M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. En vérité, le Gouvernement est bien en peine d’émettre un avis tout à fait circonstancié, car les rédactions de ces deux amendements, qui contiennent des avancées s’inscrivant dans la réflexion engagée par l’Assemblée nationale, oscillent, si j’ose dire, entre le texte de cette dernière et celui de la commission des affaires sociales du Sénat, au risque d’entraîner des imprécisions et de créer un flou, comme en témoignent certaines interventions.
Cela m’amène à émettre un avis de sagesse sur les deux amendements, tout en précisant bien qu’aucune des deux rédactions proposées ne me paraît complètement satisfaisante.
Ainsi, madame David, écrire que les directives anticipées « s’imposent » plutôt que « sont respectées » ne me semble pas constituer une avancée considérable. Par ailleurs, l’amendement n° 17 tend à supprimer toute possibilité pour le médecin de déroger au respect des directives anticipées, or il existe des cas dans lesquels cela doit être possible.
Voilà pourquoi je suis tentée de demander le retrait de cet amendement, dont la rédaction introduit un flou préjudiciable.
J’adresse la même demande en ce qui concerne l’amendement n° 6, dont la rédaction me paraît néanmoins plus satisfaisante que celle qui est proposée par la commission des affaires sociales, même si elle ne va pas aussi loin que je le souhaiterais pour préciser les choses.
En conclusion, j’ai le sentiment qu’il reviendra à la commission mixte paritaire de parfaire le travail de rédaction.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Marisol Touraine, ministre. Je le répète, aucune des rédactions présentées ne me semble entièrement satisfaisante. Je ne suis pas certaine que les oppositions soient si fortes que cela. Il me semble que le travail juridique de rédaction doit se poursuivre. J’émets donc un avis de sagesse sur les deux amendements, même si leur retrait faciliterait les choses.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 17.
Mme Annie David. J’entends l’argument de Mme la ministre selon lequel « sont respectés » et « s’imposent » sont deux formulations équivalentes sur le plan juridique.
En ce qui concerne la deuxième partie de mon amendement, madame la ministre, j’observe que nous ne proposons de supprimer que l’un des deux cas où le médecin peut déroger à l’application des directives anticipées, puisque nous maintenons celui de l’urgence vitale « pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation médicale ».
En tout état de cause, j’entends les arguments du Gouvernement et j’accepte de retirer mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 17 est retiré.
Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 6 est-il maintenu ?
M. François Pillet, rapporteur pour avis. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 6.
Mme Annie David. Le groupe CRC votera contre cet amendement, que la commission des affaires sociales avait rejeté à l’unanimité.
M. Jean Desessard. Oui !
Mme Annie David. M. Dériot fait maintenant état d’une certaine confusion, mais il me semble au contraire que nos débats en commission des affaires sociales avaient été très clairs et complets, toutes les possibilités ayant alors été envisagées.
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée, pour explication de vote.
M. Georges Labazée. Il semblerait que nous ayons besoin d’un oscilloscope…
La commission des affaires sociales s’était prononcée contre l’amendement défendu par M. Pillet, mais Mme la ministre nous a indiqué que cet amendement permet un progrès et pourrait servir de base de travail à la commission mixte paritaire. Je ne sais plus que faire… Devrons-nous nous réfugier dans l’abstention, ce qui serait la pire des choses ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot, corapporteur.
M. Gérard Dériot, corapporteur. Effectivement, la commission des affaires sociales s’est prononcée unanimement contre cet amendement, mais il avait été bien précisé alors que nous entendrions les explications que M. Pillet voudraient bien donner lors de la séance publique. Fort de ces explications, j’ai simplement exprimé un avis favorable à titre personnel, la discussion pouvant se poursuivre en commission mixte paritaire.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Remplacer les mots :
est examinée dans le cadre d’une procédure collégiale telle que celle visée
par les mots :
ou au regard de l’existence d’une contestation sérieuse portant sur leur validité fait l’objet d’une décision du médecin prise après consultation du collège prévu
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à tirer les conséquences de l’adoption du précédent. Il s’agit de préciser la procédure applicable pour apprécier la possibilité ou l’impossibilité de mettre en œuvre les directives anticipées.
La rédaction proposée à l’article 8 n’est pas suffisamment précise concernant la procédure collégiale. Elle ne permet pas de trancher la question de la nature de l’intervention du collège : s’agit-il d’un simple avis ou d’une décision ?
En effet, la question de l’application des directives anticipées serait examinée « dans le cadre d’une procédure collégiale telle que celle visée à l’article L. 1110-5-1 ». Or cet article ne met pas en place de procédure particulière ; il fixe seulement la composition du collège et confie la définition de ses modalités au pouvoir réglementaire.
Compte tenu des conséquences potentielles de la mise en œuvre des directives anticipées, il appartient au législateur, et non au pouvoir réglementaire, de désigner l’autorité compétente pour prendre une telle décision.
Cet amendement vise donc à préciser que le collège ne donne qu’un simple avis. La décision finale d’appliquer ou non les directives appartiendra au seul médecin, conformément aux principes qui nous guident depuis le début.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Dériot, corapporteur. Par cohérence avec l’adoption de l’amendement précédent, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. En commission, monsieur le rapporteur, la question suivante nous avait beaucoup troublés et conduits à voter contre l’amendement n° 6 : de qui viendra la contestation des directives anticipées ? Comment s’exprimera-t-elle ?
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Annie David. Vos propos en séance plénière ne nous ayant à mon sens guère éclairés, monsieur le rapporteur pour avis, nous voterons également contre l’amendement n° 7, par cohérence…
M. Jean Desessard. Il faudrait que les rapporteurs prennent des directives anticipées pour que l’on puisse s’y retrouver !
M. le président. L'amendement n° 10 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, M. Yung, Mmes Blondin, Lepage, Bonnefoy et Meunier et MM. Patriat, Marie, Antiste, Raoul, Lalande et Manable, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les mineurs sont sensibilisés à la possibilité de rédiger des directives anticipées, à partir de leur majorité, à l’occasion de la journée défense et citoyenneté mentionnée à l’article L. 114-3 du code du service national.
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Les directives anticipées constituent un progrès en vue de faire respecter la volonté des personnes quant à leur fin de vie, mais nos compatriotes doivent s’approprier ce dispositif, à tous les âges de la vie.
En première lecture, un certain nombre de collègues avaient estimé que les jeunes seraient désagréablement impressionnés par une information sur les directives anticipées. Or il me semble au contraire que, dans une perspective démocratique d’appropriation de ce droit, une telle sensibilisation ne doit pas être réservée aux personnes frappées par la maladie, âgées ou admises dans un EHPAD. Je crois important de dispenser l’information sur la possibilité de rédiger des directives anticipées à toutes les classes d’âge. Concernant les jeunes, la Journée défense et citoyenneté me paraît constituer une bonne occasion de le faire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Dériot, corapporteur. Cet amendement visant à sensibiliser les jeunes, lors des journées défense et citoyenneté, à la possibilité de rédiger des directives anticipées avait déjà été rejeté par le Sénat en première lecture. Pour ma part, je n’ai pas changé d’avis. Les jeunes me paraissent avoir d’autres soucis et préoccupations.
Comme en première lecture, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Pour ma part, je suis favorable à cet amendement. Les jeunes sont plus sensibles à cette question qu’on ne l’imagine, et ils peuvent d’ailleurs être confrontés à des situations dramatiques à la suite d’un accident ou, plus rarement, d’une maladie.
Certains doutent que la Journée défense et citoyenneté, la JDC, constitue le bon moment pour sensibiliser les jeunes à ces questions et craignent qu’on ne la surcharge. Je rappelle que, à cette occasion, une information sur les dons d’organes et de sang est déjà dispensée. Aussi semble-t-il cohérent d’y ajouter une sensibilisation à la rédaction de directives anticipées.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je suis très réservé sur cet amendement, car la JDC, qui s’étale de huit heures du matin à vingt heures du soir, est déjà très chargée.
Par ailleurs, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et le ministre de la défense préconisent de recentrer la JDC sur les questions de défense. C’est le sens des dernières réformes. Le module de secourisme a ainsi été supprimé, et l’heure ainsi dégagée a été répartie à parité entre une information sur la sécurité routière et une sensibilisation aux enjeux de défense.
On pourrait envisager l’instauration d’une deuxième journée, davantage centrée sur la citoyenneté. Pourquoi pas, mais, en l’état actuel des finances publiques, cela ne semble pas vraiment dans l’air du temps. C’est d’ailleurs ce que nous a indiqué ce matin le directeur du service national.
L’intention des auteurs de l’amendement est louable, mais, à force de charger la barque, on risque de s’éloigner des préconisations du Livre blanc et de l’esprit originel de la JDC. Dieu sait si, après les événements des 7 et 11 janvier 2015, il y a déjà beaucoup de sujets à évoquer… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Je saisis cette occasion pour souligner que cette proposition de loi laisse de côté le problème de la fin de vie des mineurs, qui n’est certes pas facile à traiter…
A fortiori, personne n’a osé évoquer la conduite à tenir envers les nouveau-nés. Je ne sais pas, madame la ministre, quelle est votre position sur ce sujet, mais j’espère que l’on n’y touchera jamais.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je soutiens l’amendement de notre collègue Dominique Gillot.
Je souhaite revenir sur l’adoption des deux amendements précédents, pour souligner que la méthode n’est pas très élégante.
En commission, nous nous étions prononcés contre ces deux amendements. Monsieur Dériot, en exprimant un avis favorable, fût-ce à titre personnel, lors de la séance publique, vous remettez en cause le travail de la commission des affaires sociales sur la procédure collégiale de prise de décision : avec l’adoption de l’amendement n° 6, celle-ci appartient de nouveau au médecin.
Cela remet en cause le vote final de mon groupe sur ce texte. Nous attachions en effet une grande importance à la collégialité de la décision, qui a donc été écartée au détour d’un amendement auquel la commission s’était opposée. Le travail de celle-ci se trouve donc annulé d’un coup de balai, alors que M. le rapporteur avait dit et répété qu’il convenait de retenir une procédure collégiale… Tout est fichu en l’air !
Encore une fois, la méthode n’est pas très élégante, surtout s’agissant d’un texte complexe, difficile, touchant à l’intime. De tels agissements me mettent, ainsi que mon groupe, dans une situation très délicate. En cet instant, je ne sais plus quel sera notre vote final. Pour l’heure, je pencherais plutôt pour l’abstention…
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. J’interviens en mon nom propre, car Marie-Christine Blandin se dissocierait sans doute des propos que je vais tenir…
Pour avoir passé beaucoup de temps, il y a trois ans, à l’Institut des hautes études de défense nationale, l’IHEDN, et pour rencontrer nombre de militaires au sein de la réserve citoyenne, j’aboutis à une conclusion exactement inverse de celle de M. Lemoyne.
Si nous voulons faire comprendre aux jeunes ce que signifient la paix, la guerre et la défense, il n’est pas absurde, d’un point de vue pédagogique, de leur apprendre que la vie est précaire et fragile, que certains sont prêts à sacrifier la leur pour que nous puissions vivre en paix et que l’on n’est pas invincible, même à dix-huit ans.
Dans un premier temps, je n’ai pas été convaincue par l’amendement n° 10 rectifié, mais mes discussions avec des personnes qui organisent ces journées de la défense et de la citoyenneté m’ont amenée à revoir ma position.
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée, pour explication de vote.
M. Georges Labazée. Je soutiendrai bien sûr l’amendement de Mme Gillot.
Depuis des mois, nous ne cessons de chercher des occasions de sensibiliser nos concitoyens à l’importance de la vaccination, aux directives anticipées, au don d’organes. Cela relève d’une forme de cohérence, car tous ces sujets sont en lien avec la vie et la mort. Je pensais que les rapporteurs l’auraient compris.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. Je ne voudrais pas que le rapporteur pour avis de la commission des lois soit à l’origine de difficultés relationnelles au sein de la commission des affaires sociales, dont les débats, je peux en témoigner, ont été d’une grande qualité.
M. Dériot a rapporté fort honnêtement, me semble-t-il, l’avis de la commission des affaires sociales. Il a simplement indiqué que, à titre personnel, peut-être à la suite des explications que j’ai fournies en séance publique, faute d’avoir pu le faire devant la commission, il formulait un avis favorable. Cela ne me semble pas constituer une révolution dans la conduite des débats du Sénat !
Lors de l’examen de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant, je n’ai jamais élevé la moindre protestation lorsque la rapporteur, notre collègue Michelle Meunier, indiquait en séance publique, après avoir été mise en minorité au sein de la commission des affaires sociales, que, à titre personnel, elle ne partageait pas l’avis de celle-ci. Cela fait partie du débat et ne pose pas de difficulté.
Je ne veux pas, madame David, nuire à l’unanimité qui commence à poindre dans cet hémicycle !
M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot, corapporteur.
M. Gérard Dériot, corapporteur. Je souhaite présenter mes excuses à Mme David. La situation n’était pas simple, mais je n’ai fait que donner un avis favorable à titre personnel, après avoir indiqué que la commission avait émis un avis défavorable.
Pour ce qui concerne la Journée défense et citoyenneté, on peut y mettre tout ce que vous demandez, mais alors il faudra plus d’un jour pour dispenser aux jeunes autant d’informations ! J’ai l’impression que vous vivez en dehors du monde réel !
M. Georges Labazée. Non !
M. Gérard Dériot, corapporteur. S’il faut parler aux jeunes des dons d’organes, de la fin de vie, des vaccinations, en plus de tout le reste, une journée n’y suffira pas ! En définitive, ce sera complètement inefficace ! Une fois la journée terminée, les jeunes ne se souviendront plus de rien, sauf à prévoir des piqûres de rappel, puisqu’il sera question de vaccinations ! (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, la commission a émis un avis défavorable. Il appartient maintenant au Sénat de trancher.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. L’intention des auteurs de l’amendement est très louable, mais je souhaiterais faire part d’une expérience personnelle.
Il y a quinze jours, j’ai été chargée de représenter le président du conseil départemental lors de la remise des diplômes aux jeunes à l’issue de la JDC. J’ai dû attendre très au-delà de l’heure prévue que le programme de la journée soit achevé ; du reste, il n’a pu l’être, car le temps a manqué. Or, pour sensibiliser un public à la question des directives anticipées, il faut du temps. À la rigueur, mieux vaudrait prévoir une simple information, qui peut être dispensée par le biais d’un document.
Aussi important le sujet soit-il, on ne peut pas davantage charger la barque, sauf à prévoir une journée supplémentaire. Je crois d’ailleurs savoir que M. Le Drian réfléchit à une évolution de la JDC. Pour l’heure, je ne pense pas que la proposition des auteurs de l’amendement soit praticable.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Pour ma part, je soutiens cet amendement.
Il est vrai que le programme de la JDC est déjà très chargé, mais il appartiendra aux organisateurs de définir la forme et la durée de cette sensibilisation.
De mon point de vue, il est important de sensibiliser la jeunesse à la question des directives anticipées, et donc à la perspective de la mort, parce que, à dix-huit ans, on a toute la vie devant soi et on se croit volontiers invincible. Or cet état d’esprit induit parfois des comportements à risque, par exemple en matière routière, qui peuvent avoir, on le sait, des conséquences terribles.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Je voudrais attirer l’attention sur le fait que de nombreux jeunes, en fin d’adolescence, ont des problèmes psychologiques, de maturation, et sont très angoissés par la mort. Ils essaient parfois d’exorciser cette peur par divers moyens. Leur parler de la mort à propos des directives anticipées ou des dons d’organes peut provoquer des dégâts sur le plan psychique chez des jeunes particulièrement instables. Il faut être très prudent. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Mes chers collègues, je vous affirme que cette prudence est justifiée ! Je pourrais vous en donner des preuves.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. En ce qui me concerne, je suis défavorable à cet amendement. Je considère que ce n’est pas l’objet de la Journée de la défense et de la citoyenneté.
Par ailleurs, s’il peut paraître judicieux, pour des motifs altruistes, d’inciter nos concitoyens à donner leur sang ou leurs organes, il s’agit ici d’un sujet bien plus personnel. Inciter les jeunes à réfléchir aux conditions de leur propre mort constitue, selon moi, une démarche prématurée, car c'est justement la partie de la population qui a le moins de raisons de s’intéresser à cette question. Je ne vois donc pas pourquoi on devrait faire de la propagande pour les directives anticipées auprès des jeunes à l’occasion de la JDC, alors que l’on s’abstiendrait d’en faire à destination de ceux pour qui cette question revêt davantage d’acuité.
Il a été dit précédemment à juste titre que, si l’on meurt à plus de quatre-vingts ans après avoir rédigé ses directives anticipées des décennies plus tôt, il y a de fortes probabilités pour que celles-ci soient devenues obsolètes… La vie est passée par là.
Par conséquent, quelles que soient les intentions généreuses des auteurs de l’amendement, la démarche proposée me paraît totalement inappropriée.
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par MM. Amiel et Dériot, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il est chargé de faire enregistrer les directives anticipées de ses patients sur le registre mentionné au cinquième alinéa.
La parole est à M. Michel Amiel, corapporteur.
M. Michel Amiel, corapporteur. Compte tenu du faible nombre de personnes rédigeant leurs directives anticipées, il nous semblerait intéressant que le médecin traitant soit chargé de les faire inscrire au registre national prévu à cet effet.
A priori, ce sont surtout les échanges avec les médecins qui permettront de sensibiliser les patients à cette question.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Les modalités d’inscription des directives anticipées sur le registre national feront l’objet d’un décret en Conseil d’État. Il paraît souhaitable de réfléchir à la manière dont les choses vont se passer : l’enregistrement des directives anticipées doit-il relever du seul médecin, ou du médecin et d’autres intervenants ?
Le médecin peut certes jouer un rôle d’incitation à la rédaction de directives anticipées, monsieur le rapporteur, mais doit-il forcément, pour autant, être celui qui les enregistre ? Ne faut-il pas laisser au patient le temps d’en parler avec son conjoint, par exemple ?
Tout est ouvert et ces points devront être précisés par décret. Il me semble que cet amendement n’épuise pas le champ des possibles et que nous irions trop vite en l’adoptant. Il vaut mieux, selon moi, laisser le temps de la concertation pour l’élaboration du décret.
Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 26 est-il maintenu ?
M. Michel Amiel, corapporteur. Je ne fais pas de cette question un cheval de bataille. Je retire donc l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 26 est retiré.
Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
I. – L’article L. 1111-6 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-6. – Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin. Cette désignation est faite par écrit et cosignée par la personne désignée. Elle est révisable et révocable à tout moment.
« Si le patient le souhaite, la personne de confiance qu’il a désignée l’accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions.
« Lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, il est proposé au malade de désigner une personne de confiance dans les conditions prévues au présent article. Cette désignation est valable pour la durée de l’hospitalisation, à moins que le malade n’en dispose autrement.
« Lorsque le patient qui a désigné une personne de confiance est hors d’état d’exprimer sa volonté, cette personne rend compte de la volonté du patient. Son témoignage prévaut sur tout autre.
« Lorsqu’une personne fait l’objet d’une mesure de tutelle, elle peut désigner une personne de confiance avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué. Dans l’hypothèse où la personne de confiance a été désignée antérieurement à la mesure de tutelle, le juge peut confirmer la désignation de cette personne ou la révoquer. »
II. – (Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 29, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre du suivi de son patient, le médecin traitant s’assure que celui-ci est informé de la possibilité de désigner une personne de confiance et, le cas échéant, l’invite à procéder à une telle désignation.
II. – Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsqu’une mesure de protection judiciaire est ordonnée et que le juge ou le conseil de famille, s’il a été constitué, autorise la personne chargée de la protection à représenter ou à assister le majeur pour les actes relatifs à sa personne en application du deuxième alinéa de l’article 459 du code civil, la désignation de la personne de confiance est soumise à l’autorisation du conseil de famille, s’il est constitué, ou à défaut du juge des tutelles. Lorsque la personne de confiance est désignée antérieurement au prononcé d’une telle mesure de protection judiciaire, le conseil de famille, le cas échéant, ou le juge peut soit confirmer sa mission, soit la révoquer. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Cet amendement a un double objet.
D’abord, il tend à préciser que le choix d’une personne de confiance doit être un sujet de préoccupation à tout moment du parcours de santé pour le médecin traitant, et pas seulement à l’occasion de l’entrée du patient à l’hôpital.
Ensuite, dans un souci d’harmonisation et de cohérence légistique, il vise à reprendre la formulation retenue dans le cadre du projet de loi relatif à l’’adaptation de la société au vieillissement, que vous avez adopté cette nuit à la quasi-unanimité, afin d’éviter toute ambiguïté pour ce qui concerne l’alinéa relatif à l’articulation de la disposition avec les mesures de protection légale des majeurs.
Il s’agit donc d’une simple mise en cohérence avec l’évolution des dispositions du code civil. J’insiste sur ce point, car l’amendement qui sera présenté dans un instant par la commission des affaires sociales vise à supprimer la seconde partie de celui du Gouvernement. Je le répète, ce n’est qu’une pure disposition de mise en cohérence de rédactions juridiques. Dans le texte que vous avez adopté cette nuit, vous avez fait évoluer des dispositions législatives pour les mettre en accord avec celles du code civil. Il s’agit ici de faire la même chose.
Pour résumer, le I de l’amendement gouvernemental porte sur un élément de fond ; le II est une simple disposition de cohérence légistique par rapport au code civil.