M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les amendements nos 131 et 198 visent à allonger les délais de jugement à la CNDA et à entériner la suppression du juge unique.
Les auteurs de ces deux amendements proposent de porter de cinq mois à six mois le délai de jugement pour les demandes examinées selon la procédure normale et de cinq semaines à trois mois le délai de jugement pour les demandes examinées selon la procédure accélérée. Ils prônent également la suppression du juge unique.
Nous ne pouvons évidemment pas y souscrire : d’une part, cela conduirait à trop allonger les délais ; d’autre part, la procédure de juge unique est importante.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
L’amendement n° 20 est un amendement rédactionnel. Notre collègue Jacques Mézard propose de remplacer les mots « d’office » par les mots « de sa propre initiative ». Le président de la Cour ou le président de formation de jugement pourrait ainsi renvoyer en formation collégiale « de sa propre initiative ».
C’est une discussion sur les termes, mon cher collègue. D’un point de vue juridique, l’usage est plutôt d’indiquer que le président en décide « d’office ». Aussi, la commission propose – courtoisement, là encore (M. Jacques Mézard sourit.) – le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Enfin, les auteurs de l’amendement n° 1 proposent que le juge unique puisse renvoyer à la formation collégiale un recours pour lequel il s’estime compétent, mais qu’il ne pense pas pouvoir traiter seul, la Cour statuant alors dans un délai de sept semaines. Cela revient à créer une nouvelle procédure.
Une telle mesure ne nous paraît pas nécessaire. L’Assemblée nationale a déjà prévu que le juge unique pouvait renvoyer à la formation collégiale en cas de difficulté sérieuse, afin que celle-ci prenne sa décision dans les délais impartis. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre. Je comprends la démarche des auteurs des amendements nos 131 et 198, mais il n’est pas possible d’y souscrire.
L’idée est bien d’avoir, d’un côté, une procédure simplifiée lorsqu’un examen détaillé ne se justifie pas et, de l’autre, une procédure approfondie, avec toutes les garanties juridictionnelles voulues.
Il vaut mieux régler au plus vite les demandes manifestement irrecevables ou mal formulées et prendre le temps d’examiner les dossiers qui le méritent véritablement, c'est-à-dire les vraies demandes d’asile.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Madame la sénatrice Esther Benbassa, vous avez exprimé des craintes quant aux conditions d’examen des dossiers par le juge unique. Vous souhaitez offrir des garanties supplémentaires aux demandeurs. Je rappelle quelques éléments : nous avons prévu une aide juridictionnelle de plein droit devant la CNDA ; les juges seront des magistrats professionnels ; le rapporteur pourra également procéder à un examen approfondi ; enfin, il y aura renvoi devant la formation collégiale en cas de difficulté. Un éventuel allongement des délais ne réglerait donc rien.
Je partage l’hommage que M. Leconte a rendu aux avocats. Je les ai beaucoup fréquentés, et j’ai pu apprécier leurs qualités.
En revanche, la procédure intermédiaire que vous proposez à l’amendement n° 1 ne paraît pas pertinente, monsieur le sénateur. Encore une fois, l’objectif est de séparer les cas qui sont simples, lorsque la demande est manifestement irrecevable, de ceux qui méritent un examen au fond. Dès lors, la création d’une troisième procédure ne ferait que complexifier le système. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Enfin, l’amendement n° 20 est un amendement rédactionnel. M. Mézard souhaite préciser que le juge peut « de sa propre initiative » renvoyer en formation collégiale une affaire ne relevant pas d’un cas d’irrecevabilité ou de la procédure accélérée ou présentant une difficulté sérieuse. Ce n’est peut-être pas un élément déterminant, mais c’est effectivement une clarification utile. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 131 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l'amendement n° 198.
M. Jean-Yves Leconte. Nous ne pourrons pas voter cet amendement, dont l’adoption aurait pour objet de faire disparaître le principal intérêt de la procédure accélérée, c'est-à-dire le délai de cinq semaines.
Toutefois, il me semble important que le Gouvernement s’engage à donner les moyens nécessaires à la Cour nationale du droit d’asile. Certes, je partage le souhait que des décisions puissent être prises rapidement. Mais j’ai des doutes quant à la capacité de la CNDA à tenir le délai en assurant le respect du contradictoire.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 198.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 184 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 29 |
Contre | 312 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 20.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 33 rectifié bis est présenté par Mme Létard, MM. Guerriau et Bonnecarrère, Mme Loisier, MM. Delahaye, Médevielle, Longeot, Gabouty, L. Hervé et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 233 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Valérie Létard, pour présenter l’amendement n° 33 rectifié bis.
Mme Valérie Létard. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement n° 32 rectifié bis, qui visait à supprimer le transfert à la CNDA des recours à l’encontre des décisions de refus d’entrée sur le territoire.
Néanmoins, l’amendement n° 32 rectifié bis n’ayant pas été adopté, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 33 rectifié bis est retiré.
La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 233.
Mme George Pau-Langevin, ministre. Monsieur le président, je retire également cet amendement, pour des raisons similaires à celles qui viennent d’être avancées par Mme Létard.
M. le président. L'amendement n° 233 est retiré.
L'amendement n° 60, présenté par M. Guerriau, est ainsi libellé :
Alinéas 11 à 13
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
c) Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° Le rapporteur nommé par le vice-président du Conseil d’État, parmi les agents de la Cour sur proposition du président de la Cour nationale du droit d’asile, en raison de ses compétences dans les domaines juridique ou géopolitique. En toute indépendance et impartialité, garanties inhérentes à ses fonctions pour lesquelles il prête serment devant le vice-président du Conseil d’État, il donne lecture du rapport qui analyse l’objet de la demande et les éléments de fait et de droit exposés par les parties et fait mention des éléments propres à éclairer le débat. » ;
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Les formations de jugement de la Cour nationale du droit d’asile sont actuellement composées d’un magistrat ainsi que de deux juges assesseurs non-magistrats qui l’assistent dans ses fonctions de président. L’un des assesseurs est une personnalité qualifiée nommée par le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, l’autre est nommé par le vice-président du Conseil d’État sur proposition de l’un des ministres représentés au conseil d’administration de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides.
La présence d’une personnalité ayant un lien avec la direction de l’OFPRA apparaît d’autant plus discutable que l’Office est partie prenante aux affaires jugées par la Cour, ce qui ne satisfait pas aux exigences françaises et européennes d’accès à une justice impartiale et équitable. Afin de lever toute suspicion de dépendance à l’égard de l’Office et de partialité, le projet de loi prévoit de nommer les assesseurs au regard de leurs compétences juridiques ou géopolitiques sans qu’ils soient proposés par l’un des ministres représentés au conseil d’administration de l’OFPRA. Cependant, comme l’avait préconisé le rapport du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation de la politique d’accueil des demandeurs d’asile paru en avril 2014 concernant l’exigence d’une professionnalisation accrue de la CNDA, l’intégration des rapporteurs actuels au sein de la formation de jugement, en lieu et place de ces assesseurs, renforcerait la cohérence de la jurisprudence et simplifierait significativement la gestion logistique des audiences.
Actuellement, les rapporteurs instruisent les dossiers de demande d’asile, présentent un rapport en audience sans prendre parti sur le sens de la solution à retenir. Ce sont eux également qui rédigent les projets de décisions prises. Contrairement aux assesseurs, qui ne sont présents à la CNDA qu’au jour de l’audience, les rapporteurs sont présents tout au long de la procédure et maîtrisent mieux les dossiers, ce qui a été souligné dans le rapport du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, ainsi que lors des débats devant l’Assemblée nationale. L’intégration des rapporteurs s’inscrit donc dans la continuité des réformes entreprises ces dernières années et qui visent à rapprocher le fonctionnement de la CNDA des juridictions de droit commun en matière d’étrangers.
Les rapporteurs sont des fonctionnaires ou des agents contractuels du Conseil d’État. Ils bénéficient des garanties d’indépendance attachées à la juridiction, lesquelles seront affirmées et renforcées par leur nomination par le vice-président du Conseil d’État sur proposition du président de la juridiction. Les assesseurs, eux, ne sont pas nécessairement des fonctionnaires en activité et sont dans une relation contractuelle avec la Cour, sans que cela ait jamais soulevé de contestation à ce jour.
L’intégration des rapporteurs au sein des formations de jugement permettrait de garantir aux requérants un examen de leurs recours par des personnes très spécialisées, pivots de la procédure et au fait de la jurisprudence en matière d’asile. Cette mesure permettrait aussi de faire des économies du fait de la suppression des vacations et de la prise en charge des frais de déplacement, voire d’hébergement, des assesseurs, remplacés par les rapporteurs. Ainsi serait supprimé le versement des indemnités aux assesseurs vacataires, qui représentent un coût global d’environ 450 000 euros. Cette solution permettrait d’utiliser les fonds actuellement alloués à la rémunération des assesseurs nommés sur proposition de l’administration au recrutement de nouveaux agents dont l’activité permettrait une réduction significative des délais de jugement.
Il s’agit donc d’une proposition de simplification, d’économie et d’efficacité.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas sûr !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à remplacer l’assesseur nommé par le vice-président du Conseil d’État par un rapporteur de la Cour nationale du droit d’asile.
Cette proposition paraît tout à fait impossible. En effet, en application de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme – je pense notamment à l’arrêt Kress contre France rendu en 2001 –, le rapporteur public ne peut faire partie de la formation de jugement. Un rapporteur chargé de l’étude du dossier du demandeur se trouverait ainsi à la fois juge et partie, ce qui n’est naturellement pas souhaitable.
En outre, cette disposition reviendrait à réduire à deux – le président de la formation de jugement et l’assesseur du haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés – la formation de jugement, ce qui, d’une part, nuirait à la collégialité et, d’autre part, poserait des difficultés en cas de désaccord.
La commission a donc très clairement émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre. Le Gouvernement est plutôt défavorable à cet amendement, qui vise à remplacer l’un des assesseurs, à savoir la personnalité nommée par le vice-président du Conseil d’État, par un rapporteur nommé parmi les agents de la Cour sur proposition du président de la CNDA.
Certes, le rapporteur joue un rôle important et reconnu. Pour autant, il ne nous semble pas souhaitable de l’intégrer dans les formations de jugement, faute notamment des garanties statutaires en matière d’indépendance et d’impartialité. Aujourd'hui, les rapporteurs de la Cour ont des statuts variés, certains d’entre eux sont fonctionnaires, d’autres sont contractuels. En tant que membre du personnel de la Cour, ils sont tous sous l’autorité hiérarchique du président de la CNDA. Le Gouvernement estime donc que la situation statuaire de ces agents fait obstacle à leur intégration dans les formations de jugement.
M. le président. L'amendement n° 235, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 16
1° Remplacer les mots :
président de la formation
par les mots :
président de formation
2° Après le mot :
nommé
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
parmi les magistrats mentionnés au 1° du présent article.
La parole est à Mme la ministre.
Mme George Pau-Langevin, ministre. Il s’agit ici de répondre à la préoccupation exprimée assez largement d’élargir le vivier des magistrats pouvant être désignés comme juge unique. En modifiant légèrement la définition, il sera possible de disposer de davantage de magistrats. Voilà pourquoi le Gouvernement propose de supprimer la condition d’ancienneté que l’Assemblée nationale a souhaité imposer aux magistrats affectés de manière non permanente à la Cour.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement tend à modifier l’alinéa 16 de l’article 10 sur deux points.
La commission des lois est favorable à la première modification proposée, qui consiste à remplacer les mots « président de la formation » par les mots « président de formation ». En revanche, elle est défavorable à la seconde modification, qui vise à ouvrir le vivier des juges uniques à l’ensemble des présidents de formation de jugement en supprimant la condition d’expérience, condition qui a été ajoutée pendant les débats à l’Assemblée nationale et que nous souhaitons conserver.
Dans ces conditions, monsieur le président, je demande que l’amendement soit mis aux voix par division.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. J’apporte mon soutien à la position de la commission des lois, qui est sage.
Il est important d’éviter de trop grandes variations entre les décisions des formations en fonction des présidents. De nombreux efforts ont été faits en ce sens ces dernières années, mais la condition d’expérience me paraît évidemment indispensable pour pouvoir être juge unique.
M. le président. Nous allons procéder au vote par division.
Je mets aux voix le 1° de l’amendement n° 235.
(Le 1° de l’amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le 2° de l’amendement n° 235.
(Le 2° de l’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de l’amendement n° 235, modifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 34 rectifié bis est présenté par Mme Létard, MM. Guerriau et Bonnecarrère, Mme Loisier, MM. Delahaye, Médevielle, Longeot, Gabouty, L. Hervé et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 234 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 16
Supprimer les mots :
du deuxième alinéa de l’article L. 213-9-1 et
La parole est à Mme Valérie Létard, pour présenter l’amendement n° 34 rectifié bis.
Mme Valérie Létard. Il s’agit de nouveau d’un amendement de coordination avec la suppression proposée par l’amendement n° 32 rectifié bis, qui n’a pas été adopté. Par conséquent, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 34 rectifié bis est retiré.
La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 234.
M. le président. L'amendement n° 234 est retiré.
L'amendement n° 35 rectifié bis, présenté par Mme Létard, MM. Guerriau et Bonnecarrère, Mme Loisier, MM. Delahaye, Médevielle, Longeot, L. Hervé et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 17
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
… L’article L. 733-1 est ainsi modifié :
a) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Aux mêmes fins, le président de cette juridiction peut également prévoir la tenue d’audiences foraines au siège d’une juridiction administrative ou judiciaire, après accord du président de la juridiction concernée. » ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « présent article » ;
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Dans le cadre de la réflexion que nous avions engagée à l’occasion de la concertation sur l’asile, nous avions éventuellement envisagé l’expérimentation du transfert du contentieux de l’asile à la juridiction administrative de droit commun, « soit dans une ou deux régions à forte demande d’asile, soit pour l’ensemble du contentieux en procédure prioritaire ». Nous nous appuyions sur le fait que le juge administratif est déjà familier de ces problématiques, puisqu’il apprécie les risques en cas de retour sur le fondement de l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme, qui prohibe les traitements inhumains et dégradants, et qu’il pourrait y avoir un bénéfice pour le demandeur à voir son dossier traité par une juridiction de proximité.
Devant les arguments présentés, notamment par notre rapporteur, sur l’intérêt de concentrer le contentieux de l’asile sur une juridiction spécialisée mieux professionnalisée, j’ai renoncé à cette option tout en considérant qu’il était néanmoins souhaitable de conserver l’idée de rapprocher l’instance de jugement du justiciable – comme pour l’OFPRA en ce qui concerne l’expérimentation de sa territorialisation –, en particulier si le demandeur, dans le cadre de l’application du nouveau schéma directif d’hébergement, a été hébergé en région et doit prévoir de se déplacer pour sa convocation à une audience de la CNDA.
Cet amendement, comme cela avait été également envisagé dans les pistes de réforme proposées par notre rapport sur la réforme de l’asile remis au ministre de l’intérieur le 28 novembre 2013, prévoit de compléter les missions déconcentrées déjà mises en œuvre avec succès par l’OFPRA par la possibilité de déconcentrer une partie des recours devant la CNDA, en organisant des audiences foraines en région. Cette mesure conférera une base légale à ces audiences. Il s’agit ainsi de prévoir, à l’article L. 733-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, que la CNDA peut tenir des « audiences foraines », notamment en métropole.
Certes, la visioconférence est déjà prévue par l’article L. 733-1, mais, pour la métropole, le requérant peut refuser d’être entendu par un moyen de communication audiovisuelle. Le rapprochement physique de la juridiction, en particulier dans une région à forte demande, nous paraît donc une possibilité qui compléterait utilement l’ensemble de notre dispositif. Cela permettrait, là aussi, non seulement de réduire significativement les délais, mais aussi d’améliorer l’accompagnement des demandeurs d’asile en agissant au plus près des territoires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cette proposition, il faut bien le dire, a fait l’objet d’une discussion un peu rapide en commission, compte tenu du volume d’amendements que nous avons eu à traiter.
L’OFPRA organise des audiences foraines dans les différents départements français, plutôt avec succès. La CNDA, quant à elle, n’en organise pour l’instant qu’en outre-mer, mais elle dispose d’un autre moyen sur le territoire hexagonal, à savoir la visioconférence, qui n’est possible que si le demandeur est parfaitement d’accord.
La commission avait un avis réservé, pour ne pas dire défavorable, sur cet amendement. Reste que si les audiences foraines de l’OFPRA se déroulent avec succès sur le territoire hexagonal – la commission des lois et moi-même avons d’ailleurs soutenu de telles initiatives –, pourquoi n’en irait-il pas de même pour la CNDA ?
Cela étant, je suis tenu par l’avis de la commission. Néanmoins, si le président de la commission des lois voulait bien porter un regard bienveillant sur cet amendement, nous pourrions revoir notre avis…
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Depuis l’examen des amendements en commission, un élément nouveau est apparu : le Sénat a adopté hier un amendement visant à inscrire dans la loi la déconcentration de l’action de l’OFPRA.
Maintenant que notre assemblée a voté le principe de cette déconcentration, qui se pratiquait mais ne reposait pas sur une base légale, la situation est différente. Dès lors, j’ai tendance à penser qu’il y aurait une certaine incohérence à s’opposer aujourd’hui à la tenue d’audiences foraines de la Cour nationale du droit d’asile.
Il me semble que, sans outrepasser mes obligations de président de commission, pas plus que ne l’a fait notre rapporteur à l’instant, notre assemblée doit se montrer cohérente avec son vote d’hier. À titre personnel, je voterai l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme George Pau-Langevin, ministre. Il nous semble que cet amendement peut être un élément positif par rapport à notre souhait de rapprocher les juridictions des territoires et des demandeurs.
L’OFPRA tient d’ores et déjà des audiences au plus près des territoires. En outre-mer, la Cour nationale du droit d’asile peut ainsi juger les recours des demandeurs. Par conséquent, la tenue d’audiences foraines nous semble cohérente avec le souhait de répartir les demandeurs d’asile sur tout le territoire. Nous y sommes plutôt favorables.
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. La proposition de Mme Létard est frappée au coin du bon sens. Je tiens donc à saluer les propos du président et du rapporteur de la commission des lois, et je suis heureux que le Gouvernement aille dans le même sens.
La visioconférence est très aléatoire, tant en ce qui concerne le maniement des outils que les résultats. Les audiences foraines, pour leur part, ont déjà été expérimentées outre-mer, où elles ont donné de bons résultats. Faut-il pour autant donner une base légale à une pratique relevant de l’organisation des juridictions ? Je pense que oui, car la validité de ces audiences foraines peut aujourd’hui être mise en doute.
Il me semble donc bénéfique que nous offrions cette base légale en adoptant cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 133, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 21 à 25
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
3° bis L’article L. 733-2 est abrogé ;
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le présent amendement a pour objet de supprimer l'article L. 733-2 du CESEDA, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. En effet, ce dernier, complété par l'article R. 733-16, prévoit les ordonnances dites « nouvelles » et permet à la CNDA de rejeter un recours sans audience selon des critères subjectifs et aléatoires.
Or, comme cela a été développé par M. Jean-Marie Delarue dans son rapport du 29 novembre 2012, la notion d’absence « d’élément sérieux » est trop délicate à caractériser. De surcroît, le droit d’être entendu par la CNDA, qui découle du droit à un recours effectif et fait partie intégrante des droits de la défense, est protégé par le droit européen.
L'ensemble de ces droits est consacré par la directive européenne du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale – article 25 du préambule et article 46 -, par la charte des droits fondamentaux – articles 18, 41 et 47 - et par les articles 13 et 3 combinés de la convention européenne des droits de l’homme.
Il est donc impensable de maintenir la procédure d’ordonnances dites « nouvelles » sans méconnaître le droit européen et nier la spécificité des garanties de la procédure devant la CNDA.
M. le président. L'amendement n° 200, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 21 à 25
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
3° bis L’article L. 733-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 733-2. – Le président et les présidents de formation de jugement ne peuvent en aucun cas régler par ordonnance les affaires dont la nature ne justifie pas l’intervention d’une formation collégiale. » ;
La parole est à Mme Christine Prunaud.