M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l’article.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite de François Pillet, je voudrais insister sur le caractère quelque peu précurseur de ce texte. En effet, s’il aborde le problème particulier des délits de marché, il est annonciateur d’autres types de difficultés.
Je pense en premier lieu aux problèmes liés à l’apparition, puis à la multiplication des autorités administratives dites « indépendantes », en tout cas d’autorités dotées de pouvoirs de sanction.
On a voulu y voir un progrès. J’ai pour ma part la faiblesse de penser que leur développement introduit plutôt de la confusion. Nous en voyons un exemple – il n’est pas isolé – avec l’Autorité de la concurrence qui, en 2014, me semble-t-il, a quand même infligé un milliard d’euros de sanctions. Je ne porte aucune appréciation sur ces dernières, mais cela donne une idée du pouvoir de ce type d’institutions ! Nous devrons donc progressivement traiter les problèmes posés par ces hautes autorités et sans doute poursuivre la tentative de mise en ordre que nous voulions opérer.
Le deuxième problème me semble être le traitement particulier réservé aux infractions et aux délits à caractère financier, c’est-à-dire, in fine, l’institution d’une justice où l’on se juge entre soi, que l’on aurait qualifiée en d’autres temps de justice pour clercs.
Cette juxtaposition d’autorités et l’existence, dans nombre de domaines financiers, de ces juridictions ad hoc commencent vraiment à poser problème. Pour moi, il faut traiter les délits financiers comme on traite les autres délits. Ils font autant de dégâts que les autres, et se réfugier derrière la technicité n’est certainement pas ce que l’on peut faire de mieux.
Nous avons commencé par l’urgence, et cette proposition de loi permettra d’avancer, même si je n’approuve pas dans le détail toutes ses dispositions. Je prends date pour l’avenir, car je crois que nous serons de nouveau confrontés à ce type de problèmes.
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Arnell, Castelli, Collin et Fortassin, Mme Jouve et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéas 31 à 34
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Dans la rédaction proposée, le texte exempte de sanctions un certain nombre d’opérations qui, pour moi, méritent parfois d’être sanctionnées, notamment le rachat d’actions, une pratique dont on sait pertinemment qu’elle peut permettre un certain nombre de manipulations. Je ne vois donc pas pourquoi elle serait exonérée de la rigueur que l’on exige dans la conduite de toutes les autres opérations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. À son grand regret, la commission est défavorable à cet amendement, pour une raison simple : ces exemptions, loin d’être le fruit de l’imagination de la commission, sont très précisément prévues par les articles 5 et 6 du règlement européen, qui est en principe d’application directe.
Faute de prévoir ces exemptions, notre texte ne serait donc pas conforme avec la réglementation européenne.
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Notre groupe soutiendra l’amendement présenté par notre collègue Pierre-Yves Collombat. Sans diaboliser les marchés financiers « sans visage et sans nom », ce texte a pour but de renforcer les sanctions et d’imposer un cadre plus strict. Or introduire des exemptions, c’est déjà affaiblir le droit de demain.
Pour illustrer la pertinence de cet amendement, je citerai un extrait du communiqué de l’AMF du 19 mai 2015, selon lequel « les abus de marché sont très rarement sanctionnés au pénal par une peine privative de liberté. Au total, au cours des dix dernières années, aucune peine de prison ferme n’a été prononcée ». De même, lors d’un colloque en 2013, un professeur de l’université de Panthéon-Assas, M. Hervé Synvet, déclarait : « Aux États-Unis, il y a un risque réel d’aller en prison, alors qu’en France c’est totalement théorique. »
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, j’apprends quelque chose qui me ravit ! Je savais déjà que le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ne permettait pas d’interdire les paradis fiscaux – finalement, l’argent peut toujours circuler et les conditions requises pour harmoniser la fiscalité ne sont jamais réunies.
Et voilà que trafiquer le cours des marchés en rachetant ses actions, c’est absolument prévu par le règlement européen. Elle est magnifique, cette Europe ! Comment voulez-vous ensuite que l’on croie à la réalité des efforts qui seraient faits pour éviter l’évasion fiscale et moraliser les marchés ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Je veux vous rassurer, chers collègues. Les articles 5 et 6 du règlement européen concerné ne prévoient pas une exemption générale, mais des exemptions très précises, notamment en cas de notification préalable obligatoire.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er A.
(L'article 1erA est adopté.)
Article 1er
La section 1 du chapitre V du titre VI du livre IV du code monétaire et financier est complétée par un article L. 465-3-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 465-3-6. – I. – Sans préjudice de l’article 6 du code de procédure pénale, le procureur de la République financier ne peut mettre en mouvement l’action publique pour l’application des peines prévues à la présente section lorsque l’Autorité des marchés financiers a procédé à la notification des griefs pour les mêmes faits et à l’égard de la même personne en application de l’article L. 621-15 du présent code.
« L’Autorité des marchés financiers ne peut procéder à la notification des griefs à une personne à l’encontre de laquelle l’action publique a été mise en mouvement pour les mêmes faits par le procureur de la République financier pour l’application des peines prévues à la présente section.
« II. – Avant toute mise en mouvement de l’action publique pour l’application des peines prévues à la présente section, le procureur de la République financier informe de son intention l’Autorité des marchés financiers. Celle-ci dispose d’un délai de deux mois pour lui faire connaître si elle souhaite procéder à la notification des griefs à la même personne pour les mêmes faits.
« Si l’Autorité des marchés financiers ne fait pas connaître, dans le délai imparti, son intention de procéder à la notification des griefs ou si elle fait connaître qu’elle ne souhaite pas y procéder, le procureur de la République financier peut mettre en mouvement l’action publique.
« Si l’Autorité des marchés financiers fait connaître son intention de procéder à la notification des griefs, le procureur de la République financier dispose d’un délai de quinze jours pour confirmer son intention de mettre en mouvement l’action publique et saisir le procureur général près la cour d’appel de Paris. À défaut, l’Autorité des marchés financiers peut procéder à la notification des griefs.
« III (nouveau). – Avant toute notification des griefs pour des faits susceptibles de constituer un des délits mentionnés à la présente section, l’Autorité des marchés financiers informe de son intention le procureur de la République financier. Celui-ci dispose d’un délai de deux mois pour lui faire connaître s’il souhaite mettre en mouvement l’action publique pour les mêmes faits et à l’encontre de la même personne.
« Si le procureur de la République financier ne fait pas connaître, dans le délai imparti, son intention de mettre en mouvement l’action publique ou s’il fait connaître qu’il ne souhaite pas y procéder, l’Autorité des marchés financiers peut procéder à la notification des griefs.
« Si le procureur de la République financier fait connaître son intention de mettre en mouvement l’action publique, l’Autorité des marchés financiers dispose d’un délai de quinze jours pour confirmer son intention de procéder à la notification des griefs et saisir le procureur général près la cour d’appel de Paris. À défaut, le procureur de la République financier peut mettre en mouvement l’action publique.
« IV (nouveau). – Saisi en application des II ou III du présent article, le procureur général près la cour d’appel de Paris dispose d’un délai de deux mois à compter de sa saisine pour autoriser ou non le procureur de la République financier à mettre en mouvement l’action publique, après avoir mis en mesure le procureur de la République financier et l’Autorité des marchés financiers de présenter leurs observations. Si le procureur de la République financier n’est pas autorisé, dans le délai imparti, à mettre en mouvement l’action publique, l’Autorité des marchés financiers peut procéder à la notification des griefs.
« V (nouveau). – Dans le cadre des procédures prévues aux II et III, toute décision par laquelle l’Autorité des marchés financiers renonce à procéder à la notification des griefs et toute décision par laquelle le procureur de la République financier renonce à mettre en mouvement l’action publique est définitive et n’est pas susceptible de recours. Elle est versée au dossier de la procédure. L’absence de réponse de l’Autorité des marchés financiers et du procureur de la République financier dans les délais prévus aux mêmes II et III est définitive et n’est pas susceptible de recours.
« La décision du procureur général près la cour d’appel de Paris prévue au IV est définitive et n’est pas susceptible de recours. Elle est versée au dossier de la procédure.
« VI. – Les procédures prévues aux II à IV du présent article suspendent la prescription de l’action publique et de l’action de l’Autorité des marchés financiers pour les faits auxquels elles se rapportent.
« VII. – Par dérogation à l’article 85 du code de procédure pénale, une plainte avec constitution de partie civile pour des faits susceptibles de constituer un des délits mentionnés à la présente section n’est recevable qu’à condition que le procureur de la République financier ait la possibilité d’exercer les poursuites en application du présent article, et que la personne qui se prétend lésée justifie qu’un délai de trois mois s’est écoulé depuis qu’elle a déposé plainte devant ce magistrat contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou depuis qu’elle a adressé, selon les mêmes modalités, copie à ce magistrat de sa plainte déposée devant un service de police judiciaire. La prescription de l’action publique est suspendue, au profit de la victime, du dépôt de la plainte jusqu’à la réponse du procureur de la République financier, ou, au plus tard, une fois écoulé le délai de trois mois.
« VIII. – Par dérogation au premier alinéa de l’article 551 du code de procédure pénale, la citation visant les délits mentionnés à la présente section ne peut être délivrée qu’à la demande du procureur de la République financier à condition qu’il ait la possibilité d’exercer les poursuites en application du présent article.
« IX (nouveau). – La section 8 du chapitre Ier du titre II du livre II du code de procédure pénale est applicable aux délits mentionnés à la présente section.
« X. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions et modalités d’application du présent article. »
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La section 1 du chapitre V du titre VI du livre IV du code monétaire et financier est complétée par un article L. 465-3-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 465-3-6. – I. – Sans préjudice de l’article 6 du code de procédure pénale, l’action publique pour l’application des peines prévues à la présente section s’éteint par la notification des griefs pour les mêmes faits et à l’égard de la même personne effectuée en application du I de l’article L. 621-15 du présent code.
« II. – L’action publique pour l’application des peines prévues à la présente section ne peut être mise en mouvement par le procureur de la République financier qu’après concertation avec l’Autorité des marchés financiers, et accord de celle-ci. L’accord de l'Autorité des marchés financiers est définitif et n'est pas susceptible de recours. Il est versé au dossier de la procédure.
« III. – En l’absence d’accord, le procureur général près la cour d’appel de Paris autorise le procureur de la République financier à mettre en mouvement l’action publique, ou donne son accord à l’Autorité des marchés financiers pour procéder à la notification des griefs. Cette décision est rendue dans un délai de deux mois à compter de la saisine du procureur général près la cour d’appel de Paris par le procureur de la République financier ou par l’Autorité des marchés financiers. Elle est définitive et n’est pas susceptible de recours. Elle est versée au dossier de la procédure.
« IV. – Par dérogation à l’article 85 du code de procédure pénale, une plainte avec constitution de partie civile n’est recevable qu’à condition que le procureur de la République financier ait été autorisé à exercer les poursuites à l’issue de la procédure prévue aux II et III du présent article, et que la personne justifie qu’un délai de trois mois s’est écoulé depuis qu’elle a déposé plainte devant ce magistrat contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou depuis qu’elle a adressé, selon les mêmes modalités, copie à ce magistrat de sa plainte déposée devant un service de police judiciaire. La prescription de l’action publique est suspendue, au profit de la victime, du dépôt de la plainte jusqu’à la réponse du procureur de la République financier.
« V. – Par dérogation au premier alinéa de l’article 551 du code de procédure pénale, la citation visant les délits prévus aux articles L. 465-1 à L. 465-3-3 du présent code ne peut être délivrée qu’à la requête du ministère public.
« VI. - Les procédures prévues aux II et III du présent article suspendent la prescription de l'action publique pour les faits auxquels elles se rapportent.
« VII. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions et modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Nous sommes ici au cœur du nouveau dispositif qui a été élaboré. Je le répète, il n’y a pas de divergence de principe entre l’Assemblée nationale, le Gouvernement et le Sénat. Certaines préoccupations sont toutefois légèrement différentes, ce qui explique que le Gouvernement propose de revenir à la rédaction initiale de l’article, avant son examen par la commission du Sénat.
La nouvelle rédaction entre beaucoup plus dans le détail de la procédure que la rédaction initiale, qui s’attachait surtout à indiquer les principes de ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui « l’aiguillage » : une phase de concertation, puis, en cas de désaccord, l’arbitrage du procureur général. Elle renvoyait ensuite à un décret en Conseil d’État le soin d’en préciser les modalités et les conditions d’application.
Au-delà de ces questions d’ordre formel, cette rédaction soulève également quelques difficultés de fond, auxquelles nous devrons être attentifs dans la suite des débats. En effet, votre proposition instaure un mécanisme dit « silence vaut accord », aux termes duquel le Parquet national financier ou l’AMF, en l’absence de réponse de l’AMF ou du Parquet national financier au bout de deux mois, pourra engager des poursuites.
Le Gouvernement estime que ce mécanisme est inadapté à une procédure de concertation entre deux institutions publiques et qu’il pourrait être préjudiciable à la bonne coopération entre elles.
C’est la raison pour laquelle, sur ce point aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement préférerait que vous en reveniez à la rédaction initiale du texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. La commission souhaite évidemment en rester à son texte, qui vise à améliorer la procédure de concertation et à la rendre plus opérationnelle.
Il me semble que le principe selon lequel le silence vaut acceptation a été posé récemment par le Président de la République, même s’il y a des exceptions.
Dans la pratique, nous faisons confiance à l’AMF et au PNF, qui vont appliquer ce texte. J’ai reçu le président de l’AMF et le procureur national financier : ils nous ont donné leur accord sur cette rédaction, considérant que la procédure fonctionnerait parfaitement.
D’ailleurs, dans une contribution écrite, Mme Houlette a bien voulu préciser que « la réécriture de la proposition de loi par le Sénat et les amendements proposés sont parfaitement adaptés au mécanisme de concertation voulu par le législateur entre l’Autorité des marchés financiers et le procureur de la République financier. Tous les problèmes sont traités et réglés avec intelligibilité ».
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Il en est de même de l’AMF, M. Rameix estimant que le dispositif fonctionnait parfaitement et que la réécriture du Sénat améliorait sans doute la rédaction de l’article 1er. Il ne faut donc pas s’inquiéter.
Quoi qu’il en soit, le fait que le silence vaille acceptation conduira les acteurs à s’entendre dans le délai voulu.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. Sur ce texte, fruit d’un travail commun de la commission des finances et de la commission des lois, je veux à la fois vous alerter et vous rassurer, monsieur le ministre.
Vous évoquez le fait que l’action publique, pour l’application des peines, ne peut être mise en mouvement par le procureur de la République financier qu’après concertation avec l’Autorité des marchés financiers. Auparavant, vous envisagiez un avis conforme de sa part. À présent, vous prévoyez l’« accord de celle-ci ».
Le fait qu’une autorité administrative ou que l’administration conditionne ainsi l’engagement d’une action par le pouvoir judiciaire constituerait, me semble-t-il, une nouveauté assez révolutionnaire dans notre droit. Cela poserait, à mon sens, un problème au regard du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. On pourra certes m’opposer le cas de la Commission des infractions fiscales, ce à quoi je répondrai que cette commission ne donne pas un accord, mais un avis, que ni l’administration ni le parquet ne sont obligés de suivre.
Dans votre texte, monsieur le ministre, vous voulez également indiquer sans ambiguïté que, lorsque l’AMF a notifié des griefs à une personne, l’action publique à l’égard de celle-ci et pour les mêmes faits est éteinte. Monsieur le ministre, sur ce point, je vous rassure : je suis parfaitement d’accord, comme en témoigne l’amendement purement rédactionnel que je proposerai tout à l’heure.
Quant aux délais introduits par la commission des finances, on ne peut guère reprocher au législateur de vouloir être précis et imposer des délais dans une procédure quasi pénale. Or, en matière pénale, c’est au législateur de fixer les termes et les développements de la procédure, contrairement à la procédure civile. Certes, je veux bien l’admettre, en l’espèce, ce n’est pas nettement une procédure pénale. Mais ce n’est sûrement pas une procédure civile, et c’est la raison pour laquelle les délais introduits par la commission doivent selon moi être maintenus.
Sur le principe « silence vaut accord », M. le rapporteur vous a répondu.
Enfin, pour vous rassurer définitivement, monsieur le ministre, je vous indique que dans toutes nos consultations, nous avons reçu l’accord enthousiaste – pour une fois, je peux le dire ! – de l’Autorité des marchés financiers, du procureur national financier et du procureur général près la cour d’appel, c’est-à-dire des autorités qui appliqueront ce texte. Ce dernier leur paraît plus applicable, ou en tout cas plus techniquement maîtrisé que celui qui a été adopté par l’Assemblée nationale.
Toutefois, j’ai bien compris que vous n’étiez finalement pas opposé à ce que ce texte soit conservé, monsieur le ministre ! (Sourires.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 5 rectifié bis, présenté par MM. Collombat, Mézard, Arnell, Castelli, Collin et Fortassin, Mme Jouve et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 465-3-6. – I. – Sans préjudice de l’article 6 du code de procédure pénale, l’Autorité des marchés financiers ne peut procéder à la notification des griefs à une personne à l’encontre de laquelle l’action publique a été mise en mouvement pour les mêmes faits de la même personne en application de l’article L. 621-15 du présent code par le procureur de la République financier pour l’application des peines prévues à la présente section.
II. – Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéa 6, première phrase
Supprimer les mots :
et saisir le procureur général près la cour d’appel de Paris
IV. – Alinéa 9
1° Première phrase
a) Remplacer les mots :
dispose d’un délai de quinze jours pour confirmer son intention de
par les mots :
n’est pas habilitée à
b) Supprimer les mots :
et saisir le procureur général près la cour d’appel de Paris
2° Seconde phrase
Supprimer cette phrase.
V. – Alinéas 10 et 12
Supprimer ces alinéas.
VI. – Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
VII. – Alinéa 15
Remplacer les mots :
la possibilité
par le mot :
décidé
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Je constate le primat du judiciaire sur l’administratif, mais tout cela est bien compliqué !
Je propose tout simplement que, après les concertations nécessaires, le procureur financier décide s’il y a lieu ou non de poursuivre. Cela réglerait aussi un problème de ce texte : dans certaines conditions, il ne peut pas y avoir de parties civiles, ce qui est un peu bizarre dans un État de droit.
Avec ma solution, le procureur sera enclin à poursuivre lorsqu’il sera saisi, et nous aurons donc un système beaucoup plus simple.
Pour conclure, je le répète, il n’est pas normal que les délits financiers soient considérés comme de simples fautes techniques. Ce sont des infractions très graves, dont les conséquences le sont tout autant, mais nous ne voulons pas le voir.
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
A. – Alinéa 2, au début de cet alinéa
Supprimer les mots :
Sans préjudice de l’article 6 du code de procédure pénale,
B. – Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« VIII bis. – Sans préjudice de l’article 6 du code de procédure pénale, l’action publique pour l’application des peines prévues à la présente section s’éteint, à l’issue des procédures prévues aux II à IV du présent article, par la notification des griefs par l’Autorité des marchés financiers pour les mêmes faits et à l’égard de la même personne en application de l’article L. 621-15 du présent code.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. Il s'agit d’un amendement purement rédactionnel, dont les dispositions vont pleinement dans le sens des souhaits du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. L’économie du dispositif réside dans un aiguillage. Or, dès lors qu’il y a un aiguillage, il peut y avoir un désaccord, et il faut finalement désigner un arbitre.
Claude Raynal et moi-même avions initialement défendu une autre proposition, mais nous nous sommes ensuite ralliés à cette solution. Dans 99 % des cas, nous sommes convaincus qu’il n’y aura pas de désaccord persistant entre l’AMF et le PNF et que le dossier sera orienté soit vers l’AMF, soit vers le PNF. En cas de désaccord, nous proposons l’arbitrage de la cour d’appel.
L’amendement n° 5 rectifié bis vise à revenir sur l’économie du dispositif. Or il n'y a pas de crainte à avoir : les affaires les plus importantes, celles qui peuvent éventuellement être sanctionnées de peines d’emprisonnement ou de sanctions qui seront largement aggravées si nos amendements sont adoptés, feront sans doute l’objet de poursuites pénales.
Enfin, je le rappelle, ce dispositif a recueilli l’assentiment tant de l’AMF que du PNF – je vous ai rappelé les écrits de Mme Houlette. Ne soyons pas plus royalistes que le roi et n’allons pas au-devant de désidératas qui n’ont pas même été exprimés.
La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 5 rectifié bis. En revanche, elle est bien entendu favorable à l’amendement n° 2, qui vise à améliorer encore la rédaction du texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je ne puis que reprendre les arguments qui viennent d’être développés par le rapporteur général s’agissant de l’amendement n° 5 rectifié bis, monsieur Collombat. Nous pouvons bien entendu en approuver le principe, mais pas les modalités, qui apparaissent contradictoires et qui compliqueraient le dispositif.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Par ailleurs, je suis favorable à l’amendement n° 2, présenté par M. le rapporteur pour avis de la commission des lois.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 5 rectifié bis.
M. Pierre-Yves Collombat. Quand on voit ce qui s’est passé et ce qui continue de se passer, je vous trouve très optimistes. Croire que tout baigne et que toutes les petites et grosses malversations seront dûment sanctionnées, cela me paraît un peu fort !