M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Tout d’abord, je salue cet article 3, qui constitue une véritable avancée.
Je ne voterai pas cet amendement, parce que je considère que les services de police et de gendarmerie doivent siéger au sein de la commission. Comme élu du monde rural, je préfère que les gendarmes se consacrent à la prévention plutôt qu’à la répression.
Les gendarmes ont besoin de renseignements. Ils sont parmi la population et ont connaissance de ses problèmes. Ils pourront donc apporter des informations à la commission.
Une fois de plus, chacun nourrit sa conception des forces de l’ordre, je préfère qu’elles mènent une action positive plutôt que répressive !
M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 3 bis
I. – Après le e de l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation, sont insérés des f et g ainsi rédigés :
« f) De personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle prévu à l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles ;
« g) De personnes victimes de l’une des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme prévues aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal. »
II. – Au troisième alinéa de l’article L. 441-2 du même code, le mot : « septième » est remplacé par le mot : « dixième ».
III (nouveau). – À la première phrase du premier alinéa du II de l’article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, les mots : « énumérées aux a à e » sont remplacés par les mots : « énumérées aux a à g ». – (Adopté.)
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Article 6
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 316-1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » ;
b) (Supprimé)
2° Après l’article L. 316-1, il est inséré un article L. 316-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 316-1-1. – Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, une autorisation provisoire de séjour d’une durée minimale de six mois peut être délivrée à l’étranger victime des infractions prévues aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal qui, ayant cessé l’activité de prostitution, est engagé dans le parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle mentionné à l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles. La condition prévue à l’article L. 313-2 du présent code n’est pas exigée. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée du parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d’être satisfaites. » ;
3° L’article L. 316-2 est ainsi modifié :
a) À la fin de la première phrase, la référence : « de l’article L. 316-1 » est remplacée par les références : « des articles L. 316-1 et L. 316-1-1 » ;
b) Après la référence : « L. 316-1 », la fin de la seconde phrase est ainsi rédigée : « et de l’autorisation provisoire de séjour mentionnée à l’article L. 316-1-1 et les modalités de protection, d’accueil et d’hébergement de l’étranger auquel cette carte ou cette autorisation provisoire de séjour est accordée. »
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud et Blandin et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rétablir le b) dans la rédaction suivante :
b) Après la deuxième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« La condition de cesser l’activité de prostitution n'est pas exigée. » ;
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement concerne la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », délivrée à des victimes ayant déposé plainte contre les réseaux de proxénétisme.
Il a pour objet de permettre aux personnes qui ont cessé de se prostituer, mais aussi à celles qui n’ont pas cessé d’exercer cette activité, de bénéficier d’une carte de séjour temporaire.
Il n’est pas justifié d’instaurer un traitement différent entre les personnes qui poursuivent l’activité de prostitution et celles qui ont arrêté. Malgré cela, certaines préfectures exigent des victimes d’exploitation sexuelle ayant déposé plainte qu’elles aient cessé de se prostituer pour leur délivrer un titre de séjour.
Limiter la délivrance d’un titre aux seules personnes ayant cessé d’exercer l’activité de prostitution conduit à fragiliser une catégorie de victimes. Il apparaît donc nécessaire d’exclure clairement cette exigence dans l’article L. 316–1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA.
Cet amendement est d’ailleurs conforté par la Commission nationale consultative des droits de l’homme, ou CNCDH, qui, dans son étude sur la traite et l’exploitation des êtres humains en France publiée en octobre 2010, recommande qu’un titre de séjour temporaire soit remis de plein droit et sans condition à toute victime de traite ou d’exploitation.
Elle rappelle que « subordonner leur délivrance à la cessation d’une activité licite » comme la prostitution « constitue une discrimination, en violation des textes internationaux auxquels la France est partie ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur. La commission propose le retrait de cet amendement, qui lui semble satisfait.
En première lecture, la commission spéciale a déjà adopté un amendement prévoyant que le titre de séjour est délivré de plein droit dès lors que la condition fixée par la loi, le dépôt d’une plainte, est remplie. Nous attendons l’avis du Gouvernement pour en avoir confirmation.
Mme Esther Benbassa. Mon amendement n’est pas satisfait !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, cet amendement est malheureusement contraire à l’esprit de cette proposition de loi, qui vise à faire reculer la prostitution et à mettre en œuvre des moyens pour que les personnes prostituées puissent sortir de ce système.
Cet article vise les personnes prostituées engagées dans un parcours judiciaire contre leur proxénète. Le fait que ces personnes cessent d’être prostituées est le résultat de leur volonté de poursuivre en justice les personnes qui les maintenaient en esclavage.
Cet amendement ne me semble donc pas cohérent avec la réalité vécue par ces personnes. C’est pourquoi l’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. Madame Benbassa, votre amendement est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 20, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud et Blandin et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Le second alinéa de l’article L. 316–1 est ainsi rédigé :
« À l’issue de la procédure pénale, une carte de résident peut être délivrée à l’étranger ayant déposé plainte ou témoigné. En cas de condamnation définitive, celle-ci est délivrée de plein droit. » ;
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement porte sur la question de la délivrance d’un titre de séjour à l’issue de la procédure pénale.
Grâce à l’adoption, par le Sénat, d’un amendement du groupe écologiste, la loi de 2014 pour l’égalité entre les femmes et les hommes prévoit qu’une carte de résident est délivrée de plein droit à l’étranger ayant déposé plainte ou témoigné en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause.
Toutefois, cette rédaction ne tient pas compte du fait que de nombreuses procédures sont classées sans suite ou annulées pour des raisons très diverses.
Il s’agit donc, à travers cet amendement, de sécuriser le parcours des personnes ayant déposé plainte ou témoigné, en prévoyant qu’une carte de résident peut leur être délivrée en cas d’échec de la procédure judiciaire, sans toutefois qu’elle le soit automatiquement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur. La commission spéciale souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
L’article 48 de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, que nous avons voté ici, prévoit qu’une carte de résident est délivrée de plein droit à l’étranger ayant déposé plainte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État. Cet amendement comporte deux aspects.
Le premier est le fait d’accorder une carte de résident à la victime qui a déposé plainte sans que la procédure aboutisse. Cela est déjà possible, vous l’avez rappelé. Le Gouvernement l’a d’ailleurs précisé dans une circulaire du ministre de l’intérieur en date du 19 mai 2015. Cette circulaire va au-delà du simple rappel de cette possibilité, puisqu’elle encourage les préfets à examiner avec bienveillance les demandes dans les cas où la procédure judiciaire se solde par une relaxe ou par une absence de condamnation.
Le second aspect que vous soulevez est la possibilité d’obtenir une carte de résident de plein droit en cas de condamnation définitive. Sur ce point également, le Gouvernement a déjà agi. La loi du 4 août 2014 prévoit qu’une carte de séjour est attribuée de plein droit aux victimes de traite des êtres humains en cas de condamnation définitive des auteurs.
Cet amendement est donc pleinement satisfait par les dispositions prises par le Gouvernement dès 2014. Je vous propose donc de le retirer ; à défaut, je devrais émettre un avis défavorable.
M. le président. Madame Benbassa, votre amendement est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 12 est présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 15 rectifié est présenté par MM. Godefroy, Tourenne et Madec, Mme Génisson, MM. Yung et Sutour et Mme Bataille.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6, première phrase
Remplacer les mots :
de six mois
par les mots
d’un an
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin pour présenter l’amendement n° 12.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Si vous le permettez, monsieur le président, je vais défendre en même temps l’amendement n° 13.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 13, présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Remplacer les mots :
peut être
par le mot :
est
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 6 apporte des modifications quant au droit au séjour des personnes étrangères victimes de la traite ou de la prostitution ayant déposé plainte contre les auteurs de ces infractions.
La modification apportée au premier alinéa de l’article L. 316–1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est importante tant, sur le terrain, l’accès effectif à ce titre de séjour est compliqué pour ces victimes.
On sait, en outre, que la disposition prévoyant la délivrance de plein droit d’une carte de résident à l’étranger ayant déposé plainte ou témoigné, en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, est souvent inopérante.
Selon le rapport statistique du ministère de l’intérieur publié le 10 juillet 2014, seules trente-six cartes de séjour temporaire ont été délivrées en 2012 et trente-huit en 2013, à des personnes victimes de traite qui ont déposé plainte ou témoigné dans une procédure pénale. Pour l’année 2014, ce chiffre serait estimé à cinquante-cinq. Selon le rapport du comité interministériel du contrôle de l’immigration de 2012, une seule personne a bénéficié d’une carte de résident en 2011 et quatre en 2012.
Ce chiffre très faible prouve que la passerelle, censée être facilitée, entre la carte de séjour temporaire d’un an et la délivrance d’une carte de résident à la suite d’une condamnation pénale n’est pas effective.
Ce constat nous amène à proposer les amendements nos 12 et 13. L’amendement n° 12 tend à porter à douze mois la durée de l’autorisation provisoire de séjour, ou APS. L’amendement n° 13, quant à lui, vise à permettre la délivrance de plein droit de cette APS aux personnes victimes de la traite des êtres humains ou de proxénétisme engagées dans un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle.
M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille, pour présenter l’amendement n° 15 rectifié.
Mme Delphine Bataille. Cet amendement a pour objet de rétablir la version issue de la première lecture dans notre assemblée en relevant de six mois à un an la durée de l’autorisation provisoire de séjour délivrée à l’étranger victime de proxénétisme ou de traite des êtres humains engagé dans un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle.
Même si l’autorisation provisoire de séjour est renouvelable, une période de six mois semble trop courte pour envisager une véritable sortie de la prostitution. Nous proposons donc de la porter à un an, afin d’offrir à ces personnes une situation plus sécurisante et leur permettre d’envisager de façon plus réaliste le parcours de sortie de la prostitution ainsi que le travail de réinsertion et de reconstruction.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 12 et 15 rectifié, ainsi que sur l’amendement n° 13 ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur. Concernant les amendements identiques nos 12 et 15 rectifié, la commission spéciale a beaucoup discuté de la question d’étendre à un an la durée du titre de séjour, au lieu de six mois.
Je rappelle que la durée du titre de séjour prévue pour les personnes prostituées qui portent plainte est de six mois. Dès lors, prévoir une durée minimale plus longue pour celles qui s’engagent dans le parcours de sortie ne serait pas logique. La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
S’agissant de l’amendement n° 13, qui vise à instaurer une automaticité de la délivrance du titre de séjour, la commission émet également un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. L’article 6 crée une nouvelle procédure d’admission au séjour et, fait nouveau dans notre droit, grâce à cette proposition de loi, les victimes de la prostitution engagées dans un parcours de sortie pourront bénéficier d’un titre de séjour même si elles ne souhaitent pas porter plainte.
Le délai de six mois permettra d’éviter toute instrumentalisation par les réseaux en assurant un suivi de chaque personne accompagnée, notamment dans le cadre de la commission départementale. Il s’agit d’un délai minimal. Il est prévu que cette autorisation soit renouvelée pendant la durée du parcours.
Par ailleurs, je tiens à préciser que l’article 6 tel qu’il est actuellement prévu permet de créer un dispositif progressif. Je rappelle que lorsque cette proposition de loi sera votée, le titre de séjour sera d’un an et de droit pour les personnes engagées dans une procédure judiciaire. Elles seront ainsi mieux protégées et incitées à témoigner, ce qui nous aidera à faire reculer les réseaux et les mafias.
Comme la commission spéciale du Sénat et comme l’Assemblée nationale, le Gouvernement estime que c’est un équilibre, qu’il est souhaitable de respecter. Nous créons un dispositif exceptionnel. C’est une avancée essentielle, qu’il importe de consolider.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 12 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. J’ai bien entendu les précisions de Mme la secrétaire d’État, et je suis sensible à la volonté de parvenir à un texte équilibré et le plus juste possible.
Cela étant dit, les victimes de la prostitution vivent des traumatismes terribles après lesquels il leur est bien difficile de se reconstruire. Cela prend du temps, or six mois, c’est extrêmement court, même si ces personnes sont accompagnées et qu’aucun grain de sable ne vient enrayer cet accompagnement.
Psychologiquement, moralement, physiquement, un délai de six mois ne nous paraît pas suffisant pour la personne prostituée, qui doit de plus affronter les lourdeurs administratives.
Nous maintenons donc l’amendement no 12, ainsi que l’amendement n° 13.
M. le président. Madame Génisson, l’amendement n° 15 rectifié est-il maintenu ?
Mme Catherine Génisson. Je ne reprendrai pas l’excellente argumentation que vient de développer notre collègue Laurence Cohen. Pour les mêmes raisons, nous maintenons l’amendement n° 15 rectifié.
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 12 et 15 rectifié.
Mme Maryvonne Blondin. J’entends bien les arguments avancés par nos collègues, mais je crois qu’il faut également prendre en compte ce que vient de nous dire Mme la secrétaire d’État sur les possibles effets négatifs d’une extension du titre de séjour à un an, à savoir que cela pourrait amener des stratégies de détournement de la part des réseaux, qui pourraient alors exploiter d’autant plus facilement les personnes.
Par ailleurs, je crois que cela viderait de sa compétence l’instance collégiale chargée du suivi de la personne tout au long du parcours de sortie de la prostitution, dont la création est prévue à l’article 3.
Mme la secrétaire d’État a d’ailleurs bien rappelé le caractère progressif du dispositif et les possibilités d’assouplissement de cet accompagnement.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je ne partage pas du tout l’argumentation développée par notre collègue Maryvonne Blondin.
Il faut tenter de se placer dans la situation d’une personne qui arrive dans notre pays après qu’on lui a promis monts et merveilles, qui souvent voit ses papiers confisqués et qui se trouve dans un total désarroi. Cette personne a besoin de renouer des contacts, de prendre pied dans le pays et de surmonter sa peur et sa détresse pour engager des démarches auprès de la préfecture, qui n’a d’ailleurs pas toujours les moyens de lui répondre dans le temps imparti.
J’entends bien que l’on va mettre en place des instances collégiales et j’y suis favorable. Toutefois, la peur n’évite pas le danger. Un petit plus peut faire beaucoup !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 et 15 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud et Blandin et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Remplacer le mot :
cessé
par les mots :
engagé des démarches pour cesser
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. À l’image de l’amendement n° 14 rectifié de mes collègues, je propose, au travers de cet amendement, une nouvelle rédaction de l’article L 316-1-1 créé dans le CESEDA par la proposition de loi.
Il ne s’agit pas d’exiger de la victime qu’elle ait cessé définitivement toute activité de prostitution pour bénéficier d’une autorisation provisoire de séjour, mais il faut qu’elle ait engagé des démarches réelles pour arrêter cette activité.
La rédaction actuelle de l’article n’est pas satisfaisante. Une autorisation provisoire de séjour d’une durée minimale de six mois ne peut être délivrée qu’à une personne ayant cessé l’activité de prostitution.
Quid des femmes et des hommes qui souhaitent sortir de la prostitution, mais qui, du fait de leur situation, de leur vulnérabilité, sont parfois contraints de reprendre cette activité ?
Le Sénat avait supprimé cette restriction à l’octroi d’un titre de séjour provisoire. Cet amendement vise le même objectif.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur. La commission spéciale est favorable à la suppression de la condition de sortie de la prostitution, estimant que le parcours de sortie de la prostitution peut ne pas être linéaire.
À titre personnel, j’estime que la condition d’arrêt de la prostitution est nécessaire, afin de conserver la possibilité de refuser un titre de séjour dès lors que la personne prostituée est manifestement manipulée par un réseau qui tente de mettre à profit le parcours de sortie de la personne prostituée pour faciliter l’activité de prostitution de celle-ci.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. La notion de « démarches » pour sortir de la prostitution est trop imprécise (M. Roland Courteau s’exclame.) et fragilise cette disposition. Le Gouvernement demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame Benbassa, l'amendement n° 21 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Si la notion de « démarches » est floue…
M. André Reichardt. C’est le cas !
Mme Laurence Cohen. Peut-être n’est-elle pas le terme adéquat pour désigner le processus long et difficile évoqué par notre collègue Benbassa, la sortie de la prostitution n’étant pas un long fleuve tranquille.
Toutefois, nous sommes réunis pour légiférer en essayant d’arriver au plus large consensus possible. Peut-être pourrions-nous trouver ensemble une terminologie à la fois adéquate juridiquement et conforme au parcours des personnes qui veulent sortir du système de prostitution ?
J’en appelle donc à la sagesse collective. Ne peut-on pas retenir une autre formulation ? Il arrive bien qu’on sous-amende en séance ! Sinon nous allons voter, et l’amendement sera rejeté car nous ne sommes pas majoritaires. Or le problème des personnes concernées est réel !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. Nous en sommes déjà à l’article 6, mais je voudrais rappeler une disposition de l’article 3.
Ne nous faisons pas de faux procès. Nous sommes tous conscients que le parcours de sortie de la prostitution, à commencer par la prise de décision, est un processus compliqué et difficile ; les associations comme le Mouvement du Nid en témoignent.
C’est pourquoi l’article 3 prévoit que le préfet puisse prendre en compte le respect des engagements de la personne, mais aussi les difficultés qu’elle pourra rencontrer.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. À un moment donné, il faut renoncer aux présupposés idéologiques et voir la réalité des êtres humains. En l’occurrence, nous sommes dans la théorie. Nous ne pouvons pas continuer ainsi !
Nous sommes tous contre la prostitution forcée, et nous sommes d’accord sur de nombreux points. Aussi, arrêtons de durcir les choses de cette façon ! Il s’agit d’un raidissement idéologique, dans lequel vous nous entraînez. On ne peut pas continuer aujourd’hui le débat en deuxième lecture de ce texte avec la même démarche. Madame la secrétaire d’État, pardonnez-moi, mais je ne suis vraiment pas d’accord avec vous !
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Madame la secrétaire d’État, je comprends que la formulation de l’amendement – « engagé des démarches pour cesser » – est trop légère. Je ne vois pas très bien comment on veut les adopter.
Je ne suis pas sûr non plus que la formulation « ayant cessé l’activité de la prostitution » soit suffisante. Pouvons-nous faire totalement confiance aux autorités préfectorales pour qu’elles ne considèrent pas à la moindre incartade de la personne concernée que celle-ci n’a pas cessé son activité de prostitution ?
Madame la secrétaire d’État, vous avez employé le mot « processus ». Je vous propose d’utiliser l’expression « engagé dans le processus de cessation de son activité de prostitution », ce qui est autre chose que « des démarches ».
M. Jean Desessard. Bravo ! C’est excellent !
Mme Esther Benbassa. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je vais répéter ce que je viens de dire : c’est excellent, cher collègue ! Cette formulation peut nous convenir.
J’avais demandé à intervenir parce que je ne comprenais pas bien le raisonnement de Mme la secrétaire d’État. En effet, si le principe d’un engagement est déjà reconnu à l’article 3, que ne le reconnaît-on à l’article 6 ? C’est la même chose ! Toutefois, peu importe désormais. En effet, la formulation proposée par notre collègue peut donner satisfaction à tout le monde.
Mme Esther Benbassa. Tout à fait !
Mme Chantal Jouanno. Parfait !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Boulard, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Boulard. Je voterai cet amendement.
En effet, il est difficile de sortir de la prostitution. L’engagement réel d’un processus de sortie de cette situation mérite d’être encouragé. Certes, un tel processus peut se solder par un échec, mais c’est le propre de la vie. Ainsi, certains passent des concours et ne les réussissent pas. On ne peut considérer que, pour qu’une tentative soit prise en compte, il faut être sûr par avance qu’elle réussira. Aussi, l’idée de processus engagé réellement me paraît satisfaisante.