Article 7 (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2016
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je voudrais saluer le travail de fond effectué par la commission des finances et par la commission des affaires sociales du Sénat. Tant le tome I que le tome II du rapport sont particulièrement pédagogiques. Après lecture des différentes contributions qui concernent les différentes missions, et après notre collègue Alain Milon, je tiens également à souligner la complexité de ces sujets.

Quant aux différents articles du projet de loi, le même principe s’applique au budget de l’État et à celui de nos collectivités territoriales ; il y a été beaucoup fait référence. Il s’agit d’une loi de règlement, analogue aux comptes administratifs et aux comptes de gestion de nos collectivités territoriales.

Les dépenses sont ce qu’elles sont – les chiffres ont été rappelés : le déficit public pour l’exercice 2016 s’élève à 75 milliards d’euros. Beaucoup de nos collègues se sont exprimés sur ce sujet. Nous savons que des efforts sont nécessaires pour maîtriser les dépenses ; gouvernement après gouvernement, cette nécessité est souvent rappelée.

Quant aux recettes, elles sont aussi ce qu’elles sont. Il a souvent été question d’insincérité, mais, en la matière, je me rallierai, naturellement, à l’avis de notre commission des finances. J’en profite pour saluer de nouveau le travail de fond effectué, au sein des commissions, par l’ensemble des collaboratrices et collaborateurs.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2016.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 125 :

Nombre de votants 333
Nombre de suffrages exprimés 187
Pour l’adoption 127
Contre 60

Le Sénat a adopté définitivement.

MM. François Marc et Richard Yung. Bravo !

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2016
 

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Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'avenant modifiant la convention du 14 janvier 1971 entre la France et le Portugal tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu
Discussion générale (suite)

Convention fiscale avec le Portugal

Adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'avenant modifiant la convention du 14 janvier 1971 entre la France et le Portugal tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu
Article unique (début)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification de l’avenant modifiant la convention du 14 janvier 1971 entre la France et le Portugal tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu projet de lutte contre l’érosion des bases fiscales et les transferts de bénéfices (projet n° 491, texte de la commission n° 623, rapport n° 622).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, l’avenant signé le 25 août 2016 avec le Portugal cible deux catégories de dispositions prioritaires pour les autorités françaises.

Il s’agit en premier lieu de résoudre les difficultés de nos compatriotes exerçant des activités de service public au Portugal, et notamment des enseignants de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, qui participent au lien culturel entre nos deux pays.

Il s’agit en second lieu de renforcer notre coopération administrative, de manière très opérationnelle, dans le but de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.

La France et le Portugal sont liés, en matière d’impôts sur le revenu, par une convention fiscale de 1971. Or, dans le cas des rémunérations et des pensions publiques, celle-ci prévoit un droit d’imposer partagé entre l’État de résidence et celui d’origine du revenu, à charge pour le premier d’éliminer la double imposition.

Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que les diplomates obéissent quant à eux à un régime différent, qui leur est propre, celui de la convention de Vienne de 1961.

Dès lors que le Portugal a commencé à exercer son droit d’imposer les rémunérations et pensions publiques versées par la France à compter des revenus de 2009, le système complexe prévu par la convention fiscale actuelle a donné lieu à de nombreuses difficultés. Nos agents publics, et notamment les enseignants des lycées français, qui avaient généralement déclaré leurs rémunérations et payé leurs impôts en France, ont immédiatement exprimé une forte incompréhension face aux contrôles entrepris à leur égard par l’administration portugaise, même si ces derniers étaient conformes à la convention fiscale.

Le ministère des finances français a donc engagé sans tarder des démarches auprès des autorités portugaises pour remédier à cette situation.

La France et le Portugal étant membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques, les travaux se sont appuyés sur le modèle de convention fiscale publié par celle-ci.

L’OCDE prévoit que les rémunérations et pensions publiques sont imposables exclusivement dans l’État d’origine du revenu, ou bien dans celui de résidence si le contribuable en a la nationalité. Ce principe d’imposition exclusive par un État est une simplification essentielle par rapport à l’état actuel de la convention franco-portugaise.

Ainsi, de manière concrète, aux termes du dispositif qui vous est soumis, nos compatriotes résidents au Portugal percevant des rémunérations publiques d’origine française seraient désormais exclusivement imposables en France.

En outre, dans le but de tenir compte notamment de la situation des établissements d’enseignement, le gouvernement portugais a accepté d’aller plus loin que ne le prévoyait le modèle de l’OCDE et de répondre favorablement à notre demande d’étendre ce régime aux binationaux franco-portugais, et je tiens ici à en remercier le Portugal et ses autorités.

Pour les pensions publiques, le même principe s’appliquerait, à savoir l’imposition exclusive dans l’État d’origine. Toutefois, dans ce cas, il n’a pas été possible de déroger au modèle de l’OCDE. En conséquence, les personnes percevant des retraites publiques d’origine française seraient imposables exclusivement en France, sauf si elles ont la nationalité portugaise, qu’elles soient binationales ou non, auquel cas seul le Portugal pourrait alors les imposer.

Enfin, de manière à régler des situations actuellement pendantes auxquelles sont confrontés nos agents publics au Portugal, ces dispositions s’appliqueraient de manière rétroactive aux rémunérations et pensions versées à compter du 1er janvier 2013.

Là encore, les autorités portugaises ont été sensibles aux liens d’amitié et culturels existant entre nos deux pays ; nous les en remercions à nouveau.

L’avenant qui vous est soumis comporte un autre volet, également très important, qui concerne l’effectivité de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

En effet, il actualise le dispositif bilatéral d’échange de renseignements de la convention fiscale et y ajoute un mécanisme d’assistance au recouvrement, en se conformant dans les deux cas aux normes les plus récentes de l’OCDE. Rappelons que, conformément à la directive européenne de 2014, la France et le Portugal doivent par ailleurs échanger automatiquement leurs informations relatives aux comptes financiers d’ici au 30 septembre 2017.

Enfin, l’avenant introduit dans la convention fiscale une clause anti-abus destinée à éviter les montages d’optimisation visant à bénéficier indûment des avantages conventionnels. Cette clause s’inscrit dans la ligne du projet de lutte contre l’érosion de la base fiscale et les transferts de bénéfices, le fameux projet BEPS, Base Erosion and Profit Shifting, de l’OCDE et du G20, et anticipe en particulier, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, l’application de l’accord multilatéral signé dans ce cadre le 7 juin 2017 à Paris par plus de soixante pays.

Pour ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, l’entrée en vigueur de l’avenant à la convention fiscale entre la France et le Portugal est très attendue. Le Portugal a achevé sa procédure de ratification le 3 avril 2017 ; l’application de l’avenant interviendra dès que la France aura fait de même. Je vous invite donc à approuver sa ratification ; ce texte est en effet porteur de progrès fiscal et facilitera la vie de nos agents et retraités publics au Portugal. (MM. Marc Laménie et Richard Yung applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre – ministre d’un gouvernement d’union nationale, comme le dirait notre ami Serge Dassault, et, cette appellation ayant eu l’air de vous plaire,…

M. Gérald Darmanin, ministre. C’est exact !

M. Éric Doligé, rapporteur. … je la reprends –, mes chers collègues, nous examinons le projet de loi autorisant la ratification de l’avenant du 25 août 2016 à la convention fiscale franco-portugaise, qui date donc du 14 janvier 1971.

En décembre dernier, à l’Assemblée nationale, le Gouvernement avait déposé, cela mérite d’être signalé, un amendement tendant à autoriser la ratification de cet accord par un simple article au sein du projet de loi de finances rectificative. Le Sénat s’y était opposé, estimant que la ratification d’une convention fiscale n’avait pas sa place dans une loi de finances. Le Conseil constitutionnel avait ensuite confirmé notre position, en censurant l’article en question.

Je me permets d’insister sur cet épisode, car il me semble que nous avons ainsi évité de créer un précédent fâcheux, que les gouvernements successifs auraient sans doute eu la tentation de répéter. Monsieur le ministre, cet exemple vous montrerait, si besoin était, que nous sommes attentifs et doués d’une certaine expertise, même si ces qualités ne semblent plus nécessaires pour un parlementaire.

J’en viens maintenant au fond du présent accord. Sans entrer dans les détails, il s’agit de poursuivre un double objectif.

Premièrement, cet accord vise à mettre en conformité avec le modèle de l’OCDE les règles applicables à l’imposition des rémunérations et pensions publiques, en prévoyant une imposition exclusive à la source. La convention franco-portugaise de 1971, actuellement en vigueur, est dérogatoire sur ce point, en ce qu’elle autorise aussi une imposition par l’État de résidence du bénéficiaire.

Cette particularité, longtemps sans effet, est devenue problématique en 2013, lorsque le Portugal, alors en pleine crise économique, a engagé une série de contrôles fiscaux à l’encontre d’agents et de retraités de la fonction publique française résidant au Portugal – étaient en réalité concernés les personnels des lycées français de Lisbonne et de Porto. Ceux-ci se sont alors retrouvés dans une situation difficile, l’impôt sur le revenu étant sensiblement plus élevé au Portugal et les redressements portant sur plusieurs années.

À la suite de l’intervention de la France, le Portugal a accepté de renégocier la convention fiscale et de la mettre en conformité avec les principes de l’OCDE.

Deuxièmement, cet avenant vise à moderniser les dispositifs de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, sur deux points que vous avez cités, monsieur le ministre : d’une part, les échanges d’informations entre la France et le Portugal, étant précisé que les deux pays appliquent déjà le standard le plus élevé en vertu d’engagements multilatéraux et européens ; d’autre part, l’introduction de deux clauses anti-abus, permettant d’écarter les cas où le bénéficiaire d’un revenu n’en est pas le « bénéficiaire effectif » ou lorsqu’il apparaît que l’opération a un objectif « principalement fiscal ».

Tous ces éléments constituent des modifications bienvenues de la convention franco-portugaise de 1971, et justifient la ratification de l’avenant.

Je souhaiterais toutefois prendre le temps d’adresser au Gouvernement une série de questions qui ne portent pas tant sur l’avenant lui-même que sur le contexte dans lequel il s’inscrit.

S’agissant du premier sujet, l’avenant prévoit que les nouvelles règles relatives aux rémunérations et pensions publiques auront une portée rétroactive, à compter de 2013, afin qu’elles puissent s’appliquer aux contrôles engagés par le Portugal.

C’est une disposition bienvenue. Il se trouve cependant que, dans le cas des binationaux, l’effet de cette rétroactivité n’est pas le même selon qu’ils sont actifs – ils seront alors imposés à la source par la France – ou retraités – ils seront imposés à la résidence, c’est-à-dire par le Portugal, ce qui est a priori moins favorable.

Les règles applicables aux retraités sont conformes au modèle de l’OCDE et ne sont pas contestables sur le fond. Cela étant dit, s’agissant des dossiers en cours, elles placent les quelques rares personnes concernées dans une situation difficile, alors même que les enjeux pour les deux États sont modestes et que chacun semble vouloir faire preuve de bonne volonté.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer s’il est envisageable que le Portugal accepte de clore définitivement ces quelques affaires par une mesure de clémence fiscale, quitte à ce que celle-ci porte sur les seules majorations et pénalités ?

Naturellement, une telle décision relève de la compétence exclusive du Portugal, mais pourriez-vous nous dire si la France a engagé des démarches en ce sens ?

S’agissant du second sujet, celui de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, vous savez, mes chers collègues, qu’une forme d’incertitude plane aujourd’hui sur l’ensemble des conventions fiscales signées par la France. Le 7 juin dernier, les représentants de quelque soixante-seize pays ont signé la convention multilatérale de l’OCDE pour la mise en œuvre des mesures du plan BEPS de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et les transferts de bénéfices. Cet instrument, très ambitieux, va modifier, en une seule fois, les dispositions anti-abus de quelque 1 105 conventions bilatérales dans le monde, dont la convention franco-portugaise.

Or, en l’absence de version consolidée de la convention, il nous est impossible de mesurer précisément la nature et l’ampleur de ces modifications. Nous avons, par exemple, identifié l’une d’entre elles, relative à la notion très importante d’« établissement stable ». Si la France a accepté sans réserve les modifications contenues dans l’instrument multilatéral de l’OCDE, tel n’est pas le cas du Portugal. Par conséquent, cette clause ne s’appliquera pas intégralement, même si cela n’apparaît explicitement nulle part.

Des divergences de ce type, très techniques, sont susceptibles d’apparaître sur d’autres points et dans le cadre d’autres accords.

Monsieur le ministre, pouvez-vous vous engager à ce qu’à l’avenir, dans le cadre de l’examen des conventions fiscales, le Parlement dispose d’une information claire, lisible et exhaustive sur ce que change l’instrument multilatéral, pour chaque stipulation, et dans chaque accord ?

Cela nous semble indispensable à une autorisation éclairée du législateur.

S’agissant ensuite de l’échange d’informations fiscales, la principale source d’information du législateur est le « jaune » annexé au projet de loi de finances pour chaque année, qui permet de juger de la bonne ou de la mauvaise coopération d’un État avec la France. Or ce document n’a été publié ni pour l’année 2015, ni pour l’année 2016, ni, à ce jour, pour l’année 2017, en dépit des engagements répétés du gouvernement précédent, et alors même que tout est en train de changer avec le passage à l’échange automatique.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si ce document sera publié pour l’année 2017 et, si oui, à quelle date ?

À l’avenir, si le Gouvernement estime que ce document n’est plus le support le plus pertinent, quelles sont les alternatives envisageables pour améliorer l’information du Parlement ?

Pour finir, je souhaiterais évoquer un autre sujet lié à la fiscalité qui concerne la France et le Portugal, bien qu’il ne figure pas dans le présent avenant : il s’agit du statut des résidents non habituels, dits RNH.

Mes chers collègues, vous avez sans doute entendu parler de ce statut fiscal avantageux, auquel nombre de reportages, à la télévision ou dans les hebdomadaires, ont été consacrés.

Il permet aux particuliers qui résident au Portugal plus de 183 jours par an, notamment aux retraités, de bénéficier, pendant une période de dix ans, d’une exonération totale d’impôt sur le revenu sur leurs revenus de source étrangère.

En principe, bien sûr, un tel régime relève de la souveraineté fiscale du Portugal, qui, en tant qu’État de résidence, peut choisir d’exercer ou non son droit d’imposer. Il existe depuis longtemps un consensus international sur le sujet. Mais, par deux décisions de 2015, le Conseil d’État a jugé que, pour se voir reconnaître la qualité de résident fiscal d’un État, il ne fallait pas seulement être imposable dans cet État, mais y être effectivement imposé.

Ces décisions ne portaient pas sur le Portugal, mais pourraient trouver à s’y appliquer, ainsi d’ailleurs qu’à d’autres pays qui offrent des avantages similaires aux retraités étrangers, comme le Maroc. Si tel était le cas, les Français ne pourraient de facto plus bénéficier du statut de résident non habituel au Portugal.

À vrai dire, ce sujet est très complexe et devrait être apprécié au cas par cas, tant les situations sont diverses. Faudrait-il aller jusqu’à refuser les exonérations accordées par certains États en vertu de critères tels que la taille de la famille ou la modestie des revenus ? Une entreprise exonérée en échange de la construction d’une route dans une zone géographique isolée doit-elle être traitée comme un géant du numérique exonéré contre l’achat d’une boîte aux lettres ? La France accepterait-elle qu’un autre État remette en cause son choix d’exonérer les organisateurs des jeux Olympiques de 2024 ?…

Bref, une clarification de la doctrine semble nécessaire.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous donner ici quelques précisions sur la manière dont l’administration fiscale entend faire application de ces décisions du Conseil d’État ?

Dans quels cas celle-ci estime-t-elle légitime qu’un résident d’un autre État puisse être exonéré sur ses revenus de source française, sans pour autant que cela entraîne un redressement équivalent en France ?

Qu’en est-il, en particulier, du cas du Portugal ? Sait-on combien de personnes sont concernées et s’il s’agit surtout d’actifs ou de retraités ?

À titre personnel, il ne me semble d’ailleurs pas forcément opportun d’imposer rétroactivement ceux qui ont choisi ce statut, car ils l’ont fait de bonne foi et en toute conformité avec le droit existant. De plus, la fiscalité n’est pas nécessairement leur motivation principale, car le statut concerne de nombreux binationaux.

Reste qu’il y a bien là une forme de concurrence fiscale offensive, d’ailleurs pleinement assumée par le Portugal, qui offre aussi des golden visas aux étrangers hors Schengen, et comprise comme telle par d’autres pays, à l’instar de la Finlande, qui a négocié une nouvelle convention fiscale mettant fin à cette possibilité.

Au fond, monsieur le ministre, tout pourrait se résumer ainsi : comment le nouveau gouvernement entend-il concilier l’impératif de lutte contre la concurrence fiscale agressive, d’une part, et le respect de la souveraineté fiscale des États, d’autre part ?

Pour l’ensemble des raisons que j’ai évoquées, il me semble que l’avenant constitue un bon équilibre et qu’il est souhaitable de l’approuver.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir répondre à mes différentes questions.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la convention fiscale dont nous débattons vise à mettre à jour la pratique des relations et des modes d’imposition des revenus entre deux pays membres de l’Union européenne, à la nuance près que l’un d’entre eux, le Portugal, ne faisait pas encore partie de qui était alors la Communauté économique européenne lors de la signature de la convention d’origine.

Il n’est peut-être pas inutile de garder en mémoire, en abordant les problèmes qui nous sont aujourd’hui soumis, l’apport essentiel de la communauté portugaise dans le développement de notre pays au fil des années soixante et soixante-dix.

L’adhésion du pays à la CEE au début des années quatre-vingt marqua l’ancrage du Portugal dans le siècle.

M. le rapporteur vient de le rappeler, même si l’optimisation fiscale facilitée par le statut de résident non habituel n’a rien de commun avec d’autres « montages » et dispositifs utilisés dans certains « paradis fiscaux » plus connus que le Portugal, il n’en demeure pas moins qu’il conviendrait que les pays de l’Union européenne n’aient pas recours à ce type de mesures pour se rendre plus attractifs. Il nous faut ainsi bannir dans notre législation ce qui pourrait en tenir lieu.

Pour le reste, eu égard au million et demi de Portugais et de Franco-Portugais de toutes générations qui habitent ou ont habité notre pays, nous ne pouvons que nous associer à la ratification de l’avenant de la convention fiscale.

M. Richard Yung. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la convention fiscale avec le Portugal dont nous discutons renvoie au débat plus large sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

Nous savons que les pratiques mises en œuvre par certaines multinationales aboutissent à l’évaporation de plusieurs centaines de milliards de dollars chaque année dans le monde. Ce sont des agissements qui sapent les dépenses publiques de certains pays ou faussent la concurrence économique.

Dans le cadre de cette lutte, au mois de juin dernier, soixante-seize pays ont manifesté l’intention de signer l’instrument multilatéral de l’OCDE qui concerne quatre domaines, dont celui des conventions fiscales.

Dès lors, comme l’a souligné M. le rapporteur, quelques incertitudes demeurent quant aux conséquences de cet accord sur les conventions fiscales bilatérales.

Dans l’attente d’éventuelles réponses, nous sommes invités, via le présent projet de loi, à approuver l’avenant à l’accord bilatéral qui lie la France et le Portugal par la convention du 14 janvier 1971.

Mes collègues du RDSE et moi-même souscrivons à ce texte, qui vise à renforcer l’échange de renseignements, mais aussi à répondre aux difficultés survenues depuis 2013 pour quelques contribuables installés au Portugal.

En effet, si les conventions fiscales bilatérales établissent des règles initialement acceptées par chacune des parties contractantes, le zèle soudain de l’administration fiscale peut conduire à des situations de redressement comme celles que connaissent aujourd’hui quelques enseignants d’établissements français à Lisbonne et à Porto. Le texte apporte, me semble-t-il, une solution équilibrée, dans le respect des standards de l’OCDE.

Nous connaissons tous les relations fortes qui unissent le Portugal et la France. Nous n’ignorons pas non plus les problèmes économiques de ce pays, qui ont peut-être motivé une nouvelle interprétation de l’accord avec la France sur la double imposition, et indépendamment de cet accord, le développement offensif du régime fiscal des résidents non habituels.

Sans remettre en cause la souveraineté fiscale du Portugal, nos deux pays étant partenaires au sein de l’Union européenne et partageant à ce titre les valeurs de solidarité, tout ce qui pourrait conduire à une concurrence fiscale déloyale de part et d’autre doit être combattu.

Tel est l’esprit de ce texte. C'est la raison pour laquelle le RDSE le votera à l’unanimité.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet.

M. Michel Canevet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord rappeler que la convention fiscale date de 1971. Cela montre que nos relations fiscales avec le Portugal sont anciennes, et même antérieures à l’adhésion de ce pays à la Communauté économique européenne.

Le groupe Union Centriste se félicite que la France ait signé la convention multilatérale sous l’égide de l’OCDE. À nos yeux, la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales doit effectivement être une priorité. Il est important de pouvoir agir en ce sens.

Ainsi que M. le ministre et M. le rapporteur l’ont indiqué, si nous sommes saisis de cet avenant, c’est en raison des difficultés rencontrées par un certain nombre de nos compatriotes fonctionnaires au Portugal lorsque des dispositions de la convention initiale qui n’avaient pas été appliquées pendant des années sont entrées en application.

En effet, à l’instar de nombreux autres pays, le Portugal a dû adopter un certain nombre de mesures pour contrecarrer les effets de la crise de 2008. Il lui a notamment fallu mettre en œuvre une politique de rigueur fiscale, en appliquant des dispositions décidées antérieurement.

Nous ferions d’ailleurs bien de nous en inspirer. Grâce à de telles mesures, le déficit public portugais est passé en 2016 sous la barre des 2 % du PIB, alors que, selon l’audit de la Cour des comptes, la France est sur une tendance de 3,2 % de déficit public pour 2017. Mais je connais votre détermination pour ramener le déficit public sous la barre des 3 % du PIB, monsieur le ministre.

Je salue également les efforts que le Portugal a réalisés pour favoriser la croissance. Alors que l’on prévoyait un taux de 1,4 % cette année, les chiffres observés au premier trimestre permettent de tabler sur une croissance de 1,8 %, quand, selon les estimations, celle de la France devrait être de l’ordre de 1,6 %.

Nous devons également nous inspirer des dispositions fiscales que le Portugal a prises – M. le rapporteur les a mentionnées – pour renforcer son attractivité. Il s’agit non pas de faire échapper à l’impôt ceux qui viendraient s’installer en France, mais simplement de renforcer l’attractivité de notre pays. Le Sénat a ainsi travaillé sur l’attractivité de la place financière. Il importe de prendre des mesures en ce sens.

L’avenant a été signé au mois d’août 2016. Un accord n’allait pas forcément de soi. Comme je doute qu’il soit le seul fruit de l’enthousiasme suscité par la victoire du Portugal contre la France un but à zéro lors de l’Euro 2016, je tiens à adresser mes félicitations aux diplomates et fonctionnaires qui ont mené les négociations.

Le groupe Union Centriste votera le projet de loi autorisant la ratification de l’avenant à la convention fiscale.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me paraît sain que le Parlement débatte des conventions fiscales ; il nous est même arrivé de nous opposer à certaines.

L’accord dont nous sommes saisis est bienvenu. En ma qualité de sénateur des Français de l’étranger, je me suis rendu à plusieurs reprises au Portugal, j’ai rencontré les communautés concernées et pu constater l’émotion que cette question suscitait sur place. Certes, la fiscalité suscite toujours de l’émotion. (Sourires.) Mais, en l’occurrence, cette émotion était, pour partie au moins, de bonne foi.

En effet, si l’accord de 1971 prévoyait déjà un partage de la fiscalité directe entre la France et le Portugal, notre partenaire ne s’en était pas préoccupé. Les binationaux franco-portugais n’étaient fiscalisés qu’en France, et tout le monde vivait heureux sur les bords du Tage. (Nouveaux sourires.) Or, pour les raisons qui ont été rappelées, le Portugal s’est subitement réveillé et a fait procéder, sur de solides bases juridiques, à des redressements, suscitant beaucoup de tracasseries fiscales.

Comme l’a excellemment expliqué M. le rapporteur, l’imposition exclusive des Franco-Portugais en matière de rémunérations et de pensions publiques de source française est une dérogation au modèle de l’OCDE. Il faut féliciter les négociateurs français de l’avoir obtenue. Je pense que tout le monde s’en réjouira, la fiscalité étant un peu plus douce en France qu’au Portugal.

Toutefois, sur les pensions, le Portugal n’a pas accepté que les retraités binationaux soient traités fiscalement de la même manière que les fonctionnaires. Ces derniers seront donc fiscalisés au Portugal.

Je fais mienne la requête de M. le rapporteur pour que le Portugal fasse preuve de clémence dans l’application rétroactive des nouvelles dispositions. Évidemment, ce n’est pas facile. Il va falloir que le Gouvernement négocie et sollicite une faveur, dont nous comprenons bien qu’elle serait importante, auprès de ses interlocuteurs portugais.

M. le rapporteur a également évoqué les « fiscalités douces » mises en place par certains pays. Que le Maroc ou la République de Maurice y aient recours peut à la rigueur se discuter – et encore ! Mais il est profondément choquant qu’il existe du dumping fiscal au sein de l’Union européenne. Nous devons au contraire viser une harmonisation et une cohérence fiscales. S’il est compréhensible que le Portugal cherche à se développer économiquement, il ne faut surtout pas encourager ce genre de pratiques.

En tout état de cause, mon groupe votera le projet de loi autorisant la ratification de l’avenant.