M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Je le dis très posément, il s’agit d’un rendez-vous manqué.
Mme la ministre l’a bien dit, il existe une grande diversité de situations. Cela étant, selon l’INSEE, 3 500 euthanasies sont pratiquées chaque année. L’euthanasie existe donc déjà, mais elle est réservée aux personnes qui ont la chance d’avoir des relations, des amis médecins prêts à aider. Les autres ne peuvent prétendre à une fin de vie conforme à leur choix et doivent se débrouiller.
La réponse du rapporteur est excellente, mais, je le dis sans acrimonie, c’est le médecin, et non le parlementaire, qui a parlé. Je pense sincèrement que les différents amendements dont nous discutons ont en commun de répondre aux attentes de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Je déplore donc ce rendez-vous manqué, et j’espère que nous n’attendrons pas vingt ans un nouveau texte.
La société change. Sans revenir sur l’histoire d’Act up, je soulignerai que, pour la génération des baby-boomers, les malades sont des acteurs de leur maladie, que les relations entre médecins et patients ont considérablement évolué.
Dans les années soixante-dix, les femmes disaient : « Mon corps m’appartient. » Je pense que, aujourd’hui, beaucoup de nos concitoyens pourraient dire : « Le choix de ma mort m’appartient. » (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l'une du groupe socialiste et républicain, l'autre de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 34 :
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 310 |
Pour l’adoption | 52 |
Contre | 258 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
L’article L. 1110-9 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 1110-9. – Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa souffrance. Celle-ci doit être, en toutes circonstances, prévenue, prise en compte, évaluée et traitée.
« Toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement.
« Si le médecin constate qu’il ne peut soulager la souffrance d’une personne en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable qu’en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet d’abréger sa vie, il doit en informer le malade, sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 1111-2, la personne de confiance visée à l’article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, les proches. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical. » – (Adopté.)
Article 4 bis
(Supprimé)
Article 5
I. – L’article L. 1111-4 du même code est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement, quel qu’il soit. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif. » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le médecin a l’obligation de respecter la volonté de la personne qui refuse tout traitement ou souhaite arrêter un traitement après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si cette décision de la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. Elle peut faire appel à un autre membre du corps médical pour éclairer ses choix. L’ensemble de la procédure est inscrite dans le dossier médical du patient. » ;
3° (Supprimé)
4° Après le mot : « susceptible », la fin du cinquième alinéa est ainsi rédigée : « d’entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale visée à l’article L. 1110-5-1 et les directives anticipées ou, à défaut, sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6 ou la famille ou les proches aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d’arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical. »
II (Non modifié). – À la première phrase du V de l’article L. 2131-1 du même code, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième ».
M. le président. L'amendement n° 14 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Retailleau et Pozzo di Borgo, Mme Cayeux, MM. Portelli et Bignon, Mme Canayer, MM. Charon, Mandelli et Morisset, Mme Des Esgaulx, M. B. Fournier, Mmes Gruny et Imbert, M. Vasselle, Mme Duchêne et MM. de Raincourt, Revet, Reichardt et Chaize, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Avant les mots :
Le médecin
Insérer les mots :
Après s'être assuré que la personne n'est pas dans un état psychologique susceptible d'altérer son jugement,
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Cet amendement vise à préciser que le médecin doit s’assurer que le patient ne se trouve pas dans un état psychologique susceptible d’altérer son jugement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Amiel, corapporteur. Aux termes de l’article 35 du code de déontologie médicale, « le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. »
Considérant que cet article du code de déontologie médicale donne satisfaction aux auteurs de l’amendement, je sollicite le retrait de celui-ci.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur de Legge, l'amendement n° 14 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Dominique de Legge. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 14 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 25 rectifié ter, présenté par M. Mandelli, Mmes Duchêne et Micouleau, MM. Chaize, Bignon, Retailleau et Pinton, Mme Deromedi, MM. Charon, G. Bailly, Pointereau et Mayet et Mmes Garriaud-Maylam et Lamure, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
4° Après le mot : « susceptible », la fin du cinquième alinéa est ainsi rédigée : « d’entraîner son décès ne peut être réalisé sans qu’ait été prise une décision unanime du médecin, de l’équipe soignante, de la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-11-1 et de la famille ou des proches après consultation des directives anticipées et avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical. Lorsque le médecin, l’équipe soignante, la personne de confiance et la famille ou les proches ne parviennent pas à se mettre d’accord, une médiation est envisagée. »
La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne.
Mme Marie-Annick Duchêne. L’amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Amiel, corapporteur. Le sujet de la procédure collégiale est un peu plus complexe.
Certaines affaires récentes ont montré que l’unanimité pouvait être extrêmement difficile, voire impossible, à obtenir. Bien que le médecin reste décisionnaire in fine, la commission a prévu que le recours à la procédure collégiale ne relèverait pas uniquement de son initiative. Le texte qu’elle a adopté permet l’instauration d’un véritable dialogue entre toutes les personnes qui entourent un patient incapable d’exprimer sa volonté : les soignants, la famille et la personne de confiance.
La commission demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Duchêne, l'amendement n° 25 rectifié ter est-il maintenu ?
M. le président. L'amendement n° 25 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
(Non modifié)
L’article L. 1111-10 du même code est abrogé. – (Adopté.)
Article 7
(Supprimé)
Article 8
L’article L. 1111-11 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-11. – Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l’arrêt ou du refus de traitement. À tout moment, elles peuvent être révisées selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État et révoquées par tout moyen.
« Elles peuvent être rédigées conformément à un modèle dont le contenu est fixé par décret en Conseil d’État pris après avis de la Haute Autorité de santé. Ce modèle distingue deux types de directives anticipées selon que la personne se sait ou non atteinte d’une affection grave au moment où elle les rédige.
« Les directives anticipées sont respectées pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement concernant le patient, sauf lorsque sa situation médicale ne correspond pas aux circonstances visées par ces directives ou en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation médicale.
« La possibilité d’appliquer les directives anticipées au regard de la situation médicale du patient est examinée dans le cadre d’une procédure collégiale telle que celle visée à l’article L. 1110-5-1. La possibilité ou l’impossibilité d’appliquer les directives anticipées est inscrite au dossier médical. Elle est portée à la connaissance de la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, de la famille ou des proches.
« Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, définit les conditions de validité, de confidentialité et de conservation des directives anticipées. Ces directives sont notamment conservées sur un registre national faisant l’objet d’un traitement automatisé dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Lorsqu’elles sont conservées dans ce registre, un rappel de leur existence est régulièrement adressé à leur auteur.
« Le médecin traitant informe ses patients de la possibilité et des conditions de rédaction de directives anticipées.
« Lorsqu’une personne fait l’objet d’une mesure de tutelle, au sens du chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil, elle peut rédiger des directives anticipées avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué. Le tuteur ne peut ni l’assister ni la représenter à cette occasion. »
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. L’article 8 impose de suivre les directives anticipées, alors que la loi de 2005 disposait simplement qu’il fallait en « tenir compte ».
Si l’on va dans cette direction, il est important de déterminer les cas dans lesquels le choix d’une personne peut évoluer entre le moment où ses directives anticipées ont été recueillies – par hypothèse, elle n’était pas alors dans les circonstances de l’agonie – et celui où ces directives devraient trouver application.
La commission des lois estime important de prévoir non seulement le cas où la situation médicale ne correspondrait pas exactement aux intentions ayant été manifestées par la personne au moment de la rédaction de ses directives anticipées, mais aussi le cas où la volonté de celle-ci aurait évolué sans qu’elle ait pu modifier ces dernières. Dans ce second cas, si le patient n’est plus en mesure d’exprimer sa volonté, par exemple parce qu’il se trouve plongé dans le coma, la personne de confiance ou un membre de la famille doit pouvoir témoigner qu’il ne souhaitait plus, au moment de son entrée en agonie, que ses directives anticipées soient appliquées.
M. Pillet présentera tout à l’heure deux amendements. Les discussions qui ont eu lieu entre les deux commissions ayant permis de rapprocher considérablement les points de vue, j’espère que nous pourrons aboutir à un texte commun.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, sur l'article.
Mme Dominique Gillot. J’étais déjà intervenue en première lecture pour insister sur l’importance des directives anticipées.
Être tranquillisé quant au respect de son choix passe par des conversations avec les proches, mais aussi par l’application de mesures garantissant le droit des personnes en fin de vie.
Il s’agit là d’un sujet crucial, qui dépasse la seule circonstance de la fin de vie. C’est la traduction légale du respect dû à l’autonomie de choix et à la dignité de toute personne en matière d’arrêt ou de poursuite de soins. Si elles sont bien appréhendées, ces mesures permettront d’améliorer les relations entre la personne en fin de vie et son entourage.
Les proches sont trop souvent confrontés à des situations difficiles, voire dramatiques. L’actualité nous montre souvent le désespoir de familles qui se déchirent à propos de ces questions : que souhaitait-il ? Ne suis-je pas en train de trahir sa volonté ?
Mes chers collègues, qui, parmi nous, a rédigé ses directives anticipées, indiquant de manière non contestable ce qu’il souhaite ou ce qu’il refuse ?
En 2009 et en 2010, l’équipe du centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin a interrogé 186 personnes de plus de soixante-quinze ans sur leur connaissance des directives anticipées : neuf sur dix n’avaient jamais été informées de l’existence de ce droit, pourtant prévu par le code de la santé publique, et se trouvaient donc dans l’incapacité de l’exercer.
Le défaut d’exercice de ce droit laisse un vide : on ne peut connaître avec certitude les souhaits de la personne pour sa fin de vie. Cela laisse place à des débats difficiles et à des prises de position parfois vindicatives, qui n’autorisent guère l’émergence d’un consensus. En phase aiguë, il est difficile de se prononcer sereinement à la place d’une personne sur une question qui touche à l’intime et au sens de la vie.
L’article 8 nous donne la possibilité de connecter le texte avec la vie, et pas seulement en fin de vie. Il conforte un droit remarquable, qui permet à chacun de s’assurer que, en toutes circonstances, quoi qu’il arrive, son choix pour sa fin de vie sera connu et respecté.
Il faut que cette disposition nouvelle concrétise le principe selon lequel toute personne a « le droit d’avoir une fin de vie digne et apaisée », en renforçant le droit à être maître de sa vie jusqu’au bout, sans être contraint d’abandonner son corps malade à la décision d’autres, fussent-ils médecins ou proches trop aimants !
Si nous voulons qu’un tel droit s’exerce et s’impose, il faut le socialiser, le populariser et en faire un droit actif, vivant et connu. C’est pourquoi je proposerai l’introduction de deux éléments explicites : d’une part, la prise en compte de directives anticipées qui ne seraient pas rédigées conformément au modèle en vigueur, afin d’éviter toutes exclusions du droit ; d’autre part, une sensibilisation des plus jeunes, notamment au cours de la Journée défense et citoyenneté, à la possibilité de déposer des directives anticipées. Cette pratique ne doit pas être réservée seulement aux personnes qui vieillissent et se trouvent concernées par l’avancée en âge, la maladie ou l’entrée en EHPAD.
M. le président. L'amendement n° 9 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, M. Yung, Mmes Blondin, Bonnefoy et Meunier et MM. Labazée, Patriat, Marie, Antiste, Raoul, Masseret, Lalande et Manable, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Des directives anticipées qui ne seraient pas rédigées conformément au modèle fixé par décret en Conseil d’État sont prises en compte dans la mesure où les indications dont elles sont porteuses peuvent être interprétées sans trahir la volonté de leur auteur.
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. L’amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Dériot, corapporteur de la commission des affaires sociales. Cet amendement est satisfait par le texte de la commission, qui a rendu le recours au modèle facultatif, afin de ne pas disqualifier automatiquement les directives anticipées dont la rédaction ne s’y conformerait pas.
Chacun reste donc libre de la forme qu’il souhaite donner à ses directives anticipées. Dès lors, celles-ci doivent être respectées, que leur auteur se soit servi ou non du modèle prévu.
La commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je comprends bien le sens de cet amendement, mais, indépendamment du fond, il pose un problème d’ordre légistique. En l’occurrence, une telle disposition n’aurait pas sa place dans le texte tel qu’il a été rédigé par la commission.
J’émets donc également une demande de retrait.
M. le président. Madame Gillot, l'amendement n° 9 rectifié est-il maintenu ?
Mme Dominique Gillot. Non, je le retire, monsieur le président.
Cependant, je tiens à souligner la difficulté de suivre les évolutions du texte quand on n’appartient pas à la commission des affaires sociales. Quoi qu’il en soit, il ne faudrait pas que des directives anticipées puissent être privées de caractère opposable pour des motifs de forme.
M. le président. L'amendement n° 9 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 17, présenté par Mme David, M. Abate, Mmes Assassi et Beaufils, MM. Billout, Bocquet et Bosino, Mmes Cohen, Cukierman et Didier, MM. Favier et Foucaud, Mme Gonthier-Maurin, MM. P. Laurent et Le Scouarnec, Mme Prunaud et M. Watrin, est ainsi libellé :
Alinéa 4
1° Remplacer les mots :
sont respectées
par les mots :
s’imposent
2° Supprimer les mots :
lorsque sa situation médicale ne correspond pas aux circonstances visées par ces directives ou
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Les directives anticipées sont essentielles pour garantir le respect de la volonté du patient.
Cependant, trop peu de nos concitoyennes et de nos concitoyens se saisissent de ce droit et, quand ils le font, leurs directives rédigées sont peu exploitables ou ne concernent pas directement la situation médicale à laquelle ils se trouvent confrontés.
L’intérêt de l’article 8 est donc, notamment, de clarifier le statut des directives anticipées et de prévoir qu’elles soient rédigées selon un modèle.
La possibilité d’établir des directives anticipées sera mieux connue et elles seront rédigées sous une forme davantage exploitable par le corps médical. Bien entendu, comme M. le rapporteur et Mme la ministre l’ont rappelé, le recours au modèle prévu restera facultatif. Il sera toujours possible de rédiger ses directives anticipées sous une autre forme.
Dès lors, il est logique que ces directives aient une portée plus contraignante : expression de la volonté du patient, elles doivent s’imposer au médecin.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, en indiquant que les directives « s’imposent », et non pas « sont respectées ».
Il est prévu, à l’alinéa 5 de l’article, que leur adéquation avec la situation médicale du patient devra être évaluée selon une procédure collégiale. Il n’y a donc aucun besoin d’en limiter la portée à l’alinéa 4, en indiquant qu’elles « sont respectées […], sauf lorsque sa situation médicale ne correspond pas aux circonstances visées par ces directives ».
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
sa situation médicale ne correspond pas aux circonstances visées par ces directives
par les mots :
leur validité fait l’objet d’une contestation sérieuse au regard du dernier état connu de la volonté du patient, lorsqu’elles ne sont pas adaptées à sa situation médicale,
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à préciser les cas dans lesquels le médecin pourra écarter les directives anticipées du patient.
La rédaction retenue par la commission des affaires sociales est très restrictive par rapport au texte de l’Assemblée nationale. Outre l’« urgence vitale », les directives anticipées ne pourraient être écartées qu’au regard de la situation médicale du patient.
Or le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale prévoyait que les directives pourraient être écartées lorsqu’elles apparaîtraient « manifestement inappropriées ». Cette rédaction permet donc d’écarter les directives anticipées « inappropriées » pour des raisons autres que médicales.
N’oublions pas que le Sénat a supprimé la durée de validité de trois ans pour les directives anticipées, qui pourront donc avoir été rédigées des décennies avant que la personne n’entre en agonie. Comme le relevait le député Jean Leonetti en première lecture, « si quelqu’un rédige ses directives à adolescence et tombe malade à quatre-vingts ans, on pourra évidemment faire valoir leur caractère inapproprié ». Cela est vrai avec la rédaction de l’Assemblée nationale, mais pas avec celle de la commission des affaires sociales du Sénat.
Imaginons qu’une personne ayant rédigé des directives anticipées quarante ans avant sa fin de vie ait par la suite adressé à un membre de sa famille une lettre les modifiant radicalement. Avec une rédaction aussi stricte que celle de la commission des affaires sociales du Sénat, le médecin ne pourra pas considérer que les directives sont inappropriées. Il y a donc un grave danger au regard du respect de la volonté du patient.
La précision que la commission des lois propose d’ajouter n’affecte nullement l’équilibre du texte ; au contraire, elle le renforce. D’ailleurs, notre amendement intègre un sous-amendement que la commission des affaires sociales avait déposé en première lecture.
Veillons à ne pas adopter des mesures qui iraient totalement à l’encontre des positions que nous défendons depuis le début de ce débat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Dériot, corapporteur. L’article 8 de la proposition de loi consacre le principe du caractère contraignant des directives anticipées tout en l’assortissant de deux cas dérogatoires dans lesquels le médecin est autorisé à ne pas les appliquer.
Le premier, qui ne fait pas débat, est celui de l’urgence vitale. Je n’y reviens pas ; il faut le temps de faire le bilan médical dans le moment de l’urgence.
Dans le texte initial de la proposition de loi, le second cas dérogatoire concernait les directives « manifestement inappropriées ». La commission des affaires sociales a estimé que cette formulation n’était pas suffisamment précise et qu’elle était même susceptible de remettre en cause l’opposabilité des directives : en effet, l’appréciation du caractère manifestement inapproprié aurait relevé du seul médecin, sans aucune garantie de collégialité. Le texte comportait en quelque sorte une contradiction.
La commission des affaires sociales a donc mené un travail de précision et de clarification. Le texte prévoit désormais que les directives anticipées sont respectées pour toute décision médicale, sauf dans deux cas : d’une part, lorsque la situation médicale ne correspond pas aux circonstances visées par ces directives ; d’autre part, en cas d’urgence vitale, pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation médicale.
Pour la commission des affaires sociales, cette rédaction tend au meilleur équilibre possible entre le caractère contraignant des directives et les cas dans lesquels il est impossible de les appliquer.
Notre texte ne remet aucunement en cause le caractère contraignant des directives ; au contraire, il le renforce. J’ajoute que l’amendement n° 17 nous semble procéder pour partie d’un malentendu : l’alinéa 5 porte sur la seule mission du collège des soignants et n’est donc pas redondant par rapport à l’alinéa précédent.
C'est la raison pour laquelle la commission sollicite le retrait de l’amendement n° 17. À défaut, l’avis serait défavorable.
L’amendement n° 6 de la commission des lois vise à introduire un troisième cas de dérogation à l’application des directives anticipées : lorsque la validité de celles-ci « fait l’objet d’une contestation sérieuse au regard du dernier état connu de la volonté du patient ».
En première lecture, la Haute Assemblée avait rejeté cet amendement, estimant qu’une telle disposition risquait de remettre largement en cause le caractère contraignant des directives et la hiérarchie des modes d’expression de la volonté du patient prévue à l’article 9.
Le texte prévoit que les directives anticipées sont à tout moment révisables et révocables par tout moyen. Un rappel régulier de leur existence est adressé à leur auteur. En l’absence de directives anticipées, le médecin doit entendre la personne de confiance ou, à défaut, la famille ou les proches.
Compte tenu de ces dispositions, la formulation retenue par la commission des lois nous semblait trop générale. Nous avions donc déposé un sous-amendement visant à la préciser. Le Sénat ne l’ayant pas adopté, nous avons demandé le retrait ou, à défaut, le rejet de l’amendement.
La commission a réitéré cet avis défavorable. Toutefois, compte tenu des explications qui viennent de nous être apportées, je suis disposé, à titre personnel, à émettre un avis favorable sur l’amendement n° 6. (Mme Annie David proteste.) Lorsque la commission des affaires sociales s’est prononcée sur cet amendement, une certaine confusion régnait, d’autant que M. le rapporteur pour avis de la commission des lois n’était pas présent.