Sommaire
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
Secrétaires :
MM. Jean Desessard, Christian Cambon.
2. Candidatures à la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne
3. Candidatures à une mission commune d’information
4. Loi de finances pour 2016. – Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture
Discussion générale :
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances
Clôture de la discussion générale.
Motion n° 9 de la commission. – M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général ; M. Richard Yung ; M. Christian Eckert, secrétaire d'État ; M. Vincent Capo-Canellas ; M. Philippe Dallier – Adoption, par scrutin public, de la motion entraînant le rejet du projet de loi.
6. Nomination de membres d'une mission commune d'information
7. Loi de finances rectificative pour 2015. – Rejet d’un projet de loi en nouvelle lecture
Discussion générale :
M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances
Clôture de la discussion générale.
Motion n° 1 de la commission. – M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général ; M. Richard Yung ; M. Christian Eckert, secrétaire d'État ; M. Vincent Capo-Canellas. – Adoption, par scrutin public, de la motion entraînant le rejet du projet de loi.
8. Convention fiscale avec l'Allemagne. – Adoption définitive en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Christian Eckert, secrétaire d'État
Clôture de la discussion générale.
Adoption définitive de l’article unique du projet de loi dans le texte de la commission.
9. Convention fiscale avec le Grand-Duché de Luxembourg. – Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances
M. Christian Eckert, secrétaire d'État
Clôture de la discussion générale.
Adoption définitive de l’article unique du projet de loi dans le texte de la commission.
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
vice-président
Secrétaires :
M. Jean Desessard,
M. Christian Cambon.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidatures à la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne
M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des onze membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne.
En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 103 bis de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
3
Candidatures à une mission commune d’information
M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des membres de la mission d’information sur l’organisation, la place et le financement de l’Islam en France et de ses lieux de culte.
En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 110 de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
4
Loi de finances pour 2016
Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de finances pour 2016 (projet n° 255, rapport n° 262).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, après avoir terminé, voilà moins d’une semaine, l’examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2016, nous nous retrouvons une dernière fois pour clore l’automne budgétaire par l’examen en nouvelle lecture de ce même projet de loi ainsi que du projet de loi de finances rectificative pour 2015.
Puisque c’est cet après-midi notre dernière rencontre de l’année et que nous avons déjà passé près d’un mois à débattre de ces deux textes en première lecture, je ne reviendrai pas sur leur contenu, que vous connaissez bien. Je profiterai de cette intervention, quasiment ma dernière de l’année, pour dresser plutôt un bilan des douze mois écoulés.
Rappelez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, quelle était la situation l’an dernier à la même époque : on nous disait que le déficit allait augmenter, que les impôts ne rentraient pas dans les caisses de l’État, que nous ne serions pas en mesure de baisser les impôts, comme nous l’avions annoncé ; on affirmait même que la Commission européenne allait nous sanctionner de façon imminente.
Aujourd’hui, après douze mois de travail, quelle est la situation ? Le déficit poursuit sa baisse : nous anticipons que, après être passé de 4,3 % du PIB en 2013 à 3,9 % en 2014, il s’établira à 3,8 % pour 2015, et nous sommes largement confiants sur notre capacité à atteindre cet objectif. Pour 2016, sous une hypothèse de 1,5 % de croissance et de 1 % d’inflation, nous prévoyons qu’il tombera à 3,3 % du PIB.
Le déficit public, le déficit de l’État et le déficit de la sécurité sociale sont au plus bas depuis 2008 ! Résultat : la dette sociale a commencé à refluer dès cette année et la dette publique devrait être quasiment stabilisée l’an prochain.
La dépense publique, quant à elle, continue à progresser, comme il est normal dans une économie en croissance et dont les besoins en santé, en pensions de retraite et en formation sont importants ; mais elle augmente à un rythme historiquement bas, car nous finançons les nouveaux moyens par des économies sur les dépenses non prioritaires.
En un mot, mesdames, messieurs les sénateurs, la situation de nos finances publiques s’améliore. Il ne s’agit pas de tomber dans le triomphalisme, car la route vers l’assainissement complet de notre situation financière est encore longue ; d’autre part, comme chaque année, de nombreux aléas pèsent sur la réalisation de notre objectif de déficit. Néanmoins, nous pouvons tous nous accorder sur les chiffres ; or les chiffres montrent clairement que notre situation budgétaire s’améliore.
Ce constat dressé, je prévois que nous aurons un désaccord sur la responsabilité du Gouvernement dans cette amélioration ; c’est là le débat parlementaire normal. Permettez-moi seulement de vous rappeler les mesures que nous avons prises au cours de l’année pour respecter notre engagement de réduction du déficit.
Dès le printemps, comme nous constations que des risques pesaient sur la tenue de cet engagement, nous avons décidé de réaliser 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires pour tenir notre promesse. Dans le même temps, nous avons dû mobiliser en urgence des moyens nouveaux pour assurer la sécurité des Français. La solution de facilité aurait été de les financer par la dette, mais ce n’est pas le choix que nous avons fait : nous les avons financés par des économies supplémentaires, pour ne pas augmenter la dépense totale.
J’en viens aux impôts.
L’an dernier, nous avons connu des écarts à nos prévisions de recettes, liés à la dégradation du contexte macroéconomique, mais dans lesquels certains voyaient le signe évident d’un prétendu exil fiscal. Aujourd’hui que nous anticipons des plus-values par rapport à nos prévisions du printemps, nous n’entendons plus parler d’exil fiscal ! Aujourd’hui comme hier, je le répète, il n’y a aucun lien entre un écart à la prévision et un prétendu exil fiscal des plus fortunés : un tel écart n’est rien de plus que la traduction de cette vérité que les prévisions sont difficiles, surtout quand elles concernent l’avenir… (Sourires.) En tout cas, là encore, les chiffres ne mentent pas : ils montrent clairement que les impôts rentrent dans les caisses de l’État – c’est un fait.
Dans le même temps, nous avons commencé à mettre en œuvre les baisses d’impôts que nous avons promises. Ainsi, pour la production et l’emploi, 7 milliards d’euros d’allégements supplémentaires seront consentis en 2016. Pour les ménages, en particulier pour les classes modestes et moyennes, les impôts auront baissé de 5 milliards d’euros en 2015 et 2016.
Ce que nous avons promis, nous l’avons tenu : les impôts ont baissé en 2015, et ils continueront de baisser en 2016. Au reste, l’évolution du taux des prélèvements obligatoires le prouve : il passera de 44,9 % du PIB en 2014 à 44,5 % en 2016.
Enfin, on prétendait l’an dernier que la Commission européenne était sur le point de prononcer des sanctions contre notre pays. Quel est le bilan, un an après ? Non seulement aucune sanction ne nous a été infligée et nous respectons strictement la recommandation transmise en début d’année, mais la France a réaffirmé son rôle de pays majeur de l’Union européenne, par le rôle qu’elle a joué dans la résolution de la crise grecque – pour lequel je tiens à rendre hommage à Michel Sapin – et, plus généralement, par la réponse que nous apportons à tous les défis que l’Europe rencontre aujourd’hui.
Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le bilan de la politique menée en 2015 en matière de finances publiques. Il vous revient à présent de vous prononcer en nouvelle lecture sur le projet de loi de finances pour 2016. En cas de rejet du texte, le Gouvernement demandera à l’Assemblée nationale de statuer définitivement sur ce budget. Je vous invite donc à ne pas laisser le dernier mot à l’Assemblée nationale (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) et à accepter le texte qu’elle a adopté vendredi dernier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Yvon Collin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’ai bien peur que le Sénat ne vous suive pas dans vos préconisations, monsieur le secrétaire d’État…
La commission mixte paritaire qui s’est réunie le 10 décembre dernier n’est pas parvenue à établir un texte commun sur le projet de loi de finances pour 2016, ce qui ne vous étonnera pas compte tenu des divergences de fond qui opposent la majorité sénatoriale et la majorité gouvernementale sur la conduite des finances publiques. Ces divergences de fond sont résumées dans le texte de la motion tendant à opposer la question préalable que la commission des finances a examinée ce matin.
Premièrement, le projet de loi de finances pour 2016 ne prévoit aucune marge de sécurité au regard des incertitudes pourtant nombreuses qui entourent la prévision de croissance pour l’année prochaine.
Deuxièmement, même si vous venez d’évoquer la Commission européenne, la réduction de notre déficit structurel est inférieure aux recommandations du Conseil de l’Union européenne. Par ailleurs, les efforts d’économies de l’État et de ses opérateurs ne sont pas « documentés », selon les propres termes de la Commission européenne.
Troisièmement, c’est un fait indéniable, le projet de loi de finances pour 2016 entraîne une hausse sensible des effectifs de l’État, qui, je tiens à le préciser, n’est que très partiellement due au renforcement de la sécurité intérieure et extérieure de notre pays. En effet, si nous avions approuvé les propositions du Gouvernement pour accroître les effectifs dans les secteurs de la justice, de la police, de la gendarmerie et des douanes, nous constatons une augmentation sensible des effectifs publics en dehors même de ces missions prioritaires.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Mais si ! Le projet de loi de finances initial prévoyait la création nette de plus de 8 000 postes avant même les événements dramatiques du 13 novembre et les annonces du Président de la République qui se sont traduites par les amendements du Gouvernement.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Dans son rapport sur le budget de l’État en 2014, la Cour des comptes avait d’ailleurs pointé la hausse de ces effectifs.
En tous les cas, cette hausse des effectifs, hors missions de sécurité, traduit selon nous l’incapacité du Gouvernement à arbitrer entre les missions de l’État. Rappelez-vous, mes chers collègues, que nous avons eu ce débat en séance.
En outre, nous estimons que l’augmentation des effectifs liée aux nouvelles mesures de sécurité devrait être compensée par une réduction équivalente des effectifs dans d’autres domaines d’activité.
Quatrième divergence de fond : aucun effort significatif n’a été observé sur le temps de travail et la masse salariale de l’État, contrairement aux souhaits exprimés par le Sénat. La commission des finances a pourtant réalisé un travail approfondi sur cette question dans le cadre de l’enquête demandée à la Cour des comptes sur la gestion de la fonction publique de l'État. Je rappelle que cette masse salariale représente 40 % des dépenses de l’État. Nous devrions donc nous interdire toute mesure nouvelle en la matière, afin de contenir le dynamisme de la dépense publique. C’était l’objet d’un certain nombre d’amendements du Sénat.
Cinquièmement, le Sénat avait adopté une position très raisonnable et responsable par rapport à la nouvelle diminution des dotations aux collectivités territoriales qui est prévue dans le projet de loi de finances. La Haute Assemblée avait en effet accepté une telle baisse, à condition qu’en soient exclues l’ensemble des mesures nouvelles qui ont été imposées au Sénat en vertu des fameuses « normes ». Pour le calcul des sommes à retrancher, le Sénat s’est appuyé sur les chiffres de la CCEN, la Commission consultative d'évaluation des normes.
Toutes les études montrent que la nouvelle baisse des dotations aux collectivités sera dangereuse pour l’investissement public local. Selon les dernières statistiques de l’emploi, la baisse significative de la dépense publique locale a ainsi engendré une dégradation de l’emploi, en particulier dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.
Enfin, le projet de loi de finances ne comprend aucune mesure de nature à remédier à la hausse de la fiscalité qui pèse sur les ménages et les familles depuis 2012, notamment au travers du quotient familial. Selon les termes mêmes du Premier ministre, cette hausse des impôts a créé « une forme de rupture entre les Français et l’impôt ». (Exclamations sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.) Je précise que la formule n’est pas de moi !
Pour toutes ces raisons de fond, la commission mixte paritaire a échoué. Cela étant, il faut reconnaître que l’Assemblée nationale a tout de même conservé certains apports du Sénat. Cela montre tout l’intérêt pour notre assemblée d’aller jusqu’au bout de la discussion des projets de loi de finances et de ne pas s’arrêter à l’examen de leur première partie.
Pour revenir sur les dispositions du texte de manière plus détaillée, j’indique que, sur les cent quarante-deux articles encore en discussion en nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a adopté dans les mêmes termes trente-huit articles modifiés ou introduits par le Sénat. Elle a également confirmé la suppression de six articles et modifié vingt-six articles en conservant une partie des apports de notre assemblée. Je ne pourrai pas mentionner tous les articles concernés ; je vous renvoie donc à mon rapport écrit, qui est très détaillé. En revanche, je peux citer quelques exemples.
L’Assemblée nationale a ainsi repris l’article 3 bis A relatif au taux de TVA applicable à la vente de certains produits de protection hygiénique, introduit notamment sur l’initiative de nos collègues du groupe RDSE, qui recentre la baisse du taux de TVA à 5,5 % sur les seuls produits de protection hygiénique féminine.
Elle a également confirmé l’extension de l’article 7 bis relatif au suramortissement des coopératives, tout en précisant le mode de répartition entre les associés coopérateurs.
À l’article 11, l’Assemblée nationale a repris une mesure adoptée sur l’initiative de la commission des finances visant à rendre éligibles au FCTVA les dépenses d’investissement réalisées dans le cadre du plan France très haut débit, tout en prévoyant son application dès 2015, ainsi que nous l’avions initialement prévu dans le cadre du collectif budgétaire.
À l’article 14, elle a conservé certains apports du Sénat. Je pense en particulier aux taxes affectées aux chambres d’agriculture et à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage.
Fait significatif, elle a également conservé l’article 37 bis, qui a été introduit à la suite d’un travail très approfondi de la commission des finances et qui instaure une déclaration automatique des revenus des particuliers par les plateformes en ligne, tout en la transformant en obligation de remise aux utilisateurs d’un récapitulatif annuel de leurs revenus. À nos yeux, ce n’est sans doute pas suffisant, mais il s’agit là d’un premier pas vers la déclaration effective de revenus, qui, sous couvert de petits compléments de revenu, cachent parfois une activité professionnelle à part entière. Mes chers collègues, je me dois de préciser que cette mesure nous réunit très au-delà de la majorité sénatoriale et suis heureux que nous commencions à avancer sur le sujet.
L’Assemblée nationale a confirmé l’essentiel des modifications apportées par le Sénat à l’article 43 sur les aides fiscales en faveur des départements d’outre-mer et notamment la prolongation jusqu’en 2025 des dispositifs fiscaux pour les collectivités d’outre-mer.
Elle a aussi adopté l’article 34 sur le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, tel qu’il a été modifié sur l’initiative de la commission des finances.
À l’article 47, l’Assemblée nationale a confirmé le rétablissement de l’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties en faveur des terrains Natura 2000.
Elle a par ailleurs confirmé la suppression de plusieurs articles, notamment l’article 46 ter relatif au mécanisme de livraison à soi-même dans le logement social, l’article 47 septies interdisant la revente de tabac et l’article 58 quinquies qui exclut du bénéfice de la péréquation des communes faisant l’objet d’un arrêté de carence.
Enfin, elle a adopté conformes plusieurs articles introduits par le Sénat, dont l’article 3 quater sur le renforcement des amendes pour les importations illégales de produits du tabac et l’article 34 quinquies étalant sur quatre années l’imposition des primes versées par l’État aux sportifs médaillés des jeux Olympiques.
Évidemment, sur d’autres points – ils sont nombreux –, nos divergences persistent, y compris avec vous, monsieur le secrétaire d’État. Nous avons une réelle différence d’approche sur la réforme de l’impôt sur le revenu. L’Assemblée nationale est d’ailleurs revenue aux intentions initiales du Gouvernement en la matière. Contrairement aux engagements du Gouvernement, elle a également augmenté la fiscalité, en particulier les impôts sur les opérateurs de télécommunications pour financer l’audiovisuel public.
L’Assemblée nationale a également maintenu la taxe sur les transactions financières intrajournalières à l’article 8 quater, ou encore l’article 34 bis créant une réduction dégressive de CSG. Introduit à la suite du fameux amendement Ayrault, cet article, dont le financement est incertain, n’a manifestement pas fait l’objet d’une opposition de la part du Gouvernement, puisqu’il a été rétabli par l’Assemblée nationale.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Pourquoi dites-vous cela ? Vous savez bien que la Gouvernement s’y est opposé !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai, mais cet article n’a pas fait l’objet d’une seconde délibération.
Nous regrettons que l’Assemblée nationale n’ait pas suivi certaines propositions pourtant utiles du Sénat. Je pense en particulier à l’extension du dispositif d’amortissement accéléré des robots industriels aux ETI, qui figure à l’article 6, à la suppression de taxes à faible rendement, qui figure à l’article 8, à l’assouplissement du dispositif Dutreil en faveur de la transmission des entreprises ou encore à la décote Duflot pour les terrains affectés au ministère de la défense, qui figure à l’article 21 ter.
Enfin, s’agissant des missions budgétaires, l’Assemblée nationale a rétabli les plafonds de huit missions dont les crédits avaient été rejetés par le Sénat et supprimé l’ensemble des amendements de réduction de crédits que nous avions votés, malgré un certain nombre de mesures introduites par le Sénat.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En définitive, même si le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale n’est pas satisfaisant et ne correspond absolument pas à nos orientations, vous constatez, mes chers collègues, que la navette aura été utile. C’est la raison pour laquelle la commission des finances, après s’être réunie ce matin, considère que, même si le Sénat rétablissait son texte en nouvelle lecture, une nouvelle navette ne serait sans doute pas de nature à faire beaucoup évoluer les choses, en particulier sur les points de désaccord majeurs. Elle a donc choisi de proposer au Sénat d’opposer la question préalable sur le projet de loi de finances pour 2016. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Philippe Bonnecarrère. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après l’échec regrettable mais prévisible de la commission mixte paritaire, qui n’est pas parvenue à s’accorder jeudi dernier sur un texte commun, nous sommes amenés à examiner en nouvelle lecture le projet de loi de finances pour 2016.
Monsieur le secrétaire d’État, comme vous le savez, la politique économique du Gouvernement recueille le soutien de la grande majorité des membres du groupe RDSE. L’effort de redressement des finances publiques, la limitation des dépenses et la réduction du déficit sont bien réels et, comme vous l’avez répété, seront poursuivis.
En première lecture, notre groupe a défendu pas moins de soixante amendements et est parvenu à en faire adopter certains d’entre eux, dont l’amendement emblématique portant réduction du taux de TVA sur les produits de protection hygiénique. Cette dernière mesure a d’ailleurs été reprise par l’Assemblée nationale, ce dont nous nous félicitons. Les députés ont également repris les dispositions introduites au Sénat par le Gouvernement relatives aux nouvelles mesures de sécurité, de justice et de défense, qui ont été prises à la suite des événements tragiques du 13 novembre.
Dans son discours devant le Congrès du Parlement à Versailles, le Président de la République a déclaré que le pacte de sécurité l’emportait sur le pacte de stabilité. Pour autant, la prévision de déficit resterait inchangée à 3,3 % du PIB, en raison d’une moindre contribution française au budget de l’Union européenne. Malgré la priorité donnée à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, le Gouvernement parvient à ne pas remettre en cause le sérieux budgétaire. Voilà une bonne nouvelle de nature à satisfaire, je le crois, la plupart des parlementaires responsables.
Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2016 entérine la baisse de 2 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu en faveur des foyers fiscaux modestes. Il s’agit d’une bonne nouvelle pour la redistribution, même si l’on peut regretter que cette mesure conduise une toujours moindre proportion de ménages à s’acquitter d’une contribution qui devrait selon nous être un impôt universel et citoyen, conformément aux principes érigés il y a un siècle et à l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Nous ne pourrons éviter encore longtemps la grande réforme fiscale qui permettra de revenir aux fondamentaux, notamment à une véritable progressivité de l’impôt sur le revenu, afin que chacun contribue selon ses moyens.
Le projet de loi de finances pour 2016 entraînera également une nouvelle baisse des dotations aux collectivités territoriales. Le montant de la dotation globale de fonctionnement, dont la refonte a finalement été reportée à l’année prochaine, baissera ainsi de plus de 10 %. C’est un effort toujours plus important qui est demandé aux collectivités, alors même qu’elles assurent l’essentiel de l’investissement public. Espérons que ces mesures n’auront pas de conséquences néfastes sur l’activité, au moment où tout le monde s’accorde à dire que la reprise économique reste plus que jamais précaire.
En tant qu’élus de territoires ruraux, nous déplorons le manque d’attention persistant envers ces territoires, qui connaissent souvent des situations économiques difficiles et sont menacés de dépeuplement. Le monde rural et agricole, auquel le Sénat est très sensible, constitue les racines de ce pays. Il est donc primordial que le reste de la population conserve un lien étroit avec eux.
La santé de notre agriculture est un élément fondamental de sécurité et de souveraineté. C’est pourquoi les attaques portées contre les dispositifs de solidarité tels que la baisse des affectations au Fonds national de gestion des risques en agriculture sont de notre point de vue un très mauvais signal, qui renforce le sentiment d’abandon trop souvent ressenti dans ces territoires.
Avec les marges de manœuvre certes limitées qui sont les nôtres, nous avons fait valoir les préoccupations des élus et des acteurs privés qui composent ces territoires. Cette nouvelle lecture sera, espérons-le, l’occasion de faire à nouveau entendre ces préoccupations.
Comme nous le savons tous, notre pays traverse une situation particulièrement difficile : les chiffres de l’emploi et de l’économie – nous l’avons vu lors des élections régionales – ont véritablement fait vaciller les fondements des formations politiques traditionnelles. Plus que jamais, nous devons être à la hauteur des défis qui se présentent et savoir répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens : les derniers résultats électoraux nous l’imposent et nous rappellent qu’il y a véritablement urgence !
En première lecture, la majorité des membres du RDSE n’avait pas approuvé le texte élaboré par la majorité sénatoriale, auquel manquaient près d’un tiers des missions. Comme vous le savez, mes chers collègues, nous sommes relativement réfractaires aux postures trop partisanes. Par conséquent, la majorité de notre groupe devrait adopter la même position à l’issue de cette nouvelle lecture et s’opposera majoritairement à l’adoption de la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. En entendant votre intervention, monsieur le secrétaire d’État, j’ai eu l’impression que vous repreniez tout l’argumentaire de l’excellent service de communication de Bercy, un service qui fonctionne au demeurant très bien.
Pour moi, le projet de loi de finances pour 2016 n’est fait que de faux-semblants :…
M. François Bonhomme. Eh oui !
M. Vincent Delahaye. … on fait semblant de réduire le déficit ; on fait semblant d’avoir des prévisions réalistes et raisonnables ; on fait semblant de baisser les impôts ; on fait semblant de dégager des économies ; on fait semblant de maîtriser la dette.
M. Alain Fouché. Eh oui !
M. Vincent Delahaye. Prenons le déficit de 2015, à 73 milliards d’euros.
Monsieur le secrétaire d’État, si vous voulez bien m’écouter…
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je vous écoute ! Mais je ne suis pas le service de communication de Bercy !
M. Vincent Delahaye. Entre 2014 et 2015, le déficit a progressé de 3 milliards d’euros. En 2016, il reste au même niveau qu’en 2015, soit un niveau élevé : entre 70 milliards et 80 milliards d’euros. Cela représente tout de même un quart de nos recettes – ce n’est pas rien ! –, et c’est un déficit nettement plus élevé que le déficit moyen durant les années 2000, qui se situait autour de 50 milliards d’euros. On est donc en droit de considérer que l’on fait semblant de réduire les déficits.
Par ailleurs, vous annoncez des prévisions raisonnables et réalistes. La Cour des comptes les juge atteignables s’agissant de la croissance, mais très optimistes pour l’inflation, la masse salariale et les investissements.
Si vous dites aux Français que leurs salaires augmenteront de 2,8 % en 2016, puisque la masse salariale doit augmenter de 2,8 %, pensez-vous que beaucoup vous croiront ?
Mme Christiane Hummel. Non, ils rigoleront !
M. Vincent Delahaye. Si vous dites aux Français que les investissements vont croître de plus de 5 % en 2016, pensez-vous que beaucoup vont vous croire ?
Moi, je pense que les hypothèses sur lesquelles se fonde le projet de loi de finances pour 2016 sont très optimistes.
Vous prétendez également que les impôts vont baisser. Ils baisseront de 2 milliards d’euros pour un certain nombre de Français, mais, dans le même temps, vous inscrivez, pour l’impôt sur le revenu, des recettes en croissance de 3 milliards d’euros. Cela signifie – il faut le dire aux 50 % de Français qui vont continuer à s’acquitter de l’impôt sur le revenu – que ceux qui paieront des impôts en paieront plus en 2016 !
D’ailleurs, cet exercice 2016 voit le montant de recettes fiscales le plus important qu’on ait jamais inscrit dans une loi de finances en France : 287 milliards d’euros, soit une progression de 7 milliards d’euros.
Selon les prévisions du Gouvernement, les prélèvements obligatoires augmenteraient également de plus de 22 milliards d’euros en 2016. Donc, cette baisse des impôts dont on parle, moi, j’aimerais bien la voir !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Que faites-vous de la prime pour l’emploi ? Vous ne la comptez pas dans vos 3 milliards d’euros ! Je l’ai expliqué quatre fois !
M. Vincent Delahaye. Vous faites tout aussi semblant de faire des économies, monsieur le secrétaire d’État. En 2016, les dépenses publiques augmenteront plus rapidement et plus fortement que l’inflation ; les effectifs de la fonction publique seront également en progression. Le niveau de dépenses ainsi atteint fera de nous les vice-champions du monde, après le Danemark, de la dépense publique !
M. Vincent Capo-Canellas. On peut encore progresser…
M. Vincent Delahaye. Des amendements ont été déposés, notamment dans le but d’augmenter la sécurité de nos concitoyens. Si, sur le fond, nous partageons les objectifs, nous aurions aimé que ces amendements soient gagés sur des réductions de dépenses et non financés par une augmentation de la dette. C’est un très mauvais signal que de montrer ainsi qu’il est possible d’augmenter d’un seul coup les dépenses de 850 millions d’euros, alors même que le contexte est difficile.
M. Vincent Delahaye. Je suis prêt à me mettre autour d’une table avec vous pour discuter des chiffres, mais ils sont têtus !
Les 50 milliards d’euros d’économies annoncées ne sont pas au rendez-vous. C’est la rapporteure générale de l’Assemblée nationale, socialiste, qui le dit ! Selon elle, alors qu’en 2015 les économies atteignent 11,2 milliards d’euros au lieu des 18,6 milliards d’euros annoncés, la réduction de dépenses ne dépassera pas 6 milliards d’euros en 2016.
Enfin, vous indiquez maîtriser la dette. En fait, ce sont surtout les intérêts de la dette qui sont maîtrisés, et ce grâce aux taux d’intérêt offerts par les marchés. Merci les marchés !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Notre ami, c’est le monde de la finance !
M. Vincent Delahaye. J’aimerais l’entendre sur toutes les travées, car, sans ces taux d’intérêt, nous ne pourrions maintenir une charge équivalente, avec une dette qui s’envole.
M. Michel Bouvard. La BCE !
M. Vincent Delahaye. Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, vous faites semblant dans bon nombre de domaines. Mais, à titre personnel, je ne suis pas fier de ce budget.
M. Vincent Delahaye. Disant cela, je pense à nos compatriotes et à nos partenaires.
Vis-à-vis de nos compatriotes, la dette s’envole. Ce sont des montagnes de dette qui sont laissées aux nouvelles générations.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Sénat ne sortira pas grandi d’interventions comme celle-là !
M. Vincent Delahaye. Notre dette représente sept ans de recettes !
M. Vincent Delahaye. Je ne sais pas si vous avez géré beaucoup de collectivités locales, monsieur le secrétaire d’État, mais, à cette échelle, on a pour habitude de considérer que la cote d’alerte est dépassée au-delà d’une dette représentant un an de recettes de fonctionnement. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Votre réaction, mes chers collègues, montre que nous ne sommes pas d’accord sur la gestion des collectivités locales, mais je n’en suis pas vraiment étonné.
M. Bernard Fournier. Eh oui !
M. Vincent Delahaye. Donc, nous laissons une dette considérable et faisons face à un problème principal, celui du chômage. Or ce budget – c’est regrettable – ne contient aucune mesure précise pour combattre le chômage, en dehors des emplois aidés, qui, nous le savons tous, n’ont jamais permis de résoudre le problème.
M. Vincent Delahaye. Vis-à-vis de nos partenaires, nous sommes à la remorque dans pratiquement tous les domaines. Que ce soit sur les déficits, la dette ou les prélèvements obligatoires, nos résultats sont nettement plus élevés que les moyennes enregistrées dans la zone euro.
M. Vincent Delahaye. Vous devriez écouter un tout petit peu plus ce que nous disons, monsieur le secrétaire d’État, car ce serait bien de prendre en compte nos remarques. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Notre taux de chômage est également très élevé et, en définitive, seuls la Grèce, l’Espagne et le Portugal font moins bien.
M. Vincent Delahaye. Par conséquent, je ne suis pas fier de ce budget, et ce d’autant plus que nous ne pouvons avoir le dernier mot…
M. Vincent Delahaye. Écoutez-moi, monsieur le secrétaire d’État ! Vous n’arrêtez pas de parler ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Vincent Delahaye. Pour que le Sénat puisse avoir le dernier mot, il faudrait que le Gouvernement nous écoute un peu plus. Nous avons avancé des propositions en matière fiscale et nous avons défendu une réduction de l’effort demandé aux collectivités territoriales. Car c’est bien à elles qu’est demandé le seul véritable effort, en France, en faveur de la réduction des dépenses publiques.
M. Vincent Delahaye. Nous avons proposé de le réduire, mais, monsieur le secrétaire d’État, vous avez rejeté cette solution. Nous avons proposé de remettre à 2016 le vote de la réforme de la dotation globale de fonctionnement et d’autres dotations ; vous ne nous avez pas suivis.
Pour que nous puissions avoir le dernier mot sur l’Assemblée nationale, il faudrait bien évidemment que le Gouvernement souhaite nous entendre beaucoup plus. J’espère que ce sera le cas à l’avenir. Pour l’instant, il n’en est rien, et c’est pourquoi nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable proposée par la commission des finances. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’échec de la commission mixte paritaire nous amène à débattre à nouveau du projet de loi de finances pour 2016.
L’Assemblée nationale a confirmé, lors d’une nouvelle lecture expresse du projet de loi, l’essentiel du texte qu’elle avait elle-même voté, revenant sur la plupart des ajouts de notre assemblée.
Si, à la rigueur, nous pouvons juger préférable la baisse des impôts en direction des plus modestes contribuables de l’impôt sur le revenu telle que le prévoit le texte initial du projet de loi de finances à la version définie par le Sénat, qui visait avant tout à réduire les impôts des plus aisés, nous ne pouvons que regretter que la volonté de justice fiscale affichée par le Gouvernement et la majorité de l’Assemblée nationale n’ait pas été jusqu’à faire droit aux contribuables isolés du retour plein et entier de leurs droits attaqués depuis dix ans maintenant, évitant notamment à certaines veuves de payer des impôts jadis indus.
Nous ne pouvons également que regretter que la parole des élus locaux, dont le Sénat avait tenu compte, n’ait pas été totalement respectée par l’Assemblée nationale, avec les conséquences que l’on a déjà pu connaître lors des rendez-vous électoraux des deux premiers dimanches de ce mois.
Comment agir sur le vivre ensemble et contre l’isolement, parent nourricier de la désespérance, si l’on prive les élus locaux des moyens nécessaires – plus que jamais nécessaires – pour leur action ?
Ce choix budgétaire de restriction des moyens financiers des collectivités locales, conjugué à d’autres choix austéritaires, dans un contexte social dramatisé à souhait, ne correspond plus aux exigences de notre temps.
L’aspiration à la mise en œuvre d’une nouvelle politique économique et sociale ne saurait être assimilée à une simple clause de style. Il ne suffira donc pas seulement de changer la façon de faire de la politique. Il ne suffira pas de décréter l’état d’urgence et de renforcer les moyens, appauvris de 2002 à 2012, de la police, de la justice et des services préfectoraux pour éloigner les ombres qui menacent la démocratie dans notre pays. Il faudra aussi consacrer des moyens nouveaux à l’école, à la formation, au logement social, à l’action déterminée contre les discriminations sociales de toutes sortes, au développement culturel, pour que ce qui fait sens dans la société soit réapproprié par tout un chacun.
Je dois avouer que certaines considérations, prises en compte dans le projet de loi de finances, semblent malheureusement nous éloigner de notre objectif.
Qui a pu dire que le fin du fin de la justice sociale pouvait résider dans la fusion mal étudiée de l’impôt sur le revenu, tel qu’il existe aujourd’hui, avec de multiples défauts, et de la contribution sociale généralisée ?
Malgré les apparences – il s’agit effectivement, par nature, d’impôts –, ces deux impositions ne poursuivent pas les mêmes finalités. Pour l’une, il s’agit d’alimenter le budget de l’État, au travers d’une imposition très largement marquée par des exemptions et allégements de toute sorte qui en pervertissent le sens, et, pour l’autre, il s’agit de financer la sécurité sociale. Autant dire que les risques d’une fusion sont multiples et que cette réforme, si tant est qu’elle devait intervenir, n’aurait rien de progressiste et nous ramènerait à d’autres temps, très anciens.
Il ne faut effectivement pas se faire d’illusions. Si les entreprises assurent la collecte de l’impôt sur le revenu en mettant par exemple en œuvre la retenue à la source, elles demanderont sans doute une compensation financière à l’État pour la « charge administrative » ainsi transférée, une compensation probablement plus coûteuse que le travail des actuels agents de la direction générale des finances publiques.
Je n’insiste évidemment pas sur les arbitrages risqués qui présideront aux éventuels partages de recettes entre impôt sur le revenu et CSG, mais nous sommes convaincus que c’est plutôt du côté de la sécurité sociale que nous trouverons les manques à gagner.
N’oublions pas d’évoquer également le risque de pertes de recettes fiscales découlant, par exemple, de la situation des entreprises. En cas de problèmes financiers, celles-ci auront peut-être quelque peine à faire remonter le produit de l’impôt collecté, comme elles ont souvent quelque lenteur à solder les cotisations sociales en souffrance.
Mais, surtout, ce débat limité sur la fusion entre l’impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée occulte sérieusement les véritables problèmes dont souffre notre dispositif fiscal général.
Rendre plus progressive la CSG est d’ailleurs, pour nous, mission perdue d’avance puisque la véritable réforme de progrès serait de la mettre en déclin et de renforcer l’efficacité et le rendement de l’impôt sur le revenu.
Il faudrait surtout, plutôt que de laisser perdurer sans contrôle des dispositifs tels que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, et le crédit d’impôt recherche, le CIR, réviser quelque peu la participation des entreprises au financement d’une action publique dont elles sont très largement bénéficiaires. Il nous faut ici garder le sens des choses.
L’article 2 du présent projet de loi de finances visait une réduction de 2 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu. Le CICE représente 17 milliards d’euros distribués, et le CIR 5,5 milliards d’euros en plus !
Il faudra bien, un jour, que le Sénat se penche sur les 175 milliards d’euros transitant par les caisses de l’État pour revenir dans celles des entreprises, sur les exonérations de cotisations sociales ou les allégements de taxes locales, toutes mesures qui, au motif de soutenir l’activité, nous conduisent malheureusement, pour aujourd'hui, à 5,7 millions de personnes privées d’emploi dans ce pays.
Nous ne voterons pas en faveur de la motion que M. le rapporteur général, au nom de la majorité sénatoriale, a déposée à l’endroit du projet de loi de finances. Mais nous n’aurions pas plus approuvé celui-ci, attendu qu’il manque de la dimension requise pour donner un caractère progressiste aux actuelles politiques menées dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Maurice Vincent.
M. Maurice Vincent. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous retrouvons le projet de loi de finances pour 2016 après notre première lecture, mais avec les nouvelles modifications apportées par l’Assemblée nationale.
La première modification réside dans le fait que ce budget comporte désormais toutes ses missions, ce qui est tout de même positif pour le fonctionnement de notre pays. L’Assemblée nationale a en effet rétabli les missions que vous aviez refusé de voter – agriculture, culture, écologie, transports, etc. – et qui sont pourtant essentielles à la vie des Français. Nous ne pouvons que nous satisfaire de cette réintroduction.
Le budget pour 2016 retrouve ainsi un équilibre qui n’est plus fantaisiste comme il l’était à l’issue des travaux du Sénat : il était très excédentaire mais il ne correspondait à aucune réalité. Cela permet d’observer que les prévisions de déficit pour 2016 se situent toujours aux environs de 73 milliards d’euros, en dépit de l’insertion de 750 millions d’euros supplémentaires liée à l’accroissement des moyens de la police, de la défense et de la justice imposé par la lutte contre le terrorisme et approuvé par tous. Nous ne sommes pas d’accord avec M. Delahaye sur ce point, car ces 750 millions d’euros ont en réalité été absorbés dans ce déficit.
Ce budget continue donc à progresser vers la maîtrise de la dette…
M. Philippe Dallier. Oh !
M. Maurice Vincent. … et permet, dans le même temps, de produire des services publics de qualité, tout en soutenant, autant que faire se peut, la croissance économique.
Nous l’avons vu ce matin en commission des finances, l’examen détaillé des articles montre que de nombreux apports du Sénat ont été repris par les députés – sur ce point, je partage les propos de M. le rapporteur général. Cela est positif et illustre l’intérêt du bicamérisme. Je signalerai néanmoins deux déceptions ponctuelles.
La première concerne les modifications de nos choix sur la taxation des revenus de l’économie collaborative, avec la suppression du seuil de 5 000 euros. La qualité du rapport sénatorial sur la question nous plaçait plutôt « en avance » par rapport au texte finalement adopté à l’Assemblée nationale.
La seconde a trait au rejet du dispositif du crédit d’impôt pour les activités sociales, qui rétablissait l’équité de traitement entre sociétés privées et organismes à but non lucratif fournisseurs de services sociaux.
En revanche, sur des points essentiels, nous retrouvons désormais des dispositions positives que la majorité sénatoriale avait cru bon de supprimer. Dans le domaine fiscal, l’Assemblée nationale a ainsi rétabli à juste titre les dispositions très clairement favorables à une meilleure justice sociale. Je pense aux décotes pour les familles modestes, aux 500 millions d’euros au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune supprimés par le Sénat, à la taxe sur les transactions financières intraday, au financement des emplois aidés et de nombreuses dispositions pour les jeunes, et, enfin, au soutien à l’investissement des entreprises, pour ne citer que quelques exemples.
Au terme de ce long exercice d’examen, je veux saluer ici la qualité du travail qui a été réalisé par l’ensemble des parlementaires, des collaborateurs et personnels techniques et administratifs du Sénat.
La comparaison des projets produits par nos deux assemblées me conduit à formuler trois remarques en guise de conclusion.
Premièrement, je le disais à l’instant, sur la sécurité de nos concitoyens et le soutien à nos forces de police et de gendarmerie ainsi qu’à nos forces militaires, nous avons démontré notre capacité à nous rassembler ; cela mérite d’être souligné.
Deuxièmement, sur les grandes orientations économiques et financières pour notre pays, des divergences fondamentales demeurent, il est vrai, entre la droite et la gauche, qui ressortent des deux projets de budget successivement approuvés à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Je pourrai résumer ce qui nous sépare et qui justifiera, de notre point de vue, le rejet de la motion tendant à opposer la question préalable : d’un côté, des choix plus solidaires, une plus grande justice sociale, un soutien beaucoup plus affirmé aux services publics, une rigueur budgétaire réelle mais adaptée à la conjoncture actuelle ; de votre côté, la préférence pour toujours moins d’État, moins de cohésion sociale, moins de redistribution, plus d’individualisme et une très grande rigueur budgétaire, mais qui n’a pourtant jamais été mise en œuvre par le passé…
J’ajouterai un troisième regret au terme de cette nouvelle lecture. Dans le budget présenté par la majorité sénatoriale, il manquait beaucoup de missions. Bien que, sur ces missions, des désaccords persistent entre nous, cette absence est particulièrement regrettable, car elle nous empêche de voir si une autre option de politique budgétaire pour notre pays est crédible. Cela montre aujourd’hui une réelle incapacité de l’opposition nationale et de la majorité sénatoriale à préconiser, en tout cas à illustrer concrètement, à « documenter » une vraie politique budgétaire alternative. Il n’y en a pas ! Telle est la conclusion que je tire à ce stade.
Vous comprendrez, dans ces conditions, que nous ne votions pas la motion tendant à opposer la question préalable. Nous préférerions en rester au projet de budget tel qu’il est issu des travaux de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2016 nous revient en nouvelle lecture dans une version qui diffère au fond assez peu de celle qui avait été initialement soumise au Sénat. L’opinion générale des écologistes sur la politique que ce texte définit n’a donc pas non plus beaucoup varié.
Nous persistons à considérer qu’il était et qu’il est toujours assez inopportun de chercher à réduire le déficit à marche forcée, en même temps que l’on garantit aux entreprises des dizaines de milliards d’euros de nouvelles exonérations fiscales et sociales. Pour un bénéfice au final très discutable, cette politique a un coût très élevé : d’abord, à travers le transfert de fiscalité en faveur des entreprises ; ensuite, par le recul des services publics, notamment dans les territoires périphériques. Or, malheureusement, force est de constater que la population la plus touchée par cette politique est aussi celle qui exprime, scrutin après scrutin, un sentiment d’abandon toujours plus prégnant.
Nous n’avons toujours pas compris, par ailleurs, quel aura été l’impact budgétaire réel des quelque 750 millions d’euros de dépenses nouvelles relatives à la sécurité – nous les avons tous votées – engagées en urgence après les attentats. Les expressions successives du Président de la République, lors du Congrès, et des différents ministres, de Bercy ou des relations avec le Parlement, ont été pour le moins contradictoires à ce sujet. Pourriez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d’État, quel traitement budgétaire a finalement été réservé à ces 750 millions d’euros ? Contribuent-ils à dégrader le solde ou bien ont-ils été compensés et, dans ce dernier cas, par quoi ?
En matière d’écologie, la contribution essentielle de ce projet de loi reste la réduction de près d’un millier d’emplois au sein de la mission. On y cherchera donc vainement la traduction du sentiment d’urgence qui a émaillé les discours du Président de la République et du ministre des affaires étrangères lors de la COP 21.
Pour le reste de la politique budgétaire et fiscale relative à la transition écologique, nous sommes censés nous référer au projet de loi de finances rectificative. J’ai eu l’occasion, à maintes reprises, en me répétant quelque peu, d’exprimer mon profond regret devant cette répartition des mesures tout à fait inappropriée. S’il fallait en proposer une illustration, ce pourrait être la vie fulgurante de l’article 8 bis de ce projet de loi.
Introduit à l’Assemblée nationale par le Gouvernement, cet article amorçait, dans l’urgence, un rattrapage de fiscalité entre l’essence et le diesel. D’emblée, la répartition annoncée avait donc vécu, puisque l’on examinait une partie de la fiscalité des carburants, et une partie seulement, dans le projet de loi de finances.
Après la suppression de cet article par le Sénat, on s’attendait à ce que le Gouvernement, mû par la même nécessité qu’en première lecture, en demande le rétablissement à l’Assemblée nationale. Mais non ! Le projet de loi de finances rectificative en navette semblait désormais le satisfaire, et le leurre de l’article 8 bis ayant dignement rempli son office fut abandonné.
Pour reprendre une expression qui a souvent cours au sein de la commission des finances – depuis Jean Arthuis, me semble-t-il –, le Gouvernement, en jouant sur des renvois complexes entre le projet de loi de finances et le projet de loi de finances rectificative, nous demande, au moment d’adopter l’un des textes, « d’acheter un lapin dans un sac » ! Il va donc nous falloir réfléchir, mes chers collègues, aux moyens d’ausculter le lapin pour redonner un peu de cohérence à nos discussions non pas cynégétiques mais budgétaires de l’automne.
Même si le texte, je l’ai dit, a peu bougé, il me faut tout de même relever, sans prétendre à l’exhaustivité, quelques évolutions positives par rapport à la première lecture.
Tout d’abord, trois de nos amendements, adoptés par le Sénat, ont été maintenus par l’Assemblée nationale : l’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les zones Natura 2000 ; la sécurisation législative des modalités de financement des associations de surveillance de la qualité de l’air ; la demande d’enrichissement des annexes budgétaires à propos des contentieux européens. La baisse de la TVA sur les protections hygiéniques féminines a également été préservée ; j’en remercie le Gouvernement.
Ensuite, sur quelques autres sujets, l’Assemblée nationale a rétabli sa version, que le Sénat avait, de mon point de vue, dégradée. Je pense par exemple à la TGAP sur les installations classées, à la taxe intrajournalière sur les transactions financières ou encore à l’amorce d’une CSG progressive, réintroduites dans le texte.
Je regrette en revanche que l’Assemblée nationale n’ait pas préservé le crédit de taxe sur les salaires inférieurs à 2,5 SMIC pour les organismes privés à but non lucratif du secteur sanitaire et social.
Si ce texte est encore loin de ce qu’attendaient les écologistes, la version qui nous est soumise en nouvelle lecture constitue néanmoins une amélioration, sur un certain nombre de points précis, par le travail successif des deux chambres.
Pour conclure, je souhaiterais rappeler que c’était la première année que le projet de loi de finances s’accompagnait d’un rapport sur les nouveaux indicateurs de richesse. Je m’en félicite et je renouvelle mon souhait, pour les années à venir, que ce rapport bénéficie d’un contenu plus abouti et puisse, concrètement, participer de la définition de notre politique budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Sénat avait pleinement joué son rôle en première lecture, examinant le projet de loi de finances pour 2016 jusqu’à son terme, y apportant un grand nombre de modifications substantielles, souhaitant ainsi y imprimer sa marque.
Las, comme l’on pouvait s’y attendre, après une commission mixte paritaire qui fut, certes, cordiale mais brève et surtout non conclusive, la majorité gouvernementale n’a pas jugé bon, lors de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, de retenir les principales propositions de la Haute Assemblée.
M. Alain Fouché. C’est dommage !
M. Philippe Dallier. À vrai dire, cela ne nous étonne guère.
Pourtant, les propositions du Sénat étaient favorables aussi bien aux familles qu’aux entreprises, comme elles l’étaient pour nos collectivités territoriales, sur lesquelles le Gouvernement continue de faire peser, en grande partie, le faible effort de réduction de son propre budget, les conduisant inexorablement dans une impasse budgétaire.
Alors qu’avions-nous fait, ici au Sénat ?
Nous nous étions tout d’abord attachés à redonner du pouvoir d’achat aux familles et aux classes moyennes, qui, répétons-le, sont les premières victimes de la politique fiscale que le Gouvernement s’entête à conduire depuis bientôt quatre ans. La majorité sénatoriale avait ainsi choisi de transformer la baisse de l’impôt sur le revenu, proposée par le Gouvernement, qui était concentrée sur les premiers déciles, en une baisse du taux marginal d’imposition de la troisième tranche du barème, le ramenant de 30 % à 28 %.
Cette modification du barème de l’impôt sur le revenu permettait de redonner du pouvoir d’achat à 5 millions de contribuables, la véritable classe moyenne, celle sur la définition de laquelle nous ne parvenons toujours pas à nous mettre d’accord, monsieur le secrétaire d’État, mais qui a subi de plein fouet les effets de votre politique fiscale.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Philippe Dallier. Rappelons-le : le gain esquinté… je voulais dire « escompté » (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)…
M. Jean-Claude Carle. Esquinté aussi ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. … au titre de cette mesure était en moyenne de 400 euros par foyer fiscal, ce qui – vous auriez pu en convenir – était loin d’être négligeable pour le pouvoir d’achat.
Nous avions adopté une autre mesure fiscale : le relèvement du quotient familial, de 1 500 à 1 750 euros par demi-part, permettant de revenir partiellement sur les effets des deux baisses successives de ce quotient.
Avec ces deux mesures, nous proposions de réduire nettement le poids des prélèvements obligatoires pesant sur les familles et sur les classes moyennes, à rebours de votre politique, qui les a fortement pénalisées depuis 2012.
Monsieur le secrétaire d’État, ne nous leurrons pas : la baisse d’impôts que vous nous proposez est l’arbre qui cache la forêt. Contrairement à ce qu’assure le Gouvernement, il n’y aura pas de pause fiscale en 2016. M. le rapporteur général l’a rappelé. La multiplication des hausses de taxes dans le collectif budgétaire, que nous allons également examiner cette après-midi, l’illustre parfaitement.
Nous n’avons qu’une seule petite satisfaction : si l’instauration d’une déclaration automatique des revenus tirés par les particuliers de leurs activités sur les plateformes en ligne de l’économie collaborative n’a pas été retenue par les députés, le Sénat peut se féliciter que, dans la continuité des travaux de sa commission des finances, les sites internet concernés aient désormais l’obligation, en fin d’année, d’adresser à leurs clients un récapitulatif des sommes perçues. C’est un tout petit pas, mais au moins il existe.
Cela étant, nous regrettons la suppression de la franchise fiscale de 5 000 euros, que le Sénat avait adoptée à la quasi-unanimité et qui résultait de la réflexion d’un groupe de travail transpartisan. À l’évidence, il faudra aller plus loin dans ce domaine, comme pour la perception de la TVA liée au commerce électronique. Sinon, nous serons condamnés à voir fondre comme neige au soleil les rentrées fiscales dont nous avons tant besoin.
Bien entendu, la majorité sénatoriale s’était également montrée attentive au sort des entreprises, en prolongeant le suramortissement Macron et en l’étendant à toutes les coopératives professionnelles, aux installations de magasinage et de stockage de produits agricoles. Nous entendions ainsi adresser un signal fort aux agriculteurs français, dont l’état de détresse est aujourd’hui alarmant.
Nous avions également introduit la possibilité de renoncer à l’option pour la moyenne triennale, afin de limiter l’imposition.
De même, nous avions supprimé diverses taxes pour les agriculteurs, allégé les charges patronales des entreprises agricoles pour leurs salariés permanents touchant jusqu’à 1,5 SMIC, ou encore maintenu l’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties dans les zones Natura 2000. Il s’agissait là de mesures vitales pour le monde agricole.
Il est regrettable que ces dispositions n’aient pas toutes été retenues dans le projet de loi de finances. Mais elles ont été en grande partie reprises par le Gouvernement et sa majorité, pour leur propre compte, dans le collectif budgétaire. Au moins le Sénat vous aura-t-il inspirés !
En outre, nous avions supprimé la taxe sur les farines, qui bride la compétitivité de nos meuniers en aggravant les distorsions de concurrence au bénéfice de leurs homologues étrangers. Nous regrettons fortement le rétablissement de cette taxe par les députés.
Soucieux de l’avenir de la place de Paris, nous avions supprimé l’élargissement du champ de la taxe sur les transactions financières aux transactions intrajournalières. Il s’agissait ni plus ni moins que de préserver la compétitivité de la place de Paris. Mais, à l’Assemblée nationale, votre majorité a préféré opter pour un nouvel affaiblissement du système bancaire français. Nous le répétons : à notre sens, de telles mesures ne devraient être prises qu’à l’échelle de l’Europe. Il en est de même de la communication des données financières relatives à nos entreprises, disposition que l’Assemblée nationale a heureusement fait sauter du présent texte.
Enfin, nous avions tenu à atténuer la brutalité de l’effort demandé aux collectivités territoriales. Ces dernières – nous avons eu ce débat à de nombreuses reprises – sont contraintes de renoncer à une partie de leurs dépenses d’investissement au détriment de la croissance, et nombre d’entre elles sont obligées d’augmenter les impôts locaux.
À cet égard, nous avions adopté une position responsable consistant à minorer de 1,6 milliard d’euros la baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales, correspondant au coût des normes transférées par l’État aux collectivités et à geler la hausse de la péréquation verticale et horizontale. Nous avions également supprimé le transfert aux régions, à compter de 2017, de la moitié du produit de la CVAE que perçoivent les départements. Cette mesure privera ces derniers d’une recette dynamique de 4 milliards d’euros,…
M. Michel Bouvard. Eh oui !
M. Philippe Dallier. … alors que leurs finances sont souvent dans le rouge, à cause de la baisse des dotations et surtout de l’augmentation continue des dépenses à caractère social. Nous avions utilement remplacé cette disposition par le versement d’une dotation de compensation des seules compétences transférées des départements vers les régions. Les départements auraient ainsi pu continuer à bénéficier du dynamisme de la CVAE.
Par ailleurs, nous étions totalement revenus sur la réforme de la DGF, en en supprimant les modalités, plutôt que d’accepter un simple report sur les mêmes bases. En la matière, on aboutit à un consensus : ces bases devront être revues. Les simulations qui nous ont été transmises l’ont démontré, nous ne pourrons pas construire une véritable réforme sur les fondements qui nous ont été proposés. Voilà pourquoi nous avons été conduits à réécrire totalement cet article. Nous regrettons que l’Assemblée nationale soit revenue sur notre rédaction.
Au sujet de nos collectivités locales, je tiens à insister sur un autre enjeu. En adoptant un amendement déposé par Patrick Chaize, le Sénat a tenu à rendre éligibles au FCTVA les crédits dépensés par les communes pour remédier au problème des zones blanches. Il ne s’agissait pas d’une dépense considérable. Malheureusement, nos collègues députés ne nous ont pas suivis. Notre idée n’était pas mauvaise et, j’en suis persuadé, il faudra aider les communes à effectuer ces travaux.
Pour compenser le coût des mesures que nous avions proposées, nous avions voté un certain nombre d’économies, notamment sur la masse salariale de l’État, qui, à elle seule, représente 40 % des dépenses de l’État. Dans un souci d’équité, nous avons par exemple souhaité augmenter le temps de travail effectif dans la fonction publique pour le porter à 35 heures et y instaurer trois jours de carence, comme dans le privé.
Au total, nous déplorons qu’aucune de nos mesures les plus substantielles en faveur des familles, des classes moyennes, des entreprises et des collectivités territoriales, qu’aucune de nos propositions d’économies de dépenses n’ait été retenue lors de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, la majorité socialiste s’étant une fois encore ingéniée à détricoter le travail du Sénat. Nos initiatives auraient pourtant permis de rendre du pouvoir d’achat à des Français étranglés par la pression fiscale, de donner un peu plus d’air à nos entreprises et à nos collectivités territoriales, qui, par leurs investissements, sont également des moteurs de la croissance. Or la croissance peine à repartir en France. Elle y redémarre moins rapidement que dans le reste de l’Europe et ne permet pas d’endiguer la montée inexorable du chômage, qui a battu un nouveau record en octobre dernier avec 42 000 chômeurs supplémentaires.
Dans ces conditions, il nous paraît inutile de débattre une nouvelle fois de ce budget, au regard du sort presque certain qui attendrait les propositions du Sénat. C’est la raison pour laquelle les membres du groupe Les Républicains voteront en faveur de la motion tendant à opposer la question préalable déposée par le rapporteur général de la commission des finances, Albéric de Montgolfier, que je tiens à féliciter pour la qualité de son travail…
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Philippe Dallier. … et la ténacité dont il a fait preuve durant ces longues semaines ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. de Montgolfier, au nom de la commission, d'une motion n° 9.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat,
Considérant que le projet de loi de finances pour 2016, établi sur des hypothèses macroéconomiques favorables, ne prévoit aucune marge de sécurité au regard des incertitudes qui entourent la prévision de croissance pour 2016 ;
Considérant qu’il prévoit une réduction de notre déficit structurel inférieure aux recommandations du Conseil de l’Union européenne et des efforts d’économies non documentés et sans effet pérenne sur le niveau de la dépense de l’État et de ses opérateurs ;
Considérant qu’il comprend une hausse sensible des effectifs de l’État, qui n’est due qu’en faible partie au renforcement de la sécurité intérieure et extérieure de notre pays, et traduit ainsi une incapacité à arbitrer entre les missions de l’État ;
Considérant qu’il ne fait porter aucun effort réel sur le temps de travail et la masse salariale de la fonction publique pour contenir le dynamisme de la dépense publique ;
Considérant que la nouvelle diminution des dotations aux collectivités territoriales prévue au projet de loi de finances portera atteinte au niveau d’investissement public et à la croissance en 2016 ;
Considérant que le projet de loi de finances pour 2016 ne comprend aucune mesure fiscale de nature à remédier à l’accroissement de la fiscalité ayant pesé en particulier sur les ménages et les familles depuis 2012 et créé, selon les termes mêmes du Premier ministre, une forme de rupture entre les Français et l'impôt ;
Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur général, pour la motion.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je serai bref, car j’ai déjà présenté dans ses grandes lignes la motion tendant à opposer la question préalable lors de la discussion générale.
Les orateurs qui se sont succédé ont rappelé plusieurs arguments relatifs à la fiscalité. À cet égard, nous sommes en profond désaccord avec un certain nombre de dispositions du texte qui nous revient de l’Assemblée nationale.
Pour ma part, je me contenterai de revenir sur le sujet des économies, évoqué par les uns et les autres, et en particulier sur la masse salariale de l’État.
La masse salariale représente 40 % du budget de l’État. Et l’on s’interdirait d’étudier tout moyen d’en maîtriser l’évolution, notamment au titre des effectifs ? Des divergences d’approches se sont fait jour. Aussi, je tiens à opérer une mise au point.
Certes, les événements dramatiques du 13 novembre ont exigé de nouvelles mesures en matière de sécurité. Les annonces se sont traduites par des amendements, que nous avons approuvés, et vont entraîner des créations d’emplois. Toutefois, avant même ces annonces, le projet de loi de finances initial comportait plus de 8 000 créations de postes, dont, c’est vrai, 4 875 au titre de la révision de la loi relative à la programmation militaire. Les mesures annoncées après le 13 novembre y ajoutent, dès l’année prochaine, 3 560 emplois. Au total, on aboutit à plus de 13 000 créations d’équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, via le projet de loi de finances tel qu’il nous revient de l’Assemblée nationale.
C’est sur ce point que nous nous heurtons à un désaccord de fond. Bien sûr, certaines missions sont prioritaires, notamment les actions liées à la sécurité. Mais, plusieurs orateurs l’ont indiqué, nous souhaiterions que ces priorités soient gagées par des économies : ce n’est pas ce que nous avons observé dans le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale. Cette dernière a, dans l’ensemble, opté pour le rejet des décisions prises par le Sénat.
Certes, nous nous félicitons que la navette ait pu assurer un certain nombre d’apports. Mais nous estimons que, même avec des discussions supplémentaires, nos collègues députés ne reviendront pas sur les orientations qu’ils ont suivies et qui diffèrent très largement des nôtres. Dans ces conditions, une nouvelle lecture n’apporterait rien de plus.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, contre la motion.
M. François Bonhomme. Ça se sent…
M. Richard Yung. Si la question préalable vise simplement à dire qu’il existe deux visions politiques différentes en matière économique et fiscale, nous le savions déjà !
Nous, nous attendions de ces trois semaines de débats longs et fouillés de voir apparaître votre politique alternative puisque vous affirmez qu’il faut réduire le déficit public. Alors, vous proposez tantôt 250 milliards d’euros, tantôt 200 milliards d’euros, tantôt 50 milliards d’euros… J’ai même entendu M. Sarkozy nous proposer 30 milliards d’euros – on en revient à des zones plus modestes…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pour notre part, nous vous proposions 4 milliards d’euros d’économies !
M. Richard Yung. Au fond, nous attendions de savoir comment vous alliez dégager ces 30 milliards d’euros. Ce long débat ne nous a pas permis de le savoir, d’où notre déception.
La majorité sénatoriale critique les hypothèses de croissance suivies pour l’élaboration du projet de loi de finances. Or c’est précisément l’un des points qui bénéficient du consensus des économistes et surtout de l’accord du Haut Conseil des finances publiques. Si nous avons mis sur pied cette instance, c’est précisément pour éviter les débats permanents et les contestations au sujet des hypothèses de croissance… Le Haut Conseil des finances publiques est une institution neutre et sage. Selon lui, une hypothèse de croissance de 1,5 % du PIB est tout à fait atteignable et raisonnable.
Pour ce qui est de l’hypothèse d’inflation, la situation est différente, je l’admets. Mais l’inflation est précisément l’une des variables économiques qui ne sont pas directement entre les mains du Gouvernement : elle dépend pour partie de la Banque centrale européenne et, probablement plus encore, de la situation de l’économie mondiale.
Vous critiquez l’évolution du solde structurel. Mais, là encore, vos reproches ne sont pas fondés. La trajectoire du solde structurel est précisément en avance par rapport aux objectifs de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, votée il y a un peu moins d’un an. Le plan d’économies de 50 milliards d’euros décidé à ce titre a une conséquence directe : nous rapprocher de l’objectif fixé au titre de cet effort structurel. Il sera de 1,5 % du PIB l’année prochaine. C’est précisément le niveau requis par le pacte de stabilité.
Je pourrais développer d’autres arguments. Par exemple, on nous reproche d’abandonner toute rigueur sur le front des effectifs, en créant 13 000 nouveaux emplois publics. Par une autre question préalable, on déclare le Gouvernement incapable de respecter ses propres priorités. Toutefois, si l’on excepte les emplois que nous réclamons à juste titre pour répondre aux priorités actuelles, en particulier dans les secteurs de l’éducation et de la sécurité, la réduction des effectifs de la fonction publique de l’État est de l’ordre de 1 500 équivalents temps plein.
Enfin, s’agissant de la baisse des impôts des ménages, débat que nous avons eu à plusieurs reprises, probablement avec un problème sur la définition de ce qu’est la « classe moyenne », nous avons entendu vos propositions, qui étaient tout de même dirigées vers ce qu’on pourrait appeler les « classes moyennes supérieures » – voire supérieures sans être moyennes. Vous avez dit qu’il n’y avait aucune mesure fiscale de nature à remédier à l’accroissement du poids de la fiscalité sur les ménages depuis 2012, année que vous avez, je présume, choisie au hasard.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Non !
M. Richard Yung. Je rappellerai simplement les pourcentages de ménages imposés sur le revenu : 2009, 43 % ; 2010, 46 % ; 2011, 46,6 % ; 2012, 49,9 %.
M. Jacques Chiron. Atelier mémoire !
M. Richard Yung. Sans vouloir faire de polémique, je m’arrête à 2012, mais chacun verra que l’argument développé en faveur de la question préalable ne tient pas !
Je pourrais continuer, chers collègues de la majorité sénatoriale, mais vous aurez d’ores et déjà compris que nous voterons contre la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement regrette évidemment le dépôt de cette motion tendant à opposer la question préalable. Elle ne permet en effet pas de clarifier les positions, incroyablement floues à l’issue de la première lecture, de la Haute Assemblée, qui avait refusé un certain nombre de crédits de mission, créant ainsi un excédent artificiel ne permettant absolument pas de mesurer ses intentions en matière budgétaire. Il est trop facile et incohérent de voter la moitié des dépenses seulement mais toutes les recettes !
M. Éric Jeansannetas. Bien sûr !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Si nos concitoyens s’interrogent, c’est peut-être parce qu’il y a là une attitude qui n’est pas responsable.
Certains d’entre nous ont eu parfois, à d’autres moments, des positions identiques et tout aussi critiquables, je le reconnais bien volontiers (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), mais, s’il devait y avoir un changement de comportement, je pense que nous gagnerions à nous mettre d’accord sur ce qui rassemble plutôt que de jeter des chiffres plus ou moins à notre avantage dans nos débats.
Ce n’est plus le moment, puisque nous allons passer à la mise aux voix, de savoir qui a tort ou raison de Vincent Delahaye, Albéric de Montgolfier, Maurice Vincent ou Christian Eckert, mais il y a plusieurs constats que nous pourrions partager, comme l’a fort bien dit Maurice Vincent. Plutôt que de les prendre comme référence quand ils nous arrangent, reconnaissons les chiffres pour ce qu’ils sont. Vous connaissez mon métier d’origine. Je m’agace toujours quand j’entends que l’on peut faire dire n’importe quoi aux chiffres. C’est fondamentalement faux : les chiffres traduisent une réalité. Ensuite, chacun peut tourner autour du pot…
J’aurais aimé répondre, mais ce sera possible en d’autres occasions, à un certain nombre de questions précises qui ont été posées. M. Gattolin s’interrogeait ainsi sur le financement des 750 millions d’euros.
Enfin, monsieur Delahaye, je suis un peu irrité que vous oubliiez systématiquement de dire que la prime pour l’emploi a été supprimée et que le produit de l’impôt sur le revenu a donc été artificiellement majoré, de 2014 à 2015, de 2 milliards d’euros. Je le répète donc. Refuser de le reconnaître n’est pas correct. Vous avez bien sûr le droit de critiquer, mais ne déformez pas les choses.
Cela étant dit, l’heure n’est plus aux débats sur telle ou telle disposition : à chacun de prendre ses responsabilités et au Sénat de se prononcer, mais le Gouvernement était évidemment prêt à approfondir la discussion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Nous avons longuement débattu du projet de loi de finances pour 2016 en première lecture. Nous avons mené avec le Gouvernement et l’opposition sénatoriale un débat approfondi et, je le crois, utile, qui a permis d’enrichir le texte, dont plusieurs articles – soixante-treize, si je ne me trompe pas – ont ainsi pu être votés conformes par les deux assemblées.
Dans le même temps, le débat a mis en évidence un certain nombre de désaccords, suffisamment forts pour que le groupe UDI-UC estime nécessaire de voter la motion tendant à opposer la question préalable : une nouvelle lecture n’apporterait pas de nouveaux éléments.
Cela étant dit, je veux revenir sur le débat qui vient d’avoir lieu et dont M. le secrétaire d'État a bien résumé la portée en disant que nous étions là non pas pour nous jeter aux uns et aux autres des chiffres, mais pour voir comment améliorer la situation.
Monsieur le secrétaire d'État, la dette publique est, avez-vous dit, quasiment stabilisée pour l’essentiel. Je crois que presque tout est dans le mot « quasiment ». Et je crains qu’elle ne soit stabilisée à un niveau aussi historiquement haut que le rythme historiquement bas auquel, avez-vous dit aussi, elle progresse, ce qui signifie qu’elle progresse encore… C’est là un de nos points de désaccord : comme le rapporteur général, nous estimons qu’il faudrait être plus volontariste à propos de la réduction de la dette et des déficits. La situation budgétaire s’améliore, assurez-vous, mais si peu…
Notre différence porte en fait souvent sur le rythme. Je pense que le Gouvernement a compris que la situation ne pouvait pas continuer telle qu’elle avait été engagée au début du quinquennat. Pour autant, le correctif qu’il y apporte nous semble insuffisant, ce que confirment les différents classements européens, rappelés par les uns et les autres, qui nous placent en queue de peloton.
Je veux aussi exprimer notre désaccord sur la baisse des dotations, l’ampleur, le rythme, la répartition de l’effort fiscal et, aujourd'hui, son correctif, qui n’est pas très juste : les classes moyennes et les familles souffrent au premier chef.
S’agissant de la dépense publique, sans effort en vue d’une utilisation plus fine des ressources humaines dans la fonction publique et sans adaptation sur le plan du temps de travail, nous n’arriverons pas à contenir la masse salariale. À cet égard, nous estimons que l’augmentation des effectifs ne va pas dans le bon sens et constitue un contre-signal.
Enfin, la situation de l’emploi et du chômage vient, globalement, sanctionner la politique menée.
Pour toutes ces raisons, le groupe UDI-UC votera la motion.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. M. Yung regrettait que nous n’examinions pas une nouvelle fois le projet de loi de finances, argument à un coup qu’il ne pourra pas utiliser quand nous discuterons tout à l’heure de la motion sur le projet de loi de finances rectificative, car vendredi matin, aux alentours de onze heures, le groupe socialiste ne voulait même pas examiner la seconde partie de celui-ci tant le président du groupe était pressé de partir en campagne…
M. Jacques Chiron. C’est nous qui avons voté la première partie !
M. Philippe Dallier. Cela étant dit, je veux profiter de l’occasion pour regretter les conditions dans lesquelles travaillent la commission des finances et, plus généralement, le Sénat. En effet, mes chers collègues, si nous devions examiner à la fois le PLF et le PLFR, ainsi que les 200, 300 ou 400 amendements dont ils auraient fait l’objet, je ne sais pas comment nous ferions !
Pourtant, sur certaines dispositions, il aurait fallu que nous le fassions. Je pense par exemple au Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales. Nous avions trouvé des solutions, l’Assemblée nationale en avait d’autres. Est sorti un texte : vous l’avez là. Et pourtant, en PLFR, dans la nuit de vendredi à samedi, très tard, de nouveaux amendements sur le FPIC pour 2016 sont venus modifier complètement la donne, dans l’espace de la métropole du Grand Paris, mais aussi ailleurs.
C’est tout de même une drôle de manière de procéder : on commence dans le PLF, on finit dans le PLFR ! De la sorte, ces dispositions n’ont pas été discutées dans les deux assemblées – il y a d’ailleurs là, à mon avis, un problème constitutionnel au regard de la règle de « l’entonnoir ».
En tout état de cause, il aurait fallu sur certains points précis une nouvelle lecture, mais avoir à examiner des centaines amendements alors qu’il nous restait si peu de temps pour en débattre aurait relevé de la mission impossible…
Nous ne le ferons donc pas, mais je voulais profiter de l’occasion pour former le vœu que nous disposions d’un peu plus que de vingt jours calendaires pour examiner le budget : c’est vraiment trop court ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 9, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 117 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 188 |
Contre | 156 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le Sénat n’a pas adopté le projet de loi de finances pour 2016 en nouvelle lecture.
5
Nomination de membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne.
La présidence n’a reçu aucune opposition. En conséquence, ces candidatures sont ratifiées.
6
Nomination de membres d'une mission commune d'information
M. le président. Je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour la mission d’information sur l’organisation, la place et le financement de l’Islam en France et de ses lieux de culte.
La présidence n’a reçu aucune opposition. En conséquence, ces candidatures sont ratifiées.
7
Loi de finances rectificative pour 2015
Rejet d’un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de finances rectificative pour 2015 (projet n° 259, rapport n° 263).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, à cette heure avancée, après avoir vécu presque deux mois de session budgétaire et alors que je crois deviner les intentions du Sénat, il me semble vain d’engager la bataille sur tel ou tel thème ou tel ou tel chiffre.
Je me contenterai donc de commenter brièvement ce que vient de dire M. Dallier, qui soulignait le manque de temps accordé à nos débats. Nous devons certes y réfléchir. Pour moi, toutefois, l’évolution souhaitable ne devrait pas se solder par l’allongement des travaux.
Je participe dans les deux assemblées au débat relatif à chacun des deux textes budgétaires – projet de loi de finances et projet de loi de finances rectificative –, et parfois, comme cette année, à la discussion relative au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pardonnez-moi donc de parler, de façon un peu prétentieuse, de manière globale.
Nous sommes effectivement face à un problème. Le Gouvernement prépare les textes budgétaires entre le 15 août et le début du mois de septembre, vous le savez. Ceux-ci prennent en compte la conjoncture du moment : la situation macroéconomique, l’environnement économique, le contexte international, la situation sociale. Les lettres plafonds, elles, sont prêtes entre mai et juin. Pourquoi le projet de loi de finances est-il rédigé à cette période ? Parce qu’il faut le transmettre au Conseil d’État, avant son dépôt en conseil des ministres, en général fin septembre. Ensuite, commencent les délais propres aux travaux des deux assemblées. Finalement, le vote intervient plus de trois mois après que le Gouvernement a rédigé son projet, soit cette année au Sénat le 16 décembre.
En raison de règles constitutionnelles, de la règle de l’entonnoir, des procédures propres à la première et à la deuxième partie, etc., il est toujours difficile de modifier en cours de discussion certains paramètres. Nous n’aurions ainsi peut-être pas inscrit dans le texte aujourd’hui une prévision d’inflation de 1 %. Celle-ci est en effet toujours quasiment nulle alors que, au moment où nous avons préparé le projet de loi de finances, elle était en reprise, et les conséquences de la politique monétaire européenne s’annonçaient plus efficaces, je vous le dis avec beaucoup d’humilité. Cette remarque est valable sur beaucoup de sujets.
Par ailleurs, à l’époque, nous n’avions pas décidé d’engager certaines interventions militaires à l’extérieur ou d’accroître notre effort pour renforcer les conditions de la sécurité intérieure.
Ce n’est, bien sûr, pas le moment de lancer ce travail et l’année prochaine sera consacrée probablement à d’autres réflexions, mais nous devrions réfléchir un jour à cette construction budgétaire. Vous nous dites, et je peux le comprendre, qu’elle est trop ramassée dans le temps pour vous permettre de travailler. Je pense pourtant, avec le recul que me confèrent mes fonctions, qu’elle est finalement trop longue.
Des décisions annoncées au moment où le Gouvernement dévoile son projet ne sont finalement votées que trois mois plus tard et, concernant l’impôt, par exemple, ne produisent la plupart du temps leurs effets en terme de paiement qu’au mois de septembre de l’année qui suit !
Vous, représentants du pouvoir législatif, et moi, représentant de l’exécutif, sommes confrontés à une difficulté dans notre relation avec le citoyen, lequel entend parler d’une réduction d’impôt au mois de septembre – qu’il y croît ou non, que vous l’approuviez ou non –, mais n’en bénéficiera concrètement qu’au mois de septembre de l’année suivante, soit plus d’un an plus tard. Il en va d’ailleurs de même s’il s’agit d’une augmentation d’impôt.
C’est là l’une des raisons qui me conduiront à défendre l’idée de la retenue à la source, concernant l’impôt. En matière budgétaire comme dans d’autres domaines, il nous faut rapprocher la concrétisation de nos décisions du moment où nous les prenons. En ce sens, le temps de la discussion budgétaire me paraît trop long.
Je profite de cette prise de parole sur le présent texte pour remercier l’ensemble des acteurs de ce débat budgétaire. Madame la présidente de la commission, bien entendu, de son talent dans la prévision de l’heure de fin de séance ! (Sourires.)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Ça, je sais faire !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Grâce à cette faculté comme à toutes ses autres qualités, elle a présidé à la bonne organisation de nos travaux.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Merci !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je remercie également M. le rapporteur général de la précision, de la courtoisie et de la fermeté – c’est normal – de ses prises de position et de ses analyses de l’ensemble des textes qui sont soumis, et la présidence de la séance, qui a supporté nos états d’âme, nos énervements, les horaires parfois indus, jusqu’à plus de trois heures du matin, dernièrement.
Mes remerciements s’adressent également à tous les collaborateurs, ceux de la commission des finances et ceux des groupes parlementaires, ainsi qu’à l’ensemble d’entre vous, mesdames, messieurs les sénatrices et sénateurs, qui, même dans la confrontation, conservez toujours votre courtoisie.
Nous aurions peut-être attendu des débats un peu plus constructifs sur certains points, mais cette remarque vaut pour le Gouvernement comme pour la majorité sénatoriale, voire pour l’opposition. Nous devons y travailler, cela a été dit à plusieurs reprises. Plutôt que de réagir à chaud à des événements électoraux, je considère qu’il vaut mieux, parfois, se donner un peu de temps. C’est l’esprit qui règne souvent au Sénat, et je vous en remercie toutes et tous.
Je vous invite enfin, bien sûr, à ne pas laisser le dernier mot à l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances rectificative ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai cru un instant que le Gouvernement allait réviser ses hypothèses d’inflation ! Cela aurait pu me conduire à retirer la motion tendant à opposer la question préalable ! (Sourires.) Mais j’ai bien compris que tel n’était pas le cas.
Cela étant, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 14 décembre dernier, n’est pas parvenue à établir un texte commun sur le projet de loi de finances rectificative pour 2015, en raison de points de désaccord résumés dans le texte de la motion précitée, que la commission des finances a décidé de proposer au Sénat. Je vais les présenter rapidement.
Le projet de loi de finances rectificative pour 2015 entérine une nouvelle dégradation du solde budgétaire entre les dates d’exécution, de 2014 à 2015, de 3 milliards d’euros et, en conséquence, une nouvelle augmentation de la part de la dette publique dans la richesse nationale.
Ce texte traduit une hausse des dépenses de l’État, dont les effets sont seulement limités par un prélèvement sur le Fonds national de gestion des risques en agriculture et par des économies de constatation sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne ainsi que sur la charge de la dette.
L’ampleur inédite du schéma de fin de gestion pour 2015 témoigne de l’incapacité du Gouvernement à respecter les priorités qu’il a lui-même fixées en loi de finances initiale, ainsi que d’un manque de transparence sur les objectifs de la mise en réserve de crédits, qui atteignent maintenant 8 %.
On peut regretter – je souscris aux propos tenus à l’instant sur l’organisation de nos travaux – que le collectif budgétaire comporte une réforme d’ampleur de la fiscalité énergétique, laquelle aurait dû trouver sa place dans le cadre du projet de loi de finances initiale. Elle contribuera à alourdir la fiscalité pesant sur les entreprises et les ménages dans les années à venir.
Ce projet de loi de finances rectificative comprend de nombreuses mesures introduites par voie d’amendement sur l’initiative de parlementaires ou du Gouvernement, dans des conditions n’ayant pas permis leur examen approfondi. Nous le déplorons, comme nos collègues de l’Assemblée nationale.
Pour toutes ces raisons de fond, la commission mixte paritaire a échoué. Toutefois, l’Assemblée nationale a conservé un nombre significatif d’apports du Sénat.
Le projet de loi de finances rectificative pour 2015 comptait initialement quarante-quatre articles, dont l’article liminaire. À l’issue de la discussion en première lecture par l’Assemblée nationale et de l’adoption de nombreux amendements – le Sénat est moins prolixe ! –, il en comportait cent dix.
Lors de sa première lecture, le Sénat a adopté soixante-quatre articles conformes ; trente-quatre ont été modifiés, onze supprimés et vingt-quatre ajoutés. En conséquence, soixante-neuf articles restaient en discussion en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale.
À cette occasion, l’Assemblée nationale a adopté une rédaction conforme à celle du Sénat sur quarante-quatre articles et modifié son texte de première lecture sur douze articles, dont onze aboutissaient à un accord partiel avec les propositions du Sénat en première lecture. Elle a seulement rétabli son texte de première lecture sur dix articles et supprimé quatre articles introduits par le Sénat.
Parmi les dispositions reprises par l’Assemblée nationale, je citerai la suppression de l’article 25 nonies, relatif à l’extension de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, à laquelle nous nous étions fermement opposés, ainsi que la suppression de l’article 30 ter, instaurant la déductibilité de TVA pour les véhicules à essence, afin de protéger nos constructeurs automobiles. L’article 30 quater relatif à l’application rétroactive du taux spécifique de TVA à 2,1 % à la presse en ligne a également été supprimé, de même que l’article 35 undecies obligeant les grandes entreprises à publier les informations relatives aux activités et aux bénéfices de leurs implantations pays par pays, le fameux reporting.
L’Assemblée nationale n’a toutefois pas seulement confirmé des suppressions. Elle a adopté des dispositions nouvelles introduites par le Sénat, comme celles qui sont relatives à la réforme de l’ISF-PME à l’article 13, en reprenant nombre de nos propositions ou encore nos apports à l’article 35 quater relatif aux dons aux victimes du terrorisme, dont le champ a été étendu en faveur des policiers, des pompiers et des militaires.
Elle a également adopté l’article 42 bis A, qui impose au Gouvernement de déposer un rapport tous les ans sur le montant et l’utilisation des crédits reportés en retenant une date de remise au 30 juin de chaque année. Elle a retenu également l’article 16 terdecies affectant la taxe d’aviation civile au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » adopté sur l’initiative de notre collègue Vincent Capo-Canellas, qui s’en réjouit !
Malgré ces éléments, nous pouvons bien évidemment nourrir certains regrets, notamment en matière de fiscalité énergétique, puisque l’Assemblée nationale est revenue sur son texte de première lecture concernant l’article 3 créant le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique ». Cette modification est d’ailleurs intervenue en cours de navette, ce qui est pour le moins surprenant. Nos regrets s’attachent également à l’article 11, relatif à la fiscalité des énergies, et à l’article 11 ter, que nous avions supprimé en tant que cavalier budgétaire.
L’Assemblée nationale n’a pas non plus repris nos propositions d’amélioration du comité consultatif du crédit d’impôt recherche à l’article 19, alors même que les amendements que nous avions adoptés étaient consensuels, ni les compléments que nos avions apportés à la révision des valeurs locatives des locaux professionnels. Nous regrettons cette position, s’agissant d’une réforme d’ampleur dans laquelle le Sénat avait veillé à préserver les intérêts des collectivités locales en matière de recettes.
Nous déplorons surtout que le Gouvernement ait choisi d’ouvrir de nouveaux sujets en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, en contradiction avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui interdit d’introduire de nouvelles dispositions à ce stade de la discussion.
Ainsi, l’adoption très tardive, cette nuit, de deux amendements à l’article 21 concernant le FPIC, le Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales. Cette question est pourtant sans rapport avec cet article, lequel traite seulement des locaux professionnels.
Un amendement du Gouvernement introduit ainsi trois paragraphes supplémentaires à cet article qui réforment l’architecture même du FPIC et qui emporteront des conséquences très fortes pour les communes d’Île-de-France. Un tel ajout est contraire, selon moi, je le répète, à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Malgré les regrets que j’ai exprimés, en particulier sur le crédit d’impôt recherche ou la révision des valeurs locatives, je voudrais en conclusion saluer l’attitude constructive, lors de la commission mixte paritaire, de nos collègues de l’Assemblée nationale et de Mme la rapporteure générale qui, malgré nos divergences, ont accepté de reprendre nombre des dispositions introduites par le Sénat.
La commission des finances a cependant estimé que même si le Sénat rétablissait son texte en nouvelle lecture, une nouvelle navette ne serait pas de nature à faire évoluer fondamentalement les choses, en particulier sur les points de désaccord majeur tels que la fiscalité énergétique. Monsieur Dallier, nous pourrions dans l’idéal refaire une lecture uniquement de l’article 21, mais nous allons nous épargner cette peine.
Pour cette raison, la commission des finances soumet au Sénat, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2015, une motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Michel Canevet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe UDI-UC, lorsqu’il l’a consulté, s’est demandé si le présent projet de loi de finances rectificative pour 2015 n’était pas plus important que le projet de loi de finances qu’avait présenté le Gouvernement pour 2016 tant il comportait de mesures. Cela nous a inquiétés, car, théoriquement, le collectif ne fait qu’apporter à la marge un certain nombre d’adaptations à la loi de finances initiale.
Le Sénat a bien sûr enrichi ce texte, bien que son examen ait dû être réalisé dans un laps de temps extrêmement court, puisqu’il était encore en discussion à l’Assemblée nationale cette nuit. C’est dire le peu de temps dont nous disposions pour l’examiner. Le débat sur les conditions dans lesquelles le Parlement examine les textes budgétaires qu'a évoqué tout à l’heure Philippe Dallier, puis vous-même, monsieur le secrétaire d'État, mérite d’être ouvert. Un tel débat a d’ailleurs lieu dans les collectivités locales où nos collègues élus ont parfois du mal à absorber quantité de dispositions budgétaires. Cela doit nous amener au plus haut niveau à réfléchir à la manière la plus efficace à la fois de faire passer les messages et de traiter ces questions budgétaires extrêmement importantes.
Celles-ci sont d’autant plus importantes que, comme chacun le sait, la situation est particulièrement préoccupante. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez affirmé que la situation financière s’améliorait. Or, comme l’a dit Vincent Delahaye, le groupe UDI-UC ne partage pas cette façon de voir les choses.
Ainsi, pour ce qui concerne les perspectives de croissance tout d’abord, alors que l’année 2015 avait assez bien commencé – une croissance de 0,7 % avait été enregistrée au premier trimestre –, force est de le constater, cette tendance ne s’est pas confirmée le reste de l’année. Au contraire, la tendance est devenue plutôt atone, nous faisant même douter que soient atteintes les perspectives envisagées par le Gouvernement en début d’année.
Chacun mesure bien que la situation économique de notre pays suscite des positions contestataires chez bon nombre de nos concitoyens. Nous avons d’ailleurs pu le vérifier au vu du résultat sorti des urnes ces deux derniers dimanches. Comme mes collègues, j’ai été ravi d’entendre qu’un certain nombre de responsables politiques allaient prendre ce fait en compte. Oui, il faut effectivement prendre en considération cette réalité, et constater ensemble que la politique menée par le Gouvernement en direction des entreprises ne prend pas le bon chemin et doit être corrigée.
Pour le groupe UDI-UC, cela consiste à rendre nos entreprises un peu plus compétitives, mais à la différence du Gouvernement, il n’envisage pas d’engager des baisses de charges sans compensation financière. Nous considérons au contraire que, dès lors qu’elles sont octroyées, les baisses de charges doivent être compensées. La solution n’est certainement pas d’accroître le déficit de notre pays. Bon nombre de nos concitoyens déplorent que les responsables politiques ne prennent pas assez en compte cette réalité, et que nous laissions à la charge de nos enfants des dettes absolument colossales.
Nous devons au contraire prendre les mesures nécessaires au financement des réductions de charges. Bien qu’elles soient dénoncées sur certaines travées de cet hémicycle en certaines circonstances, celles-ci sont la condition du retour à l’équilibre des finances publiques qui est un objectif que nous, élus centristes au sein de cette assemblée, poursuivons clairement.
Pour ce qui concerne les chiffres de l’emploi, si un regain a été observé après l’été avec une baisse de 25 000 chômeurs au mois de septembre, le constat établi en octobre est particulièrement préoccupant, puisque 42 000 demandeurs d’emploi supplémentaires ont été dénombrés. Cette situation appelle un sursaut absolu et des mesures correctives qu’il faudra mettre en œuvre en 2016 dans le cadre du projet de loi de finances rectificative au projet de loi de finances initiale, qui, à notre sens, ne va pas suffisamment loin en la matière, ce qui explique le dépôt de la motion tendant à opposer la question préalable qui lui a été défendue tout à l’heure.
En matière de produits fiscaux, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2015, les recettes de l’impôt sur le revenu augmentent. C’est tout à fait paradoxal, comme Vincent Delahaye l’a indiqué précédemment, car la charge repose sur un petit nombre de contribuables, ce nombre ne cessant de diminuer.
Nous en sommes d’autant plus préoccupés que nous, élus centristes, considérons que tout le monde doit acquitter l’impôt sur le revenu, même de façon extrêmement modeste, en fonction de sa capacité contributive. C’est à notre sens l’acte citoyen qui permettra à chacun de se rendre compte que les services publics ne sont pas rendus de façon gratuite.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Michel Canevet. Un changement de vision en la matière est nécessaire, car le nombre de foyers imposables ne cesse de baisser – la proportion était de 47,5 % l’année dernière – et il va encore diminuer en 2015 et, hélas, en 2016, ce qui va à l’encontre du principe que je viens d’énoncer. Les ressources liées à l’impôt sur le revenu augmentant, la charge qui pèse sur ceux qui en payent ne cesse en effet de croître – Vincent Delahaye a fort bien exposé notre préoccupation en l’espèce.
En outre, plusieurs dispositions de ce projet de loi de finances rectificative manquent selon nous de clarté. Je pense notamment à la fiscalité sur les carburants qui mériterait d’être clairement définie pour que les citoyens sachent où l’on va. Philippe Dallier a également évoqué tout à l’heure les mesures adoptées la nuit dernière par l’Assemblée nationale sur le FPIC pour les collectivités de la région d’Île-de-France. Alors que des solutions d’apaisement avaient été trouvées grâce à une réflexion approfondie dans l’enceinte sénatoriale, l’Assemblée nationale a encore modifié les choses en créant des difficultés là où des solutions avaient été trouvées. Cette manière de procéder ne nous semble pas satisfaisante.
Pour toutes ces raisons, le groupe UDI-UC, attaché à un rétablissement le plus vertueux possible des comptes publics, à une vraie relance de l’économie fondée sur la confiance vis-à-vis des entrepreneurs et non sur leur stigmatisation, votera la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal.
M. Claude Raynal. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous en avons désormais l’habitude au Sénat, les nouvelles lectures des textes budgétaires ont vocation à se solder par le dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable.
Si elle est parfois difficile à comprendre hors de nos murs, cette démarche ne nous étonne pas. Lors de la première lecture du texte la semaine dernière, le Sénat a pu faire prendre en considération sa vision politique propre sur certains sujets. Au final, la majorité sénatoriale a d’ailleurs très largement approuvé les principales mesures proposées par le Gouvernement dans le cadre de ce collectif budgétaire.
Toutefois, des désaccords sur des points importants – appréciations divergentes sur le solde budgétaire ou sur la fiscalité énergétique – n’ont pu être dépassés, aboutissant à l’échec de la commission mixte paritaire.
Entre vendredi dernier et ce jour, je ne pense pas que les positions des uns et des autres aient évolué ; ce serait pour le moins étonnant, et notre débat d’aujourd’hui montre que tel n’est pas le cas. Il n’y a donc pas lieu d’exposer de nouveau point par point les mêmes désaccords qui nous ont amenés à examiner le présent texte jusqu’au milieu de la nuit de vendredi.
Pour notre part, nous nous félicitons que l’Assemblée nationale ait pu confirmer hier soir plusieurs dispositions adoptées par le Sénat sur l’initiative du groupe socialiste et républicain.
En matière d’économie sociale et solidaire tout d’abord, puisque les dispositifs incitatifs drainant l’épargne des particuliers vers l’investissement productif des PME, à savoir l’ISF-PME et le dispositif Madelin, sont renforcés à destination des entreprises solidaires d’utilité sociale.
En matière d’investissement local ensuite, car il est légitime que les investissements réalisés par les collectivités territoriales dans le cadre du plan Très haut débit soient éligibles au remboursement de la TVA via le FCTVA. Le groupe socialiste et républicain avait déjà fait adopter, lors de l’examen du projet de loi de finances, une disposition permettant de couvrir les exercices 2016 à 2022. Le collectif budgétaire était l’occasion de s’assurer que ces remboursements couvrent également l’année 2015. L’Assemblée nationale a préféré introduire cette mesure au moment de la nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2016, mais il reste que ce point est désormais satisfait. Ce sont donc environ 50 millions d’euros au service de l’investissement qui seront fléchés vers nos territoires.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Claude Raynal. Par ailleurs, nous réitérons notre soutien au Gouvernement à propos du texte qu’il a soumis au Parlement. Ce collectif budgétaire confirme la tenue de nos engagements en matière de trajectoire des finances publiques. Oui, l’objectif de déficit public qui avait été fixé à l’automne 2014 sera bien tenu pour l’exercice qui se conclut, à savoir 3,8 %.
C’est cette maîtrise de la dépense publique que nous respectons depuis 2012 qui permet de dégager des moyens supplémentaires en tant que de besoin – et cela a malheureusement été nécessaire à la fin de cette année –, mais également de poursuivre les baisses d’impôt en cours depuis l’année dernière pour les entreprises et les ménages, en particulier pour les ménages les plus en difficulté et non pas pour les classes moyennes supérieures, comme cela a été indiqué tout à l’heure.
Rappelons que pour la première fois depuis 2009 le taux des prélèvements obligatoires a diminué cette année en France.
MM. Didier Guillaume et Jacques Chiron. Eh oui !
M. Claude Raynal. En matière de fiscalité écologique, le présent texte contient des mesures qui vont dans le bon sens, quelques jours après l’accord historique conclu sur le climat, ici même à Paris. Le développement de la fiscalité écologique se poursuit, et, dans un objectif de prévisibilité, un prix pour la tonne de carbone a été défini pour 2017, ce qui permettra d’atteindre l’objectif, fixé par la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte, de 56 euros par tonne en 2020.
Nous nous félicitons également de l’adoption de la réforme de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, réforme qui permettra de mettre à contribution les énergies carbonées émettrices de gaz à effet de serre pour financer la transition énergétique. En l’espèce, la création d’un compte d’affectation spéciale permettra également, en retraçant le suivi des recettes et des dépenses, d’assurer un contrôle démocratique renforcé du Parlement.
Je tiens toutefois à rappeler notre désaccord quant à la suppression, pour 2017, des modulations du tarif de l’essence, du gazole et du GPL par la majorité sénatoriale, lors de la première lecture. En effet, nous tenons aux mesures ambitieuses proposées en matière de convergence des fiscalités du gazole et de l’essence, ce qui permet d’envoyer un signal fort aux particuliers comme aux entreprises de tous les secteurs, ainsi, évidemment, qu’aux fabricants de véhicules.
Par ailleurs, nous saluons les mesures qui ont été adoptées à la suite des attentats du 13 novembre dernier. Les dons consentis au profit des victimes d’actes de terrorisme ou de leurs proches, notamment grâce à l’adoption à l’unanimité par le Sénat d’amendements, aux militaires, aux policiers et aux gendarmes blessés seront exonérés de droits de mutation. En outre, le fonds doté de 4 millions d’euros qui a été créé est destiné à aider les salles de spectacle pour faire face aux annulations dues aux attentats et aux dépenses liées à la sécurité. C’est une excellente chose.
Enfin, plusieurs dispositions ont été prises en faveur des territoires. Je tiens, notamment, à souligner la création d’un fonds exceptionnel de soutien aux départements en difficulté, à hauteur de 50 millions d’euros. C’était indispensable pour la dizaine de départements concernés.
Plus largement, nous nous réjouissons que le Gouvernement se soit engagé à présenter, dans les premiers mois de l’année 2016, des propositions de nature à apporter une solution pérenne au financement des allocations individuelles de solidarité gérées par les départements.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, même si la majeure partie de ce texte a notre soutien et si le groupe socialiste et républicain a pu faire valoir ses propositions lors de sa discussion, du fait des désaccords avec la majorité sénatoriale que je viens de souligner, nous nous serions de nouveau abstenus sur ce projet de loi de finances rectificative à l’issue de son examen, si la discussion s’était poursuivie.
M. Didier Guillaume. C’est vrai ! Nous aurions aimé le faire !
M. Claude Raynal. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre la motion tendant à opposer la question préalable que nous examinerons dans quelques minutes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Vous seriez bien embêtés si elle n’était pas adoptée !
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, on ne peut qu’être frappé par la légèreté de la première partie de ce projet de loi de finances rectificative que je qualifierai de « petit nécessaire de circonstance », ce que l’on appelle communément un « baise-en-ville », pour finir l’année 2015, et l’obésité de la seconde, véritable hotte de Noël où s’entassent des mesures qui ne sont pas toujours des cadeaux pour les années futures.
Si l’incidence sur le solde de 2015 est donc modérée, ce dont il convient de se féliciter, monsieur le secrétaire d'État, circonvenir à ce point le sens de notre procédure budgétaire ne paraît pas, à mon sens, de bon aloi. Il reviendra au Parlement, et peut-être aussi au Gouvernement, de se saisir de cette question.
Parmi les très nombreux sujets dont vous avez rempli, par ce projet de loi de finances rectificative, nos petits souliers, j’ai bien sûr choisi de déballer prioritairement – c’est le propre des enfants ! (Sourires.) – ceux qui ont trait aux questions écologiques.
Même s’il est tardif et reste timide, je me réjouis de voir – enfin ! – s’amorcer le rattrapage, tant attendu, entre la fiscalité sur le diesel et la fiscalité sur l’essence.
De même, l’intégration de la CSPE, la contribution au service public de l’électricité, à la fiscalité renforce, ou plutôt rétablit, le rôle du Parlement et la clarté du budget.
Pour autant, on le voit bien, ces mesures relèvent d’une logique de rendement, sans que soit consenti en retour un réel effort significatif en matière de financement de la transition énergétique. Il est même à craindre – mais l’avenir nous le dira ! – que la budgétisation de la CSPE ne vise à en brider la hausse, sans que rien ne soit fait, par ailleurs, pour endiguer l’explosion désastreuse des coûts liés au nucléaire, notamment à l’EPR.
En l’état, l’augmentation de la CSPE est mécanique. Elle tient, pour une part, au dynamisme des dispositions sociales et de la péréquation tarifaire qui ne relèvent pas directement de la transition énergétique.
Pour ce qui concerne, d’autre part, le soutien aux énergies renouvelables, sa croissance est essentiellement due, ces dernières années, au photovoltaïque. Je le dis, si l’énergie solaire mérite encore d’être soutenue, la mise en place de cette source d’énergie témoigne malgré tout d’un vaste fiasco, qui date non pas de ce gouvernement, mais du précédent, et qui nous conduit aujourd’hui à conforter une filière principalement chinoise, faute d’un soutien industriel à la filière française en temps voulu.
J’en viens maintenant aux évolutions du texte qui nous est soumis.
La navette parlementaire a permis, à ce stade avancé de la procédure, de décanter les dispositions que le Gouvernement a fini par concéder et celles qu’il rejette catégoriquement.
Ainsi, l’Assemblée nationale a rétabli la trajectoire triennale du prix du carbone – c’est une très bonne chose – sans s’attirer les foudres d’une seconde délibération.
En revanche, le Gouvernement a tenu à maintenir intégralement l’avantage aberrant accordé au diesel pour ce qui concerne les flottes d’entreprise, témoignant ainsi de son refus de penser, alors que la fin du quinquennat approche, l’inévitable transformation de notre modèle économique.
De la même manière, le Gouvernement ou, plus exactement, des membres du Gouvernement qui ne participaient pas à la COP 21 se sont arc-boutés sur le plafonnement et le caractère optionnel de l’indemnité kilométrique vélo – pourquoi pas trottinette ? –, en contradiction avec les engagements et la communication de Mme la ministre chargée de l’écologie.
Là encore, le refus délibéré d’envoyer un signal d’incitation clair, pourtant peu coûteux et efficace, à la transformation de notre modèle de mobilité me désole franchement.
Enfin, l’Assemblée nationale a supprimé, en seconde délibération, la publicité des données des multinationales, pays par pays, et n’a pas davantage rétabli la régularisation de la situation fiscale de la presse en ligne qui a été l’objet dans cette enceinte d’un long débat.
Comme ce fut le cas pour le projet de loi de finances pour 2016, les écologistes considèrent que ce projet de loi de finances rectificative n’est pas tout à fait à la hauteur de l’enjeu tel qu’il a été décrit par le Président de la République en personne.
Mais contrairement au projet de loi de finances pour 2016, le texte qui revient devant le Sénat est bien moins bon que celui qui nous avait été soumis en première lecture.
Pour terminer mon propos et cette séquence budgétaire, je me permets d’exprimer une nouvelle fois mon souhait, monsieur le secrétaire d'État, de pouvoir bénéficier un jour d’une documentation consolidée de l’effort de l’État en matière d’écologie – cela me serait utile ! –, qu’il s’agisse des dépenses directes ou fiscales, budgétaires ou extrabudgétaires, avec une véritable analyse des niches prétendument écologiques et anti-écologiques.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans la foulée de l’examen du projet de loi de finances pour 2016 en nouvelle lecture, nous examinons, aussi en nouvelle lecture, le projet de loi de finances rectificative pour 2015.
Dans les deux cas, les commissions mixtes paritaires n’ont pas pu s’accorder sur l’adoption d’un texte commun, ce que nous regrettons, même si c’était prévisible. En effet, nous estimons que les parlementaires gagneraient en crédit s’ils faisaient davantage preuve de consensus, car nos concitoyens sont las des clivages partisans qui bloquent l’esprit de réforme.
Force est de reconnaître aussi le manque de temps imparti à l’examen de ce texte, qui comporte pourtant des dispositions particulièrement importantes et nombreuses cette année, et qui est à peine moins volumineux que le projet de loi de finances pour 2016, dont l’examen a, quant à lui, duré deux semaines.
Une seule longue journée a été consacrée à l’examen de ce collectif budgétaire en première lecture, avec près de 400 amendements, le marathon s’achevant par un sprint final à trois heures du matin ! (M. le secrétaire d’État opine.)
Les conditions de la discussion du collectif de fin d’année sont, comme chaque fois, des plus contraintes. Et il fait peu de doute que cette nouvelle lecture sera menée de façon tout aussi expéditive.
Comme cela a déjà été précisé, l’objet d’un tel texte est, d’abord, de procéder aux ajustements nécessaires par rapport à la loi de finances initiale. Ainsi, la Haute Assemblée a adopté conforme l’article liminaire et elle a procédé à des ajustements à la marge, en première lecture, par rapport au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Le déficit de l’État est revu à la baisse, à hauteur de 1,1 milliard d’euros, par rapport à la loi de finances initiale, ce qui est une bonne nouvelle. À cette occasion, je réitère le soutien global de mon groupe à la politique économique du Gouvernement.
Toutefois, je n’oublie pas que les améliorations observées dépendent aussi de facteurs exogènes, comme le maintien de taux d’intérêt très bas qui allègent mécaniquement le service de la dette, mais qui devront nécessairement remonter un jour.
Lors de la mini-crise qui s’est produite vendredi matin à l’occasion du vote sur la première partie, le groupe du RDSE est apparu comme un pôle de stabilité dans cet hémicycle étrangement indécis.
M. Richard Yung. C’est vrai !
M. Jean-Claude Requier. En s’engageant à approuver le texte alors que les groupes majoritaires tergiversaient et se renvoyaient la responsabilité, mon groupe a de nouveau montré son engagement en faveur de la poursuite du débat parlementaire.
Attachés aux institutions parlementaires et soucieux de défendre l’utilité et la légitimité du Sénat, nous tenons à rappeler l’enjeu que représente la poursuite de nos travaux.
Lors de cette nouvelle lecture, environ la moitié des articles examinés en première lecture ont été adoptés conformes par l’Assemblée nationale et le Sénat. L’un de nos principaux regrets porte sur l’absence d’une majorité pour revenir sur l’article 2 du projet de loi qui ponctionne de 255 millions d’euros les réserves du Fonds national de gestion des risques en agriculture. J’insiste de nouveau sur ce point, car c’est un mauvais signal envoyé à la profession, alors que les agriculteurs et les éleveurs ont été confrontés à de nouvelles calamités naturelles au cours de l’été dernier.
Je renouvelle mes interrogations quant à l’instabilité juridique que crée le collectif, car il comporte beaucoup de mesures fiscales qui, pour certaines, s’appliquent de manière rétroactive.
J’émets des réserves sur certaines des principales dispositions proposées par le Gouvernement qui ont été rétablies par l’Assemblée nationale. Ainsi, le rapprochement de la fiscalité du gazole, de l’essence et du GNL, le gaz naturel liquéfié, louable dans son principe, ne risque-t-il pas de fragiliser à court terme l’industrie automobile nationale, qui, on le sait, est historiquement orientée vers la production de véhicules à propulsion diesel ?
En revanche, je me réjouis que l’Assemblée nationale ait repris dans la nouvelle mouture du texte les amendements issus des travaux du Sénat relatifs aux mesures d’ajustement du dispositif dit de « l’ISF-PME ». Cela prouve une fois de plus que le travail sénatorial est utile et qu’il a une traduction concrète dans le texte qui sera effectivement appliqué à l’issue de cette session budgétaire.
Nous n’approuverons pas la motion tendant à opposer la question préalable. Toutefois, si celle-ci n’était pas adoptée – mais j’en doute ! –, nous déterminerions notre vote au regard de nos échanges au cours des débats. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire intervenu avant-hier, le projet de loi de finances rectificative pour 2015 nous revient de l’Assemblée nationale, où il a été amendé en nouvelle lecture.
À vrai dire, notre sentiment est quelque peu mitigé. (M. le secrétaire d’État s’étonne.)
Certaines de nos modifications assez substantielles, dont plusieurs suppressions d’articles, ont été maintenues par les députés, et nous nous en félicitons. Je pense, par exemple, à la suppression par le Sénat de l’extension de l’assiette de la TASCOM, la taxe sur les surfaces commerciales, qui constituait, il faut le dire, une hausse de fiscalité très malvenue pour le commerce, notamment les commerces de proximité.
M. Jean-François Husson. Je pense aussi à la suppression de l’application rétroactive du taux super réduit de TVA de 2,1 % à la presse en ligne à compter du mois de juin 2009, qui posait, il faut le reconnaître, de sérieux problèmes de constitutionnalité.
L’Assemblée nationale a également confirmé, en seconde délibération, la suppression de l’obligation faite aux entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros de rendre public le « reporting » pays par pays. Alors même que l’OCDE prévoit non pas la publicité, mais une communication adressée uniquement à l’administration fiscale et un reporting ciblant les seules entreprises dont le chiffre d’affaires excède 750 millions d’euros, cette obligation, qui aurait été imposée à notre seul pays dans l’Union européenne, aurait permis de livrer à nos concurrents – nous l’avions clairement souligné – de précieuses informations sur la situation et la santé de 9 000 de nos entreprises. Une aberration qui consistait à tirer une balle dans le pied de nos propres entreprises, à l’heure où la compétitivité est le meilleur rempart pour lutter contre le chômage.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a aussi repris l’allongement d’un an, proposé par le Sénat, du délai de reprise de l’administration fiscale pour le recouvrement des recettes de la taxe d’aménagement perçues au profit des collectivités territoriales, ce qui va, là encore, dans le bon sens.
Les mesures relatives à la fiscalité agricole ont également été entérinées, ce dont nous nous félicitons. Toutefois, le contraire aurait été étonnant dans la mesure où elles n’avaient pas rencontré d’opposition ici au Sénat.
M. Jean-François Husson. Dois-je d’ailleurs rappeler que ces dispositions reprennent largement la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire, déposée par Jean-Claude Lenoir et Jean Bizet, soutenue par le groupe Les Républicains, dont Daniel Gremillet était rapporteur, qui a été adoptée par le Sénat il y a tout juste une semaine, des mesures également adoptées en première lecture dans le projet de loi de finances pour 2016 ?
Oui, la majorité sénatoriale a inspiré – et je m’en réjouis – la majorité présidentielle. Vous le constatez, monsieur le secrétaire d'État, cela arrive !
Néanmoins, malgré ces points positifs, notre sentiment demeure mitigé, car sur le plus gros volet, celui de la fiscalité énergétique, la position du Sénat n’a été que peu entendue.
Certes, la suppression de l’article 30 ter, sur l’initiative, notamment, de la commission des affaires économiques de la Haute Assemblée, a été confirmée par les députés.
Cet article, qui prévoyait d’instaurer sur deux ans la déductibilité de la TVA pour les véhicules à moteur à essence concernait notamment les flottes de véhicules de société. Cet alignement sur la déductibilité bénéficiant déjà aux véhicules roulant au diesel devait s’inscrire dans le cadre de la convergence fiscale du gazole et de l’essence.
Cette mesure risquait cependant de favoriser l’achat en France par les entreprises de voitures de marques étrangères, les constructeurs français n’ayant pas encore eu le temps de réaménager leur chaîne de production de voitures de moyenne gamme ou haut de gamme, qui constituent l’essentiel des véhicules de société, vers le moteur à essence, a contrario des modèles d’entrée de gamme qui sont désormais produits avec des moteurs à essence, comme la nouvelle Renault Twingo, la Peugeot 108 et la Citroën C1.
J’avais proposé une solution intermédiaire, consistant à allonger de deux à quatre ans la mise en œuvre progressive de la déductibilité pour les véhicules à essence, solution soutenue en nouvelle lecture par Mme la rapporteure générale du budget de l’Assemblée nationale qui a finalement retiré son amendement. Au final, les députés ont donc confirmé la suppression de l’article, afin de préserver les constructeurs français et de leur laisser le temps de réorienter leur chaîne de production.
En dehors de cette mesure, d’autres propositions plus substantielles encore sur la fiscalité énergétique ont été repoussées par les députés.
Je pense au rétablissement de la diminution de un centime par litre de la TICPE, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, pour tous les types d’essence, tout en maintenant l’écart de fiscalité entre l’essence et le gaz naturel pour véhicule.
Je pense également à la diminution du tarif de la CSPE en compensation de la hausse de la contribution climat-énergie, ou encore à la suppression des modulations de tarif des carburants pour l’année 2017 pour se conformer au principe d’annualité budgétaire.
Ce ne sont là que quelques exemples des modifications apportées par le Sénat qui allaient pourtant toutes dans le sens d’une réduction de la fiscalité. Cela aurait permis au Président de la République de tenir enfin son engagement sur la fameuse pause fiscale !
Au lieu de cela, ce collectif budgétaire correspond une fois encore à une hausse importante de la fiscalité qui aura des conséquences pour tous les Français.
Il est une nouvelle illustration de l’incapacité du Gouvernement à tenir un cap, de cette politique du « pompier pyromane », qui allume l’incendie, promet de l’éteindre, l’éteint, mais le rallume un peu plus tard.
Cela fait deux ans que nous alertons le Gouvernement sur cette hausse disproportionnée de la fiscalité prévue dans un premier temps, puis reportée et finalement mise en œuvre en 2015, mais avec de nouvelles perspectives d’augmentation pour les années à venir. Or, en 2015, cette hausse a été quelquefois confiscatoire : pour un terrain de 1 000 mètres carrés, la taxe foncière a pu passer de quelques centaines d’euros à plus de 5 000 euros et pourrait s’élever à 10 000 euros en 2017. Certains Français propriétaires ont vu parfois cette taxe multipliée par cent.
Le Gouvernement fait désormais machine arrière toute en tentant d’éteindre l’incendie. Dont acte, mais il était temps !
Tout cela participe à la stigmatisation de certaines catégories de Français. Le candidat François Hollande, devenu depuis Président de la République, ne considérait-il pas, lorsqu’il était en campagne, que l’on était riche lorsque l’on gagnait plus de 4 000 euros par mois ? Ne suggérait-il pas de taxer le plus fortement possible cette catégorie de citoyens ?
Dans le même esprit, n’entendons-nous pas également trop souvent dire que lorsque l’on est chef d’entreprise, on est un spoliateur de richesses, et non un créateur de richesses et d’emplois ?
M. Jean-François Husson. Quand on est propriétaire d’un terrain, on n’est pas nécessairement un spéculateur et on ne fait pas forcément non plus de la rétention foncière !
Heureusement, le Gouvernement semble réviser progressivement ses logiciels de pensée et sortir de ses dogmes d’un autre âge. Il est temps ! Dommage qu’il ait fallu attendre plus de la moitié du quinquennat, voire bientôt près des trois quarts, pour que les choses commencent à évoluer dans un sens empreint de davantage de lucidité et de clairvoyance, mais, hélas !, pour une partie de la majorité seulement, l’autre partie ayant constitué une fronde à l’Assemblée nationale.
C’est cette situation à l’Assemblée nationale qui fait que, si nous avons obtenu satisfaction sur certains points, les députés ne changeront pas de position sur les autres, notamment sur les hausses de nombreuses taxes.
Nous en prenons acte. De ce fait, comme M. le rapporteur général l’a annoncé, le groupe Les Républicains votera en faveur de la motion proposée par la commission des finances et tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. de Montgolfier, au nom de la commission, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat,
Considérant que le projet de loi de finances rectificative pour 2015 entérine une nouvelle dégradation du solde budgétaire et une nouvelle augmentation de la part de la dette publique dans la richesse nationale ;
Considérant qu’il traduit un dérapage des dépenses de l’État dont les effets sont seulement limités par un prélèvement sur le Fonds national de gestion des risques en agriculture et par des économies de constatation sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne ainsi que sur la charge de la dette ;
Considérant que l’ampleur inédite du schéma de fin de gestion en 2015 témoigne de l’incapacité du Gouvernement à respecter les priorités qu’il a lui-même fixées en loi de finances initiale et d’un manque de transparence sur les objectifs de la mise en réserve de crédits ;
Considérant qu’il comporte une réforme d’ampleur de la fiscalité énergétique, qui aurait dû trouver sa place en loi de finances initiale, et qui contribuera à alourdir la fiscalité pesant sur les entreprises et les ménages dans les années à venir ;
Considérant enfin qu’il comprend de nombreuses mesures introduites par voie d’amendement du Gouvernement dans des conditions n’ayant pas permis leur examen approfondi ;
Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances rectificative pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur général, pour la motion.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’ai exposé, lors de la discussion générale, les raisons pour lesquelles la commission des finances a déposé une motion tendant à opposer la question préalable. Je n’y reviendrai donc pas.
Permettez-moi d’ajouter simplement, mes chers collègues, que si le Sénat devait examiner en nouvelle lecture ce projet de loi de finances rectificative pour 2015, cela nous poserait un vrai souci. Certes, le Gouvernement n’est pas responsable de cet état de fait. La faute en incombe seulement au calendrier de nos travaux, naturellement très serré.
Il n’en reste pas moins que les députés ayant achevé leurs travaux cette nuit, le compte rendu provisoire des débats n’a été mis en ligne qu’à midi et demi. Même si nous avons suivi en direct l’avancement des discussions, je dois avouer qu’il nous a été difficile de nous forger une opinion sur certains amendements. Par ailleurs, à cette heure, l’article 21 demeure, à nos yeux, totalement incompréhensible.
Nous aurions besoin objectivement d’un peu plus de recul pour réaliser un travail sérieux permettant une nouvelle lecture complète.
Voilà pourquoi, en plus des raisons exposées dans le texte la motion, je vous appelle à voter en faveur de celle-ci.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, contre la motion.
M. Richard Yung. Avec tout l’enthousiasme dont je suis capable après trois semaines de débat (Sourires.), je souhaite d’abord vous répondre, monsieur Husson. Vous avez évoqué des « dogmes d’un autre âge », ce qui ne vous a pas empêché de nous en servir un de première : celui des chefs d’entreprise spoliateurs de la richesse et de la valeur ajoutée ! Pourquoi pas le grand soir, c’est aussi un thème qui fonctionne bien !
Ce n’est pas sérieux : toute la politique du Gouvernement a consisté justement à renforcer la compétitivité des entreprises !
Pour en revenir au projet de loi de finances rectificative lui-même, il contient selon moi des avancées dans un certain nombre de domaines. Je pense, par exemple, à l’ISF-PME, qui est un dispositif important. Je pense également à la fiscalité énergétique ou à la fiscalité agricole, que vous avez mentionnée, monsieur Husson. Vous avez vous-même, mon cher collègue, admis toutes ces avancées et reconnu que la majorité sénatoriale avait été entendue : pourquoi dans ce cas déposer une motion tendant à opposer la question préalable ? J’avoue que c’est un peu difficile à comprendre !
Je terminerai en faisant deux remarques, pour ne pas allonger un débat déjà long.
Tout d’abord, le solde budgétaire est évalué aujourd'hui à 3,8 % du PIB, au lieu des 4,1 % prévus dans le projet de loi de finances initiale. Ce solde enregistre donc un progrès de 0,3 %. Selon le Haut Conseil des finances publiques, dorénavant juge de paix en la matière, une telle prévision est vraisemblable. C’est donc la première fois depuis 2011 que la prévision de déficit s’améliore par rapport au projet de loi de finances initiale. Je n’épiloguerai pas plus longuement sur ce point, mais ne dites pas que vous votez cette motion à cause de la dégradation du solde budgétaire !
Quant aux dépenses de l’État, il n’y a pas de dérapage. Certes, elles augmentent de 100 millions d’euros entre la loi de finances initiale pour 2015 et le projet de loi de finances rectificative, mais par rapport à l’exécution de 2014, elles baissent de 6,3 milliards d’euros.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Richard Yung. Les dépenses s’élèvent ainsi à 367 milliards d’euros au lieu de 374 milliards d’euros. C’est une baisse significative, qui rompt avec l’évolution à la hausse des dépenses de l’État constatée au cours des dernières années…
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste et républicain ne votera pas en faveur de cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Bien évidemment, le Gouvernement est farouchement défavorable à l’adoption d’une telle motion.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Je constate, monsieur le secrétaire d’État, que vous savez être farouche par moment, mais, malheureusement pour vous, vous n’arrivez pas à endiguer la volonté du Sénat… (Sourires.)
Vous avez évoqué tout à l’heure, avec une certaine hauteur de vue, que je veux saluer, les questions de procédure. À cet égard, j’en suis d’accord, les examens successifs du projet de loi de finances et du projet de loi de finances rectificative soulèvent une question autant de durée que de lourdeur. Si le processus est long, il est surtout figé. Or, comme vous l’avez souligné, en six mois, les hypothèses évoluent, ce qui pourrait nous conduire à réviser le dispositif en cours de procédure.
Pour autant, je tiens à relever que l’adoption du nouveau règlement du Sénat a permis de dynamiser les débats, ce dont je ne peux que me réjouir.
Néanmoins, il faut bien voir que la longueur du processus relatif au projet de loi de finances amène logiquement le Gouvernement et sa majorité à l’Assemblée nationale à introduire dans le projet de loi de finances rectificative des mesures qui n’ont pas pu trouver leur place dans le projet de loi de finances. Le collectif peut donc donner lieu à deux lectures, en quelque sorte : d’une part, un texte consacrant la validation d’un certain nombre de changements relatifs à l’année en cours, et, d’autre part, un texte comportant des dispositifs nouveaux.
À mon sens, le Sénat, qui a su aller au terme de la première lecture du collectif, a fait œuvre utile, d’autant que nous avons pu trouver un point d’accord avec l’Assemblée nationale sur un assez grand nombre d’articles. En effet, sur soixante-neuf articles restant en discussion après la première lecture au Sénat, l’Assemblée nationale en a repris quarante-quatre totalement et onze partiellement. Cela signifie que le bicamérisme a bien fonctionné.
Je le répète, nous avons fait œuvre utile, même si un certain nombre de dispositions adoptées en dernière minute nous ont un peu surpris.
Au Sénat, nous nous sommes particulièrement préoccupés de la fiscalité des PME, c’est-à-dire de l’ISF-PME et des mesures en faveur de la compétitivité. À cet égard, je suis particulièrement satisfait de l’adoption par l’Assemblée nationale de l’article 16 terdecies concernant la compétitivité du transport aérien.
En revanche, nous avons eu des différends s’agissant, notamment, de la fiscalité écologique, et, plus généralement, de l’équilibre général des finances publiques. Nous avons le sentiment que le dérapage n’est pas compensé par des économies. Trop souvent, le Gouvernement fait appel aux intérêts de la dette ou aux prélèvements sur les recettes de l’Union européenne pour trouver un équilibre, qui est de toute façon insatisfaisant.
En conclusion, le groupe UDI-UC votera la motion tendant à opposer la question préalable présentée par M. le rapporteur général, au nom de la commission des finances.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de finances rectificative.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 118 :
Nombre de votants | 326 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Pour l’adoption | 189 |
Contre | 137 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le Sénat n’a pas adopté le projet de loi de finances rectificative pour 2015 en nouvelle lecture.
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
8
Convention fiscale avec l'Allemagne
Adoption définitive en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’avenant à la convention du 21 juillet 1959 entre la République française et la République fédérale d’Allemagne en vue d’éviter les doubles impositions et d’établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, ainsi qu’en matière de contribution des patentes et de contributions foncières, modifiée par les avenants des 9 juin 1969, 28 septembre 1989 et 20 décembre 2001 (projet n° 228, texte de la commission n° 232, rapport n° 231).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’accord franco-allemand du 31 mars 2015 qui vous est soumis résulte de travaux conduits depuis plusieurs années.
Grâce aux dispositions qu’il comporte en faveur des travailleurs frontaliers et des retraités, résidents de France, percevant une pension d’Allemagne, il s’inscrit dans la relation économique étroite que nous entretenons avec ce partenaire et résoudra, une fois approuvé, les difficultés personnelles rencontrées par ces concitoyens.
Tout d’abord, et c’est la raison pour laquelle la négociation a été engagée en 2002, cet accord assure le maintien du régime des travailleurs frontaliers, au nombre de 40 000, qui resteront imposés en France, pays avec lequel ils ont les liens les plus étroits. Ainsi, l’Allemagne renonce à supprimer cette règle particulière – dans l’Union européenne, les revenus sont imposés dans le pays où ils sont perçus –, mais recevra désormais une compensation annuelle représentative d’un partage de l’impôt français.
Ensuite, des difficultés étaient apparues avec la décision de l’Allemagne d’imposer, à compter de 2005, les pensions versées à nos résidents par ses organismes de retraite, le plus souvent d’anciens frontaliers. Ces contribuables, au nombre de 70 000, sont confrontés à des obligations administratives complexes et à un niveau de fiscalité plus élevé, avec souvent des rattrapages sur plusieurs années. Les discussions, difficiles, ont été conduites pendant plusieurs années, et un accord a été trouvé le 17 juillet 2014 entre Michel Sapin et son homologue allemand. Les autorités allemandes ont accepté de renoncer à l’imposition de ces revenus en échange, une fois de plus, d’une compensation financière de leur manque à gagner fiscal.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la convention franco-allemande date de 1959. Le présent accord a aussi permis de lui apporter des améliorations au regard des besoins économiques ou des évolutions juridiques dans les deux pays.
Je prendrai trois exemples : l’imposition des sportifs, artistes et mannequins dans l’État d’exercice de leur activité ; la possibilité pour la France d’appliquer le prélèvement de 20 % sur les distributions des sociétés d’investissements immobiliers exonérées ; et, pour mettre fin à une lacune, l’alignement de l’imposition des cessions des titres de sociétés à prépondérance immobilière sur celle des immeubles.
Enfin, cet avenant, qui nous permet dès aujourd’hui de régler une série de difficultés, est une étape. En effet, la convention franco-allemande, négociée il y a plus de cinquante ans maintenant, mérite, comme de nombreuses autres, une révision d’ensemble portant à la fois sur le fond de ses dispositions et sur sa rédaction.
Par ailleurs, la France et l’Allemagne ont joué ensemble un rôle majeur dans le cadre des travaux internationaux de lutte contre l’optimisation, avec le projet BEPS qui a été lancé en 2012 par le G20 et l’OCDE, et dont les conclusions viennent d’être adoptées au sommet d’Antalya les 15 et 16 novembre dernier. Il est essentiel que nous en tirions toutes les conséquences dans nos relations bilatérales. Ce chantier de longue haleine est prévu et doit commencer au second semestre de 2016. Il s’étalera certainement sur une assez longue période.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite donc à donner votre autorisation à la ratification de cet avenant avec l’Allemagne qui représente un progrès sur le plan tant fiscal qu’économique et qui est, bien sûr, très attendu par nos concitoyens travailleurs et retraités frontaliers. Il pourra ainsi entrer en application le 1er janvier 2016.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Albéric de Montgolfier, en remplacement de M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le problème le plus sensible auquel le présent avenant à la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 apporte une solution est, sans conteste, celui des retraités résidents de France qui, depuis 2009, sont tenus de s’acquitter d’un revenu sur leurs pensions de retraite de source allemande.
La plupart des conventions fiscales ratifiées par la France prévoient une imposition des pensions versées au titre des assurances sociales légales par l’État de résidence de la personne retraitée et non par l’État source du revenu. Toutefois, en raison de son ancienneté, la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 modifiée permet une imposition des pensions versées au titre des assurances sociales légales par l’État source du revenu.
Alors que la législation allemande avait pendant longtemps exonéré les pensions versées à des non-résidents, elle a été modifiée sur ce point en 2005 pour être mise en conformité avec une décision du tribunal constitutionnel de Karlsruhe, en date du 6 mars 2002, qui imposait que les non-résidents participent à la réforme des retraites mise en œuvre par l’ancien chancelier Gerhard Schröder.
À la suite de cette évolution, les résidents français percevant des pensions allemandes ont commencé à recevoir des avis d’imposition allemands à partir de 2009, ce qui n’est pas très agréable…
Environ 70 000 retraités résidents de France et percevant des pensions de source allemande ont été touchés par cette modification législative, qui a entraîné de fait une imposition plus lourde et l’introduction de modalités de gestion complexes.
Après plusieurs années de discussions, l’Allemagne a accepté de renoncer à l’imposition à la source des pensions versées au titre des assurances sociales légales en contrepartie de la mise en place d’une compensation financière entre les deux États, se traduisant par le paiement par la France d’un solde net, qui sera calculée sur une base de 16 millions d’euros pour 2013, puis augmentera de 9,4 % par an à compter de 2014 pour atteindre 30 millions d’euros en 2020, le premier versement intervenant au titre de l’année d’entrée en application de l’avenant.
Le deuxième point essentiel du présent avenant porte sur la consolidation du statut fiscal des travailleurs frontaliers résidant en France et exerçant leur activité en Allemagne. Ces derniers sont nombreux puisque, en 2013, selon l’INSEE, leur nombre s’élevait à 41 450. Par ailleurs, on dénombrait 4 220 frontaliers dans la situation inverse.
La convention modèle de l’OCDE et la plupart des accords bilatéraux posent le principe de l’imposition des travailleurs frontaliers dans le pays où ils exercent leur activité. Toutefois, certains dispositifs concernant ces salariés y dérogent et prévoient une imposition dans le pays de résidence, afin de prendre en compte les liens entre ces contribuables et l’État où ils vivent et ainsi financer les dépenses publiques correspondantes. C’est le cas du régime frontalier franco-allemand.
Alors que l’Allemagne voulait, dans un premier temps, supprimer ce régime spécifique, qu’elle jugeait défavorable pour elle d’un point de vue budgétaire, ce dernier se voit conforté par l’article VI du présent avenant. En contrepartie, l’Allemagne a demandé à bénéficier d’une compensation financière, à l’instar de nos accords conclus avec la Suisse et la Belgique. Le taux de cette compensation a été fixé à 44 % du produit de l’impôt sur le revenu perçu par la France, cette approche semblant représentative du coût du travailleur frontalier pour chaque pays.
Sur la base d’un produit annuel de l’impôt sur le revenu des travailleurs frontaliers s’élevant à 50 millions d’euros pour la France, cette proportion de 44 % représenterait donc 22 millions d’euros. Pour cette raison, le montant du premier versement par la France, qui aura lieu l’année suivant celle de l’entrée en vigueur de l’avenant, est fixé à 22 millions d’euros.
Le troisième axe majeur du présent avenant à la convention franco-allemande de 1959 consiste à faire évoluer certains dispositifs fiscaux, notamment en matière d’imposition des plus-values réalisées lors de la vente de biens immobiliers en France par des résidents en Allemagne. Aux termes de l’actuelle convention, les plus-values afférentes à la cession des immeubles situés dans un État, mais détenus directement par une personne physique résidente de l’autre État sont imposables dans l’État où se situe l’immeuble.
En revanche, dans l’hypothèse d’une cession de titres d’une société de capitaux détenant des immeubles situés dans l’autre État, l’imposition de la plus-value a lieu dans le pays de résidence du cédant. Cette situation est particulièrement avantageuse pour les résidents en Allemagne, dans la mesure où les plus-values de cessions de titres qu’ils sont susceptibles de réaliser en France ne sont imposables en Allemagne qu’à hauteur de 5 % de leur montant.
Le présent avenant a donc pour objectif de conforter, à la demande de la France, le principe de l’imposition in situ des plus-values de cession des biens immobiliers en prévoyant, au paragraphe 4 de la nouvelle rédaction de l’article 7 de la convention, le cas de la détention indirecte de biens immobiliers via des sociétés. Cette clause figure dans le nouveau modèle de l’OCDE, ainsi que dans les autres conventions fiscales récemment signées par la France, notamment avec le Luxembourg, comme nous le verrons, plus longuement, dans quelques instants.
Je précise d’ailleurs que l’action n° 6 du projet BEPS, de l’OCDE, adopté par le G20 qui s’est tenu à Antalya le 15 novembre dernier, vise à empêcher le contournement de cette clause par l’exploitation des failles demeurant dans certaines conventions fiscales.
Une fois l’avenant entré en vigueur, les plus-values afférentes à la cession, par des résidents en Allemagne, de sociétés à prépondérance immobilière française seront donc imposables en France au taux de droit commun, en vertu des dispositions de l’article 244 bis A du code général des impôts. Sur ce point, j’ai une question à poser au secrétaire d’État : pourquoi le présent avenant ne précise-t-il pas que les sociétés en question peuvent prendre la forme d’une fiducie, alors que l’avenant à la convention avec le Luxembourg le prévoit ? Comme nous examinons de manière successive cet après-midi les projets de loi autorisant l’approbation d’avenants aux deux conventions en cause, la question se pose de manière particulièrement aiguë.
Par ailleurs, l’article 9 de la convention, relatif aux dividendes, prévoit dans sa rédaction actuelle un principe d’imposition dans l’État de résidence du bénéficiaire de dividendes tout en laissant à chacun des États contractants le droit de percevoir l’impôt sur les dividendes par voie de retenue à la source, conformément à sa législation, dans la limite de 15 % du montant brut des revenus.
L’article IV de l’avenant insère, au sein de l’article 9 de la convention, un dixième paragraphe disposant que cette limite de 15 % ne s’appliquera pas aux dividendes versés à partir de revenus ou de gains tirés de biens immobiliers par des véhicules d’investissement immobilier qui distribuent la plus grande partie de ces revenus annuellement et dont les revenus et gains tirés de ces biens immobiliers sont exonérés d’impôt, lorsque l’actionnaire ou le porteur de parts détient, directement ou indirectement, au moins 10 % du capital du véhicule d’investissement qui paie les dividendes.
Cette clause, appelée « real estate investment trust » dans les travaux internationaux, vise en particulier les sociétés d’investissements immobiliers cotées, les SIIC, et les organismes de placements collectifs immobiliers, ou OPCI, dont nous reparlerons plus longuement à propos de la convention fiscale franco-luxembourgeoise.
Ainsi, les dividendes distribués par ce type de sociétés pourront être imposés sans restriction, et la France et l’Allemagne pourront éviter que des investisseurs ne contournent la règle de l’imposition des revenus et gains immobiliers dans l’État de situation des immeubles par le recours à des véhicules exonérés d’impôt.
Enfin, pour éviter les délocalisations à des fins purement fiscales, l’article II de l’avenant insère à l’article 7 de la convention un paragraphe autorisant la France et l’Allemagne à appliquer leur dispositif interne d’exit tax.
Au bénéfice de ces différentes observations, la commission des finances – qui a émis la semaine dernière à la quasi-unanimité un avis très favorable – vous propose, mes chers collègues, d’adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons appris voilà quelques jours, à l’occasion d’un nouveau classement international, que la France n’était plus le premier partenaire commercial de l’Allemagne ; notre pays serait dépassé depuis cette année par les États-Unis… Beaucoup se sont inquiétés de ce résultat qui attesterait, sur le plan commercial, la dégradation de notre relation avec nos amis allemands.
En tant qu’élu alsacien, je ne peux bien évidemment pas partager cette crainte. En effet, un fait distingue fondamentalement la France de ses concurrents américains : elle est voisine de l’Allemagne. Elle n’est donc pas un partenaire comme un autre. Au-delà de l’histoire commune, certes tragique, de nos deux pays, des milliers de nos concitoyens vivent quotidiennement à cheval des deux côtés de la frontière. La convention fiscale de 1959 démontre l’ancienneté des liens économiques et humains existant d’une rive à l’autre du Rhin.
Le présent avenant l’actualise et nous donne ainsi les outils pour faire face aux complications récentes issues justement du renforcement toujours plus grand de nos liens avec les Allemands.
Toutefois, mes chers collègues, cette convention n’est pas qu’un symbole. Le statut de ceux qui vivent de part et d’autre de notre frontière commune est parfois complexe au regard du droit fiscal et il convenait d’y apporter des clarifications. Le présent texte permettra ainsi de simplifier le quotidien de près de 120 000 personnes : les travailleurs transfrontaliers et les retraités.
Pour ce qui concerne les travailleurs transfrontaliers, je me félicite que cet accord règle le sort spécifique de ceux qui résident en France. En effet, près de 42 000 personnes sont dans cette situation, contre à peine plus de 4 000 résidents allemands qui travaillent de notre côté de la frontière. Or la convention modèle de l’OCDE prévoit une application stricte du principe selon lequel le transfrontalier est imposé par le pays dans lequel il travaille.
Cet accord a permis de trouver un juste équilibre pour nos finances publiques, puisqu’il prévoit d’assujettir nos transfrontaliers à l’impôt français sous réserve du versement à l’Allemagne d’une compensation de 44 % du produit de cet impôt. Cette compensation est naturelle dans la mesure où elle concourt à l’entretien du service public allemand qui est utilisé tous les jours par nos concitoyens transfrontaliers.
Cette convention est également déterminante pour la situation de nombre de nos retraités. Je rappelle simplement que plus de 70 000 concitoyens perçoivent des pensions de source allemande qui sont imposées à la source en Allemagne, alors que, selon le cadre de l’OCDE, les pensions sont imposées en fonction du lieu de résidence. Cette incongruité prendra fin avec cet accord moyennant, là encore, un pacte financier passé avec l’Allemagne.
Ces deux exemples démontrent à quel point notre relation avec l’Allemagne est forte, sur un plan commercial, mais aussi et surtout humain.
Par ailleurs, les clauses de cette convention relatives à la rationalisation de l’imposition des plus-values immobilières ou encore à l’application mutuelle de l’exit tax permettront de poursuivre le renforcement de nos liens et de notre attachement à l’Allemagne.
Ce dispositif, adopté dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2011, précise que le transfert du domicile fiscal hors de France entraîne la taxation immédiate à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux des plus-values latentes sur droits sociaux, valeurs, titres ou droits. C’est ainsi un outil adapté pour lutter contre les délocalisations ou l’exil fiscal.
Cela étant, je profite de cette trop courte intervention pour formuler un regret. En 2011, le Président de la République avait engagé une réflexion sur la convergence entre notre fiscalité et le modèle allemand. Près de cinq ans plus tard, et malgré un excellent rapport de la Cour des comptes, il n’en est toujours rien. Alors que nous parlons de plus en plus de réforme fiscale en France, peut-être pourrions-nous, monsieur le secrétaire d’État, reprendre collectivement la piste de cette réflexion.
Au-delà de cette interrogation, vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe UDI-UC votera pour la ratification de la présente convention. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. Michel Delebarre. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la renégociation de la convention qui nous occupe a été longue, très longue. Je pense notamment qu’elle a dû bloquer autour de cette question de la retenue à la source opérée par le fisc allemand sur les pensions de retraite ou de réversion versées à des personnes fiscalement domiciliées en France. C’est une décision que l’Allemagne avait commencé à appliquer en 2005. Nous sommes en 2015 ; il a donc fallu dix ans pour régler le problème.
On se réjouit que Berlin et Paris aient fini par trouver un terrain d’entente. Ceux d’entre nous qui voyagent régulièrement en Allemagne sont souvent interpellés par des personnes désemparées – elles sont relativement nombreuses – qui ne comprennent pas pourquoi, jusqu’à présent, elles ne devaient pas payer ni pourquoi, maintenant, elles sont assujetties. On leur réclame des arriérés d’impôts considérables assortis de pénalités.
Plusieurs d’entre nous ont relayé ces préoccupations auprès du Gouvernement, et je tiens à saluer la forte implication des ministres concernés à l’égard de ce dossier, qui a toujours été traité au plus haut niveau depuis 2012. Grâce à ces efforts, nos amis allemands ont accepté de tempérer la rétroactivité de l’imposition à la source, en accordant aux contribuables en cause des dispenses d’intérêts de retard ainsi que des délais de paiement, ce qui a facilité les choses.
J’imagine que la négociation concernant la somme que la France devait reverser à l’Allemagne a été difficile, les Allemands étant plutôt en position de force et faisant monter, je suppose – n’ayant pas participé à la négociation –, les enchères.
Enfin, vous y êtes arrivé, monsieur le secrétaire d’État, et je crois comprendre que ce montant s’élèverait entre 20 millions et 30 millions d’euros par an (M. le secrétaire d’État opine.) ; il faut le dire.
La fin de la retenue à la source évitera aux intéressés des démarches particulièrement lourdes auprès du fisc allemand. Or ceux d’entre nous qui connaissent cette administration savent qu’y avoir affaire revient à entrer dans un labyrinthe dont on n’est pas sûr de sortir. D’ailleurs, là-bas, tout le monde, y compris les particuliers, même pour établir une petite déclaration de revenus, doit recourir à un conseiller fiscal pour pouvoir s’en sortir. Par ailleurs, les résidents fiscaux français n’auront plus à solliciter de crédit d’impôt auprès du fisc français.
Ayant moi-même travaillé en Allemagne, je voulais souligner ces quelques aspects touchant ceux de nos nationaux qui sont concernés ; je pense entre autres au personnel civil des forces françaises en Allemagne qui était très nombreux. Le groupe socialiste et républicain se félicite donc de cet accord que, bien sûr, il votera. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Michèle André, présidente de la commission des finances, applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, scellée dans le marbre par le traité de l’Élysée du 22 janvier 1963, et malgré quelques épisodes politiques un peu tumultueux, l’amitié franco-allemande n’a eu de cesse de se renforcer, portée par nos deux sociétés civiles.
À ce jour, cette étroite coopération que nous menons avec l’Allemagne depuis plus d’un demi-siècle est sans équivalent en Europe. Un nouvel élan a d’ailleurs été impulsé en 2010, avec l’adoption de l’agenda franco-allemand 2020.
La dernière démonstration de ce lien étroit entre nos deux pays a sûrement été la réaction immédiate de la chancelière Angela Merkel et de son gouvernement à la suite des attentats sanglants du 13 novembre et de l’activation par la France de la clause de défense commune, conformément à l’article 42, alinéa 7, du TFUE.
Aujourd’hui, c’est le volet fiscal de la relation franco-allemande que nous sommes amenés à examiner, avec un projet de loi autorisant l’approbation du quatrième avenant à la convention du 21 juillet 1959, dont l’objet est d’éviter les doubles impositions et d’établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière de contribution de patentes et de contributions foncières.
Comme l’a très bien rappelé notre rapporteur, Éric Doligé, par la voix de notre rapporteur général, cet accord fiscal est équilibré, en ce qu’il prend acte d’évolutions intervenues depuis le précédent avenant de 2001 et qu’il sécurise la situation fiscale de nos ressortissants.
Une des mesures les plus significatives est certainement la simplification administrative qu’il apporte à la situation fiscale des retraités percevant une pension de l’autre État, qui seront désormais imposés uniquement dans leur État de résidence. Cela concerne notamment les anciens travailleurs frontaliers résidant en France qui, à la suite d’une évolution du droit allemand, se sont vu imposer aussi en Allemagne, et de manière rétroactive, ce qui n’était pas sans créer un véritable casse-tête chinois.
Je ne reviendrai pas en détail sur les autres points de l’accord, par manque de temps, mais aussi parce que notre rapporteur général les a déjà évoqués de façon limpide et précise.
Je conclurai mon propos par quelques mots sur les perspectives de la coopération franco-allemande.
Sur les différents chantiers des politiques européennes, le moteur franco-allemand peut continuer de jouer un véritable rôle d’impulsion et d’entraînement.
Pour ne citer que l’exemple de la fiscalité numérique, je ne peux qu’exhorter l’Allemagne à soutenir la demande légitime de la France tendant à réformer la TVA, notamment sur les produits culturels en ligne.
Alors que l’Union européenne se trouve actuellement à un tournant décisif et, malheureusement, incertain, c’est bien la coopération et son pendant, la solidarité, qui sont les clés de la solution que nous recherchons tant.
Le groupe écologiste votera donc en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le dix-septième conseil des ministres franco-allemand, qui s’est tenu en mars dernier, a permis d’avancer sur plusieurs dossiers, tels que la défense, les négociations sur le climat ou les projets d’investissements franco-allemands dans le cadre du plan Juncker.
Il a abouti à la formalisation du quatrième avenant à la convention fiscale entre la France et l’Allemagne du 21 juillet 1959, soumis aujourd’hui à notre approbation.
La France a réussi à maintenir le régime fiscal des travailleurs frontaliers, longtemps contesté par l’Allemagne. Ceux-ci pourront continuer à « bénéficier » – si j’ose dire – du principe de l’imposition de leurs revenus dans l’État de résidence, au lieu de l’État d’exercice de l’activité. En contrepartie, la France devra verser une compensation annuelle à son voisin d’outre-Rhin ; le premier versement est fixé à 22 millions d’euros, mais le montant augmentera les années suivantes.
Le travailleur français coûterait cher… Monsieur le secrétaire d'État, nous aimerions avoir plus de précisions à ce sujet !
L’avenant règle également la situation des 70 000 retraités résidant en France, victimes d’un flou juridique et d’une double imposition à la suite d’un changement de la législation allemande intervenu en 2005 pour ce qui concerne les pensions de source allemande. Si l’administration française a comblé le manque à gagner qui en est résulté par l’instauration provisoire d’un crédit d’impôt, cette solution demeurait très insatisfaisante. L’affirmation du principe de l’imposition des pensions dans l’État de résidence va donc dans le bon sens.
Enfin, le présent avenant modernise la convention fiscale, notamment sur les règles relatives à l’élimination des doubles impositions, en renforçant ainsi la sécurité juridique des contribuables.
Je tiens particulièrement à saluer la possibilité, pour les deux États, d’appliquer leur législation interne en matière d’exit tax, en vue de limiter les exils fiscaux.
De même, nous nous réjouissons du renforcement des règles fiscales relatives aux sociétés à prépondérance immobilière, visant à freiner la créativité dans le domaine de l’évasion fiscale.
Si elle est complexe à mettre en œuvre, une harmonisation de la fiscalité européenne serait plus que nécessaire dans le maquis administratif que constitue, pour nos concitoyens, de plus en plus mobiles, l’empilement des conventions bilatérales.
Nos deux pays ont longtemps tissé les liens qui les unissent par leur coopération dans la région transfrontalière en matière d’apprentissage, de formation et d’emploi. Cette politique volontariste est un véritable exemple à suivre pour la construction du projet européen.
Ainsi, puisque le présent avenant préserve aussi bien les intérêts de nos concitoyens frontaliers que les ressources publiques des deux pays, le groupe du RDSE soutiendra sa ratification.
M. Michel Delebarre. Bien !
M. le président. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis 1959, la France et l’Allemagne sont liées par une convention fiscale en vue d’éviter les doubles impositions et d’établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune.
Ce texte a été modifié trois fois, par trois avenants datant respectivement de 1969, 1989 et 2001.
Le présent projet de loi vise à autoriser l’approbation du quatrième avenant à cette convention, signé le 31 mars 2015 à Berlin et dont l’objet est de sécuriser et de clarifier, en particulier, la situation fiscale des salariés qui habitent la zone frontalière française et exercent leur activité dans la zone allemande et, surtout, celle des résidents de France percevant des pensions de retraite versées par l’Allemagne, au titre des assurances sociales légales allemandes.
Entre 50 000 et 70 000 « retraités d’Allemagne » vivant en France sont concernés par ces mesures, dont près de 30 000 résident en Alsace.
Le manque à gagner fiscal qui en résultera pour chaque État fera l’objet d’une compensation financière. Le premier versement par la France à l’Allemagne, qui aura lieu l’année suivant l’entrée en vigueur de l’avenant, est fixé à 22 millions d’euros. Il compensera la perte subie par les services fiscaux allemands sur les pensions de retraite versées à des personnes ayant travaillé sur son territoire et qui, à partir de 2017, paieront leurs impôts uniquement en France.
En tant qu’élu alsacien je ne peux, à l’instar de mon collègue du Bas-Rhin, que saluer cette démarche de clarification et de simplification fiscales.
Monsieur le secrétaire d'État, je peux vous assurer que ce texte est très attendu, notamment localement, par toutes les personnes qui ont eu affaire ces dernières années à un imbroglio juridique et administratif insensé.
En effet, la législation allemande a pendant longtemps exonéré les pensions versées à des non-résidents. Pour se mettre en conformité avec une décision du tribunal constitutionnel de Karlsruhe de 2002, l’Allemagne a modifié sa réglementation en 2005. Mais c’est seulement à partir de 2009 que les résidents français percevant des pensions allemandes ont commencé à recevoir des avis d’imposition de la part des services fiscaux allemands… Autant vous dire qu’ils n’y ont rien compris !
Depuis quelques années, c’est donc une double imposition que ces retraités se sont vu appliquer, en plus de modalités de gestion complexes.
Mes chers collègues, économiquement, une double imposition n’est pas acceptable ! Ses effets ne sont évidemment pas négligeables sur le budget des personnes concernées, qui, rappelons-le, sont retraitées.
Aussi, même si ce texte constitue indéniablement une avancée, permettez-moi de regretter qu’il vienne si tard et, surtout, qu’il ne règle pas la situation de celles et de ceux qui se verront encore réclamer par l’Allemagne, tout au long de l’année - et même au-delà, car le travail a à peine commencé du côté des services allemands -, des arriérés d’impôts pour des pensions perçues depuis 2009. Pour nos retraités frontaliers, ça tombe toujours comme à Gravelotte !
En effet, en 2016, les retraités devront encore établir une déclaration auprès des services fiscaux allemands et payer leur impôt dans le pays voisin. Ce n’est qu’en 2017 que ce problème sensible sera véritablement assaini, puisque c’est à cette date seulement que les bénéficiaires d’une retraite allemande vivant en France pourront déclarer leurs revenus et paieront leurs impôts en France.
Certes, je n’ignore pas qu’une convention fiscale du type de celle du 21 juillet 1959 peut difficilement être rétroactive. Mais, compte tenu des grandes difficultés que connaissent ces retraités du fait de l’application de cette convention modifiée désormais, il aurait été bon qu’une solution puisse être trouvée pour une application immédiate.
Certes, les élus alsaciens, notamment ceux qui, comme moi, sont membres du conseil régional, se sont naturellement attelés à résoudre cette question dès 2010. Ainsi, en 2013, un tournant décisif a pu s’opérer avec la mise en place d’une « task force retraite », composée d’agents et créée sous l’impulsion de la région Alsace. Depuis 2013, cette task force met à la disposition des retraités un véritable service d’assistance, pour les aider à répondre aux diverses demandes de l’administration fiscale allemande, bien entendu rédigées en langue allemande, à laquelle je répète qu’ils ne comprennent rien. Tout le monde ne parle pas l’allemand, même en Alsace, et je puis témoigner, pour les avoir eus au téléphone, que certains travailleurs frontaliers vivent à Pau ou encore à Carcassonne !
Au reste, le siège du service fiscal allemand demandeur ne se trouve pas sur le Rhin, mais dans le nord de l’Allemagne… Pour s’y déplacer, bonjour !
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’espère que vous mesurez maintenant les difficultés que certains retraités ou conjoints de retraités décédés peuvent rencontrer pour répondre aux demandes qui leur sont adressées.
Pour autant, était-ce bien aux élus régionaux d’assurer ce travail d’information à la place des États concernés ? Pour l’avenir – peu importe le passé –, il me paraît nécessaire que ce soit l’administration fiscale qui réalise elle-même l’information sur une nouvelle disposition de ce type. Monsieur le secrétaire d'État, nous comptons vraiment sur l’État français pour s’en charger chaque fois qu’une modification intervient !
Surtout, considérant que le public concerné par la modification de l’article 13 de la convention, opérée par l’article 6 de l’avenant, est en grande majorité composé de retraités et de personnes âgées, voire très âgées, il est à redouter que bon nombre de ces personnes ne seront pas totalement informées à temps des modalités déclaratives des revenus d’origine allemande.
Il serait d’ailleurs utile que, à l’échelle locale, une coopération des administrations fiscales soit vraiment organisée, voire qu’un pôle de compétence franco-allemand sur les questions fiscales soit créé. Ce pôle pourrait notamment avoir pour missions d’organiser des rencontres régulières entre les autorités fiscales – cela ne semble véritablement pas être le cas pour le moment –, d’identifier les problèmes dans le domaine fiscal et tout simplement de les faire remonter aux instances compétentes de chaque pays.
Que de difficultés avons-nous effectivement rencontrées, nous, les élus, pour sensibiliser les autorités fiscales aux problèmes que nous avons enregistrés par milliers ! Monsieur le secrétaire d'État, le travail quotidien de la task force et des structures d’information et de conseil en matière d’impôts, de sécurité sociale et de travail pour les transfrontaliers que constituent les Infobest a permis de repérer de manière précise des manques cruciaux sur le sujet.
Sans chercher à être exhaustif, je veux en citer trois. Tout d’abord, les centres des impôts français et allemands pourraient coopérer plus – ils ne semblent le faire actuellement que de manière très ponctuelle. Ensuite, les centres des impôts, quels qu’ils soient, sont dépassés par les questions de fiscalité internationale, qu’on le veuille ou non. Enfin, il n’existe quasiment pas d’informations fiscales précises dans la langue du voisin…
Aussi souhaitons que cet avenant soit le point de départ de discussions permettant de résoudre les différents points juridiques et fiscaux encore en suspens entre l’Allemagne et la France, que les auditions larges menées par le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale ont permis de mettre en exergue.
Enfin, je veux profiter de mon intervention à cette tribune pour redire toute l’importance des liens entre la France et l’Allemagne, notamment en zone frontalière, comme en Alsace, et pour me féliciter de toutes les avancées législatives qui permettent plus de fluidité entre nos deux pays.
En conclusion, ce texte n’appelle naturellement pas d’opposition. Il a d’ailleurs été adopté par l’Assemblée nationale sans discussion et notre commission des finances l’a adopté sans modification. Aussi, tout en souhaitant que nos observations soient prises en compte dans le détail, j’invite chacun à le soutenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Claude Kern applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’avenant à la convention fiscale franco-allemande dont ce projet de loi autorise la ratification, permet, notamment, de sécuriser la situation fiscale des salariés habitant la zone frontalière française et exerçant leurs activités en Allemagne et celle des personnes qui résident en France et perçoivent des pensions de retraite au titre des assurances sociales allemandes.
Je n’évoquerai, dans ma brève intervention, que la situation des titulaires de pensions allemandes résidant en France, puisque c’est une difficulté qui m’a fréquemment été soumise.
En effet, je suis plusieurs dossiers depuis qu’une décision du tribunal constitutionnel de Karlsruhe en 2002 a conduit l’Allemagne à modifier sa législation en 2005.
Depuis, les pensions de retraite versées par le système allemand aux retraités résidant en France sont assujetties à l’impôt sur le revenu allemand. Vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État, ce sont environ 70 000 retraités du système allemand qui sont concernés par cette nouvelle mesure induisant une imposition plus lourde, ces non-résidents en Allemagne ne pouvant bénéficier des abattements auxquels ils auraient eu droit en France.
Dans ces conditions, nous ne pouvons que nous féliciter de la signature de cet avenant à la convention fiscale, qui doit tout à la fois apporter simplification et clarification à la situation de nombre de retraités.
Je tiens également à saluer l’examen rapide de ce texte par le Parlement, ce qui permettra une application dès 2016.
Cela étant, il importe de rappeler que, l’administration allemande n’ayant commencé à exiger le paiement de cet impôt que depuis 2010 – ou 2009, selon certains de mes collègues –, les réclamations des arriérés sur cinq années ou plus demeurent extrêmement problématiques. Elles sont d’autant moins acceptées qu’elles correspondent à des sommes très importantes eu égard aux revenus des personnes concernées.
Cette situation met en lumière le manque de communication patent entre les services de retraite, les services fiscaux allemands et les contribuables concernés : les retraités allemands pensaient en toute bonne foi que le prélèvement était opéré à la source et les Français faisaient, quant à eux, une déclaration particulière, en France, sur un formulaire prévu à cet effet.
Si donc cet avenant est extrêmement bienvenu, je forme le vœu qu’un fructueux dialogue se poursuive entre nos deux pays, car d’autres difficultés fiscales demeurent, telle la double imposition des pensions alimentaires, partiellement assujetties à l’impôt en Allemagne et totalement en France.
Je terminerai en évoquant la situation dramatique de plusieurs dizaines d’employés d’un sous-traitant français d’Airbus à qui l’administration fiscale allemande réclame une centaine de milliers d’euros chacun. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je remercie l’ensemble des intervenants de leur soutien à l’approbation de cette convention.
Je voudrais apporter quelques précisions aux remarques, toutes aussi légitimes les unes que les autres, qui m’ont été adressées.
Monsieur le rapporteur général, vous vous interrogez sur les fiducies. L’article unique de la convention vise les cessions d’actions, de parts ou de droits portant sur des biens immobiliers. Or l’analyse juridique que nous faisons du terme « droits » s’entend des participations y compris dans des trusts ou dans des fiducies. Je pense que vous voilà rassuré.
Beaucoup d’entre vous ont souligné la longueur de la procédure. J’avais envie de dire, avec l’accent de M. Requier (Sourires.) : jetzt langt’s mir aber ! Autrement dit, maintenant, ça suffit ! Il était effectivement temps que les choses aboutissent.
Les intervenants alsaciens se sont succédé à la tribune. Le calendrier n’a probablement pas permis à des Mosellans d’être présents aujourd’hui – je suis né en Moselle et je connais bien cette question des travailleurs et des retraités frontaliers, même si la situation des Luxembourgeois m’est plus familière. J’ai toujours eu à connaître de ces questions et j’avoue avoir modestement contribué à régler le problème, même si cela a pris trop de temps, j’en conviens.
Comment régulariser le passé ? Monsieur Reichardt, vous avez évoqué des difficultés. Je tiens toutefois à préciser qu’il n’y a pas de double imposition, puisque les contribuables peuvent faire valoir l’impôt payé dans un pays pour le déduire de l’impôt dû dans l’autre pays. Cela induit de la complexité administrative et des problèmes temporels, que personne ne nie - cela devrait d’ailleurs vous conduire à approuver la retenue à la source…
En effet, la convention s’appliquant au 1er janvier 2016, elle concernera bien les revenus perçus en 2016, mais les impôts seront à régler en 2017.
Pour régler ces questions de temporalité, l’idéal aurait été qu’une convergence fiscale complète puisse voir le jour en Europe, ce qui, à mon avis, n’est pas pour demain ni même pour après-demain…
Pour autant, nos services s’efforcent d’accompagner et de contacter leurs homologues allemands. Je connais également l’activité des associations de frontaliers et des élus pour informer et accompagner les personnes qui connaissent ces difficultés.
L’essentiel est d’éviter les doubles impositions. À l’avenir, les difficultés administratives disparaîtront. Il restera à gérer le passé.
Nous allons examiner dans quelques instants un avenant à une convention entre la France et le Luxembourg où il sera également question d’éviter les doubles impositions. Je note d’ailleurs que, conformément à leurs intitulés, la plupart des conventions fiscales – j’en ai regardé quelques-unes, pour différentes raisons – visent à éviter les doubles impositions. Pour ma part, je plaide pour un changement de vocabulaire : nous devrions conclure des conventions destinées à éviter non seulement les doubles impositions, mais aussi la non-imposition. Nous pourrions les intituler, par exemple, « conventions visant à régler les relations fiscales entre les pays »…
Je l’ai dit, nous avons le devoir, au-delà de ces progrès très importants et très attendus par les populations, d’établir des conventions plus conformes aux modèles, aux standards en cours d’élaboration.
Malheureusement, la gestion temporelle de ce type de relations est toujours un souci. Mais vous pouvez compter sur l’engagement du Gouvernement à poursuivre l’ensemble de ces travaux. Nous assurerons le maximum de publicité sur la mise en œuvre de cette convention et j’imagine que chacun, avec ses compétences et dans le rôle qui est le sien, pourra également assurer la diffusion des informations nécessaires afin que tout le monde puisse utiliser les dispositions que – c’est tout du moins ce que j’ai cru comprendre – vous allez adopter, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 21 juillet 1959 entre la République française et la République fédérale d’Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, ainsi qu'en matière de contribution des patentes et de contributions foncières, modifiée par les avenants des 9 juin 1969, 28 septembre 1989 et 20 décembre 2001
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'avenant à la convention du 21 juillet 1959 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, ainsi qu'en matière de contribution des patentes et de contributions foncières, modifiée par les avenants des 9 juin 1969, 28 septembre 1989 et 20 décembre 2001, signé à Berlin le 31 mars 2015, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix l'article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
M. le président. Je constate que le projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)
9
Convention fiscale avec le Grand-Duché de Luxembourg (Première lecture)
Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation du quatrième avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (projet n° 250, texte de la commission n° 261, rapport n° 260).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’avenant à la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 5 septembre 2014, qui vous est soumis aujourd’hui, est un pas important dans la lutte contre l’optimisation.
En effet, il met fin à une situation dans laquelle des investisseurs intervenant depuis le Luxembourg pouvaient réaliser des plus-values immobilières en France sans pour autant s’acquitter de la moindre fiscalité sur ces gains.
C’est une situation bien évidemment inacceptable, emblématique de pratiques ciblées, au niveau international, que le projet BEPS, pour Base Erosion and Profit Shifting, entend interrompre.
Une première étape a été franchie en 2006, avec la signature d’un avenant permettant à la France d’imposer les plus-values et revenus sur des immeubles situés sur son territoire et détenus par des sociétés luxembourgeoises, ce qui a mis fin à une partie des situations de double exonération.
En revanche, il n’a pas été alors possible d’obtenir le même changement pour les cessions de biens détenus par l’intermédiaire de sociétés « à prépondérance immobilière ». Une lacune a donc subsisté.
Depuis lors, il apparaît que cette faille est utilisée par certains opérateurs pour continuer d’échapper à toute imposition. La France a donc maintenu et appuyé encore davantage sa demande visant à compléter l’avenant de 2006 en l’étendant aux immeubles détenus indirectement.
Le Luxembourg a finalement donné son accord lors d’une réunion ministérielle à Paris, le 16 mai 2014. Les négociations ont ensuite abouti à une signature le 5 septembre suivant.
Pour garantir la meilleure protection contre les abus, l’avenant ainsi obtenu couvre, outre les sociétés à prépondérance immobilière, tout type de structure-écran, notamment les trusts.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à le ratifier. Il portera un coup d’arrêt aux montages qui, dans ce secteur de l’immobilier, s’appuient sur de telles situations de sous-imposition.
Pour autant, là encore, l’urgence de mettre fin en priorité à cette situation extrêmement dommageable dans le secteur immobilier, caractérisée par cette non-imposition, ne nous empêche pas de constater que la convention fiscale avec le Luxembourg, qui elle date de 1958, doit faire l’objet d’une renégociation plus large.
Outre le besoin d’adapter le texte à l’évolution des relations économiques bilatérales – et elles sont très nombreuses - et du cadre juridique des deux États, le principal enjeu de ce chantier sera, pour nous, de travailler à l’insertion d’un ensemble de mécanismes anti-abus, en ligne avec les nouveaux standards du projet international majeur que constitue le BEPS.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, comme l’a rappelé à l’instant M. Eckert, la France et le Luxembourg sont liés depuis 1958 par une convention tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, convention déjà modifiée par trois avenants.
Nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner le projet de loi autorisant l’approbation du quatrième avenant à cette convention qui vise à mettre fin à une situation de double exonération ancienne.
En principe, les plus-values immobilières de source française font l’objet d’un prélèvement au tiers, en application de l’article 244 bis A du code général des impôts.
Toutefois, en raison d’une interprétation contradictoire de la convention franco-luxembourgeoise par les juridictions des deux pays, les plus-values immobilières réalisées en France par des sociétés luxembourgeoises sont totalement exonérées d’imposition, et ce depuis plus de vingt ans.
Cette situation de double exonération a donné lieu à des montages particulièrement préjudiciables pour les finances publiques - les médias s’en sont d’ailleurs parfois fait l’écho.
Pour ne prendre qu’un exemple concernant très directement le patrimoine immobilier de l’État, la perte de recettes liée à la non-imposition des plus-values dans l’affaire dite de « l’Imprimerie nationale » est estimée à 40 millions d’euros – un contentieux est toutefois en cours.
Un précédent avenant, signé en 2006, a permis à la France de récupérer son droit d’imposer les plus-values immobilières en cas de détention directe des immeubles.
Toutefois, le Luxembourg avait refusé d’appliquer ces nouvelles dispositions aux cessions de parts de sociétés à prépondérance immobilière, contrairement à ce que souhaitait la France. Aussi un recours accru à des schémas d’optimisation fiscale reposant sur l’interposition de sociétés à prépondérance immobilière a-t-il été observé, ces schémas permettant d’échapper à toute imposition.
Dès 2011, une nouvelle négociation a donc été engagée entre la France et le Luxembourg, qui a finalement abouti le 5 septembre 2014 à la signature d’un nouvel avenant à la convention.
Le présent avenant permet enfin de revenir sur l’absence totale d’imposition des plus-values immobilières, en transposant aux sociétés à prépondérance immobilière le principe de l’imposition dans le pays de situation de l’immeuble.
Aux termes de l’article 2 de l’avenant, les cessions jusqu’à présent exonérées de toute imposition ne pourront toutefois être taxées par la France qu’à compter du 1er janvier 2017, sous réserve d’une ratification conjointe avant le 30 novembre 2016.
Même si la France avait notifié sa ratification avant le 30 novembre 2015, une imposition des cessions effectuées à compter du 1er janvier 2016 n’aurait pas été possible, la ratification de l’avenant par le Luxembourg étant intervenue le 7 décembre 2015.
L’administration fiscale pourra toutefois mobiliser l’arme contentieuse en cas de réorganisation interne dont le seul objectif serait de faire échec à l’application des nouvelles dispositions prévues par le présent avenant, comme elle l’avait déjà fait avec succès après l’avenant de 2006.
En réalité, ce sont moins les délais d’entrée en vigueur du présent avenant qui me préoccupent que le maintien d’une fiscalité trop clémente pour les véhicules d’investissement immobilier.
Ces dernières années, la France a introduit dans plusieurs conventions fiscales une clause spécifique concernant les véhicules d’investissement immobilier, qui bénéficient, sous certaines conditions, d’une exonération d’impôt sur les sociétés en contrepartie d’une obligation de distribution des résultats. Il s’agit principalement des sociétés d’investissement immobilier cotées, les SIIC, et des organismes de placement collectif immobilier, les OPCI, prenant la forme de sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable, ou SPPICAV.
Cette clause prévoit que les distributions de dividendes effectuées par ces véhicules d’investissement immobilier peuvent être imposées à la source, sans restriction, par l’État d’établissement du véhicule. En France, vous le savez, le taux de retenue à la source applicable est ainsi de 30 %.
Une telle clause est notamment prévue par l’avenant à la convention franco-allemande que nous venons d’examiner. À l’inverse, le présent avenant ne comporte aucune clause spécifique concernant les véhicules d’investissement immobilier, comme l’ont d’ailleurs souligné de nombreux cabinets d’audit.
Or, en application des dispositions existantes de la convention, les véhicules d’investissement immobilier bénéficient d’une fiscalité particulièrement favorable.
Le deuxième paragraphe de l’article 8 prévoit la possibilité d’une retenue à la source en France, mais son taux est limité à 5 %, si la société luxembourgeoise détient au moins 25 % de la société française, et à 15 % dans les autres cas. En l’absence de clause spécifique, ces dispositions sont applicables aux dividendes distribués par les véhicules d’investissement immobilier.
Pour prendre un exemple concret, les dividendes versés par un OPCI français détenu à 25 % au moins par une société luxembourgeoise sont taxés à 5 % seulement en France et peuvent être indéfiniment exonérés d’imposition au Luxembourg…
Pour le Gouvernement, l’urgence de la mesure à prendre sur la non-imposition des plus-values immobilières commandait de réviser rapidement la convention sur ce seul point et de renvoyer les autres demandes de la France à une révision plus générale de la convention, comme convenu par les deux pays lors de la signature de l’avenant.
Toutefois, le Gouvernement nous a indiqué qu’il s’agissait d’un chantier très lourd, qui prendra certainement du temps, même s’il peut être facilité par l’évolution récente de la position du Luxembourg en matière de coopération administrative et de transparence fiscale.
Compte tenu de ces délais, il aurait sans doute été préférable de traiter l’ensemble du chapitre immobilier à l’occasion de l’examen du présent avenant.
Sous cette réserve majeure, la commission des finances vous propose toutefois, mes chers collègues, d’adopter le projet de loi sans modification, dans la mesure où il constitue indéniablement un pas dans la bonne direction. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE. –M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Décidément, en cette fin de session, nous voyageons ! (Sourires.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte de l’accord qui est soumis à notre examen est étonnamment court si on le compare à celui d’autres accords fiscaux. Il n’en revêt pas moins une importance majeure.
En effet, en introduisant, dans la convention fiscale qui nous lie au Luxembourg, une disposition prévoyant l’imposition, dans l’État de situation des immeubles, des gains résultant de la cession de participations dans des sociétés à prépondérance immobilière, il permettra de mettre un terme au développement de schémas d’optimisation via la création d’entités intermédiaires résidant au Luxembourg.
Dans la mesure où toute une industrie avait fleuri avec ce type de montages depuis plusieurs années, nous nous réjouissons que ce texte soit aujourd'hui soumis à notre examen. On peut toutefois se demander s’il n’existe pas d’autres types de schémas d’optimisation sur lesquels on devrait peut-être agir. On connaît en effet la fécondité de nos financiers en la matière. Pour autant, ne disposant de preuve d’aucune sorte, je n’en dirai pas plus.
La modernisation de la convention fiscale est d’autant plus opportune qu’elle tient compte des travaux de l’OCDE relatifs à la lutte contre l’érosion des bases fiscales et les transferts de bénéfices, qui ont abouti à l’accord BEPS. En effet, l’avenant couvre non seulement les gains réalisés sur des actions, mais aussi ceux qui résultent de l’aliénation d’intérêts dans d’autres entités n’émettant pas ce type de titres. Tel est notamment le cas des fiducies, que vous avez évoqué, monsieur le rapporteur.
Cet accord est symptomatique du changement de cap engagé par le Luxembourg au cours des dernières années, et plus particulièrement depuis l’entrée en fonction du gouvernement Bettel. Alors qu’il a longtemps figuré parmi les États les moins coopératifs de l’Union européenne, le Grand-Duché tourne progressivement le dos à l’optimisation fiscale, ce dont nous nous réjouissons.
Sur le plan bilatéral, la signature, en 2009, du troisième avenant à la convention fiscale avait marqué un premier tournant. Conformément aux standards de l’OCDE, il permet à la France d’obtenir de nombreux renseignements de la part des autorités fiscales luxembourgeoises.
Un autre signe de changement a été la signature, en 2014, d’un accord dit « FATCA » avec les États-Unis, qui entrera en vigueur dans les prochains mois.
Sur le plan européen, le Luxembourg, à l’instar de l’Autriche, a levé son veto concernant l’adoption de la version révisée de la directive sur la fiscalité de l’épargne. Celle-ci a d’ailleurs été abrogée le mois dernier pour ne pas faire doublon avec le standard global de l’OCDE sur l’échange automatique d’informations. Nos voisins ont ainsi accepté de renoncer au secret bancaire à compter du 1er janvier 2017. Après la Suisse, le Luxembourg ! Bien que le chemin soit long et difficile, nous progressons. Un tel revirement était inimaginable voilà encore quelques années.
Le scandale dit « LuxLeaks » et la pression internationale ne sont sans doute pas étrangers au changement d’attitude des autorités luxembourgeoises. Peut-être faut-il y voir la volonté du Grand-Duché de s’acheter une conduite…
Par ailleurs, en matière de coopération, je note que le Luxembourg n’est pas encore complètement en ligne : le Grand-Duché n’a pas encore fait connaître sa position sur le projet de liste européenne des juridictions non coopératives ; il ne participe pas à la coopération renforcée dans le domaine de la taxe sur les transactions financières et, à ma connaissance, il n’a pas beaucoup avancé sur la proposition relative à une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, l’ACCIS, que nous souhaitons relancer au niveau européen.
Malgré ces éléments, qui tempèrent notre optimisme pour ce qui concerne le Luxembourg, le présent avenant n’en demeure pas moins un très bon accord, dont notre groupe votera l’approbation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. - M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lorsqu’on évoque la production législative de notre République, c’est le plus souvent pour parler de son inflation et de la place très significative occupée par la transposition du droit européen dans notre droit français. On oublie généralement que la moitié au moins des textes adoptés par le Parlement sont des conventions internationales ou bilatérales, examinées et, le plus souvent, votées à la va-vite.
Loin d’être inoffensives pour la construction de notre droit, elles comportent souvent des éléments normatifs qui font ensuite jurisprudence au sein même de notre droit national.
Rejeter un projet de convention ou de traité proposé par l’exécutif est perçu comme un crime de lèse-majesté et il faut remonter très loin dans le temps pour trouver un cas où les deux chambres du Parlement ont osé dire non.
Nous avons encore tous en tête, ici, au Sénat, les deux fois où nous avons rejeté cette année ce que j’appellerai la « farce andorrane ». Mais l’Assemblée nationale a finalement eu le dernier mot, pour renforcer indirectement le statut d’exception de cette coprincipauté, qui s’illustre essentiellement par ses ventes détaxées de cigarettes et d’alcool.
En la matière, je dois le dire, heureusement que le Sénat existe ! Il travaille toujours sérieusement, comme c’est encore une fois le cas aujourd’hui concernant ce quatrième avenant à la convention fiscale qui nous lie au Luxembourg.
Notons que, quand l’Assemblée nationale renvoie systématiquement les conventions à sa commission des affaires étrangères, le Sénat, adoptant fort justement une approche plus thématique, adresse les conventions fiscales à sa commission des finances. C’est un très bon gage de pertinence.
Je tiens d’ailleurs à saluer la qualité de l’analyse développée par notre rapporteur général sur cette convention, sur ce qu’elle dit, mais sur ce qu’elle ne dit pas, aussi .
Pays fondateur de l’Union européenne après avoir été membre fondateur du traité de Bruxelles et de l’OTAN, le Luxembourg, malgré sa taille réduite, est un pays puissant et étonnamment influent. Il faut dire qu’il se place au premier rang mondial du PIB nominal par habitant ! Sans doute est-ce en partie dû au travail acharné de ses ressortissants, mais peut-être aussi un peu à sa législation fiscale, très subtile, qui en fait le deuxième centre de fonds d’investissement au monde, derrière les États-Unis.
Sa très grande compétitivité en la matière et son statut respectable, qui lui permet de destiner ses dirigeants aux plus hautes fonctions européennes, lui confèrent une reconnaissance internationale et lui évitent, en dépit de scandales à répétition, le titre infamant de « paradis fiscal ».
Alors, oui, ce texte constitue une petite avancée, sans pour autant entraver réellement la très grande créativité luxembourgeoise en matière fiscale.
Je rappelle d’ailleurs à ceux qui, dans ce palais du Luxembourg, ignoreraient encore l’étymologie du mot, qu’il vient de lucilinburhuc, qui signifie « petite forteresse » ou « fortin », autrement dit « place imprenable ». Finalement, c’est l’endroit idéal pour cacher ses petites économies ! (Sourires.) Par ailleurs, la devise nationale du Grand-Duché – cela ne s’invente pas ! - n’est autre que « Nous voulons rester ce que nous sommes » ! Ainsi donc, au Luxembourg, les choses changent un peu, pour surtout éviter de trop changer…
C’est pour cette raison que les écologistes, qui ne font pas toujours l’éloge de la lenteur, ne prendront pas part à ce vote.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Après l’Allemagne, le Luxembourg ! (Sourires.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’existence de relations fiscales coopératives et réciproques avec nos voisins européens est un enjeu important de la construction européenne. Le projet de loi autorisant l’approbation du quatrième avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg en est l’illustration.
La convention franco-luxembourgeoise instaurée en 1958 tend à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt sur la fortune.
Quant au présent avenant, il concerne spécifiquement la taxation des plus-values immobilières réalisées en France par des personnes physiques ou morales relevant du droit luxembourgeois.
Il tend à mettre fin aux interprétations contradictoires de la convention dans les deux pays, en vertu desquelles une opération immobilière, bien que réalisée en France, pouvait jusqu’à présent bénéficier d’une imposition nulle lorsqu’elle émanait d’une société ou d’une personne de nationalité luxembourgeoise.
Ainsi, au lieu d’être assujettie à une retenue à la source de 30 % – retenue applicable en droit français, mais aussi dans d’autres pays européens – ou de 10 % – comme en Belgique –, l’opération échappait à toute imposition, ce qui ne paraît pas tout à fait normal.
Connaissant cette faille, les fonds internationaux souhaitant investir dans l’immobilier en France passaient donc par l’intermédiaire de sociétés luxembourgeoises, afin d’échapper à l’impôt.
Comme l’a souligné le rapporteur général en commission, cette faille représente une perte significative de recettes pour l’État français lors d’opérations immobilières importantes, comme dans l’affaire de la rénovation de l’ancien site de l’Imprimerie nationale, rue de la Convention à Paris, par le fonds Carlyle, qui a coûté à l’État la bagatelle de 40 millions d’euros de non-taxation des plus-values.
M. Jean-Claude Requier. Les autorités luxembourgeoises ont ratifié ce quatrième avenant le 7 décembre dernier, témoignant d’une certaine volonté de coopération, mais en ont repoussé l’application au 1er janvier 2017.
Le Grand-Duché, dont l’actuel président de la Commission européenne fut pendant de nombreuses années le Premier ministre, a été récemment éclaboussé par l’affaire dite des « LuxLeaks ». Celle-ci a révélé des pratiques d’optimisation fiscale – il s’agit, en réalité, d’une véritable « lessiveuse fiscale » – au sein même de l’Union, entre États pionniers de la construction européenne. Il est donc plus qu’opportun de corriger cette anomalie.
L’accord, dont on peut regretter qu’il ne soit applicable qu’à compter de 2017, représente un pas dans la bonne direction, celle de l’harmonisation fiscale européenne par le haut. Il recueillera donc l’approbation de l’ensemble des membres du groupe du RDSE. (M. Richard Yung applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, notre ancien et estimé collègue Jean Arthuis avait l’habitude de rappeler que le Luxembourg se faisait fort de donner des leçons de gestion des finances publiques le matin et de « faire les poches » des États membres de l’Union européenne l’après-midi, via l’optimisation fiscale.
Le contexte dans lequel la présente convention est examinée ne peut que confirmer cette conclusion, puisqu’il s’agit, à titre tout à fait exceptionnel, de mettre fin à un problème de double exonération entre la France et le Luxembourg. C’est somme toute assez cocasse, tant nous sommes plutôt habitués à examiner des cas de double imposition !
Il s’agit, plus spécifiquement, de traiter des problèmes de double exonération en matière de plus-values de cessions immobilières.
Née d’interprétations contradictoires de la convention franco-luxembourgeoise initiale par les juridictions des deux pays, cette double exonération avait initialement pour conséquence une absence totale d’imposition des plus-values de cessions réalisées par les sociétés luxembourgeoises détenant des immeubles en France. L’affaire de l’Imprimerie nationale a été évoquée ; je n’y reviendrai pas.
Cette situation a conduit à la multiplication des schémas d’optimisation fiscale. Je regrette que notre excellent collègue Éric Bocquet, qui a été rapporteur de deux commissions d’enquête sur l’évasion fiscale, ne soit pas là pour nous éclairer sur ce sujet, qu’il connaît si bien.
Nous vivons, en matière d’exonération fiscale, la guerre de l’obus et du blindage : à chaque fois que nous « rustinons » la législation, les financiers et les fiscalistes trouvent évidemment les moyens d’améliorer les dispositifs de fraude fiscale.
Cependant, les progrès constatés depuis 2014 en matière de levée du secret bancaire témoignent d’une évolution de l’état d’esprit – tout le monde l’a déjà dit.
Malheureusement, nous serons appelés à revenir, une fois de plus, sur cette convention. En effet, le présent avenant ne prend pas en compte les montages liés aux sociétés d’investissement immobilier cotées et aux organismes de placement collectif en immobilier prenant la forme de sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable.
Il est donc à parier, monsieur le secrétaire d’État, que nous devrons remettre sur le métier d’autres avenants à cette convention, susceptibles d’améliorer notre prise en compte de ces dispositifs.
Plus généralement, madame la présidente de la commission des finances, nous avons eu il y a deux ans un excellent débat sur l’efficacité des conventions fiscales internationales, et il me semble que nous nous étions promis d’y revenir.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Nous y reviendrons !
Mme Nathalie Goulet. La commission des finances de notre Haute Assemblée aurait intérêt, madame la présidente, à organiser, l’année prochaine, un débat de même nature. Nous avons à l’évidence du travail à faire sur le dossier de l’optimisation fiscale, et les cadres propices sont nombreux : l’OCDE, le GAFI, l’Union européenne ou la prochaine loi dite « Sapin II ».
Si nous voulons lutter efficacement contre l’évasion et la fraude fiscales, en particulier celles qui sont susceptibles de servir de base au financement du terrorisme, nous devons surtout faire le bilan des travaux relatifs à l’évolution d’un certain nombre de conventions fiscales internationales dont l’efficacité n’est pas avérée – pour ne pas dire que leur inefficacité est avérée -, et dont le réexamen est inlassablement, de texte en texte et de débat en débat, renvoyé au lendemain. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Nathalie Goulet a posé la question de savoir comment notre commission des finances – et, plus généralement, le Sénat – pouvait assurer le suivi de cette question.
Je veux la rassurer, et rappeler à nos collègues que la commission des finances, qui a depuis toujours manifesté son intérêt pour ces dossiers, auditionne très régulièrement des personnalités qualifiées.
Nous avons en particulier la chance que Pascal Saint-Amans, qui est une autorité dans ce domaine et se trouve être Français, excelle à expliquer, en grand pédagogue, l’utilité de telle ou telle disposition en matière fiscale. Nous le rencontrons régulièrement, et nous avons organisé, en juillet dernier, une table ronde sur la « diplomatie fiscale » pour tenter de mesurer la cohérence des différents dispositifs existants.
Plusieurs d’entre vous l’ont souligné, le Sénat a fait le choix de renvoyer à la commission des finances plutôt qu’à la commission des affaires étrangères celles des conventions internationales qui ont trait à la fiscalité. Nous en sommes très heureux.
La commission des finances est d’ailleurs tout à fait disposée à faire davantage partager ce qu’elle parvient à comprendre de ces questions, par le moyen, par exemple, d’auditions ouvertes – M. le rapporteur général pourra sans doute le confirmer.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Oui !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Des questions demeurent, certaines réponses restent floues, mais, incontestablement, dans ce domaine, nous avançons.
J’ai moi-même été rapporteur de plusieurs projets de loi autorisant la ratification de conventions internationales : le mécanisme est bien rodé, mais il faut en assurer le suivi. C’est pourquoi nous devons inévitablement, à intervalles réguliers, remettre en partie sur le métier l’ouvrage des années précédentes.
Je veux, pour finir, féliciter nos courageux collègues qui ont animé la séance de cet après-midi en participant à l’ensemble de nos débats – projet de loi de finances pour 2016, projet de loi de finances rectificative pour 2015, projets de loi autorisant l’approbation d’avenants à deux conventions internationales. Je pense en particulier à Richard Yung, à André Gattolin et à Jean-Claude Requier. Ils ont montré combien les membres de la commission des finances sont disponibles et frais jusqu’au bout ! (Sourires.)
Bonnes fêtes, enfin, à ceux qui s’apprêtent à prendre des congés. (Applaudissements.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Nous aurions dû faire une deuxième lecture ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je veux répondre, mesdames, messieurs les sénateurs, à certaines de vos remarques.
Tout d’abord, il reste en effet beaucoup de problèmes à régler, notamment avec le Luxembourg, à commencer par ceux que vous avez signalés, monsieur le rapporteur général. Mais toutes les difficultés ne peuvent être traitées en même temps.
Mieux valait donc, dans l’immédiat, adopter ce projet de loi, ce qui permet de réparer un premier trou dans la raquette, …
M. Alain Gournac. Bien sûr !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … plutôt que de différer encore la mise en œuvre de ces dispositions sous prétexte qu’il faudrait en adopter de plus complètes. C’est le choix que nous avons fait : je le précise simplement, monsieur le rapporteur général – je sais que vous l’avez compris – pour vous dire la détermination du Gouvernement à progresser sur ces questions.
Lors de la visite officielle du Président de la République au Luxembourg – et à Luxembourg ville, d’ailleurs -, en mars dernier, nous avons, avec le nouveau ministre des finances luxembourgeois, Pierre Gramegna, posé les jalons du travail commun que nous devons accomplir.
Il ne vous a pas échappé que le Luxembourg préside, depuis le 1er juillet dernier et jusqu’au 31 décembre prochain, le Conseil de l’Union européenne.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Il le fait très bien, d’ailleurs !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Des jalons sont donc posés.
Il s’agit de questions internationales, de sujets difficiles, sur lesquels il me semble que le Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel, et son nouveau ministre des finances, Pierre Gramegna, sont décidés à avancer. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, défend désormais lui-même des positions tout à fait encourageantes.
Autrement dit, les choses avancent dans le bon sens au niveau européen ! Elles avancent aussi – vous l’avez rappelé, madame la présidente de la commission – au niveau de l’OCDE. Nous proposons d’élaborer une base commune solide, mais le chantier de l’harmonisation des conventions fiscales internationales est gigantesque.
Je connais un peu ce sujet, puisque j’habite à quinze kilomètres de la frontière luxembourgeoise, que franchissent chaque jour 80 000 travailleurs frontaliers lorrains.
En règle générale, comme je l’ai expliqué tout à l’heure, les salariés frontaliers sont imposés dans le pays où ils travaillent et perçoivent leurs revenus. Seulement, il y a de nombreuses exceptions, à commencer par l’Allemagne, dont nous avons déjà parlé cet après-midi ; je mentionnerai aussi la Belgique, où s’applique un statut de travailleur frontalier très particulier, que je connais bien, car ce pays touche ma circonscription – elle jouxte à la fois la Belgique et le Luxembourg, et l’Allemagne n’est pas très loin ! Ce statut, que M. Delebarre connaît autant que moi, nous avons éteint la possibilité d’y accéder, mais nous l’avons conservé, et même consolidé, pour les frontaliers qui travaillent dans des zones très particulières.
Ainsi donc, mesdames, messieurs les sénateurs, même s’il existe des standards et des principes communs au sein de l’Union européenne, l’histoire et les pratiques font que se maintiennent toujours des dispositifs un peu particuliers ; on pourrait parler de la CSG et de la CRDS, sans oublier certaines cotisations en matière de dépendance, entre autres innombrables sujets.
En vérité, le chantier est phénoménal. C’est pourquoi j’ai dit précédemment que viser une harmonisation sur la fiscalité comme sur les cotisations sociales est une vue de l’esprit, même si nous progressons et continuerons de progresser dans cette voie. Du reste, j’ai le sentiment que nous avons avancé beaucoup plus vite au cours des deux dernières années que durant la décennie écoulée – remarquez que je n’en attribue le mérite à personne.
Cette note optimiste, quoique pondérée, me paraît tout indiquée pour conclure l’année ! Il ne me reste qu’à m’associer aux remerciements que Mme la présidente de la commission des finances a adressés aux sénatrices et aux sénateurs qui ont pris part aux travaux de cet après-midi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission des finances.
Projet de loi autorisant l'approbation du quatrième avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune
Article unique
Est autorisée l'approbation du quatrième avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune signée à Paris le 1er avril 1958 modifiée par un avenant signé à Paris le 8 septembre 1970, par un avenant signé à Luxembourg le 24 novembre 2006 et par un avenant signé à Paris le 3 juin 2009, signé à Paris le 5 septembre 2014, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Comme l’a fort bien expliqué notre excellent rapporteur général, Albéric de Montgolfier, le quatrième avenant à la convention fiscale France-Luxembourg vient opportunément mettre un terme aux schémas d’optimisation fiscale pratiqués au préjudice de nos recettes fiscales, et donc de nos finances publiques, par des sociétés immobilières disposant d’entités implantées au Luxembourg.
Préjudiciable pour les comptes publics, l’évasion fiscale l’est tout autant pour nos concitoyens qui ne peuvent ou ne veulent pas échapper au cadre fiscal national, puisqu’ils doivent supporter le manque à gagner qui en résulte pour l’État.
Il faut se féliciter que la voie intergouvernementale ait permis de trouver, dans les conditions qui ont été rappelées, un accord avec le Luxembourg, un pays parfois critiqué pour son manque de coopération.
Les sénateurs du groupe Les Républicains voteront donc le projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 17 décembre 2015, à dix heures trente et, éventuellement, à quatorze heures trente :
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l’accord commercial entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la Colombie et le Pérou, d’autre part (n° 692, 2014-2015) ;
Rapport de M. Jeanny Lorgeoux, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 235, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 236, 2015-2016).
Deux conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
- Projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique (n° 210, 2014-2015) ;
Rapport de M. Claude Malhuret, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 237, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 238, 2015-2016).
- Projet de loi autorisant la ratification de l’accord-cadre de partenariat et de coopération entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République des Philippines, d’autre part (n° 551, 2014-2015) ;
Rapport de Mme Hélène Conway-Mouret, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 239, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 241, 2015-2016).
Projet de loi autorisant la ratification de l’accord-cadre global de partenariat et de coopération entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République socialiste du Viêt Nam, d’autre part (n° 414, 2014-2015) ;
Rapport de Mme Hélène Conway-Mouret, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 239, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 240, 2015-2016).
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public ;
Rapport de MM. Hugues Portelli, sénateur et Luc Belot, député, fait au nom de la commission mixte paritaire (n° 188, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 189, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART