M. le président. La parole est à M. Claude Raynal. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Claude Raynal. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer sur une proposition de loi adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale ayant pour objet la réforme du système de répression des abus de marché.
Comme cela a été dit par notre collègue Montgolfier, la commission des finances a constitué une mission d’information sur les pouvoirs de sanction des régulateurs financiers, dont les conclusions avaient fait l’objet d’une première proposition de loi déposée dans les mêmes termes par le rapporteur général et par moi-même.
Cet intérêt du législateur a pour origine, outre une demande forte de l’opinion publique, eu égard à la multiplication des scandales financiers et à la nécessité d’y répondre, une cause juridique. En effet, depuis plus d’un an, ces travaux parlementaires, rapports, propositions de loi, ont pour origine, cela a été dit, la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015 remettant en cause le système actuel de cumul des poursuites pénales et administratives et demandant d’y mettre fin avant le 1er septembre 2016, cette inconstitutionnalité faisant alors écho à l’absence de conventionnalité, prononcée dès 2014, du dispositif actuel au regard de la jurisprudence Grande Stevens de la Cour européenne des droits de l’homme.
Ce faisant, cette proposition de loi doit aussi permettre une régulation du secteur financier efficace, adossée à un système de sanctions proportionnées et justes, dont la crise financière et, plus encore, la crise économique, sociale et budgétaire qui en a résulté ont montré l’impérieuse nécessité.
Il est clair que l’opinion publique attend une répression plus sévère et plus juste face à la répétition des scandales financiers, qu’il s’agisse des systèmes de Ponzi échafaudés par certains opérateurs, ou encore des manipulations de cours et d’indices mis en place par certains acteurs du marché, y compris au sein de la direction des plus grands établissements. En effet, au-delà du problème juridique créé par l’application du principe ne bis in idem aux infractions financières, l’actualité récente montre, s’il en était besoin, la nécessité de légiférer.
Face aux pratiques régulièrement mises à jour, la remise à plat de l’attribution des poursuites entre le juge judiciaire et l’AMF est un prérequis nécessaire, mais insuffisant à la répression effective de ces infractions. En effet, au-delà, l’augmentation du quantum des peines, y compris des peines privatives de liberté, afin d’en renforcer le caractère dissuasif, est sans doute la meilleure réponse à apporter à cette criminalité « en col blanc ».
En la matière, on ne peut que constater la différence entre les peines prononcées par la justice américaine, fortement médiatisées, qui peuvent atteindre plusieurs milliards de dollars, et le total des peines prononcées par le juge pénal et les régulateurs en France, qui ne dépasse pas quelques dizaines de millions d’euros. Cette situation repose sur plusieurs faiblesses de notre système répressif.
La première, la plus visible, est celle, comme nous venons de le dire, des sanctions applicables, trop faibles pour être dissuasives auprès des principaux établissements financiers, en particulier bancaires, et des grands émetteurs.
Une bonne régulation des opérateurs du secteur financier implique que les autorités en charge de cette régulation puissent réagir rapidement lorsque des dérives sont constatées, qu’elles soient en mesure de tracer une ligne entre les comportements acceptables et ceux qui ne le sont pas et, pour cela, qu’elles disposent de pouvoirs répressifs propres, débouchant sur des sanctions rapides et dissuasives.
À cette fin, il convient que les pénalités financières susceptibles d’être infligées soient mieux adaptées à la taille des opérateurs.
Dans cette perspective, la présente proposition de loi prévoit, et c’était nécessaire, une hausse du plafond des sanctions pécuniaires, notamment pour les abus de marché qui sont désormais punis d’une amende de 100 millions d’euros contre seulement 1,5 million d’euros précédemment, ce montant pouvant être porté au décuple du montant de l’avantage retiré du délit ou des pertes qu’il a permis d’éviter. Les peines d’emprisonnement passent, elles, de deux à cinq ans. Il importe, en effet, que les sanctions pénales constituent une peine effective, afin de mieux répondre au principe de responsabilité qui doit s’appliquer aux acteurs du secteur financier.
La deuxième faiblesse tient au manque d’articulation entre les deux voies répressives en matière d’abus de marché, la voie administrative auprès de l’Autorité des marchés financiers, et la voie pénale auprès du Parquet national financier, créé en 2014.
Notre système actuel de double répression se caractérise, d’abord, par une coopération perfectible au stade des enquêtes, qui nuit au traitement des affaires. Il se manifeste ensuite, quelquefois, par une concurrence au stade des poursuites, où la plus rapide des deux voies – la voie administrative, le plus souvent – se prononce la première, le juge pénal n’intervenant en général que dans un second temps, au terme d’une longue procédure, comme pour compléter une sanction administrative préalable.
L’inefficacité de cette procédure est, enfin, mise en évidence par la faiblesse des pénalités financières prononcées, en raison de plafonds particulièrement bas, sans lien avec la surface financière des établissements concernés, et par l’absence de peines de prison fermes et effectives prononcées par le juge pénal.
La troisième faiblesse, qui fera l’objet de mesures spécifiques dans le projet de loi dit « Sapin II », ce dont je me félicite, tient à l’absence de mesures véritablement protectrices en faveur des « lanceurs d’alerte » qui ont signalé aux autorités de contrôle les infractions dont ils ont eu connaissance en tant que salariés d’entreprises du secteur financier. Ce sujet est majeur ; il doit impérativement être traité.
C’est au regard de ces constats que cette proposition de loi vise à changer le cadre organisant les poursuites, en passant de la compétition à la coopération entre autorités de poursuite. Ce changement de paradigme repose sur un principe simple : la transmission permanente d’informations en amont de la notification des griefs par l’AMF ou de la mise en mouvement de l’action publique par le parquet financier.
En effet, si le lancement de l’une de ces procédures interdit l’autre, c’est en amont de ces procédures que la transmission systématique d’information doit conduire à un consensus sur l’opportunité des poursuites par l’une ou l’autre entité, chacune d’elle étant en mesure, avant même l’ouverture de la procédure, de présenter des observations ou, en cas de désaccord, de bloquer sa mise en œuvre.
En cas d’échec de cette concertation entre l’AMF et le Parquet national financier, et afin de respecter le principe ne bis in idem, plusieurs pistes ont été envisagées, de la mise en place d’une instance d’appel neutre et paritaire sur le modèle du Tribunal des conflits, formule qui avait notre préférence, à une prédominance de l’autorité judiciaire.
Après avis du Conseil d’État, c’est finalement cette dernière solution qui a été retenue comme plus sûre juridiquement. En effet, il appartiendrait désormais au procureur général près la cour d’appel de Paris de trancher, par une décision définitive et insusceptible de recours, en cas de désaccord entre les autorités chargées de poursuites.
Cette proposition de loi est donc la bienvenue, avant tout parce qu’elle répond à une demande du juge constitutionnel et qu’elle évite de se retrouver sans texte applicable au 1er septembre prochain. Elle propose une méthode de travail à l’AMF et au procureur financier qui permet de répondre avec célérité et, nous le croyons, économie de moyens aux infractions constatées. Elle aligne les sanctions pénales pécuniaires sur des montants nettement plus dissuasifs pour les personnes physiques et morales concernées. Enfin, elle rend effectives les éventuelles sanctions pénales, privatives de liberté, prononcées.
Il nous reste donc, aujourd'hui, à nous prononcer sur quelques amendements qui sont, selon moi, plus de forme que de fond. En tout cas, s’il advenait que quelques difficultés subsistent à l’issue de nos travaux, je forme le vœu que la commission mixte paritaire dégage la meilleure écriture possible de la loi, évitant ainsi le recours à une deuxième lecture.
Pour toutes les raisons que je viens d’invoquer, le groupe socialiste et républicain votera cette proposition de loi à la fois nécessaire, utile et ambitieuse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la présente proposition de loi fait suite à une évolution récente de la jurisprudence constitutionnelle et européenne.
Une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel considère, en effet, que certains comportements sont susceptibles à la fois de sanctions pénales et administratives.
Ce distinguo entre la nature pénale et la nature administrative des sanctions avait, jusqu’à présent, permis de contourner la règle non bis in idem, selon laquelle une personne ne peut être poursuivie deux fois pour un même fait, en l’espèce, à la fois par la voie répressive administrative et la voie répressive judiciaire. En effet, jusqu’à maintenant, seul le cumul de procédures pénales était proscrit. Le cumul d’une procédure de sanction pénale avec une procédure de sanction administrative ne tombait donc pas, selon la décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 1989, sous le coup de la règle non bis in idem.
Toutefois, la Cour européenne des droits de l’homme a récemment fait évoluer cette jurisprudence. Les juges européens, saisis d’un abus de marché commis en Italie, ont, dans l’arrêt Grande Stevens du 4 mars 2014, pris en considération la sévérité de la sanction administrative pour l’assimiler à une sanction pénale et conclure qu’il y avait violation par l’Italie de l’article 4 de la Convention européenne des droits de l’homme consacrant la règle non bis in idem.
Ainsi, pour la Cour européenne des droits de l’homme, il importe peu que l’autorité menant les poursuites ne soit pas un tribunal répressif. Dès lors que la sanction susceptible d’être prononcée par cette autorité est assimilable, de par sa sévérité, à une sanction pénale, il est impossible de mener de front, contre une même personne et pour les mêmes faits, une procédure pénale et une procédure administrative de sanction.
Cette interprétation nouvelle émanant du juge européen a conduit le juge constitutionnel à considérer, dans deux décisions du 18 mars 2015, que le cumul de poursuites dans les voies administratives et pénales pour la même opération d’initié était contraire aux principes de nécessité des délits et des peines et de proportionnalité des peines, ainsi qu’au droit au maintien des situations légales acquises.
Selon le Conseil constitutionnel, les similitudes entre la procédure pénale et la procédure administrative en cas de répression des abus de marché étaient telles que « les sanctions du délit d’initié et du manquement d’initié ne peuvent être regardées comme de nature différente ».
Le juge constitutionnel ne s’est prononcé que sur les infractions qui peuvent être poursuivies devant le régulateur boursier et devant le juge pénal, et uniquement sur les opérations d’initié. Il cherche ainsi à éviter tout risque de « contamination » vers d’autres contentieux, notamment fiscaux.
À la suite des décisions du Conseil constitutionnel de mars 2015, une mission d’information du Sénat sur les pouvoirs de sanction des régulateurs financiers, conduite par nos excellents collègues Albéric de Montgolfier et Claude Raynal, au nom de la commission des finances, a publié ses conclusions en juin 2015. Celles-ci ont été reprises dans deux propositions de loi sénatoriales identiques, relatives à la répression des infractions financières, déposées en octobre 2015.
La commission des finances du Sénat a parallèlement commandé la réalisation d’une étude de législation comparée portant sur la prévention du cumul des sanctions administratives et des sanctions pénales en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni.
La proposition de loi de l’Assemblée nationale que nous examinons aujourd’hui fait donc écho à un travail approfondi de la commission des finances du Sénat.
Elle définit les règles de répartition et d’aiguillage de l’action publique contre les délits boursiers entre l’autorité de sanction judiciaire et l’autorité de sanction administrative. Comme l’a rappelé notre excellent collègue Albéric de Montgolfier, différentes options avaient été envisagées jusqu’à présent.
Le Parquet national financier défendait l’idée de privilégier les poursuites au pénal.
Le groupe de travail de l’Autorité des marchés financiers soutenait, quant à lui, après une concertation obligatoire d’une durée de deux mois entre le PNF et l’AMF pour favoriser l’allocation optimale des dossiers pouvant relever du juge pénal ou de l’AMF, l’idée de privilégier la voie administrative pour réprimer les atteintes au bon fonctionnement du marché et de réserver la voie pénale aux cas d’abus de marché les plus graves, c'est-à-dire ceux qui portent atteinte à l’ordre social et nécessitent, en conséquence, une peine privative de liberté.
Albéric de Montgolfier et Claude Raynal proposaient, pour leur part, un dispositif de concertation entre le PNF et l’AMF pour la répartition des affaires, qui se ferait au cas par cas, les affaires les plus graves étant réservées au pénal.
En cas d’échec persistant de cette concertation, les conflits d’attribution seraient tranchés, sur le modèle du Tribunal des conflits, par une instance extérieure, neutre et paritaire, composée à parité de magistrats du Conseil d’État et de la Cour de cassation.
La solution retenue dans la présente proposition de loi est une procédure de concertation entre le PNF et l’AMF en vue d’un avis conforme de cette dernière pour la mise en œuvre de l’action pénale par le procureur de la République financier. En cas de désaccord, un arbitrage est rendu dans les deux mois par le procureur général de la Cour d’appel de Paris.
Les procédures prévues pour manquement d’initié devant l’AMF et délit d’initié devant le juge pénal seront donc désormais exclusives l’une de l’autre. Ainsi, en cas de déclenchement des poursuites au pénal, il ne pourra y avoir de notification de griefs. Inversement, si l’AMF a déclenché une procédure, les juges devront s’abstenir.
La présente proposition de loi met également en conformité les incriminations en matière d’abus de marché avec la législation communautaire, notamment la directive européenne sur les abus de marché du 16 avril 2014.
La proposition de loi modifie ainsi les périmètres des trois délits principaux en matière d’abus de marché, qui sont désormais : l’opération d’initiés, la divulgation illicite d’information privilégiée et la manipulation de marché.
Les peines sont considérablement renforcées et, surtout, harmonisées entre les sanctions pécuniaires administrative et pénale. En effet, l’auteur d’un délit d’initié peut actuellement être puni par le juge pénal d’une peine de deux ans d’emprisonnement ou d’une dissolution pour une personne morale et d’une amende de 1,5 million d’euros maximum, alors que l’auteur d’un manquement d’initié encourt une sanction pécuniaire d’une sévérité sans comparaison de la part de la commission des sanctions de l’AMF, jusqu’à 100 millions d’euros ou dix fois le montant des profits éventuellement réalisés.
Ainsi, sur les 182 dossiers d’abus de marché traités depuis la création de l’Autorité des marchés financiers en 2004, les sanctions pécuniaires prononcées par la commission des sanctions de l’AMF se sont élevées à 117 millions d’euros contre 2,9 millions d’euros pour les sanctions pénales et aucune peine de prison ferme – seulement treize peines de prison avec sursis.
Désormais, les trois nouveaux délits seront tous punis d’une peine maximale portée à cinq ans d’emprisonnement et d’une sanction pécuniaire d’un montant égal à celui de la sanction administrative, à savoir 100 millions d’euros. Ces nouvelles incriminations seront dupliquées à l’identique sous forme de manquements administratifs. La responsabilité pénale des personnes morales n’a pas été modifiée.
La commission des finances du Sénat a, de manière unanime, adopté la présente proposition de loi, après avoir adopté quinze amendements de son rapporteur, Albéric de Montgolfier et quatre amendements du rapporteur pour avis de la commission des lois, François Pillet. Notre groupe tient à saluer la qualité de leur travail. Ils ont, en effet, utilement complété le texte de l’Assemblée nationale.
Concernant les nouvelles incriminations, la commission a précisé que le délit de fausse information porte non seulement sur les actifs, mais aussi sur la situation économique et financière des émetteurs. Concernant les sanctions pécuniaires, nous avons limité l’amende pour les personnes morales à 500 millions d’euros. Concernant les peines d’emprisonnement, nous avons instauré une peine de dix ans pour les délits commis en bande organisée.
Nous avons également autorisé des écoutes téléphoniques dans les cas de délits en bande organisée et précisé que le délai de concertation entre l’AMF et le PNF serait de deux mois et demi au maximum.
La commission a de surcroît prévu la possibilité de l’utilisation de la composition administrative par l’AMF. L’accord transactionnel est, en effet, une procédure plus rapide et efficace, mais aussi plus sévère.
Nous avons renforcé la coopération entre le PNF et l’AMF. Enfin, nous avons prévu la possibilité pour l’AMF d’être présente à l’audience si elle n’est pas partie civile, pour pouvoir éclairer le juge pénal sur des aspects techniques.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe Les Républicains votera en faveur de cette proposition de loi, telle qu’elle a été modifiée par notre commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le président, je tiens tout d'abord à dire que j’ai plaisir à participer à ce débat de grande qualité sous votre présidence. Un travail considérable a été réalisé par le Parlement, à l’Assemblée nationale, mais aussi au Sénat, qui n’a d'ailleurs pas attendu d’être saisi de cette proposition de loi.
À cet égard, je veux saluer les travaux du rapporteur général de la commission des finances et de M. Claude Raynal, qui ont œuvré dans le même sens, même si deux textes ont été déposés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le caractère à la fois élaboré et extrêmement constructif du travail qui a été le vôtre s’est traduit dans ce débat, et je tiens à en remercier vivement les uns et les autres. Avouez qu’il est rare pour le Gouvernement de savourer une juxtaposition d’approbations concernant un texte qu’il soutient, même si les motifs peuvent légèrement différer ! Comme quoi, sur des sujets d’intérêt général comme celui-là, il est possible de faire converger nos travaux et nos votes.
M. Charles Revet. Et sans recourir au 49.3 ! (Sourires.)
M. Michel Sapin, ministre. Il serait difficile d’invoquer cet article dans cette assemblée, monsieur le sénateur, comme chacun le sait !
Je ne reviendrai pas sur les enjeux, qui ont été parfaitement décrits, avec beaucoup de pertinence, par les uns et les autres. Chacun s’accorde à reconnaître la nécessité d’aller vite. La jurisprudence du Conseil constitutionnel nous oblige à agir de sorte que le dispositif soit susceptible d’être applicable à compter du 1er septembre prochain. Entre l’adoption du texte et sa mise en œuvre, un travail de préparation, éventuellement d’ordre réglementaire, est nécessaire, ce qui suppose que les délibérations soient les plus brèves possible. Je vous remercie de vous être pliés à cette urgence.
Je constate des différences entre le texte qui vous a été soumis et celui qu’a adopté votre commission, en particulier sur les articles les plus centraux. Je pense à l’article 1er organisant la juxtaposition, qui ne doit pas être une confrontation, entre le pouvoir administratif indépendant et le pouvoir judiciaire. J’exprimerai d'ailleurs très brièvement, pour ne pas retarder les débats, les désaccords éventuels du Gouvernement ou sa préférence pour le texte initial.
Quoi qu’il en soit, je ne vois rien qui puisse vous empêcher, au-delà de ces travaux plus précis et techniques, de converger avec les députés en commission mixte paritaire. J’ai senti de part et d’autre, quelles que soient les sensibilités politiques, une vraie volonté d’y parvenir, et je ne puis que vous encourager en ce sens, afin que nous puissions travailler dans les meilleures conditions ultérieurement. Je vous remercie donc encore de vos travaux préalables, de la qualité de l’ensemble de vos interventions et de la convergence de vos approbations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi réformant le système de répression des abus de marché
Article 1er A
I. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Les articles L. 465-1 à L. 465-3 sont remplacés par des articles L. 465-1 à L. 465-3-5 ainsi rédigés :
« Art. L. 465-1. – I. – A. – Est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 100 millions d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au décuple du montant de l’avantage retiré du délit, sans que l’amende puisse être inférieure à cet avantage, le fait, par le directeur général, le président, un membre du directoire, le gérant, un membre du conseil d’administration ou un membre du conseil de surveillance d’un émetteur concerné par une information privilégiée ou par une personne qui exerce une fonction équivalente, par une personne disposant d’une information privilégiée concernant un émetteur au sein duquel elle détient une participation, par une personne disposant d’une information privilégiée à l’occasion de sa profession ou de ses fonctions ou à l’occasion de sa participation à la commission d’un crime ou d’un délit, ou par toute autre personne disposant d’une information privilégiée en connaissance de cause, de faire usage de cette information privilégiée en réalisant, pour elle-même ou pour autrui, soit directement, soit indirectement, une ou plusieurs opérations ou en annulant ou en modifiant un ou plusieurs ordres passés par cette même personne avant qu’elle ne détienne l’information privilégiée, sur les instruments financiers émis par cet émetteur ou sur les instruments financiers concernés par ces informations privilégiées.
« B. – Le simple fait qu’une personne dispose d’une information privilégiée n’est pas constitutif de l’infraction prévue au A, si son comportement est légitime au sens de l’article 9 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (règlement relatif aux abus de marché) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission.
« C. – Au sens de la présente section, les mots : ‟information privilégiée” désignent les informations privilégiées au sens des 1 à 4 de l’article 7 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 précité.
« II. – La tentative de l’infraction prévue au I du présent article est punie des mêmes peines.
« Art. L. 465-2. – I. – Est puni des peines prévues au A du I de l’article L. 465-1 le fait, par l’une des personnes mentionnées au même article L. 465-1, de recommander la réalisation d’une ou plusieurs opérations sur les instruments financiers auxquels l’information privilégiée se rapporte ou d’inciter à la réalisation de telles opérations sur le fondement de cette information privilégiée.
« II. – Constitue l’infraction prévue au A du I du même article L. 465-1 le fait, par toute personne, de faire usage de la recommandation ou de l’incitation mentionnée au I du présent article en sachant qu’elle est fondée sur une information privilégiée.
« III. – Constitue l’infraction prévue au I de l’article L. 465-3 le fait, par toute personne, de communiquer la recommandation ou l’incitation mentionnée au I du présent article en sachant qu’elle est fondée sur une information privilégiée.
« IV. – La tentative de l’infraction prévue au I du présent article est punie des mêmes peines.
« Art. L. 465-3. – I. – Est puni des peines prévues au A du I de l’article L. 465-1 le fait, par une personne disposant d’une information privilégiée concernant un émetteur au sein duquel elle exerce les fonctions de directeur général, de président, de membre du directoire, de gérant, de membre du conseil d’administration, de membre du conseil de surveillance ou une fonction équivalente ou au sein duquel elle détient une information, par une personne disposant d’une information privilégiée à l’occasion de sa profession ou de ses fonctions ou à l’occasion de sa participation à la commission d’un crime ou d’un délit, ou par toute autre personne disposant d’une information privilégiée en connaissance de cause, de la communiquer à un tiers, à moins qu’elle ne prouve que cette communication intervient dans le cadre normal de sa profession ou de ses fonctions, y compris lorsqu’elle relève d’un sondage de marché effectué conformément aux 1 à 8 de l’article 11 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (règlement relatif aux abus de marché) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission.
« II. – La tentative de l’infraction prévue au I du présent article est punie des mêmes peines.
« Art. L. 465-3-1. – I. – A. – Est puni des peines prévues au A du I de l’article L. 465-1 le fait, par toute personne, de réaliser une opération, de passer un ordre ou d’adopter un comportement qui donne ou est susceptible de donner des indications trompeuses sur l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier ou qui fixe ou est susceptible de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un instrument financier.
« B. – Le A du présent I n’est pas applicable dans les cas où l’opération ou le comportement mentionné au présent I est fondé sur un motif légitime et est conforme à une pratique de marché admise, au sens du 9 du 1 de l’article 3 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (règlement relatif aux abus de marché) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission.
« II. – Est également puni des peines prévues au A du I de l’article L. 465-1 le fait, par toute personne, de réaliser une opération, de passer un ordre ou d’adopter un comportement qui affecte le cours d’un instrument financier, en ayant recours à des procédés fictifs ou à toute autre forme de tromperie ou d’artifice.
« III. – La tentative des infractions prévues aux I et II du présent article est punie des mêmes peines.
« Art. L. 465-3-2. – I. – Est puni des peines prévues au A du I de l’article L. 465-1 le fait, par toute personne, de diffuser, par tout moyen, des informations qui donnent des indications fausses ou trompeuses sur la situation ou les perspectives d’un émetteur ou sur l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier ou qui fixent ou sont susceptibles de fixer le cours d’un instrument financier à un niveau anormal ou artificiel.
« II. – La tentative de l’infraction prévue au I du présent article est punie des mêmes peines.
« Art. L. 465-3-3. – I. – Est puni des peines prévues au A du I de l’article L. 465-1 le fait, par toute personne :
« 1° De fournir ou de transmettre des données ou des informations fausses ou trompeuses utilisées pour calculer un indice de référence ou des informations de nature à fausser le cours d’un instrument financier ou d’un actif auquel est lié un tel indice ;
« 2° D’adopter tout autre comportement aboutissant à la manipulation du calcul d’un tel indice.
« Constitue un indice de référence tout taux, indice ou nombre mis à la disposition du public ou publié, qui est déterminé périodiquement ou régulièrement par application d’une formule ou sur la base de la valeur d’un ou de plusieurs actifs ou prix sous-jacents, y compris des estimations de prix, de taux d’intérêt ou d’autres valeurs réels ou estimés, ou des données d’enquêtes, et par référence auquel est déterminé le montant à verser au titre d’un instrument financier ou la valeur d’un instrument financier.
« II. – La tentative de l’infraction prévue au I du présent article est punie des mêmes peines.
« Art. L. 465-3-4. – I. – La présente section s’applique :
« 1° Aux instruments financiers négociés sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation ou pour lesquels une demande d’admission à la négociation sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation a été présentée ;
« 2° Aux instruments financiers autres que ceux mentionnés au 1° dont le cours ou la valeur dépend du cours ou de la valeur d’un instrument financier mentionné au même 1° ou dont le cours ou la valeur a un effet sur le cours ou la valeur d’un instrument financier mentionné audit 1° ;
« 3° Aux unités mentionnées à l’article L. 229-7 du code de l’environnement.
« II. – Les articles L. 465-3-1 et L. 465-3-2 du présent code s’appliquent également :
« 1° Aux contrats au comptant sur matières premières, au sens du 15 du 1 de l’article 3 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (règlement relatif aux abus de marché) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission, qui ne sont pas des produits énergétiques de gros, au sens du 4 de l’article 2 du règlement (UE) n° 1227/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’énergie, lorsque l’opération, le comportement ou la diffusion a ou est susceptible d’avoir un effet sur le cours ou la valeur d’un instrument financier mentionné au I du présent article ;
« 2° Aux instruments financiers dont le cours ou la valeur a un effet sur le cours ou la valeur d’un contrat au comptant sur matières premières, au sens du 15 du 1 de l’article 3 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 précité, lorsque l’opération, le comportement ou la diffusion a ou est susceptible d’avoir un effet sur le cours ou la valeur du contrat au comptant sur matières premières.
« III. – La présente section ne s’applique pas :
« 1° Aux opérations de rachat par les sociétés de leurs propres actions, au sens des articles L. 225-206 à L. 225-216 du code de commerce, lorsque ces opérations sont réalisées conformément aux 1 à 3 de l’article 5 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 précité ;
« 2° Aux opérations de stabilisation, au sens du d du 2 de l’article 3 du même règlement, portant sur les instruments financiers mentionnés aux a et b du même 2, lorsque ces opérations sont réalisées conformément aux 4 et 5 de l’article 5 dudit règlement ;
« 3° Aux opérations ou comportements mentionnés aux 1 à 4 de l’article 6 du même règlement.
« Art. L. 465-3-5. – I. - Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, des infractions définies aux articles L. 465-1 à L. 465-3-3 du présent code encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal, les peines prévues à l’article 131-39 du même code. Les modalités prévues à l’article 131-38 dudit code s’appliquent uniquement à l’amende exprimée en valeur absolue.
« L’interdiction mentionnée au 2° de l’article 131-39 du même code porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. » ;
« II (nouveau). – Les infractions prévues aux articles L. 465-1 à L. 465-3-3 du présent code sont punies de dix ans d’emprisonnement et de 100 millions d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au décuple du montant de l’avantage retiré du délit, lorsqu’elles sont commises en bande organisée. »
2° À la fin de la seconde phrase de l’article L. 466-1, la référence : « de l’article L. 465-1 » est remplacée par les références : « des articles L. 465-1 à L. 465-3-3 » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 621-12, les références : « , L. 465-2 et L. 465-2-1 » sont remplacées par la référence : « à L. 465-3-3 » ;
4° Au troisième alinéa de l’article L. 621-17-7, les références : « de l’article L. 465-1 et du premier alinéa de l’article L. 465-2 » sont remplacées par les références : « des articles L. 465-1 à L. 465-3-1 » ;
II. - Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa de l’article 705-1, les références : « , L. 465-2 et L. 465-2-1 » sont remplacées par la référence : « à L. 465-3-3 » ;
2° (nouveau) Après le 3 °de l’article 706-1-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Aux articles L. 465-1 à L. 465-3-3 lorsqu’ils sont commis en bande organisée. »
III (Non modifié). – Au 7° de l’article 421-1 du code pénal, la référence : « à l’article L. 465-1 » est remplacée par les références : « aux articles L. 465-1 à L. 465-3 ».
IV (Non modifié). – Le présent article entre en vigueur le 3 juillet 2016.