M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de finances rectificative.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 118 :
Nombre de votants | 326 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Pour l’adoption | 189 |
Contre | 137 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le Sénat n’a pas adopté le projet de loi de finances rectificative pour 2015 en nouvelle lecture.
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
8
Convention fiscale avec l'Allemagne
Adoption définitive en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’avenant à la convention du 21 juillet 1959 entre la République française et la République fédérale d’Allemagne en vue d’éviter les doubles impositions et d’établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, ainsi qu’en matière de contribution des patentes et de contributions foncières, modifiée par les avenants des 9 juin 1969, 28 septembre 1989 et 20 décembre 2001 (projet n° 228, texte de la commission n° 232, rapport n° 231).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’accord franco-allemand du 31 mars 2015 qui vous est soumis résulte de travaux conduits depuis plusieurs années.
Grâce aux dispositions qu’il comporte en faveur des travailleurs frontaliers et des retraités, résidents de France, percevant une pension d’Allemagne, il s’inscrit dans la relation économique étroite que nous entretenons avec ce partenaire et résoudra, une fois approuvé, les difficultés personnelles rencontrées par ces concitoyens.
Tout d’abord, et c’est la raison pour laquelle la négociation a été engagée en 2002, cet accord assure le maintien du régime des travailleurs frontaliers, au nombre de 40 000, qui resteront imposés en France, pays avec lequel ils ont les liens les plus étroits. Ainsi, l’Allemagne renonce à supprimer cette règle particulière – dans l’Union européenne, les revenus sont imposés dans le pays où ils sont perçus –, mais recevra désormais une compensation annuelle représentative d’un partage de l’impôt français.
Ensuite, des difficultés étaient apparues avec la décision de l’Allemagne d’imposer, à compter de 2005, les pensions versées à nos résidents par ses organismes de retraite, le plus souvent d’anciens frontaliers. Ces contribuables, au nombre de 70 000, sont confrontés à des obligations administratives complexes et à un niveau de fiscalité plus élevé, avec souvent des rattrapages sur plusieurs années. Les discussions, difficiles, ont été conduites pendant plusieurs années, et un accord a été trouvé le 17 juillet 2014 entre Michel Sapin et son homologue allemand. Les autorités allemandes ont accepté de renoncer à l’imposition de ces revenus en échange, une fois de plus, d’une compensation financière de leur manque à gagner fiscal.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la convention franco-allemande date de 1959. Le présent accord a aussi permis de lui apporter des améliorations au regard des besoins économiques ou des évolutions juridiques dans les deux pays.
Je prendrai trois exemples : l’imposition des sportifs, artistes et mannequins dans l’État d’exercice de leur activité ; la possibilité pour la France d’appliquer le prélèvement de 20 % sur les distributions des sociétés d’investissements immobiliers exonérées ; et, pour mettre fin à une lacune, l’alignement de l’imposition des cessions des titres de sociétés à prépondérance immobilière sur celle des immeubles.
Enfin, cet avenant, qui nous permet dès aujourd’hui de régler une série de difficultés, est une étape. En effet, la convention franco-allemande, négociée il y a plus de cinquante ans maintenant, mérite, comme de nombreuses autres, une révision d’ensemble portant à la fois sur le fond de ses dispositions et sur sa rédaction.
Par ailleurs, la France et l’Allemagne ont joué ensemble un rôle majeur dans le cadre des travaux internationaux de lutte contre l’optimisation, avec le projet BEPS qui a été lancé en 2012 par le G20 et l’OCDE, et dont les conclusions viennent d’être adoptées au sommet d’Antalya les 15 et 16 novembre dernier. Il est essentiel que nous en tirions toutes les conséquences dans nos relations bilatérales. Ce chantier de longue haleine est prévu et doit commencer au second semestre de 2016. Il s’étalera certainement sur une assez longue période.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite donc à donner votre autorisation à la ratification de cet avenant avec l’Allemagne qui représente un progrès sur le plan tant fiscal qu’économique et qui est, bien sûr, très attendu par nos concitoyens travailleurs et retraités frontaliers. Il pourra ainsi entrer en application le 1er janvier 2016.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Albéric de Montgolfier, en remplacement de M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le problème le plus sensible auquel le présent avenant à la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 apporte une solution est, sans conteste, celui des retraités résidents de France qui, depuis 2009, sont tenus de s’acquitter d’un revenu sur leurs pensions de retraite de source allemande.
La plupart des conventions fiscales ratifiées par la France prévoient une imposition des pensions versées au titre des assurances sociales légales par l’État de résidence de la personne retraitée et non par l’État source du revenu. Toutefois, en raison de son ancienneté, la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 modifiée permet une imposition des pensions versées au titre des assurances sociales légales par l’État source du revenu.
Alors que la législation allemande avait pendant longtemps exonéré les pensions versées à des non-résidents, elle a été modifiée sur ce point en 2005 pour être mise en conformité avec une décision du tribunal constitutionnel de Karlsruhe, en date du 6 mars 2002, qui imposait que les non-résidents participent à la réforme des retraites mise en œuvre par l’ancien chancelier Gerhard Schröder.
À la suite de cette évolution, les résidents français percevant des pensions allemandes ont commencé à recevoir des avis d’imposition allemands à partir de 2009, ce qui n’est pas très agréable…
Environ 70 000 retraités résidents de France et percevant des pensions de source allemande ont été touchés par cette modification législative, qui a entraîné de fait une imposition plus lourde et l’introduction de modalités de gestion complexes.
Après plusieurs années de discussions, l’Allemagne a accepté de renoncer à l’imposition à la source des pensions versées au titre des assurances sociales légales en contrepartie de la mise en place d’une compensation financière entre les deux États, se traduisant par le paiement par la France d’un solde net, qui sera calculée sur une base de 16 millions d’euros pour 2013, puis augmentera de 9,4 % par an à compter de 2014 pour atteindre 30 millions d’euros en 2020, le premier versement intervenant au titre de l’année d’entrée en application de l’avenant.
Le deuxième point essentiel du présent avenant porte sur la consolidation du statut fiscal des travailleurs frontaliers résidant en France et exerçant leur activité en Allemagne. Ces derniers sont nombreux puisque, en 2013, selon l’INSEE, leur nombre s’élevait à 41 450. Par ailleurs, on dénombrait 4 220 frontaliers dans la situation inverse.
La convention modèle de l’OCDE et la plupart des accords bilatéraux posent le principe de l’imposition des travailleurs frontaliers dans le pays où ils exercent leur activité. Toutefois, certains dispositifs concernant ces salariés y dérogent et prévoient une imposition dans le pays de résidence, afin de prendre en compte les liens entre ces contribuables et l’État où ils vivent et ainsi financer les dépenses publiques correspondantes. C’est le cas du régime frontalier franco-allemand.
Alors que l’Allemagne voulait, dans un premier temps, supprimer ce régime spécifique, qu’elle jugeait défavorable pour elle d’un point de vue budgétaire, ce dernier se voit conforté par l’article VI du présent avenant. En contrepartie, l’Allemagne a demandé à bénéficier d’une compensation financière, à l’instar de nos accords conclus avec la Suisse et la Belgique. Le taux de cette compensation a été fixé à 44 % du produit de l’impôt sur le revenu perçu par la France, cette approche semblant représentative du coût du travailleur frontalier pour chaque pays.
Sur la base d’un produit annuel de l’impôt sur le revenu des travailleurs frontaliers s’élevant à 50 millions d’euros pour la France, cette proportion de 44 % représenterait donc 22 millions d’euros. Pour cette raison, le montant du premier versement par la France, qui aura lieu l’année suivant celle de l’entrée en vigueur de l’avenant, est fixé à 22 millions d’euros.
Le troisième axe majeur du présent avenant à la convention franco-allemande de 1959 consiste à faire évoluer certains dispositifs fiscaux, notamment en matière d’imposition des plus-values réalisées lors de la vente de biens immobiliers en France par des résidents en Allemagne. Aux termes de l’actuelle convention, les plus-values afférentes à la cession des immeubles situés dans un État, mais détenus directement par une personne physique résidente de l’autre État sont imposables dans l’État où se situe l’immeuble.
En revanche, dans l’hypothèse d’une cession de titres d’une société de capitaux détenant des immeubles situés dans l’autre État, l’imposition de la plus-value a lieu dans le pays de résidence du cédant. Cette situation est particulièrement avantageuse pour les résidents en Allemagne, dans la mesure où les plus-values de cessions de titres qu’ils sont susceptibles de réaliser en France ne sont imposables en Allemagne qu’à hauteur de 5 % de leur montant.
Le présent avenant a donc pour objectif de conforter, à la demande de la France, le principe de l’imposition in situ des plus-values de cession des biens immobiliers en prévoyant, au paragraphe 4 de la nouvelle rédaction de l’article 7 de la convention, le cas de la détention indirecte de biens immobiliers via des sociétés. Cette clause figure dans le nouveau modèle de l’OCDE, ainsi que dans les autres conventions fiscales récemment signées par la France, notamment avec le Luxembourg, comme nous le verrons, plus longuement, dans quelques instants.
Je précise d’ailleurs que l’action n° 6 du projet BEPS, de l’OCDE, adopté par le G20 qui s’est tenu à Antalya le 15 novembre dernier, vise à empêcher le contournement de cette clause par l’exploitation des failles demeurant dans certaines conventions fiscales.
Une fois l’avenant entré en vigueur, les plus-values afférentes à la cession, par des résidents en Allemagne, de sociétés à prépondérance immobilière française seront donc imposables en France au taux de droit commun, en vertu des dispositions de l’article 244 bis A du code général des impôts. Sur ce point, j’ai une question à poser au secrétaire d’État : pourquoi le présent avenant ne précise-t-il pas que les sociétés en question peuvent prendre la forme d’une fiducie, alors que l’avenant à la convention avec le Luxembourg le prévoit ? Comme nous examinons de manière successive cet après-midi les projets de loi autorisant l’approbation d’avenants aux deux conventions en cause, la question se pose de manière particulièrement aiguë.
Par ailleurs, l’article 9 de la convention, relatif aux dividendes, prévoit dans sa rédaction actuelle un principe d’imposition dans l’État de résidence du bénéficiaire de dividendes tout en laissant à chacun des États contractants le droit de percevoir l’impôt sur les dividendes par voie de retenue à la source, conformément à sa législation, dans la limite de 15 % du montant brut des revenus.
L’article IV de l’avenant insère, au sein de l’article 9 de la convention, un dixième paragraphe disposant que cette limite de 15 % ne s’appliquera pas aux dividendes versés à partir de revenus ou de gains tirés de biens immobiliers par des véhicules d’investissement immobilier qui distribuent la plus grande partie de ces revenus annuellement et dont les revenus et gains tirés de ces biens immobiliers sont exonérés d’impôt, lorsque l’actionnaire ou le porteur de parts détient, directement ou indirectement, au moins 10 % du capital du véhicule d’investissement qui paie les dividendes.
Cette clause, appelée « real estate investment trust » dans les travaux internationaux, vise en particulier les sociétés d’investissements immobiliers cotées, les SIIC, et les organismes de placements collectifs immobiliers, ou OPCI, dont nous reparlerons plus longuement à propos de la convention fiscale franco-luxembourgeoise.
Ainsi, les dividendes distribués par ce type de sociétés pourront être imposés sans restriction, et la France et l’Allemagne pourront éviter que des investisseurs ne contournent la règle de l’imposition des revenus et gains immobiliers dans l’État de situation des immeubles par le recours à des véhicules exonérés d’impôt.
Enfin, pour éviter les délocalisations à des fins purement fiscales, l’article II de l’avenant insère à l’article 7 de la convention un paragraphe autorisant la France et l’Allemagne à appliquer leur dispositif interne d’exit tax.
Au bénéfice de ces différentes observations, la commission des finances – qui a émis la semaine dernière à la quasi-unanimité un avis très favorable – vous propose, mes chers collègues, d’adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons appris voilà quelques jours, à l’occasion d’un nouveau classement international, que la France n’était plus le premier partenaire commercial de l’Allemagne ; notre pays serait dépassé depuis cette année par les États-Unis… Beaucoup se sont inquiétés de ce résultat qui attesterait, sur le plan commercial, la dégradation de notre relation avec nos amis allemands.
En tant qu’élu alsacien, je ne peux bien évidemment pas partager cette crainte. En effet, un fait distingue fondamentalement la France de ses concurrents américains : elle est voisine de l’Allemagne. Elle n’est donc pas un partenaire comme un autre. Au-delà de l’histoire commune, certes tragique, de nos deux pays, des milliers de nos concitoyens vivent quotidiennement à cheval des deux côtés de la frontière. La convention fiscale de 1959 démontre l’ancienneté des liens économiques et humains existant d’une rive à l’autre du Rhin.
Le présent avenant l’actualise et nous donne ainsi les outils pour faire face aux complications récentes issues justement du renforcement toujours plus grand de nos liens avec les Allemands.
Toutefois, mes chers collègues, cette convention n’est pas qu’un symbole. Le statut de ceux qui vivent de part et d’autre de notre frontière commune est parfois complexe au regard du droit fiscal et il convenait d’y apporter des clarifications. Le présent texte permettra ainsi de simplifier le quotidien de près de 120 000 personnes : les travailleurs transfrontaliers et les retraités.
Pour ce qui concerne les travailleurs transfrontaliers, je me félicite que cet accord règle le sort spécifique de ceux qui résident en France. En effet, près de 42 000 personnes sont dans cette situation, contre à peine plus de 4 000 résidents allemands qui travaillent de notre côté de la frontière. Or la convention modèle de l’OCDE prévoit une application stricte du principe selon lequel le transfrontalier est imposé par le pays dans lequel il travaille.
Cet accord a permis de trouver un juste équilibre pour nos finances publiques, puisqu’il prévoit d’assujettir nos transfrontaliers à l’impôt français sous réserve du versement à l’Allemagne d’une compensation de 44 % du produit de cet impôt. Cette compensation est naturelle dans la mesure où elle concourt à l’entretien du service public allemand qui est utilisé tous les jours par nos concitoyens transfrontaliers.
Cette convention est également déterminante pour la situation de nombre de nos retraités. Je rappelle simplement que plus de 70 000 concitoyens perçoivent des pensions de source allemande qui sont imposées à la source en Allemagne, alors que, selon le cadre de l’OCDE, les pensions sont imposées en fonction du lieu de résidence. Cette incongruité prendra fin avec cet accord moyennant, là encore, un pacte financier passé avec l’Allemagne.
Ces deux exemples démontrent à quel point notre relation avec l’Allemagne est forte, sur un plan commercial, mais aussi et surtout humain.
Par ailleurs, les clauses de cette convention relatives à la rationalisation de l’imposition des plus-values immobilières ou encore à l’application mutuelle de l’exit tax permettront de poursuivre le renforcement de nos liens et de notre attachement à l’Allemagne.
Ce dispositif, adopté dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2011, précise que le transfert du domicile fiscal hors de France entraîne la taxation immédiate à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux des plus-values latentes sur droits sociaux, valeurs, titres ou droits. C’est ainsi un outil adapté pour lutter contre les délocalisations ou l’exil fiscal.
Cela étant, je profite de cette trop courte intervention pour formuler un regret. En 2011, le Président de la République avait engagé une réflexion sur la convergence entre notre fiscalité et le modèle allemand. Près de cinq ans plus tard, et malgré un excellent rapport de la Cour des comptes, il n’en est toujours rien. Alors que nous parlons de plus en plus de réforme fiscale en France, peut-être pourrions-nous, monsieur le secrétaire d’État, reprendre collectivement la piste de cette réflexion.
Au-delà de cette interrogation, vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe UDI-UC votera pour la ratification de la présente convention. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. Michel Delebarre. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la renégociation de la convention qui nous occupe a été longue, très longue. Je pense notamment qu’elle a dû bloquer autour de cette question de la retenue à la source opérée par le fisc allemand sur les pensions de retraite ou de réversion versées à des personnes fiscalement domiciliées en France. C’est une décision que l’Allemagne avait commencé à appliquer en 2005. Nous sommes en 2015 ; il a donc fallu dix ans pour régler le problème.
On se réjouit que Berlin et Paris aient fini par trouver un terrain d’entente. Ceux d’entre nous qui voyagent régulièrement en Allemagne sont souvent interpellés par des personnes désemparées – elles sont relativement nombreuses – qui ne comprennent pas pourquoi, jusqu’à présent, elles ne devaient pas payer ni pourquoi, maintenant, elles sont assujetties. On leur réclame des arriérés d’impôts considérables assortis de pénalités.
Plusieurs d’entre nous ont relayé ces préoccupations auprès du Gouvernement, et je tiens à saluer la forte implication des ministres concernés à l’égard de ce dossier, qui a toujours été traité au plus haut niveau depuis 2012. Grâce à ces efforts, nos amis allemands ont accepté de tempérer la rétroactivité de l’imposition à la source, en accordant aux contribuables en cause des dispenses d’intérêts de retard ainsi que des délais de paiement, ce qui a facilité les choses.
J’imagine que la négociation concernant la somme que la France devait reverser à l’Allemagne a été difficile, les Allemands étant plutôt en position de force et faisant monter, je suppose – n’ayant pas participé à la négociation –, les enchères.
Enfin, vous y êtes arrivé, monsieur le secrétaire d’État, et je crois comprendre que ce montant s’élèverait entre 20 millions et 30 millions d’euros par an (M. le secrétaire d’État opine.) ; il faut le dire.
La fin de la retenue à la source évitera aux intéressés des démarches particulièrement lourdes auprès du fisc allemand. Or ceux d’entre nous qui connaissent cette administration savent qu’y avoir affaire revient à entrer dans un labyrinthe dont on n’est pas sûr de sortir. D’ailleurs, là-bas, tout le monde, y compris les particuliers, même pour établir une petite déclaration de revenus, doit recourir à un conseiller fiscal pour pouvoir s’en sortir. Par ailleurs, les résidents fiscaux français n’auront plus à solliciter de crédit d’impôt auprès du fisc français.
Ayant moi-même travaillé en Allemagne, je voulais souligner ces quelques aspects touchant ceux de nos nationaux qui sont concernés ; je pense entre autres au personnel civil des forces françaises en Allemagne qui était très nombreux. Le groupe socialiste et républicain se félicite donc de cet accord que, bien sûr, il votera. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Michèle André, présidente de la commission des finances, applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, scellée dans le marbre par le traité de l’Élysée du 22 janvier 1963, et malgré quelques épisodes politiques un peu tumultueux, l’amitié franco-allemande n’a eu de cesse de se renforcer, portée par nos deux sociétés civiles.
À ce jour, cette étroite coopération que nous menons avec l’Allemagne depuis plus d’un demi-siècle est sans équivalent en Europe. Un nouvel élan a d’ailleurs été impulsé en 2010, avec l’adoption de l’agenda franco-allemand 2020.
La dernière démonstration de ce lien étroit entre nos deux pays a sûrement été la réaction immédiate de la chancelière Angela Merkel et de son gouvernement à la suite des attentats sanglants du 13 novembre et de l’activation par la France de la clause de défense commune, conformément à l’article 42, alinéa 7, du TFUE.
Aujourd’hui, c’est le volet fiscal de la relation franco-allemande que nous sommes amenés à examiner, avec un projet de loi autorisant l’approbation du quatrième avenant à la convention du 21 juillet 1959, dont l’objet est d’éviter les doubles impositions et d’établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière de contribution de patentes et de contributions foncières.
Comme l’a très bien rappelé notre rapporteur, Éric Doligé, par la voix de notre rapporteur général, cet accord fiscal est équilibré, en ce qu’il prend acte d’évolutions intervenues depuis le précédent avenant de 2001 et qu’il sécurise la situation fiscale de nos ressortissants.
Une des mesures les plus significatives est certainement la simplification administrative qu’il apporte à la situation fiscale des retraités percevant une pension de l’autre État, qui seront désormais imposés uniquement dans leur État de résidence. Cela concerne notamment les anciens travailleurs frontaliers résidant en France qui, à la suite d’une évolution du droit allemand, se sont vu imposer aussi en Allemagne, et de manière rétroactive, ce qui n’était pas sans créer un véritable casse-tête chinois.
Je ne reviendrai pas en détail sur les autres points de l’accord, par manque de temps, mais aussi parce que notre rapporteur général les a déjà évoqués de façon limpide et précise.
Je conclurai mon propos par quelques mots sur les perspectives de la coopération franco-allemande.
Sur les différents chantiers des politiques européennes, le moteur franco-allemand peut continuer de jouer un véritable rôle d’impulsion et d’entraînement.
Pour ne citer que l’exemple de la fiscalité numérique, je ne peux qu’exhorter l’Allemagne à soutenir la demande légitime de la France tendant à réformer la TVA, notamment sur les produits culturels en ligne.
Alors que l’Union européenne se trouve actuellement à un tournant décisif et, malheureusement, incertain, c’est bien la coopération et son pendant, la solidarité, qui sont les clés de la solution que nous recherchons tant.
Le groupe écologiste votera donc en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le dix-septième conseil des ministres franco-allemand, qui s’est tenu en mars dernier, a permis d’avancer sur plusieurs dossiers, tels que la défense, les négociations sur le climat ou les projets d’investissements franco-allemands dans le cadre du plan Juncker.
Il a abouti à la formalisation du quatrième avenant à la convention fiscale entre la France et l’Allemagne du 21 juillet 1959, soumis aujourd’hui à notre approbation.
La France a réussi à maintenir le régime fiscal des travailleurs frontaliers, longtemps contesté par l’Allemagne. Ceux-ci pourront continuer à « bénéficier » – si j’ose dire – du principe de l’imposition de leurs revenus dans l’État de résidence, au lieu de l’État d’exercice de l’activité. En contrepartie, la France devra verser une compensation annuelle à son voisin d’outre-Rhin ; le premier versement est fixé à 22 millions d’euros, mais le montant augmentera les années suivantes.
Le travailleur français coûterait cher… Monsieur le secrétaire d'État, nous aimerions avoir plus de précisions à ce sujet !
L’avenant règle également la situation des 70 000 retraités résidant en France, victimes d’un flou juridique et d’une double imposition à la suite d’un changement de la législation allemande intervenu en 2005 pour ce qui concerne les pensions de source allemande. Si l’administration française a comblé le manque à gagner qui en est résulté par l’instauration provisoire d’un crédit d’impôt, cette solution demeurait très insatisfaisante. L’affirmation du principe de l’imposition des pensions dans l’État de résidence va donc dans le bon sens.
Enfin, le présent avenant modernise la convention fiscale, notamment sur les règles relatives à l’élimination des doubles impositions, en renforçant ainsi la sécurité juridique des contribuables.
Je tiens particulièrement à saluer la possibilité, pour les deux États, d’appliquer leur législation interne en matière d’exit tax, en vue de limiter les exils fiscaux.
De même, nous nous réjouissons du renforcement des règles fiscales relatives aux sociétés à prépondérance immobilière, visant à freiner la créativité dans le domaine de l’évasion fiscale.
Si elle est complexe à mettre en œuvre, une harmonisation de la fiscalité européenne serait plus que nécessaire dans le maquis administratif que constitue, pour nos concitoyens, de plus en plus mobiles, l’empilement des conventions bilatérales.
Nos deux pays ont longtemps tissé les liens qui les unissent par leur coopération dans la région transfrontalière en matière d’apprentissage, de formation et d’emploi. Cette politique volontariste est un véritable exemple à suivre pour la construction du projet européen.
Ainsi, puisque le présent avenant préserve aussi bien les intérêts de nos concitoyens frontaliers que les ressources publiques des deux pays, le groupe du RDSE soutiendra sa ratification.