compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
Secrétaires :
M. Christian Cambon,
Mme Colette Mélot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Contestation de l’élection de sénateurs
M. le président. En application de l’article 34 de l’ordonnance n° 58–1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le président du Sénat a été informé que le Conseil constitutionnel a été saisi d’une requête contestant les opérations électorales auxquelles il a été procédé, le 3 mai 2015, en Polynésie française, pour l’élection de deux sénateurs.
Acte est donné de cette communication.
3
Fin de la mission temporaire d’un sénateur
M. le président. Par lettre en date du 18 mai, M. le Premier ministre a annoncé la fin, à compter du 23 mai, de la mission temporaire confiée à Mme Hélène Conway-Mouret, sénatrice représentant les Français établis hors de France, auprès de M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification, dans le cadre des dispositions de l’article L.O. 297 du code électoral.
Acte est donné de cette communication.
4
Candidatures à des organismes extraparlementaires
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation :
- d’un sénateur pour siéger au conseil d’administration du Centre national du livre ;
- d’un sénateur appelé à siéger comme membre suppléant au sein du Conseil national du numérique.
Les candidatures proposées par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ont été publiées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
Je rappelle également au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation :
- d’un sénateur pour siéger au Conseil supérieur de l’énergie ;
- de deux sénateurs appelés à siéger au sein du conseil d’administration de l’Agence nationale de l’habitat ;
- enfin, d’un sénateur appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique.
Les candidatures ont été publiées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
5
Réforme de l’asile
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la réforme de l’asile (projet n° 193, texte de la commission n° 426, rapport n° 425, avis n° 394).
Dans la discussion des articles du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 10, au sein du chapitre III.
Chapitre III
Dispositions relatives à la Cour nationale du droit d’asile
Article 10
I. – Le titre III du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 731-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 731-2. – La Cour nationale du droit d’asile statue sur les recours formés contre les décisions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides prises en application des articles L. 711-1 à L. 711-4, L. 712-1 à L. 712-3, L. 713-1 à L. 713-4, L. 723-1 à L. 723-8, L. 723-10, L. 723-13 et L. 723-14. À peine d’irrecevabilité, ces recours doivent être exercés dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision de l’office, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« La Cour nationale du droit d’asile statue en formation collégiale, dans un délai de cinq mois à compter de sa saisine. Toutefois, sans préjudice de l’application de l’article L. 733-2, lorsque la décision de l’office a été prise en application des articles L. 723-2 ou L. 723-10, le président de la Cour nationale du droit d’asile ou le président de formation de jugement qu’il désigne à cette fin statue dans un délai de cinq semaines à compter de sa saisine. D’office ou à la demande du requérant, le président de la Cour ou le président de formation de jugement désigné à cette fin peut, à tout moment de la procédure, renvoyer à la formation collégiale la demande s’il estime que celle-ci ne relève pas de l’un des cas prévus aux mêmes articles L. 732-2 et L. 732-10 ou qu’elle soulève une difficulté sérieuse. La Cour statue alors dans les conditions prévues à la première phrase du présent alinéa.
« La Cour statue sur les recours formés contre les décisions de refus d’entrée sur le territoire français au titre de l’asile en application des 2° et 3° de l’article L. 213-8-1 dans les conditions prévues à l’article L. 213-9-1. » ;
1°bis A (nouveau) La dernière phrase de l’article L. 731-3 est complétée par les mots : « dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État » ;
1° bis (Supprimé)
2° L’article L. 732-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « sections » est remplacé par les mots : « formations de jugement » ;
b) Le 2° est complété par les mots : « , en raison de ses compétences dans les domaines juridique ou géopolitique » ;
c) Le 3° est ainsi modifié :
- après le mot : « qualifiée », sont insérés les mots : « de nationalité française, » ;
- après le mot : « État », la fin est ainsi rédigée : « , en raison de ses compétences dans les domaines juridique ou géopolitique. » ;
d) Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Les formations de jugement sont regroupées en chambres elles-mêmes regroupées en sections. Les nombres des sections et chambres sont fixés par arrêté du vice-président du Conseil d’État.
« Le président de la formation de jugement désigné par le président de la Cour nationale du droit d’asile en application du deuxième alinéa de l’article L. 213-9-1 et du deuxième alinéa de l’article L. 731-2 est nommé soit parmi les magistrats permanents de la cour, soit parmi les magistrats non permanents ayant au moins un an d’expérience en formation collégiale à la cour.
« La durée du mandat des membres de la Cour nationale du droit d’asile est fixée par décret en Conseil d’État. » ;
3° Après l’article L. 733-1, il est inséré un article L. 733-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 733-1-1. – Les débats devant la Cour nationale du droit d’asile ont lieu en audience publique après lecture du rapport par le rapporteur. Toutefois, le huis-clos est de droit si le requérant le demande. Le président de la formation de jugement peut également décider que l’audience aura lieu ou se poursuivra hors la présence du public, si les circonstances de l’affaire l’exigent. Il peut également interdire l’accès de la salle d’audience aux mineurs ou à certains d’entre eux.
« Art. L. 733-1-2. – (Supprimé)
3° bis L’article L. 733-2 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « section », sont insérés les mots : « , de chambre ou de formation de jugement » ;
b) À la fin, les mots : « d’une formation collégiale » sont remplacés par les mots : « de l’une des formations prévues à l’article L. 731-2 » ;
c) (nouveau) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. Il précise les conditions dans lesquelles le président et les présidents de section, de chambre ou de formation de jugement peuvent, après instruction, statuer par ordonnance sur les demandes qui ne présentent aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision d’irrecevabilité ou de rejet du directeur général de l’office. » ;
4° Le chapitre III est complété par des articles L. 733-3-1 et L. 733-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 733-3-1. – La collecte par la Cour nationale du droit d’asile d’informations nécessaires à l’examen d’un recours contre une décision du directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ne doit pas avoir pour effet de divulguer aux auteurs présumés de persécutions ou d’atteintes graves l’existence de cette demande d’asile ou d’informations la concernant.
« Si, devant la cour, l’office s’oppose, pour l’un des motifs prévus au second alinéa de l’article L. 723-9-1, à la communication au requérant d’informations ou de leurs sources, il saisit le président de la cour. L’office expose dans sa demande les motifs qui justifient cette confidentialité.
« Si le président ou le magistrat désigné à cette fin estime la demande de l’office justifiée, l’office produit les seuls éléments d’information de nature à ne pas compromettre la sécurité des personnes physiques ou morales ayant fourni ces informations ou auxquelles ces informations se rapportent. Ces éléments sont communiqués au requérant.
« Si le président ou le magistrat désigné à cette fin estime que les informations ou les sources mentionnées au deuxième alinéa n’ont pas un caractère confidentiel et si l’office décide de maintenir cette confidentialité, ces informations ou ces sources ne sont transmises ni au rapporteur, ni à la formation de jugement.
« La cour ne peut fonder sa décision exclusivement sur des informations dont la source est restée confidentielle à l’égard du requérant.
« Art. L. 733-4. – Saisie d’un recours contre une décision du directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, la Cour nationale du droit d’asile statue, en qualité de juge de plein contentieux, sur le droit du requérant à une protection au titre de l’asile au vu des circonstances de fait dont elle a connaissance au moment où elle se prononce.
« La cour ne peut annuler une décision du directeur général de l’office et lui renvoyer l’examen de la demande d’asile que lorsqu’elle juge que l’office a pris cette décision sans procéder à un examen individuel de la demande ou en se dispensant, en dehors des cas prévus par la loi, d’un entretien personnel avec le demandeur et qu’elle n’est pas en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur la demande de protection au vu des éléments établis devant elle.
« Sans préjudice du deuxième alinéa du présent article, le requérant ne peut utilement se prévaloir de l’enregistrement sonore de son entretien personnel qu’à l’appui d’une contestation présentée dans le délai de recours et portant sur une erreur de traduction ou un contresens, identifié de façon précise dans la transcription de l’entretien et de nature à exercer une influence déterminante sur l’appréciation du besoin de protection. »
II. – Le code de justice administrative est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa de l’article L. 233-5, le mot : « section » est remplacé par les mots : « formation de jugement et de président de chambre » ;
2° Au second alinéa de l’article L. 234-3, le mot : « section » est remplacé par le mot : « chambre » et la seconde phrase est supprimée ;
2° bis Au premier alinéa de l’article L. 234-3-1, les mots : « de section » sont remplacés par le mot : « nommés » ;
3° À la première phrase de l’article L. 234-4, après les mots : « huit chambres », sont insérés les mots : « ou de président de section à la Cour nationale du droit d’asile ».
III. – La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est ainsi modifiée :
1° Au dernier alinéa de l’article 3, les mots : « commission des recours des réfugiés » sont remplacés par les mots : « Cour nationale du droit d’asile » ;
1°bis (nouveau) Le titre Ier de la première partie est complété par un article 9-4 ainsi rédigé :
« Art. 9-4 (nouveau). – Le bénéfice de l’aide juridictionnelle peut être demandé devant la Cour nationale du droit d’asile dans le cadre d’un recours dirigé contre une décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatride dans le délai de recours contentieux et au plus tard lors de l’introduction du recours. Son bénéfice et de plein droit, sauf si le recours est manifestement irrecevable. » ;
2° Au quatrième alinéa de l’article 14, les mots : « Commission des recours des réfugiés » sont remplacés par les mots : « Cour nationale du droit d’asile » ;
3° Après les mots : « président de », la fin du quatrième alinéa de l’article 16 est ainsi rédigée : « formation de jugement mentionnés à l’article L. 732-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. »
M. le président. L’amendement n° 197, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après la référence :
L. 713-4
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
et L. 723-1 à L. 723-14.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la Cour nationale du droit d’asile, ou CNDA, est le juge naturel des décisions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, y compris de ses décisions d’examiner les dossiers en procédure accélérée. Il est donc logique de lui conférer la compétence pour les décisions de refus de réouverture après clôture. De surcroît, ne pas le faire n’irait pas dans le sens de la simplification des procédures.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. À travers l’article 10, nous abordons les questions relatives à la CNDA et donc aux recours susceptibles d’être examinés par elle.
Le texte, dans sa rédaction actuelle, écarte bien la compétence de la CNDA pour certaines décisions de l’OFPRA, mais il y a des raisons à cela : ces décisions sont en effet écartées parce qu’elles ne présentent aucun grief – enregistrement de la clôture à la demande de l’intéressé, par exemple –, ou parce qu’elles relèvent du contrôle de légalité et non du contentieux de l’asile, comme dans le cas de la clôture ou du refus de réouverture d’un dossier après clôture.
La commission demande donc, par courtoisie (Sourires.), à l’auteur de l’amendement de bien vouloir le retirer. À défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Le Gouvernement estime également qu’il n’est pas nécessaire d’introduire dans le texte les dispositions de cet amendement.
En l’occurrence, il s’agit là, en effet, de compétences du juge administratif de droit commun, la décision contestée ne portant pas sur le fond de la demande d’asile ; il convient seulement de vérifier s’il y a bien eu respect, par l’OFPRA, de cas de clôture et de leurs conditions légales d’application.
Il ne semble donc pas utile de confier à la CNDA un contentieux qui ne relève pas de sa sphère de compétences.
Dès lors, le Gouvernement demande également à l’auteur de cet amendement de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, il y sera défavorable.
M. le président. Madame Assassi, l’amendement n° 197 est-il maintenu ?
Mme Éliane Assassi. Convaincue par la courtoisie de M. le rapporteur (Sourires.), je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 197 est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 131, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La Cour nationale du droit d’asile statue en formation collégiale, dans un délai de six mois à compter de sa saisine. Toutefois, sans préjudice de l’article L. 733–2, lorsque la décision de l’office a été prise en application des articles L. 723–2 ou L. 723–10, la Cour statue dans un délai de trois mois.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le présent amendement vise plusieurs objectifs.
Il tend, d’abord, à porter le délai de jugement d’une affaire en procédure normale à six mois, et ce conformément aux recommandations du rapport du Sénat n° 130 du 14 novembre 2012.
Il a pour objet, ensuite, de porter le délai de jugement d’une affaire en procédure accélérée à trois mois. En effet, il ressort de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de l’article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et du droit dérivé européen que, pour qu’un recours soit effectif, il doit l’être tant en droit que dans la pratique. Ainsi, si les délais de jugement ne doivent pas être excessifs, ils ne doivent pas non plus être expéditifs et empêcher un demandeur d’asile d’assurer convenablement sa défense.
Le Défenseur des droits préconise, dans son avis du 6 novembre 2014, que la réponse de la CNDA à la demande d’asile dans le cadre d’une procédure accélérée ne puisse se faire dans un délai inférieur à trois mois. Le délai de cinq semaines est donc parfaitement déraisonnable de l’avis de l’ensemble des acteurs du contentieux, qu’il s’agisse des avocats, des juges ou des rapporteurs.
Cet amendement a pour but, enfin, de permettre l’examen collégial de l’ensemble des recours soumis à la CNDA. En effet, cette dernière traite d’un contentieux particulièrement sensible, qui touche aux libertés fondamentales et nécessite des connaissances géopolitiques pointues, voire une expérience de terrain. Ce contentieux ne saurait donc être confié à un juge unique.
De surcroît, l’abandon de la collégialité aurait pour conséquence l’évincement du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le HCR, de la formation de jugement, ce qui représenterait un appauvrissement considérable du droit d’asile en France, et serait surtout contraire à la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013, laquelle prévoit la présence du HCR à chaque étape de la procédure d’asile.
Enfin, il faut rappeler que la CNDA est juge en premier et dernier ressort du contentieux de l’asile, le Conseil d’État, juge de cassation, n’exerçant qu’un contrôle en droit très limité, puisqu’il n’apprécie pas de nouveau les faits et les preuves. Une seule juridiction examine donc, dans la plénitude de ses attributions, la demande d’asile en fait et en droit. Il est par conséquent indispensable que cette juridiction soit collégiale.
M. le président. L’amendement n° 198, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La Cour nationale du droit d’asile statue en formation collégiale, dans un délai de six mois à compter de sa saisine. Toutefois, sans préjudice de l’article L. 733-2, lorsque la décision de l’office a été prise en application des articles L. 723-2 ou L. 723-10, la Cour statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. Si le Président de la Cour nationale du droit d’asile ou le président de la formation de jugement désigné à cette fin estime, le cas échéant d’office et à tout moment de la procédure, que la demande ne relève pas de l’un des cas prévus aux mêmes articles L. 723-2 et L. 723-10 et qu’elle soulève une difficulté sérieuse, la Cour nationale du droit d’asile statue, en formation collégiale, dans les conditions de délai prévues par cette formation.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement est, pour nous, très important. Dès lors, je le dis d’emblée, nous ne le retirerons pas ; nous demandons même que le Sénat se prononce par scrutin public sur celui-ci.
Son objet est tout à fait similaire à celui que vient de présenter à l’instant Esther Benbassa. Nous proposons en effet de rétablir un délai raisonnable pour le jugement de la CNDA ainsi que le principe de collégialité de la décision.
Il a été fait référence au rapport d’information de Jean-Yves Leconte et Christophe-André Frassa, fait en 2012 au nom de la commission des lois. Je n’y reviens donc pas.
Sur le délai imparti à la CNDA pour statuer en procédure accélérée, j’y insiste moi aussi, il ressort de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de l’article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et du droit dérivé européen que, pour qu’un recours soit effectif, il doit l’être en droit comme dans la pratique. Dès lors, si les délais de jugement ne doivent pas être excessifs, ils ne doivent pas non plus être expéditifs ; ils ne doivent donc pas conduire à empêcher un demandeur d’asile d’assurer convenablement sa défense et une juridiction de mener une instruction de manière satisfaisante.
Je ne reviendrai pas non plus sur les préconisations du Défenseur des droits, évoquées par Esther Benbassa.
Pour ce qui concerne la collégialité, je répète que la CNDA traite d’un contentieux particulièrement sensible, qui touche aux libertés fondamentales. Il requiert donc des connaissances géopolitiques pointues, voire une expérience de terrain. La complexité du contentieux et des droits fondamentaux en jeu justifie que ledit contentieux ne saurait être confié à un juge unique.
M. le président. L’amendement n° 20, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 4, troisième phrase
Remplacer les mots :
D’office
par les mots :
De sa propre initiative
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. À travers cet amendement, nous posons au Gouvernement la question de la rédaction de l’article L. 731–2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, lequel porte sur la question du renvoi à la formation collégiale.
Faut-il en effet comprendre que le président de formation de jugement renvoie « d’office » à la formation collégiale la demande s’il estime que celle-ci ne relève pas de l’un des cas prévus aux articles L. 732–2 et L. 732–10 ou qu’elle soulève une difficulté sérieuse, ou bien qu’il le fait « à la demande du requérant » ?
Cet amendement tend à clarifier la rédaction, en remplaçant les mots « d’office » par les mots « de sa propre initiative ».
À tout le moins, nous souhaiterions, madame la ministre, un éclaircissement sur ce point.
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Enfin, si le président de la formation de jugement désigné à cette fin estime, le cas échéant d’office et à tout moment de la procédure, qu’il ne peut statuer seul sur la demande, bien qu’elle relève de l’un des cas prévus aux articles L. 723-2 et L. 723-10 et qu’elle soulève des difficultés, la Cour nationale du droit d’asile statue en formation collégiale, dans un délai de sept semaines.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Nous sommes tous, je le crois, attachés au contradictoire et à la nécessité de garantir le maximum de droits aux demandeurs.
De ce point de vue, puisque nous abordons avec cet article les questions relatives à la CNDA, je crois qu’il faut rendre hommage aux avocats qui y font vivre le contradictoire et exploitent toutes les possibilités du droit, au bénéfice des demandeurs.
Je voudrais indiquer, à propos du juge unique, que 20 % des décisions de la CNDA sont rendues par ordonnance, c’est-à-dire sans possibilité de contradictoire. Or permettre de prendre une décision rapide avec une possibilité de contradictoire est un plus.
Mme Éliane Assassi. Oui !
M. Jean-Yves Leconte. Comme d’autres, nous partageons les doutes sur la capacité de la CNDA à juger de tous les cas en cinq semaines. Bien entendu, il s’agit là d’un objectif, qui ne sera pas assorti de sanctions s’il n’est pas respecté. Le traitement d’un dossier pourra donc prendre, si nécessaire, un peu plus longtemps. Il faut dire que le faire tenir en cinq semaines, de la prise en main du dossier à la notification de la décision après l’audience, relève de la gageure !
Néanmoins, une fois que le travail a été fait par le rapporteur et que l’audience a été préparée, il me semble que le juge, s’il ne s’estime pas en capacité de décider seul d’un cas difficile, doit avoir la possibilité de demander le retour à une formation collégiale, sans que le délai passe pour autant de cinq semaines à cinq mois.
C'est la raison pour laquelle cet amendement a pour objet de créer une troisième procédure. La Cour nationale du droit d’asile pourrait ainsi statuer en formation collégiale, mais en procédure accélérée, dans un délai de sept semaines.
Le dispositif est envisagé pour les cas où le président de la formation de jugement amené à statuer à juge unique en cinq semaines estime que la demande soulève des difficultés insuffisamment sérieuses pour justifier un renvoi en procédure normale, soit cinq mois, mais nécessitant tout de même un jugement en formation collégiale.
Cette possibilité pourrait intervenir à tout moment de la procédure. Si les difficultés apparaissaient au jour initialement prévu pour l’audience, la décision serait rendue par la formation collégiale dans un nouveau délai de deux semaines, soit toujours sept semaines en tout.
Il me semble intéressant de permettre de statuer en formation collégiale sans que cela dure cinq mois.