Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 23 quater.

(L'article 23 quater est adopté.)

Article 23 quater
Dossier législatif : projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi
Article 23 quinquies (Texte non modifié par la commission)

Articles additionnels après l’article 23 quater

Mme la présidente. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Reichardt et Lemoyne, est ainsi libellé :

Après l’article 23 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l’article 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « et limites » et « dûment informée dans les conditions prévues par décret » sont supprimés ;

b) Sont ajoutés les mots : « , quelle que soit sa forme juridique » ;

2° Au 1°, les mots : « et ne dépasse pas un seuil fixé par le même décret en Conseil d’État » sont supprimés ;

3° Au 2°, après le mot : « reprise », sont insérés les mots : « , d’un apport ».

La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Selon l’article 19 de la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat, peuvent se revendiquer de l’artisanat les entreprises qui « n’emploient pas plus de dix salariés » et qui exercent une « activité professionnelle indépendante de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services », étant précisé que le plafond peut être dépassé sous certaines conditions.

Or un récent décret encadre et limite la possibilité de bénéficier d’une telle qualification. Nous proposons donc de revenir au dispositif d’origine. On ne touche pas impunément à une loi initiée par Jean-Pierre Raffarin dans cet hémicycle ! (Sourires.)

M. Gérard Longuet. Ça, c’est vrai !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Il me semble important de conserver l’esprit originel de la loi, qui a donné pleinement satisfaction jusqu’à présent, pour permettre à l’artisanat de continuer à se développer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Cet amendement, qui concerne le répertoire des métiers et vise à modifier une disposition adoptée depuis moins d’un an, avait déjà été rejeté en commission, car il est dépourvu de tout lien avec l’objet du projet de loi.

J’en sollicite donc le retrait. À défaut, l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Il ne me paraît guère pertinent de rejeter cet amendement sous prétexte qu’il serait dépourvu de tout lien avec l’objet du projet de loi.

L’article 23 quater, que nous venons d’adopter, concerne le financement du logement social et le « 1 % logement » ; il figure bien pourtant dans un texte sur le dialogue social !

En réalité, ce projet de loi, comme tous ceux que le Gouvernement nous présente depuis quelque temps, notamment la loi Macron, est un texte « fourre-tout ». On y trouve à peu près tout, même si je n’irai pas jusqu’à ajouter: « et n’importe quoi » ! En fait, nous sommes en présence d’une sorte de loi portant diverses mesures d’ordre social, les fameux DMOS. (M. Jean-Baptiste Lemoyne acquiesce.)

Je n’approuve donc pas l’argument opposé à notre collègue, et je suis prêt à voter son amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Cet amendement concerne très directement les départements d’Alsace-Moselle.

En effet, la loi locale permet à l’artisanat d’échapper au critère du nombre. Ainsi, en Moselle, département que je connais mieux que le Bas-Rhin ou le Haut-Rhin et qui représente à lui seul la moitié de population de la Lorraine, une région qui m’est chère, des entreprises de plusieurs centaines de salariés inscrites auprès de la chambre de métiers relèvent du registre de l’artisanat.

Je souhaite que cet amendement puisse être voté. Il s’agit non pas d’épuiser définitivement le sujet, mais simplement d’éviter que l’ordonnance n’empêche des entreprises de continuer de figurer au registre des métiers, les conduisant ainsi à cesser de financer les actions collectives menées avec pertinence et sérieux par les chambres de métiers des trois départements concernés.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Je comprends tout à fait le sens de cet amendement, et j’entends les arguments de M. Longuet.

Simplement, tel qu’il est rédigé, l’amendement comporte de graves imprécisions juridiques. Ainsi, il est fait référence à un « apport » d’une entreprise, ce qui est juridiquement impropre ; on peut parler d’un apport de fonds ou d’actifs, mais pas d’une entreprise.

Je vous propose de retravailler cet amendement.

M. Éric Doligé. Bonne idée ! Votons-le, et nous le retravaillerons ensuite ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Mais votons-le d’abord ! (Mêmes mouvements.)

M. François Rebsamen, ministre. Je ne peux pas émettre un avis favorable sur un amendement qui contient de telles imprécisions juridiques.

Toutefois, je suis sensible à ce qui proposé sur le fond. Je pense que nous pouvons revoir la rédaction de l’amendement. Mais cela demande un peu de temps. Je prends l’engagement d’y travailler avec vous.

Mme la présidente. Monsieur Lemoyne, l'amendement n° 2 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Non, je le retire, madame la présidente.

Un engagement ferme a été pris ; le Journal officiel en fera foi. Je fais donc confiance aux hommes et aux femmes – après le débat de tout à l’heure, je ne veux être ni stigmatisant ni stigmatisé… – de bonne volonté, et je souhaite que nous avancions ensemble sur le sujet.

Mme la présidente. L'amendement n° 2 rectifié est retiré.

L'amendement n° 64, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 23 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 5132-5 est ainsi modifié :

a) Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette durée peut être inférieure pour les personnes ayant fait l’objet d’une condamnation et bénéficiant d’un aménagement de peine. » ;

b) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation aux dispositions relatives à la rupture avant terme du contrat de travail à durée déterminée prévues à l'article L. 1243-2, le contrat peut être rompu avant son terme, à l'initiative du salarié, lorsque la rupture a pour objet de lui permettre de suivre une formation conduisant à une qualification prévue à l'article L. 6314-1. » ;

2° L’article L. 5132-11-1 est ainsi modifié :

a) Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette durée peut être inférieure pour les personnes ayant fait l’objet d’une condamnation et bénéficiant d’un aménagement de peine. » ;

b) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation aux dispositions relatives à la rupture avant terme du contrat de travail à durée déterminée prévues à l'article L. 1243-2, le contrat peut être rompu avant son terme, à l'initiative du salarié, lorsque la rupture a pour objet de lui permettre de suivre une formation conduisant à une qualification prévue à l'article L. 6314-1. » ;

3° L’article L. 5132-15-1 est ainsi modifié :

a) Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette durée peut être inférieure pour les personnes ayant fait l’objet d’une condamnation et bénéficiant d’un aménagement de peine. » ;

b) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation aux dispositions relatives à la rupture avant terme du contrat de travail à durée déterminée prévues à l'article L. 1243-2, le contrat peut être rompu avant son terme, à l'initiative du salarié, lorsque la rupture a pour objet de lui permettre de suivre une formation conduisant à une qualification prévue à l'article L. 6314-1. »

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Aujourd’hui, les personnes faisant l’objet d’un aménagement de peine n’ont pas toujours la possibilité de travailler hors du milieu pénitentiaire sur une durée de quatre mois ou plus, eu égard aux contrats qu’on leur propose. Or le travail est un facteur important de réinsertion et il nous faut mobiliser tous les outils disponibles pour favoriser celle-ci.

C’est pourquoi nous vous proposons ici de faciliter l’accueil des personnes sous main de justice au sein des structures d’insertion par l’activité économique, ou IAE : associations, entreprises d’insertion, ateliers et chantiers d’insertion.

L’amendement vise à permettre à ces personnes d’effectuer des périodes en structures d’insertion de moins de quatre mois afin de faciliter leur parcours de réinsertion hors des murs de la prison.

Par ailleurs, le présent amendement vise à introduire la possibilité pour le salarié en insertion de rompre par anticipation son contrat de travail afin de poursuivre une formation qualifiante. Cette possibilité existe déjà pour les contrats aidés et n’avait pas encore été étendue au CDD dans l’IAE.

En effet, aujourd’hui le salarié est obligé de démissionner pour suivre une formation qualifiante. Cela expose le salarié en insertion au risque de non-reconnaissance de cette démission comme étant un acte légitime par le service public de l’emploi au regard de l’actuelle convention de l’assurance chômage. Le salarié en insertion démissionnaire ne pourrait prétendre à un revenu de remplacement qui aurait pu servir d’allocation de formation sur la durée de l’action.

Voilà les deux objectifs de cet amendement : faciliter l’insertion des personnes sous main de justice et faciliter les possibilités de formations qualifiantes pour les salariés de l’insertion. Il s’agit d’un amendement qui permettra d’améliorer le rôle joué par les structures de l’IAE dans l’insertion de tous les publics.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Favorable !

M. François Rebsamen, ministre. Tout simplement parce que les personnes sous main de justice constituent un public particulier. Il faut encourager ces salariés en insertion à s’engager dans des parcours de formation qualifiante. Permettre à ces personnes en CDD dans l’insertion par l’activité économique de travailler moins de quatre mois est une mesure particulièrement adaptée. C’est ce qu’affirment également parfois les juges et les services de probation.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 64.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 23 quater.

L'amendement n° 63, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 23 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du travail applicable à Mayotte est ainsi modifié :

1° L’article L. 127-5 est ainsi modifié :

a) Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette durée peut être inférieure pour les personnes ayant fait l’objet d’une condamnation et bénéficiant d’un aménagement de peine. » ;

b) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation aux dispositions relatives à la rupture avant terme du contrat de travail à durée déterminée prévues à l'article L. 122-1-1, le contrat peut être rompu avant son terme, à l'initiative du salarié, lorsque la rupture a pour objet de lui permettre de suivre une formation conduisant à une qualification prévue à l'article L. 711-1-2. » ;

2° L’article L. 127-11 est ainsi modifié :

a) Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette durée peut être inférieure pour les personnes ayant fait l’objet d’une condamnation et bénéficiant d’un aménagement de peine. » ;

b) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation aux dispositions relatives à la rupture avant terme du contrat de travail à durée déterminée prévues à l'article L. 122-1-1, le contrat peut être rompu avant son terme, à l'initiative du salarié, lorsque la rupture a pour objet de lui permettre de suivre une formation conduisant à une qualification prévue à l'article L. 711-1-2. » ;

3° L’article L. 127-15 est ainsi modifié :

a) Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette durée peut être inférieure pour les personnes ayant fait l’objet d’une condamnation et bénéficiant d’un aménagement de peine. » ;

b) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation aux dispositions relatives à la rupture avant terme du contrat de travail à durée déterminée prévues à l'article L. 122-1-1, le contrat peut être rompu avant son terme, à l'initiative du salarié, lorsque la rupture a pour objet de lui permettre de suivre une formation conduisant à une qualification prévue à l'article L. 711-1-2. »

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Il s’agit du même amendement que le précédent, mais pour Mayotte.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Même avis.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 63.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 23 quater.

Articles additionnels après l’article 23 quater
Dossier législatif : projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi
Article 23 sexies

Article 23 quinquies

(Non modifié)

Le premier alinéa de l’article L. 1221-7 du code du travail est ainsi rédigé :

« Les informations mentionnées à l’article L. 1221-6 et communiquées par écrit par le candidat à un emploi peuvent être examinées dans des conditions préservant son anonymat. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.

Mme Bariza Khiari. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la problématique des discriminations a longtemps été regardée avec suspicion. L’expérience massive et continue de la discrimination vécue notamment par les citoyens français issus de l’immigration ou appartenant à ce que l’on appelle les « minorités visibles » a très longtemps été occultée, sous-estimée et parfois même disqualifiée. Mais d’autres groupes font également l’objet de discrimination. Le lieu d’habitation constitue, par exemple, un élément discriminant très important.

Ce déni tient à la nature même de la discrimination. Le sociologue François Dubet a parfaitement su résumer toute la singularité de cette expérience qui se situe entre la certitude d’être discriminable et l’incertitude d’être discriminé.

Il est difficile, en effet, dans l’expérience de la stigmatisation, de distinguer ce qui relève du racisme ou de l’inégalité de traitement. Cette ambiguïté paralyse l’arsenal législatif et réglementaire destiné à combattre pénalement les discriminations.

Le vote récent relatif à l’introduction d’un vingt et unième critère de discrimination illustre une réelle évolution du regard sur les processus de discrimination. On commence à en mesurer tous les dangers, notamment en période de crise.

Monsieur le ministre, vous êtes parmi les premiers à avoir considéré les discriminations comme des morts sociales, comme des inégalités de traitement illégitimes, et à avoir, en qualité de maire de Dijon, mis en place des politiques publiques pionnières et innovantes contre les discriminations. Je tiens à saluer votre action en la matière tant au sein de notre formation politique que dans le cadre de votre mandat de maire.

Les discriminations à l’emploi, notamment à l’accès à l’emploi, reposent sur une inégalité de traitement illégitime. À compétences et productivité identiques, les recruteurs disqualifient d’emblée les candidats appartenant à des groupes sociaux spécifiques : par exemple, le candidat dont le patronyme est à consonance maghrébine, fût-il aussi compétent qu’un autre, aura trois fois plus de difficultés à accéder à l’emploi. Cela représente une fraction importante de la société française.

Une équipe de chercheurs de l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne va plus loin et publie aux Presses universitaires une étude édifiante portant sur les discriminations spécifiques aux musulmans.

En effet, les données recueillies démontrent la réalité d’une discrimination spécifique touchant les personnes dont l’appartenance à la sphère de l’islam est réelle ou supposée. Ces discriminations engendrent sentiment d’injustice, ressentiment, repli communautaire. Cette crispation, contraire à une logique d’intégration, vient à son tour exacerber les discriminations.

Discriminations et repli identitaire s’autoalimentent dans un cercle vicieux. Notre responsabilité est de proposer une solution de sortie. La question est d’ordre moral, a fortiori dans un régime politique dont la légitimité repose sur l’universalisme, l’égalité des droits et la méritocratie.

La question est aussi économique, car l’allocation des ressources est sous-optimale – pour parler comme un économiste. Nous formons dans nos établissements supérieurs des jeunes qui, en raison de critères illégitimes, ne verront pas leurs compétences mises à profit. On peut le considérer comme une forme de gaspillage.

Par le CV anonyme, il s’agissait d’étendre l’anonymisation des concours et des examens dont nous sommes coutumiers à l’entreprise.

Le CV anonyme, présenté une première fois par le biais d’un amendement socialiste en 2004 et adopté par la suite au Sénat puis à l’Assemblée nationale dans le cadre de la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, a constitué une avancée législative importante. Il s’agissait de rendre obligatoire l’anonymisation des CV dans les entreprises de plus de cinquante salariés.

Je reconnais que le seuil de cinquante salariés n’était sans doute pas pertinent et qu’il aurait fallu le fixer à 300. Nous aurions pu en discuter. Pour autant, la question du seuil n’est pas suffisante pour rendre compte des résistances à l’égard du CV anonyme, qui n’est, au final, qu’un outil parmi d’autres dans la lutte contre les discriminations à l’emploi.

Or cela fait près de dix ans que cette mesure achoppe sur l’absence d’un décret d’application. Au lieu de prendre les décrets d’application à la suite de l’injonction du Conseil d’État, vous avez introduit dans la loi le caractère facultatif au lieu du caractère obligatoire de l’anonymisation des CV. Pourquoi ? (Mme Laurence Cohen applaudit.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 51 rectifié, présenté par Mmes Lienemann et Khiari, est ainsi libellé :

Alinéa 2

1° Remplacer le mot :

peuvent

par le mot :

doivent

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ma collègue Bariza Khiari vient d’exposer toutes les difficultés que rencontre notre société face aux discriminations. Vous le savez, monsieur le ministre, car vous êtes un républicain convaincu, notre pacte républicain est menacé et se trouve fragilisé en cette période de crise. On peut même parler d’un doute républicain.

Ce qui nous menace, c’est le recul de l’égalité chaque fois que les inégalités s’installent. Nous devons avancer en nous servant des deux pieds que sont la lutte contre les inégalités sociales, mais aussi aujourd'hui la lutte contre les discriminations. Ces deux combats vont de pair et doivent être menés de front.

Comme vient de le rappeler Bariza Khiari, en 2006, la loi pour l’égalité des chances avait introduit l’idée du CV anonyme. Cette loi avait été votée par une majorité qui n’était pas de gauche. Aujourd'hui, nous devrions pouvoir être capables de nous rassembler autour de cette question par-delà nos divergences politiques. Ces dernières sont certes légitimes, mais en la matière nous nous honorerions si nous étions capables de nous unir pour enfin faire vivre les lois que nous votons.

La loi et le principe du CV anonyme ont été votés en 2006. Nous sommes aujourd'hui en 2015. Le Conseil d’État demande au Gouvernement de prendre un décret pour appliquer la mesure, en vain. On remet donc en cause la loi !

Monsieur le ministre, j’ai bien entendu vos arguments. La mesure ne serait pas souhaitée par les organisations syndicales. J’observe néanmoins qu’au sein du fameux groupe de contact, la grande majorité des organisations syndicales, les associations de défense des droits de l’homme et de lutte contre le racisme et la xénophobie ont demandé l’application du CV anonyme et souhaitent qu’un décret soit enfin publié.

Je ne comprends pas que le Gouvernement n’accepte pas l’amendement que nous défendons aujourd'hui. Il s’agit simplement de remplacer le mot « peuvent » par le mot « doivent » afin de rendre le CV anonyme obligatoire. Par ailleurs, l’amendement précise que les modalités d’application du présent article sont déterminées par un décret en Conseil d’État. Ce décret doit intervenir rapidement.

Je comprends d’autant moins la position du Gouvernement, monsieur le ministre, que vous avez signé avec le Premier ministre, Manuel Valls, un certain nombre de textes soumis à l’approbation des socialistes. Rien n’est secret dans ce pays, ces textes ne sont pas clandestins, ils ont été votés. Or vous rappelez souvent l’importance du vote des militants pour justifier la légitimité d’une action au nom du Parti socialiste.

Mme la présidente. Veuillez conclure, chère collègue.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Bref, la motion à laquelle je fais référence demandait la généralisation immédiate du CV anonyme. Je souhaite donc que le Gouvernement agisse en ce sens.

Mme la présidente. L'amendement n° 179, présenté par Mme Archimbaud et MM. Placé et Dantec, n'est pas soutenu.

L'amendement n° 269, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

peuvent être

par le mot :

sont

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Cet amendement est quasi identique à celui qui vient d’être défendu. Je partage d’ailleurs totalement les arguments qui ont été avancés par mes collègues Bariza Khiari et Marie-Noëlle Lienemann.

J’ajoute qu’il convient également de prendre en compte les discriminations sexistes qui, dans le monde du travail, sont les plus fréquentes, comme en attestent les nombreuses études qui ont pu être réalisées.

Les femmes représentent 51 % des chômeurs et elles sont plus nombreuses dans les catégories de chômeurs de longue durée. Toutes ces inégalités ne s’expliquent que par la persistance des préjugés que subissent les femmes.

Au printemps 2001, un premier bilan sur le CV anonyme a révélé que lorsque l’état civil n’était pas affiché, les chances des femmes d’être reçues en entretien étaient multipliées par dix.

À l’heure où le Gouvernement souhaite renoncer au CV anonyme au motif que les décrets seraient complexes à mettre en œuvre, nous ne pouvons qu’être critiques. Nous nous interrogeons notamment sur sa volonté réelle de mettre un terme aux discriminations dans les entreprises.

Certes, il est bien évident que le CV anonyme n’est pas la solution contre toutes les discriminations. La lutte contre la discrimination à l’embauche relève plutôt d’une conjugaison de mesures. Néanmoins, renoncer au CV anonyme serait un très mauvais signe.

J’espère donc que nos amendements seront votés afin que des mesures puissent être prises pour protéger les salariés contre les discriminations, en raison de leur origine sociale, culturelle ou de leur état civil.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Vous l’avez rappelé, cette disposition a été votée au Sénat. Elle avait été introduite par la commission des affaires sociales, sur l’initiative de Nicolas About.

Quoi qu’il en soit, en dix ans nous avons pu mesurer combien il était difficile de la mettre en œuvre – je ne pense pas que ça soit un simple problème de mauvaise volonté. Je me souviens qu’à l’époque, quand nous en avions discuté, la mesure supposait que les entreprises fassent appel à des sociétés extérieures. Or ce n’est pas une chose aisée puisque sont concernées les entreprises de plus de cinquante salariés, et pas uniquement les grandes entreprises.

Pour ma part, ayant travaillé dans une entreprise privée pendant trente-trois ans, je peux vous affirmer que, dès lors qu’il a été décidé d’embaucher une femme parce qu’il n’y avait que des hommes dans une équipe, ou inversement, le CV anonyme ne change rien dans les faits.

En matière de discrimination, les choses ont beaucoup évolué depuis qu’en 2006 a été évoqué le CV anonyme. Dans le présent texte, celui-ci n’est pas supprimé ; simplement, il n’est plus obligatoire. Le Gouvernement n’interdit pas d’y recourir, il le rend facultatif. Malgré la loi voulue par le Sénat, il n’a pas été possible durant ces dix années de le rendre obligatoire ; je ne vois donc pas l’intérêt de rendre de nouveau obligatoire le CV anonyme.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Comme la lutte contre les discriminations dans l’entreprise – le recours à l’action de groupe est une des mesures que nous examinerons –, la lutte contre les discriminations à l’embauche est une nécessité aujourd’hui. Même si les choses ont bien progressé, il reste encore trop de discriminations à l’embauche et elles sont inacceptables.

Depuis le mois de septembre 2014, je préside un groupe de travail sur la lutte contre les discriminations en entreprise, d'ailleurs intitulé « groupe de dialogue », qui est animé par Jean-Christophe Sciberras, lui-même directeur des ressources humaines, qui regroupe l’ensemble des organisations de partenaires sociaux, ainsi que presque toutes les associations qui luttent aujourd’hui contre la xénophobie, le racisme et l’antisémitisme. Lors de sa dernière réunion, que j’ai présidée avec mes collègues Patrick Kanner et Christine Taubira, ce groupe a présenté le rapport issu de ses travaux.

Il ressort de ce rapport que, depuis 2006, date à laquelle il a été adopté ici même en réponse aux émeutes de novembre 2005, le CV anonyme n’a pas été appliqué et qu’en dix ans, les choses ont bien changé. Ainsi, de nouvelles formes de CV sont apparues qui permettent de lutter plus facilement contre les discriminations par des présentations différentes. Aujourd’hui, on peut présenter sa candidature à l’aide de son smartphone, on peut envoyer des CV vidéo, et le fait d’être un candidat issu de la diversité peut parfois, dans un certain nombre de cas, constituer un avantage.

En tout cas, si j’encourage tous les chefs d’entreprise à prendre en compte la diversité, le CV anonyme ne peut pas être la solution unique. Il est une des solutions, et personne ne pense qu’il faut supprimer la possibilité de recourir au CV anonyme.

Madame Lienemann, vous m’avez gentiment chatouillé ! J’ai moi aussi été maire et j’ai été réélu. J’ai mis en place avec une grande entreprise suédoise, pour un certain nombre de postes, le CV anonyme. Des résultats importants ont été obtenus et des gens qui n’avaient jamais eu accès à l’emploi se sont retrouvés sur des postes grâce au CV anonyme. Celui-ci était donc une des réponses possibles, mais ce n’était pas la réponse pour tous les postes de cette entreprise. Cela peut bien sûr marcher et j’encourage les entreprises, sur un certain nombre de postes, à recourir au CV anonyme.

Mais, je le répète, de nouvelles formes de CV se développent. Aujourd’hui, il ne peut donc pas être question de rétablir une mesure qui n’a pas été mise en œuvre. Par ailleurs, depuis 2006, grâce à l’évolution de la technologie, les modes de recrutement ont profondément changé, même si ce n’est pas le cas pour tous les emplois. Le CV reste donc une possibilité, mais ce n’est pas la seule.

Par ailleurs, contrairement à ce que vous avez dit, dans le rapport remis par Jean-Christophe Sciberras, d’où nous avons extrait treize mesures que j’ai présentées à la presse avec Patrick Kanner et Christine Taubira, la première qui m’était proposée consistait, à propos du recours par les entreprises au CV anonyme, à dire « peuvent » au lieu de « doivent ». Le rapport a été accepté, validé par une large majorité des partenaires sociaux – tous n’étaient pas sur la même ligne – et des associations.

Ayant reçu les représentants des associations, je sais qu’il y a bien sûr des divergences de position entre elles, mais ce n’est pas nouveau en pareil cas.

Il faut aujourd’hui exprimer notre volonté commune de lutter avec détermination contre les discriminations. Des mesures très fortes ont été annoncées. L’une d’entre elles, qui sera mise en place à l’automne – elle va « décoiffer » si vous me permettez cette expression –, prendra la forme d’une campagne de testing à l’embauche dans les entreprises et elle permettra ainsi de lutter contre les discriminations.

Mais je le redis, le CV anonyme ne peut pas être la solution unique aujourd’hui. Je ne vois même pas comment on pourrait l’imposer aux entreprises. J’encourage celles qui ont envie d’y recourir à le faire, car cela peut être utile pour pourvoir certains postes.

Le Gouvernement, dont la volonté de lutter contre les discriminations est totale, est néanmoins défavorable à ces deux amendements.