M. Didier Guillaume. C’est vrai ! Nous aurions aimé le faire !
M. Claude Raynal. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre la motion tendant à opposer la question préalable que nous examinerons dans quelques minutes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Vous seriez bien embêtés si elle n’était pas adoptée !
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, on ne peut qu’être frappé par la légèreté de la première partie de ce projet de loi de finances rectificative que je qualifierai de « petit nécessaire de circonstance », ce que l’on appelle communément un « baise-en-ville », pour finir l’année 2015, et l’obésité de la seconde, véritable hotte de Noël où s’entassent des mesures qui ne sont pas toujours des cadeaux pour les années futures.
Si l’incidence sur le solde de 2015 est donc modérée, ce dont il convient de se féliciter, monsieur le secrétaire d'État, circonvenir à ce point le sens de notre procédure budgétaire ne paraît pas, à mon sens, de bon aloi. Il reviendra au Parlement, et peut-être aussi au Gouvernement, de se saisir de cette question.
Parmi les très nombreux sujets dont vous avez rempli, par ce projet de loi de finances rectificative, nos petits souliers, j’ai bien sûr choisi de déballer prioritairement – c’est le propre des enfants ! (Sourires.) – ceux qui ont trait aux questions écologiques.
Même s’il est tardif et reste timide, je me réjouis de voir – enfin ! – s’amorcer le rattrapage, tant attendu, entre la fiscalité sur le diesel et la fiscalité sur l’essence.
De même, l’intégration de la CSPE, la contribution au service public de l’électricité, à la fiscalité renforce, ou plutôt rétablit, le rôle du Parlement et la clarté du budget.
Pour autant, on le voit bien, ces mesures relèvent d’une logique de rendement, sans que soit consenti en retour un réel effort significatif en matière de financement de la transition énergétique. Il est même à craindre – mais l’avenir nous le dira ! – que la budgétisation de la CSPE ne vise à en brider la hausse, sans que rien ne soit fait, par ailleurs, pour endiguer l’explosion désastreuse des coûts liés au nucléaire, notamment à l’EPR.
En l’état, l’augmentation de la CSPE est mécanique. Elle tient, pour une part, au dynamisme des dispositions sociales et de la péréquation tarifaire qui ne relèvent pas directement de la transition énergétique.
Pour ce qui concerne, d’autre part, le soutien aux énergies renouvelables, sa croissance est essentiellement due, ces dernières années, au photovoltaïque. Je le dis, si l’énergie solaire mérite encore d’être soutenue, la mise en place de cette source d’énergie témoigne malgré tout d’un vaste fiasco, qui date non pas de ce gouvernement, mais du précédent, et qui nous conduit aujourd’hui à conforter une filière principalement chinoise, faute d’un soutien industriel à la filière française en temps voulu.
J’en viens maintenant aux évolutions du texte qui nous est soumis.
La navette parlementaire a permis, à ce stade avancé de la procédure, de décanter les dispositions que le Gouvernement a fini par concéder et celles qu’il rejette catégoriquement.
Ainsi, l’Assemblée nationale a rétabli la trajectoire triennale du prix du carbone – c’est une très bonne chose – sans s’attirer les foudres d’une seconde délibération.
En revanche, le Gouvernement a tenu à maintenir intégralement l’avantage aberrant accordé au diesel pour ce qui concerne les flottes d’entreprise, témoignant ainsi de son refus de penser, alors que la fin du quinquennat approche, l’inévitable transformation de notre modèle économique.
De la même manière, le Gouvernement ou, plus exactement, des membres du Gouvernement qui ne participaient pas à la COP 21 se sont arc-boutés sur le plafonnement et le caractère optionnel de l’indemnité kilométrique vélo – pourquoi pas trottinette ? –, en contradiction avec les engagements et la communication de Mme la ministre chargée de l’écologie.
Là encore, le refus délibéré d’envoyer un signal d’incitation clair, pourtant peu coûteux et efficace, à la transformation de notre modèle de mobilité me désole franchement.
Enfin, l’Assemblée nationale a supprimé, en seconde délibération, la publicité des données des multinationales, pays par pays, et n’a pas davantage rétabli la régularisation de la situation fiscale de la presse en ligne qui a été l’objet dans cette enceinte d’un long débat.
Comme ce fut le cas pour le projet de loi de finances pour 2016, les écologistes considèrent que ce projet de loi de finances rectificative n’est pas tout à fait à la hauteur de l’enjeu tel qu’il a été décrit par le Président de la République en personne.
Mais contrairement au projet de loi de finances pour 2016, le texte qui revient devant le Sénat est bien moins bon que celui qui nous avait été soumis en première lecture.
Pour terminer mon propos et cette séquence budgétaire, je me permets d’exprimer une nouvelle fois mon souhait, monsieur le secrétaire d'État, de pouvoir bénéficier un jour d’une documentation consolidée de l’effort de l’État en matière d’écologie – cela me serait utile ! –, qu’il s’agisse des dépenses directes ou fiscales, budgétaires ou extrabudgétaires, avec une véritable analyse des niches prétendument écologiques et anti-écologiques.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans la foulée de l’examen du projet de loi de finances pour 2016 en nouvelle lecture, nous examinons, aussi en nouvelle lecture, le projet de loi de finances rectificative pour 2015.
Dans les deux cas, les commissions mixtes paritaires n’ont pas pu s’accorder sur l’adoption d’un texte commun, ce que nous regrettons, même si c’était prévisible. En effet, nous estimons que les parlementaires gagneraient en crédit s’ils faisaient davantage preuve de consensus, car nos concitoyens sont las des clivages partisans qui bloquent l’esprit de réforme.
Force est de reconnaître aussi le manque de temps imparti à l’examen de ce texte, qui comporte pourtant des dispositions particulièrement importantes et nombreuses cette année, et qui est à peine moins volumineux que le projet de loi de finances pour 2016, dont l’examen a, quant à lui, duré deux semaines.
Une seule longue journée a été consacrée à l’examen de ce collectif budgétaire en première lecture, avec près de 400 amendements, le marathon s’achevant par un sprint final à trois heures du matin ! (M. le secrétaire d’État opine.)
Les conditions de la discussion du collectif de fin d’année sont, comme chaque fois, des plus contraintes. Et il fait peu de doute que cette nouvelle lecture sera menée de façon tout aussi expéditive.
Comme cela a déjà été précisé, l’objet d’un tel texte est, d’abord, de procéder aux ajustements nécessaires par rapport à la loi de finances initiale. Ainsi, la Haute Assemblée a adopté conforme l’article liminaire et elle a procédé à des ajustements à la marge, en première lecture, par rapport au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Le déficit de l’État est revu à la baisse, à hauteur de 1,1 milliard d’euros, par rapport à la loi de finances initiale, ce qui est une bonne nouvelle. À cette occasion, je réitère le soutien global de mon groupe à la politique économique du Gouvernement.
Toutefois, je n’oublie pas que les améliorations observées dépendent aussi de facteurs exogènes, comme le maintien de taux d’intérêt très bas qui allègent mécaniquement le service de la dette, mais qui devront nécessairement remonter un jour.
Lors de la mini-crise qui s’est produite vendredi matin à l’occasion du vote sur la première partie, le groupe du RDSE est apparu comme un pôle de stabilité dans cet hémicycle étrangement indécis.
M. Richard Yung. C’est vrai !
M. Jean-Claude Requier. En s’engageant à approuver le texte alors que les groupes majoritaires tergiversaient et se renvoyaient la responsabilité, mon groupe a de nouveau montré son engagement en faveur de la poursuite du débat parlementaire.
Attachés aux institutions parlementaires et soucieux de défendre l’utilité et la légitimité du Sénat, nous tenons à rappeler l’enjeu que représente la poursuite de nos travaux.
Lors de cette nouvelle lecture, environ la moitié des articles examinés en première lecture ont été adoptés conformes par l’Assemblée nationale et le Sénat. L’un de nos principaux regrets porte sur l’absence d’une majorité pour revenir sur l’article 2 du projet de loi qui ponctionne de 255 millions d’euros les réserves du Fonds national de gestion des risques en agriculture. J’insiste de nouveau sur ce point, car c’est un mauvais signal envoyé à la profession, alors que les agriculteurs et les éleveurs ont été confrontés à de nouvelles calamités naturelles au cours de l’été dernier.
Je renouvelle mes interrogations quant à l’instabilité juridique que crée le collectif, car il comporte beaucoup de mesures fiscales qui, pour certaines, s’appliquent de manière rétroactive.
J’émets des réserves sur certaines des principales dispositions proposées par le Gouvernement qui ont été rétablies par l’Assemblée nationale. Ainsi, le rapprochement de la fiscalité du gazole, de l’essence et du GNL, le gaz naturel liquéfié, louable dans son principe, ne risque-t-il pas de fragiliser à court terme l’industrie automobile nationale, qui, on le sait, est historiquement orientée vers la production de véhicules à propulsion diesel ?
En revanche, je me réjouis que l’Assemblée nationale ait repris dans la nouvelle mouture du texte les amendements issus des travaux du Sénat relatifs aux mesures d’ajustement du dispositif dit de « l’ISF-PME ». Cela prouve une fois de plus que le travail sénatorial est utile et qu’il a une traduction concrète dans le texte qui sera effectivement appliqué à l’issue de cette session budgétaire.
Nous n’approuverons pas la motion tendant à opposer la question préalable. Toutefois, si celle-ci n’était pas adoptée – mais j’en doute ! –, nous déterminerions notre vote au regard de nos échanges au cours des débats. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire intervenu avant-hier, le projet de loi de finances rectificative pour 2015 nous revient de l’Assemblée nationale, où il a été amendé en nouvelle lecture.
À vrai dire, notre sentiment est quelque peu mitigé. (M. le secrétaire d’État s’étonne.)
Certaines de nos modifications assez substantielles, dont plusieurs suppressions d’articles, ont été maintenues par les députés, et nous nous en félicitons. Je pense, par exemple, à la suppression par le Sénat de l’extension de l’assiette de la TASCOM, la taxe sur les surfaces commerciales, qui constituait, il faut le dire, une hausse de fiscalité très malvenue pour le commerce, notamment les commerces de proximité.
M. Jean-François Husson. Je pense aussi à la suppression de l’application rétroactive du taux super réduit de TVA de 2,1 % à la presse en ligne à compter du mois de juin 2009, qui posait, il faut le reconnaître, de sérieux problèmes de constitutionnalité.
L’Assemblée nationale a également confirmé, en seconde délibération, la suppression de l’obligation faite aux entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros de rendre public le « reporting » pays par pays. Alors même que l’OCDE prévoit non pas la publicité, mais une communication adressée uniquement à l’administration fiscale et un reporting ciblant les seules entreprises dont le chiffre d’affaires excède 750 millions d’euros, cette obligation, qui aurait été imposée à notre seul pays dans l’Union européenne, aurait permis de livrer à nos concurrents – nous l’avions clairement souligné – de précieuses informations sur la situation et la santé de 9 000 de nos entreprises. Une aberration qui consistait à tirer une balle dans le pied de nos propres entreprises, à l’heure où la compétitivité est le meilleur rempart pour lutter contre le chômage.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a aussi repris l’allongement d’un an, proposé par le Sénat, du délai de reprise de l’administration fiscale pour le recouvrement des recettes de la taxe d’aménagement perçues au profit des collectivités territoriales, ce qui va, là encore, dans le bon sens.
Les mesures relatives à la fiscalité agricole ont également été entérinées, ce dont nous nous félicitons. Toutefois, le contraire aurait été étonnant dans la mesure où elles n’avaient pas rencontré d’opposition ici au Sénat.
M. Jean-François Husson. Dois-je d’ailleurs rappeler que ces dispositions reprennent largement la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire, déposée par Jean-Claude Lenoir et Jean Bizet, soutenue par le groupe Les Républicains, dont Daniel Gremillet était rapporteur, qui a été adoptée par le Sénat il y a tout juste une semaine, des mesures également adoptées en première lecture dans le projet de loi de finances pour 2016 ?
Oui, la majorité sénatoriale a inspiré – et je m’en réjouis – la majorité présidentielle. Vous le constatez, monsieur le secrétaire d'État, cela arrive !
Néanmoins, malgré ces points positifs, notre sentiment demeure mitigé, car sur le plus gros volet, celui de la fiscalité énergétique, la position du Sénat n’a été que peu entendue.
Certes, la suppression de l’article 30 ter, sur l’initiative, notamment, de la commission des affaires économiques de la Haute Assemblée, a été confirmée par les députés.
Cet article, qui prévoyait d’instaurer sur deux ans la déductibilité de la TVA pour les véhicules à moteur à essence concernait notamment les flottes de véhicules de société. Cet alignement sur la déductibilité bénéficiant déjà aux véhicules roulant au diesel devait s’inscrire dans le cadre de la convergence fiscale du gazole et de l’essence.
Cette mesure risquait cependant de favoriser l’achat en France par les entreprises de voitures de marques étrangères, les constructeurs français n’ayant pas encore eu le temps de réaménager leur chaîne de production de voitures de moyenne gamme ou haut de gamme, qui constituent l’essentiel des véhicules de société, vers le moteur à essence, a contrario des modèles d’entrée de gamme qui sont désormais produits avec des moteurs à essence, comme la nouvelle Renault Twingo, la Peugeot 108 et la Citroën C1.
J’avais proposé une solution intermédiaire, consistant à allonger de deux à quatre ans la mise en œuvre progressive de la déductibilité pour les véhicules à essence, solution soutenue en nouvelle lecture par Mme la rapporteure générale du budget de l’Assemblée nationale qui a finalement retiré son amendement. Au final, les députés ont donc confirmé la suppression de l’article, afin de préserver les constructeurs français et de leur laisser le temps de réorienter leur chaîne de production.
En dehors de cette mesure, d’autres propositions plus substantielles encore sur la fiscalité énergétique ont été repoussées par les députés.
Je pense au rétablissement de la diminution de un centime par litre de la TICPE, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, pour tous les types d’essence, tout en maintenant l’écart de fiscalité entre l’essence et le gaz naturel pour véhicule.
Je pense également à la diminution du tarif de la CSPE en compensation de la hausse de la contribution climat-énergie, ou encore à la suppression des modulations de tarif des carburants pour l’année 2017 pour se conformer au principe d’annualité budgétaire.
Ce ne sont là que quelques exemples des modifications apportées par le Sénat qui allaient pourtant toutes dans le sens d’une réduction de la fiscalité. Cela aurait permis au Président de la République de tenir enfin son engagement sur la fameuse pause fiscale !
Au lieu de cela, ce collectif budgétaire correspond une fois encore à une hausse importante de la fiscalité qui aura des conséquences pour tous les Français.
Il est une nouvelle illustration de l’incapacité du Gouvernement à tenir un cap, de cette politique du « pompier pyromane », qui allume l’incendie, promet de l’éteindre, l’éteint, mais le rallume un peu plus tard.
Cela fait deux ans que nous alertons le Gouvernement sur cette hausse disproportionnée de la fiscalité prévue dans un premier temps, puis reportée et finalement mise en œuvre en 2015, mais avec de nouvelles perspectives d’augmentation pour les années à venir. Or, en 2015, cette hausse a été quelquefois confiscatoire : pour un terrain de 1 000 mètres carrés, la taxe foncière a pu passer de quelques centaines d’euros à plus de 5 000 euros et pourrait s’élever à 10 000 euros en 2017. Certains Français propriétaires ont vu parfois cette taxe multipliée par cent.
Le Gouvernement fait désormais machine arrière toute en tentant d’éteindre l’incendie. Dont acte, mais il était temps !
Tout cela participe à la stigmatisation de certaines catégories de Français. Le candidat François Hollande, devenu depuis Président de la République, ne considérait-il pas, lorsqu’il était en campagne, que l’on était riche lorsque l’on gagnait plus de 4 000 euros par mois ? Ne suggérait-il pas de taxer le plus fortement possible cette catégorie de citoyens ?
Dans le même esprit, n’entendons-nous pas également trop souvent dire que lorsque l’on est chef d’entreprise, on est un spoliateur de richesses, et non un créateur de richesses et d’emplois ?
M. Jean-François Husson. Quand on est propriétaire d’un terrain, on n’est pas nécessairement un spéculateur et on ne fait pas forcément non plus de la rétention foncière !
Heureusement, le Gouvernement semble réviser progressivement ses logiciels de pensée et sortir de ses dogmes d’un autre âge. Il est temps ! Dommage qu’il ait fallu attendre plus de la moitié du quinquennat, voire bientôt près des trois quarts, pour que les choses commencent à évoluer dans un sens empreint de davantage de lucidité et de clairvoyance, mais, hélas !, pour une partie de la majorité seulement, l’autre partie ayant constitué une fronde à l’Assemblée nationale.
C’est cette situation à l’Assemblée nationale qui fait que, si nous avons obtenu satisfaction sur certains points, les députés ne changeront pas de position sur les autres, notamment sur les hausses de nombreuses taxes.
Nous en prenons acte. De ce fait, comme M. le rapporteur général l’a annoncé, le groupe Les Républicains votera en faveur de la motion proposée par la commission des finances et tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. de Montgolfier, au nom de la commission, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat,
Considérant que le projet de loi de finances rectificative pour 2015 entérine une nouvelle dégradation du solde budgétaire et une nouvelle augmentation de la part de la dette publique dans la richesse nationale ;
Considérant qu’il traduit un dérapage des dépenses de l’État dont les effets sont seulement limités par un prélèvement sur le Fonds national de gestion des risques en agriculture et par des économies de constatation sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne ainsi que sur la charge de la dette ;
Considérant que l’ampleur inédite du schéma de fin de gestion en 2015 témoigne de l’incapacité du Gouvernement à respecter les priorités qu’il a lui-même fixées en loi de finances initiale et d’un manque de transparence sur les objectifs de la mise en réserve de crédits ;
Considérant qu’il comporte une réforme d’ampleur de la fiscalité énergétique, qui aurait dû trouver sa place en loi de finances initiale, et qui contribuera à alourdir la fiscalité pesant sur les entreprises et les ménages dans les années à venir ;
Considérant enfin qu’il comprend de nombreuses mesures introduites par voie d’amendement du Gouvernement dans des conditions n’ayant pas permis leur examen approfondi ;
Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances rectificative pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur général, pour la motion.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’ai exposé, lors de la discussion générale, les raisons pour lesquelles la commission des finances a déposé une motion tendant à opposer la question préalable. Je n’y reviendrai donc pas.
Permettez-moi d’ajouter simplement, mes chers collègues, que si le Sénat devait examiner en nouvelle lecture ce projet de loi de finances rectificative pour 2015, cela nous poserait un vrai souci. Certes, le Gouvernement n’est pas responsable de cet état de fait. La faute en incombe seulement au calendrier de nos travaux, naturellement très serré.
Il n’en reste pas moins que les députés ayant achevé leurs travaux cette nuit, le compte rendu provisoire des débats n’a été mis en ligne qu’à midi et demi. Même si nous avons suivi en direct l’avancement des discussions, je dois avouer qu’il nous a été difficile de nous forger une opinion sur certains amendements. Par ailleurs, à cette heure, l’article 21 demeure, à nos yeux, totalement incompréhensible.
Nous aurions besoin objectivement d’un peu plus de recul pour réaliser un travail sérieux permettant une nouvelle lecture complète.
Voilà pourquoi, en plus des raisons exposées dans le texte la motion, je vous appelle à voter en faveur de celle-ci.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, contre la motion.
M. Richard Yung. Avec tout l’enthousiasme dont je suis capable après trois semaines de débat (Sourires.), je souhaite d’abord vous répondre, monsieur Husson. Vous avez évoqué des « dogmes d’un autre âge », ce qui ne vous a pas empêché de nous en servir un de première : celui des chefs d’entreprise spoliateurs de la richesse et de la valeur ajoutée ! Pourquoi pas le grand soir, c’est aussi un thème qui fonctionne bien !
Ce n’est pas sérieux : toute la politique du Gouvernement a consisté justement à renforcer la compétitivité des entreprises !
Pour en revenir au projet de loi de finances rectificative lui-même, il contient selon moi des avancées dans un certain nombre de domaines. Je pense, par exemple, à l’ISF-PME, qui est un dispositif important. Je pense également à la fiscalité énergétique ou à la fiscalité agricole, que vous avez mentionnée, monsieur Husson. Vous avez vous-même, mon cher collègue, admis toutes ces avancées et reconnu que la majorité sénatoriale avait été entendue : pourquoi dans ce cas déposer une motion tendant à opposer la question préalable ? J’avoue que c’est un peu difficile à comprendre !
Je terminerai en faisant deux remarques, pour ne pas allonger un débat déjà long.
Tout d’abord, le solde budgétaire est évalué aujourd'hui à 3,8 % du PIB, au lieu des 4,1 % prévus dans le projet de loi de finances initiale. Ce solde enregistre donc un progrès de 0,3 %. Selon le Haut Conseil des finances publiques, dorénavant juge de paix en la matière, une telle prévision est vraisemblable. C’est donc la première fois depuis 2011 que la prévision de déficit s’améliore par rapport au projet de loi de finances initiale. Je n’épiloguerai pas plus longuement sur ce point, mais ne dites pas que vous votez cette motion à cause de la dégradation du solde budgétaire !
Quant aux dépenses de l’État, il n’y a pas de dérapage. Certes, elles augmentent de 100 millions d’euros entre la loi de finances initiale pour 2015 et le projet de loi de finances rectificative, mais par rapport à l’exécution de 2014, elles baissent de 6,3 milliards d’euros.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Richard Yung. Les dépenses s’élèvent ainsi à 367 milliards d’euros au lieu de 374 milliards d’euros. C’est une baisse significative, qui rompt avec l’évolution à la hausse des dépenses de l’État constatée au cours des dernières années…
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste et républicain ne votera pas en faveur de cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Bien évidemment, le Gouvernement est farouchement défavorable à l’adoption d’une telle motion.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Je constate, monsieur le secrétaire d’État, que vous savez être farouche par moment, mais, malheureusement pour vous, vous n’arrivez pas à endiguer la volonté du Sénat… (Sourires.)
Vous avez évoqué tout à l’heure, avec une certaine hauteur de vue, que je veux saluer, les questions de procédure. À cet égard, j’en suis d’accord, les examens successifs du projet de loi de finances et du projet de loi de finances rectificative soulèvent une question autant de durée que de lourdeur. Si le processus est long, il est surtout figé. Or, comme vous l’avez souligné, en six mois, les hypothèses évoluent, ce qui pourrait nous conduire à réviser le dispositif en cours de procédure.
Pour autant, je tiens à relever que l’adoption du nouveau règlement du Sénat a permis de dynamiser les débats, ce dont je ne peux que me réjouir.
Néanmoins, il faut bien voir que la longueur du processus relatif au projet de loi de finances amène logiquement le Gouvernement et sa majorité à l’Assemblée nationale à introduire dans le projet de loi de finances rectificative des mesures qui n’ont pas pu trouver leur place dans le projet de loi de finances. Le collectif peut donc donner lieu à deux lectures, en quelque sorte : d’une part, un texte consacrant la validation d’un certain nombre de changements relatifs à l’année en cours, et, d’autre part, un texte comportant des dispositifs nouveaux.
À mon sens, le Sénat, qui a su aller au terme de la première lecture du collectif, a fait œuvre utile, d’autant que nous avons pu trouver un point d’accord avec l’Assemblée nationale sur un assez grand nombre d’articles. En effet, sur soixante-neuf articles restant en discussion après la première lecture au Sénat, l’Assemblée nationale en a repris quarante-quatre totalement et onze partiellement. Cela signifie que le bicamérisme a bien fonctionné.
Je le répète, nous avons fait œuvre utile, même si un certain nombre de dispositions adoptées en dernière minute nous ont un peu surpris.
Au Sénat, nous nous sommes particulièrement préoccupés de la fiscalité des PME, c’est-à-dire de l’ISF-PME et des mesures en faveur de la compétitivité. À cet égard, je suis particulièrement satisfait de l’adoption par l’Assemblée nationale de l’article 16 terdecies concernant la compétitivité du transport aérien.
En revanche, nous avons eu des différends s’agissant, notamment, de la fiscalité écologique, et, plus généralement, de l’équilibre général des finances publiques. Nous avons le sentiment que le dérapage n’est pas compensé par des économies. Trop souvent, le Gouvernement fait appel aux intérêts de la dette ou aux prélèvements sur les recettes de l’Union européenne pour trouver un équilibre, qui est de toute façon insatisfaisant.
En conclusion, le groupe UDI-UC votera la motion tendant à opposer la question préalable présentée par M. le rapporteur général, au nom de la commission des finances.