Sommaire
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
Secrétaires :
Mmes Valérie Létard, Catherine Tasca.
2. Candidatures à d’éventuelles commissions mixtes paritaires
3. Candidature à une commission
4. Mise au point au sujet d’un vote
5. Renforcement du dialogue social – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Suspension et reprise de la séance
Amendements identiques nos 8 rectifié bis de Mme Marie-Noëlle Lienemann, 55 de M. Dominique Watrin et 73 rectifié bis de M. Maurice Antiste. – Rejet par scrutin public n° 130.
Amendement n° 137 rectifié de M. Dominique Watrin. – Rejet par scrutin public n° 131.
Amendement n° 9 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait.
Amendement n° 199 de M. Jean-Marie Vanlerenberghe. – Adoption.
Amendement n° 160 de M. Jean Desessard. – Rejet.
Amendement n° 29 rectifié de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Amendement n° 210 rectifié bis de M. David Assouline. – Rejet.
Amendement n° 30 rectifié de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Amendement n° 102 de M. Dominique Watrin. – Retrait.
Amendement n° 103 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 207 rectifié de Mme Élisabeth Lamure. – Retrait.
Amendement n° 31 rectifié de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Amendement n° 231 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 244 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 204 rectifié de Mme Élisabeth Lamure. – Rejet.
Amendement n° 61 rectifié quater de Mme Corinne Féret. – Adoption.
Amendement n° 104 de M. Dominique Watrin. – Retrait.
Amendement n° 106 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 236 du Gouvernement. – Rejet par scrutin public n° 132.
Amendement n° 33 rectifié de Mme Dominique Gillot. – Retrait.
Amendement n° 34 rectifié de Mme Dominique Gillot. – Retrait.
Amendement n° 107 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 108 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 192 de M. Guillaume Arnell. – Retrait.
Amendement n° 235 du Gouvernement
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 234 du Gouvernement. – Rejet par scrutin public n° 133.
Amendement n° 35 rectifié de M. Jean-Louis Tourenne. – Retrait.
Amendement n° 109 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 221 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 245 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 36 rectifié de M. Jean-Louis Tourenne. – Retrait.
Amendement n° 241 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 37 rectifié de M. Jean-Louis Tourenne. – Retrait.
Amendement n° 131 rectifié de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 113 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Adoption, par scrutin public n° 134, de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 2
Amendement n° 110 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 112 de M. Dominique Watrin. – Retrait.
Amendement n° 115 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 114 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 83 rectifié de M. Daniel Chasseing. – Retrait.
6. Nominations de membres d’éventuelles commissions mixtes paritaires
7. Nomination d’un membre d’une commission
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
8. Communication d’un avis sur un projet de nomination
9. Renforcement du dialogue social – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 134 rectifié de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 135 rectifié de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 224 de M. Jean-Marie Vanlerenberghe. – Adoption.
Amendement n° 38 rectifié de Mme Dominique Gillot. – Retrait.
Amendement n° 39 rectifié de Mme Dominique Gillot. – Adoption.
Amendement n° 76 rectifié de M. Maurice Antiste. – Rejet.
Amendement n° 119 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 118 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 169 rectifié ter de Mme Pascale Gruny. – Adoption.
Amendement n° 167 rectifié ter de Mme Pascale Gruny. – Rejet.
Amendement n° 228 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 168 rectifié quater de Mme Pascale Gruny. – Adoption.
Amendement n° 120 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 181 rectifié de Mme Michelle Meunier. – Rejet.
Amendement n° 197 de M. Guillaume Arnell. – Rejet.
Amendement n° 229 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 41 rectifié de M. Jean-Louis Tourenne. – Rejet.
Amendement n° 171 rectifié ter de Mme Pascale Gruny. – Retrait.
Amendement n° 170 rectifié ter de Mme Pascale Gruny. – Retrait.
Renvoi de la suite de la discussion.
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
vice-président
Secrétaires :
Mme Valérie Létard,
Mme Catherine Tasca.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidatures à d’éventuelles commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que, d’une part, la commission des affaires sociales a procédé à la désignation des candidats à l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte commun sur le projet de loi en cours d’examen, et que, d’autre part, la commission des lois a procédé à la désignation des candidats aux éventuelles commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte commun sur le projet de loi et le projet de loi organique pour la régulation de la vie publique.
Ces listes ont été publiées conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et seront ratifiées si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
3
Candidature à une commission
M. le président. J’informe le Sénat que le groupe La République en marche a fait connaître à la présidence le nom de la candidate qu’il propose pour siéger à la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Jean-Baptiste Lemoyne, dont le mandat a cessé.
Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
4
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Monsieur le président, lors du scrutin sur l’ensemble du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, notre collègue Jeanny Lorgeoux a été inscrit comme ayant voté contre, alors qu’il souhaitait voter pour.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
5
Renforcement du dialogue social
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (projet n° 637, texte de la commission n° 664, rapport n° 663, avis n° 642).
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen de l’article 2.
Article 2 (suite)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin de mettre en place une nouvelle organisation du dialogue social dans l’entreprise et de favoriser les conditions d’implantation syndicale et d’exercice de responsabilités syndicales, applicables aux salariés de droit privé, en :
1° Fusionnant en une seule instance les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et en définissant les conditions de mise en place, les seuils d’effectifs à prendre en compte, la composition, les attributions et le fonctionnement de cette instance, y compris les délais d’information-consultation, la formation de ses membres, les moyens, et les modalités de contrôle de ses comptes et de choix de ses prestataires et fournisseurs, et en fixant à trois le nombre maximal de mandats électifs successifs des membres de l’instance ainsi que les conditions et modalités de recours aux expertises, notamment la sollicitation obligatoire de devis auprès de plusieurs prestataires ;
2° Déterminant les conditions dans lesquelles l’instance mentionnée au 1° exerce, sauf accord majoritaire contraire, les compétences en matière de négociation des conventions et accords de groupe, d’entreprise ou d’établissement, en disposant des moyens nécessaires à l’exercice de ces prérogatives ;
3° et 4° (Supprimés)
5° Renforçant le dialogue social par la possibilité pour le salarié d’apporter au syndicat de son choix des ressources financées en tout ou partie par l’employeur, par le renforcement de la formation des représentants des salariés, par l’encouragement à l’évolution des conditions d’exercice de responsabilités syndicales ou d’un mandat de représentation et la reconnaissance de ceux-ci dans le déroulement de carrière et les compétences acquises en raison de ces responsabilités, ainsi que par l’amélioration des outils de lutte contre les discriminations syndicales ;
6° Définissant, pour certaines entreprises dont l’effectif est inférieur à un seuil, les conditions et modalités selon lesquelles les employeurs peuvent être exonérés pour tout ou partie de leur contribution au fonds paritaire prévue à l’article L. 2135-10 du code du travail ;
7° (Supprimé)
8° Modernisant les dispositions du chapitre Ier du titre VIII du livre II de la deuxième partie du code du travail afin de favoriser le droit d’expression des salariés, notamment par le développement du recours aux outils numériques.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 8 rectifié bis est présenté par Mmes Lienemann et Yonnet, MM. Duran et Mazuir, Mme Jourda, MM. Labazée, Godefroy, Courteau et Montaugé et Mme Monier.
L'amendement n° 55 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 73 rectifié bis est présenté par M. Antiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié bis.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous avons déjà eu l’occasion de débattre de ce sujet lors des interventions sur l’article 2. J’avais indiqué les raisons pour lesquelles cet article me semblait très dangereux. En ayant pour objet de fusionner les instances représentatives du personnel et de permettre le référendum à l’initiative de l’employeur, cet article représente, qu’on le veuille ou non, une forme de contournement du fait syndical et des capacités des syndicats à intervenir et à négocier. J’avais insisté sur le rôle spécifique des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ou CHSCT, instance qui mérite de rester une instance autonome au regard de l’enjeu et de l’importance des sujets qu’elle traite.
J’avais également souligné pourquoi nous nous engagions, à mes yeux, dans une étrange conception de la démocratie, où il faudrait moins d’élus et de parlementaires, moins de délégués syndicaux et de représentants du personnel dans les entreprises. Bref, le pouvoir en place devrait avoir de plus en plus de prérogatives, tandis que les autres seraient de moins en moins outillés et puissants. Cette conception constitue plus un recul qu’un projet.
J’insisterai sur deux points plus techniques.
D’une part, il est dommage que ce texte ne prévoie pas la moindre formation des élus, alors qu’on propose de généraliser les compétences des représentants du personnel. D’autre part, la limite dans le temps des mandats ne répond à aucune logique, dans la mesure où il ne s’agit pas d’un mandat électif, encore moins d’un mandat rémunéré. Compte tenu des difficultés rencontrées dans certaines entreprises pour trouver des responsables syndicaux ou des délégués du personnel, il me semblerait inutile d’imposer une contrainte de non-cumul dans le temps du mandat de représentant des personnels.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 55.
Mme Annie David. Nous avons effectivement eu un long débat hier soir lors des interventions sur l’article 2. Mais cet amendement n° 55 nous permet d’ajouter quelques arguments en faveur de notre demande de suppression de l’article 2.
En effet, la mesure phare de cet article est le regroupement des institutions représentatives du personnel en une institution unique, exigence de longue date du MEDEF, qui concerne les droits fondamentaux des travailleurs pourtant reconnus par la Constitution et en particulier le Préambule de 1946 émanant directement du programme de la Résistance.
La diversité de ces institutions, délégués du personnel, comités d’entreprise, CHSCT, constitue une force pour les salariés et leurs organisations. Et elles ont une histoire, comme l’a très bien rappelé hier soir notre collègue Roland Courteau.
La mise en cause des CHSCT comme institutions indépendantes est une atteinte grave à ce qu’il reste du modèle social français. La santé au travail est un enjeu de société, un enjeu de civilisation. Alors que l’efficacité des CHSCT exigeait plus de moyens, plus de compétences pour veiller sur le bien-être des travailleurs, madame la ministre, vous endossez une responsabilité historique en provoquant une régression sans pareil en ce domaine.
Un exemple : les CHSCT ont le pouvoir d’ester en justice, d’engager des expertises. En un mot, ils peuvent provoquer des sanctions pénales contre les patrons qui mettent en péril la santé de leurs employés – c’est sans doute à cela que le MEDEF veut mettre un coup d’arrêt. La réunification en une instance unique peut porter un coup à ce pouvoir essentiel. Les ordonnances étant muettes sur ce point, pouvez-vous nous assurer que ce pouvoir d’ester en justice sera maintenu ?
Madame la ministre, chaque année, plus de 500 personnes meurent au travail, plus de 1 200 meurent des suites d’une maladie ou d’accident professionnels. Des drames comme celui de l’amiante vont entraîner des dizaines de milliers de décès. Est-il digne de réduire dans ces conditions la protection de la santé des travailleurs au sein de l’entreprise ? Selon nous, c’est indigne et contraire au progrès humain. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article 2.
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l’amendement n° 73 rectifié bis.
M. Maurice Antiste. Alors que la loi Rebsamen, qui a modifié profondément les règles du dialogue social en entreprise, date d’à peine deux ans et n’a fait l’objet d’aucun bilan, l’article 2 du projet de loi prévoit une complète refonte des règles de négociation dans l’entreprise.
En fusionnant au sein d’une instance unique les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le projet de loi tend à réduire considérablement les prérogatives et les moyens dont disposent les représentants du personnel dans les entreprises. Il met par ailleurs en cause le rôle des syndicats en permettant à la nouvelle instance unique de disposer des attributions normalement dévolues aux délégués syndicaux.
De telles dispositions tendent à affaiblir gravement les droits syndicaux et la représentation collective des intérêts des salariés et vont ainsi conduire à accroître le déséquilibre des relations sociales au sein de l’entreprise.
C’est pourquoi, au travers de cet amendement, je propose la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, rapporteur. Ces amendements identiques s’opposent à l’ensemble de l’article 2, qu’il s’agisse de la création d’une instance unique de représentation du personnel dans l’entreprise, mais également de la revalorisation des parcours syndicaux au sein de l’entreprise et de la reconnaissance des compétences acquises dans ce cadre.
Cela est évidemment contraire à la position adoptée par la commission des affaires sociales, qui, la semaine dernière, a salué cette réforme de simplification et a même souhaité l’approfondir.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Le Gouvernement émet bien sûr un avis défavorable sur ces amendements de suppression de l’article 2.
Monsieur le président-rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je profite de cette occasion pour vous faire part du bilan de la concertation que nous avons menée avec les partenaires sociaux sur ce sujet, afin d’éclairer ou, tout au moins, de nourrir vos débats.
Nous avons abordé trois sujets principaux, à commencer par la représentation dans les petites et moyennes entreprises. Je n’y reviendrai pas, car nous en avons longuement parlé hier, et j’ai pu exprimer l’opinion du Gouvernement.
Nous avons également débattu de la fusion des instances et de la reconnaissance des parcours syndicaux.
Sur la fusion des instances, pourquoi fusionner les trois instances d’information et de consultation que sont le comité d’entreprise, le CHSCT et les délégués du personnel ?
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Et pourquoi la plupart des pays n’ont-ils pas autant d’instances pour représenter le personnel ?
L’enjeu de cette fusion est d’avoir un débat à la fois stratégique et opérationnel dans l’entreprise. Aujourd’hui, lorsque les instances sont séparées, il y a un lieu, un moment et des interlocuteurs pour parler de la marche des affaires, la marche de l’entreprise, l’organisation de l’entreprise ; il y a un autre lieu, un autre temps et souvent d’autres interlocuteurs pour parler des conditions de travail, de la sécurité et de la santé au travail ; et il y a encore d’autres interlocuteurs, les délégués du personnel, pour parler des problèmes quotidiens que peuvent rencontrer les salariés.
Le fait que ces discussions aient lieu séparément empêche une compréhension d’ensemble et limite le dialogue social, car on traite de l’économique ou du social mais pas des deux de façon articulée. Deux sénatrices m’ayant fait l’honneur de citer le rapport que j’avais rédigé avec Henri Lachmann et Christian Larose en 2010, je prendrai l’exemple des risques psychosociaux.
Lors de notre enquête, nous avions constaté, ce qui a été maintes fois confirmé par la suite, que les risques psychosociaux augmentaient, mais de façon minoritaire, à cause de comportements individuels liés au management, aux collègues, aux clients, et que nombre de ces risques résultaient en réalité de décisions organisationnelles de l’entreprise. Ainsi, un centre de décision éloigné fait qu’on ne met plus un nom ou un visage sur la personne avec laquelle on doit discuter et les décisions deviennent très abstraites.
En outre, l’organisation matricielle peut placer le salarié dans une situation où il doit répondre par lui-même à des injonctions contradictoires, avec deux lignes hiérarchiques opposées. Enfin, les modalités de mise en place des institutions représentatives du personnel ont des incidences pour les salariés. Nous avions déjà préconisé à l’époque le rapprochement des points de vue du CHSCT et du comité d’entreprise, car pour assurer la prévention primaire des risques psychosociaux, une partie des solutions provient du comité d’entreprise. Mais cela ne sera jamais à l’ordre du jour de ses réunions, puisque de tels sujets n’entrent pas dans ses attributions.
De deux choses l’une : soit les discussions sont redondantes et on parle de tout partout, soit elles ont lieu dans des instances fusionnées, leur donnant plus de valeur. Dans le même temps, vous avez raison, nous devons veiller à ne pas perdre en qualité.
Nous avons beaucoup discuté sur ce point avec les partenaires sociaux. Tout d’abord, cette instance qui fusionnera les trois instances d’information et de consultation, et qui pourrait s’appeler « le comité social et économique », conservera l’intégralité des compétences des trois anciennes instances. Ce sera dans les ordonnances. Il n’y a pas de diminution du champ de compétences. (M. Jean Desessard s’exclame.) Ensuite, cette instance unique aurait la capacité d’ester en justice et de recourir à des expertises sur l’ensemble de son champ dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui. Elle disposerait d’un budget de fonctionnement propre.
À partir d’une certaine taille, à définir, et dans les secteurs à haut risque, il faut probablement prévoir d’emblée qu’elle ait une sous-commission qui se concentre plus sur les questions d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail, car il y a beaucoup de matière à discuter.
M. Jean Desessard. Autant le faire dès maintenant !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le fait de fusionner au-dessus va apporter beaucoup plus de prévention, car vous discuterez de l’organisation et donc de la prévention. (M. Jean Desessard s’exclame.)
M. le président. Laissez Mme la ministre s’exprimer, mon cher collègue !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. De plus, un accord d’entreprise pourrait prévoir des éléments de proximité lorsque les établissements sont nombreux.
Toutes les discussions que nous avons eues avec les partenaires sociaux sont, dans le cadre des ordonnances, de nature à mettre en évidence la valeur ajoutée d’une seule instance bénéficiant d’une vision stratégique, économique et sociale, et susceptible de renforcer le pouvoir des organisations syndicales de discuter avec les entreprises et réciproquement, car la matière sera beaucoup plus large. Mais en même temps, nous veillerons à préserver ce qu’il faut préserver. La priorité des priorités – je pense qu’il existe un consensus sur ce point dans l’hémicycle –, c’est évidemment que, sur les questions concernant la santé, l’hygiène et les conditions de travail, nous ne perdions rien des acquis des dernières décennies. Nous avons encore des progrès à faire, mais il faut s’inscrire dans cette histoire.
Par ailleurs, dans certaines entreprises, l’employeur et les organisations syndicales sont prêts à aller plus loin, c’est-à-dire à envisager une instance fusionnée qui aurait une compétence non seulement d’information et de consultation, mais aussi de négociation. En clair, la fusion serait également réalisée avec les délégués syndicaux. Nous ne l’envisageons que par accord majoritaire, et cela suppose que des organisations syndicales et l’employeur décident de procéder ainsi. Cette possibilité sera sans doute peu fréquente, mais si le dialogue social est suffisamment excellent pour faire confiance pour aller plus loin, aller sur cette logique qui est plus un conseil d’entreprise, c’est quelque chose qui est intéressant à autoriser.
Toujours dans la même logique, permettons aux acteurs désireux d’avoir un dialogue constructif, ce qui n’implique pas d’être constamment d’accord, d’aller de l’avant et d’avoir plus de sujets de discussion dans l’intérêt de l’entreprise et des salariés.
J’en viens à la reconnaissance des parcours syndicaux.
Nous voulons intégrer par ordonnance dans les compétences de la branche la possibilité de signer des accords sur la formation et la reconnaissance des parcours syndicaux. À nos yeux, c’est très important, car le renforcement du dialogue social suppose des acteurs armés pour cela. En outre, j’ai confié récemment à Jean-Dominique Simonpoli, directeur général de l’association Dialogues, une mission pour recenser les pratiques les plus innovantes et avancées des branches et des entreprises en matière de parcours syndicaux et nous faire des propositions opérationnelles, en liaison avec tous les partenaires sociaux, et concrètes dans ce sens. Il rendra ses conclusions dans quelques jours et ces propositions ont vocation à nourrir ce qui sera dans les ordonnances.
Enfin, la discrimination syndicale existe aujourd’hui, même si nous n’avons que peu de données sur le sujet. Ce fait est minoritaire, mais il est très important d’en établir un suivi plus précis et de le faire connaître. Nous allons nous appuyer sur le récent rapport du Comité économique, social et environnemental et voir comment nous pouvons renforcer la connaissance, et donc la prévention, de la discrimination syndicale, qui fait partie des conditions d’un dialogue serein, chacun le comprendra.
Voilà quelques éléments d’éclairage issus de la concertation avec les partenaires sociaux dont je voulais vous faire part pour nourrir vos débats.
Mme Nicole Bricq. Merci !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Madame la ministre, j’ai bien entendu vos explications et vous en remercie. Vous avez précisé un peu le périmètre de cette nouvelle instance, ce comité social et économique. Selon vous, les compétences ne seraient pas diminuées, elle pourrait ester en justice, elle disposerait d’un budget de fonctionnement propre et serait assistée d’une sous-commission pour discuter des questions de santé. Finalement, ce dispositif est un peu compliqué à mettre en place, alors que des instances existent déjà.
Vous dites, à juste titre, qu’il y a aujourd’hui des lieux différents dans lesquels on discute de chacune des compétences de ces différentes instances. Le comité d’entreprise discute plus de stratégie de l’entreprise ; les délégués du personnel débattent plus de points touchant aux conditions de travail des salariés, mais pas sous les aspects de la santé ; le CHSCT aborde tout ce qui concerne la santé et la sécurité au travail.
Certes, ces trois instances sont différentes, mais chacune d’entre elles réunit des représentants du personnel et des représentants de la direction. Vous proposez qu’une seule instance débatte de tous les sujets. J’ai une proposition à vous faire : pourquoi ne pas prévoir une seule réunion, mais avec les trois instances telles qu’elles existent aujourd’hui, qui se mettraient autour de la table pour discuter avec la direction ? Il serait bon que la direction entende ce que chacune a à dire dans une même instance. Le nombre d’élus serait inchangé, car chaque élu a sa spécificité, un représentant au CHSCT n’ayant pas forcément les mêmes compétences qu’un élu siégeant au sein du comité d’entreprise ou des délégués du personnel. D’ailleurs, les formations proposées par les différentes organisations syndicales représentatives dans l’ensemble des entreprises tiennent compte des instances représentatives dans lesquelles siègent leurs mandants pour leur donner droit à une formation. Pourquoi ne vouloir maintenir qu’une seule instance ?
Soit vous maintenez le même nombre d’élus, avec leurs compétences différentes, et dans ce cas, je ne comprends pas bien l’intérêt d’opérer cette fusion ; il serait plus simple d’envisager une seule réunion par mois avec tout le monde. Soit vous décidez de diminuer le nombre de représentants syndicaux qui siégeront dans cette nouvelle instance, et vous en ferez des professionnels de la représentation syndicale. Or ce n’est pas, me semble-t-il, l’orientation que vous comptez prendre. Si l’on veut garantir un véritable dialogue social, il faut que les personnes participant à ces différentes réunions soient encore salariées dans l’entreprise concernée. Puisque vous accordez tant d’importance aux accords d’entreprise, il faut que les salariés aient encore un peu d’emploi dans leur entreprise. En siégeant tous dans cette même instance, les représentants n’auront plus le temps de tout faire.
Madame la ministre, il existe des solutions bien plus simples que celle que vous nous proposez.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour explication de vote.
Mme Gisèle Jourda. Madame la ministre, les propos que vous venez de tenir n’ont pas du tout emporté ma conviction.
M. Jean Desessard. Ni la mienne !
Mme Gisèle Jourda. En effet, je ne vois pas ce que l’on gagne à réunir ces trois instances,…
M. Jean Desessard. Exactement !
Mme Gisèle Jourda. … qui sont efficaces quand on sait les manager.
En ce qui me concerne, au-delà de mon parcours professionnel, j’ai eu à gérer 3 500 salariés, 22 centres, qui dépendaient de secteurs totalement différents, secteur privé, secteur médico-social. En travaillant et, comme il n’existe pas de statut de militant associatif, en prenant sur mon temps, j’ai pu gérer cette grosse entreprise – il s’agissait bien d’une entreprise quelque part – en réunissant toutes ces instances et en étant efficace.
Madame la ministre, effectivement, les représentants au sein de ces trois instances sont parfois différents, mais on avance sur les problématiques développées suivant les spécificités. Mais quelquefois, selon la taille des entreprises, ce sont les mêmes interlocuteurs qui siègent au sein de ces instances. Je ne vois vraiment pas en quoi ce regroupement est une avancée. Pour moi, c’est une véritable régression !
M. Jean Desessard. Absolument !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Chaque instance du personnel a sa vocation et sa spécialité. La volonté de fusionner l’ensemble va certainement poser beaucoup de problèmes. Aujourd’hui, dans les entreprises, les salariés subissent les exigences de plus en plus importantes des clients, l’inflation réglementaire et normative, ainsi que la concurrence et les nouvelles technologies, qui arrivent en force dans la production et imposent de nouvelles organisations du travail.
Le travail est plus dense, plus intense, plus immatériel, mais aussi plus précaire, avec une sollicitation très forte des ressources humaines, et parallèlement, l’apparition de nouveaux maux, de risques psychosociaux, de troubles musculo-squelettiques.
L’existence de CHSCT dans les entreprises est nécessaire, car les questions abordées exigent des représentants une connaissance particulière, une spécialisation, des formations. C’est donc une erreur catastrophique de vouloir supprimer ces instances en les fusionnant dans un même ensemble.
Les comités d’entreprise requièrent aussi une spécialisation, notamment en économie ou dans le domaine budgétaire, qui n’a rien à voir avec le CHSCT. Ils jouent un rôle très important, y compris d’alerte en cas de problème quand il s’agit d’une filiale d’un grand groupe.
Enfin, les délégués du personnel effectuent au quotidien un énorme travail pour faire remonter les difficultés et entretenir le dialogue social. Vous dites vouloir favoriser celui-ci, mais il va être supprimé dans de nombreux domaines si vous fusionnez ces instances.
J’ai l’impression que, si vous allez au bout de votre démarche, le dialogue social s’appauvrira dans l’entreprise, et plus grave encore, au sein des CHSCT, qui sont décisifs. Nous tenons à ces comités ; c’est pourquoi nous nous opposons à la fusion de ces instances représentatives du personnel. (Mme Gisèle Jourda et M. Jérôme Durain applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Il est déraisonnable, et même paradoxal, de vouloir supprimer cet article aussi important. Je comprends que vous ne soyez pas d’accord avec la philosophie qui le sous-tend, mais alors que vous ne cessez d’affirmer depuis le début de la discussion générale que vous récusez la méthode trop rapide du Gouvernement en plein cœur de l’été, vous voulez subitement supprimer un article dont il faut vraiment discuter. (Protestations sur plusieurs travées du groupe CRC.)
De quoi s’agit-il ? Il est question, au travers des institutions représentatives du personnel, de parler à la fois de la gouvernance de l’entreprise – car, selon moi, ce sont des outils de gouvernance – et de l’élévation de la fonction de représentants des salariés, notamment à travers les organisations syndicales qu’ils représentent. Cet article est aussi l’occasion d’aborder la question très importante des moyens qui sont dévolus aux uns et aux autres, en particulier au travers des fonds paritaires. De grâce, ne le supprimez pas !
Il faut débattre et éclairer le Gouvernement sur ce que nous voulons. Mme la ministre explique bien que, si l’on observe l’évolution en dynamique, on a une nouvelle gouvernance de l’entreprise au travers de ce qui rassemblerait les instances de représentation du personnel. Il n’est pas question que ces fonctions ne soient plus représentées. Il y a déjà des entreprises qui pratiquent cette représentation groupée. Je pense, par exemple, à l’entreprise Solvay, qui est un groupe de chimie. Les questions relatives à la sécurité et aux maladies professionnelles sont essentielles dans ce secteur, à tel point que, dans sa lettre aux organisations syndicales sur le compte pénibilité, le Premier ministre a préconisé un traitement spécifique pour les risques chimiques. (M. Jean Desessard s’exclame.) C’est important ! Il ne faut donc pas supprimer cet article. J’en appelle à votre raisonnement, car il faut en parler et si on n’en parle pas maintenant vous ratifierez un dispositif auquel vous n’aurez pas participé. (Mme Éliane Assassi s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Madame la ministre, je vous remercie de votre éclairage. Comme vous l’avez très bien expliqué, la fusion permet un débat stratégique et opérationnel en un même lieu. Dans les entreprises, il est important de travailler ensemble, de réfléchir en commun, surtout de ne pas travailler « en silo ». Il faut faire évoluer le côté un peu gaulois où chacun a son avis dans son coin. Il faut passer à un autre monde, un monde où on travaille ensemble. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.) Encouragez-moi, j’aime bien.
Vous avez décrit le futur comité social et économique qui regrouperait ces trois instances, en assurant que les salariés ne subiraient aucune perte de droits. Il faut le souligner.
Ensuite, vous avez parlé d’une sous-commission au-delà d’une certaine taille. Cela rejoint ce que j’avais dit : faites confiance aux entreprises. Si la nécessité d’un groupe de travail spécifique sur un sujet se fait sentir, s’il vous plaît, ne l’inscrivez pas dans la loi ; laissez les intéressés agir en fonction de leurs besoins.
Permettez-moi de revenir sur le paradoxe pointé par Mme Bricq. Je ne voterai pas moi non plus ces amendements pour les raisons que je viens d’indiquer, mais peut-être y a-t-il derrière la défense enflammée des multiples comités, de bonnes raisons, des intérêts financiers de nombre de représentants ? (Oh ! sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.) Si tout cela était plus transparent, peut-être comprendrait-on mieux certaines positions défendues dans cet hémicycle. (Même mouvement.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame la ministre, vous nous avez dit que sur toutes les travées de cet hémicycle, nous nous intéressions d’abord à la santé et que celle-ci ne devait pas être sacrifiée.
Admettons que ce soit vrai pour tout le monde – à l’exception de M. Cadic, qui, lui, préfère simplifier le dispositif (Sourires sur les travées du groupe CRC.) – et que ce soit l’objectif numéro un du Gouvernement. Vous ne nous avez pas donné d’exemple illustrant en quoi la santé serait mieux défendue dans une seule structure plutôt que dans trois. Vous avez évoqué un exemple en précisant qu’il y en avait bien d’autres. Quels sont ces « bien d’autres » que vous connaissez et que, nous, nous ne connaissons pas ?
Quels sont les exemples montrant que le fait d’avoir une seule structure permet de s’occuper davantage de la santé des travailleurs ? Comment ne pas être sceptique quand vous dites qu’une seule structure qui s’intéresse à l’économie de l’entreprise, à la gouvernance, s’occupera mieux des problèmes de santé qu’une structure spécifique qui a l’habitude de traiter ces dossiers et dont les membres sont en relation avec d’autres entreprises pour comparer les conditions de travail, s’interrogent et prennent des informations dans des revues spécialisées et auprès du corps médical pour savoir si telle organisation dans l’entreprise ne va pas créer des problèmes de santé ?
Vous nous dites que dès qu’on s’occupe d’économie on a réponse à tout, mais vous ne nous avez pas montré en quoi le rassemblement de ces trois structures serait plus efficace !
Si, comme vous l’avez dit, monsieur Cadic, il ne faut pas travailler en silo, il serait simple d’établir que les conclusions de toute réunion du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions travail seront portées à la connaissance du comité d’entreprise. En revanche, je ne vois pas en quoi faire disparaître une structure dont le rôle est de s’occuper de la santé, des conditions de travail et précisément de tout ce qui porte atteinte à la santé des travailleurs permettra d’être plus efficace en matière de santé.
Si votre objectif est de permettre aux entreprises d’être plus rentables économiquement et de faire disparaître des structures qui coûtent cher, on peut convenir avec vous de l’intérêt de cette suppression…
Mme Éliane Assassi. Pas forcément !
M. Jean Desessard. Mais si la santé est votre préoccupation première, il faut surtout maintenir ces trois structures distinctes.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. L’argument principal de Mme la ministre, qui paraît effectivement cohérent, consistait à dire que beaucoup de décisions économiques ont un effet immédiat sur la santé. Dans votre raisonnement, il paraît donc plus logique d’avoir une seule instance permettant de disposer d’une vision globale puisque chaque décision, qu’elle soit économique ou sociale, peut avoir un effet sur la santé.
Mais il s’agit d’une construction intellectuelle, que l’on peut complètement retourner si on suit le raisonnement de Mme Annie David. Des réunions conjointes des différentes instances permettraient de mettre en commun leurs compétences, leurs spécificités, leur savoir-faire et d’avoir ainsi une vision globale pour prendre ou indiquer des décisions respectant tous les impératifs : économiques, sociaux, de santé, etc. Or ce n’est pas ce que vous proposez.
Ce débat a eu lieu dans d’autres domaines. Je m’occupais des questions liées à la culture et aux médias lorsque s’était posée la question de la coexistence du Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, et de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP. Alors que certains s’offusquaient qu’on s’oppose à leur fusion, j’avais tout de suite compris que la conséquence en serait que l’économie, avec la puissance de ses réseaux et de ses intérêts, aurait dicté ce qui est bon pour la culture.
Tel est le rapport de force qui caractérise la société. Ne faisons pas comme si nous étions dans un monde idéal où tout le monde fait prévaloir l’intérêt général.
De la même façon, vous ne me ferez pas croire que l’on s’occupera mieux de santé parce qu’il y aura une seule instance. Ce n’est pas vrai ! Il est évident qu’un organe spécifique composé de gens formés sur les sujets de santé et disponibles pour les suivre sera forcément plus efficace.
Nous sommes favorables à la suppression de l’article 2, même si des amendements de repli sont présentés, car nous voyons bien ce qui se passe quand nous débattons plus avant. Hier, le groupe La République en marche, qui soutient le projet du Gouvernement, a voté l’article 1er amendé par la droite.
M. le président. Merci, mon cher collègue !
M. David Assouline. Or dans cet hémicycle, la droite « droitise », et l’on a bien vu ce qu’était devenu l’équilibre tant vanté de ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Yonnet, pour explication de vote. Je vous remercie de bien vouloir respecter votre temps de parole, ma chère collègue.
Mme Évelyne Yonnet. Beaucoup de choses ayant été dites, notamment sur le CHSCT, permettez-moi de reformuler les choses : l’employeur n’est rien sans ses salariés, et les salariés ne sont rien sans l’employeur. Je crois qu’il est important de le dire.
Les instances que vous dénommez IRP constituent à mes yeux une forme de lien social entre les salariés et l’employeur, et elles montrent qu’une forme de démocratie s’installe dans l’entreprise, où par ailleurs les rapports de force semblent aujourd'hui prévaloir.
Les choses changent, le monde bouge et les entreprises se développent. Chacun y joue son rôle. Si DP et CE sont différents, ils peuvent se regrouper, le CHSCT a un rôle très spécifique.
Il est d’abord le seul à faire le lien avec le médecin du travail. Vu à quoi on l’a réduite, il peut sembler difficile de continuer à parler de médecine du travail, mais le CHSCT assure tout de même une forme de prévention, et ses membres y sont formés.
Il constitue donc la seule instance qui ne peut pas être regroupée avec le CE – d’ailleurs, personne ne parle du comité central d’entreprise, le CCE, qui a beaucoup plus de prérogatives que le CE. Le CHSCT a un rôle spécifique, et je ne vois pas ce qu’il irait faire à défendre les droits du personnel, le milieu économique de l’entreprise ou son développement et à voter des rapports. J’entendais d’ailleurs ce matin à la radio que la CFTC commence à tiquer sur ce sujet.
Je crois qu’il faut revoir votre position, madame la ministre. Il ne sert à rien de remplacer le CHSCT par une sous-commission. De plus, cela risque d’entraîner d’autres demandes. Il faut vraiment le séparer des autres instances représentatives du personnel pour faire de la prévention et permettre le lien avec le médecin du travail, qui, je le rappelle, a un rôle très important puisqu’il revoit l’employeur et donne chaque année un rapport qui est voté par les membres du CE et du CCE. L’entreprise ne pourra pas évoluer si le CHSCT est réduit à ce que vous appelez des IRP avec les DP et le CE.
Pour toutes ces raisons, madame la ministre, je vous demande solennellement de revoir votre position. (Mme Odette Herviaux applaudit.)
Mme Laurence Cohen. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. L’histoire du progrès social et économique est une suite ininterrompue de textes qui ont cherché à améliorer les conditions de travail – sur la durée du temps de travail, sur la qualité et la santé au travail –, et l’aboutissement de ce progrès dans notre droit national est le CHSCT.
Monsieur Cadic, fidèle à votre versant très libéral, vous nous avez dit que ce n’étaient que des intérêts particuliers qui étaient en jeu. Je pense qu’il faut universaliser le propos, parce que, disant cela, vous ne pouvez qu’être naïf ou indifférent.
Mme Annie David. Certainement !
M. Jérôme Durain. Nous discutions il y a quelques mois d’une proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre visant à améliorer les conditions de travail à l’autre bout de la planète. Lorsque nous cherchions par exemple à vérifier que la chaîne de sous-traitance protégeait des ouvriers au Bangladesh menacés de périr dans la destruction d’immeubles à moitié désaffectés, il me semble que notre propos et notre intention étaient universels et non au service de petits intérêts médiocres. (M. Guillaume Arnell opine. – M. Jean Desessard applaudit.)
Si l’on s’en tient à l’idéal que vous défendez, celui de l’autorégulation, il se passe ce que l’on constate par exemple au Bangladesh ou dans la Silicon Valley.
Dans la société Twitter, on vous explique par exemple que prendre ses congés n’a pas d’intérêt, mais que c’est un sujet « cool ». Si on veut les prendre, il suffit d’aller voir son manager pour lui dire qu’on part en congé. Le problème, c’est que ça n’arrive pas, parce que la subordination est une réalité dans tous les domaines de l’activité économique. Les contraintes économiques écrasent toutes les autres considérations.
Ne pas sanctuariser les questions d’hygiène, de sécurité et de santé au travail, c’est risquer de les subordonner définitivement aux questions économiques. Celles-ci ont certes leur légitimité, mais ce serait inverser les valeurs que nous voulons protéger. Ces questions méritent d’être traitées à part, parce que, comme l’a dit ma collègue Évelyne Yonnet, quand on soigne son capital humain et qu’on a des salariés motivés et intéressés par leur travail, qui l’exercent dans de bonnes conditions, ils sont plus productifs, et tout le monde gagne à ce qu’ils ne soient pas soumis aux seules considérations économiques immédiates. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. Ronan Dantec. Chacun connaît l’adage populaire qui dit que la santé n’a pas de prix. Cet adage devrait vous guider dans ce débat. Par extension, on pourrait presque dire que le CHSCT, lui non plus, n’a pas de prix eu égard au fonctionnement de l’entreprise.
Je ne comprends pas comment fonctionne le système qui nous est proposé, si ce n’est que celui-ci inclura peut-être des sous-groupes. Nous vous donnons les clefs pour légiférer par ordonnances donc nous ne reviendrons pas sur ces questions, mais concrètement, en comité d’entreprise, entre la discussion sur le chèque vacances et une autre du même ordre interviendra la discussion sur des risques importants dans l’entreprise. Cela ne peut fonctionner. Le CHSCT est un vrai progrès social.
Sur des sujets tels que l’amiante, dont nous discutons beaucoup actuellement, la loi sur les lanceurs d’alerte, qui a été portée par le groupe écologiste au Sénat (M. Jean Desessard applaudit.), visait justement à éviter les risques. Or vous êtes en train de remettre le risque au cœur de l’entreprise.
M. Jean Desessard. Exactement !
M. Ronan Dantec. Il faut un lieu de sérénité, un lieu où on peut discuter des heures s’il le faut pour trouver une solution face à un risque ou une pénibilité identifiés. Cela fonctionne, et il faudrait même plutôt renforcer le CHSCT.
Peut-être êtes-vous nostalgique d’un temps de luttes sociales brutales où il n’y avait aucune cogestion dans l’entreprise, mais vous êtes en train de mettre en place un système dans lequel les lieux de régulation seront affaiblis, entraînant le retour à des luttes sociales et à des affrontements plus importants.
Je n’avais pas le sentiment que c’était la proposition initiale du Président Macron, mais c’est vers cela que vous allez.
Comme l’on dit mes collègues à l’instant, il est encore temps que la raison l’emporte, et que l’on sanctuarise – je reprends le mot car c’est le « vrai » mot –, le CHSCT, que l’on renforce ses moyens afin que ce lieu de sérénité – j’insiste sur ce terme –, dégagé des autres jeux internes de l’entreprise, que ce soit les rapports de force en l’absence de syndicats et évidemment l’ensemble des questions économiques, soit préservé. Sans cela nous régressons, et la régression nous amènerait demain à plus d’affrontements directs dans l’entreprise. Il ne me semble pas que c’était la vision de la société que vous défendiez. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Madame la ministre, pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Vous proposez de fondre le CHSCT dans une instance unique avec trois composantes, puis de créer une commission au sein de cette instance. Cela ne me paraît pas très opérationnel.
Les CHSCT fonctionnent aujourd’hui, et s’il y a des frustrations – les salariés siégeant dans les CHSCT que je rencontre régulièrement me confirment qu’il y en a effectivement –, c’est parce qu’il manque des médecins et des inspecteurs du travail et que les problèmes que les CHSCT relèvent et font remonter ne sont malheureusement pas bien pris en compte aujourd’hui.
À M. Cadic, je répondrai que la ficelle est un peu grosse ! Mon cher collègue, vous êtes chef d’entreprise, nous le savons, et vous trouvez bien de fondre le CHSCT, qui peut parfois quelque peu embêter les patrons en posant des questions que vous préféreriez ignorer, dans une instance stratégique.
Permettez-moi simplement de vous faire remarquer que c’est contre-productif du point de vue de la compétitivité même de l’entreprise. Je ne fais pas que l’affirmer, je le prouve : une étude du cabinet APICIL Mozart Consulting indiquait récemment que le coût global du mal-être au travail se monte à 12 600 euros par an et par salarié du privé pour l’entreprise.
M. Jean Desessard. Et pour la société !
M. Dominique Watrin. Le fait de ne pas vouloir s’attaquer spécifiquement à ces problèmes est donc contre-productif, car si 2 500 euros sont liés à des coûts incompressibles – arrêts de travail, etc. –, 10 100 euros pourraient être économisés par les entreprises si seulement elles prenaient en compte ce que cette étude appelle le désengagement salarié-employeur, qui peut se traduire par des arrêts causés par une charge de travail trop lourde, par des burn out, par des problèmes de santé et de sécurité ou du fait d’une perte de sens au travail, d’un manque de reconnaissance, d’information, de dialogue social, d’un isolement ou de conditions de travail dégradées.
Une meilleure prise en compte des conditions de travail peut donc faire économiser quelque 10 000 euros par salarié, par an et par entreprise. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Jean Desessard applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Permettez-moi de répondre à Mme Bricq, qui prenait l’exemple de l’entreprise Solvay pour montrer que dans un secteur comme la chimie, les représentants du personnel sont capables de se mettre d’accord et de réunir leurs instances, dont le CHSCT.
Cela peut se faire. Une entreprise et des organismes peuvent décider de réunir régulièrement leurs instances ensemble. De ce point de vue, la proposition de Mme David me paraît frappée au coin du bon sens.
En revanche, le Conseil d’État lui-même s’étonne dans son avis que vous rendiez cela obligatoire. Si dans certains cas un accord majoritaire peut déboucher sur une unification des instances, vous qui vous présentez comme un gouvernement favorable à la négociation sociale rendez impossible le maintien des différentes structures.
Il est totalement contradictoire que ce soit le seul sujet sur lequel les salariés n’ont pas le droit de négocier, et ce parce que vous voulez qu’il y ait moins de représentants des syndicats et du personnel dans les entreprises, de la même manière que vous voulez moins d’élus locaux et moins de parlementaires.
C’est une philosophie du pouvoir qui vise à renforcer en permanence l’exécutif, le décideur par rapport à ceux qui interviennent dans ce qu’on appelle les parties et qui doivent décider dans une entreprise comme dans la société. C’est cette philosophie-là, qui entend concentrer le pouvoir et les structures, qui n’est pas souhaitable parce que la logique économique et l’hypervigilance en matière de santé et de sécurité poursuivent des objectifs divergents.
Je voudrais savoir ce qu’en pense M. Hulot, qui, lors d’une récente audition au Sénat, soulignait l’importance de la santé environnementale, et qui sait à quel point les enjeux sont importants dans le travail : produits chimiques, poussières fines, etc. Il y a d’énormes enjeux environnementaux. Il y a même d’énormes enjeux en termes de sécurité environnementale. Or le CHSCT est un lieu de vigilance collective en plus d’être celui de la prévention,…
M. Jean Desessard. Bravo ! J’approuve !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … et vous allez le noyer dans une commission !
À l’adage populaire de M. Dantec, je répondrai que, quand on veut noyer un problème, on crée une commission. Vous nous proposez de tout resserrer et de créer une commission. Eh bien non, madame la ministre, non et non ! (Mme Evelyne Yonnet applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Je voudrais poser une question à Mme la ministre. Nous voyons bien que deux objectifs se confrontent et parfois se contredisent : un objectif de mise en commun du travail de l’ensemble des représentants du personnel dans leurs différentes fonctions, et un objectif, qui me paraît aujourd’hui essentiel, de préservation d’un travail spécifique sur les problèmes de santé qui prennent de plus en plus d’importance et de gravité dans les entreprises.
Vous avez entrouvert une porte, madame la ministre, en évoquant la possibilité de créer au sein du nouvel organe fusionné une sous-commission qui serait en charge des compétences actuelles du CHSCT.
Pourquoi le Gouvernement ne prend-il pas l’engagement de rendre la constitution de cette cellule à l’intérieur du grand ensemble obligatoire et de droit ? Les objectifs d’unité du travail et de traitement spécifique de la santé seraient ainsi tous deux remplis.
J’ajoute une autre question : quid du nombre des représentants dans cette instance ? Vous pourriez également prendre l’engagement que les textes prévoient le maintien du nombre des délégués du CHSCT. (M. Jean Desessard et Mme Dominique Gillot applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le cœur du sujet, c’est que nous croyons que lorsqu’il est à la fois social et économique, le dialogue apporte de la valeur.
J’ai cité deux exemples, celui de la prévention des risques psychosociaux et, plus rapidement, celui des fusions-acquisitions. Je voudrais vous en donner deux autres.
Le cœur du sujet est la valeur ajoutée dans le dialogue par la possibilité de parler à la fois de l’économique et du social.
Je prendrai d’abord un exemple très quotidien : un salarié saisit son délégué du personnel pour lui faire part de ses difficultés de santé pour continuer à travailler en équipe. Cela arrive tous les jours dans l’entreprise.
Actuellement, le délégué du personnel va poser la question à l’employeur pour essayer d’avoir une réponse individuelle. Et cela s’arrête là, alors que dans la même entreprise, plusieurs personnes peuvent rencontrer le même type de difficultés. Avec le comité social et économique, cette question sera traitée individuellement dans le respect du secret médical, mais l’aspect organisationnel, qui ne concerne jamais une seule personne, pourra également être pris en compte. Les aspects touchant à l’organisation et à la qualité de vie au travail pourront susciter des réflexions qui iront plus loin.
L’un des sujets récurrents lorsqu’il y a une personne handicapée dans une équipe est de savoir si les aménagements doivent concerner uniquement la personne handicapée ou si cela peut être l’occasion de revoir les conditions de travail, les horaires, l’organisation et les questions de qualité. Or ce n’est pas la même instance qui peut décider d’aménagements individuels ou plus larges.
Ce type de sujet est quotidien dans les entreprises, et le fait de pouvoir associer les deux volets permettra d’aller plus loin sur la prévention, sur l’organisation.
D’ailleurs, je constate que de nombreux pays européens, qui en général n’ont qu’une seule instance, obtiennent de meilleurs résultats que nous en matière de sécurité au travail. Celle-ci n’est donc pas liée au nombre d’instances, mais à la manière dont elles travaillent, à ce qu’on met sur la table, au pouvoir de discussion et de négociation et au degré d’engagement aussi bien de l’employeur que des représentants du personnel.
Le second exemple que je voudrais donner est personnel. Je vous prie de bien vouloir m’en excuser mais, ayant quelque expérience en matière de ressources humaines, j’ai forcément pas mal d’exemples.
Il y a une dizaine d’années, le groupe dont j’étais directrice générale des ressources humaines a mis en place grâce à une négociation mondiale une protection sociale pour l’ensemble des 100 000 salariés dans le monde ; 60 000 d’entre eux n’avaient alors pas de protection sociale, ou une protection très faible, ou encore celle-ci était-elle parfois réservée aux cadres. Même en France, il y avait un certain nombre de disparités.
Pourquoi était-il important de ne pas en faire simplement une discussion sociale ? Si cela avait été le cas, le coût aurait dissuadé une grande partie des directeurs des cent filiales concernées. En matière d’avancée sociale, il y a toujours environ un tiers d’opinions favorables. Mais les autres directeurs n’auraient pas été convaincus et n’auraient vu dans cette mesure qu’un coût supplémentaire. L’économique et le social auraient été en conflit.
Nous avons raisonné en intégrant les dimensions économique et sociale. Cela renvoie d’ailleurs au rapport que vous évoquiez, monsieur le sénateur. En mesurant les résultats grâce à des indicateurs sociaux et économiques, nous avons pu apprécier qu’une meilleure protection sociale permettait non seulement – et c’est le plus important – de sauver des vies, mais aussi de faire baisser l’absentéisme et d’augmenter le taux d’engagement.
De manière générale, cette mesure, qui concerne tous les pays du monde dans l’entreprise Danone, perdure, et ce quoi qu’en pensent les gens. Grâce à l’articulation entre le social et l’économique, nul n’est besoin pour la soutenir d’être militant. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) L’OIT s’est d’ailleurs saisie de ce sujet et en a fait un exemple. Celui-ci est actuellement suivi par 300 entreprises dans le monde, et l’OIT a engagé une réflexion pour montrer que le fait de raisonner sur les plans social et économique apportait à la fois du progrès social et la performance économique.
Des exemples comme celui-ci, des DRH et des syndicalistes m’en ont donné beaucoup d’autres. Faites confiance aux acteurs, ils vont trouver des idées qui apportent de la valeur. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes La République en marche et Union Centriste et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Il y a 194 ou 195 pays dans le monde, et nous avons coutume de dire que parmi ces pays, certains ont des équipements ou les institutions que nous n’avons pas et réussissent mieux que nous. Sur les 194, on trouvera toujours un pays susceptible de nous montrer le chemin.
Pour avoir enseigné pendant quelques années aux Marquises, je peux dire qu’il n’y avait pas beaucoup de cancers. Il n’y avait pas non plus de CHSCT. C’est donc grâce au fait qu’il n’y avait pas de CHSCT qu’il n’y avait pas beaucoup de cancers aux Marquises ! (Rires.) Ce type de raisonnement m’irrite un peu.
De la même façon, 95 % des gens meurent au lit. Le lit est-il pour autant un endroit dangereux ? (Rires. – Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – M. Jean Desessard applaudit également.) Cela me paraît assez rapide comme type de raisonnement !
De façon un peu égoïste, je n’ai pas trop envie de mélanger les couleurs des cartons de vote. C’est toujours un travail extrêmement difficile, et un scrutin public étant demandé sur ces amendements, j’aimerais l’éviter.
Lors des travaux de la commission des affaires sociales, le groupe socialiste a préféré, plutôt que d’évacuer l’ensemble de l’article 2, discuter alinéa par alinéa et donner son opinion sur chacun.
Par conséquent, je suis un peu ennuyé. Normalement, nous devrions voter contre l’amendement en nous réservant de dire combien nous sommes opposés à l’idée de fusionner totalement les instances représentatives du personnel. Mais il faudrait pour cela que nous nous concertions un peu. C’est la raison pour laquelle, monsieur le président, je sollicite une brève suspension de séance.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 rectifié bis, 55 et 73 rectifié bis.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 130 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 273 |
Pour l’adoption | 43 |
Contre | 230 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 137 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Au début de cet article
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 3121-27 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3121-27. – La durée légale du travail des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine civile ou par toute autre période de sept jours consécutifs. Cette durée est fixée à trente-deux heures à compter du 1er janvier 2021. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Le débat relatif à la durée légale hebdomadaire du travail est au moins autant philosophique qu’économique. Quelle société voulons-nous ? N’en déplaise à l’ancien Premier ministre qui fustigeait « la société du farniente », le droit au temps libre est inscrit dans l’ADN du courant de pensée émancipateur auquel nous adhérons.
Tout d’abord, je tiens à faire remarquer que, y compris à droite, l’idée des 32 heures rémunérées à équivalence temps plein a fait du chemin. Elle a même été appliquée : on peut penser à la loi Robien de 1996, qui, en l’échange d’exonération de cotisations sociales, permettait aux entreprises d’appliquer les 32 heures. C’est ainsi que des sociétés comme la Macif, Fleury Michon ou Télérama avaient sauté le pas.
À l’étranger, ce sont des grands patrons comme Carlos Slim ou Larry Page, patron de Google, qui ont défendu la semaine des 32 heures, laquelle est à même de favoriser à la fois l’émancipation humaine et les mutations économiques.
En effet – on en vient au pur débat économique –, l’augmentation du temps libre est aussi une chance pour le développement de nouvelles activités économiques.
Toutefois, pour appréhender concrètement l’intérêt des 32 heures hebdomadaires payées 35, il faut dresser un portrait précis de la société : la productivité par travailleur augmente en permanence, tout comme le chômage de masse. Par principe, la consommation et les besoins ne sont pas infinis, ce qui implique, à terme, la raréfaction de l’emploi.
Un nouveau partage du temps de travail nous semble donc le meilleur moyen de lutter efficacement contre le chômage tout en maintenant le niveau de productivité par travailleur. C’est notamment le raisonnement qu’a suivi la Suède pour appliquer les 32 heures, après une première expérimentation par Toyota en 2002. Le résultat est clair : cette réforme a permis une progression de la consommation intérieure et une réduction du taux de chômage.
Enfin, je citerai un dernier élément, qui est régulièrement oublié par les détracteurs de la réduction du temps de travail hebdomadaire : ses vertus pour la santé des travailleurs, et donc pour la santé financière de la sécurité sociale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Avis défavorable.
Je rappelle que la durée légale n’est pas une durée maximale du travail, mais le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. (Mme Stéphanie Riocreux opine.)
De plus, je porte la précision suivante à la connaissance du Sénat. Au cours des quarante-huit réunions de concertation que nous avons menées, aucun des partenaires sociaux, qu’il s’agisse des organisations patronales ou des organisations syndicales de salariés, n’a érigé en priorité la révision de la durée légale du travail, à la hausse ou à la baisse : il ne s’agit pas d’une demande sociale ou patronale.
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 131 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 21 |
Contre | 317 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 9 rectifié, présenté par Mme Lienemann, M. Duran, Mme Jourda, M. Labazée, Mme Yonnet et MM. Mazuir et Montaugé, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer les mots :
de mettre en place une nouvelle organisation du dialogue social dans l’entreprise et
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié est retiré.
L'amendement n° 199, présenté par MM. Vanlerenberghe et Cadic, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
salariés de droit privé
par les mots :
employeurs et aux salariés mentionnés à l’article L. 2211-1 du code du travail
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Un amendement similaire a été déposé au titre de l’article 1er, qui a été débattu hier. Je considère donc que le présent amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission n’est pas certaine que, comme l’annoncent leurs auteurs, cet amendement soit de nature purement rédactionnelle. En effet, il semble étendre le champ d’habilitation de la réforme des IRP aux salariés de droit privé travaillant dans les établissements publics industriels et commerciaux, les EPIC, et dans les établissements publics à caractère administratif, les EPA.
Je me tourne donc vers Mme la ministre pour savoir si ces structures étaient déjà incluses dans le projet de loi initial. La commission se rangera à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Monsieur le rapporteur, je vous confirme que, en l’état actuel du code du travail, tous les salariés disposant d’un contrat de droit privé sont concernés par ces dispositions : les EPIC et les EPA sont donc bien inclus.
Hier, le Sénat a débattu d’un amendement similaire déposé au titre de l’article 1er. Compte tenu des questions qui sont souvent posées, les précisions que le présent amendement vise à apporter nous paraissent utiles, même si elles ne changent rien sur le fond.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. le président. Je suis saisi de vingt-cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 160, présenté par M. Desessard et Mmes Benbassa et Bouchoux, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je vais m’efforcer d’être bref, car, avec mon intervention, s’ouvre un tunnel de vingt-cinq amendements. Je me contenterai d’apporter ma petite lumière pour éclairer la situation dans laquelle nous nous trouvons.
M. François Patriat. Alors, simplement une petite lumière !
M. Jean Desessard. Madame la ministre, pardonnez-moi de sortir du tunnel pour revenir en arrière. (Sourires.) Mais vous ne m’avez pas convaincu.
Mme Nicole Bricq. Cela ne nous étonne pas vraiment !
M. Jean Desessard. Vous avez cité l’exemple de Danone, entreprise où vous avez certainement excellé. Bravo ! Il s’agit bien sûr d’une multinationale : formidable ! Vous avez dit qu’il ne fallait pas opposer l’économique et le social : très bien ! Pour autant, quel est l’intérêt de regrouper les trois instances en question ? Vous ne nous l’avez pas expliqué.
Tout à l’heure, je vous ai demandé des exemples et sur « bien d’autres », je n’ai rien entendu. Mme Tasca vous a posé une question : elle n’a obtenu aucune réponse. Peut-être vous faut-il le temps d’y voir plus clair…
Hier soir, Mme David vous a rappelé qu’en d’autres temps vous aviez défendu les CHSCT. Vous ne nous avez pas expliqué comment, en l’espace de quelques années, vos convictions sur ce sujet ont changé. (Mme Laurence Cohen acquiesce.)
Mme Nicole Bricq. Vous n’avez pas écouté !
M. Jean Desessard. Vous êtes ministre d’un gouvernement qui veut changer. Je comprends donc très bien que vous disiez : « Je pensais cela à une époque, mais, depuis que je suis ministre, je ne le pense plus, puisque j’ai d’autres intérêts à défendre. » Ce serait plus net ! (Mme la ministre lève les yeux au ciel. – M. Henri Cabanel rit.)
Sur ce sujet, il y a la lumière de M. Cadic. Selon lui, on ne demande pas à l’entreprise d’être citoyenne, on lui demande de faire des bénéfices et, pour cela, de mettre un terme aux discussions interminables. Il faut que ça marche ! En marche dans l’entreprise ! (M. Dominique Watrin rit.) C’est sa vocation : de l’économie, et à la société de garantir la santé, la solidarité et tout le restant. Mais l’entreprise, il faut que ça marche ! C’est une logique…
Pour notre part, nous suivons une logique différente. Nous disons que l’entreprise doit être citoyenne. Ainsi, la santé au sein de l’entreprise est un sujet important. On ne doit pas en faire supporter toutes les difficultés à la société, et pour cause, elle n’est pas capable d’assumer cette charge. Essayons d’assurer une prévention dans l’entreprise pour éviter que les problèmes qui s’y posent ne se répercutent dans la société.
Voilà pourquoi nous demandons que soient effectivement mises en œuvre non seulement des solutions face aux risques, mais aussi des mesures de prévention. Or le meilleur moyen pour atteindre ce but, c’est de maintenir un comité spécifique qui s’intéresse aux questions de santé.
Madame la ministre, telle est la petite lumière que je souhaitais apporter. Il faut choisir entre, d’une part, la proposition résolument libérale que M. Cadic a exposée et que vous soutenez, et, d’autre part, le principe de solidarité, que nous, nous défendons en demandant le maintien du CHSCT.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 74 rectifié est présenté par M. Antiste et Mme Jourda.
L'amendement n° 101 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l’amendement n° 74 rectifié.
M. Maurice Antiste. Monsieur Desessard, la politique ne doit pas être caricaturale !
Sous l’apparence d’une simplification, la création d’une instance unique de représentation des salariés conduit à remettre en cause le droit fondamental des salariés. Elle permet la suppression pure et simple des délégués du personnel, du comité d’entreprise et du CHSCT. Voilà pourquoi cet amendement de repli tend à supprimer l’alinéa 2 du présent article.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l'amendement n° 101.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, le 17 juillet dernier, vous avez déclaré que le comité social et économique, future instance fusionnant les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT, compterait moins de membres que l’ensemble des trois instances actuelles.
Pour une fois, le Gouvernement nous donne une information quant aux résultats de la concertation avec les syndicats ! Nous prenons donc acte des arbitrages ministériels au sujet de cette instance unique.
Certes, le nombre de représentants du personnel n’est pas l’alpha et l’oméga, surtout si les compétences et les moyens de l’instance résultant de la fusion sont réduits. Mais, malgré tout, cette mesure pose problème. Nombre d’orateurs vous l’ont dit et répété, notamment en demandant la suppression de cet article.
Le présent article revient sur les acquis du mouvement social et prive les salariés des outils nécessaires à leur défense que sont actuellement le comité d’entreprise, le CHSCT et les délégués du personnel, auxquels il faut ajouter les délégués syndicaux que le Gouvernement souhaite voir disparaître par accord de branche ou d’entreprise.
En définitive, je le sais, vous pensez que nous répétons les mêmes choses en boucle. Mais je dois vous dire que, moi non plus, je ne suis pas du tout convaincue par vos arguments.
M. François Patriat. C’est parce que vous ne voulez pas les entendre !
Mme Laurence Cohen. Depuis le début, vous nous dites : « Faites-nous confiance. Ne vous inquiétez pas, cela va bien se passer. » Mais, parmi les questions que nous vous posons, aucune n’obtient de réponse à même de nous convaincre, ou, au moins, de nous faire réfléchir.
Vous en restez au projet de loi initial. Vous ne démontrez rien et, aux parlementaires comme aux salariés, consultés au cours d’une négociation qui, en définitive, semble assez asymétrique, pour ne pas dire dissymétrique, vous demandez tout simplement de vous signer un chèque en blanc ! Vous comprenez bien qu’un tel fonctionnement n’est pas acceptable.
Votre exposé des faits gomme totalement les liens de subordination et les rapports de classes qui s’observent au sein des entreprises : l’existence d’intérêts différents a conduit, lors de conflits sociaux, à la création de chaque organisme de représentants du personnel. Ces instances ont permis de répondre à des besoins spécifiques exprimés par les salariés.
Vous balayez tout cela d’un revers de main et, sous couvert de renforcer le dialogue social, vous gommez tout dialogue social !
M. le président. L'amendement n° 29 rectifié, présenté par MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
Fusionnant
par le mot :
Regroupant
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. À propos de la délégation unique du personnel, la DUP, le présent amendement vise à remplacer le mot « fusionnant » par le mot « regroupant ». Au-delà de l’aspect sémantique, la différence entre les deux termes est considérable.
Les DUP concernent plus de 60 % des entreprises de 50 à 200 salariés disposant d’une instance représentative du personnel. D’après la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, 24 % des entreprises de 200 à 300 salariés ont une DUP.
Dans les entreprises de plus de 300 salariés, un accord collectif majoritaire peut déjà procéder au regroupement des instances représentatives du personnel, qu’il s’agisse de deux d’entre elles ou des trois. L’instance ainsi créée exerce l’ensemble des attributions des institutions qu’elle regroupe en leur lieu et place.
Dans les entreprises de moins de 300 salariés, en application du code du travail issu de la loi du 17 août 2015, l’employeur peut mettre en place une DUP en y incluant le CHSCT. Mais il s’agit d’un regroupement et en aucun cas d’une fusion. Au sein de la DUP, chaque institution – délégués du personnel, comité d’entreprise et CHSCT – conserve ses attributions.
Or la fusion ici proposée apparaît comme une contrainte, et non comme une possibilité offerte aux entreprises. Elle risque fort d’aboutir à une confusion, avec des ordres du jour pléthoriques.
Avec le terme « fusionnant », les prérogatives de chaque institution ne seraient plus garanties. Bien entendu, la question des moyens est posée. Elle a d’ailleurs été immédiatement soulevée. Par exemple, les crédits d’heures seront-ils eux aussi fusionnés ? Chaque entreprise est différente, et ce au sein de chaque secteur d’activité. Il convient de respecter ces diverses identités : chaque entreprise doit pouvoir mettre en place les modalités de dialogue et de négociation collective qui lui conviennent.
Enfin, il s’agit là d’un problème majeur pour les compétences primordiales exercées par le CHSCT dans l’intérêt des travailleurs présents dans l’entreprise, qu’ils soient salariés de celle-ci ou mis à disposition d’une entreprise extérieure.
En 2015, le nombre de journées d’incapacité temporaire a atteint 40 millions. Cette même année, on a déploré 545 décès par accident du travail. Par rapport à l’année précédente, ce chiffre était en hausse de 2,8 %.
Cette situation interdit que le CHSCT soit automatiquement et autoritairement dilué dans un organisme pléthorique. Ce comité doit garder sa spécificité, sa capacité d’alerte et d’analyse. Il doit conserver sa personnalité morale, la capacité à ester en justice. Enfin, il doit pouvoir recourir à des expertises spécifiques avec un financement dédié.
M. Martial Bourquin. Excellent !
M. le président. L'amendement n° 210 rectifié bis, présenté par MM. Assouline et Durain, Mme Guillemot, M. Montaugé, Mme Lepage, M. Roger, Mme Blondin et M. Cabanel, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
Fusionnant
par les mots :
Expérimentant, par accord majoritaire, la fusion
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Il s’agit d’un amendement de repli, que nous défendons même si, pour beaucoup d’entre nous, nous restons opposés à l’ensemble de cet article. Pour ma part, l’évolution de nos débats me conforte dans mon opposition à la fusion proposée.
Madame la ministre, Catherine Tasca a exprimé une demande très concrète : que la sous-commission chargée de la santé, que vous avez évoquée, soit clairement déclarée obligatoire, et que le nombre de représentants ne soit pas réduit par rapport à aujourd’hui.
Nous n’avons même pas obtenu l’esquisse d’une réponse. Pourtant, cet engagement aurait été facile à formuler. Le travail parlementaire permet précisément de dissiper les intentions mal comprises.
Vous nous affirmez que le Gouvernement ne veut en aucun cas mettre de côté la question de la santé ; vous ajoutez qu’il sera même possible de créer des sous-commissions, qu’en la matière votre texte a pour seul but d’assurer une vision d’ensemble, d’harmoniser les décisions économiques incluant les questions de santé.
Tout cela, nous l’avons entendu ! Mais, lorsque nous demandons que toutes ces dispositions soient inscrites noir sur blanc, lorsque Mme Tasca vous pose, à cette fin, une question précise, vous ne répondez pas, et pour cause : vous ne voulez pas garantir le maintien du nombre de représentants dans la nouvelle instance. Vous ne voulez pas admettre que l’objectif du Gouvernement est également de réduire le nombre de délégués, ce que demandent d’ailleurs M. Gattaz et le MEDEF.
À l’évidence, votre but n’est pas seulement de rationaliser la prise en compte, dans les entreprises, des problèmes d’hygiène et de santé au travail.
Au travers de cet amendement de repli, nous proposons que la fusion ne soit menée qu’à titre expérimental et après accord majoritaire des syndicats.
Si vous vous opposiez également à cette mesure, cela signifierait que les intentions ayant présidé à la rédaction de cet article n’étaient pas celles que vous nous avez exposées. Cet amendement est en effet conforme à la pratique, que vous encouragez, d’expérimentations suivies d’une analyse des résultats, en préalable à la prise de décision.
Je vous demande donc de vous prononcer favorablement sur cet amendement, mais également de répondre à Mme Tasca.
M. le président. L’amendement n° 30 rectifié, présenté par MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après la première occurrence du mot :
instance
insérer les mots :
, sauf accord déterminant les conditions dans lesquelles plusieurs institutions représentatives du personnel sont maintenues au sein de l’entreprise,
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Il est curieux de présenter en même temps l’amendement principal, qu’il me paraît souhaitable d’adopter, et cet amendement de repli.
On prône ici la liberté de négociation, l’accord collectif, l’accord d’entreprise, mais pour les instances représentatives du personnel, il n’y a pas le choix. L’obligation est faite à tous de se caler sur le même modèle et de fusionner l’ensemble de ces institutions.
Il vous est donc proposé ici, dans le cas où le premier amendement ne serait pas adopté, de laisser un accord décider de regrouper ou non l’ensemble des instances représentatives du personnel.
M. le président. L'amendement n° 102, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après la première occurrence du mot :
et
insérer les mots :
, dans les entreprises de moins de cinquante salariés,
Cet amendement est retiré.
L’amendement n° 103, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
travail
insérer les mots :
, en préservant l’ensemble des commissions obligatoires existantes des comités d’entreprise,
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Une nouvelle fois, on ne peut que relever le hiatus entre l’ambition que vous affichez et les moyens que vous mettez en œuvre. Ainsi, en fusionnant les institutions de représentation du personnel, vous supprimez de facto les commissions obligatoires incluses dans les comités d’entreprise.
Comment pouvez-vous justifier, madame la ministre, la suppression de la commission de la formation professionnelle et de l’emploi alors même que la montée en charge des besoins en connaissances et en qualifications est importante, au vu des évolutions technologiques constantes ?
Comment pouvez-vous également justifier la suppression de la commission de l’égalité professionnelle, alors même que les différences de rémunération et d’évolution de carrière entre les sexes sont toujours plus élevées ?
Enfin, comment pouvez-vous justifier la suppression de la commission d’information et d’aide au logement, quand l’accès à la location et à la propriété est vital, mais de plus en plus difficile, au vu de la stagnation des salaires, de l’envolée des prix et de la pénurie de logements sociaux.
Ainsi, vous proposez de supprimer des commissions nécessaires à l’accès aux informations pour les salariés comme à la tranquillité des employeurs, lesquels, en jouant le jeu de la transparence, étaient insoupçonnables.
Ces groupes de travail ont montré depuis leur création toute leur expertise et leur capacité à aiguiller les comités d’entreprise.
M. le président. L’amendement n° 207 rectifié, présenté par Mme Lamure, MM. Allizard, Bas, Bonhomme, Buffet, Calvet, Cambon, Cantegrit, Chaize, Charon, Chatillon, Commeinhes, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud, Dassault, Delattre et del Picchia, Mmes Deromedi et Di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Estrosi Sassone, MM. Fontaine, J.P. Fournier, Frassa, Genest, Grand, Gremillet, Huré, Joyandet, Kennel, Laménie, D. Laurent et Lefèvre, Mme Lopez, MM. Magras, de Legge, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mme Mélot, MM. Nougein, de Nicolaÿ, Panunzi, Pierre, Pintat, Pointereau, Poniatowski, Poyart, Rapin, Reichardt, Retailleau et Revet, Mme de Rose, M. Savin, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle et Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Après le mot :
travail
insérer les mots :
, en relevant les seuils d’effectifs à prendre en compte,
2° Supprimer les mots :
les seuils d’effectifs à prendre en compte,
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement impose au Gouvernement de procéder, dans le cadre de la création par ordonnance de l’instance unique de représentation du personnel, au relèvement des seuils d’effectifs à partir duquel l’organisation d’élections professionnelles est obligatoire.
Ces seuils, qu’il s’agisse de celui de onze ou de celui de cinquante salariés, constituent des freins psychologiques et administratifs au développement des entreprises et agissent comme des freins à leur croissance. Ils sont d’ailleurs dans les faits peu respectés. À titre d’exemple, seulement 38 % des entreprises de cinquante à quatre-vingt-dix-neuf salariés comptent un comité d’entreprise.
Il convient donc de mettre le droit en cohérence avec la réalité et de doubler ces seuils.
M. le président. L’amendement n° 31 rectifié, présenté par MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
les seuils d’effectifs à prendre en compte,
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Le présent amendement anticipe quelque peu sur l’amendement qui vient d’être présenté par Mme Lamure et contre lequel nous nous inscrivons en faux.
La mention des seuils d’effectifs dans cet alinéa peut aboutir à ouvrir la boîte de Pandore sur cette question. Nous sommes bien évidemment opposés à un éventuel relèvement des seuils légaux, qui, d’ailleurs, ne semble pas faire partie de la concertation avec les organisations syndicales.
Cette problématique recouvre les questions relatives non seulement aux attributions et au fonctionnement des institutions représentatives du personnel, mais également aux moyens, à la formation et au financement du recours aux expertises, qui, comme vous le savez, madame la ministre, est un sujet de fâcherie. Vous en avez l’illustration ici.
C’est pourquoi il serait souhaitable que vous nous expliquiez clairement l’utilité de cette mention et que vous nous indiquiez votre point de vue.
M. le président. L’amendement n° 231, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
les moyens,
par les mots :
ses moyens
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 32 rectifié est présenté par MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 105 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
et en fixant à trois
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour présenter l’amendement n° 32 rectifié.
M. Jean-Louis Tourenne. Il s’agit là du nombre de mandats successifs pouvant être accomplis par les délégués, à l’intérieur de l’entreprise.
La rédaction présentée par le Gouvernement entendait limiter ce nombre ; elle a été précisée par le vote de la commission, laquelle a décidé que trois mandats suffisaient, pour, en général, neuf années de fonction.
Pourtant, on nous explique qu’il faut donner aux délégués syndicaux, aux représentants du personnel les moyens de leur formation, laquelle est, certes, en partie théorique, mais demeure surtout pratique, et se fait « sur le tas ».
La connaissance des textes ne suffit pas, il faut tenir compte également de la façon de se comporter, de la capacité à être à l’aise dans la négociation, à affronter des réunions intimidantes face à un ensemble de personnes exerçant une certaine autorité. Tout cela nécessite que l’on ne limite pas le nombre de mandats.
En tout état de cause, on ne voit pas bien pourquoi nous devrions nous ingérer dans cette affaire, sauf à vouloir étendre aux délégués syndicaux ce qui a été décidé pour les élus de la Nation !
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 105.
M. Dominique Watrin. Nous considérons que le renouvellement des équipes militantes et des élus syndicaux dans les entreprises est une vraie question, mais que le Gouvernement choisit de prendre le problème par le petit bout de la lorgnette, si je peux m’exprimer ainsi : le cumul des mandats syndicaux. La commission a abondé dans son sens.
Si les salariés ne s’engagent pas dans des mandats d’élus représentants du personnel ou dans des fonctions de délégué du personnel, c’est pour d’autres raisons que celles qui sont invoquées.
À notre sens, c’est la discrimination syndicale, voire la répression, menée dans certaines entreprises à l’encontre de certains salariés porteurs de mandats syndicaux qui posent problème. Il convient donc de s’atteler à le résoudre, ainsi que le propose le Conseil économique, social et environnemental, le CESE.
Cette question n’est pas négligeable, puisque 11 % des salariés, selon le CESE, seraient affectés par ces discriminations. C’est en s’attaquant à ce problème que l’on renouvellera le vivier potentiel de délégués syndicaux et de représentants du personnel.
M. le président. L’amendement n° 244, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
trois
insérer les mots :
, sauf exceptions,
La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Cet amendement gouvernemental vise à limiter le nombre de mandats électifs successifs à trois, sauf exception.
Pourquoi une limitation, et pourquoi une exception ? Ce sujet ne concerne pas les délégués syndicaux, mais les représentants du personnel élus. La convention de l’OIT de Genève prévoit en effet que le mandat des délégués syndicaux n’est pas limité, en raison des risques de discrimination syndicale, ainsi que vient de l’évoquer M. Watrin. J’ai dit, par ailleurs, que nous allions prévoir des dispositions en matière de discriminations syndicales, qui, si elles sont rares, sont graves et, donc, non tolérables.
En ce qui concerne les représentants du personnel élus, il s’agit d’éviter une surprofessionnalisation à vie. En contrepartie, nous prenons un engagement sur les parcours professionnels et sur la reconnaissance des compétences. En effet, beaucoup de compétences qui se développent chez les représentants du personnel, notamment en matière de négociation, d’expression, de conviction, de travail en équipe, sont mal reconnues aujourd’hui dans les entreprises.
Nous entendons donc mener une action positive – cela a beaucoup été évoqué durant la concertation – sur les parcours professionnels et la formation. La limitation des mandats donc va de pair avec cette crainte de professionnalisation à vie pour certains.
La crainte d’une professionnalisation à vie dissuade beaucoup de vocations. Une des explications de la difficulté à renouveler les générations dans les organisations syndicales comme chez les représentants du personnel se trouve dans cette crainte, une fois que l’on a commencé, de ne pas avoir d’autres choix durant sa carrière. C’est un peu la question de la poule et de l’œuf ! On manque de vocations, aujourd’hui, pour les mandats de ce type.
L’introduction d’une possibilité d’exceptions s’explique par le fait que, notamment dans les très petites entreprises et dans les petites et moyennes entreprises, il arrive qu’il n’y ait pas suffisamment de candidats pour renouveler les mandats. Le comble serait que cette difficulté de renouvellement entraîne la disparition des interlocuteurs ! Ce point avait été évoqué durant les concertations avec les partenaires sociaux, l’ordonnance devra donc prévoir des exceptions pour éviter une carence de candidats, qui serait bien sûr dommageable au dialogue social.
M. le président. L’amendement n° 204 rectifié, présenté par Mme Lamure, MM. Allizard, G. Bailly, Bas, Bonhomme, Buffet, Calvet, Cantegrit, Cambon et César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud, Dassault, Delattre et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Di Folco, MM. Doligé et Duvernois, Mme Estrosi Sassone, MM. B. Fournier, J.P. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest, Gremillet, Grosdidier, Guené, Huré, Husson, Karoutchi, Kennel, Laménie, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mme Mélot, MM. Nègre, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Perrin, Pierre, Pillet, Pointereau, Poniatowski et Poyart, Mme Primas, MM. Raison, Rapin, Reichardt, Retailleau, Revet et Savin, Mmes de Rose et Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle et Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, le partage des frais entre l’entreprise et l’instance créée, et la fixation d’un barème pour ceux-ci
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. On ne compte plus les reproches concernant le coût, la qualité et la probité des prestations des experts devant le comité d’entreprise ou le CHSCT, le tout dans le cadre d’un choix relevant uniquement des élus.
Un amendement présenté par notre rapporteur a permis une mise en concurrence des cabinets d’experts.
Le présent amendement tend, en outre, à prévoir le partage de la charge financière des expertises entre l’entreprise et l’instance fusionnant les IRP, ainsi que la création d’un barème pour ces frais.
M. le président. L’amendement n° 61 rectifié quater, présenté par Mmes Féret et Génisson, M. Daudigny, Mme Yonnet, M. Godefroy, Mme Jourda, M. Labazée, Mmes Tocqueville et S. Robert, MM. Marie, Lalande, F. Marc, Leconte, J.C. Leroy, Montaugé et Raoul, Mme Blondin, MM. Cabanel et Anziani, Mme Bonnefoy et M. Bérit-Débat, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par un membre de phrase ainsi rédigé :
au sein de cette instance, une commission spécifique traitant des questions d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut être créée ;
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Cet amendement vise à compléter l’alinéa 2 de l’article 2 du présent projet de loi, qui prévoit de réorganiser l’ensemble des institutions représentatives du personnel et de refondre également les règles de négociation.
La fusion des CHSCT avec les autres instances représentatives du personnel inquiète tout particulièrement. Le CHSCT rempli en effet des missions très spécifiques. Il mène les enquêtes lors d’accidents du travail graves, il tient à jour le registre des accidents du travail et le document d’évaluation des risques, il donne des avis et interpelle l’employeur sur les risques dans l’entreprise, il peut faire suspendre en justice les réorganisations du travail et les restructurations qui portent atteinte à la santé physique et mentale des salariés, il peut inciter les salariés à exercer leur droit de retrait face à une situation de danger, etc.
Toutes ces missions risquent d’être confondues, voire noyées, dans l’ensemble des autres compétences de l’instance unique. Cet amendement vise donc à garantir, a minima, la possibilité de créer une commission spécifique au sein de l’instance unique, chargée des sujets relevant antérieurement du CHSCT.
M. le président. L'amendement n° 104, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le périmètre de mise en place de cette instance est celui de l’établissement dans le sens d’une collectivité de salariés dotés d’intérêts communs et spécifiques, qui exercent soit des activités similaires soit des activités complémentaires, la présence ou non de représentants du ou des employeurs des salariés étant indifférente ;
Cet amendement est retiré.
L’amendement n° 106, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L’alinéa 3 porte un coup particulièrement grave à la compétence, aux pouvoirs des délégués syndicaux.
Les dispositions concernées expriment la volonté du Gouvernement de permettre à l’instance unique de négocier directement des accords de groupe et ainsi de se substituer, dans cette fonction, aux délégués syndicaux.
Le texte que vous proposez, madame la ministre, est, je l’ai déjà dit, imprécis. Il peut laisser présager un véritable coup de pouce contre les délégués et, par là même, contre les syndicats.
M. Milon, président-rapporteur, souligne même, fort judicieusement, que l’étude d’impact n’aborde absolument pas ce point. Vous me direz que votre volonté est de pallier l’absence de délégués des nombreuses petites et moyennes entreprises.
Ce que vous ne dites pas, en revanche, c’est que l’ensemble des entreprises, y compris les plus importantes, pourront exercer un oukase à l’égard des syndicats et de leurs délégués.
Ce point de vue n’est pas issu d’irréductibles opposants. M. Milon, qui soutient votre projet, affirme dans son rapport : « Alors que le Gouvernement n’a pas souhaité intégrer le délégué syndical à cette IRP, il serait donc nécessaire de définir l’articulation entre le rôle de l’instance en tant que négociatrice des accords collectifs et celui des délégués syndicaux qui, dans ce cas de figure, seraient dépossédés d’une de leurs principales attributions. »
Madame la ministre, le statut des délégués syndicaux a été forgé dans la loi en 1936, par la lutte, les grèves. Supprimé sous le régime de Vichy, il a été rétabli par le Conseil national de la Résistance. C’est donc extrêmement important.
Les délégués syndicaux sont au cœur de la démocratie sociale, ils assurent la représentation syndicale. Leur remise en cause participe, de notre point de vue et nous ne sommes pas les seuls à porter cet état d’esprit, du véritable coup d’État social organisé par ce texte.
C’est pourquoi, à défaut d’avoir supprimé l’article entier, nous vous proposons de voter en faveur de la suppression de cet alinéa.
M. le président. L’amendement n° 236, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
exerce, sauf accord majoritaire contraire,
par les mots :
peut également exercer
La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Nous souhaitons rétablir le texte du Gouvernement, lequel prévoit que l’instance unique peut exercer les compétences de négociation, et non qu’elles les exercent systématiquement par défaut, sauf accord majoritaire contraire.
À travers l’instance, on doit permettre d’envisager les mécanismes selon lesquels les compétences en matière de négociations collectives, en l’absence de représentants syndicaux ou lorsque les syndicats présents souhaiteront lui déléguer certaines missions, pourront fonctionner.
Il s’agit de rendre le dialogue social plus efficace et de représenter de façon plus adéquate la collectivité de travail. Cette instance unique va le permettre.
Le droit international rappelle le principe de la primauté des organisations syndicales pour négocier avec l’employeur ou les organisations d’employeurs.
Quoi qu’il en soit, la présence d’un délégué syndical reste prioritaire pour négocier les accords collectifs.
M. le président. L’amendement n° 33 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :
3° Déterminant les conditions dans lesquelles les représentants du personnel peuvent être mieux associés aux décisions de l’employeur dans certaines matières, notamment en vue de renforcer l’emploi des personnes handicapées et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l’entreprise ;
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. La commission des affaires sociales du Sénat a décidé de supprimer cet alinéa, qui prévoyait une habilitation du Gouvernement à déterminer les conditions dans lesquelles les représentants du personnel peuvent être mieux associés aux décisions de l’employeur, notamment en vue de renforcer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Or, nous le savons, l’instauration de l’égalité professionnelle entre femmes et hommes n’est pas naturelle, mais passe par le développement de pratiques itératives, par le renforcement du service public éducatif pour élever le niveau global de qualification, par la construction de l’estime de soi et par l’émancipation.
Ce projet s’inscrit dans le temps long et je suis convaincue que la participation de toutes nos concitoyennes à la vie collective de notre pays dans une association, une fondation, une coopérative et, bien sûr, dans l’entreprise, nous fera collectivement bénéficier de l’apport des parcours individuels.
La discussion actuelle peut se résumer simplement : l’expérience des salariés peut-elle contribuer à moderniser le dialogue social et à améliorer la vie dans l’entreprise ? J’en suis convaincue, de même que de nombreux salariés et beaucoup de chefs d’entreprise.
Le rétablissement de cet alinéa, complété par mes soins d’un deuxième engagement de société fondamental, à savoir le renforcement de l’emploi des personnes handicapées, est gage de réussite de la politique de l’entreprise dynamique et solidaire, de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de l’emploi des personnes en situation de handicap.
Les salariés de genre féminin et les personnes qui vivent avec un handicap, a fortiori quand il s’agit de femmes, souffrent toujours de fortes discriminations au travail, dans l’accès à l’emploi ou à des responsabilités, dans la reconnaissance de l’intérêt de leur travail au sein de l’entreprise, dans les relations de travail avec leurs collègues et avec leur hiérarchie. Ces sujets ne sont pas suffisamment portés dans le dialogue social courant dit « de droit commun ».
Alors que la mixité de la réflexion est à même de réduire les biais qui freinent les avancées sociétales hautement profitables au dynamisme et à la modernisation de nos rapports humains dans tous les secteurs d’activité, particulièrement dans l’entreprise, où les idées reçues ont la vie dure, la participation des salariés aux discussions et à la prise de décision sur ces deux sujets ne réglera pas l’ensemble des problèmes, mais constitue un élément nécessaire pour lutter contre les discriminations insidieuses et souvent involontaires que subissent encore trop de nos concitoyens dans leur vie professionnelle.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de voter en faveur de cet amendement de rétablissement de l’alinéa 4.
M. le président. L’amendement n° 34 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :
3° Déterminant les conditions dans lesquelles les représentants du personnel peuvent être mieux associés aux décisions de l’employeur en vue de renforcer l’emploi des personnes handicapées au sein de l’entreprise ;
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Il s’agit, vous l’aurez constaté, d’un amendement de repli. J’ai bon espoir que notre assemblée, dans sa sagesse, adhère à l’esprit de mes propositions ! Si l’argument de promotion pour les représentants du personnel du renforcement de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ne retenait pas votre adhésion, cet amendement de repli tend à conférer la possibilité de déterminer les conditions dans lesquelles les représentants du personnel seront mieux associés aux décisions de l’entreprise en vue de renforcer l’emploi des personnes handicapées.
Il vise donc à donner de l’élan pour satisfaire, de façon harmonieuse et consentie, aux obligations issues de la loi de 2005, à savoir 6 % de salariés avec handicap dans les effectifs d’une entreprise, fut-elle privée ou publique.
Souvent, les frilosités, les idées reçues, des pudeurs inappropriées ou des préjugés freinent le recrutement et le maintien dans l’emploi des personnes handicapées. Les salariés, qui, souvent, connaissent une personne concernée, dans leur environnement ou dans leur famille et qui savent qu’ils pourraient eux-mêmes devenir un jour des travailleurs avec handicap, font preuve de bienveillance et d’attention à l’égard de ceux des leurs qui, ayant des besoins spécifiques, n’en ont pas moins des compétences professionnelles et des capacités relationnelles et organisationnelles utiles à l’entreprise.
Le dialogue social doit prendre en charge cette question de progrès social, qui, par ailleurs, fait l’objet d’une priorité du Président de la République, lequel a souhaité que soit développée une politique inclusive des personnes handicapées. Cette politique inclusive doit véritablement irriguer l’ensemble des politiques publiques, et particulièrement la politique de l’emploi. (Mme Odette Herviaux applaudit.)
M. le président. L’amendement n° 107, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :
3° Déterminant les conditions dans lesquelles les représentants du personnel peuvent être mieux associés aux décisions de l’employeur dans certaines matières, notamment en vue de renforcer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l’entreprise, notamment en renforçant les prérogatives du comité d’entreprise, dont l’objet est d’assurer l’expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts, par sa participation aux décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production ;
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Je serai brève, car ma collègue Dominique Gillot a développé les raisons pour lesquelles il est nécessaire de rétablir la rédaction issue de l’Assemblée nationale.
La commission des affaires sociales du Sénat a supprimé cet alinéa au nom du principe de non-discrimination. Pourtant, alors même que l’article 2 a pour objet d’améliorer les conditions du dialogue social dans les instances représentatives du personnel, et donc, en premier lieu, dans les comités d’entreprise, pour les entreprises de plus de cinquante salariés, il nous semble important, au contraire, d’offrir aux représentants des salariés la possibilité d’être parties prenantes du renforcement de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Nos collègues du groupe GDR ont travaillé à cette fin, à l’Assemblée nationale, avec le soutien du rapporteur de la commission comme du Gouvernement.
Ce sujet est important. Il a été déjà été question dans nos échanges de l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’entreprise. Malgré des lois successives, nous ne sommes pas parvenus à un résultat en 2017. Il faut donc faire preuve de volontarisme.
Il est incompréhensible de supprimer cet alinéa au nom du principe de non-discrimination. Il importe, au contraire, de créer les conditions d’un renforcement de ces démarches, afin que l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise s’impose à tous les niveaux, qu’il s’agisse notamment de la rémunération et de l’avancement.
Le chemin est encore très long, il serait judicieux qu’une assemblée comme le Sénat ne nous prive pas des maigres outils qui sont à notre disposition. (M. Christian Favier applaudit.)
Mme Christine Prunaud. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 108, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :
3° Déterminant les conditions dans lesquelles les représentants du personnel peuvent être mieux associés aux décisions de l’employeur dans certaines matières, notamment en vue de renforcer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l’entreprise, notamment en leur accordant un droit de veto sur des mesures relatives à la gestion et l’évolution économique et financière de l’entreprise, l’organisation du travail, la formation professionnelle et les techniques de production, en vue de conduire à une augmentation durable du niveau des salaires dans l’entreprise et en prenant en considération leurs avis, vœux et propositions après les avoir mis à l’étude et en débat, puis en motivant la suite qui leur est donnée ;
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Il nous semble vital que les salariés, à travers leurs représentants, aient voix au chapitre sur des sujets qui intéressent directement la gestion de l’entreprise : organisation du travail, formation professionnelle, gestion économique et financière, etc.
En effet, nos entreprises restent majoritairement organisées sur un modèle de division des tâches et de séparation entre la prise de décision par les dirigeants et son application par les salariés.
Or, l’entreprise étant également un bien collectif, il apparaît nécessaire d’en moderniser la gouvernance. Si toutes les questions sociales qui concernent les salariés sont remises à plat dans ce projet de loi et, demain, dans les ordonnances qui en seront issues, il n’y a aucune raison d’exclure du nouveau cadre de relations entre salariés et employeurs les choix économiques qui ont trait à la vie de l’entreprise.
Mieux encore, ce partage de la prise de décision permettrait de sauver certaines entreprises de décisions regrettables. Nous connaissons tous des exemples de choix économiques désastreux et douteux, faits unilatéralement par des directions d’entreprise sous pression des actionnaires.
Si les salariés pouvaient intervenir réellement dans les décisions économiques de l’entreprise ou du groupe, il est certain que beaucoup d’emplois seraient sauvés.
Dans le Pas-de-Calais, par exemple, deux sites de l’industrie papetière, Stora Enso et Arjowiggins, ont fermé, en raison de décisions purement financières prises par les grands groupes internationaux de l’industrie papetière, désireux de diminuer la production en Europe pour faire remonter les cours du marché et délocaliser les productions hors d’Europe.
Notre amendement vise donc à mieux associer les représentants de salariés aux décisions de l’employeur et à leur conférer de nouveaux pouvoirs.
M. le président. L’amendement n° 192, présenté par M. Arnell, Mme Laborde, MM. Bertrand et Castelli, Mme Costes, M. Guérini, Mme Jouve, M. Collombat, Mme Malherbe et M. Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :
3° Déterminant les conditions dans lesquelles les représentants du personnel peuvent être mieux associés aux décisions de l’employeur dans certaines matières, notamment en vue de renforcer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l’entreprise ;
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. L’article 2 autorisait le Gouvernement à préciser les conditions dans lesquelles les représentants des salariés élus ou désignés pouvaient être mieux associés aux décisions de l’employeur dans certaines matières, notamment pour renforcer l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
Il s’agissait de renforcer la présence salariale et, donc, la transparence et la confiance, en permettant aux salariés ou à leurs représentants de participer à la gouvernance.
Cet alinéa a été supprimé par la commission des affaires sociales, au motif que son imprécision pourrait porter atteinte à la liberté d’entreprendre et pourrait se traduire par des mesures préjudiciables à la capacité de l’employeur à diriger son entreprise.
Parce qu’il nous semble nécessaire de mieux prendre en compte le point de vue du personnel dans les processus de décision stratégique de l’entreprise, nous proposons tout simplement de rétablir cet alinéa.
M. le président. L’amendement n° 235, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :
3° Déterminant, dans le cas mentionné au 2°, les conditions dans lesquelles les représentants du personnel peuvent être mieux associés aux décisions de l’employeur dans certaines matières, notamment concernant la formation, et favorisant au sein des instances mentionnées au 1°, au 2°et au 4°la prise en compte de l’objectif d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l’entreprise ;
La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Plusieurs amendements précédents ont montré l’importance, que nous partageons, de rétablir ce qu’avait dit l’Assemblée nationale sur la nécessité de se focaliser sur l’égalité entre les hommes et les femmes. J’ajouterai à ce sujet l’insertion professionnelle des personnes handicapées.
Nous proposons nous-mêmes un amendement, car les débats ont également fait apparaître la nécessité de préciser cet alinéa, lequel traite de deux sujets proches, mais distincts.
Le premier est le rétablissement de l’habitation initiale pour la codécision dans le cas des conseils d’entreprise. Je rappelle que le conseil d’entreprise, issu de la fusion des quatre instances, jouit du pouvoir de négociation. Dans ce cadre, la négociation permet, pour certains sujets, la codécision. L’instance unique pourrait donc l’exercer dans des domaines à définir par les partenaires sociaux, par exemple sur le plan de formation, comme cela a été évoqué pendant les concertations.
Le second sujet de cet alinéa est l’habilitation, introduite à l’Assemblée nationale et votée à l’unanimité, me semble-t-il, relative à l’égalité entre les hommes et les femmes. Ce thème ne saurait être limité aux entreprises, minoritaires, qui créeront un conseil d’entreprise, mais les concerne toutes.
Nous souhaitons donc prendre des mesures pour favoriser la prise en compte de cet objectif dans toutes les instances : le futur comité social et économique, le conseil d’entreprise, mais aussi le conseil de surveillance et le conseil d’administration, soit, d’une manière générale, toutes les instances de gouvernance.
Nous sommes très favorables également à l’ajout de l’insertion des handicapés dans l’emploi, peut-être par voie de sous-amendement.
Nous vous proposons une nouvelle rédaction de cet alinéa, qui comporte deux sujets distincts, afin de prendre en compte vos différents amendements, que je vous demanderai donc tout à l’heure de retirer au profit de notre amendement, si sa rédaction vous paraît complète et adéquate.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Je souhaite apporter une réponse globale aux auteurs de ces amendements.
Je me réjouis que la promotion du dialogue social, la réforme des IRP et leur simplification, introduisant plus de lisibilité et d’efficacité pour les employeurs et les salariés, soient ainsi débattues avec sérénité dans notre assemblée.
Notre commission des affaires sociales a apporté son soutien à la création d’une instance unique fusionnant les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT. Elle a fait preuve d’une volonté réformatrice plus marquée que celle du Gouvernement, en prévoyant que cette nouvelle instance serait dotée de droit d’une compétence en matière de négociation des accords d’entreprise.
Elle a également supprimé des habilitations demandées par le Gouvernement. Elles étaient, selon nous, trop imprécises – c’est le cas de celle qui prévoyait une meilleure association des représentants des salariés aux décisions de l’employeur – ou semblaient entretenir une instabilité juridique néfaste à la bonne gouvernance des entreprises, s’agissant de la représentation des salariés dans leurs conseils d’administration, dont la dernière réforme, par la loi Rebsamen en 2015, n’est pas encore complètement applicable.
La commission s’est prononcée en faveur de l’amendement n° 244 du Gouvernement, qui tend à maintenir la limite de trois mandats consécutifs pour les membres de la future instance unique et, dans le même temps, à prévoir la possibilité d’exceptions.
Elle s’en remet à la sagesse de notre assemblée sur l’amendement n° 61 rectifié quater de Mmes Féret et Génisson, qui vise à permettre la création d’une commission dédiée aux questions d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail au sein de la future instance unique.
Elle souhaite entendre l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 30 rectifié de M. Tourenne, qui a pour objet d’autoriser le refus de la fusion des institutions représentatives du personnel par accord collectif, sur l’amendement n° 103 de M. Watrin, qui tend à maintenir l’ensemble des commissions obligatoires du comité d’entreprise au sein de la future instance unique, et sur l’amendement n° 204 rectifié de Mme Lamure, relatif au partage des frais d’expertise.
La commission sollicite le retrait de l’amendement n° 207 rectifié de Mme Lamure, dès lors que le Gouvernement aura pu nous préciser ses intentions sur les questions de seuils.
Tous les autres amendements en discussion commune ont reçu un avis défavorable, parce qu’ils entrent en contradiction directe avec la position de la commission.
Certains de ces amendements visent à remettre en cause le principe même de la fusion des institutions représentatives du personnel : il s’agit de l’amendement n° 160, ainsi que des amendements identiques nos 74 rectifié et 101.
D’autres tendent à remettre en cause les modalités de cette fusion : je veux parler des amendements nos 29 rectifié et 210 rectifié bis.
D’autres visent à revenir sur une modification introduite par la commission et acceptée par le Gouvernement, la limitation à trois du nombre de mandats successifs pour les membres de la future instance unique : je pense aux amendements identiques nos 32 rectifié et 105.
D’autres encore vont contre le transfert plein et entier de la compétence de négociation à la future instance : les amendements nos 106 et 236.
Enfin, plusieurs ont pour objet de rétablir des habilitations supprimées, parfois dans la rédaction d’origine de celles-ci, parfois dans une rédaction quelque peu modifiée. En particulier, rétablir l’habilitation relative à la codécision des institutions représentatives du personnel en matière d’égalité professionnelle et d’emploi des personnes handicapées reviendrait à donner un droit de veto aux représentants du personnel en matière de recrutement, ce qui pourrait être contraire au principe de non-discrimination, alors que ces deux thèmes font déjà l’objet d’une négociation annuelle obligatoire.
Le groupe CRC, au travers de ses amendements nos 107 et 108, propose même de mettre en place une véritable cogestion des entreprises. Ce serait aller, selon la commission, à l’encontre de la liberté d’entreprendre et du pouvoir de direction de l’employeur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Une première série d’amendements très voisins visent à empêcher la mise en place de la nouvelle instance fusionnée, le comité social et économique : il s’agit de l’amendement n° 160, des amendements identiques nos 74 rectifié et 101, ainsi que des amendements nos 29 rectifié, 210 rectifié bis, 30 rectifié et 103. Vous comprendrez sans peine que j’y sois défavorable, pour des raisons que j’ai déjà largement expliquées.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 207 rectifié de Mme Lamure, qui porte sur le relèvement des seuils, parce qu’on ne peut pas prendre les sujets de tous les côtés à la fois. Nous sommes en train de créer les conditions nécessaires pour vivifier le dialogue social dans les entreprises, y compris de dix à cinquante salariés : on ne peut pas au même moment traiter la question des seuils.
Soit on réforme les seuils, soit on donne sa chance à un dialogue social renforcé dans les petites entreprises. Ayant choisi la seconde option, nous considérons que le relèvement des seuils, dans ce domaine, n’est pas le plus important. Par ailleurs, la demande des petites entreprises en faveur d’un relèvement des seuils, qui peut se comprendre, porte beaucoup sur les seuils fiscaux et sociaux, et pas nécessairement sur la représentation du personnel. Il s’agit donc d’un autre sujet.
Pour les mêmes raisons, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 31 rectifié.
En revanche, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 231 de M. le rapporteur, de nature rédactionnelle.
En ce qui concerne la limitation du nombre de mandats successifs, nous proposons aux auteurs des amendements identiques nos 32 rectifié et 105 de les retirer au profit de notre amendement n° 244, dans lequel nous prévoyons une exception à la limitation à trois mandats qui, j’espère, répondra à leurs préoccupations. S’ils sont maintenus, nous y serons défavorables.
S’agissant des expertises, il y en a aujourd’hui de plusieurs types : pour certaines, réalisées notamment sur l’initiative du comité d’entreprise, les financements sont partagés. En matière d’hygiène et de sécurité, il nous paraît nécessaire de laisser l’expertise à la charge de l’entreprise, afin que la question du coût ne puisse pas constituer un frein à la réalisation d’expertises sur des sujets potentiellement graves. Aussi sommes-nous défavorables à l’amendement n° 204 rectifié.
La commission a émis un avis de sagesse sur l’amendement n° 61 rectifié quater. À vrai dire, je suis presque sur la même position, mais je vais essayer d’avancer un peu plus, sans quoi les choses deviendront compliquées !
Il est proposé qu’une commission spécifique traitant des questions d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail puisse être instaurée. Nous sommes d’accord sur le fond. Toutefois, nous considérons que, dans certains cas, notamment ceux, qui ont été mentionnés, des sites classés Seveso et des installations nucléaires, ce n’est peut-être pas une possibilité qu’il faut prévoir, mais bien une obligation. En somme, il faut probablement définir des cas où les entreprises pourront instaurer une telle commission et d’autres où elles seront tenues de le faire. Je ne sais trop à quel avis correspond cette position… J’ai grand besoin de la sagesse du Sénat ! (Sourires.)
L’amendement n° 104 soulève une question en cours de finalisation et qui sera tranchée dans les ordonnances. Il s’agit de savoir à quel niveau, du groupe, de l’entreprise ou de l’établissement, on mettra en place l’instance fusionnée. L’enjeu est de maintenir de la proximité au sein de l’établissement tout en mettant en place l’instance au niveau, certainement, de l’entreprise. L’avis est donc à cet instant défavorable, pour ne pas fermer les discussions avec les partenaires sociaux qui, je le répète, sont en cours de finalisation sur ces questions.
Par cohérence, l’avis du Gouvernement est également défavorable sur l’amendement n° 106.
En ce qui concerne les amendements nos 33 rectifié, 34 rectifié et 107, l’amendement n° 235 du Gouvernement répond probablement aux préoccupations de leurs auteurs, en distinguant clairement ce qui pourrait éventuellement relever de la codécision, au sein du seul conseil d’entreprise, et le cas général, où il ne s’agit pas de codécision, mais de prise en compte des questions d’égalité homme-femme et d’emploi des personnes handicapées. Nous sollicitons donc le retrait de ces trois amendements au profit de l’amendement du Gouvernement, incluant un éventuel sous-amendement sur les personnes handicapées.
Le Gouvernement, considérant qu’un pas important est déjà fait vers la codécision, est défavorable à l’amendement n° 108 : on ne change pas toute une culture par la loi en cinq minutes…
Quant à l’amendement n° 192, nous en sollicitons également le retrait au profit de notre amendement n° 235.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote sur l’amendement n° 160.
Mme Esther Benbassa. L’article 2 du présent projet de loi fusionne au sein d’une instance unique les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ou CHSCT.
Dénoncée par nombre de nos collègues, que je rejoins sur ce sujet, cette fusion entraînera inévitablement un affaiblissement des prérogatives des représentants du personnel dans les entreprises et une réduction des moyens qui leur sont dédiés. Écologiste de cœur et de conviction, je tiens à souligner le véritable danger que représentent ces mesures pour la santé et la sécurité des travailleurs.
La fusion des instances représentatives du personnel va reléguer ces thématiques, pourtant ô combien importantes, au second plan. En effet, au sein de la future instance unique, les prérogatives des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail vont certainement se retrouver submergées par une multitude d’autres sujets.
Si l’on défend un droit du travail véritablement moderne et respectueux des salariés, c’est au contraire un renforcement, et même un élargissement, des compétences du CHSCT qu’il faudrait prévoir dans la loi !
N’en déplaise au rapporteur et président de notre commission des affaires sociales, pour nombre de nos concitoyens, le travail devient de moins en moins une source d’épanouissement, mais plutôt un facteur d’épuisement physique et psychique. Dans ce contexte, il est nécessaire d’étendre les missions des CHSCT à la prévention en santé globale, pour le bien-être au travail et dans la vie quotidienne, mais aussi à la protection de l’environnement !
Or rien de cela n’est prévu dans ce projet de loi, porteur d’une vision totalement antagoniste avec celle qui est défendue par les écologistes. C’est pourquoi je m’y oppose ! (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Au contraire de Mme Benbassa, je défends ce projet de loi, parce que je pense, contrairement à elle, que le travail est une source d’épanouissement. Demandez donc à ceux qui n’ont pas de travail s’ils sont très épanouis !
M. Rémy Pointereau. Effectivement !
M. René-Paul Savary. Je ne crois pas qu’ils le soient… Ne partons donc pas sur ces principes-là.
Madame la ministre, l’article 2 est pratiquement le plus important de votre projet de loi. Ce qu’on nous demande, en effet, c’est de la souplesse, de la liberté. Or c’est de la fusion prévue dans cet article que résultera une simplification. (M. Jean Desessard s’exclame.)
Il est vrai que la mesure soulève un certain nombre de difficultés. Ainsi, d’après ce que les rapports font apparaître, la création d’une instance unique entraîne dans les entreprises de cent à cent cinquante salariés la perte de quarante-neuf heures de délégation pour les syndicats… (Murmures sur de nombreuses travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Nicole Bricq s’exclame.) Et après ? Une fois ce fait établi, on reste les bras croisés ? On continue à avoir un taux de chômage au-dessus de celui des autres et une croissance moindre que la leur ? (M. Martial Bourquin s’exclame.)
En vérité, cette fusion est l’une des mesures qui doivent permettre d’avancer dans le cadre de ce qui nous est proposé. Reste à préciser, pour rassurer les esprits, les conditions exactes de la nouvelle organisation. Ce qui est fait, me semble-t-il, dans les articles suivants. À cet égard, je vous invite, madame la ministre, à prendre en compte les propositions avancées par la commission des affaires sociales, qui vont tout à fait dans le sens souhaitable ! (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. En quoi donc les mesures proposées créeront-elles de l’emploi ? Mes chers collègues, je vous le demande : en quoi ? À la vérité, je trouve même impensable qu’on puisse le prétendre ! (Murmures sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et Union Centriste.)
Songez, mes chers collègues, que, un an après la publication des décrets sur la fusion des institutions représentatives du personnel, seulement quatorze entreprises de plus de 300 salariés ont réalisé la fusion… Si la demande était si forte, il y en aurait eu des centaines, peut-être des milliers !
Mme Nicole Bricq. Ça viendra !
M. François Patriat. Évidemment !
M. Martial Bourquin. Sur de nombreuses travées, des collègues ont déjà fait remarquer qu’il existe un risque élevé de dilution des missions du CHSCT. La Confédération générale des cadres s’en est également émue, avec une vive inquiétude. Des membres d’autres syndicats ont fait de même.
Avec cette mesure, il y aura moins de représentants, moins d’heures syndicales et une volonté de rationaliser les moyens des syndicats. Ajoutez à cela que, une fois les ordonnances prises, des accords pourront être conclus au niveau de l’entreprise y compris en matière de pénibilité. Rendez-vous compte de ce qui risque de se passer au niveau des libertés syndicales ! (M. Jean Desessard s’exclame.)
Mes chers collègues, les syndicats ne sont pas les ennemis de l’entreprise ! En Allemagne, par exemple, les syndicats sont bien plus forts que chez nous. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) Madame Bricq, veuillez me laisser poursuivre : vous êtes tellement en marche qu’on ne peut plus vous arrêter ! (Sourires.) De même, dans les pays scandinaves, les syndicats sont extrêmement forts. Preuve que l’on peut travailler à l’avenir de l’entreprise ensemble, syndicats et direction !
Souvent, quand on parle des entreprises, on ne parle que des managers, des chefs d’entreprise. Or une entreprise, c’est, bien sûr, son patron, mais c’est aussi ses salariés, ses cadres. Une entreprise, c’est un ensemble, et la vision réductrice qu’on en a souvent pose problème.
Enfin, madame la ministre, ne nous dites pas que délégué syndical vingt heures par mois, c’est une profession ! Non de non ! Empêcher le renouvellement des mandats de délégué affaiblira une fois de plus les syndicats.
M. le président. Mon cher collègue, votre temps de parole est épuisé.
M. Martial Bourquin. Ces ordonnances vont contre les libertés syndicales ! (Mmes Annie Guillemot, Gisèle Jourda, Marie-Noëlle Lienemann et Esther Benbassa ainsi que M. Jean Desessard applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je veux croire qu’en jouant notre rôle, qui est de débattre et de poser des questions, nous pouvons éclaircir les questions.
Mme la ministre a expliqué que des sous-commissions spécialisées dans les problèmes d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail pourraient être créées au sein de l’instance unique. Catherine Tasca lui a alors posé cette question concrète : l’existence de ces structures peut-elle être inscrite dans le projet de loi comme obligatoire ?
De même, puisque le Gouvernement explique que réduire le nombre de délégués syndicaux n’est pas son intention – même si tel sera bien le résultat de la réforme proposée –, prenons-le au mot : madame la ministre, peut-on inscrire dans le projet de loi qu’il n’y aura pas de réduction du nombre de représentants spécialisés dans les questions d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail ?
Si vous ne répondez pas à ces deux questions concrètes, madame la ministre, c’est que nous sommes dans un débat de dupes : à vous entendre, nous accuserions le Gouvernement d’avoir des intentions qu’il n’a pas, mais, lorsque nous avançons des propositions pour que les choses soient clarifiées dans le projet de loi, vous nous ignorez !
Je n’aime pas répondre à la place des autres, mais, puisque vous ne répondez pas… Vous pouvez nous dire : L’ordonnance est écrite, je ne peux plus la modifier. Si tel est le cas, dites-le ! Dites-le donc que nous sommes en train de discuter pour rien, parce que vous avez déjà rédigé l’ordonnance ! Si vous ne l’aviez pas fait, si tout n’était pas déjà verrouillé, vous répondriez à nos questions concrètes ! (Marques d’approbation sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
C’est cela qui est inadmissible et que nous nous efforçons de dénoncer depuis le début de cette discussion. Les ordonnances ne sont pas anticonstitutionnelles ; elles sont possibles. Mais, sur ces questions concrètes, elles empêchent toute avancée du débat et nient l’utilité des parlementaires ! (Mmes Gisèle Jourda et Maryvonne Blondin applaudissent.)
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Laurence Cohen. Bravo !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 74 rectifié et 101.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote sur l’amendement n° 29 rectifié.
Mme Catherine Génisson. Nous voterons bien sûr cet amendement du groupe socialiste et républicain.
Comme Jean-Louis Tourenne l’a fort bien expliqué en présentant l’amendement, la délégation unique du personnel, ou DUP, est un réel succès ; le nombre des entreprises qui ont réuni les institutions représentatives mentionnées à l’alinéa 2 de l’article 2 le prouve.
Reste que la DUP s’inscrit dans une logique de regroupement, celle-là même que vous préconisiez, madame la ministre, dans un rapport que vous avez rédigé en 2010. C’est également cette approche que recommandaient nos collègues Gérard Dériot et Jean-Pierre Godefroy dans leur rapport de la même année sur le mal-être au travail.
Or, plus qu’une nuance, il y a une différence entre une démarche de regroupement et une démarche de fusion. Nous considérons, nous, que la première est plus adaptée !
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l'amendement n° 210 rectifié bis.
M. David Assouline. Cet amendement de repli vise à prendre acte du fait que des regroupements sont possibles et à les permettre sur une base volontaire, et non pas générale, à titre expérimental et en cas d’accord majoritaire. Cette proposition va donc dans votre sens, madame la ministre, tout en garantissant que le regroupement se fera avec l’accord des salariés. Eh bien, même cela n’a pas trouvé grâce à vos yeux ! Il faut dire que, comme je l’ai expliqué il y a quelques instants, tout est déjà écrit…
Après nombre de nos collègues, je tiens à souligner qu’enlever la spécificité du CHSCT va à contre-courant d’une préoccupation essentielle de la société et du salariat d’aujourd’hui dans le contexte des révolutions à l’œuvre dans le travail.
Lorsque la création de cette instance a été acquise, on pensait aux travaux pénibles comme le travail à la chaîne ou dans les mines ; c’était un progrès. Plus tard, on a peut-être considéré que tout cela appartenait au passé et que, grâce à la robotisation, aux nouvelles technologies et au nouveau salariat, ces travaux pénibles classiques n’étant plus d’actualité, on pouvait relativiser la question.
Or on se rend de plus en plus compte que les révolutions en cours créent de nouvelles pathologies, non pas seulement au Bangladesh, mais aussi ici ! De fait, la violence de la révolution du travail, sa rapidité laissent dans des zones grises une multitude de maladies qui ne sont même pas encore complètement répertoriées ni identifiées comme étant dues au travail et aux nouveautés au sein de celui-ci.
Nous, politiques, nous occupons très souvent de la fiche de paie ou de l’emploi, mais de nombreux salariés attendent que nous mettions au cœur du débat la qualité de l’emploi et le bien-être dans le travail. (M. René Danesi frappe sur son pupitre en signe d'impatience.) Il y a, bien sûr, des chômeurs ; mais il y a aussi de nombreuses personnes victimes du mal-être au travail.
M. le président. Merci, mon cher collègue !
M. David Assouline. L’absence d’un organe spécifique sera ressentie symboliquement comme un retour en arrière !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 210 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote sur l’amendement n° 207 rectifié.
M. Bruno Retailleau. Je laisserai Mme Lamure répondre à la demande de retrait. Pour ma part, je tiens à marquer que nous soutenons l’effort de simplification du Gouvernement consistant à fusionner dans une instance représentative unique les trois institutions actuelles.
Mme Annie David. Comme ça, c’est clair !
M. Bruno Retailleau. Personne ne peut m’accuser d’être hypnotisé par le Gouvernement ou par le Président de la République…
M. Antoine Lefèvre. En effet, ça se saurait !
M. Bruno Retailleau. Simplement, chacun d’entre nous doit s’interroger sur le chômage de masse (Mme Annie Guillemot s’exclame.) qui, depuis des années, est le cancer de notre société.
M. Martial Bourquin. En quoi la fusion va-t-elle créer des emplois ?
M. Bruno Retailleau. Comment peut-on dire qu’il ne faut rien changer ? C’est accepter durablement le chômage de masse !
M. Jean-Louis Tourenne. Mme El Khomri avait déjà le même argument !
M. François Patriat. Elle n’est pas allée assez loin !
M. Jean-Louis Tourenne. Ce n’est jamais assez loin !
M. Bruno Retailleau. Nous voulons moderniser le dialogue social pour qu’un moins grand nombre de nos compatriotes soient victimes de ce fléau. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Mme Annie David. Et les droits syndicaux ?
M. Bruno Retailleau. S’agissant des seuils, madame la ministre, la position de notre groupe est constante : parce que nous sommes des élus de terrain qui nous rendons très fréquemment dans des entreprises, notamment des PME, nous souscrivons à ce qui fut voilà quelques années l’une des grandes conclusions de la commission Attali. Celle-ci avait relevé que franchir le seuil de quarante-neuf à cinquante salariés coûtait à une entreprise 4 % de masse salariale, et que trente-quatre obligations lui tombaient sur la tête pour embaucher.
Madame la ministre, vous avez affirmé avoir fait un choix – comme s’il y avait un choix – entre le dialogue social et la question des seuils. Je pense, moi, que l’on doit pouvoir relever les seuils, et qu’il n’y a pas vraiment de choix à faire : en relevant les seuils, on peut créer un dialogue social. Par ailleurs, nous en sommes convaincus, le dialogue social peut s’exprimer aussi en dehors d’un carcan très organisé.
Au vu des chiffres, mes chers collègues, les conséquences des seuils de dix et cinquante salariés sont flagrantes. Ces seuils sociaux, qui sont une spécificité bien française, il faudra bien s’y attaquer, sans quoi l’on installera la France dans un état permanent de chômage de masse ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Madame Lamure, l'amendement n° 207 rectifié est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Lamure. Même si c’est avec regret, je veux bien retirer mon amendement, puisque je crois comprendre que celui-ci n’est pas en lien direct avec l’esprit du texte. J’estime néanmoins qu’il garde toute sa pertinence.
En effet, si nous voulons une économie moderne, mondialisée, comme elle l’est aujourd'hui, il faut vraiment nous dépouiller de ces archaïsmes, dont les seuils sociaux font partie.
J’espère que ce sujet sera de nouveau débattu à l’occasion de l’examen d’un prochain texte. Dans l’immédiat, je retire mon amendement. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)
M. le président. L'amendement n° 207 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 31 rectifié.
Mme Annie David. Je voudrais avant tout parler de la modernisation que propose le Gouvernement, et dont M. Retailleau se félicite.
Si, pour lui, moderniser le monde du travail et le code du travail, c’est nous ramener avant 1936 et tous les acquis sociaux intégrés dans le code précité, alors, je ne partage évidemment pas la modernité dont il fait état.
Si la modernité consiste à supprimer ce qui a créé ces droits, le produit des luttes qui ont eu lieu dans ce pays, afin d’empêcher les salariés de redevenir des salariés tâcherons – c’est tout de même de cela qu’il est question dans ce texte ! –, nous la refusons !
Si la modernité consiste aussi à supprimer les APL, les aides personnalisées au logement, aux plus modestes, nous la refusons !
Si la modernité consiste à faire gagner 4 milliards d’euros de plus à celles et ceux qui paient l’ISF, nous la refusons !
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Annie David. La modernité dont vous voulez faire preuve, mes chers collègues, n’est absolument pas celle que nous défendons ici.
Nous voulons un pays dans lequel les travailleurs, qu’ils soient cadres, ouvriers ou demandeurs d’emploi, toutes celles et tous ceux qui produisent et créent la richesse de notre pays, les salariés, quel que soit leur statut, puissent vivre dignement de leur travail, partir en vacances, offrir des études supérieures à leurs enfants, et vivre tout simplement comme tout un chacun. Si c’est cette modernité que vous défendez, alors, oui, nous vous suivrons !
Mais la modernité que Mme la ministre met en avant aujourd'hui, nous la refusons et la rejetons avec force et conviction ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Annie Guillemot applaudissent également.)
M. le président. Monsieur Jean-Louis Tourenne, l'amendement n° 32 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Tourenne. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Dominique Watrin, l'amendement n° 105 est-il maintenu ?
M. Dominique Watrin. Oui, je le maintiens également, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 32 rectifié et 105.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 204 rectifié. (Il est procédé à la mise aux voix à main levée.)
Mes chers collègues, je considère qu’il y a doute. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mais peut-être Mme Lamure retire-t-elle l’amendement ?
Mme Élisabeth Lamure. Je le maintiens !
M. le président. Nous allons donc procéder par assis et levé. (Protestations sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
Mmes Éliane Assassi et Laurence Cohen. Mais on a déjà voté !
Mme Nicole Bricq. La confusion règne !
M. le président. Madame Assassi, madame Cohen, je vous en prie, laissez le président présider et reprenez votre calme ! Il n’y a qu’une voix d’écart, et il y a doute.
Je poursuis donc la mise aux voix de cet amendement.
(Après l’épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote sur l'amendement n° 61 rectifié quater.
Mme Catherine Génisson. J’espère que nous voterons tous ensemble cet amendement, parce qu’il est important.
Il tend à autonomiser et identifier le CHSCT, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, pour lequel nous nous sommes toutes et tous largement exprimés. L’existence propre de cette commission au sein de la nouvelle instance est très importante.
On parle beaucoup aujourd'hui d’ergonomie, d’organisation des postes de travail, mais également de qualité des relations managériales, de surveillance des maladies professionnelles ou, à l’inverse, de la nécessité de bonnes conditions de travail : l’objet du CHSCT est donc tout à fait fondamental.
Madame la ministre, même si ce n’est pas l’objet de ce texte, permettez-moi d’évoquer un instant – nombre de mes collègues, notamment Évelyne Yonnet, en seront d’accord – la question de la médecine du travail, car c’est un sujet que l’on a sacrifié. Il faut absolument revenir sur les conditions d’exercice de la médecine du travail, étant entendu que cela relève non pas de la seule responsabilité du médecin du travail, mais de celle de toute l’équipe qui l’entoure.
Il faudrait également solliciter la ministre de la santé et la ministre de l’enseignement supérieur sur ce volet : il est en effet de la responsabilité des facultés de médecine d’inciter les étudiants à exercer la médecine du travail. L’organisation de la médecine du travail, la visite d’embauche, qui est maintenant une simple visite d’information, et la surveillance des salariés à l’intérieur de l’entreprise, constituent des enjeux tout à fait fondamentaux.
Madame la ministre, en émettant l’avis du Gouvernement, vous êtes allée pratiquement plus loin que le dispositif de cet amendement. Vous avez en effet pris position pour que l’obligation de créer cette commission spécifique sous certaines conditions se substitue à une simple possibilité.
Adopter cet amendement permettrait par la suite d’améliorer la rédaction du texte. Sans pour autant revenir sur le débat plus général de la fusion, l’objectif est de reconnaître la spécificité de fonctionnement du CHSCT à l’intérieur de la nouvelle instance qui regroupe les trois structures actuelles. (Mme Évelyne Yonnet et M. Yves Daudigny applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Comme notre collègue Catherine Génisson vient de le préciser, cet amendement vise à introduire la possibilité de créer une commission qui serait chargée des questions d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail au sein de la nouvelle instance unique.
Depuis la loi Rebsamen, une telle faculté était déjà prévue en cas de regroupement des instances représentatives du personnel, les IRP, par accord majoritaire. À un moment donné, j’ai moi-même songé à proposer un amendement de ce type, mais je pensais qu’une telle liberté était déjà offerte dans le texte du projet de loi d’habilitation.
Dès lors qu’il ne s’agit pas d’une obligation et que la création de cette commission relève d’un choix des partenaires sociaux de l’entreprise, il peut être intéressant de le préciser, d’autant que cela est de nature à rassurer les personnes qui craignent que les compétences du CHSCT ne soient réduites en cas de fusion.
J’ai indiqué précédemment que la commission s’en remettrait à la sagesse de notre assemblée ; finalement, j’émettrai un avis favorable sur l’amendement, dans la mesure où la CMP nous donnera l’occasion d’en retravailler la rédaction et de choisir les termes qui conviennent le mieux à une loi d’habilitation.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. Je ne suis pas inquiète par la fusion des IRP, car je ne pense pas que l’on va laisser de côté les questions traitées par les CHSCT. En effet, il s’agit aujourd'hui d’un enjeu primordial dans les entreprises. Il ne faut pas croire que ces questions soient négligées, bien au contraire !
Les salariés doivent être bien traités dans leurs entreprises et rester en bonne santé pour bien travailler. C’est même un enjeu de compétitivité. Je ne dis pas que certains chefs d’entreprise ne négligent pas ces sujets, mais ils se mettent ainsi gravement en danger, y compris pour eux-mêmes, dans la mesure où leur comportement est pénalement répréhensible en cas d’accident. Il faudrait être fou pour ne pas se préoccuper de ces questions.
En cas d’accident du travail, il faut établir ce que l’on appelle un « arbre des causes ». Cet arbre ne se fait pas dans un bureau : on doit faire appel aux membres du CHSCT et à leur expertise pour déterminer les causes de l’accident et envisager une solution qui permette d’éviter de nouveaux accidents. Les accidents du travail coûtent cher en raison du nombre de jours perdus, mais ils peuvent coûter plus cher encore quand on en arrive à devoir licencier certains salariés pour inaptitude.
Je voulais à la fois rassurer et vous remercier, madame la ministre, parce que je suis convaincue qu’il s’agit d’un enjeu qui vous préoccupe également.
Je terminerai mon propos en abordant la question de la médecine du travail.
Les dispositions adoptées dans la loi El Khomri sont tout simplement inacceptables pour l’entreprise. La médecine du travail est un vrai partenaire de l’entreprise. Or le médecin du travail a été éloigné de l’entreprise et de ses salariés. Les visites médicales des salariés n’auront plus lieu que tous les cinq ans : cela n’est pas possible pour la sécurité dans les entreprises ! C’est un vrai sujet qu’il faudra revoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Christine Prunaud et M. Jean Desessard applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je partage les propos que viennent de tenir nos collègues Catherine Génisson et Pascale Gruny.
En effet, on peut comprendre les inquiétudes de beaucoup de nos collègues en matière de santé au travail. On peut regretter le fait qu’il y ait de moins en moins de médecins du travail, même si je n’ai pas tout à fait les chiffres en tête. Il faut le dire, il y a malheureusement encore trop d’accidents du travail aujourd'hui.
Cela étant, la réglementation actuelle doit être simplifiée. Notre président-rapporteur a bien cerné cette question, car il sait qu’il s’agit d’un enjeu primordial.
Tout ce qui figure dans ce texte en particulier est important. Même si on a pu constater une amélioration des conditions de travail, puisque beaucoup de personnes travaillent maintenant sur des ordinateurs, devant des écrans, il faut reconnaître que de nombreux métiers restent encore très difficiles. Comme l’a dit Mme la ministre hier, il faut faire confiance pour que les choses évoluent dans un sens positif. Je défendrai donc la position de la commission.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Je souhaite revenir sur l’intervention de Bruno Retailleau. Je tiens encore une fois à dire que la fusion des IRP n’a rien à voir avec la politique de l’emploi. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Quand notre collègue nous dit qu’il faut tout faire pour faire baisser le chômage, j’aimerais citer deux exemples.
L’usine Peugeot de Sochaux, malgré ses trois IRP, embauche actuellement. Par ailleurs, l’entreprise Flex-N-Gate, qui est implantée dans la ville où je suis maire, employait 600 salariés autrefois, contre 1 400 aujourd'hui. Pourquoi cette entreprise a-t-elle autant embauché ? Parce que c’est le carnet de commandes qui crée de l’emploi, et non pas la fusion des IRP ! Comment peut-on dire de telles bêtises ?
Qui peut accréditer l’idée que, en fusionnant les IRP, on créerait de l’emploi ? Ce n’est pas possible ! En revanche, ce qui est sûr, c’est qu’on révisera à la baisse les libertés syndicales.
En ce qui concerne la santé au travail, on prend d’énormes risques, car les CHSCT sont indispensables à la vie d’une entreprise. Aujourd'hui, il est essentiel de prendre en considération les risques psychosociaux, l’ensemble des maladies professionnelles, la médecine du travail. Toutes ces questions relèvent des représentants du personnel qui siègent dans les CHSCT : ce sont des personnes formées et aguerries. Or la fusion risque singulièrement de diluer cette expertise. Voilà où est la véritable question.
Ne mélangeons pas tout : quand on n’est pas favorable à la fusion des IRP, on n’est pas pour autant contre une politique de l’emploi. Non !
Au demeurant, il faudra aussi parler du travail et moins confondre travail et emploi. Aujourd'hui, la question du travail est primordiale, c’est un sujet sur lequel on doit plancher, y compris en passant par la loi. Pour la productivité et la santé des entreprises, il faut que les salariés soient en bonne santé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je souscris aux propos de Mme Gruny concernant l’entreprise. Mais on a oublié de souligner que, avec la disparition des CHSCT, on se prive d’un travail extrêmement important, en tout cas pour les membres de la commission des affaires sociales, sur tout ce qui a trait à la prévention.
Mme Évelyne Yonnet. Eh oui !
Mme Nicole Bricq. Mais non, la prévention sera gérée au niveau des branches !
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, vous abandonnez tout ce qui touche à la prévention dans les entreprises.
Mme Laurence Cohen. C’est extrêmement grave !
M. Martial Bourquin. Bien sûr !
Mme Laurence Cohen. Et ne nous dites pas qu’avec la fusion tout ira mieux et que l’on accomplira les mêmes choses qu’avant ! En réduisant le nombre d’instances, vous allez obligatoirement réduire les missions ! Assumez ce choix-là ! Il est mauvais, on vous le dit. (Mme la ministre fait un signe de dénégation.) Mais assumez-le ! Ne nous faites pas croire le contraire avec des envolées langagières, cela ne tient pas la route ! (Mme Nicole Bricq proteste.) Même si cela ne vous plaît pas, madame Bricq, fusionner les instances représentatives du personnel, c’est obligatoirement tirer les choses vers le bas. Cela ne va pas les améliorer.
D’ailleurs, aucune argumentation n’a été opposée à celles et ceux qui ont soulevé les questions relatives à la prévention, des questions qui proviennent de sénateurs siégeant sur des travées différentes de l’hémicycle et qui défendent pourtant de manière générale des positions divergentes sur votre projet de loi. Vous restez droite dans vos bottes, en nous disant de vous faire confiance, parce qu’il s’agit d’un très bon projet de loi. Eh bien non, on ne vous fait pas confiance, madame la ministre !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je veux réfuter trois contre-vérités.
Tout d’abord, en ce qui concerne la prévention, si vous avez bien écouté les discussions qui se sont déroulées avec les organisations représentatives du personnel ou lu les textes de l’ordonnance et du projet de loi d’habilitation, vous devez savoir qu’un volet « prévention de la pénibilité » a été confié aux branches. Cela a été dit, écrit et répercuté. Peut-être ne l’avez-vous pas entendu, ma chère collègue, mais il ne faut pas affirmer des choses qui ne sont pas justes !
Mme Laurence Cohen. Nous l’avons entendu, mais il n’y a pas de moyens !
Mme Nicole Bricq. S’agissant, ensuite, de la fusion des instances dans un organisme unique, laquelle contourne d’une certaine manière le problème des seuils – c’est ce que je voulais signaler tout à l’heure au président Retailleau –, qui devient quelque part caduc, je voudrais citer l’exemple de l’Allemagne. Chez notre voisin, de nombreuses entreprises disposent d’un comité d’entreprise unique, qui peut être présidé par un salarié. Cette configuration remet en cause un système comme le nôtre dans lequel le comité d’entreprise est présidé par l’employeur. Il faut savoir mettre les choses en perspective.
Enfin, M. Bourquin a cité l’exemple de l’entreprise Peugeot. Il faut se souvenir que les salariés de Peugeot ont signé un accord défensif quand les choses allaient mal en échange du maintien de sureffectifs. Ils ont alors accepté la mise en œuvre d’une modération salariale, en clair, le gel de leurs salaires pendant trois ans.
En revanche, après l’intervention de l’État et l’arrivée d’investisseurs chinois dans le capital de l’entreprise, Peugeot s’est mis à aller mieux : les organisations syndicales ont cette fois-ci négocié un accord offensif selon lequel l’entreprise s’engageait à investir, à créer des emplois et à mettre fin à la politique de modération salariale. Preuve est faite qu’il existe des accords d’entreprise difficiles économiquement à certaines périodes et de meilleurs accords d’entreprise à d’autres périodes. Peugeot en est la preuve ! Il ne faut pas se servir de cet exemple pour asséner des contre-vérités ! (Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. Jean-Louis Tourenne. Je ne vois pas le rapport !
M. Martial Bourquin. C’est vous qui dites des contre-vérités !
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. En cohérence avec mon intervention sur l’article 2, je soutiendrai avec beaucoup de force l’amendement présenté par notre collègue Corinne Féret et qui a été défendu avec beaucoup de conviction – nous avons l’habitude ici de la voir s’exprimer ainsi ! – par Catherine Génisson. Je tiens surtout à souligner l’argumentation complète, solide et pertinente qu’elle a développée.
Cet amendement n’apporte pas de réponse à toutes les questions. Toutefois, avec votre appui, madame la ministre, il constitue un élément de réponse important à la crainte exprimée par beaucoup de nos collègues de la disparition de la spécificité des CHSCT dans le cadre de la fusion des IRP. (Mme la ministre opine. – Mme Catherine Tasca applaudit.)
J’apporte donc mon soutien total à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Ah ! On va relancer la machine ! (Sourires.)
M. Olivier Cadic. Il est important de dire que ce n’est pas parce que le texte prévoit la fusion des IRP que les entreprises abandonneront leurs responsabilités. Les problématiques de santé seront bel et bien traitées au sein de cette commission unique.
René-Paul Savary a avancé des données financières qui peuvent expliquer une telle virulence. Je voudrais simplement dire que, si les syndicats sont aussi populaires en Allemagne ou en Europe du Nord, c’est parce qu’ils offrent des services, de vrais services aux salariés. Ils s’occupent des salariés et pas de politique ! (Murmures sur certaines travées de gauche.)
Je vais vous expliquer l’une des raisons pour lesquelles ces syndicats sont populaires : lorsque vous êtes membre d’un syndicat et que vous êtes au chômage, le syndicat abonde une indemnité de chômage. Si nos syndicats développaient ce type de services, ils seraient certainement plus populaires ! Ce n’est pas en prélevant un pourcentage sur les cotisations salariales qu’on les incite à faire des efforts pour avoir des « clients ».
En ce qui concerne la médecine du travail, puisque cette question effectivement fondamentale a été évoquée, il faut tout de même dire que ce n’est pas la même chose d’avoir un poste dans le tertiaire ou un emploi de secrétaire que d’être pilote d’avion.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Olivier Cadic. Les besoins en termes de suivi médical sont différents. La médecine du travail relève aussi de la responsabilité de l’entreprise. Après le crash de la Germanwings, on a bien compris qu’il pouvait rester des trous dans la raquette. Cela a conduit les entreprises à se réformer au niveau des procédures. Il s’agit d’un enjeu qui touche toute l’entreprise, parce que la survenue d’un drame concerne non pas seulement les salariés, mais bien toute l’entreprise et ses clients.
On ne peut pas avoir un système uniforme, identique pour tout le monde, et qui fonctionne. Il faut être un peu réaliste et pragmatique, et chercher à obtenir des résultats. C’est ce que nous devons faire tous ensemble.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Arrêtons avec l’Allemagne. Il faut cesser de se jeter des exemples de pays au visage et essayer plutôt de les considérer avec leurs spécificités.
En Allemagne, par exemple, il existe un système de cogestion dans lequel le pouvoir des syndicats de travailleurs n’a rien à voir avec ce que l’on connaît dans notre pays. C’est la conséquence du nombre de leurs adhérents. Quand les syndicats sont en mesure de peser concrètement et d’être utiles à ce point aux travailleurs, ces derniers adhèrent plus massivement.
L’histoire du syndicalisme français est différente et, surtout, la manière dont le patronat aborde les choses est différente ! À l’époque des mesures d’austérité très impopulaires de M. Schröder, les patrons s’étaient engagés à ne pas augmenter leurs salaires durant toute cette période. Vous imaginez la même chose en France avec Gattaz et compagnie ? Chez nous, les patrons se sont même assis sur les contreparties au CICE. Il leur faut toujours un résultat immédiat. Ce ne sont pas les mêmes rapports.
En matière de santé, je plaide pour davantage de prévention. Globalement, on a compris qu’il fallait arrêter de consacrer tous nos efforts aux soins et au traitement des maladies et que la prévention avait un rôle très important à jouer, y compris pour réduire le trou de la sécurité sociale, puisqu’elle permet de réaliser des économies substantielles en matière de dépenses sociales.
Il faut mettre le paquet au niveau de l’entreprise, dans le quotidien des salariés. D’ailleurs, c’est la même chose pour les enfants à l’école, d’une certaine façon. C’est pourquoi, alors que je soutenais le précédent gouvernement, j’ai fait partie de ceux qui ont pointé le fait que les dispositions de la loi El Khomri relatives à la médecine du travail posaient problème.
Ne pas comprendre, même symboliquement, que faire disparaître une commission spécifique traitant de ces questions, une commission dont le rôle est d’étudier la question de la prévention, pas de manière générale au travers de rapports, mais concrètement au quotidien, par une connaissance approfondie des salariés, en les suivant, en les alertant, en voyant si le problème peut être collectif et non pas uniquement individuel, grâce au travail réalisé par des représentants formés, nous mènera à la catastrophe est une erreur !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je souhaite revenir sur la question du syndicalisme français, qui aurait évidemment tous les défauts de la terre, tandis que le syndicalisme européen serait, lui, tellement vertueux. L’histoire mérite d’être regardée en détail.
Des raisons objectives expliquent que le nombre de syndiqués diffère entre nos pays. Mon collègue David Assouline a parlé de codétermination…
Mme Nicole Bricq. Non, il a parlé de cogestion !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. On parle de codétermination en Allemagne et non de cogestion, ma chère collègue ! La gestion de certaines questions est laissée à la codétermination, mais toute l’entreprise n’est pas cogérée. Cette codétermination donne en tout cas un vrai pouvoir aux organisations syndicales.
Par ailleurs, pour des raisons historiques – je ne suis pas sûre qu’il faille toujours comparer –, le syndicalisme allemand n’est pas pluraliste. Il n’existe souvent qu’un seul syndicat dans l’entreprise. Est-ce vraiment une bonne chose ? Je sais que vous n’aimez pas les Gaulois, mais la diversité gauloise a parfois du bon !
De leur côté, les pays du Nord ont un taux élevé de syndicalisation. Mais cela s’explique très simplement : les conventions collectives ne s’appliquent qu’aux membres des organisations syndicales qui les ont signées. Le principe d’extension des conventions collectives, qui existe en France, n’existe pas là-bas. Pour bénéficier d’un accord collectif, il faut donc être membre d’un syndicat. Je ne doute pas que le nombre des adhérents soit important, mais les motivations syndicales sont peut-être un peu différentes par nature de ce qu’elles sont dans notre pays.
Je ne crois pas que nos concitoyens souhaiteraient que leurs droits dépendent obligatoirement de leur appartenance à une organisation syndicale. En effet, nous aimons la liberté, monsieur Cadic ! Nous considérons que c’est la puissance publique – et c’est pour cela que l’on se bat ! – qui permet à tous de bénéficier librement des droits sociaux que notre République et notre modèle social ont reconnus comme droits fondamentaux.
Les Gaulois ont bien des défauts, mais leur goût de la liberté les pousse à considérer que leurs droits ne sont pas liés à l’obligation d’appartenir à une organisation syndicale, une association ou je ne sais quelle communauté, et que cela constitue un fondement républicain.
Alors, certes, il y a des problèmes de syndicalisation en France. Se pose aussi la question des moyens. Ce débat peut avoir lieu. Mais assez de ces comparaisons permanentes avec l’Europe ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Je reviens brièvement sur la question de l’Allemagne, car, selon moi, nous passons à côté de l’essentiel.
Je veux bien que l’on fasse l’apologie de ce pays, où, effectivement, il existe un système de cogestion ou de codétermination – n’ergotons pas sur les mots. Mais l’Allemagne, c’est aussi aujourd'hui un système de « mini-jobs », un salariat à deux vitesses. Il faut le dire et le savoir.
Pour un quart des emplois allemands, la rémunération n’excède pas 650 euros. Si c’est cela le modèle que vous voulez promouvoir, madame la ministre, avec, comme vous le dites vous-même, un principe d’insiders et d’outsiders, nous n’y voyons là rien de souhaitable pour notre pays.
S’agissant de l’amendement n° 61 rectifié quater, qui, je le rappelle, tend à prévoir qu’« une commission spécifique traitant des questions d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut être créée » au sein de l’instance unique, il entre à 90 % dans la philosophie du Gouvernement, mais apporte une nuance, qui ne devrait pas concerner plus de 10 % des cas, dans le seul but de faire passer la pilule !
Ainsi, il est question de prévoir non pas la création d’une commission spécifique, mais simplement la possibilité d’en créer une. La disposition est très faible au regard du débat que nous avons eu, débat ayant montré la nécessité de maintenir un CHSCT.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Je voudrais intervenir sur l’amendement n° 236 du Gouvernement, qui va être soumis au vote de la Haute Assemblée et sur lequel la commission a émis un avis défavorable.
Je veux rappeler à mes collègues que la fusion des IRP est l’occasion, pour la commission des affaires sociales du Sénat, de briser enfin la barrière hermétique entre information, consultation et négociation.
La commission a souhaité que cette compétence de négociation soit exercée de plein droit par l’instance ; libres aux partenaires sociaux dans l’entreprise de refuser le transfert de compétence par accord majoritaire. Le Gouvernement veut inverser cette logique et conditionner ce transfert à un accord majoritaire.
C’est pourquoi nous demandons un scrutin public sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 236.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 132 :
Nombre de votants | 320 |
Nombre de suffrages exprimés | 217 |
Pour l’adoption | 30 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote sur l’amendement n° 33 rectifié.
M. Philippe Mouiller. Je profite de l’examen de cet amendement pour vous transmettre, madame la ministre, un message sur la question particulière de l’emploi des personnes handicapées, en lien avec l’intervention de Mme Gillot sur le sujet.
Généralement, nous traitons de cet enjeu au fur et à mesure des textes relatifs à l’emploi ou au dialogue social que nous examinons. Mais, en réalité, nous attendons un texte spécifique sur la question, qui serait élaboré sous la houlette de votre ministère, notamment, et, bien sûr, en lien avec le secrétariat d’État chargé des personnes handicapées et les différents comités travaillant sur la question.
Il est primordial de traiter certains thèmes et tout à fait naturel que cela se fasse sous l’égide du ministère du travail.
Au-delà des obligations légales des entreprises, certains points essentiels restent à examiner, que ce soit en matière de formation professionnelle, d’employabilité, d’accompagnement dans la recherche d’emploi, de cadre juridique – je pense notamment aux passerelles pour les personnes exerçant une activité dans les établissements et services d’aide par le travail, ou ESAT, qui souhaiteraient rejoindre le milieu ordinaire. Je citerai aussi l’accompagnement médico-social et le financement de postes.
Enfin, et surtout, il faut mettre en valeur les belles initiatives prises par certaines entreprises en France, comme le groupe Andros, qui a mis en place des plans d’accompagnement spécifique pour les personnes touchées par l’autisme. De cette manière, nous montrerons que l’emploi des personnes handicapées constitue souvent un atout pour les entreprises, pour le développement du dynamisme social et, dans de nombreux cas, pour leur productivité.
Tel est le message important que je souhaitais vous transmettre, madame la ministre, à propos d’un enjeu de société essentiel. (M. Jacques Legendre applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour explication de vote.
Mme Maryvonne Blondin. Je souhaite exprimer mon soutien total, et nominatif, aux amendements nos 33 rectifié et 34 rectifié de notre collègue Dominique Gillot. J’avais effectivement donné mon accord pour cosigner ces amendements, mais, apparemment, celui-ci n’a pas été transmis.
Je prends ce positionnement bien sûr en cohérence avec mes engagements en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de l’emploi des personnes en situation de handicap.
Je rejoins les propos de notre collègue Philippe Mouiller. Le maître mot du Gouvernement est transversalité, et c’est précisément cet aspect qui a été souligné.
Oui, il importe de travailler de manière transversale sur tous les sujets concernant, d’une part, les droits des femmes et des hommes et, d’autre part, ceux des personnes en situation de handicap. Vous devez être vigilante sur ce point, madame la ministre.
Peut-être aurons-nous la possibilité d’obtenir qu’un rapport des données genrées soit réalisé dans chaque entreprise. Ce serait déjà une avancée ! C’est une demande que nous formulons depuis longtemps et que nous espérons voir bientôt satisfaite.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je m’associe également à l’argumentaire de M. Philippe Mouiller, et j’ajouterai à la liste des thèmes qu’il a énumérés la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, dite RQTH.
Aujourd'hui, de nombreux dossiers de RQTH sont en souffrance. La question a fait l’objet de débats nourris dans cet hémicycle. Je profite donc de la présentation de cet amendement pour vous alerter, madame la ministre, sur ce dossier spécifique.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Comme mes collègues Maryvonne Blondin et Annie David, j’apporte mon soutien inconditionnel aux amendements nos 33 rectifié et 34 rectifié, au regard des questions qu’ils abordent, à la fois la situation des personnes handicapées et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Néanmoins, les personnes handicapées, qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes, constituent une catégorie de la population, tandis que les femmes représentent la moitié de l’humanité. S’il faut, bien évidemment, défendre les unes comme les autres, il me semble important de dissocier les deux sujets, ce qui supposerait de prévoir deux alinéas distincts, au lieu d’un seul.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.
Mme Dominique Gillot. Ces amendements sont effectivement susceptibles d’appeler des débats plus poussés. Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui concerne le renforcement du dialogue social, et il est absolument indispensable que, dans ce cadre-là, les autorités publiques, notamment au travers du texte, aient bien en vue deux objectifs essentiels de notre société : l’égalité entre les hommes et les femmes et le renforcement de l’emploi des personnes handicapées. Je précise que celles-ci comptent des femmes et des hommes dans leurs rangs et que les femmes handicapées sont encore plus discriminées que les hommes.
Sous cet angle, je ne pense pas que ce soit faire injure aux uns ou aux autres, ni une cause d’affaiblissement, que de mentionner conjointement ces deux problématiques.
Je suis donc prête à retirer l’amendement n° 33 rectifié – a fortiori mon amendement de repli n° 34 rectifié –, sous réserve qu’il devienne un sous-amendement à l’amendement gouvernemental n° 235. Je proposerai donc de rédiger ainsi la fin du troisième alinéa : « […] et favorisant au sein des instances mentionnées au 1°, au 2° et au 4° la prise en compte des objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et du renforcement de l’emploi des personnes handicapées au sein de l’entreprise. »
Ainsi, deux enjeux de société seront véritablement portés par une loi d’intérêt général, et nous pourrons voir par la suite s’il est nécessaire d’avoir un texte spécifique sur le handicap.
Pour ma part, je pense vraiment que la période où l’on considérait le handicap comme un sujet à part est révolue. La question concerne tous les moments de notre vie quotidienne, et je suis vraiment très satisfaite que le Président de la République en ait fait l’un de ses objectifs prioritaires.
Pour autant, tous ceux qui mènent les politiques publiques doivent garder à l’esprit que le sujet les concerne et ne relève pas uniquement d’un secrétariat d’État aux personnes handicapées ou d’une loi particulière sur le handicap. À chaque instant de la décision publique, nous devons prendre en considération les droits et capacités des personnes porteuses de handicaps. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du groupe La République en marche.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je suis tout à fait favorable à ce sous-amendement, pour les raisons qui ont été évoquées.
Comme le débat l’a très clairement montré, du chemin a été parcouru, mais il en reste encore beaucoup à faire sur ces sujets-là, qui ne concernent d’ailleurs pas uniquement les personnes handicapées, car ils sont souvent révélateurs d’autres phénomènes au sein des entreprises et de la société en général.
En outre, je peux vous assurer, mesdames, messieurs les sénateurs, que, avec ma collègue chargée des solidarités et de la santé et ma collègue chargée des personnes handicapées, nous menons un travail transversal. Nous avons conscience que la question touche de nombreux départements ministériels, notamment l’éducation nationale.
Nous avons donc engagé la réflexion, et nous aurons certainement l’occasion de revenir vers vous, compte tenu des progrès encore à réaliser sur le sujet.
Je suis d’accord, il y a des différences. Mais nous mettrons une virgule entre les deux membres de phrase pour bien marquer que les objets sont séparés.
En tout cas, il s’agira bien, au travers de cet amendement, tel qu’il sera sous-amendé, de s’assurer que les instances, parmi les multiples sujets qu’elles auront à traiter, mettront bien à l’ordre du jour de leurs débats ces deux sujets essentiels. Il n’est question de rien d’autre. Nous ne comparons pas des catégories de population ; nous citons simplement deux sujets que nous voulons être certains de voir examiner partout. Sur le principe, évidemment, nous ne devrions pas avoir à le préciser. Mais nous admettrons tous que c’est toujours mieux en le disant ! (Marques d’approbation.)
Mme Nicole Bricq. Depuis le temps qu’on en parle !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je suis donc favorable au sous-amendement proposé.
Puisque les questions sur la médecine du travail ont été nombreuses, je profite de cette intervention pour confirmer qu’il y a là un vrai sujet, notamment s’agissant du recrutement des médecins du travail. J’attends, pour la fin du mois d’août, un rapport sur la question de l’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, avant d’émettre des propositions, car la situation actuelle me semble un peu critique. Je suis donc d’accord avec les remarques formulées.
Mme Dominique Gillot. En conséquence, je retire les amendements nos 33 rectifié et 34 rectifié, monsieur le président !
M. le président. Les amendements nos 33 rectifié et 34 rectifié sont retirés.
Je mets aux voix l'amendement n° 107.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Arnell, l'amendement n° 192 est-il maintenu ?
M. Guillaume Arnell. Je le retire – comme toujours, un peu à regret.
M. le président. L'amendement n° 192 est retiré.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants pour permettre à notre collègue Dominique Gillot de rédiger son sous-amendement.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Le sous-amendement n° 246, présenté par Mme D. Gillot, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots:
prise en compte
Rédiger ainsi la fin de cet alinéa
de l'objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de celui de renforcement de l'emploi des personnes handicapées au sein de l'entreprise ;
La parole est à Mme Dominique Gillot.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 246 et sur l’amendement n° 235 ?
M. Alain Milon, rapporteur. Sagesse. Nous nous ferons une opinion définitive d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 246 ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 234, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rétablir le 4° dans la rédaction suivante :
4° Améliorant les conditions de représentation et de participation des salariés dans les organes d'administration et de surveillance des sociétés dans le cadre des seuils mentionnés aux articles L. 225-27 et L. 225-79-2 du code de commerce, notamment en matière de formation des représentants des salariés ;
La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. La commission a supprimé l’alinéa 4 au motif que, tel qu’il était rédigé, il comportait une certaine ambiguïté.
Le Gouvernement propose donc une nouvelle rédaction plus précise, afin de renforcer les conditions de représentation et de participation des salariés dans les organes d’administration et de surveillance des sociétés dans le cadre des seuils mentionnés aux articles L. 225-27 et L. 225-79-2 du code de commerce, notamment en matière de formation des représentants des salariés.
En effet, pour accompagner cette montée en puissance en matière de gouvernance, la formation des salariés est essentielle, y compris celle des membres des conseils d’administration.
Les seuils en vigueur sont maintenus ; nous entendons simplement renforcer les moyens en faveur de la formation des administrateurs salariés.
M. le président. L'amendement n° 35 rectifié, présenté par MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rétablir le 4° dans la rédaction suivante :
4° Améliorant les conditions de représentation et de participation des salariés dans les organes d’administration et de surveillance des sociétés dont l’effectif dépasse certains seuils ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Je dois reconnaître en toute humilité que mon amendement est moins complet et moins précis que celui du Gouvernement. Aussi, je le retire au profit de l’amendement n° 234.
M. le président. L'amendement n° 35 rectifié est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 234 ?
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir l’habilitation, supprimée par la commission, relative à l’amélioration de la représentation des salariés dans les conseils d’administration des grandes entreprises.
À plusieurs reprises déjà, j’ai souligné qu’il convenait de mettre un terme à l’instabilité juridique en la matière, alors même que les réformes de 2013 et de 2015 n’ont pas encore été pleinement mises en œuvre et n’ont jamais été évaluées.
Avec cet amendement, le Gouvernement précise qu’il ne souhaite pas modifier le champ des entreprises concernées. Dont acte. Nous aurions préféré que cette incertitude soit levée plus tôt.
Le Gouvernement souhaite également renforcer la formation des représentants des salariés siégeant dans ces conseils. Nul ne peut s’y opposer. Il y a d’ailleurs plus simple qu’une ordonnance pour le faire : j’invite Mme la ministre à prendre un décret modifiant l’article R. 225-34-4 du code de commerce – créé par le décret du 3 juin 2015 –, qui fixe le niveau minimal de cette formation à vingt heures par an.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je comprends la prévention de la commission, dont l’argument, grosso modo, consiste à dire que la formation des administrateurs salariés relève du code de commerce. De fait, tout ce qui concerne les conseils d’administration, y compris les administrateurs salariés, relève du code de commerce. Néanmoins, je vous fais remarquer que lorsque nous avons débattu de la question des seuils lors de l’examen de la loi Rebsamen – seuils sur lesquels, c’est très clair, il n’est pas envisagé de revenir –, le code de commerce avait été modifié.
De même, à l’article 6, le Gouvernement a déposé un amendement visant à intégrer dans l’habilitation d’autres codes que le code du travail sans les préciser, dont le code de commerce. Par conséquent, votre argumentation ne me semble pas convaincante.
Par ailleurs, pourquoi renvoyer à un décret ? Il vaut mieux inscrire cette disposition dans une ordonnance, c’est plus fort. C’est préférable si l’on veut vraiment renforcer la formation des représentants des salariés siégeant dans les conseils d’administration. L’objectif est de leur donner plus de moyens de formation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. J’entends bien votre propos, madame Bricq, mais des modifications sont déjà intervenues à quatre ou cinq reprises au cours de ces deux ou trois dernières années. Par ailleurs, je maintiens ce que j’ai dit : il s’agit d’une mesure d’ordre réglementaire et non d’ordre législatif, qui concerne le code de commerce et non le code du travail.
Mme Nicole Bricq. Si on le vote, ce sera légal !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 234.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 133 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Pour l’adoption | 137 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 109, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer les mots :
la possibilité pour le salarié d’apporter au syndicat de son choix des ressources financées en tout ou partie par l’employeur, par
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Au travers de cette disposition prévue à l’article 2, le Gouvernement souhaite instaurer le chèque syndical, qui sera abondé par l’employeur pour inciter les salariés à se syndiquer.
Expérimenté sans grand succès dans certaines grandes entreprises françaises, ce dispositif impliquerait l’intervention d’un tiers, à savoir l’employeur, dans la relation entre le syndiqué et son syndicat. De surcroît, il ressort des auditions organisées sur ce projet de loi qu’il n’existe aucun consensus sur cette mesure parmi les organisations syndicales et patronales.
Pour ces raisons, nous proposons de supprimer cet alinéa.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Ce dispositif est expérimenté par plusieurs entreprises, au premier rang desquelles Axa, depuis maintenant près de vingt ans.
Je conviens volontiers que les résultats obtenus ne sont pas exceptionnels, puisque le taux d’adhésion aux syndicats n’aurait connu aucune progression. Mis en place sur une plus grande échelle, ce dispositif pourrait toutefois contribuer à rapprocher davantage les salariés de leurs syndicats et les inciter à s’engager dans le dialogue social d’entreprise. Toutefois, l’absence d’évaluation ou de précisions sur ce point dans l’étude d’impact oblige à s’en tenir à des conjectures.
De plus, le Gouvernement n’a pas fourni d’indications sur les modalités de mise en œuvre et de financement de ce dispositif.
Par conséquent, la commission, malicieusement, émet un avis de sagesse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Le but n’est pas que la totalité des entreprises mettent en place un chèque syndical. À ce jour, ce dispositif a été expérimenté dans un certain nombre d’entreprises – elles sont toutefois peu nombreuses –, dont Axa, Casino ou Elf Aquitaine. Certains estiment que le bilan est positif, mais il est vrai que, compte tenu du faible nombre d’entreprises concernées, il est difficile de procéder à une véritable évaluation.
Toujours est-il que nous nous inscrivons dans une logique d’amélioration du dialogue social et de rapprochement avec les syndicats ; aussi, ne nous privons pas de cette possibilité. Nous verrons bien comment elle prospère, sans qu’elle soit pour autant l’alpha et l’oméga du dialogue social.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Madame la ministre, je n’ai vu dans aucune entreprise des salariés revendiquer un chèque syndical ; je les ai plutôt vus revendiquer des augmentations de salaire, des améliorations de leur pouvoir d’achat.
Pourquoi lancer l’idée du chèque syndical ? Franchement, il ne servira pas à grand-chose, et, vous le savez bien, l’enjeu n’est pas là. À moins que l’on ne veuille inciter les employeurs à s’immiscer dans l’organisation de la vie syndicale des entreprises, sur le modèle de ce que l’on entend faire pour les CHSCT avec les projets de fusion. Laissons aux salariés et aux organisations syndicales leur liberté de pensée.
Pour en revenir aux CHSCT, le « S » signifie « sécurité ». Peut-être suis-je en train de porter une parole ouvrière, mais force est de constater qu’il arrive que, au sein des CHSCT, le représentant de l’employeur affirme que telle ou telle intervention n’est pas possible par manque de moyens de l’entreprise. Or les mesures que vous entendez prendre et l’esprit dans lequel vous entendez les prendre ne feront qu’empirer les choses.
Pour que la liberté syndicale soit totale, nous refusons l’idée de ce chèque syndical.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. C’est vrai que les quelques expériences menées n’ont pas permis de faire remonter le taux de syndicalisation. Toutefois, j’attire l’attention de nos collègues sur une grande vertu de ce dispositif : celui-ci conduit les syndicats à faire campagne, ce qui leur donne l’occasion d’aller à la rencontre de tous les salariés de l’entreprise pour dialoguer. Le taux de retour est intéressant.
Pour prendre l’exemple d’Axa, entre 55 % et 60 % des salariés répondent aux sollicitations des organisations syndicales. Il serait dommage de refuser la généralisation de ce dispositif, alors même qu’il est l’occasion pour les salariés de dialoguer avec leurs représentants, quel que soit leur statut dans l’entreprise, sur leurs positions, sur le fonctionnement des IRP. Donnons-lui donc sa chance.
En outre, pour reprendre le cas d’Axa, je signale que ce chèque syndical a une autre vertu, celle de payer des déplacements et la formation au profit des organisations syndicales.
Je comprends bien que, par principe, vous ne vouliez pas mêler vos voix à celle de l’employeur. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Mais il ne faut pas dire que le chèque syndical ne peut pas marcher. Je comprends bien votre position à la fois idéologique et historique, c’est votre conception du mouvement syndical. Mais là n’est pas le sujet.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. La meilleure façon de veiller à assurer une bonne représentation syndicale, c’est de garder les institutions représentatives telles qu’elles existent aujourd’hui.
Nicole Bricq disait que la représentation unique était déjà en vigueur en Allemagne. Mais savez-vous comment ils sont organisés dans ce pays ? Chaque entreprise à partir de 5 salariés compte un comité d’entreprise représentant l’ensemble des salariés sur le lieu de travail. Au-delà de 100 salariés, il existe un comité économique, avec des représentants. Les jeunes et les handicapés sont représentés au sein d’organes séparés. Il existe également une structure de représentation des cadres. Et surtout, toutes les entreprises de plus de 50 salariés comptent un comité de santé et de sécurité.
Alors ne nous dites pas que la représentation unique est expérimentée en Allemagne ; ce n’est pas vrai ! (Mme Annie Guillemot applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 221, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer la deuxième occurrence du mot :
de
par les mots :
et la simplification des conditions d’accès à
La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Aujourd’hui, quand un salarié part en formation, et dès lors que celle-ci y est éligible, l’Association de gestion du fonds paritaire national, l’AGFPN, rembourse à l’entreprise, selon un mécanisme complexe, les frais de maintien de salaire.
Si 1 million d’entreprises décidaient d’envoyer autant de salariés en formation, alors l’AGFPN devrait procéder à autant de remboursements individuels.
L’employeur paie une cotisation à l’AGFPN, qui gère le financement du paritarisme. Celle-ci distribue les fonds au syndicat, lequel rembourse l’employeur qui a maintenu la rémunération du salarié pendant sa formation. Les modalités de remboursement dépendent de la convention passée entre le syndicat et l’employeur.
Ce circuit, qui va de l’employeur à l’AGFPN, de celle-ci au syndicat et, enfin, de ce dernier à l’employeur, n’est pas des plus simples. À grande échelle, il est même ingérable. Il semble qu’il soit possible de le clarifier, et des idées circulent tant à l’AGFPN que parmi les syndicats.
L’objectif, c’est que le principe demeure, mais que le circuit soit plus court.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.
Mme Patricia Schillinger. Madame la ministre, je suis bien évidemment favorable à l’amendement du Gouvernement visant à renforcer et à simplifier l’accès à la formation économique, sociale et syndicale des représentants des salariés.
Je souhaite profiter de ce débat pour encourager le Gouvernement à se pencher à cette occasion et, au-delà, avec d’autres ministères, sur la formation au dialogue social des cadres et des managers d’entreprise.
Même si des progrès sont observés ici ou là dans les universités ou les grandes écoles, peu de place est accordée au dialogue social dans les cursus de formation consacrés au management. Les partenaires sociaux avaient déjà souligné cette carence lorsque, en 2011, j’avais rédigé avec notre ancien collègue Joël Bourdin un rapport d’information sur la prospective sur le pacte social dans l’entreprise.
Plus récemment, en mai 2016, un avis du Conseil économique, social et environnemental, le CESE, soulignait que ni la formation initiale ni la formation continue ne sont encore à la hauteur des besoins.
Le CESE relève en effet que, même dans les enseignements où l’on peut s’attendre à trouver une formation au dialogue social, comme les masters spécialisés en ressources humaines, le dialogue social paraît souvent se limiter à un module de formation juridique sans prendre en compte les retours d’expérience ou les études de cas, et laisse peu de place à l’intervention des partenaires sociaux dans ces formations.
Madame la ministre, puisque nous sommes réunis autour du « renforcement du dialogue social », je vous engage à explorer avec votre collègue ministre de l’enseignement supérieur toutes les pistes de nature à former au dialogue social les futurs responsables et dirigeants, avec la participation et l’intervention des partenaires sociaux dans ces formations.
J’irai même plus loin : pour que la culture du dialogue social « infuse » toute notre société, il faudrait que nos jeunes y soient sensibilisés durant toute leur scolarité, chaque fois qu’une occasion se présente. Je pense en particulier au stage de troisième, aux fonctions de délégué de classe ou, au-delà de l’école, à la journée défense et citoyenneté.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Madame la sénatrice, vous avez tout à fait raison. Outre le rapport du CESE, Jean-Denis Combrexelle avait également modestement souligné en 2010, dans le rapport intitulé Bien-être et efficacité au travail, le point que vous soulevez. Une analyse avait permis de mettre en lumière le fait qu’une école d’ingénieurs sur vingt abordait les questions du dialogue social et de la sécurité au travail – un point encore plus inquiétant. De même, nombre de masters en ressources humaines traitent ces questions un petit peu par-dessus la jambe. Or il faut former les acteurs des deux côtés.
Je m’en ouvrirai volontiers à ma collègue de l’enseignement supérieur pour que nous voyions ensemble ce qui peut être fait. Car il y a urgence.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. L’effort de notre collègue pour développer une culture générale du dialogue social est positif, mais encore faudrait-il auparavant que l’enseignement supérieur forme un minimum au droit du travail.
M. Martial Bourquin. Elle a raison !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je ne demande pas que le code du travail soit examiné dans le détail, mais nombreux sont les domaines où, même dans le cadre de l’instruction civique, le droit du travail n’est pas abordé a minima. Dans les missions locales, nous sommes confrontés à tout un tas de personnes qui ne connaissent même pas le b. a.-ba en matière de droit social et ignorent tout de la protection des salariés. Pour bien dialoguer socialement, il est important que chaque employé connaisse ses droits. De ce point de vue, l’école est défaillante ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. J’ai écouté attentivement les explications de vote, mais je ne suis pas sûre d’avoir tout saisi.
Évidemment, nous ne pouvons qu’être favorables à un dispositif visant à mettre de l’huile dans les rouages pour favoriser le dialogue social et la formation. J’aimerais avoir l’assurance que le fait de simplifier les conditions d’accès à la formation économique, sociale et syndicale ne conduira pas à remettre en cause les petites structures de formation.
Nous approuvons tous la simplification des conditions d’accès à la formation, notamment en ce qui concerne les modalités de maintien de salaire, mais pas au prix d’un effet collatéral sur les différents lieux de formation. Mme la ministre pourrait-elle nous éclairer sur ce point ?
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Mon intervention va tout à fait dans le sens que celle de Mme Lienemann, mais pourquoi s’arrêter au droit du travail ?
Il serait utile que les écoles forment au droit, en général, informent sur le droit, mais pas uniquement sur le droit du travail. D’ailleurs, une association d’avocats bénévoles, InitiaDROIT, dispense des cours adaptés à tous les âges dans les établissements scolaires pour ouvrir le droit aux jeunes. Un tel enseignement devrait être généralisé, et pas uniquement en matière de droit du travail.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il s’agit de simplifier l’accès à la formation, ce qui ne préjuge pas de l’offre de formation. La mesure n’aura donc pas d’impact sur celle-ci. La simplification de l’accès contribuera plutôt à développer la demande.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 245, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
6° Définissant, s’agissant de la contribution au fonds paritaire prévue à l’article L. 2135-10 du code du travail :
a) une modulation du montant de cette contribution en fonction de l’effectif de l’entreprise ;
b) les conditions et modalités selon lesquelles les employeurs peuvent être exonérés pour tout ou partie de cette contribution, ou bénéficier d’une subvention forfaitaire au regard des modalités de représentation des salariés dans leur entreprise ;
La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il s’agit de prévoir différents niveaux de contribution de l’employeur à l’Association de gestion du fonds paritaire national, l’AGFPN, afin de tenir compte de la taille des entreprises, et de permettre de verser une subvention forfaitaire aux employeurs des petites entreprises qui développent des incitations en vue de favoriser le dialogue social.
Les grandes entreprises ont en effet plus recours que les autres à l’AGFPN et se font davantage rembourser que ce qu’elles versent. L’objet de l’AGFPN est d’encourager, notamment dans les petites entreprises, l’accès au dialogue social et au paritarisme. Il est donc paradoxal que ces dernières versent proportionnellement plus que les autres. Voilà pourquoi nous voulons instituer un niveau de cotisation qui tienne compte de la taille des entreprises. Cette mesure fait partie des démarches que nous engageons pour encourager le dialogue social dans les petites entreprises.
Pour les mêmes raisons, il nous paraît plus simple et accessible de permettre dans certains cas le versement d’une subvention forfaitaire aux employeurs, plutôt que de tout calculer au centime près.
Cet amendement vise à permettre aux petites entreprises d’accéder réellement aux fonds du paritarisme.
M. le président. L'amendement n° 36 rectifié, présenté par MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer les mots :
tout ou
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. L’alinéa 6 prévoit que la contribution des entreprises tient compte des effectifs et que les employeurs « peuvent être exonérés pour tout ou partie de leur contribution au fonds paritaire ». Nous souhaitons justement supprimer cette possibilité de ne rien payer du tout, et ce pour deux raisons.
Premièrement, il n’est pas bon qu’un acteur appelé à participer – pas seulement financièrement – à une politique particulière, notamment s’agissant de formation et de développement du syndicalisme, soit totalement dispensé de contribution financière, car cela ne ferait pas de lui un acteur à part entière. Ce raisonnement est tenu parfois pour les contributions que l’on peut apporter.
Deuxièmement, c’est aussi une façon de vous appeler, madame la ministre, à nous en dire plus sur les modalités que vous envisagez de mettre en œuvre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 245 du Gouvernement.
Quant à l’amendement n° 36 rectifié, il est présenté par ses auteurs comme un amendement d’appel. J’espère donc que ces derniers le retireront une fois qu’ils auront obtenu une réponse du Gouvernement.
Il est toutefois très important que le Gouvernement nous précise ses intentions, puisqu’il y va des moyens du dialogue social national, qu’il convient de préserver.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 36 rectifié ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Mais permettez-moi d’expliquer l’intention du Gouvernement.
Il s’agit d’une mesure issue de la concertation avec les partenaires sociaux. L’idée est d’encourager les entreprises, notamment les petites et les moyennes, dans lesquelles le fait syndical est très difficile à amorcer. Nous avons donc envisagé une exonération de la cotisation à l’AGFPN si le délégué du personnel devient délégué syndical. C’est un geste qui peut avoir un certain sens, d’autant que les sommes en jeu ne sont pas de nature à modifier l’équilibre de l’association. Nous donnons tous les signaux pour favoriser le fait syndical.
Le sens du texte n’était pas aussi explicite au départ, je le reconnais, mais nous en avons discuté depuis lors avec les partenaires sociaux, et tout est plus clair. Notre ambition est uniquement de favoriser le fait syndical.
En conséquence, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 36 rectifié.
M. Jean-Louis Tourenne. Je le retire, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 36 rectifié est retiré.
La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 245.
M. Jean Desessard. Chère majorité sénatoriale, vous semblez tous d’accord avec l’amendement du Gouvernement. (Sourires.) Vous êtes pour la simplification !
Je comprends que l’on souhaite moduler la contribution en fonction des effectifs, c’est d’ailleurs facile à calculer. Mais contrôler les modalités de représentation des salariés dans les entreprises, y compris dans les petites entreprises, comme l’a relevé Mme la ministre ?… Bonjour la simplification ! Cela va être facile à calculer ! Comment la calculer à un moment donné ? Est-ce que cela se sera passé ainsi ? En cas de contentieux, est-il normal que l’entreprise continue à bénéficier d’une modulation ?
Enfin, mes chers collègues, moduler la contribution financière en fonction de la représentation des salariés… Chapeau pour la simplification ! Vous êtes en plein dedans ! Dans quelques années, vous viendrez vous plaindre que le code du travail contient des dispositions inapplicables. Vous nous direz alors : voyez les contraintes qui sont demandées aux salariés et les contrôles qui sont imposés pour savoir si les salariés sont effectivement bien représentés ! Et si les effectifs évoluent au cours de l’année, comment fait-on ? Par moments, vous êtes formidables…
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 241, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rétablir le 7° dans la rédaction suivante :
7° Redéfinissant le rôle des commissions paritaires régionales interprofessionnelles, en modifiant les conditions de leur mise en place, leur composition, leurs attributions et leurs modalités de financement, notamment pour tenir compte le cas échéant de besoins identifiés en matière de dialogue social dans les très petites entreprises ou d’éventuelles difficultés de mise en place ;
La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il s’agit de rétablir l’alinéa relatif aux commissions paritaires régionales interprofessionnelles, les CPRI, qui a été supprimé par la commission.
Ces commissions sont opérationnelles depuis le 1er juillet 2017. Elles ont donc exactement vingt-cinq jours d’existence et nous ne disposons donc pas de beaucoup de recul.
Nous n’avons pas l’intention de révolutionner les CPRI. Néanmoins, dans l’éventualité où la concertation actuellement engagée avec les partenaires sociaux, notamment sur les TPE, exigerait de modifier ou de compléter ces commissions, il faudrait que le présent projet de loi puisse nous habiliter à le faire. Il s’agit là non pas d’une grande ambition, mais d’une simple mesure de précaution de notre part, au cas où nous parviendrions à une convergence avec les partenaires sociaux.
M. le président. L'amendement n° 37 rectifié, présenté par MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rétablir le 7° dans la rédaction suivante :
7° Renforçant le rôle des commissions paritaires régionales interprofessionnelles, en modifiant les conditions de leur mise en place, leur composition, leurs attributions et leurs modalités de financement ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. L’objet de cet amendement est totalement identique à celui qui vient d’être présenté par Mme la ministre, même si sa rédaction est quelque peu différente. L’amendement du Gouvernement étant plus complet, je retire mon amendement au profit de l’amendement n° 241.
M. le président. L'amendement n° 37 rectifié est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 241 ?
M. Alain Milon, rapporteur. La loi dite Rebsamen du 17 août 2015 a institué les commissions paritaires régionales interprofessionnelles, les CPRI, pour représenter les salariés et les employeurs des TPE, et ce malgré l’opposition du Sénat. Elles ont été mises en place le 1er juillet dernier.
Le Gouvernement souhaitait, dans le projet de loi initial, obtenir une habilitation pour renforcer leur rôle. À l’Assemblée nationale, les députés ont adopté un amendement appelant le Gouvernement à le redéfinir plutôt qu’à le renforcer. La commission des affaires sociales a supprimé cet alinéa, estimant qu’on ne pouvait pas savoir si ces commissions étaient efficaces, vu qu’elles ne sont mises en place que depuis quelques semaines. On ne dispose pas de bilan, et on ne sait pas comment elles vont travailler.
À nos yeux, votre proposition est un exemple de mauvaise pratique législative, typiquement français.
Néanmoins, dans la mesure où il s’agit uniquement d’une mesure de précaution, comme vous venez de l’affirmer, pour le cas où il serait nécessaire de redéfinir leur rôle dans le cadre de la loi d’habilitation, la commission émettra plutôt un avis favorable. Mais c’est uniquement dans ce cadre.
M. le président. L'amendement n° 131 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier est complété par une section V ainsi rédigée :
« Section 5
« Droit de préemption des salariés
« Art. L. 141-33. – Lorsque le propriétaire trouve un acquéreur de son fonds de commerce, il doit le notifier aux salariés.
« Cette notification doit mentionner, les conditions de la vente, son prix et la faculté ouverte aux salariés de consulter l’ensemble des documents comptables leur permettant de prendre connaissance de la situation économique de l’entreprise.
« Cette notification vaut offre de vente au profit des salariés. Elle est valable pendant la durée de deux mois à compter de sa réception.
« Si au moins deux salariés regroupés acceptent l’offre, directement ou par l’intermédiaire de leur mandataire, ils se substituent à l’acquéreur dans toutes les conditions de la vente.
« Les termes des quatre alinéas précédents sont reproduits dans chaque notification.
« Toute cession intervenue en méconnaissance du présent article peut être annulée à la demande de tout salarié. L’action en nullité se prescrit par deux mois à compter de la date de publication de l’avis de cession du fonds.
« Art. L. 141-34. – Un salarié peut agir devant le président du tribunal de grande instance sous la forme des référés, à tout moment, dès lors qu’il a connaissance de l’imminence de la vente du fonds de commerce qui l’emploie en méconnaissance de l’article L. 141-23, de l’article L. 141-28 ou de l’article L. 141-33.
« Le président du tribunal de grande instance peut prendre toute mesure visant à garantir l’application de ces textes. Il rend sa décision dans un délai de huit jours. » ;
2° Le chapitre X du titre III du livre II est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Droit de préemption des salariés
« Art. L. 23-10-13. – Lorsque le ou les propriétaires d’une participation représentant plus de 50 % des parts sociales d’une société à responsabilité limitée ou d’actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société par actions trouve un acquéreur pour ses parts, il doit le notifier aux salariés.
« Cette notification doit mentionner les conditions de la vente, son prix et la faculté ouverte aux salariés de consulter l’ensemble des documents comptables leur permettant de prendre connaissance de la situation économique de l’entreprise.
« Cette notification vaut offre de vente au profit des salariés. Elle est valable pendant la durée de deux mois à compter de sa réception.
« Si au moins deux salariés regroupés acceptent l’offre, directement ou par l’intermédiaire de leur mandataire, ils se substituent à l’acquéreur dans toutes les conditions de la vente.
« Les termes des quatre alinéas précédents sont reproduits dans chaque notification.
« Toute cession intervenue en méconnaissance du présent article peut être annulée à la demande de tout salarié. L’action en nullité se prescrit par deux mois à compter de la date de publication de l’avis de cession du fonds.
« Art. L. 23-10-14. – Un salarié peut agir devant le président du tribunal de grande instance sous la forme des référés, à tout moment, dès lors qu’il a connaissance de l’imminence d’une vente ou d’une cession de parts sociales en méconnaissance de l’article L. 23-10-1, de l’article L. 23-10-7 ou de l’article L. 23-10-13.
« Le président du tribunal de grande instance peut prendre toute mesure visant à garantir l’application de ces textes. Il rend sa décision dans un délai de huit jours. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement vise à accorder un nouveau droit fondamental pour le salarié : le droit de préemption lorsque le propriétaire de plus de 50 % des parts sociales d’une entreprise décide de les vendre. Ce droit de préemption concernerait les entreprises de moins de 250 salariés.
Cette proposition se situe dans le prolongement de la loi dite Hamon de juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, qui créait un droit d’information des salariés au moment de la cession de l’entreprise. C’est une proposition d’intérêt général pour lutter contre le chômage.
Il s’agit de privilégier la reprise de l’entreprise par ceux qui ont à cœur la préservation de l’emploi, de tous les emplois, au contraire des repreneurs qui considèrent systématiquement l’emploi comme une variable d’ajustement pour assurer un taux de profit acceptable pour les actionnaires.
M. Retailleau parlait tout à l’heure de lutter contre le chômage : nous vous invitons, mes chers collègues, à voter cet amendement qui tend à créer les conditions pour permettre une décision réfléchie et responsable des salariés.
En effet, lorsqu’un employeur trouve un acquéreur, il doit le notifier aux salariés, les informer du prix et des conditions de la vente et leur donner un accès aux documents comptables. Pendant deux mois, les salariés pourront se substituer au nouvel acquéreur et devenir propriétaires de l’entreprise.
Je l’ai souligné, c’est une proposition d’intérêt général, qui vise à replacer l’emploi au cœur des préoccupations économiques en s’appuyant sur de nouveaux droits pour les salariés.
La modernité, le progrès, c’est cela, et non la soumission accrue des travailleurs à l’actionnariat que porte votre projet !
Pour finir, comme je dispose encore de quelques secondes, je tiens à saluer les ex-Fralib, devenus aujourd'hui les « 1 336 », du nom du nombre de jours au cours desquels ils ont mené leur belle bataille. Mes pensées vont également aux salariés d’Ecopla de mon département, dont la lutte n’a malheureusement pas connu le même succès que celle des ex-Fralib. (M. Dominique Watrin applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement vise à rouvrir le débat de la cession « Hamon », qui avait été lancé par la loi de 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. Je ferai deux remarques.
Premièrement, aucune disposition dans le texte n’aborde cette question, et pour cause : il s’agit d’une disposition relevant du code de commerce et non du code du travail.
Deuxièmement, le droit de préemption au profit des salariés est source d’insécurité juridique. C’est pourquoi il avait rapidement été abandonné par le précédent gouvernement.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
J’entends l’intention, à savoir la préservation de l’emploi, et je l’approuve, mais votre proposition est impossible d’un point de vue juridique. Il s’agirait d’une atteinte disproportionnée et non justifiée au droit constitutionnel de la propriété tel qu’il est défini dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, puisque le propriétaire d’une entreprise ne serait plus en mesure de vendre à l’acquéreur de son choix.
Enfin, je rappelle que la procédure de recherche d’un repreneur prévoit déjà à l’article L. 1233-57-10 du code du travail une information spécifique de l’employeur à destination des salariés qui souhaitent déposer une offre de reprise sous la forme notamment d’une société coopérative, ou SCOP.
Bref, il n’est pas possible d’un point de vue juridique et constitutionnel d’instituer un droit de préemption qui viendrait percuter de plein fouet le droit de la propriété.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voterai l’amendement de nos collègues du groupe CRC, même si la mesure n’est pas en lien direct avec le droit du travail et relève du droit des sociétés.
On nous explique que le droit de préemption des salariés ne serait pas constitutionnel, un débat que nous avons déjà eu au moment de la loi Hamon. On nous oppose à chaque fois que la mesure n’est pas constitutionnelle eu égard au droit de propriété, mais le Conseil constitutionnel n’a jamais délibéré.
Or il y a en France des exemples où le droit de propriété n’est pas remis en cause en cas de droit de préemption.
En effet, un fermier qui loue et cultive depuis des années un terrain bénéficie d’un droit de préemption au moment de la vente et est prioritaire pour le rachat. Que je sache, cela ne « spolie » pas le propriétaire pour autant. Pourquoi en irait-il autrement lorsqu’il s’agit d’une entreprise ou d’une usine ?
Évidemment, il ne s’agit pas de priver qui que ce soit de ce qui lui revient puisque le droit de préemption oblige à racheter l’entreprise au prix légitimement fixé. Nous avons déjà eu ce débat jadis au sujet des nationalisations.
Je rappelle que le droit de préemption des salariés en cas de cession de leur entreprise est une promesse de François Hollande. Je regrette beaucoup qu’il ne soit pas allé jusqu’au bout de sa démarche. Nous aurions alors eu connaissance des arguments du Conseil constitutionnel.
En réalité, le frein est culturel. On considère en France que l’entreprise n’est que la propriété du capital et on ne reconnaît pas les parties prenantes, contrairement à ce qui se pratique dans le droit anglo-saxon. Il ne s’agit pas de reconnaître à ces dernières des droits indus, mais uniquement de prévoir un droit de préférence de rachat en cas de vente ou de transmission.
Pour ma part, je considère que nous sommes ici face à des présupposés idéologiques. Nous devons aller au bout des discussions pour ne pas fermer cette possibilité de rachat, d’autant que, dans notre pays, je le rappelle, beaucoup d’entreprises meurent faute de repreneur, en particulier parce que l’on ne suscite pas la reprise par les salariés. (MM. David Assouline et Martial Bourquin applaudissent, ainsi que Mme Françoise Laborde et M. Guillaume Arnell. – Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. J’irai dans le sens de Mme Lienemann.
L’argument constitutionnel sur le droit de la propriété avancé par le Gouvernement est très discutable. Concernant la fermeture, dans mon département, de l’entreprise Arjowiggins de Wizernes, que j’ai évoquée précédemment, c’est le propriétaire, l’actionnaire finlandais, à savoir le groupe Sequana, qui bloque tous les projets de reprise déposés pour la simple raison qu’il souhaite absolument diminuer la production en Europe, afin de faire remonter les cours et réaliser davantage de profits. Il s’agit donc là d’une pure manœuvre financière !
Le droit du travail ne se trouve-t-il pas également inscrit dans la Constitution ? Si vous proposiez un dispositif permettant aux salariés d’intervenir et de se défendre, nous pourrions retirer notre amendement. Mais je n’ai pas entendu tenir de tels propos. Votre silence sur ce dossier est d’autant plus inacceptable que la situation perdure depuis des mois et que l’État est lui-même actionnaire du groupe Sequana !
Je suis donc favorable au maintien de l’amendement afin d’attirer l’attention sur cette question et d’alerter le Gouvernement sur ces sujets.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 154 rectifié ter est présenté par M. Labazée, Mmes Lienemann et Meunier, M. Durain, Mme Jourda, M. Duran, Mme Yonnet et MM. Mazuir, Montaugé, Cabanel et M. Bourquin.
L'amendement n° 212 rectifié ter est présenté par MM. Assouline et Courteau, Mme Lepage, M. Roger, Mmes Blondin et Guillemot et M. Marie.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le premier alinéa du I de l’article L. 225-27-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Les mots : « au moins mille » sont remplacés par les mots : « au moins cinq cent » ;
2° Les mots : « dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins cinq mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, » sont supprimés.
La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 154 rectifié ter.
M. Jérôme Durain. Le projet de loi initial du Gouvernement, adopté par l’Assemblée nationale, prévoit d’améliorer « les conditions de représentation et de participation des salariés dans les organes d’administration et de surveillance des sociétés dont l’effectif dépasse certains seuils ». Cette disposition, non précisée, a pourtant été supprimée par la commission des affaires sociales du Sénat.
Cet amendement vise à garantir la présence des administrateurs salariés dans les grandes entreprises, ce qui va, me semble-t-il, dans le sens souhaité par Mme la ministre.
Nous considérons, en effet, que la présence de salariés dans les conseils d’administration des entreprises est un atout en matière sociale, mais aussi stratégique. C’est pourquoi nous proposons aujourd’hui une série de mesures législatives qui doivent permettre à notre modèle de continuer sa réorientation en abaissant à 500 le seuil à partir duquel la présence d’administrateurs salariés est requise, seuil valant tant dans les sociétés et leurs filiales dont le siège social est fixé sur le territoire national que dans celles dont le siège social est à l’étranger.
Il apparaît judicieux de permettre à un projet de loi d’habilitation destiné à renforcer le dialogue social de développer une forme de représentation et de participation des salariés qui favorise le dialogue social, et donc la performance des entreprises.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour présenter l'amendement n° 212 rectifié ter.
M. David Assouline. Avec votre permission, monsieur le président, je présenterai également l’amendement n° 213 rectifié ter. Ces deux amendements sont liés et traitent de la présence des administrateurs salariés dans les grandes entreprises.
L’amendement n° 212 rectifié ter vise à abaisser le seuil de 1 000 à 500 salariés dans les entreprises ayant leur siège en France. Quant à l’amendement n° 213 rectifié ter, il prévoit la présence d’au moins deux administrateurs salariés dans les entreprises de 500 à 1 000 salariés.
Ces deux amendements tendent à modifier les seuils de salariés au sein des entreprises garantissant la présence des administrateurs salariés.
C’est une proposition qui devrait faire consensus dans cet hémicycle dans la mesure où elle recueille l’adhésion de dirigeants de grandes entreprises qu’il m’arrive rarement de citer, comme Jean-Louis Beffa, ancien PDG de la compagnie de Saint-Gobain, ou Louis Gallois, auquel je fais plus volontiers référence. Par ailleurs, le MEDEF conseille qu’un administrateur salarié soit membre du comité chargé des rémunérations.
De fait, la présence des salariés dans les conseils d’administration des entreprises constitue, en toute hypothèse, un atout en matière sociale, mais aussi en termes de stratégie d’entreprise.
Aujourd’hui, nous devons aller plus loin dans l’extension de la présence des administrateurs salariés pour accroître la diversité des profils au sein des conseils d’administration, non plus pour instituer un modèle qui consacre la suprématie de l’actionnaire dans la gestion de l’entreprise, mais bien pour instaurer un cadre au sein duquel la gouvernance d’entreprise favorise l’investissement de long terme.
En conséquence, le premier amendement qui vous est proposé vise à abaisser à 500, pour les entreprises dont le siège social est en France, le seuil déclenchant la présence de deux administrateurs salariés et à 5 000 ce même seuil pour les entreprises dont le siège se situe à l’étranger.
Ces amendements permettraient de reproduire en France ce qui se fait partout en Europe, y compris en Allemagne, pays souvent montré en exemple.
Vous pouvez avoir le sentiment que cet amendement dépasse le cadre de l’ordonnance. Au contraire, il traite justement d’une plus grande confiance dans l’entreprise qui a été mise en débat par Mme la ministre.
Ces amendements visent plus à ouvrir une possibilité qu’à fermer le débat. Nous faisons confiance aux partenaires sociaux pour se saisir du sujet et élaborer une formule convenant, j’en suis convaincu, aux différents partenaires syndicaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La présence obligatoire de représentants des salariés dans les organes de gouvernance des grandes entreprises a été instituée par la loi du 14 juin 2013. Le seuil d’effectif initial – 10 000 salariés dans le monde ou 5 000 en France – a été abaissé à peine deux ans plus tard par la loi Rebsamen du 17 août 2015 – 5 000 salariés en France et à l’étranger ou 1 000 en France –, qui a également supprimé une dérogation qui bénéficiait aux holdings.
La loi Rebsamen avait prévu une période transitoire pour la mise en application de ce nouveau seuil : les entreprises nouvellement soumises à cette obligation ont jusqu’à courant de l’année 2018 pour se mettre en conformité avec elle. Il semble donc bien prématuré de généraliser ce régime à toutes les entreprises comptant au moins 500 salariés.
Outre que l’équilibre de la gouvernance d’entreprises de taille moyenne serait bouleversé, cette disposition aggraverait l’instabilité juridique autour de la représentation des salariés dans les conseils d’administration qui est entretenue depuis 2013. Or de quoi ont actuellement besoin nos entreprises si ce n’est d’un cadre juridique stable pour se concentrer sur le développement de leur activité ?
La commission des affaires sociales a supprimé l’habilitation que le Gouvernement souhaitait obtenir dans ce domaine, notamment parce que celui-ci n’a jamais précisé, au moins jusqu’à ce soir, ses intentions sur ce point. Attendons que soient évalués – tel doit être le cas – les effets des lois de 2013 et 2015 avant de modifier de nouveau la loi.
La commission est donc défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Comme je l’ai expliqué précédemment, nous ne souhaitons pas toucher pour l’instant aux seuils. M. le rapporteur l’a relevé, la mise en place des seuils est en cours.
De surcroît, il faut toujours revenir aux réalités. De nombreuses entreprises de moins de 1 000 salariés sont des entreprises familiales – nous n’en avons d’ailleurs pas assez en France. Comme cela a été rappelé hier et encore aujourd'hui sur un autre sujet, notre priorité pour ces entreprises est d’instituer un dialogue social interne, et non de modifier leur gouvernance.
Il est primordial de créer un dialogue social, que des organisations syndicales s’implantent et que l’on négocie dans l’entreprise. Il me paraît donc aujourd'hui tout à fait prématuré à plusieurs égards, culturellement et d’expérience au regard de la loi, de baisser ce seuil.
Certains changements doivent s’opérer rapidement, mais d’autres doivent se faire au fur et à mesure. Plus il y aura de dialogue social dans ces entreprises et plus la question de la gouvernance sera abordée naturellement. Voilà pourquoi celle-ci ne pose pas de problème dans les grandes entreprises – les gens se connaissent – et est entrée assez facilement dans les mœurs, je puis en témoigner.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Nous soutiendrons ces deux amendements identiques.
Toutefois, je ne comprends pas très bien : il ne faudrait pas tout le temps changer la loi, dites-vous ? Mais n’est-ce pas ce que vous voulez avec ce projet de loi, en changeant plein de choses ? C’est un argument que vous utilisez quand cela vous arrange…
On est toujours prompt à citer l’exemple allemand – c’est une Franco-Allemande qui vous le dit – du Mitbestimmungsrecht. Or, en Allemagne, les petites entreprises n’ont pas cette méfiance envers le représentant salarié : il n’est pas, par principe, considéré comme casse-pieds, incompétent ou dérangeant.
C’est aussi que le système est différent : la moitié des chefs d’entreprise allemands sont issus de l’apprentissage, loin, donc, du système de caste à la française, qui veut que les dirigeants, sortis des grandes écoles, ne doutent pas souvent ou très peu.
Faire valoir la présomption d’intelligence des salariés, qui peuvent parfois avoir un regard critique et décalé et poser, aussi, des bonnes questions, dans les entreprises de plus de 500 salariés, ce n’est pas nuisible ni dérangeant. Pour connaître le monde agricole, cela se fait d’ores et déjà dans des très petites structures agricoles. Dès lors, pourquoi les mesures qui s’appliquent dans de petites structures ne seraient-elles pas expérimentables dans des structures plus grandes ?
Nous soutiendrons donc ces deux amendements identiques, en déplorant le discours à géométrie variable de la commission et du Gouvernement. (M. Jean Desessard applaudit. – Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. L’argument selon lequel une disposition venant d’être mise en place ne doit pas être modifiée prête à sourire. Quel meilleur réquisitoire contre les ordonnances prévues ici, qui veulent revenir sur certaines dispositions à peine appliquées de la loi El Khomri ? Je vous propose donc, monsieur le rapporteur, madame la ministre, d’abandonner ce type d’arguments, qui ne sont pas convaincants.
J’ajoute que ces amendements identiques ne visent pas à changer le dispositif. Ils tendent seulement à étendre le champ d’application d’une réforme qui a été vécue comme une avancée assez consensuelle, y compris par le patronat, jusqu’aux entreprises de plus de 500 salariés. Nous ne parlons même pas des petites entreprises auxquelles faisait référence Corinne Bouchoux ! Pourquoi n’y aurait-il rien entre 500 et 1 000 salariés ? Pourquoi le dispositif se déclencherait-il à partir de 1 000 salariés ?
La situation actuelle n’est pas logique. Il s’agit d’aller dans le sens des mesures actuellement en vigueur, sans chambouler le dispositif qui a été accepté. Personne ne s’y opposerait, même pas le patronat, me semble-t-il ! J’ai cité un certain nombre de patrons qui se sont plutôt prononcés pour ce changement.
Il y a comme un malaise à constater que, après des heures de travail dans l’hémicycle, vous continuez de refuser des propositions logiques et faisables, tout simplement parce que vous avez reçu mission de vous y opposer, les ordonnances étant déjà écrites ! (Mme la ministre s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Je sens que l’hémicycle est un peu assoupi, c’est peut-être la faim qui nous taraude ! (Sourires.)
Je veux simplement dire ici que certains arguments sont réversibles. Avant de prononcer les mots « stabilité », « prématuré » ou « évaluation », il faut être prudent, madame la ministre : nous pourrions en faire des usages bien différents…
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 154 rectifié ter et 212 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 11 rectifié est présenté par Mme Lienemann, MM. Tourenne, Durain, Duran et Labazée, Mmes Jourda et Yonnet et MM. Mazuir et Montaugé.
L’amendement n° 213 rectifié ter est présenté par MM. Assouline et Cabanel, Mme Guillemot, M. M. Bourquin, Mmes Blondin et Lepage et MM. Marie et Roger.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le premier alinéa du II de l’article L. 225-27-1 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Le nombre des administrateurs représentant les salariés est au moins égal à deux dans les sociétés qui emploient, à la clôture de deux exercices consécutifs, entre cinq cent et moins de mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes. Dans les sociétés qui emploient, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, le nombre des administrateurs représentant les salariés est au moins égal au tiers sans pouvoir être inférieur à deux. »
La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° 11 rectifié.
M. Franck Montaugé. Cet amendement va de pair avec celui que nous avons présenté sur le seuil de présence d’administrateurs salariés dans les conseils d’administration.
Nous proposons qu’il y ait au moins deux administrateurs salariés dans les entreprises de 500 à 1 000 salariés ; dans les entreprises de plus de 1 000 salariés, ce nombre serait au moins égal au tiers, sans pouvoir être inférieur à deux. Cette proposition, qui va dans le sens de celle qui a été défendue par les syndicats, permettrait, avec l’amendement présenté plus en amont, d’harmoniser nos pratiques avec celles de nombreux pays européens.
En Allemagne, un tiers des sièges des conseils de surveillance des entreprises de 500 à 2 000 salariés sont occupés par des salariés. La proportion monte à la moitié des sièges pour les entreprises de plus de 2 000 salariés.
En Suède, la présence de représentants des salariés au sein des conseils d’administration des entreprises de plus de 25 salariés est obligatoire.
Ces modalités de participation pourraient contribuer à ancrer les entreprises sur le territoire national et les aider à faire face aux problèmes de délocalisation. (Mme Corinne Bouchoux et M. Jean Desessard applaudissent.)
M. le président. L’amendement n° 213 rectifié ter a été précédemment défendu.
L’amendement n° 113, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le premier alinéa du II de l’article L. 225-27-1 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Le nombre des administrateurs représentant les salariés ne peut être inférieur à deux, sauf dans l’hypothèse où le nombre des administrateurs mentionnés aux articles L. 225-17 et L. 225-18 est de trois. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement étant quasi identique aux deux amendements précédents, il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. En l’état actuel du droit, un représentant des salariés doit siéger dans les conseils comptant moins de 12 membres, contre deux dans ceux dont l’effectif est plus élevé.
Ces amendements tendent à modifier cette logique en fixant le nombre de représentants des salariés en fonction de la taille des entreprises, le portant au tiers des conseils dans les plus grandes entreprises. Il est articulé avec l’amendement n° 154 rectifié ter, qui vise à abaisser le seuil d’effectifs à partir duquel la représentation des salariés est obligatoire dans les conseils d’administration et que nous avons rejeté.
Les deux amendements identiques nos 11 rectifié et 213 rectifié ter ainsi que l’amendement n° 113 étant contraires à la position de la commission, nous émettons un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur les deux amendements identiques nos 11 rectifié et 213 rectifié ter ainsi que sur l’amendement n° 113, pour les raisons que j’ai évoquées précédemment.
Toucher à la représentation des salariés dans les conseils, tel n’est pas aujourd'hui le sujet. Observons d’abord ce qui se passe dans les entreprises – l’essentiel des mesures que nous proposons pour ce qui concerne le code du travail n’est pas axé sur la gouvernance –, avant d’en tirer dans quelque temps des conséquences.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. L’avis défavorable rendu par la commission des affaires sociales et le Gouvernement est hélas ! très révélateur.
Quand il s’agit d’introduire de la flexibilité et de la souplesse ou de promouvoir le dialogue social et la négociation en entreprise, on cite les exemples allemand et suédois. La social-démocratie, youpi ! Mais la réalité, c’est que vous oubliez que la contrepartie réside dans la présence des salariés et de leurs organisations syndicales au sein de ce que vous appelez la gouvernance, là où les choses se décident. Ils peuvent observer, discuter, se faire entendre et peser.
Choisir de ne prendre qu’une partie du modèle, la plus susceptible de fragiliser les salariés, en écartant celle qui a des vertus stabilisatrices, ce n’est pas la social-démocratie ; c’est un basculement libéral, c’est le démantèlement de notre système sans équilibrer les forces nécessaires.
On parle de la confiance des salariés. Mais pourquoi ne leur ferait-on pas confiance dans les conseils d’administration ?
M. Jean Desessard. Oh non, ce sont des ouvriers !
M. René-Paul Savary. C’est hors sujet !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. On leur fait confiance quand il s’agit surtout de leur demander de faire des efforts dans la période actuelle. Mais on ne leur fait plus confiance du tout quand il s’agit de les autoriser à entrer dans les conseils d’administration !
Je le dis tout net, ce n’est pas la peine de nous expliquer qu’on fait la révolution, qu’on entre dans un nouveau monde ! Ce n’est pas en marche, c’est en marche arrière !
M. Martial Bourquin. Très bien !
Mme Catherine Deroche. Ce n’est pas faux !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. La réalité, c’est que l’on nous propose des reculs sociaux. On refuse d’aller de l’avant en acceptant les grandes évolutions qui consistent à faire participer les salariés aux conseils d’administration des entreprises, même les petites d’entre elles.
Toute modification culturelle des relations entre les salariés et les patrons sera impossible dans notre pays si l’on n’accepte pas une telle évolution, qui est indispensable.
Personnellement, j’estime que ces amendements sont utiles, à l’instar des précédents. Ce combat culturel est décisif pour donner un sens au terme de dialogue social. Sauf à considérer que le dialogue social signifie : « Cause toujours ! » et si l’on veut que ce soient toujours les mêmes qui décident ! (MM. David Assouline, Franck Montaugé et Jean Desessard applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je voudrais exprimer une opinion différente de celles qui viennent d’être exposées au sujet de la mutation de la gouvernance d’entreprise.
La comparaison avec la situation dans les pays d’Europe du Nord ne vaut que si on la replace dans une histoire syndicale qui se compte en décennies. La France n’est pas dans la même situation.
Ce qui pose problème avec ces amendements, que nous allons repousser, c’est qu’ils tendent à créer dans la loi une obligation à la place d’un dialogue social. Aujourd'hui, je le constate, développer la participation obligatoire, en l’imposant par la loi, des salariés aux organes de gouvernance de l’entreprise ne fait pas l’objet d’une revendication fréquente des principales organisations syndicales.
La question n’est pas de savoir si les salariés doivent participer à ces instances ou non ; elle est de se prononcer sur l’opportunité de le faire de façon uniforme par la loi ou par accord. Rien n’empêche aucune entreprise française, y compris de dix salariés, de conclure un accord prévoyant la participation des salariés ; beaucoup d’entreprises l’ont fait.
Nous avons un vrai problème d’interprétation de ce que doit être le progrès social ou la social-démocratie – ce n’est d’ailleurs pas tout à fait nouveau dans l’histoire du progressisme français : tout doit-il être imposé par la loi, par le commandement politique, ou bien doit-on laisser la société se prononcer ? Il faut se poser la question. (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche et du groupe Union Centriste et sur quelques travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Lalande applaudit également.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et le modèle allemand ?
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je veux répondre à notre collègue Alain Richard. À une époque où nous défendions encore des dispositifs à peu près semblables (Sourires.), c’est ensemble que nous avons introduit, par la loi, la présence obligatoire d’un administrateur salarié au sein des conseils d’administration des entreprises de plus de 1 000 salariés – vous n’en avez soufflé mot.
Ces deux amendements identiques ne tendent pas à bouleverser ce système. N’essayez pas de dramatiser les choses anodines que nous disons ici : le seuil de 1 000 salariés n’est pas beaucoup plus pertinent que celui de 500 – il s’agit déjà d’une grande entreprise – pour imposer par la loi la présence d’un tel administrateur. Sous le seuil de 500 salariés, c’est autre chose.
Nous proposons qu’il y ait au moins deux administrateurs salariés dans les entreprises de 500 à 1 000 salariés : un seul administrateur salarié ne représenterait qu’une frange trop partielle, voire partiale, de la diversité des salariés. C’est à partir de deux que naît en général l’altérité.
M. Jean Desessard. Et la parité hommes-femmes ! (Mme Annie Guillemot applaudit.)
M. David Assouline. En effet !
Je le répète, ne dramatisez pas ! Ces amendements ne changent pas la disposition que vous aviez acceptée avec nous il n’y a pas si longtemps, monsieur Richard. Il s’agit uniquement là de prévoir la présence d’un administrateur salarié dans l’entreprise à partir du seuil de 500 salariés et de deux administrateurs dans les entreprises de plus de 1 000 salariés.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Lors de l’examen de la loi Rebsamen, nous étions quelques-uns ici – surtout des femmes d’ailleurs –, à débattre de la disposition visant à instaurer la présence des administrateurs salariés dans certains conseils d’administration, avec des modalités différentes selon que les filiales sont en France ou à l’étranger. Cette disposition a suscité un débat, et nous avions évidemment voté pour.
Une période d’adaptation était prévue, qui n’est pas finie, puisqu’elle court jusqu’en 2018 ! (Mme la ministre acquiesce.) Je plaide donc pour la stabilité, nécessaire pour que les entreprises s’adaptent. Laissez vivre la loi Rebsamen ! Nous pourrons ensuite revenir sur cette question importante.
Je l’ai dit lors de la discussion générale, le conseil d’entreprise – nous plaidons pour sa mise en place par accord majoritaire plutôt que par la loi, comme le souhaite la majorité de la commission –, quel que soit le nom qu’il portera in fine, qui fusionnera les instances, sera un véritable organe de décision, voire de codécision, car on y traitera de la stratégie de l’entreprise, qu’elle soit sociale ou économique.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je partage les opinions émises par les différents orateurs. Il y a un large consensus pour faire évoluer la représentation des salariés. Le principe de la codécision est largement accepté sur nos travées, nous en discutons depuis fort longtemps.
La question, comme l’a parfaitement souligné Alain Richard, est de savoir si c’est le bon moment pour le faire, et si cela figure dans l’agenda des organisations syndicales. De surcroît, est-ce le sujet ? Nous traitons ici, je le rappelle, d’une habilitation à légiférer par ordonnances, lesquelles devront être négociées avec les organisations syndicales. Nous sommes en droit de soulever la question, mais il ne semble pas opportun de légiférer. Il convient plutôt de la renvoyer à Mme la ministre, afin qu’elle la leur soumette.
Sur ce point, nous sommes tous d’accord pour convenir de la nécessité de faire un jour de la Mitbestimmung un principe de codécision, de coresponsabilité dans l’entreprise.
Je me bats depuis plus longtemps que certains ici pour faire valoir ce point de vue. Je le faisais déjà auprès de mes dirigeants quand j’étais simple syndicaliste en entreprise, je ne vais pas y renoncer aujourd’hui que je suis homme politique, et que j’ai reçu le mandat de faire avancer les choses par la loi.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Je partage l’essentiel des propos demandant une plus grande participation des salariés aux décisions de l’entreprise. Plus les salariés sont associés aux décisions, mieux les choses se passent.
Avec le renforcement du dialogue social, on veut nous présenter les choses de façon idyllique. Mais permettez-moi de citer quelques exemples.
Que s’est-il passé dans une grande entreprise d’armement, qu’un de nos collègues du Sénat connaît bien ? Condamnée pour discrimination syndicale, elle a dû verser 1,2 million d’euros aux sept personnes, sept cadres, qui en ont été victimes. C’est cela, le dialogue social dans les grandes entreprises !
L’entreprise Ratier Figeac a dû, quant à elle, verser entre 40 000 euros et 180 000 euros à dix militants syndicaux, soit une augmentation mensuelle de 600 euros par délégué syndical discriminé. Voilà comment cela se passe ? Je ne dis pas que c’est partout ainsi, mais cela arrive.
La somme la plus importante a été versée à un ingénieur de Nestlé, qui a reçu 690 000 euros en dédommagement d’une carrière brisée par ses activités syndicales.
Bien sûr qu’il faut des représentants du personnel. Mais sachez bien une chose, mes chers collègues : être militant syndical est déjà difficile dans les entreprises ; cela le sera encore plus une fois ces ordonnances prises.
J’entends parler de social-démocratie scandinave : avec ce texte, c’est plutôt vers un néolibéralisme total que nous allons !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 rectifié et 213 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 134 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 307 |
Pour l’adoption | 201 |
Contre | 106 |
Le Sénat a adopté.
Articles additionnels après l’article 2
M. le président. L’amendement n° 110, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 225-27 du code de commerce, les mots : « supérieur à quatre ou, dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, cinq, ni excéder le » sont remplacés par les mots : « inférieur au ».
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. La représentation des salariés au sein des conseils d’administration est très insuffisante en France, car elle est limitée aux seules très grandes entreprises.
Or le dialogue social est nécessaire pour l’ensemble des entreprises, et non seulement pour celles qui dépassent les 1 000 salariés. Trop d’entreprises se trouvent aujourd’hui exclues de toute représentation syndicale au sein de leurs conseils. Des entreprises comme Axa ou Sanofi, par exemple, dotées d’une holding de tête de moins de 50 personnes, sont dispensées d’une telle obligation.
Mme la ministre et Mme Bricq ont cité l’exemple de l’Allemagne. Je leur rappelle que, là-bas, les salariés représentent un tiers du conseil d’administration pour les entreprises de 500 à 2 000 salariés, la moitié au-delà.
Le présent amendement vise à s’inspirer de ce fameux « modèle allemand », en garantissant aux salariés un tiers des sièges des conseils d’administration des entreprises. En clair, le plafond actuellement applicable deviendrait un seuil plancher.
À l’évidence, une telle disposition constituerait un saut qualitatif indéniable en matière de représentation des salariés dans les organes de décision des entreprises et participerait de la bonne gestion des intérêts collectifs de long terme de l’entreprise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Foucaud. Le modèle allemand, c’est quand ça vous intéresse, en somme ! On se demande à quoi on sert ici…
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Il faudrait m’expliquer votre position, madame la ministre, car j’ai le droit de comprendre…
La base des ordonnances, c’est l’efficacité. Cela signifie, selon vous, que le dialogue se déroule non plus dans les branches, avec la complexité de l’entreprise, mais au niveau de l’entreprise.
Le dialogue au niveau de l’entreprise permettra, dites-vous, d’adapter l’organisation et la culture de celle-ci au marché pour être plus efficace, plus compétitive, et donc de faire décoller l’économie et créer des milliers d’emplois. J’ai cru comprendre que telle était l’option que vous aviez choisie. Pour notre part, nous avions quelques doutes sur le nombre de créations d’emplois qui résulterait de cette méthode.
Le dialogue dans l’entreprise, ce n’est pas le DRH qui passe à la buvette pour voir si tout va bien… Non ! Cet échange doit permettre aux salariés de prendre conscience de la situation économique de leur entreprise, de sa stratégie, des marchés possibles. Tous les salariés doivent y être associés.
Plus nombreux sont les représentants des salariés qui peuvent expliquer la stratégie, les difficultés économiques et les efforts qu’il convient de faire, mieux les salariés comprendront pourquoi il faut faire des efforts conjoncturels pour que l’entreprise aille mieux.
Je suis très surpris que vous refusiez l’amendement du groupe CRC. L’objectif est en effet que les salariés soient mieux représentés, plus informés des difficultés de l’entreprise et des marchés possibles. Leurs représentants pourront alors leur expliquer pourquoi il est normal de prendre telle ou telle mesure.
Vous dites qu’il faut engager un dialogue dans l’entreprise, mais vous ne donnez pas aux représentants des salariés les moyens de dialoguer, d’avoir les connaissances suffisantes. S’ils ne sont pas d’accord avec les mesures proposées, on leur rétorquera qu’ils ne connaissent rien à l’économie. On leur dira : « Faites comme cela parce que c’est bien ! »
Vous mettez là en cause l’intelligence des salariés, leur capacité de se mobiliser pour défendre leur outil de travail. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mmes Maryvonne Blondin et Marie-Noëlle Lienemann applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Je ne dirai pas que je suis déçu, car je ne suis pas surpris par les intentions du Gouvernement : le dialogue ici n’en est pas un. À un moment donné, on cite l’exemple de l’Allemagne pour faire passer un message, mais si un orateur évoque ce même pays pour défendre un autre argument, alors vous réfutez cet exemple, au motif que cela ne vous intéresse pas… Autrement dit : circulez, il n’y a rien à voir !
Pour faire l’économie de ma démonstration – c’est presque un point « culturel » –, je rappellerai une idée déjà ancienne, puisqu’elle date de 2012. Louis Gallois – il n’est pas communiste ! – estimait, à l’occasion d’une mission que lui avait confiée le gouvernement d’alors : « […] le poids des actionnaires doit être équilibré, en privilégiant ceux qui jouent le long terme et en donnant la parole aux autres parties prenantes de l’entreprise. » C’est ce que vient de rappeler notre collègue Jean Desessard.
Continuez à vous entêter, madame la ministre, en donnant des avis négatifs sur des amendements progressistes ! Souvenez-vous de ce qui s’est passé voilà quelques mois ! Cela se reproduira peut-être, car les salariés vont vous voir telle que vous êtes.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Monsieur Foucaud, ni Mme la ministre ni moi-même n’avons parlé de l’Allemagne de tout l’après-midi ! Des collègues l’ont fait, mais pas nous.
Mme Catherine Deroche et M. Jackie Pierre. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je veux donner une information à M. Desessard : il n’y a pas de buvette dans les entreprises ! (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 112, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 6° de l’article 225-2 du code pénal, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« 7° À refuser une formation d’une personne ;
« 8° À refuser une promotion d’une personne ;
« 9° À refuser une classification d’une personne. »
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Cet amendement vise à compléter l’article 225-2 du code pénal relatif aux discriminations.
Si cet article prend déjà en compte les cas de discrimination à l’embauche ou à l’exercice d’activités, il ne fait que couvrir une part limitée des cas de discrimination dans le monde du travail. En effet, comme l’ont relevé successivement le Défenseur des droits, Jacques Toubon, le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, ou l’Observatoire de la répression et de discrimination syndicales, les cas de discrimination syndicale sont largement sous-estimés par les pouvoirs publics.
Si la justice a déjà rendu des jugements contre des entreprises responsables de discrimination, les juges n’ont à l’heure actuelle aucune base légale solide sur laquelle s’appuyer. Ainsi le jugement ne tient-il que sur l’interprétation de l’article 225-2 du code pénal. On pense ici, par exemple, au groupe La Poste, à la SNCF ou à l’entreprise Ikea, condamnés ces dernières années pour avoir dévalué des salariés au motif qu’ils avaient des responsabilités syndicales. Malheureusement, en l’absence de base légale solide, ces jugements peuvent être facilement cassés à l’occasion d’un second recours.
Par ailleurs, à la difficulté de définition par le juge de ce qu’est une discrimination syndicale s’ajoute la question du taux de non-recours, favorisé justement par ce sentiment que la loi n’est pas appliquée.
Comme le disait à juste titre Simone Veil, « lorsque l’écart entre les infractions commises et celles qui sont poursuivies est tel qu’il n’y a plus à proprement parler de répression, c’est le respect des citoyens pour la loi, et donc l’autorité de l’État, qui sont mis en cause ».
Au final, cet amendement vise à mettre en application les recommandations du Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU, qui déplorait en juin 2016 « les actes de représailles contre les représentants syndicaux signalés » et engageait la France à prendre des mesures efficaces en matière de protection des personnes engagées dans des activités syndicales, de prévention et de répression de toutes les formes de représailles. Ainsi, les dix-huit experts de l’ONU ont considéré que la France sous-estimait la répression syndicale, alors même que la jurisprudence a tenté, de manière incomplète, de donner un cadre juridique à la répression des actes de discrimination.
À ce titre, on ne peut que saluer l’arrêt de la Cour de cassation de janvier 2015, aux termes duquel le cas d’un salarié du secteur privé disposant de mandats syndicaux qui ne bénéficie d’aucun entretien d’évaluation depuis plusieurs années et ne connaît aucune évolution de carrière laisse supposer l’existence d’une discrimination.
Madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons, à l’occasion de l’examen de ce texte, de la façon de renforcer le dialogue social et l’engagement syndical des salariés. Cet amendement s’inscrit donc dans cette dynamique en visant à sécuriser le parcours des salariés engagés, alors même que la crainte de représailles est le premier motif de non-engagement syndical.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. On sort ici du champ de ce projet de loi, qui traite du renforcement du dialogue social et n’aborde que de manière connexe – c’est peut-être regrettable, mais c’est ainsi ! – la question de la lutte contre les discriminations.
Je tiens à souligner qu’en application de l’article L. 1132-1 du code du travail tout refus d’une formation ou d’une promotion – je ne comprends pas très bien à quoi correspond le « refus d’une classification », la troisième modification proposée dans l’amendement – est déjà sanctionné s’il a pour motif les activités syndicales du salarié concerné, qui peut donc se tourner vers le juge.
J’espère également que Mme la ministre pourra préciser ses intentions quant au renforcement de la lutte contre la discrimination syndicale, qui figure au 5° de l’article 2.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. L’avis est également défavorable, non sur le fond, mais parce que l’amendement est satisfait. La question de la discrimination syndicale est en effet réelle dans de nombreux pays, y compris le nôtre. J’ai fait état du récent rapport du CESE. J’ajoute que nous avons discuté de ce sujet avec les partenaires sociaux.
Dans le 10e Baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi réalisé par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail en France, dont le champ est plus large que celui de toutes les discriminations, publié en mars dernier, il est rappelé que près d’une personne sur deux considère qu’il y a des discriminations fréquentes dans la recherche d’emploi. Par ailleurs, un tiers des personnes jugent que ces discriminations se produisent souvent ou très souvent lors du déroulement de carrière. Cela ne signifie pas qu’elles se produisent aussi fréquemment, mais ces discriminations sont en tout cas perçues comme telles : chacun connaît quelqu’un qui a été confronté à ce problème. Le phénomène est donc avéré, on peut être d’accord sur ce point.
Si les discriminations au sens général sont quelque peu hors du champ du projet de loi, les discriminations syndicales, en revanche, en relèvent bien. En effet, pour que s’instaure un dialogue social serein, il ne faut pas, cela va sans dire, que des discriminations syndicales existent.
Il est ressorti de la concertation que nous ne disposions pas d’une véritable analyse de la discrimination syndicale. Or nous avons besoin d’une telle analyse si nous voulons prendre des mesures préventives.
S’agissant des mesures répressives, il existe un arsenal législatif. L’article 225-2 du code pénal vise d’ores et déjà, dans son 5°, la discrimination pour refus de formation et, dans son 3°, le fait de sanctionner une personne. Et, aux termes des articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail, est nul toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié en raison d’un motif discriminatoire et consistant en un refus de formation, de promotion ou de classification. Par ailleurs, tout salarié victime de tels agissements peut obtenir auprès du Conseil de prud’hommes la réparation par l’employeur du préjudice qu’il a subi.
Nous considérons à cet égard, et j’y reviendrai à l’occasion de l’examen de l’article 3, qu’il ne peut y avoir de plafonnement du barème des dommages-intérêts en cas de discrimination ou de harcèlement.
Si nous disposons d’un arsenal législatif, il n’en reste pas moins qu’il existe aujourd’hui des pratiques inacceptables. Il doit donc y avoir sur ce sujet un travail commun des organisations syndicales de salariés, du patronat, du Gouvernement et du juge le cas échéant.
À la suite de la concertation menée avec les partenaires sociaux, nous avons décidé de mettre en place un dispositif permanent d’observation sur ce sujet, afin de réunir de la matière pour savoir dans quels cas, dans quels types d’entreprises et pour quels motifs ces discriminations se produisent. Nous pourrons ainsi être plus précis dans la prévention de ces agissements, afin de sensibiliser sur le sujet. En effet, l’arsenal législatif seul ne permettra pas de résoudre ce problème ; il est nécessaire, mais pas suffisant.
L’amendement étant satisfait, l’avis est défavorable. Je suis favorable, en revanche, à la poursuite des travaux sur cette question, car nous avons beaucoup de progrès à faire.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Nous allons retirer cet amendement, car nous observons avec satisfaction que Mme la ministre a développé un argumentaire étayé : notre proposition s’inscrit dans un arsenal répressif qui existe déjà et ne résout pas les problèmes. Il faut en effet, comme le préconise le CESE dans son rapport, des solutions préventives.
Au vu de l’intérêt porté à notre amendement et de cette réponse argumentée, nous faisons confiance au Gouvernement pour proposer des mesures effectives et concrètes,…
M. Jean Desessard. Oh là là !
M. Dominique Watrin. … et retirons l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 112 est retiré.
L’amendement n° 115, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre II du titre III du livre Ier de la première partie du code du travail est complété par un article L. 1132-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1132-… – Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distributions d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de l’accomplissement d’une démarche d’information, de revendication ou de réclamation auprès de l’administration du travail, de l’inspection du travail, d’une organisation syndicale, pour avoir agi ou témoigné en justice. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement tend à exclure du licenciement tout salarié ayant intenté une action en justice, liée à son activité professionnelle, à l’encontre de son employeur ou tout membre de l’entreprise, société, groupe dans lequel il exerce, tout motif basé sur cette même action.
L’amendement vise également à protéger l’ensemble des salariés qui seraient susceptibles de produire des preuves ou témoignages lors de la procédure judiciaire. Il tend ainsi à apporter une protection permettant l’accès libre à la justice, libérant les parties demanderesses de toute entrave professionnelle uniquement motivée par la mise en œuvre de ladite procédure.
Au fond, il s’agit simplement de donner force de loi à une jurisprudence constante de la Cour de cassation, rappelée encore en février dernier, aux termes de laquelle le droit d’ester en justice est une liberté fondamentale conférée à tout salarié, qui doit pouvoir s’exercer sans restriction. Ainsi, les juges ont toujours annulé les licenciements pris sur ce motif.
De la même manière, ils ont, par exemple, considéré que doit être annulé un licenciement motivé par le témoignage en justice d’un salarié en faveur d’un ancien collègue. Dans le même sens, il a été jugé que, sauf mauvaise foi de la part du salarié, le dépôt d’une plainte constituait l’exercice d’un droit et ne pouvait pas être une faute justifiant un licenciement.
La loi devant être une protection supplémentaire, nous vous proposons d’inscrire très clairement ces dispositions dans le code du travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement reprend une proposition de loi de notre collègue député André Chassaigne, déposée à l’Assemblée nationale le 14 octobre 2015, relative à la protection des salariés ayant intenté une action en justice à l’encontre de tout membre de leur entreprise, société ou groupe, mais qui n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour ; on peut le regretter, mais c’est ainsi.
Il me semble qu’il est satisfait par les articles du code du travail interdisant toute discrimination, notamment l’article L. 1132-1, ainsi que par ceux qui ont ajoutés par la loi Sapin II du 9 décembre 2016 relatifs à la protection des lanceurs d’alerte, en particulier l’article L. 1132-3-3 du code du travail.
Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. A-t-on besoin d’un nouvel ajout dans la loi ou d’une discussion de fond ?
Sur le fond, nous avons, je pense, une vision commune. Pour notre part, nous considérons cependant que les salariés, ainsi que les candidats à l’embauche, sont d’ores et déjà protégés dans ces situations par les dispositions du code du travail.
Un salarié qui agit en justice pour dénoncer des faits de corruption, un délit ou un crime, est également protégé contre toute sanction ou licenciement.
Un salarié ou candidat à l’embauche victime d’une sanction pour avoir subi ou dénoncé des faits de discrimination, ou de harcèlement social ou moral, est protégé de la même manière.
En outre, dans les cas qui ne relèveraient ni de la discrimination ni du harcèlement, le juge peut remettre en cause le caractère réel et sérieux du licenciement. Une sanction infligée à un salarié pour des motifs similaires encourrait l’annulation par le juge pour absence de motif valable de la sanction.
Enfin, depuis la loi Sapin II du 9 décembre 2016, les lanceurs d’alerte au sein des entreprises sont également protégés contre le licenciement, toute sanction ou mesure discriminatoire.
J’entends ce que vous dites, madame la sénatrice : une partie de la protection relève de la loi, l’autre de la jurisprudence. Or celle-ci est constante et stable en la matière. Nous ne voyons donc pas la nécessité de codifier plus avant, l’ensemble du champ des discriminations étant couvert.
Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. J’entends les propos de Mme la ministre et de M. le rapporteur.
Je suis d’accord avec vous, madame la ministre, le droit du travail et la jurisprudence de la Cour de cassation devraient permettre d’empêcher de telles situations. Or, dans cet hémicycle, nous connaissons tous des exemples.
Récemment, un chauffeur ayant dénoncé son employeur qui lui faisait transporter des déchets toxiques a récemment été licencié.
En Savoie, l’entreprise Tefal s’en est prise à une inspectrice du travail qui avait dénoncé des méthodes dangereuses ou, en tout cas, des atteintes à la santé et à la sécurité des travailleurs.
Ces exemples concrets montrent que le code du travail, le code pénal et la jurisprudence ne sont pas suffisants pour protéger véritablement les lanceurs d’alerte et les salariés qui tentent de dénoncer au sein de leur entreprise des situations graves, dramatiques, qui attentent non seulement à leur santé, mais également à la santé publique et à l’environnement.
Je serais tentée de suivre Mme la ministre et M. le rapporteur en retirant notre amendement, mais la situation actuelle en ce domaine me dissuade de le faire. Je préfère que celui-ci soit mis aux voix et, comme vous l’avez dit, madame la ministre, nous devons nous efforcer d’avancer un peu plus encore afin de prévenir les licenciements des salariés et des lanceurs d’alerte qui dénoncent les actes illégaux commis dans leur entreprise. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. L’amendement n° 114, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Le chapitre II du titre IV du livre Ier de la deuxième partie est complétée par une section … ainsi rédigée :
« Section…
« L’heure d’information syndicale
« Art. L. 2142-… – Les sections syndicales sont autorisées à tenir, pendant les heures de travail, des réunions mensuelles d’information. Ces réunions se tiennent dans les locaux syndicaux mis à la disposition des sections syndicales en application de l’article L. 2142-8, ou, avec l’accord du chef d’entreprise, dans d’autres locaux mis à leur disposition.
« Chacun des membres du personnel a le droit de participer à l’une de ces réunions, dans la limite d’une heure par mois. Ce temps peut être dépassé en cas de circonstances exceptionnelles. » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article L. 2323-8 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« En cas d’offre de vente faite aux salariés, ces derniers ont accès à la base de données économiques et sociales. » ;
3° Le I de l’article L. 2325-35 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° En vue de l’étude d’un projet de reprise de l’entreprise par les salariés. »
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. L’exercice du mandat syndical se heurte souvent, on le sait, au manque de temps des salariés pour s’informer sur leurs propres droits. Pourtant, le premier rôle des représentants des salariés est de rester en contact avec leurs collègues pour faire remonter les problèmes dans les instances correspondantes, mais aussi pour les informer des décisions prises, de leur impact et de leurs conséquences sur les conditions de travail de chacun.
Les administrations publiques, quant à elles, ont le dispositif de l’heure de délégation syndicale, qui permet aux syndicats et aux salariés de prendre une heure pour échanger sur les points qu’ils souhaitent. Cette respiration est indispensable pour la vie syndicale dans nos établissements scolaires, nos collectivités, nos hôpitaux, pour que les agents puissent vraiment avoir accès aux informations les concernant. Ne serait-elle pas utile, aussi, dans le secteur privé ?
Madame la ministre, la mise en œuvre de la délégation unique du personnel, la DUP, se soldera par une baisse du nombre d’élus et du nombre d’heures de délégation, et par une raréfaction des réunions. Quelle crédibilité accorder au débat que nous venons d’avoir sur l’article 2 si nous ne créons pas les conditions pour que l’expression des salariés puisse avoir lieu dans l’entreprise ?
À l’Assemblée nationale, le rapporteur a argué que les salariés avaient toujours le droit de se réunir en dehors du temps de travail et que les délégués pouvaient aller et venir dans l’entreprise pour discuter. Plus grave encore, cette heure mensuelle pourrait, selon lui, désorganiser le travail de toute l’entreprise.
Mes chers collègues, il est temps d’améliorer partout l’information des salariés en instaurant, comme nous le proposons, cette heure d’information syndicale dans toutes les entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement reprend les dispositions d’une proposition de loi relative au droit de préemption des salariés, déposée par les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine en mars 2015 et rejetée par l’Assemblée nationale au mois de mai suivant.
Il prévoit, tout d’abord, de créer une heure mensuelle d’information syndicale à laquelle les salariés seraient autorisés d’assister sur leur temps de travail, sur le modèle de dispositions similaires qui existent dans la fonction publique.
Il tend, ensuite, à procéder à deux autres modifications visant à élargir le droit d’information des salariés : il leur donne accès à la base de données économiques et sociales, la BDES, de l’entreprise lorsqu’une offre de vente leur est faite et ouvre, dans ce cas, une nouvelle possibilité de faire appel à un expert-comptable aux frais de l’employeur.
Il me semble que, dans ce cas précis, notre assemblée peut se rallier à la sagesse de nos collègues députés. La BDES doit être réservée à l’information des instances représentatives du personnel en vue de la préparation de leurs avis, tandis qu’il n’est pas souhaitable d’imposer dans chaque entreprise cette heure d’information syndicale, qu’elle est libre, le cas échéant, de mettre en place par accord collectif.
Au vu de ces éléments, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. L’avis est également défavorable, en partie pour les motifs invoqués par M. le rapporteur, mais aussi pour une autre raison : il convient de rappeler que le code du travail permet d’ores et déjà aux syndicats d’informer les salariés via des panneaux et des tracts, et depuis un an sur l’intranet de l’entreprise, ce qui était un point important.
Les syndicats peuvent aussi réunir les salariés dans un local mis à la disposition par l’employeur.
Introduire dans la loi une durée aussi précise – une heure par mois – va à l’encontre de ce que nous préconisons depuis deux jours. Nous voulons certes renforcer le dialogue social dans l’entreprise, mais nous ne souhaitons pas indiquer comment il faut y procéder dans les plus menus détails. On veut encourager les accords d’entreprise, mais c’est dans l’entreprise qu’il faut définir les modalités de leur conclusion. Plusieurs formes sont envisageables, qui dépendent de la façon de travailler des salariés, à distance ou non par exemple.
Il faut faire confiance aux syndicats et aux employeurs, leur laisser définir ces modalités, et non les prendre par la main.
L’avis est donc défavorable du fait de l’excès de précision de l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 83 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Vasselle, Guerriau, Pellevat, Nougein, Grand, Vaspart, Perrin, Raison et César, Mmes Duchêne, Di Folco et Gruny, MM. Pierre et de Nicolaÿ, Mme Mélot, MM. Longeot, D. Laurent, Mayet et Canevet et Mmes Keller et Loisier, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi pour relever le seuil social de onze à vingt salariés, de vingt à cinquante salariés et de cinquante à cent salariés.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Issu d’un département rural dont le tissu économique est surtout composé de petites entreprises, je me félicite des dispositions de ce projet de loi, lequel prend en compte leurs spécificités, notamment celles qui sont prévues à l’article 1er de nature à leur permettre de négocier, même en l’absence de délégué du personnel. J’approuve aussi la possibilité offerte à l’employeur d’organiser un référendum pour valider un accord.
L’article 2 prévoit de fusionner les trois instances – délégué du personnel, comité d’entreprise, CHSCT – dans une seule instance. J’y suis, bien sûr, favorable. Cet article renforce également le dialogue social et encourage la négociation d’entreprise.
Je souhaite que figure dans cet article un relèvement, ou plutôt un aménagement des seuils sociaux, lesquels constituent un réel frein à l’embauche.
Dans sa rédaction actuelle, cet article laisse présager une modification, mais pas de façon claire. L’objet de mon amendement est de préciser ce point.
Le chômage de masse nous oblige à prendre toutes les mesures favorables à la création d’emplois. Il arrive parfois que des entreprises n’embauchent pas pour l’unique raison qu’elles ne souhaitent pas franchir un seuil qui impliquerait de nombreuses contraintes administratives et un surcoût de certaines cotisations sociales. Nous connaissons tous des entreprises qui ne veulent pas passer de 49 à 50 salariés. Bien sûr, il faut tenir compte du cas des personnes handicapées, qui a fait l’objet d’un amendement présenté précédemment.
Par ailleurs, si l’on doit organiser dans les plus petites entreprises, à partir de 11 salariés, des élections de délégués du personnel, les charges augmenteront, notamment le taux de participation à la formation continue. Ces entreprises perdront aussi une partie des exonérations de cotisations sociales sur la rémunération des apprentis, et devront s’acquitter d’un versement transport, et j’en passe.
Cet amendement d’appel vise à souligner le problème des seuils, qu’il s’agit d’adapter afin d’éviter qu’ils ne freinent l’emploi. Pour atteindre le plein emploi, il faut renforcer les possibilités de développement des PME. La modification et l’aménagement des seuils sont un moyen d’y parvenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Bien que l’on puisse partager pleinement la philosophie de cet amendement, nous ne pouvons que constater qu’il est contraire à la Constitution.
Plus spécifiquement, il est contraire à la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel relative à la recevabilité des initiatives parlementaires en matière de recours aux ordonnances. Par deux décisions, l’une du 20 janvier 2005 et l’autre du 31 juillet 2014, il a interdit à un amendement parlementaire de créer ou d’élargir une habilitation, estimant qu’une telle faculté n’était pas prévue par l’article 38 de la Constitution.
Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Beaucoup de choses freinent l’emploi… Les seuils existent dans tous les pays. Celui de 50 salariés, par exemple, est un seuil européen. Ce qui compte est de savoir ce que l’on met dans ce seuil.
Des aménagements ont été prévus dans des lois successives afin de lisser les seuils. Il n’en reste pas moins que ceux-ci demeurent des barrières, souvent davantage psychologiques que réelles. Mais à un moment donné, il faut procéder à des modifications. On peut toujours passer de 11 à 12 salariés, ou de 12 à 13… Le passage de 10 à 11 salariés a été tenté une fois, avec succès, sur l’initiative de M. Raffarin, si ma mémoire est bonne.
Nous ne nions pas l’effet dissuasif du seuil. Mais on ne peut pas vouloir, à la fois, modifier les seuils et renforcer le dialogue social.
Nous ne voulons pas différer le dialogue social. Or relever le seuil de 11 à 20 salariés, en mettant en place la représentation syndicale correspondante, revient à considérer qu’en deçà de 20 salariés, il n’est pas besoin d’organiser le dialogue social.
Nous avons fait un choix, dont on peut débattre ; nous préférons élargir les possibilités de dialogue social. En effet, le fait de ne pas pouvoir passer d’accords, aménager l’organisation du travail, le temps de travail ou les primes, de ne pas avoir la liberté de négocier entre partenaires, est un frein psychologique à l’emploi, à la volonté de « grandir ». Nous avons pris le parti de nous concentrer sur ce point.
Les seuils les plus problématiques pour les entreprises, ce sont les seuils fiscaux et sociaux.
Nous avons considéré que la priorité du moment n’était pas de relever les seuils, sachant que, je le répète, un certain nombre d’entre eux sont aujourd’hui en réalité lissés.
Ma réponse n’est ni blanche ni noire. J’insiste, nous avons considéré que la priorité n’était pas de franchir de nouveaux seuils. Il faut expliquer que des seuils peuvent parfois être franchis sans que leurs conséquences soient immédiatement applicables. Il faut surtout faire en sorte de donner plus de souplesse aux petites entreprises, pour leur permettre de négocier des accords qui correspondent à la vie de l’entreprise au quotidien. Tel est le cœur de ce projet de loi, et notre priorité.
Je suis donc défavorable à l’amendement, tout en défendant un argument différent que le rapporteur, pour des raisons évidentes.
M. le président. Monsieur Chasseing, l’amendement n° 83 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Non, je le retire, monsieur le président. Il s’agissait d’un amendement d’appel pour bien montrer que les seuils posaient problème, notamment aux petites entreprises.
M. le président. L’amendement n° 83 rectifié est retiré.
6
Nominations de membres d’éventuelles commissions mixtes paritaires
M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion des commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte commun sur le projet de loi en cours d’examen, d’une part, et sur le projet de loi et le projet de loi organique pour la régulation de la vie publique, d’autre part, il va être procédé à la nomination des membres de ces commissions mixtes paritaires.
Les listes des candidats ont été publiées ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, ces listes sont ratifiées.
Je proclame représentants du Sénat à l’éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi en cours d’examen :
– Titulaires : M. Alain Milon, Mme Patricia Morhet-Richaud, M. Philippe Mouiller, M. Jean-Marc Gabouty, M. Yves Daudigny, M. Jean-Louis Tourenne et Mme Nicole Bricq ;
– Suppléants : M. Gilbert Barbier, M. Olivier Cadic, Mme Laurence Cohen, Mme Catherine Deroche, Mme Catherine Génisson, M. Albéric de Montgolfier et M. René-Paul Savary.
Je proclame représentants du Sénat aux éventuelles commissions mixtes paritaires sur le projet de loi et le projet de loi organique pour la régulation de la vie publique :
– Titulaires : M. Philippe Bas, Mme Catherine Troendlé, M. Albéric de Montgolfier, M. Michel Mercier, M. Jean-Pierre Sueur, M. Jean-Yves Leconte et M. Alain Richard ;
– Suppléants : Mme Éliane Assassi, M. François Bonhomme, M. François-Noël Buffet, M. Pierre-Yves Collombat, M. Yves Détraigne, Mme Catherine Di Folco M. René Vandierendonck.
Ces nominations prendront effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de ces commissions mixtes paritaires et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
7
Nomination d’un membre d’une commission
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe La République en marche a présenté une candidature pour la commission des affaires sociales.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Noëlle Rauscent membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Jean-Baptiste Lemoyne, dont le mandat a cessé.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
Communication d’un avis sur un projet de nomination
M. le président. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable (16 voix pour, 2 voix contre et 1 bulletin blanc) à la nomination de Mme Catherine Guillouard aux fonctions de président-directeur général de la RATP.
9
Renforcement du dialogue social
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 3.
Article 3
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin :
1° De renforcer la prévisibilité et ainsi de sécuriser la relation de travail ou les effets de sa rupture pour les employeurs et pour les salariés de droit privé, en :
a) Chargeant l’autorité administrative compétente de faciliter l’accès par voie numérique de toute personne au droit du travail et aux dispositions légales et conventionnelles qui lui sont applicables et en définissant les conditions dans lesquelles les personnes peuvent se prévaloir des informations obtenues dans ce cadre ;
b) Modifiant les dispositions relatives à la réparation financière des irrégularités de licenciement, d’une part, en fixant un référentiel obligatoire, établi notamment en fonction de l’ancienneté, pour les dommages et intérêts alloués par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, à l’exclusion des licenciements entachés par des actes de harcèlement ou de discrimination et, d’autre part, en modifiant en conséquence, le cas échéant, les dispositions relatives au référentiel indicatif mentionné à l’article L. 1235-1 du code du travail ainsi que les planchers et les plafonds des dommages et intérêts fixés par le même code pour sanctionner les autres irrégularités liées à la rupture du contrat de travail ;
c) Adaptant les règles de procédure et de motivation applicables aux décisions de licenciement ainsi que les conséquences à tirer du manquement éventuel à celles-ci, en amont ou lors du recours contentieux, en permettant notamment à l’employeur de rectifier dans la lettre de licenciement les irrégularités de motivation si elles sont sans incidence sur la cause réelle et sérieuse du licenciement ;
d) Réduisant les délais de recours en cas de rupture du contrat de travail, notamment en diminuant au moins de moitié le délai de contestation portant sur la régularité ou la validité d’un licenciement pour motif économique ;
e) Clarifiant les obligations de l’employeur en matière de reclassement pour inaptitude d’origine professionnelle ou non professionnelle et en sécurisant les modalités de contestation de l’avis d’inaptitude ;
e bis) (Supprimé)
f) Favorisant et sécurisant les dispositifs de gestion des emplois et des parcours professionnels ;
g) Favorisant et sécurisant les plans de départs volontaires, en particulier en matière d’information et de consultation des institutions représentatives du personnel ainsi que d’accompagnement du salarié ;
2° De modifier les dispositions relatives au licenciement pour motif économique en :
a) Définissant les éventuels aménagements à la règle selon laquelle les difficultés économiques et la sauvegarde de la compétitivité d’une entreprise appartenant à un groupe sont appréciées au niveau des entreprises appartenant au même groupe, situées en France et relevant du même secteur d’activité ;
b) Prenant toute disposition de nature à prévenir ou tirer les conséquences de la création artificielle ou comptable de difficultés économiques à l’intérieur d’un groupe à la seule fin de procéder à des suppressions d’emploi ;
c) Précisant les conditions dans lesquelles l’employeur satisfait à son obligation de reclassement ;
d) Définissant les conditions dans lesquelles sont appliqués les critères d’ordre des licenciements dans le cadre des catégories professionnelles en cas de licenciement collectif pour motif économique ;
e) Adaptant les modalités de licenciements collectifs à la taille de l’entreprise et au nombre de ces licenciements ;
f) Facilitant les reprises d’entités économiques autonomes ;
3° De modifier les règles de recours à certaines formes particulières de travail en :
a) Favorisant le recours au télétravail et au travail à distance en vue d’assurer une meilleure conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale ;
b) Prévoyant la faculté d’adapter par convention ou accord collectif de branche, dans les limites d’un cadre fixé par la loi, les dispositions, en matière de contrat à durée déterminée et de contrat de travail temporaire, relatives aux motifs de recours à ces contrats, à leur durée, à leur renouvellement et à leur succession sur un même poste ou avec le même salarié ;
c) Favorisant et sécurisant, par accord de branche, dans les limites d’un cadre fixé par la loi, le recours aux contrats à durée indéterminée conclus pour la durée d’un chantier ou d’une opération ;
d) Sécurisant le recours au travail de nuit, lorsque celui-ci relève d’une organisation collective du travail, en permettant une adaptation limitée de la période de travail de nuit de nature à garantir un travail effectif jusqu’au commencement et dès la fin de cette période, ainsi qu’en renforçant le champ de la négociation collective dans la définition du caractère exceptionnel du travail de nuit ;
e) Favorisant et sécurisant, par une adaptation des dispositions en droit du travail et en droit fiscal, le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif entre un groupe ou une entreprise et une jeune entreprise ;
4° D’encourager le recours à la conciliation devant la juridiction prud’homale, en modifiant les règles de procédure applicables durant la phase de conciliation, et de modifier le régime fiscal et social des sommes dues par l’employeur et versées au salarié à l’occasion de la rupture de contrat de travail, afin d’inciter à la résolution plus rapide des litiges par la conclusion de ruptures conventionnelles, de transactions, d’accords devant le bureau de conciliation et d’orientation, ou de toute autre modalité de règlement, notamment devant l’autorité mentionnée à l’article L. 5542-48 du code des transports ;
5° De prolonger jusqu’au 31 mars 2018 le mandat des conseillers prud’hommes sortants pour leur permettre de rendre les décisions relatives aux affaires débattues devant eux et pour lesquelles ils ont délibéré antérieurement durant leur mandat, à l’exclusion de toutes autres attributions liées au mandat d’un conseiller en exercice ;
6° De supprimer l’interdiction de cumuler le mandat de conseiller prud’homme avec, d’une part, celui d’assesseur du tribunal des affaires de sécurité sociale et, d’autre part, celui d’assesseur du tribunal du contentieux de l’incapacité.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Yonnet, sur l’article.
Mme Évelyne Yonnet. L’article 3 du projet de loi d’habilitation comporte, lui aussi, des reculs en matière de droit du travail pour les salariés.
En effet, sauf explicitation de votre part, madame la ministre, cet article, tel qu’il est rédigé, entraîne une diminution énorme des obligations des employeurs en matière de licenciement, au travers du plafonnement des indemnités de licenciement, de la baisse des obligations de reclassement, de la réduction des critères de motivation lors du licenciement, de la diminution des sanctions en cas d’irrégularités, du raccourcissement des délais de recours pour les salariés en cas de contestation et, plus largement, de l’assouplissement du droit du licenciement économique et de la modification des règles concernant les contrats à durée déterminée.
Cet article permet également d’étendre le contrat de chantier, notamment dans le secteur du bâtiment, via le contrat de projet. Cette extension, voire cette généralisation, ne saurait que créer une société d’intérimaires.
Madame la ministre, je ne vois pas a priori en quoi cet article offre une part de sécurisation aux salariés, ni en quoi ces réductions de droits pour les salariés vont renforcer le dialogue social. Je compte sur les explications que vous donnerez dans vos réponses aux amendements des différents groupes politiques.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, sur l’article.
M. Olivier Cadic. Cet article prévoit principalement d’instaurer un barème des dommages et intérêts pouvant être alloués par un juge aux prud’hommes. Je me réjouis de cette mesure ; j’avais d’ailleurs, par le passé, déposé un amendement visant à plafonner ces indemnités. Je la soutiens, car le coût d’un licenciement en France paraît être un frein à l’embauche.
Le Gouvernement propose de créer un référentiel obligatoire des dommages et intérêts alloués par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il en exclut les licenciements caractérisés par une faute de l’employeur particulièrement grave. Ce qui est en cause, c’est non pas le principe de la réparation du préjudice subi, mais bien le manque de visibilité des employeurs sur les conséquences financières des licenciements.
En effet, 30 % des licenciements pour motif personnel font l’objet d’un recours, et, comme l’indique le rapport de la commission, les montants peuvent osciller d’un rapport de 1 à 620 : autant de risques de contentieux qui dissuadent certaines entreprises de recruter.
La mise en place d’un barème est un début de solution. Encore faut-il que d’autres promesses n’en annulent pas les effets. À cet égard, je souhaiterais avoir votre avis, madame la ministre, sur un sujet : des organisations patronales ont manifesté leur réprobation à la suite de votre annonce d’augmenter les indemnités légales de licenciement. Votre décision prend-elle en compte l’existence de tous les autres types d’indemnités, de préavis, de congés payés, supralégales ?
Je comprends que la recherche d’un apaisement avec les organisations syndicales puisse justifier cette annonce. Mais avez-vous prévu une piste de simplification ? Quoi qu’il en soit, il faut aller plus loin en matière de procédure devant les prud’hommes, en revoyant notamment les délais d’instruction, comme le proposait ma collègue Françoise Gatel dans un amendement.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.
Mme Annie David. Cet article est un blanc-seing donné à l’employeur pour faciliter les licenciements illégaux et limiter les recours et l’indemnisation des salariés après avoir, au préalable, écarté les gêneurs, c’est-à-dire les représentantes et représentants du personnel et les délégués syndicaux, et remplacé le juge judiciaire par un décret.
Apprécier la situation particulière d’un salarié et évaluer son préjudice par décret en lieu et place d’un juge est une approche profondément choquante de la justice que je refuse de partager, et je vous invite, mes chers collègues, à faire de même.
Profondément choquante et inacceptable aussi est la possibilité, pour apprécier la cause économique d’un licenciement, de dissocier l’entreprise ou le secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise. Nous avons trop d’exemples, dans nos territoires, d’entreprises appartenant à des groupes florissants, bénéficiant d’ailleurs souvent d’aides publiques, actives sur des créneaux porteurs, qui distribuent les dividendes et organisent la faillite ou la casse de leur outil au détriment de l’emploi, des salariés et du développement industriel. Oserez-vous dire aux salariés menacés et aux élus locaux que vous avez autorisé cette procédure ?
Non moins choquante est la sécurisation des « départs volontaires », qui masquent en général des départs contraints, comme à General Electric Hydro à Grenoble, dont je vous ai parlé hier soir et dont la proposition de « plan de sauvegarde de l’emploi », qui porte bien mal son nom, est indécente. J’ai d’ailleurs sollicité le Gouvernement sur le cas de cette entreprise. Peut-être pourrez-vous m’apporter une réponse pendant ce débat ? J’ai également demandé au préfet d’organiser le plus rapidement possible une table ronde pour réunir tous les protagonistes.
Mais sans doute les plus jeunes des salariés licenciés pourront-ils être réembauchés plus tard en CDD ou en contrats de mission renouvelables à l’envi, puisque vous comptez étendre les possibilités de CDD.
Les jeunes mettent déjà aujourd’hui six à huit ans avant de décrocher un CDI. Ce sont les mêmes à qui Emmanuel Macron a sans doute pensé en imaginant un nouveau bail de location limité dans le temps de trois à douze mois maximum, étrangement adapté à la durée de leur futur contrat de travail.
Comment, mes chers collègues, pouvez-vous adopter de telles mesures et ensuite aller à leur rencontre en les assurant que la jeunesse est votre priorité ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Les besoins en qualifications et en connaissances n’ont jamais été aussi grands dans notre pays et appellent des efforts de formation sans précédent.
Nous avons été très choqués d’entendre Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, affirmer dans cet hémicycle la semaine dernière : « Il est temps de dire à certains jeunes qu’il est impossible qu’ils réussissent. » Ainsi, votre collègue abandonne la mission qui doit être la sienne, celle de former au mieux les jeunes de notre pays afin qu’ils aient accès à l’emploi dans les meilleures conditions, pour littéralement les « projeter » dans plus de précarité. En élargissant grandement le recours aux contrats de mission, la précarité concernera autant les jeunes qualifiés qui seront remerciés à l’issue de leur contrat que les jeunes non qualifiés promis aux petits boulots.
Comment inciter les jeunes à faire des études si la seule perspective que vous leur offrez est la précarité ? Comment réduire le chômage qui frappe – faut-il le rappeler ici ?– un quart des jeunes si la seule perspective que vous leur offrez est la flexibilité ?
La flexibilité fragilise encore davantage les personnes aux avant-postes de la précarité, à savoir les jeunes, les femmes et les immigrés. En fait, il s’agit de l’extension, à tous les niveaux et dans tous les secteurs, d’un CDI intermittent. Que l’on ne s’y trompe pas : il porte bien le nom de CDI pour rassurer – dormez, braves gens, on s’occupe de vous ! –, mais il a le goût du CDD, favorisant l’explosion de la précarité.
Comment un jeune qui entre de plus en plus tard sur le marché de l’emploi peut-il accéder à un logement, fonder une famille, avec vos contrats de mission ? C’est parfaitement impossible, vous le savez. Vous le comprendrez aisément, mes chers collègues, nous nous opposons à l’article 3.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l’article.
M. Dominique Watrin. La loi Macron a largement modifié la procédure devant le conseil de prud’hommes. Le décret du 20 mai 2016 pris en application de cette loi en fait une procédure écrite et la rend plus complexe tant au moment de la saisine qu’au niveau de l’appel.
Depuis le 1er août 2016, tout salarié doit ainsi saisir les prud’hommes au moyen d’une requête écrite, compliquée, alors que cette saisine pouvait jusqu’alors se faire oralement en se rendant au siège du conseil des prud’hommes.
Cette difficulté semble dissuader le nombre de salariés de faire valoir leurs droits. Un peu partout en France, les conseils de prud’hommes le constatent.
Au conseil de prud’hommes de Paris, durant la période allant d’août à décembre 2016, a été constatée une baisse de 40 % du nombre de saisines par rapport à la même période en 2015.
Une forte baisse est aussi constatée du côté des prud’hommes de Bobigny, une diminution telle que la juridiction a été obligée d’annuler un bureau de conciliation sur le collège de l’encadrement par manque de demandes.
Du côté des prud’hommes de Lyon – on pourrait citer de nombreux autres exemples –, on a enregistré une baisse d’environ 40 % des saisines sur la période allant du mois d’août au mois de février entre 2015-2016 et 2016-2017.
Le problème posé est donc celui de l’accessibilité au droit, rendue plus difficile pour les salariés. La disparition d’environ 60 conseils de prud’hommes depuis la loi Dati oblige, nous disait un syndicaliste lors des auditions sénatoriales, des salariés à faire jusqu’à 110 kilomètres aller-retour pour assister aux audiences. Plutôt que de vouloir à tout prix limiter les contentieux, le Gouvernement serait mieux inspiré de faciliter la reconnaissance des droits des salariés victimes de la non-application du code de travail.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, sur l’article.
Mme Élisabeth Lamure. L’article 3 a pour objet de sécuriser la relation de travail, ce dont nous pouvons nous réjouir. Nous devons tout faire, en effet, pour lutter contre la dualité du marché du travail qui oppose les heureux détenteurs d’un CDI à ceux qui sont embauchés en CDD ou en contrats de travail temporaire, contrats pourtant plus coûteux pour l’entreprise, mais moins risqués en matière de contentieux.
Dans une tribune publiée en mars 2016, plusieurs économistes, dont le prix Nobel Jean Tirole, avaient montré que les jeunes et les moins qualifiés étaient les « grands perdants d’un marché du travail qui exclut les plus fragiles ou les relègue dans les emplois précaires, tant les entreprises craignent d’embaucher en CDI ». Aussi, toute réforme qui contribue à faire tomber les barrières à l’embauche en CDI est la bienvenue.
Je regrette pourtant que le projet de loi n’ait pas prévu de pousser la logique jusqu’au bout. Prenons le cas des contrats de chantier : l’étude d’impact du projet de loi précise qu’« un tel contrat peut concerner toute opération dont l’objet est précisément défini, le début et la fin clairement identifiés mais dont la durée et le terme sont incertains ». Il est indiqué ensuite que « ce type de contrat ne serait pas généralisé, mais bien limité aux branches ayant conclu un accord pour la mettre en œuvre ».
Il est dommage d’en limiter d’office l’usage, car les chefs d’entreprise sont aujourd’hui confrontés en permanence à la gestion de projets de nature très variée, dont les contraintes sont les mêmes que celles des chantiers. Le refus de la généralisation de ce type de contrat est un déni de la réalité à laquelle sont confrontées les entreprises françaises.
Au printemps 2016, la délégation sénatoriale aux entreprises avait réalisé un sondage auprès de son réseau d’entrepreneurs pour savoir quelles réformes ils jugeaient prioritaires : arrivait en tête de leurs besoins l’instauration d’un CDI prédéfinissant les conditions et causes de rupture, telles que la fin d’un projet ou la fin de fabrication d’un produit.
Nous devons tout mettre en œuvre pour favoriser la souplesse du contrat de travail. Ainsi, nous favoriserons l’emploi.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, sur l’article.
Mme Dominique Gillot. Monsieur le président, madame la ministre, l’article 27 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées confirme que, dans la dynamique d’inclusion, celles-ci ont droit au travail, notamment à la possibilité de gagner leur vie en accomplissant un travail librement choisi ou accepté sur un marché du travail et dans un milieu de travail ouvert.
Mais si, au cours des dernières années, à la suite du renforcement de l’obligation d’emploi des personnes handicapées par la loi de 2005, le nombre de personnes identifiées en emploi a progressé, dans le secteur tant privé que public, elles restent cependant insuffisamment présentes en milieu ordinaire de travail, au regard de l’exclusion massive dont elles font l’objet.
Elles sont davantage exposées au chômage, dont le taux atteint un niveau inacceptable avec près de 500 000 demandeurs en situation de handicap, qui le sont souvent dans des conditions très défavorables notamment en termes de durée, ce qui rend leur accès ou leur retour à l’emploi difficile. Elles sont dès lors davantage exposées à la précarité, aux minima sociaux, aux ruptures de droits et aux difficultés périphériques. Elles sont vulnérables dans l’emploi et courent un risque important de perte d’emploi, notamment dans un marché du travail très concurrentiel.
Le maintien dans l’emploi n’est pas encore un réflexe dans l’entreprise, et la mise en œuvre de l’obligation de reclassement par les employeurs largement améliorable. Plus de 90 % des avis d’inaptitude sont souvent suivis d’un licenciement.
Le droit fondamental à exercer un travail reste un droit fragile et insuffisamment soutenu, en dépit des dispositifs et des moyens déployés. Leur trajectoire vers et dans l’emploi reste insuffisamment sécurisée pour garantir un véritable droit au travail des personnes en situation de handicap.
J’attire également l’attention sur les difficultés spécifiques d’accès, de maintien ou de retour en emploi rencontrées par les proches aidants de personnes en situation de handicap.
Ces inquiétudes pour l’emploi des personnes en situation de handicap et de leurs proches aidants seraient surmontées par une garantie d’accès au droit de façon à permettre le déploiement de trajectoires vers et dans l’emploi pour tous, dès l’âge de seize ans et jusqu’à l’âge de la retraite, le pilotage des politiques publiques pour l’emploi des personnes en situation de handicap, qui doit inclure les moyens de mise en œuvre, de suivi et d’évaluation, et, enfin, une attention permanente à la meilleure manière de reconnaître les aptitudes et les compétences des travailleurs handicapés, leur capacité contributive à la vie économique.
Puisque l’article 3 vise à renforcer la prévisibilité et à sécuriser la relation de travail, mais aussi à clarifier les obligations de l’employeur en matière de reclassement pour inaptitude, je proposerai des amendements visant à préciser les droits des personnes handicapées en milieu de travail ordinaire et la préservation de leur accès.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, sur l’article.
Mme Gisèle Jourda. Madame la ministre, une question prégnante me taraude : comment donc un salarié peut-il s’épanouir et contribuer à la vie de l’entreprise au sein de l’inquiétant dispositif que vous proposez dans votre texte, et tout particulièrement dans le carcan de mesures prévues à l’article 3 ?
Le sens régressif de ces mesures est clair. Elles visent toutes à conforter les droits de l’employeur et à fragiliser ceux de l’employé. Je ne pense pas que cela renforce le dialogue social et sécurise les travailleurs au sein de l’entreprise. À mon sens, cela ne peut que durcir le dialogue social.
Mon intervention porte plus particulièrement sur le dispositif prévu à l’alinéa 22, c’est-à-dire la promotion, voire la banalisation, des formes de travail précaire et atypique.
Je m’explique : le travail de nuit était, jusqu’à aujourd’hui, considéré par la loi et la jurisprudence comme « ayant un caractère exceptionnel ». Il n’est pas un mode normal d’organisation du travail et ne doit, à ce titre, être mis en œuvre que lorsqu’il est indispensable au fonctionnement de l’entreprise.
Je pensais cette affirmation partagée par le plus grand nombre d’entre nous dans cet hémicycle. Il semble bien que non. Je me rends tristement compte que cette conception du travail, cette conception de l’exceptionnel, est celle-là même qui nous divise.
Avant, nous aurions été nombreux à dire qu’il était indispensable, pour préserver la santé et la sécurité des salariés, de maintenir le caractère exceptionnel du travail de nuit. Car son caractère gravement nuisible à la santé est avéré depuis longtemps : il engendre des effets délétères sur la santé mentale et la vie sociale des employés.
Aujourd’hui, madame la ministre, vous voulez aller plus loin que la loi El Khomri avant même qu’elle ne soit évaluée, en faisant preuve d’une volonté de faire entrer l’exceptionnel dans l’ordinaire. Vous essayez de promouvoir un modèle que je trouve particulièrement déshumanisant pour notre société : celui de l’ubérisation, des « mini-jobs », des contrats de chantier, celui du licenciement expéditif, bref celui de la précarité.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Gisèle Jourda. Comme si la précarité était le modèle efficace qui allait nous permettre d’affronter les mutations des trente prochaines années…
Intégrant l’infamante notion de travail effectif, vous entendez donc faciliter le travail de nuit en raccourcissant les périodes considérées par la loi comme du travail de nuit et en donnant la possibilité de négocier son caractère exceptionnel. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Concluez, ma chère collègue !
Mme Gisèle Jourda. Je m’oppose à cette mesure. C’est pourquoi j’ai signé les amendements de suppression de l’article 3 et voterai en faveur de ceux qui tendent à supprimer l’alinéa 22.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis le début de l’examen de ce projet de loi, je m’exprime dans toute ma liberté de parlementaire avec mesure et nuance, mais aussi avec la cohérence d’un sénateur ayant appuyé la loi El Khomri et selon mes convictions profondes.
Je poursuis sur cette voie ce soir à l’occasion de l’examen de l’article 3, qui prévoit le plafonnement des dommages et intérêts pour licenciement illégal, la modification du périmètre d’appréciation des difficultés économiques, la création du contrat de projet ou encore le reclassement pour inaptitude.
S’agissant du plafonnement des dommages et intérêts dans le cadre de licenciements sans cause réelle et sérieuse, il n’est ici question que de permettre aux entreprises de budgétiser des licenciements illégaux. Le Gouvernement opte pour la ligne dure des syndicats patronaux plutôt que pour celle des syndicats de salariés.
M. Martial Bourquin. Très bien !
M. Yves Daudigny. Vous invoquez, madame la ministre, trois arguments.
Sur 150 000 contentieux portés devant les prud’hommes chaque année, dites-vous, l’entreprise est paralysée par les condamnations pour vice de forme du licenciement, par les délais de jugement et par la variation du montant des dommages et intérêts pour une même ancienneté.
Je suis de votre avis s’agissant du vice de forme. S’il doit être procédé aux licenciements selon les formes prévues par les lois et règlements, un vice de forme affectant une lettre de licenciement ne doit pas être automatiquement de nature à entacher d’illégalité la décision prise s’il n’a pas privé l’intéressé d’une garantie.
Je suis en désaccord, en revanche, avec la suite de votre analyse.
D’abord, la durée du jugement n’est pas en lien avec l’existence ou non d’un plafond du montant de dommages et intérêts. Il est question de procédure, de stratégie contentieuse, de difficulté à rassembler les pièces, de report d’audiences, et principalement du manque de moyens alloués à la justice.
Vous vous interrogez, ensuite, sur la raison pour laquelle, devant un même conseil de prud’hommes, un collègue qui était dans la même situation d’ancienneté perçoit quatre fois plus d’indemnités. La réponse est simple. La réalité d’un préjudice ne s’estime pas en fonction de l’ancienneté d’un salarié. Le préjudice peut être lié à l’âge de la personne, la difficulté à retrouver un emploi, sa qualification ou son défaut de qualification, son patrimoine, son environnement familial… Oui, une cadre, veuve avec quatre enfants à charge et dix ans d’ancienneté percevra davantage de dommages et intérêts qu’une cadre avec la même ancienneté, sans enfant et mariée à un riche propriétaire.
Alors, oui, il y a des écarts, et il revient au juge d’apprécier au cas par cas le montant de la réparation d’un préjudice.
Je m’exprimerai sur les autres points au cours de l’examen des amendements.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, sur l’article.
Mme Catherine Génisson. Je veux m’exprimer, comme ma collègue Gisèle Jourda, sur le travail de nuit, tant comme praticienne du travail de nuit que comme promotrice de la législation sur cette question. Cette législation a été introduite, rappelons-le, au travers d’un amendement gouvernemental lors de l’examen au Sénat, en première lecture, de la proposition de loi concernant l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. En effet, la France risquait d’être condamnée par l’Europe à cause de l’absence de législation sur ce point.
Par ailleurs, il y avait un second enjeu : permettre l’interdiction du travail de nuit pour les femmes, interdiction qui datait, me semble-t-il, de 1892, à une époque où le travail de nuit concernait principalement le secteur industriel et où la pénibilité physique était très importante. Pourtant, dans les années 2000, 800 000 femmes travaillaient de nuit, dont 55 000 dans le secteur industriel. Cela peut paraître paradoxal, dans la mesure où le travail de nuit n’est pas un progrès social – tout le monde peut en être convaincu –, comme le soulignait la secrétaire d’État aux droits des femmes de l’époque.
Néanmoins, il était très difficile, dès lors qu’existait une législation encadrant le travail de nuit au nom de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, de l’interdire pour les femmes quand, par ailleurs, tant de femmes travaillaient la nuit, non seulement dans le secteur privé, mais encore dans la fonction publique, notamment hospitalière, où les femmes sont très majoritaires.
Je rappelle, comme ma collègue, Mme Jourda, que l’homme est un animal diurne et que le travail de nuit est très préjudiciable à la santé ; nous sommes faits pour travailler le jour et récupérer et dormir la nuit.
M. François-Noël Buffet. Cela inclut aussi les sénateurs ! (Sourires sur diverses travées.)
Mme Catherine Génisson. Oui, c’est d’ailleurs ce que nous subissons tous ici ce soir, mes chers collègues…
En raison de la désynchronisation entre l’horloge astronomique et l’horloge biologique, le travail de nuit est source de bien des complications et d’importants troubles biologiques ou endocrinaux, notamment par rapport au cortisol. En outre, certaines addictions s’acquièrent la nuit, comme la consommation excessive de café et, parallèlement, de somnifères pour récupérer pendant la journée. Bref, le travail de nuit est extrêmement préjudiciable à la santé.
Pour autant, on sait que, dans certains secteurs, tant dans la fonction publique que dans le secteur privé, le recours au travail de nuit est obligatoire. Il convient donc que ce recours garde un caractère exceptionnel, qu’il y ait des contreparties – force est de reconnaître qu’elles ne sont souvent pas à la hauteur de ce qu’elles devraient être –,…
M. le président. Veuillez conclure, madame Génisson.
Mme Catherine Génisson. … et il faut aussi un encadrement des modalités de surveillance des conséquences du travail de nuit. Ce sera l’objet de nos discussions pendant l’examen de l’article 3. (Mme Dominique Gillot applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, sur l’article.
M. Pierre Laurent. Madame la ministre, nous combattons l’article 3, qui synthétise la philosophie du Gouvernement sur ce texte, que l’on pourrait résumer par la formule : « Facilitons les licenciements et les embauches viendront. » Bien que la validité de cet adage n’ait jamais été prouvée, c’est pourtant sur celui-ci que se fonde l’entièreté de cet article.
Il s’agit en vérité d’une thèse d’une grande banalité, qui a prouvé depuis longtemps son échec, mais qui est répétée. Comme le disait le juriste spécialiste de droit social Antoine Lyon-Caen, « ce projet s’inscrit dans une filiation intellectuelle […] d’une grande banalité intellectuelle ». La remarque ne manque pas de sel, venant de quelqu’un dont les travaux ont inspiré la loi El Khomri.
La majorité présidentielle nous accuse souvent de dogmatisme sur ce sujet, mais, en vérité, ce sont les inspirateurs du projet qui rabâchent que ces ordonnances sont une nécessité, sans apporter aucune preuve que cette logique combattra le chômage.
On dit que le pouvoir se gagne par les idées ; c’est souvent vrai, et il est clair que, au-delà des dispositions précises de ce texte, vous menez avec ces ordonnances une bataille culturelle pour justifier la réduction des droits des salariés au nom de la prétendue compétitivité des entreprises. Ainsi, dans le texte, singulièrement dans cet article, tout est à l’avenant.
Selon vous, pour rassurer les employeurs, il faudrait plafonner les indemnités prud’homales ; là encore, il faudra nous expliquer en quoi cela facilitera la création d’emplois, bien que M. Cadic, on a pu l’entendre encore à l’instant, en semble convaincu.
Il faudrait étendre, comme le disait encore Mme Lamure, la possibilité de recourir aux CDI de chantier, sans jamais prouver, là non plus, sauf en le répétant, que cela entraînerait des créations d’emplois. Ce CDI de projet, véritable tour de passe-passe – ce n’est qu’un CDD déguisé –, vise à nous faire prendre la souplesse attendue pour une promesse d’emplois, lesquels ne viendront jamais.
Ainsi, sur tous les alinéas de cet article, en vérité, on retrouve cette philosophie. Nous continuerons donc, pour notre part, à proposer des amendements visant à promouvoir une tout autre logique, celle d’un projet réellement moderne. Il s’agit de faire, contrairement à ce qui nous est proposé, de la sécurisation du travail la nouvelle pierre angulaire d’un projet économique qui soit un projet de développement du progrès social.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.
M. David Assouline. Avec cet article, on entre encore plus dans le cœur de ce que M. Pierre Laurent a bien défini : l’idéologie selon laquelle la précarisation, habillée par le mot de « flexibilité », favorisera, dans un monde où l’emploi bouge, où plus personne ne fait carrière dans la même entreprise, la souplesse, laquelle libérerait les patrons de certaines contraintes en vue d’embaucher.
J’ai lu il y a quelques jours – je ne me rappelle plus la source exacte – un compte rendu de ce qui s’est passé aux Pays-Bas. Dans ce pays, un certain nombre de mesures visant à favoriser la flexibilité, sur le fondement de la même doctrine, avaient été prises, car elles étaient censées créer plus de possibilités d’embauches et de passerelles entre différents métiers, et promettaient même d’être plus favorables aux jeunes, qui savent qu’ils devront être flexibles.
Or, après analyse – là-bas, on fait des analyses et on dresse des bilans avant d’envisager tout changement ! –, on s’est rendu compte que la flexibilité n’a fait que créer de l’insécurité à l’intérieur de l’entreprise. En aucun cas, cela ne s’est traduit par l’arrivée de nouveaux salariés. Ce que l’on avait défini comme une souplesse permettant des embauches avait créé, pour ceux qui étaient déjà dans l’entreprise, une précarisation, des incertitudes, une flexibilité : on leur en demandait plus et ils avaient en permanence au-dessus de leur tête la menace de ne pouvoir rester. En revanche, je le répète, cela ne s’est pas soldé par des embauches. Voilà l’analyse objective de la situation.
Vous ne pouvez donc pas nous dire, madame la ministre, parce que vous n’avez aucune sur ce sujet – vous misez, un peu comme on joue à partir d’une idée reçue, d’une idéologie –, que ce que vous faites aujourd'hui favorisera les embauches.
Mme Catherine Deroche. Votre temps de parole est épuisé !
M. David Assouline. Certes, les patrons disent : « On embauchera ; oui, on embauchera, si vous le faites ! » Mais je me souviens aussi – et j’en viens à ma conclusion – d’une personne qui affirmait qu’elle embaucherait grâce au CICE un million de personnes, mais qui in fine a empoché l’argent sans embaucher personne.
M. Roland Courteau. Bien sûr !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, sur l’article.
M. Martial Bourquin. Je formulerai trois remarques, mes chers collègues.
En premier lieu, l’assouplissement du marché du travail favorise les inégalités et n’a jamais prouvé son efficacité pour créer des emplois. Il appauvrit les plus pauvres et enrichit les plus riches.
Le capital humain est, dans une entreprise, le capital le plus précieux, et précariser revient à le maltraiter. Or, comme le montrent des essais écrits par des économistes très sérieux, par l’OCDE, par le FMI, cela nuit à la productivité.
Cette précarité entraînera certainement une hausse de la pauvreté, du nombre de travailleurs précaires, qui ont du mal à accéder au crédit, et des salariés, qui sont souvent sous le seuil de pauvreté. Comme en Allemagne, depuis les réformes Hartz, on aura la volonté d’avoir une industrie surprotégée, mais avec des services précarisés. Or le FMI vient d’adresser un avertissement à l’Allemagne, arguant que la pauvreté s’y multiplie de façon alarmante.
En deuxième lieu, oser étendre à d’autres secteurs les contrats précaires sans durée définie, les fameux contrats de chantier, constituerait vraiment un affront terrible. Ce serait donner raison à la frange la plus réactionnaire du patronat. Beaucoup de patrons, y compris de grands patrons, ne souhaitent pas y recourir, mais nous, nous nous apprêterions à rendre cela possible au travers de ces ordonnances…
En troisième lieu, enfin, le plafonnement des dommages et intérêts pour licenciement abusif est un véritable appel à licencier. Voyons, c’est un appel aux licenciements abusifs !
Et voilà que l’on se prépare à faire cela, au travers de ces ordonnances ! Les masques tombent : on donne satisfaction aux demandes les plus réactionnaires du grand patronat ! Je le dis franchement, une partie du patronat ne partage pas cette volonté de traiter ainsi le capital humain.
Un sénateur du groupe La République en marche. Caricatural !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 56 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 75 rectifié ter est présenté par M. Antiste.
L’amendement n° 155 rectifié quinquies est présenté par M. Labazée, Mme Lienemann, M. Assouline, Mme Meunier, MM. Durain et Godefroy, Mme Yonnet, MM. Mazuir, Montaugé, Cabanel et M. Bourquin et Mmes Jourda et Monier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 56.
Mme Laurence Cohen. Les réponses apportées par Mme la ministre depuis le début de l’examen de ce texte ne nous convainquent guère, vous l’avez remarqué, et nous sommes toujours très inquiets des dangers que présente ce projet d’habilitation.
Nous continuons d’essayer de faire preuve de pédagogie pour éclairer ce qui se cache derrière ce projet. Ainsi, si je devais caractériser cet article 3, je dirais qu’il s’agit d’un oxymore : il est en effet contradictoire de l’intituler « dispositions relatives à la sécurisation des relations de travail » et d’y insérer, pêle-mêle, le plafonnement des indemnités prud’homales, la réduction du délai de recours en cas de rupture du contrat de travail, la généralisation des contrats de projets ou encore l’extension du travail de nuit, pour ne citer que quelques alinéas.
Madame la ministre, pouvez-vous m’expliquer en quoi ces dispositions, qui constituent assez clairement et objectivement des reculs pour les salariés, permettent une sécurisation des relations de travail ? À moins que la sécurisation ne s’entende qu’en faveur des employeurs, auquel cas il me semblerait plus pertinent de modifier l’intitulé de cet article afin de faire preuve d’honnêteté et de transparence vis-à-vis de nos concitoyens.
La vérité est que cet article 3 est un véritable tapis rouge pour les employeurs, afin, une nouvelle fois, de leur permettre de payer moins d’indemnités en cas de licenciement abusif. Penser que ces indemnités sont un frein à l’embauche est un contresens. Il s’agit– faut-il le rappeler ici ? – non pas d’un golden parachute accordé au salarié, mais bel et bien de la compensation d’un préjudice subi.
Le taux de chômage extrêmement important de notre pays serait dû en partie, selon vous, à ces indemnités trop élevées ? Mais qui peut croire à cette argumentation ?
Nous entendons toujours la même rengaine : « Il faut baisser le coût du travail pour libérer le travail », et ce, toujours, au détriment des mêmes, de la protection des salariés. Vous refusez de voir que le travail est avant tout source de richesse et que le problème est plutôt le coût du capital. Cela fait des décennies que les gouvernements successifs mettent en place des exonérations de charges patronales, et on connaît les résultats : ils sont très mauvais pour l’économie.
Les mesures prévues sont une attaque en règle contre, une nouvelle fois, les droits des salariés. C’est pourquoi nous souhaitons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l’amendement n° 75 rectifié ter.
M. Maurice Antiste. L’article 3 du projet de loi vise à assouplir les règles relatives au licenciement, en réduisant les obligations de l’employeur au moment de la rupture du contrat de travail. Toutes les mesures prévues sont autant de régressions : plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, réduction des sanctions prononcées contre l’employeur en cas d’irrégularité dans la procédure de licenciement, diminution des délais de recours contentieux pour les salariés, réduction du périmètre d’appréciation des difficultés économiques, allégement de l’obligation de reclassement.
Parallèlement, l’article 3 prévoit d’accroître la flexibilité des contrats de travail, en élargissant les possibilités de recourir au CDI de chantier et en dérégulant les contrats courts, CDD, intérim.
Pour toutes ces raisons, je propose de supprimer cet article. (Très bien ! sur certaine travée du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Yonnet, pour présenter l’amendement n° 155 rectifié quinquies.
Mme Évelyne Yonnet. Je serai brève, car cet amendement est identique aux deux précédents.
Nous estimons que l’importance et la portée de cet article méritent mieux qu’un examen contraint par la procédure des ordonnances.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, rapporteur. L’article 3 du texte habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnances un certain nombre de mesures en faveur desquelles le Sénat s’est déjà prononcé à plusieurs occasions au cours des dernières années.
En cohérence avec les votes exprimés par la Haute Assemblée lors de l’examen de la loi de 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et de la loi Travail en 2016, la commission des affaires sociales est favorable à un encadrement des dommages et intérêts en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et à une révision du périmètre d’appréciation de la cause économique d’un licenciement.
Les amendements suivants nous donneront l’occasion de revenir en détail sur les différents éléments de l’article 3, mais la commission des affaires sociales a logiquement émis un avis défavorable sur les amendements de suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je suis défavorable à ces trois amendements identiques.
Permettez-moi de revenir quelques instants sur le sens de l’article 3. Oui, il s’agit bien de sécuriser un certain nombre de dispositions afférentes aux relations de travail.
Pour avoir passé, au cours des derniers jours, plusieurs heures ensemble, nous commençons à mieux nous connaître. Vous l’aurez compris, je pense, nous sommes attachés – je ne suis pas le seul membre du Gouvernement à raisonner ainsi – à ce que les choses fonctionnent dans la réalité. Nous souhaitons prendre en compte la réalité d’aujourd’hui pour voir comment, dans une vision de long terme que l’on peut partager, on peut progresser.
Or les relations de travail, de leur point de vue juridique, constituent l’un des sujets qui nous pénalisent beaucoup en matière d’emploi. Pourquoi ? Certes, ce ne sont pas ces mesures qui créeront directement de l’emploi, nous en sommes d’accord – là n’est pas le sujet –, mais, parmi les freins à la création d’emplois figure, notamment pour les petites entreprises et les investisseurs étrangers, mais aussi, de manière générale, pour les entreprises de toute taille en France, l’insécurité juridique ; c’est un facteur inhibiteur de création d’emplois.
Évidemment, on ne créera pas d’emplois s’il n’y a pas de marché,…
M. Martial Bourquin. Ah, tout de même !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. … mais on observe aujourd’hui une reprise de la croissance. Or celle-ci n’est pas saisie par tout le monde. Nous connaissons tous ici, dans notre entourage, des chefs d’entreprise ou de PME, des artisans qui tiennent le raisonnement suivant : « Je pourrais avoir un marché ici, mais je ne vais pas m’en saisir, soit parce que je ne trouverai pas les compétences requises, soit parce que j’ai trop peur de ce qui me tombera sur la tête après. » (M. Olivier Cadic opine.) Ces deux phénomènes existent.
Il y a donc un levier portant sur la compétence, je l’ai dit dès le début de notre discussion lundi dernier ; il s’agit de l’un des éléments essentiels, car, sans elle, on ne peut faire face à un marché – ce sera d’ailleurs l’objet des projets de loi que nous examinerons au printemps prochain sur la formation professionnelle, l’apprentissage et l’assurance chômage. Mais il existe aussi une insécurité juridique dans de nombreux domaines. Nous ne lèverons pas, au travers de ce projet de loi d’habilitation, tous les blocages, mais nous souhaitons en lever un certain nombre, les plus importants.
J’en citerai trois, que j’ai déjà mentionnés dans mon discours introductif, mais sur lesquels je veux revenir.
Il s’agit en premier lieu des barèmes des dommages et intérêts aux conseils de prud’hommes.
Je rappelle, non pas pour votre assemblée, qui a l’expertise, mais pour le grand public, qui n’a pas toujours une connaissance claire des indemnités, les indemnités légales, les indemnités conventionnelles et les dommages et intérêts. Il est de notre devoir d’expliquer d’emblée qu’il y a trois étages différents, deux étages correspondant aux deux types d’indemnités et un étage applicable en cas de contentieux et de jugement défavorable à l’entreprise, à savoir les dommages et intérêts.
Ceux-ci sont particulièrement peu encadrés en France par rapport à d’autres pays. Quelles en sont les conséquences ?
D’abord, pour des cas identiques – je parle bien de situations comparables, dans l’entreprise et y compris du point de vue personnel, par l’âge ou l’ancienneté –, la Chancellerie elle-même estime que les montants varient d’un à quatre. Ainsi, il n’y a bien évidemment pas de visibilité du côté de l’entreprise, mais, même du point de vue du salarié, il peut y avoir un sentiment d’iniquité : quand un collègue qui est dans la même situation touche quatre fois plus ou quatre fois moins de dommages et intérêts qu’un autre, la perception de l’équité n’est pas évidente.
C’est pourquoi, dans tous les domaines, le droit, s’il ne tient pas la main du juge, doit lui donner des repères, encadrer sa réflexion dans un souci d’équité et de visibilité. Le droit doit être équitable et, pour l’être, il doit être connu à l’avance.
Ensuite, la durée des contestations est également très pénalisante. Le contentieux dure en moyenne 21,9 mois devant les prud’hommes, voire 29 mois en cas de formation de départage ; c’est très long. Or ce n’est pas forcément plus protecteur pour les entreprises ni pour les salariés. Tous ces délais de contentieux en première instance et en appel – je rappelle qu’un licenciement individuel sur cinq fait l’objet d’un recours aux prud’hommes et que 60 % d’entre eux donnent lieu à un appel –, toute cette mécanique, sont le lot quotidien des entreprises et des salariés qui recourent aux prud’hommes.
Cela rend toute projection dans l’avenir très difficile. Pour la petite entreprise ou la TPE qui a cinq ou six salariés, avoir devant soi un an et demi ou deux ans d’incertitude l’empêche d’embaucher ou de se réorganiser. Cela constitue donc un vrai frein.
C’est également vrai pour le salarié. Nous connaissons tous, dans notre entourage, des personnes qui ont fait un recours aux prud’hommes comme salariés – en tout cas, pour ce qui me concerne, vu mon grand âge et mes fonctions antérieures, je connais la situation des deux côtés –, et on sait qu’il est très difficile de se projeter dans l’avenir quand on est en suspens, dans l’attente d’un jugement. Là aussi, penser au délai pour calibrer les choses ne procède pas de « moins de droit », mais de « mieux de droit », si je puis dire.
Certes, toujours pour ce qui concerne ces barèmes, on observe aujourd’hui moins de contentieux aux prud’hommes qu’il y a quelques années, comme cela a été relevé. L’une des raisons principales en est le développement de la rupture conventionnelle, qui a donné lieu à environ 400 000 signatures l’année dernière ; cela relève d’une logique de conciliation, puisqu’il s’agit d’une transaction.
Néanmoins, ce sont surtout les grandes et les moyennes entreprises qui ont recours à la rupture conventionnelle. Les petites entreprises connaissent moins ce mécanisme et ce sont donc surtout elles qui vont aux prud’hommes. Or il intervient ici un autre élément essentiel : la question du fond et de la forme, c’est crucial. Aujourd’hui, le juge statue en droit. Or que dit le droit ? Si la lettre de licenciement est mal rédigée, l’employeur est condamnable.
On trouve ainsi des exemples à foison d’artisans, d’agriculteurs ou de petits employeurs qui sont sanctionnés aux prud’hommes non parce qu’ils sont des voyous ou qu’ils ont fait de mauvaises choses – ce qu’il faudrait évidemment sanctionner –, mais parce qu’ils ont écrit dans leur lettre de licenciement que, ayant perdu un marché, ils ne pouvaient pas garder leur salarié au lieu d’indiquer simplement qu’ils supprimaient le poste. Cela constitue, aujourd’hui, un motif légitime pour condamner un employeur.
Il relève donc de la responsabilité du Gouvernement et du Parlement d’établir un droit plus clair, plus précis, donnant plus de repères, tout en permettant au juge d’apprécier la situation dans sa décision. Il me semble que c’est même un devoir civique que de faire en sorte que le droit soit lisible pour le justiciable, dans tous les domaines ; et, dans ce domaine-là, on a des progrès à faire.
Par ailleurs, nous pensons également que tout ce qui intervient le plus en amont possible est préférable. La rupture conventionnelle du contrat était, selon moi, une bonne réforme. De nombreux efforts ont été réalisés par les gouvernements précédents pour renforcer la conciliation, et nous voulons continuer dans cette direction, qui est la bonne. Cela dit, il y aura évidemment toujours des cas où il faudra aller aux prud’hommes, et ce sont ceux que nous visons.
C’est aussi dans cette volonté de favoriser un règlement en amont que nous souhaitons augmenter les indemnités légales de licenciement, qui s’élèvent, je le rappelle, à un cinquième de mois par année d’ancienneté, soit plutôt dans la moyenne basse en Europe. Tout ce qui est fait en amont doit permettre de libérer les juridictions et de réserver aux prud’hommes ce qui constitue de vrais contentieux, dans lesquels on n’a pas réussi à se mettre d’accord, dans lesquels il y a un conflit de fond, un préjudice. Là, c’est tout à fait normal, on a besoin des prud’hommes, du juge, pour sanctionner.
Je suis volontairement très détaillée, très opérationnelle, parce que toutes ces données mises bout à bout suscitent un engorgement des conseils de prud’hommes pour des sujets qui ne sont pas tous, en réalité, de fond – les sujets de fond doivent évidemment, je le répète, être traités, sanctionnés, il n’y a aucun débat sur ce point.
En deuxième lieu, certains d’entre vous ont évoqué les différents types de contrats ; ce sujet est relié au rôle des branches, évoqué à l’article 1er.
À la demande des partenaires sociaux, et plutôt d’ailleurs des organisations syndicales de salariés, nous avons ajouté dans les dispositions de branche, avec verrou obligatoire – c’est non pas l’entreprise qui définit les règles, mais la branche –, la possibilité, non l’obligation, pour la branche de définir de la norme sociale, encadrée par la loi, dans le domaine de la gestion et de la qualité de l’emploi, notamment dans celui des contrats courts – CDD, intérim –, et de mettre en place, dans certaines conditions et dans certaines branches, l’équivalent du contrat de chantier. Pourquoi ? Pour faire face à toute une série de situations ; je pense en particulier à un cas qui s’est présenté, voilà quelques mois, dans la construction navale. (Mme Nicole Bricq opine.)
En l’espèce, un contrat de trois ou quatre ans se présentait à un employeur, mais celui-ci, bien qu’étant disposé à recruter beaucoup de demandeurs d’emploi, notamment des jeunes, ne pouvait recourir au CDI classique, car il n’était pas sûr d’obtenir un nouveau marché par la suite. Finalement, il n’a pas pu répondre au marché parce qu’il aurait dû recourir à une succession de contrats d’intérim et de CDD, ce qui est contraire à la loi, ce secteur exigeant une formation pendant un certain temps.
Ce fut là une chance manquée pour une entreprise française d’obtenir un marché et de sortir un certain nombre de jeunes de la précarité.
Pourquoi positionne-t-on cette faculté à l’échelon de la branche ? Toujours pour la même raison : parce que nous faisons confiance au dialogue social.
Le dialogue social dans la branche, mettant face à face les organisations patronales et les organisations syndicales de salariés, est toujours équilibré ; il prévoit toujours des contreparties. Je ne connais pas d’accord de branche où l’on ait fait signer n’importe quoi, cela n’existe pas. Les partenaires sociaux discuteront longtemps, mais ils trouveront une solution équilibrée.
Ainsi, on souhaite permettre à certains secteurs, là où cela a du sens, comme dans l’informatique ou la construction navale – cela n’aurait aucun sens, nous sommes d’accord, dans la boulangerie –, de recourir à ce contrat, car il nous semble préférable d’avoir un CDI de chantier plutôt qu’une succession de CDD ou de contrats d’intérim. C’est dans cet esprit que cette mesure est proposée.
Je rappelle par ailleurs que la mention « CDI de chantier » n’apparaît pas sur la feuille de paie ; il s’agit d’un CDI. Les banques et assureurs ne le savent donc pas. Vous pouvez tout à fait emprunter de l’argent, avoir un logement, ce qui n’est pas possible en CDD. Demandez à n’importe quelle personne si elle préfère un CDD ou un CDI de chantier, dont la durée est plus longue et qui permet d’avoir plus d’autonomie dans la vie, je pense que sa réponse sera tranchée.
Encore une fois, s’il est bien utilisé, c’est un outil de sortie de précarité, car, nous en serons tous d’accord, si notre socle de CDI tient bien – 85 % des emplois sont des CDI –, il n’en reste pas moins que 80 % des embauches sont des emplois précaires. La difficulté consiste donc à passer de l’emploi précaire à l’emploi en CDI, en particulier pour les jeunes. C’est dans cet esprit que les partenaires sociaux ont souhaité pouvoir discuter des modalités de ce contrat et les adapter, les besoins variant selon les secteurs.
En troisième lieu, enfin, j’évoquerai le télétravail.
J’en ai longuement parlé dans mon propos initial. Il s’agit d’un domaine typique dans lequel le droit est quasiment muet et inadapté, car toutes nos règles ont été conçues, cela se comprend, dans un contexte où tout le monde travaillait sur le même lieu, en même temps et tout le temps. C’est encore le cas pour la majorité des salariés, mais 14 % d’entre eux ont aujourd’hui une activité partielle en télétravail et, surtout, 61 % des salariés le demandent.
En effet, on observe une très forte demande sociale en la matière et de nouvelles attentes dans les zones rurales, de la part de travailleurs handicapés, de personnes ayant des contraintes familiales à un moment donné, de personnes aidantes, ou pour toutes les autres raisons de la vie qui plaident pour le télétravail. Aujourd’hui, le télétravail n’est sécurisé ni pour le salarié ni pour l’employeur. Voilà donc un autre domaine de sécurisation que nous devons traiter : là, tout le monde s’accordera à reconnaître qu’il est parfaitement équilibré entre les besoins des salariés et ceux des entreprises.
Je vous parle donc non pas de remèdes miracles, mais de choses très concrètes de la vie, des verrous aujourd'hui observés sur le terrain. Nous voulons tout simplement résoudre un certain nombre de problèmes opérationnels, en vue de libérer un peu plus l’initiative, la confiance, la création d’emplois et la sécurité.
Tel est le sens de l’article 3 que nous vous soumettons, mesdames, messieurs les sénateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche. – M. Olivier Cadic applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voterai en faveur de ces amendements de suppression.
Plusieurs des sujets ont déjà été évoqués.
En dépit de ce que vous avez pu en dire, madame la ministre, je reste convaincue que la définition d’un barème objectif applicable aux prud’hommes est un danger absolu, parce que cela met en cause les principes du droit.
Le droit du travail et le droit pénal ne peuvent pas poser de principes différenciés. Le principe du droit, en France, c’est l’individualisation de la peine, du dédommagement, la prise en compte des situations.
Je vous rappelle, mes chers collègues, les débats extrêmement importants que nous avons pu avoir sur divers thèmes relatifs au droit pénal, notamment sur les peines planchers automatiques.
Certains d’entre vous défendent peut-être cette conception. Pour ma part, je considère qu’il n’existe pas de barème aujourd'hui. C’est l’arbitrage du juge, en l’occurrence des juges prud’homaux, qui doit être déterminant.
Par ailleurs, la réduction du délai de recours pour les licenciements est une fragilité supplémentaire. On nous explique que ce délai ne doit pas être très long, pour ne pas faire peur aux chefs d’entreprise.
Mais je vous rappelle que, d’après une étude de l’INSEE, pour les chefs d’entreprise, le droit du travail et les conditions de licenciement comptent pour peu de chose dans la décision de recruter, au contraire de ce qu’ils appellent « l’incertitude économique », à savoir la capacité d’avoir du travail.
Pour recruter, les patrons doivent aussi trouver des salariés compétents pour les tâches qu’ils demandent. Or il ne faut pas s’étonner qu’un certain nombre de salariés compétents ne cherchent plus à occuper certains emplois quand ces derniers sont extrêmement fragilisés, pénibles et ne sont pas valorisés ! Et, quand on regarde de près les emplois qui ne sont pas pourvus, on se rend compte qu’il s’agit, pour une large part, d’emplois précaires, pénibles ou mal rémunérés, qui imposent aux salariés des conditions de travail inacceptables. On peut toujours nous dire que les salariés sont des feignants…
Je me souviens du débat que nous avons eu dans cette enceinte au moment de l’examen de l’accord national interprofessionnel, l’ANI. On a alors entendu de grandes théories sur les avantages de la flexibilité et sur les mécanismes de négociation qui allaient diminuer le nombre de contrats courts… Pour ma part, j’observe que, chaque fois que l’on nous présente des outils pour réduire la durée des CDD, c’est l’inverse qui se produit !
Les chiffres du chômage sont absolument dramatiques aujourd’hui en France.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
M. Philippe Mouiller. Oui ! Cela suffit !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si le nombre de chômeurs de catégorie A a baissé ce mois-ci, celui des CDD de quelques jours a, lui, explosé.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Un partisan du libéralisme…
M. Olivier Cadic. L’article 3 aborde largement l’épineuse question des licenciements économiques.
Mme la ministre nous assure qu’elle compte en revoir les modalités, notamment la question du périmètre d’appréciation des difficultés économiques.
La commission des affaires sociales a réécrit cet article d’une façon qui me convient. J’espère qu’un compromis sera trouvé, car il faut à tout prix simplifier les règles.
Le juge ne doit pas être en capacité d’apprécier la décision de mettre en œuvre des licenciements économiques autrement qu’au travers de cette question du périmètre.
L’article 3 habilite par ailleurs le Gouvernement à développer le recours à certaines formes particulières de travail. Ce faisant, il est proposé de favoriser le travail, l’adaptation des contrats temporaires ou des CDD et le recours aux CDI de chantier, comme Mme la ministre l’a expliqué.
Le droit du travail, notamment les types de contrats, doit s’adapter aux activités, qui évoluent beaucoup plus rapidement que notre droit, de manière à favoriser les embauches.
Toutes ces mesures vont dans le sens d’une plus grande flexibilité. Je répète que cette souplesse permettra des embauches, car les entreprises sauront que le droit du travail leur permet de s’adapter aux réalités de leur marché. (M. Pierre Laurent proteste.)
Mais, comprenez-moi bien, mes chers collègues, tout cela doit être équilibré par des mesures de sécurité.
Nous avons une différence avec nos collègues communistes et socialistes : contrairement à certains d’entre nous, ils n’ont pas passé leur vie à développer des entreprises. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Qu’en savez-vous ?
M. Olivier Cadic. S’ils avaient créé des entreprises, risqué leurs biens pour les faire naître, pour les faire vivre, ils ne considéreraient pas que la multiplicité des règles, des instances, des représentants et des procédures est une sécurité pour les salariés. Bien au contraire, cela alourdit le droit, est source d’insécurités et empêche des créations d’emploi, pourtant nécessaires à l’activité économique.
Mme Annie Guillemot. Et les retraites chapeau ? Et les parachutes dorés ?
M. Olivier Cadic. Nous voterons donc contre ces amendements. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées. – M. Loïc Hervé applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.
M. Guillaume Arnell. Madame la ministre, je vous ai écoutée avec attention.
Par principe, les membres du RDSE ne sont pas très favorables aux suppressions d’article qui, selon nous, empêchent la discussion. Cependant, à titre personnel, et je suis ravi d’être là ce soir pour l’exprimer, je suis tenté de voter en faveur de ces amendements, et je vais vous dire pourquoi.
Monsieur Cadic, j’ai bien compris que vous défendiez une certaine partie du projet de loi.
Il se trouve que j’ai eu la chance d’appartenir aux deux mondes : après avoir été très longtemps salarié, je suis, à un moment de ma vie, devenu chef d’entreprise. Mais, intrinsèquement, j’ai la fibre salariée.
Il me semble que sous les présidences de MM. Hollande, Sarkozy, Chirac et Mitterrand – je n’inclus pas, pour le moment, les gouvernants qui viennent d’accéder au pouvoir –, les discussions sur le monde du travail se sont toujours faites au détriment des salariés. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du groupe CRC.) Je ne connais pas d’exemple où l’on a tordu la main aux chefs d’entreprise pour favoriser l’embauche.
J’ai la faiblesse de croire, madame la ministre, que, demain, vous aurez trouvé des remèdes miracles. Je le souhaite ! Je comprends très bien qu’il faille simplifier le droit du travail qui, aujourd'hui, est compliqué. Mais, de grâce, n’attaquons pas à tout bout de champ des acquis qui ont été obtenus de haute lutte !
Je parie que, dans deux ans – je serai encore là pour m’en rendre compte, puisque mon mandat se termine en 2020 –, la courbe du chômage ne se sera pas inversée. Je me demande ce que vous viendrez nous dire encore ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je peux comprendre et je respecte les inquiétudes de mes collègues qui ont déposé ces amendements de suppression de l’article 3.
Il est toujours très délicat de supprimer un article, raison pour laquelle je me rallierai à l’avis du rapporteur.
J’ai écouté avec beaucoup d’attention vos propos pédagogiques, madame la ministre.
Je crois qu’il ne faut pas opposer les salariés et les patrons. De nombreux patrons, quelle que soit la taille de leur entreprise, se sacrifient pour créer et maintenir des emplois. La situation est ce qu’elle est, mais, s’il n’y avait plus de patrons qui veulent vraiment s’engager pour leurs salariés, les difficultés seraient encore bien plus grandes.
M. Loïc Hervé. Il faut le dire !
M. Marc Laménie. Dès lors, je crois que le respect doit être mutuel.
Cela dit, on sait que les CDD ne sont pas la solution.
Mme Annie David. Les CDI de chantier et les CCD de trois jours indéfiniment renouvelables non plus !
M. Marc Laménie. L’intérim n’est pas non plus la solution idéale.
Il faut essayer de trouver les meilleures solutions pour que l’économie puisse tout de même fonctionner.
C’est pour cela que j’irai dans le sens de la commission des affaires sociales, en remerciant M. le rapporteur de son engagement. (M. Loïc Hervé applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je pensais que l’on allait arriver, à l’orée de la soirée, à « objectiviser » ce débat. Il semble que ce ne sera pas le cas. (Mme Annie David s’exclame.)
J’entends bien les arguments des uns et des autres.
Le relèvement des indemnités de licenciement en cas de contentieux a été annoncé très tôt par Mme la ministre au cours de la discussion, ce qui a satisfait toutes les organisations syndicales. De fait, compte tenu de leur faible montant par rapport à celles qui peuvent exister chez nos voisins européens, il importait de relever leur niveau.
Reste le problème des dommages et intérêts.
Je rappelle que nous avons déjà eu cette discussion lors de l’examen de l’article 83 de la loi Macron. Après y avoir consacré beaucoup d’heures, en commission comme en séance, nous étions parvenus à un barème indicatif. Il ne faut donc pas dire qu’il n’y a pas de barème. Il existe un référentiel, qui, du reste, ne sort pas de nulle part : il tient compte de la jurisprudence.
Il existera désormais un barème prescriptif. Le problème est de savoir quels en seront le plafond et le plancher. Cependant, le juge continuera à exercer son droit de regard et à trancher.
Pour ce qui concerne ce que l’on appelle, par facilité, les « contrats de chantier », je rappelle qu’ils sont le fruit d’une expérimentation lancée à partir de l’adoption de la loi de 2008. Ils ne datent donc pas d’hier ! Ils ont été pérennisés par la loi de simplification de 2014 dans des secteurs importants – je pense notamment aux contrats de recherche, utilisés dans les universités – et rendent bien service.
Nous en sommes arrivés aux contrats de chantier dans le bâtiment. Un verrou très utile a été prévu. Nous demandons que ce soient les branches qui déterminent les secteurs d’activité qui en ont besoin. On sait très bien que ceux de la chimie ou de la métallurgie, par exemple, n’ont pas besoin de tels contrats et que ces derniers ne sont pas non plus la tradition dans le secteur de l’automobile. En revanche, les contrats de chantier sont utiles dans d’autres secteurs, où ils représentent un progrès, en termes de visibilité, pour les salariés et les entreprises. S’il est vrai que le nombre de CDD explose, il vaut mieux que l’objet des contrats soit défini.
Je considère donc que l’on nous propose en l’espèce de donner notre accord à un progrès. La loi de ratification en définira les contours plus précisément. Au reste, on n’achète pas un lapin dans un sac ! (Exclamations ironiques sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.) Un certain nombre d’engagements ont été pris, et des discussions ont eu lieu avec les organisations syndicales.
Je ne suis par conséquent pas du tout favorable aux amendements de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Je veux évoquer les banques, qui ont annoncé qu’elles allaient supprimer de nombreux emplois.
La Société Générale, par exemple, compte 136 filiales dans des paradis fiscaux, où elle investit 30 % de ses bénéfices. Elle a créé 1 005 sociétés offshore. Elle est citée je ne sais combien de fois dans l’affaire des « Panama papers ».
M. Philippe Mouiller. Cela n’a rien à voir !
M. François-Noël Buffet. Ce n’est pas le sujet !
M. Martial Bourquin. Pensez-vous, chers collègues, qu’il ne faut pas s’attaquer à ce problème ?
On évoque les causes des suppressions d’emploi pour nous proposer une flexibilité plus importante. On s’attaque à notre protection sociale et au travail salarié, mais le vrai problème de la France, c’est que l’évasion fiscale lui coûte très cher, de 60 à 80 milliards d’euros par an. Tout le monde se taira sur ce sujet, mais pas nous !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Google !
M. Bruno Retailleau. Pas par le Sénat !
M. Martial Bourquin. De fait, le petit artisan va subir un redressement, quand Google pourra discuter…
J’ai l’impression que les choses se font à sens unique. On veut régler les problèmes de la France en s’attaquant au travail salarié, en le flexibilisant et en le maltraitant. Non, cela ne réglera pas tout !
Pour ce qui nous concerne, nous faisons un autre choix. Nous pensons qu’une autre société est possible, une société où l’on essaiera de réduire les inégalités, qui sont le problème numéro un de la France et des pays développés. Le creusement des inégalités conduit à une croissance molle et explique nos difficultés.
Je le répéterai aussi souvent qu’il le faut : une entreprise qui embauche est une entreprise qui a reçu des commandes. Je le constate bien dans mon département.
Ce n’est pas en flexibilisant le travail, comme on le fait depuis je ne sais combien d’années, que l’on règle les problèmes des entreprises. C’est avec des commandes et de la croissance ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je ne voterai pas en faveur de ces amendements.
L’article 3 prévoit un barème d’indemnisation des licenciements sans cause réelle et sérieuse. Il répond par là même à une demande de sécurité extrêmement forte de la part des petites et moyennes entreprises, surtout des petites.
Une entreprise qui se retrouve aujourd’hui aux prud’hommes se heurte à l’inconnu (Protestations sur les travées du groupe CRC.), puisque les indemnités du licenciement peuvent aller du simple au quadruple.
M. Martial Bourquin. C’est le juge qui décide !
M. Daniel Chasseing. Le texte prévoit l’application, par le juge, d’un plancher et d’un plafond établis en fonction de l’ancienneté du salarié. Je trouve que ce n’est pas du tout précariser les salariés ; c’est tout à fait les respecter ! Je ne vois pas où est le problème.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Yonnet, pour explication de vote.
Mme Évelyne Yonnet. Dans ce débat compliqué sur les contrats de chantier, je veux rappeler que chaque Président de la République a cherché à marquer son territoire dans la lutte contre le chômage.
Mme Nicole Bricq. Le Président de la République n’est pas un chat ! (Sourires.)
Mme Évelyne Yonnet. Je pense à tout ce que la gauche a pu mettre en place : les travaux d’utilité collective – les TUC –, les contrats d’avenir, les contrats de génération, les CDD, la réduction du temps de travail…
Les contrats de chantier, qui sont des CDD déguisés, puisque leurs titulaires seront payés à la mission – cela permet une rupture du contrat quand la mission est finie –, me paraissent problématiques. On voit bien la perversion qui a conduit à la généralisation des CDD, qui avaient été assortis de charges sociales allégées pour favoriser l’embauche. L’humain est ainsi fait, qui pervertit tout ce qu’il peut toucher… Je crains qu’il ne se passe exactement la même chose pour les contrats de chantier. Certains collègues ont cité des chiffres qui montrent bien que les CDD sont quasiment plus nombreux que les CDI.
Mme Nicole Bricq. Pas du tout ! Il y a 85 % de CDI !
M. Bruno Retailleau. Et 10 % de CDD !
Mme Évelyne Yonnet. Les contrats de chantier sont des CDI. Dès lors, pourquoi ne pas parler de simple CDI, sans faire référence à une mission ? On sait bien comment cela va se terminer.
Le problème de l’article 3, c’est qu’il définit de nouveaux contrats, de nouvelles règles en matière de prud’hommes, de travail de nuit… Il touche en même temps à plein d’aspects de la protection des salariés. On ne peut pas demander au législateur de valider un ensemble de mesures restrictives, qui vont à rebours du progrès social.
Je pense que, malgré toute la bonne volonté que peut y mettre Mme la ministre, la relance des contrats de chantier ne résoudra pas le problème du chômage de façon définitive, quand bien même elle permettra certainement de le faire baisser momentanément, pendant un ou deux mois.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. De quoi parle-t-on ? De femmes et d’hommes victimes de licenciements économiques abusifs et d’entrepreneurs qu’il faut sanctionner pour avoir utilisé ce moyen pour faire plus de profits. (M. Daniel Chasseing s’exclame.)
On veut nous faire pleurer sur les difficultés des entreprises qui seront sanctionnées, alors qu’il s’agit parfois de grands groupes, mais on méprise complètement celles et ceux qui sont licenciés. Arrêtez donc de mélanger les choses et de ne pas parler des humains !
Vous pensez, en dépit du taux de chômage, qu’être licencié aujourd’hui n’est pas un problème. Vous nous proposez des mesures qui réduiront encore les possibilités de ces femmes et de ces hommes qui sont jetés à la rue. Va-t-on raboter des indemnités, alors que certains se mettent des stock-options plein les poches ? On marche sur la tête !
Depuis le début, cette discussion nourrit une vision des choses complètement faussée. On ne voit pas la réalité du chômage, on ne voit pas les difficultés des gens, on ne voit pas que le pouvoir d’achat est en berne et on ne veut pas voir, finalement, que les taux de profit des grands groupes sont énormes – on pourrait pourtant citer des exemples.
Mes chers collègues, je vous appelle à réfléchir à ce que l’on nous propose de voter : il s’agit bien d’adapter les règles de procédure et de motivation des licenciements et de réduire les délais de recours.
Au final, ce sont toujours les mêmes qui trinquent et on nous dit, avec le sourire : « Faites-nous confiance ! » Vraiment, on marche sur la tête ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Gisèle Jourda applaudit également.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 56, 75 rectifié ter et 155 rectifié quinquies.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 135 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l’adoption | 103 |
Contre | 232 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L'amendement n° 134 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Au début de cet article
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 1233-2 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Est réputé dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emplois sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l’entreprise a constitué des réserves ou réalisé un résultat net ou un résultat d’exploitation positif au cours des deux derniers exercices comptables.
« Est également dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emploi sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l’entreprise a, au cours des deux derniers exercices comptables, distribué des dividendes ou des stock- options ou des actions gratuites ou procédé à une opération de rachat d’actions. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Il s’agit de compléter l’article L. 1233-2 du code du travail par les deux alinéas suivants :
« Est réputé dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emplois sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l’entreprise a constitué des réserves ou réalisé un résultat net ou un résultat d’exploitation positif au cours des deux derniers exercices comptables.
« Est également dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emploi sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l’entreprise a, au cours des deux derniers exercices comptables, distribué des dividendes ou des stock- options ou des actions gratuites ou procédé à une opération de rachat d’actions. »
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cet amendement vise à interdire les licenciements économiques dits « boursiers », dont l’unique objectif est l’augmentation de la rentabilité financière de l’entreprise.
Cet amendement est issu d’une proposition de loi de 2011 dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur. Nous avons au moins le mérite de la cohérence et de la continuité dans la défense des valeurs de gauche.
Chacun dans cet hémicycle connaît des exemples emblématiques de licenciement boursier dans son département. Il ne tient qu’à nous de limiter ces pratiques insupportables en votant des garde-fous logiques et sensés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. M. Watrin ne dit pas qu’il faut interdire les licenciements, même dans les entreprises qui ont réalisé des bénéfices les deux années précédentes ou dans celles qui ont distribué de généreux dividendes à leurs actionnaires.
J’aurais pu comprendre votre position, madame la ministre, s’il s’était agi d’interdire les licenciements et donc de porter atteinte à l’organisation d’une entreprise pour les années à venir. Or il s’agit simplement, lorsqu’une entreprise a fait des bénéfices ou distribué d’importants dividendes, d’interdire le recours au motif du licenciement économique.
Cela me semble logique : on parle de licenciement économique quand il y a un problème économique. Vous auriez pu, par exemple, dans le cadre de ces ordonnances qui vont tout changer, proposer des « licenciements d’organisation » ou des « licenciements stratégiques ».
Encore une fois, il s’agit non pas d’interdire les licenciements, mais de refuser d’appeler « économiques » des licenciements qui n’ont aucun fondement économique.
Mme Laurence Cohen. Exactement !
M. le président. L'amendement n° 135 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Au début de cet article
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 1233-3 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 1233-3. – Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives à une cessation d’activité ou à des difficultés économiques qui n’ont pu être surmontées par la réduction des coûts autres que salariaux ou, à des mutations technologiques indispensables à la pérennité de l’entreprise, et dès lors que l’entreprise n’a pas recours au travail intérimaire ou à la sous-traitance pour exécuter des travaux qui pourraient l’être par le ou les salariés dont le poste est supprimé.
« L’entreprise doit avoir cherché par tous moyens adaptés à sa situation d’éviter un licenciement pour motif économique, de sorte que le licenciement pour motif économique constitue le dernier recours pour assurer sa pérennité.
« L’appréciation des difficultés économiques ou des mutations technologiques s’effectue au niveau de l’entreprise si cette dernière n’appartient pas à un groupe.
« Lorsque l’entreprise appartient à un groupe, l’appréciation des difficultés économiques ou des mutations technologiques s’apprécie au niveau du secteur d’activité du groupe.
« Les situations visées au premier alinéa qui seraient artificiellement créées ainsi que celles résultant d’une attitude frauduleuse de la part de l’employeur ne peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
« Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivant, résultant de l’une des causes énoncées au premier alinéa. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement, très important à nos yeux, vise à prendre le contre-pied de l’évolution du droit du travail en matière de licenciement, et plus précisément de licenciement économique.
Madame la ministre, vous affichez la volonté d’améliorer le dialogue social. Comment vous y prendrez-vous, alors que la réalité vécue par les salariés est celle d’une détérioration continue des conditions de licenciement ?
Depuis la loi dite « El Khomri », une entreprise peut enclencher des licenciements économiques dès lors que ses commandes ou son chiffre d’affaires affichent une baisse. Seule exigence, un critère temporel : cette baisse doit être constatée au moins sur un trimestre pour une entreprise de 11 salariés et, au maximum, sur quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus.
Fait crucial, le juge n’a plus le pouvoir de juger du motif économique, même si ce dernier reste encadré par la loi.
Votre projet, madame la ministre, va donc plus loin. Vous proposez, par exemple, de rendre négociable, au niveau de l’entreprise, et donc en amont, la motivation économique des licenciements. Pour notre part, nous ne voulons pas que le salarié devienne la variable d’ajustement des fluctuants mouvements d’activité de l’entreprise.
Nous proposons tout d’abord de préciser les motifs économiques en rétablissant le pouvoir d’appréciation du juge.
Mme Nicole Bricq. Cela n’a rien à voir avec le texte !
Mme Éliane Assassi. Madame Bricq, pourriez-vous nous épargner vos sempiternels commentaires ? Cela devient lassant !
M. Loïc Hervé. Madame Assassi, on n’entend que vous !
Mme Éliane Assassi. Nous précisons ensuite que le licenciement économique doit être le dernier recours de l’employeur. Le code du travail doit être un outil de préservation de l’emploi et non d’amplification du chômage.
Enfin, et c’est crucial, nous proposons de graver dans le marbre de la loi la jurisprudence selon laquelle les difficultés économiques sont appréciées à l’échelon du secteur d’activité du groupe, au plan national ou international.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
La loi Travail, votée l’an dernier, a déjà défini les critères justifiant des difficultés économiques et les critères de sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.
La refonte des règles du licenciement économique proposée par les auteurs de cet amendement entraînerait une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre qui serait sans doute censurée par le Conseil constitutionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Par ailleurs, madame Assassi, vous me voyez très troublée, car plusieurs de vos propos ne correspondent pas du tout au texte.
Mme Nicole Bricq. Tout à fait !
Mme Éliane Assassi. Êtes-vous ministre, madame Bricq ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il n’a, bien évidemment, jamais été question d’autoriser les négociations dans l’entreprise sur les motifs du licenciement.
Vous proposez de réécrire dans son intégralité l’article L. 1233-3 du code du travail profondément modifié l’année dernière par la loi du 8 août 2016 qui définit déjà le motif économique de façon très précise.
Le juge s’appuie sur cette définition juridique récente et – apparemment – claire. Nous y trouvons l’élément matériel – suppression ou transformation d’emplois ou modification du contrat de travail –, le périmètre d’appréciation, l’élément causal et ses quatre critères – difficultés économiques, mutation technologique, réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité et cessation d’activité. La jurisprudence est bien établie sur ce sujet.
Vous proposez également de supprimer le motif de réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité.
Il s’agit pourtant d’un motif essentiel dont l’utilisation permet de limiter les suppressions d’emplois quand l’entreprise pressent des difficultés économiques importantes du fait de son positionnement sur son marché. Mieux vaut prévenir que guérir et mieux vaut se réorganiser qu’être acculé ensuite à des licenciements beaucoup plus importants. De nombreux échecs et fermetures cachent en fait des réorganisations ou des modifications mal anticipées. Contrairement à ce que vous avancez, ce motif a un caractère essentiellement préventif.
Vous proposez aussi de préciser que le licenciement doit être décidé en dernier recours par l’employeur. Toutefois, celui-ci est déjà soumis à une obligation préalable de recherche de reclassement et doit formuler des offres écrites précises individuelles aux salariés.
Vous évoquez enfin le périmètre d’appréciation de la cause économique et les situations de création artificielle de difficultés. Ce dernier point, dont nous avons déjà discuté avec les partenaires sociaux, fera l’objet de dispositions spécifiques au sein de l’ordonnance. Il nous semble en effet nécessaire d’apporter des précisions supplémentaires.
Sur tous les autres points, je n’ai pas reconnu dans vos propos le texte dont nous discutons. Je pense qu’il s’agit d’une réelle incompréhension.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. L’habilitation ne porte pas du tout sur ces sujets.
Ma chère collègue, vous proposez de réécrire l’article 67 de la loi Travail. Il aurait été plus clair de nous le dire, j’aurais mieux compris.
Le texte dont nous discutons permet d’ouvrir de nouveau la réflexion sur la façon d’appréhender la notion de difficultés artificielles et comptables qui avait disparu des nombreuses versions du projet de loi Travail que nous avons eu à examiner.
Je n’ai pu m’empêcher de réagir en constatant que nous parlions non pas de l’habilitation, mais de la loi El Khomri, raison pour laquelle je ne voterai pas votre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Il me semble que la commission des affaires sociales n’a pas jugé notre amendement irrecevable et qu’il est possible, au cours d’un débat parlementaire, de revenir sur un texte antérieur que l’on a combattu pendant des jours et des nuits.
Nous n’étions pas favorables à cet article de la loi El Khomri et nous voulons revenir sur la définition du licenciement économique.
Vous nous dites, madame la ministre, que la création artificielle de difficultés économiques sur certains sites conduisant à la faillite, alors que le groupe va bien, constitue un vrai sujet – c’est votre expression de la soirée – sur lequel il faudra revenir.
En revanche, vous nous dites aussi qu’il vaut mieux se réorganiser que d’avoir à licencier en masse par la suite. Mais certaines de ces réorganisations, madame la ministre, comme a tenté de vous le faire entendre Dominique Watrin, servent de prétexte à des licenciements boursiers déguisés qui permettent de faire remonter le cours de l’action de l’entreprise. Au passage, les dirigeants qui ont la chance de bénéficier de stock-options font de sacrées plus-values.
Il s’agit d’une réalité. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous contestons le plafonnement des indemnités prud’homales. Eu égard à la cotation en bourse de certaines sociétés et aux sommes colossales que peuvent empocher certains dirigeants par le biais de ces licenciements boursiers, il nous semble normal que les salariés soient en droit d’être indemnisés à hauteur du préjudice qu’ils ont subi par la juridiction prud’homale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
M. le président. L'amendement n° 224, présenté par MM. Vanlerenberghe et Cadic, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
de droit privé
par les mots :
mentionnés à l'article L. 2211-1 du code du travail
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Il s’agit d’un amendement de précision.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement est le pendant de l’amendement n° 198, des mêmes auteurs, à l’article 1er.
Il s’agit de faire référence à l’article L. 2211-1 du code du travail qui dispose que les dispositions relatives à la négociation collective s’appliquent aux employeurs de droit privé ainsi qu’à leurs salariés, aux établissements publics à caractère industriel et commercial, aux établissements publics à caractère administratif lorsqu’ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé.
Par coordination avec sa position sur l’amendement n° 198, la commission émet un avis de sagesse positive sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il s’agit de préciser que tous les salariés de droit privé, quel que soit le statut de l’employeur, entrent dans le champ de l’ordonnance. Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant.
Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement, comme il l’a été aux amendements similaires déposés aux articles 1er et 2.
M. le président. L'amendement n° 38 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
accès
insérer les mots :
et garantir la compréhension, notamment par l’utilisation du français facile à lire et à comprendre,
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. L’accès au droit, dont le fonctionnement est régi par des dispositions écrites, codifiées, venant de sources très variées et dont le présent projet relève la complexité, est un sujet fondamental.
La connaissance du droit est un marqueur fort dans notre pays entre ceux qui ont le temps et les compétences pour développer une expertise juridique ou les moyens de s’attacher cette expertise, et les autres, laissés pour compte dans leur ignorance, stigmatisés et isolés.
L’alinéa 3 de l’article 3 dont nous discutons constitue une avancée en ce qu’il charge l’autorité administrative de faciliter l’accès à l’ensemble des dispositions légales, réglementaires et conventionnelles opposables à un salarié et à son profit, ainsi que les conditions dans lesquelles ce dernier peut se prévaloir des informations obtenues dans ce cadre.
Toutefois, deux des aspects de ce dispositif méritent d’être améliorés.
Les informations disponibles et fournies au travailleur peuvent être d’une grande complexité. Il est indispensable que l’explication soit assurée de la façon la plus compréhensible possible, afin que chaque travailleur puisse pleinement prendre connaissance de tous les éléments, quel que soit son niveau de compétence juridique ou cognitive.
Le niveau de compréhension juridique d’une personne n’est pas le seul frein à la compréhension du droit. Il convient de prendre en compte l’ensemble des situations de handicap de communication, que ce soit l’illettrisme, les troubles neurodéveloppementaux ou les déficiences intellectuelles, souvent non visibles.
Pour pallier ces difficultés assez fréquentes, mon amendement tend à suggérer l’utilisation du français facile à lire et à comprendre, le FALC.
Il s’agit d’une méthode reconnue, garantissant la bonne compréhension de l’information à délivrer, notamment écrite, à travers la mise en page, le format, le type d’écriture, les mots utilisés, la construction de l’argumentation, l’utilisation d’images…
Pour ceux d’entre vous, mes chers collègues, qui veulent en savoir plus sur le français facile à lire et à comprendre, je vous invite à consulter le très bon guide réalisé par l’UNAPEI, l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis, avec le soutien de la Commission européenne, sur son utilisation. Certaines branches de nos administrations centrales y ont déjà recours avec un très grand succès.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission partage évidemment l’intention des auteurs de cet amendement.
Les sites publics d’information sur le droit du travail doivent être utiles et compréhensibles par l’ensemble des salariés et des employeurs.
Comme le souligne Jean-Denis Combrexelle, le droit du travail est un droit complexe, réservé aux spécialistes, et, en même temps, un droit de proximité qui concerne des millions de nos concitoyens.
Il faut en effet expliquer simplement des notions complexes, voire distinguer les niveaux d’explication sur le site. Le site vie-publique.fr offre un bon exemple de présentation pédagogique, avec des renvois vers des sites plus détaillés.
Je rappelle toutefois que les informations fournies par le site public et prévues à l’alinéa 3 pourront ensuite être opposables par le salarié ou l’employeur en cas de différend administratif ou juridictionnel. Il est donc capital que les informations soient précises. On ne peut pas toujours éviter la complexité du droit.
Afin d’éclairer la commission des affaires sociales, je demande l’avis du Gouvernement, auquel la commission se rangera.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Madame la sénatrice, vous posez deux questions importantes.
La première nous concerne tous : il s’agit de savoir comment le code du travail numérique peut être accessible et compréhensible. C’est un vrai défi, puisque la matière juridique – vous le savez bien au Sénat, où vous maniez ces questions depuis des années avec beaucoup de dextérité – doit embrasser la complexité du monde réel en posant ses propres règles. Il n’est donc pas toujours facile d’expliquer à nos concitoyens ce qui figure dans les textes.
Notre projet de code du travail numérique ne consiste bien évidemment pas à éditer le PDF du code actuel. Il s’agit plutôt d’offrir quelque chose d’intelligible qui permette de répondre aux questions que se posent salariés et employeurs, notamment dans les petites entreprises. Tout cela représente déjà un assez gros défi en soi.
Votre seconde question va encore un peu plus loin. Vous nous invitez à pousser plus avant et à rendre ces informations également accessibles aux personnes ayant des difficultés de compréhension, ce qui est encore plus difficile, mais qui profiterait à tout le monde.
Notre intention est d’aller le plus loin possible dans cette direction. Toutefois, comme l’a souligné le rapporteur, il existe une limite : si l’on peut vulgariser certains concepts, l’accès au droit n’est pas pareil selon que l’on est absolument dépendant d’un tiers ou non pour comprendre ses droits fondamentaux.
Nous progresserons, mais nous n’arriverons pas à rendre le droit complètement accessible à l’ensemble de nos concitoyens. Nous sommes prêts à nous engager, à travailler avec des personnalités de la société civile, mais il sera très difficile de rédiger le code du travail dans un langage simplifié, sous forme de phrases courtes.
Pourquoi ne pas regarder la méthode que vous mentionnez, pour voir si elle peut nous pousser à être plus efficaces ? Toutefois, votre amendement soulève un problème : sans préjuger l’avis du Conseil d’État, je ne pense pas que le français facile à lire et à comprendre ait une définition juridique…
Faute de savoir ce qu’est précisément le FALC, je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur votre amendement, tout en étant favorable à l’intention qui vous anime, celle d’un français facile à lire et à comprendre auquel nous aspirons tous. (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.
Mme Dominique Gillot. J’entends bien l’argumentation du rapporteur et de la ministre.
Je pense qu’il était intéressant de tenir cette discussion et que des engagements soient pris pour aller vers une expression la plus compréhensible possible pour tout un chacun. Si l’on s’exprime en cherchant à être compris par ceux qui ont des difficultés de communication, tout le monde en profitera.
Je voudrais simplement rappeler que le CIH, le comité interministériel du handicap, du 2 décembre 2016 a proposé que l’ensemble des exposés des motifs des projets de loi soit aussi rédigé en français facile à lire et à comprendre, ce qui permettrait ainsi à certains parlementaires de mieux les comprendre et d’éviter de faire des contresens… (Sourires.)
Cela commence à se faire. La secrétaire d’État chargée des personnes handicapées fait rédiger toutes ses communications en français facile à lire et à comprendre. Progressivement, les administrations comprennent l’intérêt d’une telle démarche pour être mieux comprises par l’ensemble de nos concitoyens.
Je comprends vos doutes, madame la ministre. Le Conseil d’État ne reconnaîtrait sans doute pas le FALC comme un langage universel et légistique suffisant. Je retire donc cet amendement, tout en étant très heureuse que le débat ait pu aller à son terme et que des engagements aient été pris, ce dont témoigneront les comptes rendus.
M. le président. L'amendement n° 38 rectifié est retiré.
L'amendement n° 39 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
personne
insérer les mots :
, y compris en situation de handicap,
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Cet amendement s’inscrit dans la continuité du précédent, qui a pour objet de s’assurer que l’ensemble de nos concitoyens puissent comprendre les informations mises à leur disposition concernant le droit applicable à leur situation professionnelle. Il vise à garantir l’accessibilité de ces informations au plus grand nombre.
Si la mise à disposition de ces informations par voie numérique est aujourd’hui la meilleure garantie d’assurer cette accessibilité au plus grand nombre, il est toutefois nécessaire de construire cette plateforme en tenant compte de toute forme de handicap éventuel des futurs utilisateurs de celle-ci.
Lors de l’examen du projet de loi pour une République numérique au Sénat, nous avions déjà débattu de la mise en accessibilité des sites internet pour les utilisateurs malvoyants ou malentendants. La commission mixte paritaire avait préservé les décisions profitables que nous avions adoptées.
L’accessibilité du service public à l’ensemble des usagers doit être une priorité. C’est la raison pour laquelle, madame la ministre, mes chers collègues, je vous soumets cet amendement, qui vise à assurer aux travailleurs handicapés le même accès à l’information concernant leurs droits qu’à leurs collègues dits «valides ».
Le secrétaire d’État chargé du numérique, que j’ai interrogé hier, m’a dit que les choses étaient en cours, mais que les opérateurs de plateformes se montraient réticents. Or cette réticence n’a pas lieu d’être quand il s’agit d’une obligation légale : tous les dispositifs numériques doivent être accessibles à l’ensemble de nos concitoyens, quelle que soit la forme de handicap de ceux-ci. Les applications numériques, l’intelligence artificielle ouvrent aujourd’hui de nouvelles possibilités. Il me semble indispensable de consacrer cette obligation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement est satisfait par l’article 47 de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées qui oblige les sites en ligne de l’administration à être accessibles aux personnes handicapées.
Cet article dispose en effet : « Les services de communication au public en ligne des services de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent doivent être accessibles aux personnes handicapées. »
Cette accessibilité concerne l’accès à tout type d’information sous forme numérique. Les recommandations internationales pour l’accessibilité d’internet doivent être appliquées pour les services de communication publique en ligne. Un décret du 14 mai 2009 a d’ailleurs été pris en ce sens pour créer un référentiel d’accessibilité des services de communication publique en ligne.
Ma chère collègue, votre amendement est utile pour rappeler une obligation légale qui n’est pas toujours bien connue de nos concitoyens, mais je ne pense pas nécessaire de le rappeler dans la future loi d’habilitation pour ne pas en alourdir la rédaction.
Votre amendement étant déjà satisfait, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement a une lecture quelque peu différente de celle du rapporteur.
Le concept de mise à disposition nous semble complémentaire du droit existant, raison pour laquelle j’émets un avis favorable sur cet amendement.
Nous sommes tous d’accord sur le fond. Le Gouvernement a commencé à travailler avec certaines associations pour profiter de leur expertise. Là encore, il ne s’agit pas d’un domaine où la perfection est atteignable, mais le fait d’inscrire cet objectif dans la loi va pousser tout le monde à progresser plus vite.
Comme vous l’avez souligné, madame Gillot, les progrès techniques nous offrent de nouvelles opportunités. Ce qui relevait avant de l’artisanat peut maintenant être étendu à une échelle significative. Le moment me semble donc bien choisi pour s’engager plus avant dans cette voie.
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Je voudrais abonder dans le sens de Mme la ministre.
La commission a le souci de ne pas alourdir les textes, surtout lorsque le droit en vigueur semble suffisant, mais si la ministre souhaite réaffirmer cette position dans la loi, je crois qu’il faut soutenir cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je souhaite rappeler que Brigitte Gonthier-Maurin et Nicole Duranton ont aujourd’hui rendu public un rapport d’information sur l’accès à la culture des personnes handicapées, tirant le bilan des dix premières années de la loi Handicap, notamment sur l’accès aux musées et aux sites patrimoniaux.
Depuis dix ans, une multitude d’actions ont fleuri sur le terrain, mais, au final, l’accès des personnes en situation de handicap à la culture, en particulier à la pratique culturelle, n’est pas aujourd’hui pleinement assuré.
Les mesures se sont concentrées sur l’accessibilité et le droit à la compensation. Comme pour la culture, la question de l’accès au droit du travail est un sujet demeuré malheureusement annexe. Je suis vraiment très heureuse, tout comme l’ensemble de mon groupe, de la tenue de ce débat dont je remercie Mme Gillot.
Nous voterons cet amendement du groupe socialiste et républicain. L’accessibilité au droit du travail est une condition indispensable aux personnes en situation de handicap pour pouvoir accéder à un emploi et faire respecter leurs droits.
Tous les éléments apportés au débat me paraissent extrêmement importants, de même que l’attention particulière de Mme la ministre.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.
Mme Dominique Gillot. Je veux vraiment remercier Mme la ministre de sa compréhension. Merci aussi à vous, monsieur le rapporteur.
La loi de 2005 a établi l’accès aux droits fondamentaux des personnes handicapées, mais elle n’est toujours pas appliquée douze après.
Il est important, lors de l’examen de chaque projet ou proposition de loi, de se préoccuper de la mise en œuvre de la loi de 2005 dans le droit commun.
Je me réjouis de cette adhésion générale. Nous allons pouvoir faire un pas supplémentaire en utilisant les nouvelles opportunités offertes par l’intelligence artificielle et les nombreuses applications qui se développent. Les choses seront ainsi plus faciles et l’information plus accessible pour l’ensemble de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Si la commission avait décidé de ne pas voter en faveur de cet amendement, c’était évidemment pour ne pas alourdir le texte, dans la mesure où, en outre, la loi existait déjà.
Si Mme la ministre considère que l’adoption de cet amendement n’alourdirait pas le texte, nous n’y voyons pas d’inconvénient. Néanmoins, la loi de 2005 n’ayant pas été complètement appliquée, j’espère que celle-ci le sera ! (Mme Stéphanie Riocreux applaudit.)
Mme Dominique Gillot. Absolument ! Comptez sur nous pour y veiller !
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Les membres du groupe CRC voteront cet amendement ; nous pensons, nous aussi, qu’il est bon que le droit soit présenté de façon pédagogique, adaptée aux personnes n’ayant pas de compétence juridique, déficientes intellectuellement, maîtrisant mal la langue française, ou encore illettrées.
Mais quitte à parler de pédagogie, il faut également évoquer l’école, l’éducation nationale. L’éducation nationale a aussi une responsabilité dans la sensibilisation, l’ouverture vers le monde du travail et la connaissance des droits des futurs salariés. Les jeunes qui vont au collège iront bientôt, pour nombre d’entre eux, en apprentissage ou en préapprentissage ; d’aucuns souhaitent même qu’ils entrent dès l’âge de 14 ans dans le monde du travail. Il est donc particulièrement important, dans ces conditions, que l’accès de ces jeunes au droit du travail soit facilité.
J’ai moi-même rencontré, madame la ministre, une responsable de la JOC, la Jeunesse ouvrière chrétienne.
M. Loïc Hervé. Belle référence !
M. Dominique Watrin. Elle avait travaillé avec le cabinet de la précédente ministre du travail, Mme El Khomri. Peut-être même avait-elle rencontré la ministre ; quoi qu’il en soit, elle avait bon espoir, m’avait-elle dit, qu’un module d’initiation au code du travail soit mis en place à l’échelon du collège pour les classes de troisième ou de quatrième.
Il se trouve que, quelques semaines plus tard, la future loi El Khomri était présentée à la presse, et ce projet est sans doute resté dans les tiroirs du ministère du travail.
Mme Annie David. Au fond d’un tiroir !
M. Philippe Mouiller. Troisième étagère, quatrième tiroir !
M. Dominique Watrin. Madame la ministre, je pense que vous pourriez ressortir ce projet ; ce serait un témoignage de respect à l’égard des responsables de la JOC. L’idée est bonne ; il serait utile de la remettre à l’étude.
M. le président. Je suis saisi de vingt amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 76 rectifié, présenté par M. Antiste et Mmes Jourda et Monier, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Cet amendement de repli tend à supprimer les dispositions plafonnant les indemnités prud’homales à la charge de l’employeur en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Introduite prétendument au nom de la « sécurisation des relations de travail », cette disposition accroît en réalité l’insécurité des travailleurs en facilitant les licenciements abusifs, l’employeur connaissant à l’avance le prix maximal de son manquement.
Les facilités supplémentaires accordées aux employeurs dans la procédure ainsi que les nouvelles contraintes de délai imposées aux salariés vont dans le même sens.
Pour ces raisons, nous demandons la suppression des alinéas 4 à 6 de l’article 3. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)
M. le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 40 rectifié bis est présenté par MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Lienemann, MM. Mazuir, Marie et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 117 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 161 est présenté par M. Desessard et Mmes Benbassa et Bouchoux.
L'amendement n° 194 rectifié est présenté par Mme Jouve, MM. Arnell, Bertrand, Castelli, Guérini et Collombat et Mme Malherbe.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour présenter l’amendement n° 40 rectifié bis.
M. Jean-Louis Tourenne. La disposition en cause nous heurte sur le plan de la justice, sur le plan de l’humanité, sur le plan du droit.
En effet, et d’abord – nous l’avons rappelé plus tôt –, en France, l’État de droit pose en principe l’individualisation du jugement. Ce principe est incompatible avec l’idée d’un plafonnement de l’indemnisation accordée. Entendons-nous bien : il ne s’agit pas des indemnités de licenciement ; il s’agit d’évaluer le préjudice réel subi par un salarié licencié indûment ! Il y va donc de moments extrêmement douloureux : ce sont parfois des vies complètement gâchées. Aussi personne n’est capable de dire a priori quelles sont les conséquences financières et morales qui seront subies par le salarié.
Que signifierait la mise en place d’un plafonnement ? Qu’un salarié méritant une réparation de son préjudice à une hauteur beaucoup plus élevée que le plafond prévu se verrait privé de cette réparation. C’est dire au juge : « Vous n’avez pas la capacité d’apprécier la situation ; vous devez vous en tenir à ce que vous dit la loi. » Cela n’est absolument pas acceptable !
Par conséquent, j’espère que, au terme de l’examen des différents amendements qui seront défendus en ce sens, nous reviendrons à meilleure raison et ferons droit à la nécessité d’une justice sereine, que nous devons nous garder de brider !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 117.
Mme Annie David. Je partage la philosophie qui vient d’être exprimée. Nous nous opposons nous aussi au plafonnement des dommages et intérêts pour licenciement illégal – je vous rappelle en effet qu’il s’agit en l’espèce des licenciements abusifs, soit à peu près 80 % des affaires traitées par les conseils de prud’hommes.
En vérité, par cet alinéa 4, madame la ministre, vous voulez reconnaître un permis de licencier abusivement, l’employeur connaissant à l’avance le coût du licenciement.
À l’inverse, si vous voulez rénover les conseils de prud’hommes, bien d’autres propositions sont à explorer : par exemple, le rétablissement de l’élection des conseillers prud’homaux au suffrage universel, la garantie du principe d’oralité de la procédure devant ces juridictions, la gratuité, la simplicité et la proximité de cette justice, à tous les niveaux – je vous rappelle, mes chers collègues, que plus de soixante-dix tribunaux de prud’hommes ont été supprimés. Pour rendre plus efficaces ces tribunaux, le retour des délais de prescription serait également envisageable.
Car enfin, dans votre projet d’ordonnance, madame la ministre, aucune précision n’est donnée ! Le présent alinéa 4 dispose qu’un référentiel obligatoire sera mis en place, mais sans aucune mesure ou échelle du plafonnement envisagé.
En réalité, comme je le disais, vous permettez à l’employeur de licencier abusivement alors que vous condamnez le salarié ou la salariée à la règle de l’arbitraire. Comment un salarié réclamerait-il le paiement de ses heures supplémentaires ou remettrait-il en cause une directive susceptible de porter atteinte à sa santé ou même au bon fonctionnement de l’entreprise si, du jour au lendemain, il peut être mis à la porte sans cause réelle et sérieuse, sans pouvoir se défendre et sans avoir la possibilité de voir reconnu son droit à l’indemnisation à hauteur du préjudice subi ?
Comme je vous le disais en présentant l’amendement n° 134 rectifié, c’est seulement après coup que l’on repère les licenciements boursiers : c’est après coup que l’on constate que les actions de l’entreprise grimpent et que la direction fait au passage de gros bénéfices !
Enfin, je partage la position que vient d’exprimer Jean-Louis Tourenne : le plafonnement proposé revient à méconnaître le rôle du juge, lequel, en fonction de la singularité de chaque situation, est à même de juger de la gravité du préjudice subi par le salarié, chacun étant, face à un licenciement abusif, un individu particulier.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 161.
M. Jean Desessard. Madame la ministre, vous avez défendu cet alinéa 4 en expliquant que lorsque les petites entreprises licencient, les employeurs, de bonne foi, commettent des erreurs et sont condamnés. Vous avez dit qu’il y avait, en la matière, des exemples à foison, et que les conseils de prud’hommes n’avaient pas le temps de les traiter.
Je ne partage pas cette analyse. On pourrait d’ailleurs penser, à l’ère du numérique, à l’heure où nous sommes censés rendre le code du travail lisible, que l’administration puisse aider celles et ceux qui ont des problèmes d’ordre administratif pour remplir correctement les dossiers. Ce n’est pas la méthode que vous avez choisie, madame la ministre. Il vaut mieux tout changer, avez-vous dit !
Mais qui craint que les entreprises embauchent peu à cause des contentieux prud’homaux et des frais qu’ils peuvent entraîner ? C’est le MEDEF ! L’organisation patronale affirme continuellement que les entreprises embaucheraient davantage si ce type de contentieux était sécurisé. On a l’impression que tous les chefs d’entreprise tiennent le raisonnement suivant : « oh là là, je ne peux pas embaucher ; rendez-vous compte : les papiers ! ». Vous comprenez : même remplir un bulletin de salaire, c’est difficile !
Sur ces questions administratives, on est donc en plein délire. Afin de répondre à cette demande répétée, le Gouvernement introduit dans le présent projet de loi le plafonnement des indemnités dues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Sorti par la porte lors de l’examen de la loi El Khomri – il était devenu indicatif à l’issue du processus législatif et politique –, le plafonnement des indemnités prud’homales revient aujourd’hui par la fenêtre.
On constate la détermination du Président de la République sur ce sujet : les premières dispositions en la matière avaient été instaurées par la loi Macron, comme l’a dit Mme Bricq, et celui qui était alors ministre de l’économie n’était pas étranger à la première mouture de la loi El Khomri. Désormais grand décisionnaire, le Président de la République est en mesure d’accéder à cette revendication du MEDEF.
Cette solution nous paraît insatisfaisante à un double point de vue. D’une part, elle s’oppose au principe de la réparation intégrale du préjudice – cela a été dit par M. Tourenne. Selon ce principe du droit privé, tout le dommage causé, mais rien que le dommage causé, doit être réparé. Par définition, il y a contradiction avec l’idée d’un plafonnement des indemnités.
D’autre part, madame la ministre, nous devons faire confiance aux juges prud’homaux, d’autant plus qu’ils représentent à la fois les employeurs et les salariés !
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l'amendement n° 194 rectifié.
M. Guillaume Arnell. À l’article 3, il est proposé notamment d’encadrer les dommages et intérêts dus en cas de licenciement abusif – c’est bien du licenciement abusif dont nous parlons –, sauf, bien entendu, dans les cas de harcèlement et de discrimination.
Lors de la discussion générale, madame la ministre, vous avez déclaré : « Les dommages et intérêts vont d’un à quatre pour le même préjudice, selon la juridiction, d’où un sentiment d’iniquité. Entreprises comme salariés ont besoin de repères. »
Je peux l’entendre ; pour autant, dans les faits, nous savons très bien que le juge prud’homal est relativement raisonnable. Par ailleurs, si l’objectif est d’éviter des disparités et de donner aux entreprises plus de visibilité, je pense que le barème indicatif mis en place par la loi El Khomri, lequel varie en fonction de l’âge, de l’ancienneté et des difficultés du salarié à retrouver un emploi, est suffisant.
C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’habilitation donnée au Gouvernement pour instaurer cet encadrement des indemnités prud’homales.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 119, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après la première occurrence du mot :
licenciement,
insérer les mots :
sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être alloués en considération de la situation de famille, de la situation personnelle, de la qualification professionnelle, de la situation du marché du travail ou de l’âge du salarié
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 118, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après la première occurrence du mot :
licenciement
insérer les mots :
afin de permettre une juste réparation des préjudices subis
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Il s’agit d’un amendement de repli qui vient en complément de celui qu’a déjà défendu ma collègue Annie David et de l’amendement n° 119.
Il vise à assurer que les modifications envisagées auront pour objectif de garantir une juste réparation des préjudices subis. Je rejoins ce qui vient d’être dit par les orateurs qui m’ont précédé : un barème peut être restrictif. Nous parlons, en l’espèce, de licenciement sans cause réelle et sérieuse, donc de licenciement abusif ; ce qui compte, c’est la réparation intégrale. C’est bien là le principe qui doit dominer tout le reste !
Qu’un barème indicatif existe, pourquoi pas ? Mais le salarié a droit, lorsqu’il est injustement licencié, à une réparation intégrale de son préjudice. Et, en effet, aucun cas n’est identique à un autre, du point de vue tant de l’ancienneté du salarié que de son âge ou de ses difficultés à retrouver un emploi.
M. le président. L'amendement n° 169 rectifié ter, présenté par Mmes Gruny et Morhet-Richaud, MM. Mandelli, Dallier et Rapin, Mme Imbert, MM. Pellevat et Vaspart, Mme Canayer, M. Mouiller, Mme Di Folco, MM. Lefèvre et Pierre, Mme Mélot et MM. Cornu, Chasseing, Commeinhes et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
obligatoire
insérer les mots :
et forfaitaire, déterminé sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Il convient d’être plus précis concernant le barème visé en indiquant clairement qu’il n’inclut pas l’indemnité de licenciement.
M. le président. L'amendement n° 167 rectifié ter, présenté par Mmes Gruny et Morhet-Richaud, MM. Mandelli, Dallier et Rapin, Mmes Debré et Imbert, MM. Pellevat et Vaspart, Mmes Canayer et Di Folco, MM. Lefèvre et Pierre, Mme Mélot et MM. Cornu, Chasseing, Commeinhes et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
sérieuse
insérer les mots :
et plafonnés à dix-huit mois de salaire brut
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Il incombe à la représentation nationale d’être plus précise sur ce point important et de fixer un plafond de dommages et intérêts, sauf à donner au Gouvernement et aux partenaires sociaux un chèque en blanc. Il est en l’occurrence proposé d’inscrire un plafond de dix-huit mois de salaire dans la loi.
M. le président. L'amendement n° 228, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
entachés par
insérer les mots :
une faute de l’employeur d’une exceptionnelle gravité, notamment par
La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement souhaite préciser le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, et proposé par le Gouvernement. Je l’ai dit, certains cas nous semblent devoir être placés hors plafond, hors barème. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit non pas simplement de questions liées à l’emploi, mais de cas d’une exceptionnelle gravité qui touchent à l’intégrité de la personne ou au respect de droits fondamentaux.
En première lecture, l’Assemblée nationale avait mentionné expressément les situations de discrimination et de harcèlement. À la réflexion, limiter l’exclusion du référentiel à ces deux seuls cas nous semble un peu trop restrictif. D’autres situations correspondent aussi à des atteintes à des principes d’ordre public ou à des libertés fondamentales, sans pour autant se rattacher directement à des actes de harcèlement ou de discrimination.
Ces situations doivent également pouvoir être exclues du barème : par exemple, le licenciement d’une femme enceinte, d’un représentant du personnel, d’un lanceur d’alerte ou d’un salarié qui aurait exercé son droit de grève. Il s’agit de cas d’une « exceptionnelle gravité ».
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous propose donc d’inclure dans la rédaction du texte la formule de l’« exceptionnelle gravité », qui permet de couvrir ces situations qui conduisent à la nullité du licenciement. Ces cas sont donc hors plafonnement, en dehors du barème.
En revanche, le cas général reste celui du barème plafonné.
M. le président. L'amendement n° 168 rectifié quater, présenté par Mmes Gruny et Morhet-Richaud, MM. Mandelli, Dallier et Rapin, Mme Imbert, MM. Pellevat et Vaspart, Mme Canayer, M. Mouiller, Mme Di Folco, MM. Lefèvre et Pierre, Mme Mélot et MM. Cornu, Chasseing, Commeinhes et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 4
1° Remplacer la seconde occurrence du mot :
modifiant
par le mot :
supprimant
2° Remplacer les mots :
ainsi que
par les mots :
et en modifiant
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Existent aujourd’hui un barème facultatif devant le bureau de conciliation et un barème facultatif devant le bureau de jugement. Ces deux barèmes ne sont d’ailleurs pas pris en compte dans la pratique. Si un barème obligatoire est introduit, les barèmes facultatifs n’ont plus d’utilité. Il convient donc de simplifier le texte.
M. le président. L'amendement n° 120, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. À travers ces dispositions de l’article 3, le Gouvernement veut alléger les obligations de l’employeur en matière de motivation des licenciements et diminuer les sanctions en cas d’irrégularité de la procédure de licenciement.
La commission des affaires sociales y a ajouté la reconnaissance, pour l’employeur, d’un « droit à l’erreur » : celui-ci serait autorisé à rectifier dans la lettre de licenciement les irrégularités de procédure et de motivation mineures qui sont sans incidence sur la cause réelle et sérieuse du licenciement.
Ces mesures, qui transcrivent une demande récurrente des organisations patronales, remettraient en cause des protections fondamentales des salariés en autorisant une rectification a posteriori de la part de l’employeur.
La meilleure preuve de cette interprétation réside dans l’amendement de la commission visant à diviser par deux le délai de recours portant sur le bien-fondé d’un licenciement économique : l’objectif est de diminuer encore les possibilités dont disposent les salariés pour exercer leur droit de contester la décision de licenciement.
Le projet du Gouvernement n’était déjà pas du tout favorable aux salariés ; mais la proposition de la commission aggrave encore les choses. C’est pourquoi nous demandons la suppression des deux alinéas concernés.
M. le président. L'amendement n° 181 rectifié, présenté par Mme Meunier, M. Tourenne, Mme Lienemann, MM. Labazée et Durain, Mmes Jourda et Yonnet, MM. Mazuir, Montaugé, Assouline et Cabanel et Mme Monier, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. L’alinéa 5 de l’article 3 prévoit que soient assouplies les exigences de motivation nécessaires et suffisantes applicables aux décisions de licenciement. Ainsi, l’absence de mention de la suppression du poste dans une lettre de licenciement économique pourrait ne plus faire tomber directement la cause réelle et sérieuse.
Nous proposons donc la suppression de cet alinéa, qui est d’ailleurs contraire à la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail et aux règles de la CEDH, la Cour européenne des droits de l’homme, sur l’accès au juge et l’individualisation des peines.
M. le président. L'amendement n° 197, présenté par MM. Arnell, Bertrand, Castelli et Guérini et Mmes Jouve et Malherbe, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
contentieux
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. L’article 3 prévoit d’adapter les règles de procédure et de motivation applicables aux décisions de licenciement ainsi que les conséquences à tirer du manquement éventuel à celles-ci, en amont ou lors du recours contentieux.
Il est clair, madame la ministre, que la motivation de la lettre de licenciement est un exercice jugé parfois difficile. Pour autant, il est nécessaire que le salarié connaisse les motifs de son licenciement. C’est ce qui lui permet de préparer sa défense s’il considère que ce licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.
La commission des affaires sociales a souhaité reconnaître à l’employeur une forme de droit à l’erreur : celui-ci pourrait notamment corriger des irrégularités mineures de motivation. Certes, l’étude d’impact annexée au projet de loi indique que sur une centaine de décisions récentes, l’insuffisance de motivation de la lettre de licenciement est un motif très souvent mis en avant par les salariés dans les griefs justifiant la procédure contentieuse. Pour autant, cette insuffisance est rarement retenue par les juridictions.
Par ailleurs, d’après l’étude d’impact, il serait envisagé d’établir un modèle type de lettre de licenciement au moyen d’un formulaire CERFA qui permettrait de sécuriser l’employeur sur le plan formel, pour l’aider à énoncer avec suffisamment de précision le ou les motifs de sa décision de licenciement.
Nous proposons donc de revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.
M. le président. L'amendement n° 229, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
, en permettant notamment à l’employeur de rectifier dans la lettre de licenciement les irrégularités de motivation si elles sont sans incidence sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
par les mots :
et déterminant les conditions dans lesquelles le juge apprécie, en cas de pluralité de motifs, la réalité de la cause réelle et sérieuse du licenciement ainsi que celles dans lesquelles une irrégularité de procédure dans la conclusion du contrat à durée déterminée entraîne la requalification de celui-ci en contrat à durée indéterminée
La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement souhaite mieux encadrer la contamination entre les motifs et limiter la requalification des CDD et CDI en cas d’erreur formelle.
Les adaptations à apporter aux règles de procédure et de motivation des licenciements ont fait l’objet de nombreux échanges dans le cadre des concertations avec les partenaires sociaux. Deux pistes d’évolution se sont révélées prioritaires. La première porte sur les conditions dans lesquelles le juge apprécie, en cas de pluralité des motifs, c’est-à-dire lorsque plusieurs motifs sont invoqués, la réalité de la cause réelle et sérieuse.
Dans un arrêt du 3 février 2016, la Cour de cassation a déterminé à quelles conditions un motif pouvait à lui seul entraîner la nullité du licenciement. Il apparaît nécessaire de mieux encadrer les conditions dans lesquelles ce principe s’applique. Comment juge-t-on lorsque plusieurs motifs sont invoqués ? Faut-il examiner tous les motifs ? Ou l’un d’entre eux peut-il à lui seul suffire ? En nous appuyant sur la jurisprudence et sur cet arrêt de la Cour de cassation, nous souhaitons clarifier ce point.
La seconde piste de sécurisation – je précise que par sécurisation, il faut entendre clarté de la règle de droit – concerne les modalités de requalification du CDD en CDI lorsque des irrégularités dans la conclusion du CDD n’emportent pas de conséquence sur le fond. Le cas visé est typiquement celui d’un certain nombre de petites entreprises qui ont mal formulé les termes d’un CDD sans que le juge considère qu’un problème se pose sur le fond : il s’agit d’une erreur formelle.
En effet, certaines irrégularités de procédure en matière de conclusion des contrats à durée déterminée, comme une signature plus de 48 heures après l’embauche, représentent un motif de condamnation. Ce genre d’erreur est en général commis de bonne foi ; mais si la signature intervient le troisième jour après l’embauche, la requalification en contrat à durée indéterminée est automatique.
Si de telles règles permettent évidemment d’éviter les abus, il pourrait être nécessaire de prendre en compte les cas où ces irrégularités n’emportent pas de conséquence sur le fond et sont manifestement des irrégularités de bonne foi.
M. le président. L'amendement n° 41 rectifié, présenté par MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Ce point a déjà été évoqué : comme s’il n’était pas suffisant de plafonner le montant des indemnités pour préjudice, la commission propose d’ajouter, au titre des difficultés supplémentaires pour les salariés, la réduction de douze à six mois du délai de recours. C’est négliger que certains employés ne disposent pas forcément du cabinet ou du service juridique leur permettant, dans le temps imparti, de former le recours et surtout de l’alimenter.
Il s’agit donc d’une sanction supplémentaire – c’est vraiment la triple peine : le licenciement, le plafonnement des indemnités, et, désormais, la diminution de moitié du délai de recours !
M. Martial Bourquin. Très bien dit !
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 193 est présenté par M. Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Costes, MM. Arnell, Bertrand, Castelli et Collombat, Mme Malherbe et MM. Vall et Collin.
L'amendement n° 238 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
d) Réduisant les délais de recours en cas de rupture du contrat de travail ;
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 193.
Mme Françoise Laborde. Actuellement, comme cela a été expliqué déjà plusieurs fois, en cas de rupture du contrat de travail, plusieurs délais de recours contentieux coexistent. Comme vous l’avez rappelé à l’Assemblée nationale, madame la ministre, il est difficile d’expliquer au salarié ou à la petite entreprise que le délai de recours est d’un an pour les licenciements économiques collectifs et de deux ans pour les licenciements économiques individuels. Il nous faut rendre le droit plus lisible et plus accessible.
C’est pourquoi le projet de loi prévoit d’harmoniser les délais de recours contentieux concernant la rupture du contrat de travail, afin de clarifier le régime juridique applicable. C’est là une très bonne chose, bien que ce sujet s’avère particulièrement sensible dans le cadre des concertations menées avec les partenaires sociaux.
Si une harmonisation nous semble souhaitable, nous ne saurions, en revanche, soutenir la proposition de la commission des affaires sociales, qui suggère de réduire au moins de moitié le délai de recours en cas de licenciement économique, comme elle l’avait déjà fait lors de l’examen de la loi El Khomri, en réduisant à six mois le délai de contestation de son licenciement par le salarié.
C’est pourquoi, là encore, nous proposons de revenir à la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 238.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement souhaite en effet revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, pour deux raisons. Premièrement, il désire harmoniser les délais. Personne ne s’y retrouve : ni les salariés ni les entreprises. Trop de délais différents coexistent, ce qui complexifie les situations pour tout le monde.
En revanche, et deuxièmement, la commission s’est hâtée d’en tirer une conclusion qui, d’ailleurs, ne tient pas compte des concertations – nous essayons, en matière d’harmonisation de la durée, de trouver le bon équilibre.
Le Gouvernement ne souhaite donc pas suivre la commission sur ce point, mais préfère revenir au texte résultant des travaux de l’Assemblée nationale.
M. le président. L'amendement n° 171 rectifié ter, présenté par Mmes Gruny et Morhet-Richaud, MM. Mandelli, Dallier, Rapin, Pellevat et Vaspart, Mme Canayer, M. Mouiller, Mme Di Folco, MM. Lefèvre et Pierre, Mme Mélot et MM. Cornu, Chasseing, Commeinhes et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après le mot :
recours
insérer les mots :
concernant l’action en paiement ou en répétition du salaire prévue par l’article L. 3245-1 du code du travail et
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. La baisse des délais de prescription doit être envisagée globalement dans un souci de sécurité juridique. Il serait ainsi judicieux de prévoir un délai de prescription de deux ans, au lieu de trois, en matière de salaire.
M. le président. L'amendement n° 170 rectifié ter, présenté par Mmes Gruny et Morhet-Richaud, MM. Mandelli, Dallier et Rapin, Mme Imbert, MM. Pellevat et Vaspart, Mmes Canayer et Di Folco, MM. Lefèvre et Pierre, Mme Mélot et MM. Cornu, Chasseing, Commeinhes et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer les mots :
pour motif économique
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. La prescription a pour objet de sécuriser les relations juridiques. Cette diminution de la prescription doit être envisagée pour tous les licenciements et non uniquement pour les licenciements économiques.
M. le président. Mes chers collègues, il est presque minuit. Je vous propose que nous poursuivions nos travaux jusqu’à zéro heure trente, comme à l’accoutumée.
M. Alain Milon, rapporteur. Vous me donnez une demi-heure ? Merci, monsieur le président ! (Sourires.)
M. le président. Vingt amendements, à raison de deux minutes trente pour chacun d’entre eux, cela fait plus qu’une demi-heure ! Je vous invite à la concision, monsieur le rapporteur ! (Nouveaux sourires.)
Quel est l’avis de la commission sur ces différents amendements ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement n° 76 rectifié tend à supprimer le référentiel obligatoire pour fixer l’indemnité sans cause réelle et sérieuse.
À notre sens, ce référentiel est très attendu par les employeurs.
Cet amendement vise en outre à supprimer le droit à l’erreur des employeurs lors des procédures de licenciement et la réduction des délais de contestation des licenciements. Il a donc pour objet de revenir sur les apports de la commission des affaires sociales.
La commission émet donc un avis défavorable.
Pour ce qui concerne les amendements identiques nos 40 rectifié bis, 117, 161 et 194 rectifié, la commission des affaires sociales est opposée à la suppression du barème.
Vous le savez, mes chers collègues, ce barème est très attendu par les employeurs. Seul existe aujourd’hui un plancher de six mois, mais pas de plafond, ce qui crée de l’incertitude, aggravée par la grande disparité des pratiques des juges sur le territoire.
Le Conseil constitutionnel a accepté le principe du barème. Dans sa décision du 5 août 2015, il a en effet considéré que le principe même d’un encadrement de l’indemnité en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse n’était pas contraire à la Constitution : en cherchant à « assurer une plus grande sécurité juridique » et à « favoriser l’emploi en levant les freins à l’embauche », le législateur a « poursuivi des buts d’intérêt général ».
Je rappelle que le juge restera toujours libre d’individualiser l’indemnité en respectant le plafond fixé. Il pourra ainsi retenir, par exemple, le quart, la moitié ou les trois quarts du plafond, selon le préjudice subi.
Je rappelle aussi que les cas de harcèlement et de discrimination seront exclus du barème et que le Gouvernement nous propose un amendement, l’amendement n° 229, dont l’objet est d’élargir ces exceptions.
Je veux enfin souligner que beaucoup de nos voisins européens ont adopté un encadrement de l’indemnité, comme le rappelle l’étude de législation comparée du Sénat annexée au rapport de la commission. Ainsi, en Belgique, le plafond de l’indemnité est compris entre trois et dix-sept semaines de rémunération. Le plafond est de six mois en Suisse, de douze mois en Allemagne, où il est même de dix-huit mois si le salarié est âgé de plus de cinquante-cinq ans et bénéficie de plus de vingt ans d’ancienneté.
Avis défavorable, donc, sur les amendements identiques nos 40 rectifié bis, 117, 161 et 194 rectifié.
L’amendement n° 119 vise, selon la commission des affaires sociales, à autoriser le juge à verser à un salarié des dommages et intérêts indépendamment du barème obligatoire s’il remplit certains critères. Il revient donc à réduire la portée et l’ambition du référentiel, qui est de verser une seule et unique indemnité pour les dommages et intérêts liés à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Si l’on multiplie les indemnités parallèles, le référentiel perd de son intérêt.
J’ajoute que le référentiel devrait au moins comporter un critère, celui de l’ancienneté du salarié. Mais le Gouvernement pourra en rajouter d’autres dans l’ordonnance s’il le souhaite.
Enfin, les critères mentionnés dans l’amendement seront, bien entendu, utilisés par le juge pour individualiser l’indemnité, sans dépasser le plafond fixé dans le référentiel.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur l’amendement n° 118, qui lui semble dépourvu de toute portée normative.
En revanche, l’avis est favorable sur l’amendement n° 169 rectifié ter. En effet, l’article 266 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, la loi Macron, qui instituait un référentiel obligatoire pour fixer l’indemnité en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais qui a été censuré par le Conseil constitutionnel, prévoyait un cumul avec les indemnités de licenciement. Cet amendement de clarification pourra rassurer certains de nos collègues.
J’en viens à l’amendement n° 167 rectifié ter.
Il existe actuellement un référentiel indicatif en phase de jugement : son plafond est fixé à vingt et un mois et demi pour un salarié ayant plus de quarante-trois ans d’ancienneté. Un référentiel indicatif en phase de conciliation établit, quant à lui, un plafond de vingt-quatre mois pour les salariés ayant plus de trente ans d’ancienneté. Un référentiel impératif en phase de jugement, qui figurait à l’article 266 de la loi Macron avant sa censure par le Conseil constitutionnel, prévoyait même un plafond de vingt-sept mois pour les salariés ayant plus de dix ans d’ancienneté dans une entreprise de plus de 300 salariés. L’étude de législation comparée du Sénat, qui a été annexée au rapport de la commission, montre que des plafonnements sont fréquents en Europe.
Madame la ministre, comme vous avez annoncé votre souhait de relever les indemnités légales de licenciement, qui sont parmi les plus faibles d’Europe, on pourrait peut-être accepter de baisser un peu le plafond maximal du référentiel obligatoire. Je reconnais en tout cas que la question du montant des différentes indemnités est complexe et qu’elle nécessite une approche globale et cohérente.
La commission a émis un avis de sagesse sur cet amendement, en attendant l’avis du Gouvernement.
Par son amendement n° 228, le Gouvernement souhaite que le référentiel ne s’applique pas si le licenciement est entaché par une faute de l’employeur d’une particulière gravité. Ce faisant, il souhaite augmenter le nombre des cas dans lesquels le référentiel ne s’appliquera pas. Le texte prévoit actuellement seulement deux exceptions : la discrimination et le harcèlement. Mais l’ordonnance pourra en prévoir d’autres. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
La commission avait émis un avis défavorable sur ce qui était alors l’amendement n° 168 rectifié ter. Mais, entre-temps, celui-ci a été modifié dans le sens qu’elle demandait. L’amendement qui nous est désormais soumis, c’est-à-dire l’amendement n° 168 rectifié quater, vise à supprimer le référentiel indicatif prévu en phase de jugement, lequel deviendra inutile si le Gouvernement prend par ordonnance le référentiel obligatoire.
Par conséquent, à titre personnel – la nouvelle version n’a pas été examinée en commission, mais nos demandes de modification ont été prises en compte –, j’émets un avis favorable sur cet amendement.
En revanche, je suis défavorable à l’amendement n° 120, dont l’adoption aurait pour effet de supprimer deux apports de la commission des affaires sociales.
La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 181 rectifié.
En effet, l’article 4 de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail, l’OIT, dispose : « Un travailleur ne devra pas être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service. » L’habilitation demandée par le Gouvernement ne remettra pas en cause ce principe. Elle autorisera seulement l’employeur à rectifier des erreurs de procédure secondaires, notamment sous le contrôle du juge, à condition que l’employeur puisse effectivement s’appuyer sur une cause réelle et sérieuse de licenciement.
J’attire votre attention sur le fait que le législateur a déjà reconnu l’an dernier une forme de droit à l’erreur à l’administration en matière de plan de sauvegarde de l’emploi, mais qui est passée inaperçue. En effet, en cas d’annulation par le juge administratif d’une décision de validation ou d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi en raison d’une insuffisance de motivation, l’autorité administrative est autorisée à prendre une nouvelle décision suffisamment motivée dans un délai de quinze jours. Pourquoi ne pas étendre ce droit à l’erreur aux employeurs, bien évidemment en l’encadrant ?
L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 197, qui vise purement et simplement à supprimer les apports de la commission des affaires sociales.
L’adoption de l’amendement n° 229 aurait pour effet de supprimer l’apport de la commission à l’alinéa 4, qui visait à encadrer la concertation des partenaires sociaux, dans le prolongement des pistes évoquées dans l’étude d’impact. Mais, dans le même temps, il est proposé d’élargir l’habilitation à deux sujets importants.
Le premier concerne les motifs contaminants dans une procédure de licenciement. Le professeur Jean-Emmanuel Ray, que nous avons auditionné, a souligné que la jurisprudence de la Cour de cassation pouvait avoir de graves conséquences sur les employeurs. On appelle « motif contaminant » toute atteinte à une liberté fondamentale, comme le reproche à un salarié par écrit dans une lettre de licenciement d’avoir saisi le juge qui fait tomber toute une procédure de licenciement, même si elle repose sur une cause réelle et sérieuse par ailleurs.
Le second élargissement consiste à mieux encadrer les cas autorisant une requalification d’un CDD en CDI.
Pour toutes ces raisons, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
L’amendement n° 41 rectifié a pour objet la suppression de l’alinéa 6, relatif à la réduction des délais de recours en cas de licenciement.
Les auteurs de cet amendement rappellent avec raison la très forte hétérogénéité des délais pour contester un licenciement, de deux mois à cinq ans. Mme la ministre y a fait référence tout à l’heure.
Une harmonisation s’impose. La commission des affaires sociales a voulu rester cohérente, car nous avons voté l’an dernier la réduction à six mois du délai de contestation d’un licenciement économique. Un tel délai paraît suffisant pour un salarié pour savoir s’il veut former un recours.
Augmenter les délais de prescription n’apporte pas toujours de protection supplémentaire aux salariés. En revanche, cela aboutit systématiquement à créer de l’incertitude pour les employeurs et à nuire à l’attractivité de notre territoire.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Les auteurs des amendements identiques nos 193 et 238 souhaitent revenir sur les travaux de la commission. J’y suis défavorable. En effet, un délai de six mois est suffisant pour qu’un salarié sache s’il souhaite attaquer la cause de son licenciement économique. Je le rappelle, la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a prévu que le recours pour contester l’homologation ou la validation d’un PSE était de deux mois, ce qui n’a posé de difficulté particulière à personne.
L’amendement n° 171 rectifié ter tend à élargir le champ de l’habilitation, aujourd’hui limité aux contentieux en cas de rupture du contrat de travail. Il est donc, selon moi, contraire à l’article 38 de la Constitution. J’en sollicite par conséquent le retrait, faute de quoi l’avis de la commission serait défavorable.
Les auteurs de l’amendement n° 170 rectifié ter proposent d’aller plus loin que le texte de la commission. Si je partage l’objectif de réduction et d’harmonisation des délais de contestation, je souhaite que nous nous en tenions à la rédaction de la commission, en espérant que le Gouvernement et les partenaires sociaux trouvent un terrain d’entente pour réduire et harmoniser les délais de contestation. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je souhaite en préalable procéder à un rappel.
Au mois d’août 2015, le Conseil constitutionnel a admis le barème des dommages et intérêts, estimant que cela permettait une plus grande sécurisation juridique, contribuant à un objectif d’intérêt général en matière d’emploi. Ce principe n’est donc pas un sujet de débat juridique ; certes, il faut discuter de ses modalités d’application.
J’ai présenté la position du Gouvernement au fond. Je peux donc passer rapidement sur certains amendements et m’exprimer sur les seuls amendements portant sur des questions qui n’ont pas déjà été traitées.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 76 rectifié, sur les amendements identiques nos 40 rectifié bis, 117, 161 et 194 rectifié, ainsi que sur l’amendement n° 119 et l’amendement n° 118.
L’amendement n° 169 rectifié ter tend à insérer dans le texte une précision – l’indemnité prévue par le référentiel obligatoire est forfaitaire et n’inclut pas l’indemnité de licenciement – qui semble aller de soi. Mais cela ira peut-être encore mieux en le disant. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
En revanche, l’avis est défavorable sur l’amendement n° 167 rectifié ter, pour les raisons que j’ai indiquées précédemment : ne limitons pas aujourd’hui ce qui devra être fixé dans les ordonnances après concertation avec les partenaires sociaux.
L’amendement n° 168 rectifié quater vise à prévoir explicitement la suppression, et non la seule modification, du référentiel indicatif. C’est effectivement logique. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement de précision.
Je me suis déjà exprimée sur le sujet qu’abordent les auteurs de l’amendement n° 120 et de l’amendement n° 181 rectifié ; l’avis du Gouvernement est défavorable. Idem sur l’amendement n° 197 et sur l’amendement n° 41 rectifié.
Le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement n° 193 au bénéfice de l’amendement n° 238, dont l’objet est identique.
Ainsi que l’a souligné M. le rapporteur, l’amendement n° 171 rectifié ter est un peu « hors champ », puisque ses auteurs proposent d’étendre le périmètre de l’habilitation. Avis défavorable.
Enfin, l’avis est également défavorable sur l’amendement n° 170 rectifié ter.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 40 rectifié bis, 117, 161 et 194 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 167 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l’amendement n° 228.
M. Jean Desessard. Cet amendement part d’une bonne intention : il est proposé de mentionner, outre les cas de harcèlement et de discrimination, la « faute de l’employeur d’une exceptionnelle gravité ».
Toutefois, on pourrait laisser cela à l’arbitrage des juges prud’homaux. La définition sera de toute manière subjective. On en revient à des notions qui existent déjà : la « cause réelle et sérieuse », la « faute d’une extrême gravité »…
Bref, en partant d’une bonne intention, on risque de déboucher sur un système compliqué.
Par conséquent, je m’abstiendrai. Il me semble préférable d’en rester à ce qui existe actuellement, au lieu d’introduire un nouveau concept sujet à discussion.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Mme la ministre ne m’a pas répondu sur le plancher.
Il y a, semble-t-il, une volonté d’augmenter le plancher des indemnités légales de licenciement. Or, comme vous le savez, les organisations patronales ont rappelé qu’un certain nombre d’indemnités légales de licenciement venaient s’additionner avec le préavis congés payés supralégal, avec pour conséquence mécanique d’augmenter le plancher. Nous aimerions avoir une clarification à cet égard.
Par ailleurs, nous voterons en faveur de l’amendement n° 228.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le relèvement des indemnités légales et le plafonnement des barèmes feront l’objet d’une décision d’ensemble.
Les indemnités légales ont une base beaucoup plus large. Elles s’appliquent à tous les licenciements, alors que les barèmes de dommages et intérêts s’appliquent aux contentieux en cas de condamnation. Ce n’est donc pas la même assiette.
Notre logique est d’agir le plus en amont possible. Les indemnités légales étant assez basses, il paraît justifié de les augmenter dans des proportions raisonnables. Nous voulons aussi donner de la lisibilité au dispositif applicable aux dommages.
La décision d’ensemble sera prise d’ici à la fin du mois d’août ; elle tiendra compte des dernières concertations.
M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.
Mme Annie Guillemot. Mme la ministre a parlé d’équité. Pourtant, alors que l’on évoque le plafonnement des indemnités prud’homales, personne ne parle de plafonner les retraites chapeau ou les parachutes dorés !
M. Martial Bourquin. Eh oui !
Mme Annie Guillemot. Je me suis reportée aux définitions : « parachute doré », c’est le nom donné à une prime versée lors du débat forcé d’un dirigeant, notamment lors de son limogeage.
Madame la ministre, vous parlez d’équité, de droit, de simplification des règles… Mais c’est comme pour les aides personnalisées au logement, ou APL, et l’impôt de solidarité sur la fortune, ou ISF : ce sont toujours les salariés qui trinquent !
Il n’est tout même pas normal qu’un gouvernement propose le plafonnement des indemnités prud’homales sans revenir sur les parachutes dorés. Dois-je faire référence aux 40 millions d’euros empochés par un dirigeant ? Ou alors préférez-vous que j’évoque l’indemnité de 1,7 million d’euros et la retraite chapeau de 600 000 euros par an que l’ex-PDG de Dexia a cumulée pendant deux ans avec sa rémunération ? Tout cela, vous n’en parlez jamais ! C’est sans doute votre conception de l’« équité »… (Mme Nicole Bricq proteste.)
Madame Bricq, vous nous avez appelés à essayer d’« objectiviser ». Précisément : essayons d’objectiviser un peu ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. le président. Madame Laborde, l’amendement n° 193 est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Non, monsieur le président : puisque cela semble faire plaisir à Mme la ministre, j’accepte volontiers de retirer mon amendement au profit du sien,… qui est strictement identique ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 193 est retiré.
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote sur l’amendement n° 238.
M. Jean-Louis Tourenne. Je voterai cet amendement. Je ne suis pas nécessairement pour la réduction des délais de recours, mais cela me paraît tout de même moins sévère que le dispositif envisagé par la commission.
M. Alain Milon, rapporteur. Pas forcément ! (Sourires.)
M. Jean-Louis Tourenne. En tout cas, cela laisse la porte ouverte à une attitude un peu plus compréhensive. Je préfère donc opter pour le moindre mal.
M. Yves Daudigny. C’est raisonnable !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 238.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. Madame Morhet-Richaud, l’amendement n° 171 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Patricia Morhet-Richaud. Non, je le retire, ainsi que l’amendement n° 170 rectifié ter.
M. le président. L'amendement n° 171 rectifié ter et l’amendement n° 170 rectifié ter sont retirés.
Mes chers collègues, nous avons examiné 70 amendements au cours de la journée ; il en reste 86.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 27 juillet 2017, à neuf heures trente, quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (n° 637, 2016-2017) ;
Rapport de M. Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 663, 2016-2017) ;
Texte de la commission (n° 664, 2016-2017) ;
Avis de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n° 642, 2016-2017).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 27 juillet 2017, à zéro heure vingt-cinq.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD