscrit dans la loi ou le règlement, mais qu’il s’établisse bel et bien à 5 millions d’euros. J’espère donc que cette question de forme pourra être réglée entre les deux chambres du Parlement.

Par ailleurs, lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, les différents échanges ont permis d’allonger à quatre mois, au lieu de deux mois, le délai offert pour exercer un droit d’initiative, ce qui constitue une avancée, notamment pour nos concitoyens les plus éloignés des décisions et des procédures publiques. Cet argument avait au demeurant été largement porté et défendu par les députés représentant des circonscriptions rurales.

Vous avez fait le choix, monsieur le rapporteur, d’étendre ce délai de quatre mois aux collectivités et aux associations, dans un souci de cohérence. L’ancien maire et président de conseil départemental que je suis trouve ce point extraordinairement légitime et salue cette avancée.

Quatrième nouveauté : les consultations pour les débats publics nationaux. L’ordonnance rend également possible le débat public national avec la saisine ouverte à 500 000 citoyens de l’Union européenne, à 60 députés ou 60 sénateurs, ou au Gouvernement sur un projet de réforme relatif à une politique publique ayant un effet important sur l’environnement ou l’aménagement du territoire. Je n’ai pas besoin de vous donner d’exemples de ces politiques publiques.

Ce seuil de saisine avait fait l’objet de débats à l’Assemblée nationale. Je sais qu’un amendement du sénateur Guillaume Gontard tend à abaisser le seuil à 250 000 personnes. Je n’y suis pas favorable pour plus raisons.

D’une part, le seuil de 500 000 personnes correspond au seuil fixé par la loi organique du 29 juin 2010 pour saisir le Conseil économique, social et environnemental. Le Gouvernement a cherché en permanence à être dans une démarche de simplification et d’alignement pour le citoyen, afin de ne pas avoir des seuils différenciés en fonction des types de saisine. Nous ne pouvons pas invoquer tout le temps la simplification et ne pas l’appliquer lorsque nous réformons ce genre de texte.

D’autre part, 500 000 citoyens restent facilement mobilisables à l’heure d’internet, avec les réseaux sociaux ou les sites de pétition en ligne que vous connaissez bien.

Ces droits nouveaux ne bloquent pas, pour autant, les porteurs de projets, et c’est tout le fruit de l’équilibre de cette ordonnance. La CNDP veillera au respect des procédures et à la qualité de la concertation et des débats. C’est à la CNDP que le rôle d’organisateur des concertations a été donné.

La CNDP occupe donc désormais un rôle central dans ce dispositif. Ces nouvelles modalités de consultation nous ont obligés à davantage encadrer le rôle du garant qui sera directement désigné par la CNDP.

Ces concertations ou débats devront répondre aux exigences d’un État moderne avec une nécessaire dématérialisation. Les collectivités territoriales et l’État s’emploient à développer le très haut débit ou la montée en débit dans les territoires. Il faut donc aussi être au rendez-vous des usages.

Ces concertations devront être organisées dans des délais raisonnables. C’est une nécessité pour les porteurs de projets qui doivent aussi avoir de la visibilité ; c’est également une nécessité pour éviter tout contentieux. Aussi, la concertation préalable ne dépassera jamais trois mois et la durée de l’enquête publique est réduite de trente à quinze jours pour les projets ne relevant pas de l’obligation de l’étude d’impact.

Concernant les délais, monsieur le rapporteur, vous avez fait le choix de revenir sur l’allongement de quatre à six mois du délai pour lequel l’illégalité pour vice de forme ou de procédure ne peut plus être invoquée par voie d’exception.

Le délai de six mois avait comme mérite de s’inspirer de ce qui existe dans le code de l’urbanisme, permettant une harmonisation des procédures. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de l’examen des amendements.

L’occasion m’est donnée devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, d’engager une réflexion collective, Parlement et Gouvernement, autour de la convergence du code de l’urbanisme, d’un côté, et du code de l’environnement, de l’autre. C’est quelque chose d’attendu, notamment par les élus locaux – et je sais de quoi je parle. Là aussi, les éléments de simplification et d’alignement entre les deux codes sont les bienvenus.

Avant de conclure, je tiens à préciser que je me suis engagé, à l’Assemblée nationale, le compte rendu fait foi, à mettre en place une première évaluation de ces deux ordonnances, afin d’en mesurer l’impact d’ici deux à trois ans et d’en tirer des modifications éventuelles. Nous créons des droits nouveaux. Il s’agit donc pour nous comme pour vous de voir de quelle manière nos concitoyens et les porteurs de projets vont s’en emparer. (Applaudissements sur des travées du groupe La République en marche, du groupe République et Territoires/Les Indépendants, du RDSE, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Fouché, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je suis très honoré d’inaugurer, comme vous, monsieur le vice-président, les travaux de notre assemblée pour cette nouvelle session.

Je ne reviendrai pas sur le détail du contenu des deux ordonnances que le présent projet de loi a pour objet de ratifier : je vous invite à consulter le rapport, qui comporte toutes les précisions nécessaires.

Ces deux ordonnances sont en effet techniques, mais elles touchent deux domaines très importants du droit de l’environnement, du point de vue tant de l’exigence qui doit être la nôtre en matière de protection de l’environnement, que de la nécessaire simplification des contraintes et des procédures pesant sur les entreprises et les collectivités territoriales.

Je me bornerai donc à vous restituer les travaux de la commission et à formuler quelques observations.

En ce qui concerne l’évaluation environnementale, que réforme la première ordonnance, la commission n’a pas apporté de modification substantielle. Il nous a semblé, en effet, que les travaux ayant précédé le travail de rédaction de cette ordonnance ont abouti à un équilibre acceptable. La simplification est réelle : elle se traduit concrètement par moins d’études d’impact pour les entreprises et les petites collectivités.

Je souhaite cependant vous alerter, monsieur le secrétaire d'État, sur plusieurs points qui m’ont semblé importants.

Le premier concerne les inquiétudes de certains maîtres d’ouvrage, dans le secteur de la production d’énergie, quant à la nouvelle définition de la notion de « projet », qui risque de se traduire, selon eux, par une incertitude juridique, source éventuelle de contentieux.

Le deuxième point concerne le coût des études d’impact et les délais qu’elles impliquent : sur ce sujet, l’ordonnance n’apporte pas de solution. J’ai été séduit, pour ma part, par l’idée avancée par notre collègue M. Alain Richard, ancien ministre de la défense, que j’ai pu consulter et dont je salue l’expertise, d’aller progressivement vers une « normalisation » de ces études.

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, disposez-vous d’une comparaison européenne un peu solide sur l’évaluation environnementale ? Plusieurs membres de la commission estiment indispensable d’être mieux informés et plus attentifs aux pratiques de nos voisins dans ce domaine.

En ce qui concerne la seconde ordonnance, sur la participation du public, la commission a fait trois principales modifications. Elle a, tout d’abord, supprimé la fixation dans la loi d’un plafonnement du seuil de dépenses publiques à partir duquel un projet est soumis à déclaration d’intention et à droit d’initiative. Au-delà même du niveau de ce seuil, le Sénat est attaché à ne pas empiéter sur le domaine réglementaire, car ce seuil doit être fixé par décret. Une telle précision dans la loi compromet également l’adaptabilité future du dispositif.

Vous pourrez d’ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, nous confirmer à quel niveau le Gouvernement entend définir ce seuil. Il est évident que si le seuil est fixé définitivement par la loi, il faudra une nouvelle loi pour le modifier. S’il est déterminé par décret, c’est beaucoup plus simple.

La commission a également harmonisé à quatre mois le délai durant lequel le droit d’initiative peut être exercé après la déclaration d’intention. Cette harmonisation me paraît tout à fait sage.

Enfin, elle a ramené à quatre mois le délai durant lequel les vices de forme ou de procédure au titre d’une concertation peuvent être invoqués par voie d’exception lors d’un recours.

Pour finir, mes chers collègues, je veux insister sur l’état d’esprit de notre commission. En vue de la séance, nous avons cherché avec les sénateurs concernés à intégrer de la meilleure manière possible dans le texte de ce projet de loi plusieurs modifications issues des propositions de deux rapports récents du Sénat, tous deux adoptés à l’unanimité : celui de M. Bonnecarrère, au nom de la mission d’information sur la démocratie, et celui de M. Dantec, au nom de la commission d’enquête sur la compensation des atteintes à la biodiversité. Nous y reviendrons plus en détail dans la discussion des amendements.

Ce projet de loi est le fruit d’un travail concerté de simplification et de modernisation de notre droit qui a atteint son but. Je vous invite donc, mes chers collègues, à l’adopter tel que modifié par la commission. (Applaudissements sur des travées du groupe République et Territoires/Les Indépendants, du RDSE, du groupe La République en marche, du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les deux ordonnances qu’il nous est aujourd’hui proposé de ratifier s’inscrivent dans un long chantier de modernisation du droit de l’environnement qui s’est engagé sous la précédente mandature.

Nous sommes évidemment tous favorables au fait de chercher à faire progresser l’évaluation environnementale et la participation du public dans les procédures, conditions incontournables à des débats apaisés. Nous sommes tous conscients, je crois, des difficultés dans la conduite des projets en France, à travers l’actualité régulière des mobilisations, voire des affrontements qui accompagnent certains grands projets d’aménagement, avec des risques réels de nouveaux drames humains, mais aussi à travers les dénonciations constantes, de colloque en colloque, des acteurs de l’éolien, par exemple, qui rappellent à juste titre que les durées d’instruction des dossiers sont doublées en France par rapport à l’Allemagne, soit huit ans contre quatre ans.

Il y a donc aujourd’hui un intérêt commun entre les grands aménageurs et les associations défendant l’éolien citoyen à trouver des réponses aux blocages, par des processus d’évaluation globale des projets et de débats publics transparents où toutes les données sont sur la table.

Je souhaite ici souligner, comme M. le secrétaire d'État, l’important travail de concertation réalisé en amont du texte discuté cet après-midi dans le cadre des groupes de travail sur la démocratie environnementale présidé par le sénateur Alain Richard, et sur la modernisation de l’évaluation environnementale présidé par Jacques Vernier.

J’insisterai sur deux points précis de ces ordonnances qui me semblent particulièrement importants et novateurs. L’ordonnance sur l’évaluation environnementale complète le contenu de l’étude d’impact, et je souligne tout particulièrement l’introduction dans cette analyse de l’incidence du projet sur le climat et sa vulnérabilité face au dérèglement climatique. Cela devrait aussi nous amener à évaluer certains projets d’infrastructures de transport au regard de leur impact en termes d’émissions de gaz à effet de serre.

L’étude d’impact se fait également plus précise sur la biodiversité : il faut désormais décrire les mesures envisagées pour respecter la séquence éviter-réduire-compenser et définir plus précisément, point important, le suivi des mesures compensatoires, ce qui constitue une avancée dans le sens de la loi pour la reconquête de la biodiversité et des préconisations de la commission d’enquête du Sénat sur la compensation des atteintes à la biodiversité, dont j’étais le rapporteur.

Nous débattrons d’ailleurs de deux amendements rédigés sur la base des propositions du rapport de la commission d’enquête qui avait été voté à l’unanimité – j’en profite pour saluer au passage Jean-François Longeot, qui présidait cette commission.

Le premier de ces amendements tend à revenir sur l'impact de ces projets sur l'agriculture, notamment sur le point extrêmement important de la consommation du foncier agricole, en n’oubliant pas, non plus, d'analyser l'impact des mesures compensatoires sur l'économie agricole – Daniel Gremillet, ou encore Rémy Pointereau tenaient particulièrement à cette dimension.

J'ai bien noté, monsieur le secrétaire d’État, que vous étiez très ouvert à nos propositions. Vous proposez d’ailleurs, de concert avec le rapporteur, un amendement, rédigé avec l’appui de l'administration du Sénat, qui va permettre de renforcer ce point.

Par ailleurs, pour éviter que les concertations naturalistes ne surviennent après la première enquête publique, nous proposons que l’avis de l’Autorité environnementale soit complété par une réponse écrite du maître d’ouvrage à ses éventuelles objections dans le dossier d’enquête publique. C’est un point important, de nature à réduire les contestations, qui interviennent souvent après l’enquête publique, au cours de laquelle tous les sujets n’ont pas été abordés. Il s’agissait d’une des conclusions importantes de la commission d’enquête du Sénat.

Nous rediscuterons aussi de la « clause filet » ou « clause de rattrapage » au cours de la discussion du texte. Je partage l’analyse du rapporteur : la rédaction actuelle nous semble fragile, car les directives européennes et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne précisent que tout projet impactant sérieusement l’environnement doit faire l’objet d’une évaluation environnementale, même s’il est en dessous des seuils définis. C’est pourquoi le groupe du RDSE proposera un amendement en ce sens.

Je porterai également des propositions sur l’accès à l’information, qui est un droit essentiel, en lien avec la convention d’Aarhus, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État.

Malgré ce principe, ce droit reste très imparfaitement appliqué, et nombre de nos concitoyens se retrouvent souvent bloqués dans leurs demandes légitimes d’accès à l’information. C’est pourquoi je proposerai, d’une part, de créer un référé-communication pour faciliter un accès élargi aux informations environnementales et, d’autre part, de donner davantage de pouvoir à la Commission d’accès aux documents administratifs, la fameuse CADA, pour faire respecter l’application de ce droit à l’information. Il existe aujourd’hui des cas où, malgré les décisions de la CADA, l’État refuse encore de rendre publics les documents demandés, ce qui nourrit les colères et la détermination des opposants.

Les ordonnances ne répondront pas à tout, mais les exigences de transparence, de dialogue, de contre-expertise, d’approche globale des projets sont au cœur d’un débat public apaisé, dont nous avons tous besoin aujourd’hui. L’État et les maîtres d’ouvrage se sont souvent montrés frileux et méfiants sur ces débats, en pensant qu’ils nourrissaient la contestation. Notre analyse est inverse : c’est la faiblesse du débat qui nourrit avant tout les contestations. Nous ne pouvons donc que souligner les avancées progressives qui sont intervenues ces dernières années, et le débat de cet après-midi, monsieur le secrétaire d’État, doit nous permettre d’en améliorer encore l’ambition. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur des travées du groupe La République en marche.)