M. Bruno Retailleau. Ce n’est pas tout à fait ce que vous aviez dit…
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Soyons clairs, monsieur Retailleau : c’est ce qui a été dit dans cette enceinte, et non pas ce que j’y ai dit, car, pour ma part, j’ai essentiellement été à l’écoute, d’une part, de ces deux grands rapporteurs et, d’autre part, de l’ensemble des sénateurs.
Lorsque, à peu près une semaine plus tard, tenant compte de ces débats, le Président de la République s’est déclaré plutôt favorable aux grandes régions, c'est-à-dire à la thèse de M. Raffarin, cela a nourri l’idée qu’il fallait se poser différemment la question des départements, qui ne devaient disparaître que sur les aires métropolitaines.
Ne réécrivez donc pas l’histoire en nous accusant d’avoir été erratiques. Je ne reprends pas le mot que vous avez utilisé, car je défends toujours mes positions avec conviction, même s’il peut m’arriver d’admettre que j’ai tort quand une majorité m’en convainc. Je ne suis pas du genre à ne jamais douter ! Il est vrai que nous avons essayé, pendant plusieurs mois, de trouver la bonne épure pour ces projets.
Je rappelle que la loi MAPTAM, que d’aucuns ici ont citée et parfois saluée, a créé une conférence territoriale de l’action publique, à laquelle beaucoup, ici, ne croyaient pas du tout.
M. René Vandierendonck, corapporteur. C’est vrai !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Or, maintenant, cette structure sert de référence pour repousser d’autres solutions.
Le débat le plus difficile concerne les métropoles. Comment les métropoles portent-elles l’ensemble de leur territoire ? À cet égard, nous avons un certain nombre de propositions à vous soumettre.
Je tenais à réagir sur ces différents points, parce que je pense que l’agression, fût-elle accompagnée d’un grand sourire, reste une agression et n’est pas utile. En tout état de cause, pour ce qui nous concerne, nous allons essayer de mener un vrai débat. Je suis intimement convaincue que ce cheminement permettra d’aboutir à un texte qui n’en appellera pas d’autre dans les années à venir, parce que je constate, comme vous tous, que les élus sont fatigués par ces textes qui s’enchaînent. Faisons en sorte que la cote soit aussi bien taillée que possible.
Ne doutez pas de nos convictions.
Sur la métropole du Grand Paris, vous avez fait référence, monsieur Karoutchi, à je ne sais quel calcul. Je vous rappelle que la métropole du Grand Paris, telle qu’elle est configurée aujourd'hui, est le résultat du vote du syndicat Paris Métropole ! Sur ce sujet aussi, je défendais – avec vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, y compris avec vous, me semble-t-il, M. Karoutchi – une autre position, inspirée par les échanges que nous avons eus un soir dans cet hémicycle ; vous vous en souvenez, monsieur le corapporteur.
M. René Vandierendonck, corapporteur. Oui !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Vous m’aviez alors expliqué que la création d’un syndicat, tel qu’il était bâti, était une aberration de l’histoire. Le syndicat Paris Métropole a remis cette proposition en chantier et nous avons accepté d’y revenir, en dépit de ce qui m’avait unanimement été dit au Sénat ce soir-là. Et c’est exactement cette position qui a été retenue.
Concernant la représentation de Paris, nous avions formulé une proposition consistant à créer une vraie métropole, dotée de beaucoup de compétences et à laquelle revenait, notamment, l’ensemble de la fiscalité économique. Cette métropole aurait donc eu beaucoup à faire, raison pour laquelle nous avions prévu un peu plus de 300 élus.
Entre-temps, la piste de la cotisation foncière des entreprises a été abandonnée, les territoires ont repris la main, la métropole s’est vu doter de moins de compétences – elle aura donc moins de travail – et Patrick Devedjian, coprésident de Paris Métropole, nous a demandé une solution pour abaisser le nombre d’élus de 300 à 209. La seule solution que nous ayons trouvée aujourd'hui est l’application du droit commun.
On ne peut donc pas à la fois demander au Gouvernement de revenir sur une solution de nature transitoire, devant courir jusqu’en 2020, année de l’élection au suffrage universel direct, et nous accuser d’être revenus sur notre position pour mettre dehors je ne sais quel élu ! Ce n’est pas logique. C’est même contradictoire ! Soit vous nous demandez de trouver une solution, soit vous acceptez la solution transitoire que nous proposons jusqu’en 2020.
Voilà ce que je tenais à dire, en toute sympathie, en réaction aux quelques agressions dont nous avons fait l’objet. Au reste, monsieur Karoutchi, je vous remercie de la tonalité de vos propos. Je pense qu’un accord est possible. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi modifié par l’Assemblée nationale portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Nous en sommes parvenus à la discussion du texte de la commission.
projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la république
TITRE Ier
Des régions renforcées
Chapitre unique
Le renforcement des responsabilités régionales
Mme la présidente. La parole est à M. le corapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Madame la présidente, pour la clarté de nos débats, la commission demande la disjonction de l’examen de l’amendement n° 205 rectifié, déposé par MM. Nègre et Revet à l’article 6.
En effet, cet amendement vise à réécrire globalement cet article, ce qui aurait pour effet de mettre en discussion commune les cinquante-neuf amendements déposés sur ce dernier. Pour la clarté de nos débats et dans l’esprit de la réforme du règlement que nous avons adoptée la semaine dernière, une telle disjonction nous semble utile.
Mme la présidente. Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Article 1er
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 1111-10 est ainsi modifié :
a) Le II est abrogé ;
b) Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les opérations d’investissement financées par le fonds européen de développement régional dans le cadre d’un programme de coopération territoriale européenne, la participation minimale du maître d’ouvrage est de 15 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques. » ;
2° L’article L. 4221-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « dans les domaines de compétences que la loi lui attribue » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
c) Au troisième alinéa, après le mot : « région », sont insérés les mots : « , le soutien à l’accès au logement et à l’amélioration de l’habitat, le soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine et le soutien aux politiques d’éducation » ;
c bis) Au même troisième alinéa, les mots : « de son territoire » sont remplacés par les mots : « et l’égalité de ses territoires » ;
d) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Un conseil régional ou, par délibérations concordantes, plusieurs conseils régionaux peuvent présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires, en vigueur ou en cours d’élaboration, concernant les compétences, l’organisation et le fonctionnement d’une, de plusieurs ou de l’ensemble des régions.
« Les propositions adoptées par les conseils régionaux en application du quatrième alinéa du présent article sont transmises par les présidents de conseil régional au Premier ministre et au représentant de l’État dans les régions concernées. » ;
3° L’article L. 4433-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « dans les domaines de compétences que la loi lui attribue » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
c) Au troisième alinéa, après le mot : « région », sont insérés les mots : « , le soutien à l’accès au logement et à l’amélioration de l’habitat, le soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine et le soutien aux politiques d’éducation » ;
d) (Supprimé)
4° Aux deux premiers alinéas de l’article L. 4433-4, les mots : « peuvent être » sont remplacés par le mot : « sont ».
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier, sur l'article.
M. Christian Favier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au cours de nos débats, nous reviendrons sur de nombreux sujets dont nous avons déjà longuement discuté.
Dans ce domaine des collectivités territoriales, il est des déclarations et des prises de positions souvent contradictoires. Comment, par exemple, prôner une nouvelle étape de décentralisation et, dans le même temps, restreindre le champ d’intervention de la gestion locale ? Comment expliquer que, d’un côté, on déclare qu’il faut renforcer les coopérations entre tous les niveaux de collectivités et que, de l’autre, on supprime la compétence générale, ce qui revient à interdire de fait les collaborations et les financements croisés permettant la réalisation d’équipements et de services nouveaux utiles à la population ?
Par ailleurs, chacun le sait, la loi est souvent bien silencieuse. Toutes les compétences dont nous allons parler sont en fait très peu définies. Serions-nous seulement capables de les définir plus précisément, tant le domaine de l’action publique peut être large, quel que soit le niveau de l’intervention locale, et les interactions fortes ? En certains domaines, on peut même dire que le silence de la loi est souvent bien plus grand que la loi elle-même.
Dès lors, allons-nous interdire aux régions toute intervention en dehors de leur champ de compétences strictement défini par la loi ? Que deviendront les services et les équipements aujourd’hui mis en place par les régions et qui, demain, ne relèveront plus de leur compétence ?
Enfin, si l’on supprime cette clause de compétence générale, nous fermerons la porte au devoir d’humanité auquel un élu départemental et régional ne peut pourtant se soustraire face à la détresse que la loi n’a toujours pas définie ; du reste, elle ne pourra jamais totalement le faire.
Tout ne peut entrer dans des petites cases parfaitement délimitées. La loi ne pouvant jamais tout prévoir et étant bien souvent en retard face aux réalités, c’est aussi au nom du devoir de modernité et d’innovation que nous affirmerons la nécessité de maintenir cette clause de compétence générale.
Tel est le sens des amendements que nous avons déposés sur cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l'article.
M. Ronan Dantec. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je ferai écho aux propos de M. Favier.
La rédaction actuelle du projet de loi précise les compétences de la région et du département. Or nombre d’acteurs du domaine de la santé nous ont alertés sur le risque que la suppression de la clause de compétence générale ferait courir à tout un pan des politiques exercées par le conseil régional.
Si le code général des collectivités territoriales permet à la région d’agir en matière de développement social et sanitaire, cette attribution fait naître une incertitude quant à la continuité de certaines actions engagées par les régions.
Je m’interroge particulièrement, madame la ministre, sur le devenir de nombreuses politiques jusqu’alors financées par les régions : lutte contre le sida, prévention en matière de santé, aide alimentaire, soutien aux organismes associés ; je pense, par exemple, aux observatoires régionaux de santé. Nous courons le risque que certains besoins locaux ne soient plus soutenus par des échelons territoriaux.
L’hypothèse d’une impossibilité d’action de la région pose également le problème de la gestion des ressources humaines.
Pouvez-vous, madame la ministre, nous éclairer sur les capacités d’action de la région et sur sa légitimité à assurer la promotion et l’effectivité de l’égalité territoriale en matière de santé et d’action sanitaire ? Restaurer la clause de compétence générale – le groupe CRC et nous-mêmes avons déposé un amendement analogue en ce sens –, permettrait de régler cette question.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je souhaiterais rassurer M. Dantec : nous avons déjà étudié cette question et instauré, vous l’avez dit, une compétence en matière de développement sanitaire et social au profit de la région.
Qui plus est, les régions, porteuses des lycées, de l’enseignement supérieur et de la recherche – de la jeunesse en général – peuvent aider à ces politiques. Il n’y a aucun doute sur ce point. (M. Ronan Dantec manifeste sa satisfaction.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 258 est présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 357 rectifié est présenté par MM. Collombat, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Mézard et Requier et Mme Laborde.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christine Prunaud, pour présenter l’amendement n° 258.
Mme Christine Prunaud. L’objectif essentiel de l’article 1er est de supprimer la clause de compétence générale de la région. Le Gouvernement souhaiterait, quant à lui, renforcer le pouvoir réglementaire de cette collectivité, faute de pouvoir lui attribuer une capacité d’adaptation de la loi, comme beaucoup le souhaiteraient dans cet hémicycle.
Nous sommes donc satisfaits que la commission ait supprimé cette mesure, comme l’avait fait le Sénat en première lecture en adoptant notre amendement.
Aussi, mes chers collègues, cet amendement de suppression que nous vous soumettons vise à rétablir la clause de compétence générale pour les régions.
Nous ne reviendrons pas ici sur l’ensemble de notre argumentaire développé en première lecture par mon collègue Christian Favier. Notons tout de même que, devant les difficultés que nous avons soulignées et qui vont se dresser avec cette suppression de compétence à la région, l’Assemblée nationale et la commission ont élargi les domaines d’intervention possibles de cette collectivité. C’est dire combien la participation de la région reste nécessaire dans de nombreux domaines de l’action publique locale.
Cet élargissement de l’action de la région nous conforte dans notre position en faveur du maintien de la compétence générale, pour permettre à la région d’intervenir non seulement en soutien aux projets locaux, mais aussi directement dans les domaines de la santé, de l’action et de la vie sociale, tous domaines hors des compétences attribuées.
Que deviendront les actions que les régions développent et soutiennent dans ces domaines ?
Les principaux arguments avancés pour soutenir cette suppression de la compétence générale sont la lisibilité et la rationalisation de l’action publique, pour faire face à la diminution de la dépense publique. Nous récusons ces deux arguments.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous soumettons cet amendement de suppression de l’article 1er.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 357 rectifié.
M. Pierre-Yves Collombat. J’ai bien conscience d’être solitaire, sinon glacé… (Sourires.) Toutefois, avant d’être mis en minorité, je voudrais rappeler un certain nombre de réalités fondamentales.
Nous avons ce débat sur la clause de compétence générale depuis la loi de réforme des collectivités territoriales, dite « loi RCT ». À l’époque, la partie gauche de l’hémicycle voulait rétablir la compétence générale pour les départements et les régions, ce qui fut fait d'ailleurs dans la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ou loi MAPTAM, battue en brèche par le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dit « NOTRe », dont nous discutons aujourd’hui.
À l’époque, notre ancien collègue Edmond Hervé – ce n’est pas rien ! – expliquait que c’est « au nom des libertés locales que la commune, le département, la région définissent ce qu’est l’intérêt communal, l’intérêt départemental ou l’intérêt régional. Si, demain, une autorité transcendantale vient définir cet intérêt, la décentralisation n’existe plus. […] Je suis fondamentalement opposé à toute liste de compétences exclusives. Ce serait aller contre les principes constitutionnels de libre administration et de non-tutelle d’une collectivité sur une autre. » Je pourrais également vous citer des propos de Bruno Retailleau, qui ne disait pas autre chose.
Tout cela montre que la clause de compétence générale est consubstantielle à la notion de collectivité territoriale. Il s’agit de la capacité à défendre l’intérêt communal, départemental ou régional. Supprimer la compétence générale, revient, sur le fond, à s’opposer à l’esprit de la décentralisation ; c’est faire de la répartition des compétences un simple problème de division du travail au sein de l’appareil administratif. On veut nous faire croire qu’il s’agit de la même chose, mais c’est complètement différent !
Je remarque que les mêmes défendent, à quelques mois d’écart, des positions opposées. Pour ma part, j’ai au moins le mérite – ou le tort – de persévérer dans l’erreur – ou dans la vérité – que je défends.
Sur le plan technique, la disparition de la compétence générale laisse une béance, un vide, que l’on s’emploie à combler avec des schémas, des conventions, des délégations… Le fin du fin, que l’on retrouve à de nombreuses reprises dans le texte, c’est de dire que la compétence appartient à la région, mais que cette dernière peut la déléguer à d’autres... Je trouve cela quelque peu curieux.
Quand nous serons complètement ligotés, tel Gulliver chez les Lilliputiens, par tout un ensemble de schémas ou de contraintes, je prends le pari que l’on en viendra à regretter la compétence générale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. En première lecture, la commission avait accepté la fin de la clause de compétence générale, notion de peu de consistance juridique.
Ce projet de loi a pour objet de clarifier les compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales. Bien entendu, il est indispensable de veiller à ce que toutes les compétences soient bien définies. Nous sommes notamment convenus que le sport, le tourisme ou la culture, par exemple, activités pratiquées à tous les échelons, sont des compétences partagées.
Monsieur Collombat, je suis tout autant que vous fidèle à ma position depuis 2010 : j’ai toujours estimé que la clause de compétence générale était source de confusion.
Si l’on s’obstine à laisser tout le monde s’occuper de tout, ce n’est pas la peine de faire une loi visant à clarifier les compétences. Je reconnais que ce n’est pas facile, surtout au regard d’habitudes parfois anciennes.
Néanmoins, si on veut donner un sens à ce projet de loi, il faut accepter, pour les départements comme pour les régions, des compétences d’attribution.
La situation de la commune est différente. Puisqu’elle est à la base de l’organisation territoriale, tout ce qui est communal lui est consubstantiel. Je rappelle d’ailleurs que, lorsqu’une commune a confié à une intercommunalité une compétence, elle ne peut plus l’assumer ; c’est clair !
On verra, monsieur Collombat, qu’il faut être un peu subtil, notamment au regard de l’intérêt communautaire. Vous avez évoqué, mais assez peu, le pouvoir réglementaire des régions. Le texte voté par l’Assemblée nationale est manifestement excessif, voire, il faut bien le dire, anticonstitutionnel, puisque, si le Gouvernement ou le Parlement ne répondait pas dans les deux ou quatre mois aux propositions émises par la collectivité, ces dernières devenaient applicables. On n’a jamais vu ça !
Nous avons renforcé le pouvoir réglementaire des régions. Toute collectivité possède d’ailleurs un pouvoir réglementaire. Par exemple, un département peut réglementer la voirie départementale. Il existe donc des pouvoirs réglementaires propres à chaque collectivité. En outre, nous avons donné aux régions le pouvoir de faire des propositions. Grâce à l’adoption de quelques amendements, la rédaction du texte devrait d’ailleurs encore être améliorée, afin de prévoir un pouvoir de proposition, et certainement pas un pouvoir de décision négatif.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes défavorables à ces deux amendements identiques de suppression de l’article 1er.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Pour ce qui concerne le deuxième point, je rejoins totalement les arguments de M. Hyest. Je n’ajouterai donc rien, son propos ayant été parfaitement clair.
La clause de compétence générale est effectivement consubstantielle à la commune. On peut reprendre ce terme, qui découle d’une analyse évidente. Ainsi, dans mon propos liminaire, je pense ne pas avoir exagéré en évoquant la place de la commune au sein de la nouvelle organisation territoriale de la République.
Vous avez raison, nous avons changé d’avis. Je m’en suis expliquée en amont de l’examen du texte. Le choix que nous avons mis sur la table est simple : soit on clarifie les compétences, ce qui n’était pas le cas du premier texte, soit on conserve la clause de compétence générale.
La conférence territoriale de l’action publique, outil dont on sous-estime encore l’importance, permettra d’adapter nombre de dispositions à la diversité des territoires. C’est pourquoi on peut aujourd'hui donner droit à une demande importante, à savoir, je le répète, la clarification de la cohérence.
Monsieur Retailleau, j’ai oublié tout à l’heure de vous répondre s’agissant des préfets. Or vous m’aviez non pas agressée, mais posé une question claire et nette.
J’ai redit devant l’assemblée des préfets, qui se tient régulièrement au ministère de l’intérieur, que j’encourageais ces derniers à discuter avec les élus locaux en toute transparence de ce que pourrait être une évolution des intercommunalités. Toutefois, j’ai tenu à rappeler qu’il n’existe actuellement aucune loi leur permettant de proposer des schémas. Peut-être ce texte sera-t-il promulgué en août prochain, ou bien plus tard, je ne le sais pas aujourd'hui. En tout cas, j’estime important que certains préfets puissent travailler longuement en amont avec des élus locaux.
J’ai assisté, dans les Côtes-d’Armor, avec le préfet Pierre Lambert, à l’une de ces réunions. L’ensemble des élus présents était tout à fait intéressé par la discussion sur la façon dont on pouvait imaginer les choses, avec plusieurs scénarios différents, impliquant des structures de 5 000, 10 000 ou 15 000 habitants ou des communes nouvelles.
Je le disais en aparté, parce que je n’ai pas pu répondre tout à l’heure, il y a aujourd'hui un mouvement en faveur des communes nouvelles, qui, à mon avis, met plus en « danger » les communes que la coopération intercommunale. Ainsi, des communes nouvelles très grandes sont en train de se constituer. Selon ses propres termes, Jacques Pélissard n’en rêvait même pas, quand il a proposé avec Christine Pires Beaune son texte sur ce sujet.
J’encourage donc les préfets à travailler dans la transparence avec les élus qui le souhaitent. Si ces derniers ne sont pas intéressés, cela n’a pas d’importance. Que les préfets réfléchissent, en particulier en zone de montagne, y compris aux intercommunalités possédant entre 2 000 et 5 000 habitants, lesquelles font souvent l’objet de discussions, pourquoi pas ! Néanmoins, aucun arrêté n’a été pris, aucune lettre ni aucune instruction ne leur ont été envoyées, parce que la loi est la loi et qu’aucune loi ne donne aujourd'hui le droit à un préfet de discuter d’un schéma intercommunal regroupant 20 000 habitants.
Par ailleurs, si je vous ai bien compris, mesdames, messieurs les sénateurs, je n’ai pas l’impression que les intercommunalités de 20 000 habitants seront, un jour, les plus nombreuses !
M. Dominique de Legge. Heureusement !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Toutefois, je me trompe peut-être.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Dans la mesure où M. Collombat et Mme la ministre se sont adressés à moi, je me sens quelque peu obligé de prendre la parole, alors même que je n’avais pas prévu de le faire.
Je tiens tout d’abord à vous remercier, madame la ministre, d’avoir répondu à la question que je vous ai posée. Cependant, mes collègues sont bien trop nombreux à m’avoir saisi de ce problème pour que je n’y insiste pas. Du reste, dans mon propre département, qui possède d’ailleurs un excellent préfet, j’ai vu comment les choses se passaient.
On observe un excès d’enthousiasme de la part des préfets, qui souhaitent sans doute aller plus vite que la musique et, surtout, plus vite que l’adoption même du texte, en s’appuyant sur un calendrier fixé au 31 décembre 2015 et sur un seuil de 20 000 habitants. Je suis en mesure de vous donner plusieurs dizaines d’exemples à ce sujet, ce qui est déjà beaucoup.
Par ailleurs, je tiens à remercier Pierre-Yves Collombat d’avoir fait allusion à mon humble personne. Mes chers collègues, comme vous le savez, je ne mets pas mes convictions, quelles qu’elles soient, au fond de ma poche. J’ai toujours été attaché à la clause de compétence générale, dans la mesure où je pensais, et je pense toujours que c’est un moyen de faire vivre la diversité des territoires. On ne gère pas la Savoie comme on gère les Hauts-de-Seine ou la Vendée ! La clause de compétence générale permettait une diversité d’appréciation. Ainsi, voilà vingt ans, personne n’aurait pensé à confier au département ou à la région le numérique, qui n’existait pas. Cette clause est donc un outil de souplesse.
Traditionnellement, la clause de compétence générale et le suffrage universel distinguaient l’établissement public de la collectivité territoriale. Néanmoins, les députés ont introduit le suffrage universel pour l’élection des conseils communautaires ; j’espère d’ailleurs que vous supprimerez une telle disposition, mes chers collègues !
Si j’ai choisi de me rallier à ce que j’estime être la position majoritaire de mon groupe, c’est pour deux raisons. Tout d’abord, il fallait sauver les départements, et on ne pouvait pas le faire n’importe comment, sans rien changer. Ensuite, c’est au profit d’une clause de compétence que je qualifierai de dégradée, à savoir la clause de solidarité territoriale, que M. le corapporteur a bien voulu promouvoir et qui permettra demain, notamment aux départements, de cofinancer des projets en faveur des communes. Voilà l’explication : elle est nette et carrée. En assumant parfaitement cette position, je ne mets pas mes convictions dans ma poche.