compte rendu intégral
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
vice-président
Secrétaires :
Mme Valérie Létard,
Mme Catherine Tasca.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidatures à d’éventuelles commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que, d’une part, la commission des affaires sociales a procédé à la désignation des candidats à l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte commun sur le projet de loi en cours d’examen, et que, d’autre part, la commission des lois a procédé à la désignation des candidats aux éventuelles commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte commun sur le projet de loi et le projet de loi organique pour la régulation de la vie publique.
Ces listes ont été publiées conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et seront ratifiées si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
3
Candidature à une commission
M. le président. J’informe le Sénat que le groupe La République en marche a fait connaître à la présidence le nom de la candidate qu’il propose pour siéger à la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Jean-Baptiste Lemoyne, dont le mandat a cessé.
Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
4
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Monsieur le président, lors du scrutin sur l’ensemble du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, notre collègue Jeanny Lorgeoux a été inscrit comme ayant voté contre, alors qu’il souhaitait voter pour.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
5
Renforcement du dialogue social
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (projet n° 637, texte de la commission n° 664, rapport n° 663, avis n° 642).
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen de l’article 2.
Article 2 (suite)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin de mettre en place une nouvelle organisation du dialogue social dans l’entreprise et de favoriser les conditions d’implantation syndicale et d’exercice de responsabilités syndicales, applicables aux salariés de droit privé, en :
1° Fusionnant en une seule instance les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et en définissant les conditions de mise en place, les seuils d’effectifs à prendre en compte, la composition, les attributions et le fonctionnement de cette instance, y compris les délais d’information-consultation, la formation de ses membres, les moyens, et les modalités de contrôle de ses comptes et de choix de ses prestataires et fournisseurs, et en fixant à trois le nombre maximal de mandats électifs successifs des membres de l’instance ainsi que les conditions et modalités de recours aux expertises, notamment la sollicitation obligatoire de devis auprès de plusieurs prestataires ;
2° Déterminant les conditions dans lesquelles l’instance mentionnée au 1° exerce, sauf accord majoritaire contraire, les compétences en matière de négociation des conventions et accords de groupe, d’entreprise ou d’établissement, en disposant des moyens nécessaires à l’exercice de ces prérogatives ;
3° et 4° (Supprimés)
5° Renforçant le dialogue social par la possibilité pour le salarié d’apporter au syndicat de son choix des ressources financées en tout ou partie par l’employeur, par le renforcement de la formation des représentants des salariés, par l’encouragement à l’évolution des conditions d’exercice de responsabilités syndicales ou d’un mandat de représentation et la reconnaissance de ceux-ci dans le déroulement de carrière et les compétences acquises en raison de ces responsabilités, ainsi que par l’amélioration des outils de lutte contre les discriminations syndicales ;
6° Définissant, pour certaines entreprises dont l’effectif est inférieur à un seuil, les conditions et modalités selon lesquelles les employeurs peuvent être exonérés pour tout ou partie de leur contribution au fonds paritaire prévue à l’article L. 2135-10 du code du travail ;
7° (Supprimé)
8° Modernisant les dispositions du chapitre Ier du titre VIII du livre II de la deuxième partie du code du travail afin de favoriser le droit d’expression des salariés, notamment par le développement du recours aux outils numériques.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 8 rectifié bis est présenté par Mmes Lienemann et Yonnet, MM. Duran et Mazuir, Mme Jourda, MM. Labazée, Godefroy, Courteau et Montaugé et Mme Monier.
L'amendement n° 55 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 73 rectifié bis est présenté par M. Antiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié bis.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous avons déjà eu l’occasion de débattre de ce sujet lors des interventions sur l’article 2. J’avais indiqué les raisons pour lesquelles cet article me semblait très dangereux. En ayant pour objet de fusionner les instances représentatives du personnel et de permettre le référendum à l’initiative de l’employeur, cet article représente, qu’on le veuille ou non, une forme de contournement du fait syndical et des capacités des syndicats à intervenir et à négocier. J’avais insisté sur le rôle spécifique des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ou CHSCT, instance qui mérite de rester une instance autonome au regard de l’enjeu et de l’importance des sujets qu’elle traite.
J’avais également souligné pourquoi nous nous engagions, à mes yeux, dans une étrange conception de la démocratie, où il faudrait moins d’élus et de parlementaires, moins de délégués syndicaux et de représentants du personnel dans les entreprises. Bref, le pouvoir en place devrait avoir de plus en plus de prérogatives, tandis que les autres seraient de moins en moins outillés et puissants. Cette conception constitue plus un recul qu’un projet.
J’insisterai sur deux points plus techniques.
D’une part, il est dommage que ce texte ne prévoie pas la moindre formation des élus, alors qu’on propose de généraliser les compétences des représentants du personnel. D’autre part, la limite dans le temps des mandats ne répond à aucune logique, dans la mesure où il ne s’agit pas d’un mandat électif, encore moins d’un mandat rémunéré. Compte tenu des difficultés rencontrées dans certaines entreprises pour trouver des responsables syndicaux ou des délégués du personnel, il me semblerait inutile d’imposer une contrainte de non-cumul dans le temps du mandat de représentant des personnels.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 55.
Mme Annie David. Nous avons effectivement eu un long débat hier soir lors des interventions sur l’article 2. Mais cet amendement n° 55 nous permet d’ajouter quelques arguments en faveur de notre demande de suppression de l’article 2.
En effet, la mesure phare de cet article est le regroupement des institutions représentatives du personnel en une institution unique, exigence de longue date du MEDEF, qui concerne les droits fondamentaux des travailleurs pourtant reconnus par la Constitution et en particulier le Préambule de 1946 émanant directement du programme de la Résistance.
La diversité de ces institutions, délégués du personnel, comités d’entreprise, CHSCT, constitue une force pour les salariés et leurs organisations. Et elles ont une histoire, comme l’a très bien rappelé hier soir notre collègue Roland Courteau.
La mise en cause des CHSCT comme institutions indépendantes est une atteinte grave à ce qu’il reste du modèle social français. La santé au travail est un enjeu de société, un enjeu de civilisation. Alors que l’efficacité des CHSCT exigeait plus de moyens, plus de compétences pour veiller sur le bien-être des travailleurs, madame la ministre, vous endossez une responsabilité historique en provoquant une régression sans pareil en ce domaine.
Un exemple : les CHSCT ont le pouvoir d’ester en justice, d’engager des expertises. En un mot, ils peuvent provoquer des sanctions pénales contre les patrons qui mettent en péril la santé de leurs employés – c’est sans doute à cela que le MEDEF veut mettre un coup d’arrêt. La réunification en une instance unique peut porter un coup à ce pouvoir essentiel. Les ordonnances étant muettes sur ce point, pouvez-vous nous assurer que ce pouvoir d’ester en justice sera maintenu ?
Madame la ministre, chaque année, plus de 500 personnes meurent au travail, plus de 1 200 meurent des suites d’une maladie ou d’accident professionnels. Des drames comme celui de l’amiante vont entraîner des dizaines de milliers de décès. Est-il digne de réduire dans ces conditions la protection de la santé des travailleurs au sein de l’entreprise ? Selon nous, c’est indigne et contraire au progrès humain. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article 2.
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l’amendement n° 73 rectifié bis.
M. Maurice Antiste. Alors que la loi Rebsamen, qui a modifié profondément les règles du dialogue social en entreprise, date d’à peine deux ans et n’a fait l’objet d’aucun bilan, l’article 2 du projet de loi prévoit une complète refonte des règles de négociation dans l’entreprise.
En fusionnant au sein d’une instance unique les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le projet de loi tend à réduire considérablement les prérogatives et les moyens dont disposent les représentants du personnel dans les entreprises. Il met par ailleurs en cause le rôle des syndicats en permettant à la nouvelle instance unique de disposer des attributions normalement dévolues aux délégués syndicaux.
De telles dispositions tendent à affaiblir gravement les droits syndicaux et la représentation collective des intérêts des salariés et vont ainsi conduire à accroître le déséquilibre des relations sociales au sein de l’entreprise.
C’est pourquoi, au travers de cet amendement, je propose la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, rapporteur. Ces amendements identiques s’opposent à l’ensemble de l’article 2, qu’il s’agisse de la création d’une instance unique de représentation du personnel dans l’entreprise, mais également de la revalorisation des parcours syndicaux au sein de l’entreprise et de la reconnaissance des compétences acquises dans ce cadre.
Cela est évidemment contraire à la position adoptée par la commission des affaires sociales, qui, la semaine dernière, a salué cette réforme de simplification et a même souhaité l’approfondir.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Le Gouvernement émet bien sûr un avis défavorable sur ces amendements de suppression de l’article 2.
Monsieur le président-rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je profite de cette occasion pour vous faire part du bilan de la concertation que nous avons menée avec les partenaires sociaux sur ce sujet, afin d’éclairer ou, tout au moins, de nourrir vos débats.
Nous avons abordé trois sujets principaux, à commencer par la représentation dans les petites et moyennes entreprises. Je n’y reviendrai pas, car nous en avons longuement parlé hier, et j’ai pu exprimer l’opinion du Gouvernement.
Nous avons également débattu de la fusion des instances et de la reconnaissance des parcours syndicaux.
Sur la fusion des instances, pourquoi fusionner les trois instances d’information et de consultation que sont le comité d’entreprise, le CHSCT et les délégués du personnel ?
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Et pourquoi la plupart des pays n’ont-ils pas autant d’instances pour représenter le personnel ?
L’enjeu de cette fusion est d’avoir un débat à la fois stratégique et opérationnel dans l’entreprise. Aujourd’hui, lorsque les instances sont séparées, il y a un lieu, un moment et des interlocuteurs pour parler de la marche des affaires, la marche de l’entreprise, l’organisation de l’entreprise ; il y a un autre lieu, un autre temps et souvent d’autres interlocuteurs pour parler des conditions de travail, de la sécurité et de la santé au travail ; et il y a encore d’autres interlocuteurs, les délégués du personnel, pour parler des problèmes quotidiens que peuvent rencontrer les salariés.
Le fait que ces discussions aient lieu séparément empêche une compréhension d’ensemble et limite le dialogue social, car on traite de l’économique ou du social mais pas des deux de façon articulée. Deux sénatrices m’ayant fait l’honneur de citer le rapport que j’avais rédigé avec Henri Lachmann et Christian Larose en 2010, je prendrai l’exemple des risques psychosociaux.
Lors de notre enquête, nous avions constaté, ce qui a été maintes fois confirmé par la suite, que les risques psychosociaux augmentaient, mais de façon minoritaire, à cause de comportements individuels liés au management, aux collègues, aux clients, et que nombre de ces risques résultaient en réalité de décisions organisationnelles de l’entreprise. Ainsi, un centre de décision éloigné fait qu’on ne met plus un nom ou un visage sur la personne avec laquelle on doit discuter et les décisions deviennent très abstraites.
En outre, l’organisation matricielle peut placer le salarié dans une situation où il doit répondre par lui-même à des injonctions contradictoires, avec deux lignes hiérarchiques opposées. Enfin, les modalités de mise en place des institutions représentatives du personnel ont des incidences pour les salariés. Nous avions déjà préconisé à l’époque le rapprochement des points de vue du CHSCT et du comité d’entreprise, car pour assurer la prévention primaire des risques psychosociaux, une partie des solutions provient du comité d’entreprise. Mais cela ne sera jamais à l’ordre du jour de ses réunions, puisque de tels sujets n’entrent pas dans ses attributions.
De deux choses l’une : soit les discussions sont redondantes et on parle de tout partout, soit elles ont lieu dans des instances fusionnées, leur donnant plus de valeur. Dans le même temps, vous avez raison, nous devons veiller à ne pas perdre en qualité.
Nous avons beaucoup discuté sur ce point avec les partenaires sociaux. Tout d’abord, cette instance qui fusionnera les trois instances d’information et de consultation, et qui pourrait s’appeler « le comité social et économique », conservera l’intégralité des compétences des trois anciennes instances. Ce sera dans les ordonnances. Il n’y a pas de diminution du champ de compétences. (M. Jean Desessard s’exclame.) Ensuite, cette instance unique aurait la capacité d’ester en justice et de recourir à des expertises sur l’ensemble de son champ dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui. Elle disposerait d’un budget de fonctionnement propre.
À partir d’une certaine taille, à définir, et dans les secteurs à haut risque, il faut probablement prévoir d’emblée qu’elle ait une sous-commission qui se concentre plus sur les questions d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail, car il y a beaucoup de matière à discuter.
M. Jean Desessard. Autant le faire dès maintenant !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le fait de fusionner au-dessus va apporter beaucoup plus de prévention, car vous discuterez de l’organisation et donc de la prévention. (M. Jean Desessard s’exclame.)
M. le président. Laissez Mme la ministre s’exprimer, mon cher collègue !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. De plus, un accord d’entreprise pourrait prévoir des éléments de proximité lorsque les établissements sont nombreux.
Toutes les discussions que nous avons eues avec les partenaires sociaux sont, dans le cadre des ordonnances, de nature à mettre en évidence la valeur ajoutée d’une seule instance bénéficiant d’une vision stratégique, économique et sociale, et susceptible de renforcer le pouvoir des organisations syndicales de discuter avec les entreprises et réciproquement, car la matière sera beaucoup plus large. Mais en même temps, nous veillerons à préserver ce qu’il faut préserver. La priorité des priorités – je pense qu’il existe un consensus sur ce point dans l’hémicycle –, c’est évidemment que, sur les questions concernant la santé, l’hygiène et les conditions de travail, nous ne perdions rien des acquis des dernières décennies. Nous avons encore des progrès à faire, mais il faut s’inscrire dans cette histoire.
Par ailleurs, dans certaines entreprises, l’employeur et les organisations syndicales sont prêts à aller plus loin, c’est-à-dire à envisager une instance fusionnée qui aurait une compétence non seulement d’information et de consultation, mais aussi de négociation. En clair, la fusion serait également réalisée avec les délégués syndicaux. Nous ne l’envisageons que par accord majoritaire, et cela suppose que des organisations syndicales et l’employeur décident de procéder ainsi. Cette possibilité sera sans doute peu fréquente, mais si le dialogue social est suffisamment excellent pour faire confiance pour aller plus loin, aller sur cette logique qui est plus un conseil d’entreprise, c’est quelque chose qui est intéressant à autoriser.
Toujours dans la même logique, permettons aux acteurs désireux d’avoir un dialogue constructif, ce qui n’implique pas d’être constamment d’accord, d’aller de l’avant et d’avoir plus de sujets de discussion dans l’intérêt de l’entreprise et des salariés.
J’en viens à la reconnaissance des parcours syndicaux.
Nous voulons intégrer par ordonnance dans les compétences de la branche la possibilité de signer des accords sur la formation et la reconnaissance des parcours syndicaux. À nos yeux, c’est très important, car le renforcement du dialogue social suppose des acteurs armés pour cela. En outre, j’ai confié récemment à Jean-Dominique Simonpoli, directeur général de l’association Dialogues, une mission pour recenser les pratiques les plus innovantes et avancées des branches et des entreprises en matière de parcours syndicaux et nous faire des propositions opérationnelles, en liaison avec tous les partenaires sociaux, et concrètes dans ce sens. Il rendra ses conclusions dans quelques jours et ces propositions ont vocation à nourrir ce qui sera dans les ordonnances.
Enfin, la discrimination syndicale existe aujourd’hui, même si nous n’avons que peu de données sur le sujet. Ce fait est minoritaire, mais il est très important d’en établir un suivi plus précis et de le faire connaître. Nous allons nous appuyer sur le récent rapport du Comité économique, social et environnemental et voir comment nous pouvons renforcer la connaissance, et donc la prévention, de la discrimination syndicale, qui fait partie des conditions d’un dialogue serein, chacun le comprendra.
Voilà quelques éléments d’éclairage issus de la concertation avec les partenaires sociaux dont je voulais vous faire part pour nourrir vos débats.
Mme Nicole Bricq. Merci !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Madame la ministre, j’ai bien entendu vos explications et vous en remercie. Vous avez précisé un peu le périmètre de cette nouvelle instance, ce comité social et économique. Selon vous, les compétences ne seraient pas diminuées, elle pourrait ester en justice, elle disposerait d’un budget de fonctionnement propre et serait assistée d’une sous-commission pour discuter des questions de santé. Finalement, ce dispositif est un peu compliqué à mettre en place, alors que des instances existent déjà.
Vous dites, à juste titre, qu’il y a aujourd’hui des lieux différents dans lesquels on discute de chacune des compétences de ces différentes instances. Le comité d’entreprise discute plus de stratégie de l’entreprise ; les délégués du personnel débattent plus de points touchant aux conditions de travail des salariés, mais pas sous les aspects de la santé ; le CHSCT aborde tout ce qui concerne la santé et la sécurité au travail.
Certes, ces trois instances sont différentes, mais chacune d’entre elles réunit des représentants du personnel et des représentants de la direction. Vous proposez qu’une seule instance débatte de tous les sujets. J’ai une proposition à vous faire : pourquoi ne pas prévoir une seule réunion, mais avec les trois instances telles qu’elles existent aujourd’hui, qui se mettraient autour de la table pour discuter avec la direction ? Il serait bon que la direction entende ce que chacune a à dire dans une même instance. Le nombre d’élus serait inchangé, car chaque élu a sa spécificité, un représentant au CHSCT n’ayant pas forcément les mêmes compétences qu’un élu siégeant au sein du comité d’entreprise ou des délégués du personnel. D’ailleurs, les formations proposées par les différentes organisations syndicales représentatives dans l’ensemble des entreprises tiennent compte des instances représentatives dans lesquelles siègent leurs mandants pour leur donner droit à une formation. Pourquoi ne vouloir maintenir qu’une seule instance ?
Soit vous maintenez le même nombre d’élus, avec leurs compétences différentes, et dans ce cas, je ne comprends pas bien l’intérêt d’opérer cette fusion ; il serait plus simple d’envisager une seule réunion par mois avec tout le monde. Soit vous décidez de diminuer le nombre de représentants syndicaux qui siégeront dans cette nouvelle instance, et vous en ferez des professionnels de la représentation syndicale. Or ce n’est pas, me semble-t-il, l’orientation que vous comptez prendre. Si l’on veut garantir un véritable dialogue social, il faut que les personnes participant à ces différentes réunions soient encore salariées dans l’entreprise concernée. Puisque vous accordez tant d’importance aux accords d’entreprise, il faut que les salariés aient encore un peu d’emploi dans leur entreprise. En siégeant tous dans cette même instance, les représentants n’auront plus le temps de tout faire.
Madame la ministre, il existe des solutions bien plus simples que celle que vous nous proposez.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour explication de vote.
Mme Gisèle Jourda. Madame la ministre, les propos que vous venez de tenir n’ont pas du tout emporté ma conviction.
M. Jean Desessard. Ni la mienne !
Mme Gisèle Jourda. En effet, je ne vois pas ce que l’on gagne à réunir ces trois instances,…
M. Jean Desessard. Exactement !
Mme Gisèle Jourda. … qui sont efficaces quand on sait les manager.
En ce qui me concerne, au-delà de mon parcours professionnel, j’ai eu à gérer 3 500 salariés, 22 centres, qui dépendaient de secteurs totalement différents, secteur privé, secteur médico-social. En travaillant et, comme il n’existe pas de statut de militant associatif, en prenant sur mon temps, j’ai pu gérer cette grosse entreprise – il s’agissait bien d’une entreprise quelque part – en réunissant toutes ces instances et en étant efficace.
Madame la ministre, effectivement, les représentants au sein de ces trois instances sont parfois différents, mais on avance sur les problématiques développées suivant les spécificités. Mais quelquefois, selon la taille des entreprises, ce sont les mêmes interlocuteurs qui siègent au sein de ces instances. Je ne vois vraiment pas en quoi ce regroupement est une avancée. Pour moi, c’est une véritable régression !
M. Jean Desessard. Absolument !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Chaque instance du personnel a sa vocation et sa spécialité. La volonté de fusionner l’ensemble va certainement poser beaucoup de problèmes. Aujourd’hui, dans les entreprises, les salariés subissent les exigences de plus en plus importantes des clients, l’inflation réglementaire et normative, ainsi que la concurrence et les nouvelles technologies, qui arrivent en force dans la production et imposent de nouvelles organisations du travail.
Le travail est plus dense, plus intense, plus immatériel, mais aussi plus précaire, avec une sollicitation très forte des ressources humaines, et parallèlement, l’apparition de nouveaux maux, de risques psychosociaux, de troubles musculo-squelettiques.
L’existence de CHSCT dans les entreprises est nécessaire, car les questions abordées exigent des représentants une connaissance particulière, une spécialisation, des formations. C’est donc une erreur catastrophique de vouloir supprimer ces instances en les fusionnant dans un même ensemble.
Les comités d’entreprise requièrent aussi une spécialisation, notamment en économie ou dans le domaine budgétaire, qui n’a rien à voir avec le CHSCT. Ils jouent un rôle très important, y compris d’alerte en cas de problème quand il s’agit d’une filiale d’un grand groupe.
Enfin, les délégués du personnel effectuent au quotidien un énorme travail pour faire remonter les difficultés et entretenir le dialogue social. Vous dites vouloir favoriser celui-ci, mais il va être supprimé dans de nombreux domaines si vous fusionnez ces instances.
J’ai l’impression que, si vous allez au bout de votre démarche, le dialogue social s’appauvrira dans l’entreprise, et plus grave encore, au sein des CHSCT, qui sont décisifs. Nous tenons à ces comités ; c’est pourquoi nous nous opposons à la fusion de ces instances représentatives du personnel. (Mme Gisèle Jourda et M. Jérôme Durain applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Il est déraisonnable, et même paradoxal, de vouloir supprimer cet article aussi important. Je comprends que vous ne soyez pas d’accord avec la philosophie qui le sous-tend, mais alors que vous ne cessez d’affirmer depuis le début de la discussion générale que vous récusez la méthode trop rapide du Gouvernement en plein cœur de l’été, vous voulez subitement supprimer un article dont il faut vraiment discuter. (Protestations sur plusieurs travées du groupe CRC.)
De quoi s’agit-il ? Il est question, au travers des institutions représentatives du personnel, de parler à la fois de la gouvernance de l’entreprise – car, selon moi, ce sont des outils de gouvernance – et de l’élévation de la fonction de représentants des salariés, notamment à travers les organisations syndicales qu’ils représentent. Cet article est aussi l’occasion d’aborder la question très importante des moyens qui sont dévolus aux uns et aux autres, en particulier au travers des fonds paritaires. De grâce, ne le supprimez pas !
Il faut débattre et éclairer le Gouvernement sur ce que nous voulons. Mme la ministre explique bien que, si l’on observe l’évolution en dynamique, on a une nouvelle gouvernance de l’entreprise au travers de ce qui rassemblerait les instances de représentation du personnel. Il n’est pas question que ces fonctions ne soient plus représentées. Il y a déjà des entreprises qui pratiquent cette représentation groupée. Je pense, par exemple, à l’entreprise Solvay, qui est un groupe de chimie. Les questions relatives à la sécurité et aux maladies professionnelles sont essentielles dans ce secteur, à tel point que, dans sa lettre aux organisations syndicales sur le compte pénibilité, le Premier ministre a préconisé un traitement spécifique pour les risques chimiques. (M. Jean Desessard s’exclame.) C’est important ! Il ne faut donc pas supprimer cet article. J’en appelle à votre raisonnement, car il faut en parler et si on n’en parle pas maintenant vous ratifierez un dispositif auquel vous n’aurez pas participé. (Mme Éliane Assassi s’exclame.)