Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis l’origine de la République et la création des communes, de nombreux gouvernements ont œuvré pour réduire le nombre de ces dernières. Force est de constater que ces efforts sont demeurés vains, tout simplement parce que nos concitoyens sont très attachés au fait communal : ils sont pour le regroupement de communes, mais rarement chez eux. (Sourires.)
Nous devons considérer qu’il est difficile de bousculer ce qui correspond à un fait historique, géographique et sociologique.
Au début des années soixante-dix, la loi Marcellin sur les fusions et regroupements de communes a été un échec retentissant et souvent les fusions en découlant se sont transformées en divorces conflictuels.
En 2010, sur l’initiative du gouvernement Fillon, de notre collègue Michel Mercier, alors ministre,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Excellent ministre !
M. Jacques Mézard. … qui a de la suite dans les idées,…
M. Michel Mercier, rapporteur. Eh oui !
M. Jacques Mézard. … et d’Alain Marleix, un nouveau dispositif de fusion a vu le jour : la commune nouvelle.
Au 1er janvier prochain, ce dispositif aura entraîné la création de dix-neuf communes nouvelles sur plus de 36 000 communes. Autant dire que, malheureusement, il n’a point soulevé l’enthousiasme que l’on espérait, d’où l’initiative de Jacques Pélissard et d’autres collègues députés, qui conduit à la discussion de la présente proposition de loi visant à améliorer ce régime de la commune nouvelle, initiative que le groupe du RDSE soutient, sous le bénéfice des observations que je vais formuler.
Tout d’abord, il serait erroné de penser que la commune nouvelle aurait plus de succès dans les territoires ne s’inscrivant pas dans le fait urbain. Il est plus facile de créer une commune nouvelle en périphérie d’une ville-centre, d’un bourg-centre, que dans le cadre de communes peu peuplées situées à plusieurs kilomètres de ce bourg-centre. Car la peur d’être définitivement abandonnés est très présente chez les quelques élus locaux et habitants déjà privés d’école, de commerces, de services publics : ils imaginent, pas toujours sans raison, que, au sein d’une commune nouvelle, la voirie comme les bâtiments communaux seront délaissés ; ils estiment également que, au lieu de dynamiser leur territoire, la commune nouvelle absorbera définitivement le peu de vie qu’il leur reste.
Ce sentiment – j’y ai été confronté lors des dernières élections sénatoriales – doit être respecté. C’est une réalité. Il faut la prendre en compte et essayer de trouver des solutions adaptées.
À l’opposé, l’opinion de nombre de nos collègues élus locaux évolue positivement vers des fusions de bon sens leur permettant de mieux répondre aux besoins de leurs concitoyens. Pour cela, nous devons simplifier davantage les procédures et respecter impérativement la liberté des conseils municipaux existants, comme l’a dit M. le rapporteur.
Faire confiance à l’intelligence territoriale chère au Sénat, c’est l’aider sans la contraindre.
Les élus locaux ne sont pas forcément conservateurs : ils ont plébiscité le développement de l’intercommunalité, ils sont toujours demandeurs de nouvelles technologies de communication, ils sont prêts à mutualiser.
Aujourd’hui, ce qui les contraint le plus, madame la ministre, ce qui freine les initiatives, c’est l’accumulation de normes,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est certain !
Mme Catherine Deroche. C’est vrai !
M. Jacques Mézard. … le poids insupportable de la bureaucratie, l’empilement sur le bureau des élus de textes réglementaires, les schémas nationaux et régionaux, les multiples comités de pilotage, les réunions à la préfecture, et j’en passe.
Mme Catherine Deroche. Et des meilleurs !
M. Jacques Mézard. Mettre un coup de pied dans ce fatras administratif : telle est la vraie urgence pour les élus locaux. En dépit des discours à finalité médiatique, on n’en prend pas le chemin !
La création des communes nouvelles se fera très lentement, non seulement parce que le système est encore trop lourd, trop compliqué administrativement, mais aussi, et ce n’est pas une contradiction, parce que la montée en puissance de l’intercommunalité répond à une grande partie des problèmes posés par le nombre des communes.
Sans remettre en cause l’objectif et le bien-fondé de la commune nouvelle, je suis de ceux qui considèrent que l’avenir, c’est l’intercommunalité, et que le vrai moyen de simplifier, de mutualiser, c’est de faciliter le transfert des compétences aux intercommunalités, d’augmenter le nombre de compétences obligatoires avec un dispositif fiscal bonifiant la mutualisation.
Pour cela, les intercommunalités doivent coller aux bassins de vie, ce qui est incompatible avec les seuils de population arbitraires que veut imposer le Gouvernement, décision se surajoutant au désastreux binôme cantonal.
Reste pour les communes nouvelles la question importante de leurs dotations. On n’attire pas les mouches avec du vinaigre et le présent texte prévoit non seulement une garantie de dotation, mais une friandise, par le biais d’une bonification de dotation forfaitaire.
Monsieur le rapporteur, il y a là une contradiction intellectuelle évidente : la commune nouvelle correspond à un objectif de rationalisation et d’économie, économie que devrait entraîner la fusion de communes. Il est alors peu cohérent d’augmenter la dotation globale des communes fusionnées, lesquelles, contrairement à ce qui s’est passé lors de la création des intercommunalités avec la loi Chevènement, ne procurent pas de nouveaux services à la population.
En outre, les dotations qui seront garanties en supplément aux communes nouvelles seront inscrites au débit des autres communes, ce qui n’est ni juste ni équitable.
En conclusion, les membres du RDSE voteront la présente proposition de loi, qui constituera un progrès, mais sans avoir trop d’illusion sur son efficacité. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je souhaite saluer le travail de Michel Mercier, rapporteur, initiateur du dispositif « commune nouvelle » datant du mois de décembre 2010. Il l’a d’ailleurs mis en œuvre par la suite à l’échelon local en créant la commune nouvelle de Thizy les Bourgs, dont il est maire.
M. Jacques Mézard. Très belle commune !
M. Henri Tandonnet. Non seulement il a écrit la loi en cause, mais il s’est également soumis à l’épreuve du suffrage universel avec succès.
L’exercice est original et l’on ne peut trouver meilleur rapporteur.
Le nombre et la taille des communes en France sont très critiqués. Je ne partage pas ces critiques, car elles reviennent à ignorer le lien social et démocratique que constitue ce maillage communal, lequel constitue à mon avis une force pour la France. Je ne reviendrai pas sur ce point, les orateurs précédents l’ayant fort bien exposé.
Dans la réforme territoriale qu’il nous propose, le Gouvernement n’aborde pas la question du regroupement des communes. Je souhaite qu’il s’en tienne au concept de « commune nouvelle », qui laisse une grande liberté à celles-ci.
C’est pourquoi je salue cette proposition de loi, qui apporte de nouveaux éléments clairs et lisibles pour la création d’un cadre communal rénové, fondé sur le volontariat, il est important de le rappeler. En quelque sorte, ce texte permet de consolider le positionnement des communes.
Même si, jusqu’à présent, le dispositif a connu un succès modeste, avec la création de douze communes nouvelles et de sept autres d’ici au 1er janvier prochain, il reste sans conteste un outil d’avenir pour préserver et défendre l’existence de l’échelon communal.
Il permet d’abord de tendre vers plus d’efficacité dans les dépenses publiques en regroupant volontairement des moyens financiers, humains ou immobiliers, afin de rationaliser le fonctionnement et de réaliser des économies substantielles tant sur les achats groupés que sur les assurances, ou encore les fournitures scolaires.
Ce dispositif permet également de sauvegarder les identités communales, puisque nous ne parlons aucunement de fusion de communes, mais que nous discutons bien du regroupement de celles-ci.
Comme avait déjà pu le dire notre collègue Michel Mercier, c’est un nouvel équilibre entre « une gestion mutualisée intégrée et la préservation des identités historiques et culturelles ».
Alors que les capacités de financement se réduisent d’année en année, les équipes municipales qui ont été élues restent pourtant chargées de maintenir leur patrimoine, de soutenir des projets et de veiller au maintien des services. C’est pourquoi il est nécessaire d’encourager cette nouvelle organisation, afin de répondre aux difficultés des très petites communes mitoyennes, en leur offrant les compétences et les moyens financiers propres à leur assurer un avenir.
On ne le dit pas assez, mais c’est aussi libérer les maires délégués des petites communes des contraintes administratives afin de leur assurer une plus grande disponibilité vis-à-vis des administrés et des projets communaux.
Ce dispositif présente un autre aspect essentiel : permettre à nos communes rurales de peser davantage à l’échelon intercommunal.
Loin de penser que la réforme territoriale actuelle ne concerne que les zones urbaines, les métropoles ou les régions, j’estime que le monde rural sera aussi touché lourdement.
Il est réellement nécessaire de faire évoluer l’échelon communal face aux intercommunalités géantes qui risquent de nous être imposées du fait de la révision de leur seuil de constitution inscrit dans le projet de loi NOTRe.
En effet, les petites communes auront d’immenses difficultés à exister et risquent d’être diluées dans des ensembles démographiques très importants. Les communes nouvelles peuvent constituer un bon moyen de restructurer et de démocratiser ces « poids lourds intercommunaux » en rééquilibrant le dialogue au sein de l’agglomération.
C’est l’occasion également pour de petites intercommunalités bien structurées autour d’un bourg-centre et de son bassin de vie de ne pas perdre cette avancée dans le cadre d’une grande intercommunalité, qui en réalité éclaterait la mutualisation de moyens humains et matériels déjà organisés. Effectivement, l’intégration de ces petites structures, qui ont déjà fait l’objet d’une forte mutualisation, dans une grande intercommunalité pourrait conduire à la dispersion des petites communes, des outils – un service de voierie bien organisé, par exemple –, ou encore des moyens humains en les renvoyant au sein d’une grosse agglomération.
La réforme qui nous est soumise constitue une innovation intéressante en raison de la souplesse qu’elle propose, puisqu’elle est fondée uniquement sur une démarche volontaire et qu’elle répond également à la diversité des territoires.
Ces raisons m’amènent à souscrire à l’intérêt de renforcer l’attractivité du système mis en place par la loi de 2010, comme le propose le texte que nous discutons aujourd’hui.
En premier lieu, la présente proposition de loi permet de clarifier certains points relatifs aux communes nouvelles qui pouvaient encore paraître flous, allant de la détermination du nom de la commune nouvelle – sujet sensible – aux dispositions concernant les documents d’urbanisme.
En second lieu, elle vise à améliorer la gouvernance des communes nouvelles. Notons à ce titre des assouplissements à propos, notamment, des conditions de composition du conseil municipal pendant la période transitoire, allant de la mise en place de la nouvelle collectivité au renouvellement de son conseil municipal sans créer de rupture, ou encore de la possibilité pour le maire délégué d’être adjoint de la commune nouvelle. Cette faculté apportera sûrement efficacité et cohésion. Il s’agit d’un élément extrêmement important du texte. À mon avis, ce sera une incitation forte pour l’instauration de communes nouvelles.
Je n’insisterai pas sur les mesures financières favorables : toujours opportunes, elles ne doivent néanmoins pas être le ressort de cette démarche.
Le dispositif de la commune nouvelle offre des solutions novatrices. Dans un contexte de réforme des collectivités et de baisses des dotations de l’État, c’est une réforme territoriale qui peut se fonder sur l’initiative du terrain. Six cents élus ont participé à l’atelier sur les communes nouvelles lors du dernier congrès des maires. Ils ont manifesté un grand intérêt et peu de craintes, en raison du volontariat sur lequel est basée la démarche.
Les membres du groupe UDI-UC voteront ce texte qui donne de nouvelles marges de manœuvre aux élus pour moderniser les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je me félicite de l’examen du présent texte, qui est attendu par les élus. Il est vrai que les communes nouvelles instaurées par l’excellente loi de 2010 – les zigzags, si je puis dire, que nous connaissons depuis quelques mois montrent à quel point celle-ci comporte des dispositions importantes –, même si elles sont peu nombreuses, sont au cœur des réflexions.
Dans mon département, le Maine-et-Loire, trois communes nouvelles ont été créées au 1er janvier 2013 : Beaugé-en-Anjou, qui regroupe cinq communes, Clefs-Val d’Anjou et Chemillé-Melay qui regroupent chacune deux communes. Dans le cas présent, le nombre des communes est ainsi passé de neuf à trois.
Je voudrais à ce propos saluer l’excellent travail du conseiller général-maire de Beaugé-en-Anjou, ardent défenseur de ce dispositif, aussi bien localement qu’au sein du comité directeur de l’AMF.
La commune nouvelle doit être un outil. Cela a été dit, elle est un instrument de simplification de gestion administrative. Sa constitution doit être volontaire, et absolument non contrainte, non obligatoire. Ce dispositif doit être souple, adapté au territoire et au paysage intercommunal.
En Maine-et-Loire, de nombreux projets de communes nouvelles sont en cours d’élaboration, même à l’échelle des communautés de communes existantes. À chacune de mes rencontres avec les 160 nouveaux maires du département, le sujet de la commune nouvelle qui les préoccupe et les intéresse est abordé.
Cela étant, la proposition de loi que nous examinons est importante du point de vue tant du dispositif mis en œuvre pendant la période de transition depuis les dernières élections jusqu’à la création de la commune nouvelle que du choix du nom, de la conférence des maires, du volet urbanisme et du rattachement à un EPCI.
Mais je souhaite, pour ma part, insister sur deux points.
Le premier concerne les maires délégués. En effet, bien souvent, l’une des critiques qui est opposée à ces communes nouvelles est la perte d’identité, de spécificité, d’histoire des communes qui pourraient se regrouper. À cet égard, le fait qu’un maire délégué puisse devenir adjoint est un bon point. L’une des dispositions importantes du texte est celle qui permet, en cas d’extension d’une commune nouvelle récemment créée – c’est le cas, par exemple, de la commune nouvelle de Beaujé-en-Anjou que d’autres communes souhaitent rejoindre –, aux maires des communes préexistantes de demeurer maires délégués au sein de la « nouvelle commune nouvelle » ainsi constituée.
Le second point a trait aux compensations financières. Celles-ci sont incitatives. Certes, cela ne fait pas tout, mais elles sont néanmoins essentielles en cette période difficile pour les collectivités.
Dans mon département, certains se sont alarmés du laps de temps assez court visé, à savoir d’ici au 1er janvier 2016. Dans la mesure où les équipes municipales sont totalement nouvelles, cela peut se comprendre. En effet, une commune nouvelle ne se bâtit pas en quelques semaines : il faut à la fois une volonté des maires et des conseils municipaux de se regrouper, et, surtout, il convient de faire accepter le nouveau dispositif par la population, ce qui peut parfois s’avérer délicat. Je tenais donc à me faire l’écho de ces maires qui auraient souhaité disposer d’un délai plus long d’un an.
En ces temps difficiles pour les collectivités de budget contraint, marqué par la baisse des dotations et l’alourdissement des charges, et compte tenu de la charge de travail qui pèse sur les épaules non seulement des maires et des élus locaux mais également de l’intercommunalité dont on annonce un élargissement – je rappelle les réticences de mon groupe à l’égard des seuils et des grandes intercommunalités –, le dispositif proposé aux maires me semble bon. Il l’est d’ailleurs particulièrement dans un département comme le mien où le fait intercommunal est très ancien. Nous devons donc l’encourager.
C’est la raison pour laquelle les membres du groupe UMP voteront la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE.)
Mme Jacqueline Gourault. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud.
M. Mathieu Darnaud. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si un maire a pour mission de dessiner un avenir pour sa commune, le Sénat, lui, a vocation à veiller à celui de toutes les communes de France. La proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes tombe donc à point nommé pour redonner des perspectives et peut-être même un nouveau souffle à l’institution communale.
Je ne m’étendrai pas sur le détail des dispositions de ce texte brillamment développées par les orateurs qui m’ont précédé, en particulier par M. le rapporteur.
À l’heure où, au prétexte d’éclaircir le jardin à la française qu’est devenue notre organisation territoriale, on invente de nouvelles géométries complexes, cette proposition de loi présente le grand intérêt de redonner de sa légitimité à la cellule de base de notre organisation territoriale : la commune.
Car on peut le déplorer ou s’en réjouir, mais c’est un fait : l’attachement de nos concitoyens pour l’institution communale ne s’est jamais démenti. Le plus souvent, ils la perçoivent moins comme une entité administrative que comme une communauté humaine, dans l’histoire de laquelle ils inscrivent leur propre existence. Ils y cultivent fréquemment l’attachement à leurs racines et entretiennent des liens sociaux favorisés par la présence d’élus de proximité.
Un Français en déplacement à qui l’on demande d’où il vient ne répondra jamais qu’il a sa maison dans la communauté de communes de Rhône-Crussol ou de l’Ouest Rhodanien ; il dira, madame la ministre, qu’il est originaire de Loudéac, ou monsieur le rapporteur, de Thizy-les-Bourgs, ou encore de La Mure, de Guilherand-Granges, voire de Paris.
Mais il est vrai que cet attachement de nos compatriotes à leurs villes et à leurs villages ne doit pas nous distraire des réalités. Chacun, dans cette enceinte, a pu mesurer que, en dessous d’un niveau critique, la mutualisation des moyens est nécessaire pour continuer à rendre à la population les services qu’elle est en droit d’attendre. C’est tout l’intérêt de la chance historique que représente cette proposition de loi, qui offre aux communes des conditions financières inespérées en ces temps de restrictions budgétaires, pour, comme l’a expliqué M. le rapporteur, réorganiser leur bloc communal.
Utilisant le dispositif de la loi Marcellin, une vingtaine de communes de l’Ardèche ont déjà fait ce choix précurseur de la fusion depuis 1971, parmi lesquelles Saint-Alban-Auriolles, Berrias-et-Casteljau, ou encore Saint-Pierre-Saint-Jean. Autant de noms composés qui témoignent d’une volonté de voir perdurer l’identité des communes fusionnées. Sur ce point aussi, je soulignerai la grande sagesse du présent texte qui, me semble-t-il, est parvenu à trouver le juste équilibre entre l’efficacité de la commune nouvelle aux prérogatives affirmées et les communes déléguées, garantes de la proximité et, disons-le, gardiennes de la mémoire.
Voilà pourquoi miser sur l’intelligence et la bonne volonté des maires et de leur conseil municipal me semble être la meilleure voie.
Il n’y a rien de plus estimable que d’aider des communautés humaines à faire le choix de se fédérer pour bâtir quelque chose qui les dépasse sans les dissoudre. Cette approche est diamétralement opposée de celle du projet de loi NOTRe, dont nous commencerons l’examen dans cet hémicycle dès demain, visant, parfois par la contrainte, à fabriquer des intercommunalités de 20 000 habitants qui enjambent les réalités humaines, géographiques et démographiques.
Tous les partenaires en jeu gagneraient à travailler en suivant ces principes : inciter plutôt que contraindre ; encourager les évolutions plutôt que dicter un modèle éloigné des réalités.
Depuis 2003, l’article 72 de la Constitution dispose que les collectivités s’administrent librement. Allons au bout de cette logique et offrons-leur de s’associer entre elles librement.
Je le disais voilà un instant, nous aurons très prochainement l’occasion de débattre et de faire état de désaccords – peut-être d’ailleurs moins entre nous qu’avec l’Assemblée nationale. Savourons donc aujourd’hui la satisfaction de voter ensemble le présent texte, qui est le fruit d’un consensus nourri par l’expérience et les réalités locales.
Je veux à mon tour rendre hommage à Jacques Pélissard, qui, avant de quitter l’AMF, a non seulement su transmettre le flambeau en des mains hautement qualifiées, mais a également été à l’initiative de ce texte intelligent, pragmatique et qui réunit l’ensemble des élus de bonne volonté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur les travées du RDSE.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
5
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Lors du scrutin n° 73 sur la proposition de résolution présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution sur la reconnaissance de l’État de Palestine, M. François Grosdidier a été déclaré votant pour, alors qu’il souhaitait s’abstenir.
Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
6
Amélioration du régime de la commune nouvelle
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes
Section 1
Le conseil municipal de la commune nouvelle
Article additionnel avant l’article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 19 rectifié bis, présenté par MM. Commeinhes, Berson et Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article L. 2113-3 du code général des collectivités territoriales, les mots : « la participation au scrutin est supérieure à la moitié des électeurs inscrits et que » sont supprimés.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Article 1er
I. – L’article L. 2113-7 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Art. L. 2113-7. – I. – Jusqu’au renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la commune nouvelle, le conseil municipal est composé :
« 1° De l’ensemble des membres des conseils municipaux des anciennes communes, si les conseils municipaux des communes concernées le décident par délibérations concordantes prises avant la création de la commune nouvelle ;
« 2° À défaut, des maires, des adjoints, ainsi que de conseillers municipaux des anciennes communes, dans les conditions prévues au II.
« L’arrêté du représentant de l’État dans le département prononçant la création de la commune nouvelle détermine la composition du conseil municipal, le cas échéant en attribuant les sièges aux membres des anciens conseils municipaux dans l’ordre du tableau fixé par l’article L. 2121-1.
« Dans tous les cas, le montant cumulé des indemnités des membres du conseil municipal de la commune nouvelle ne peut excéder le montant cumulé des indemnités maximales auxquelles auraient droit les membres du conseil municipal composé dans les conditions prévues au même II.
« II. – Lorsqu’il est fait application du 2° du I du présent article, l’arrêté du représentant de l’État dans le département attribue à chaque ancienne commune un nombre de sièges en application de la représentation proportionnelle au plus fort reste des populations municipales.
« Il ne peut être attribué à une ancienne commune un nombre de sièges supérieur au nombre de ses conseillers municipaux en exercice et inférieur au nombre de son maire et de ses adjoints en exercice.
« L’effectif total du conseil ne peut dépasser soixante-neuf membres, sauf dans le cas où la désignation des maires et adjoints des anciennes communes rend nécessaire l’attribution de sièges supplémentaires. »
II. – L’article L. 2113-8 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 2113-8. – Lors du premier renouvellement général des conseils municipaux suivant la création de la commune nouvelle, le conseil municipal comporte un nombre de membres égal au nombre prévu à l’article L. 2121-2 pour une commune appartenant à la strate démographique immédiatement supérieure.
« Le montant cumulé des indemnités des membres du conseil municipal de la commune nouvelle ne peut excéder le montant cumulé des indemnités maximales auxquelles auraient droit les membres du conseil municipal d’une commune appartenant à la même strate démographique. »
III. – L’article L. 2114-1 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les références : « par les articles L. 2113-7 et L. 2113-8 » sont remplacées par la référence : « au chapitre III du présent titre Ier » et le mot : « leurs » est remplacé par le mot : « ces » ;
2° Le deuxième alinéa est supprimé.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, sur l'article.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. L’article 1er traite de la composition transitoire du conseil municipal de la commune nouvelle. Il garantit une représentation des communes déléguées, puisque les conseils sont maintenus jusqu’au renouvellement.
Pour autant, à l’issue de ce renouvellement, qui pourrait par exemple intervenir en 2020, rien n’assure l’effectivité du maintien d’une représentation des communes déléguées au sein du conseil municipal.
Certes, le bon sens politique devrait conduire les listes qui se présenteront à afficher leur représentativité sur l’ensemble du territoire de la commune nouvelle et des communes déléguées.
Cependant, le législateur n’a, à ce stade édicté, aucune règle particulière pour garantir à long terme cette représentation. À court terme, tout ira bien, j’en conviens comme nombre d’entre vous, mes chers collègues, car les fondateurs de la commune nouvelle auront vraisemblablement à cœur de maintenir le pacte moral qui les lie.
Il existe donc encore, me semble-t-il, un petit angle mort dans la proposition de loi, car rien ne certifie qu’une part significative des nouvelles communes déléguées, si ce n’est l’ensemble d'entre elles, puisse continuer à être représentée au sein du futur conseil municipal de la commune nouvelle, « en mode de croisière ».
Dans l’Yonne, département que j’ai l’honneur de représenter, de nombreuses collectivités réfléchissent à leur regroupement au sein de communes nouvelles. Néanmoins, l’absence de mesures législatives relatives à la représentation des anciennes communes dans la commune nouvelle peut constituer un frein à la conclusion de regroupements.
J’ai notamment en tête les débats au sein de la communauté de communes de l’Orée de Puisaye regroupant quatorze communes qui ont engagé cette réflexion en vue d’un passage à la commune nouvelle.
Ne pourrait-on pas imaginer un dispositif qui, à l’instar du fléchage des conseillers communautaires, prévoirait, par exemple, que 50 % des communes au moins – le quantum doit bien sûr être étudié – seraient représentées dans la première moitié de la liste déposée en vue des élections municipales dans la commune nouvelle ?
Je n’ai pas la solution juridique parfaite, mais il s’agit d’une première contribution au débat. À ce propos, puisque le président de l’Association des maires de France a évoqué tout à l’heure la mise en place d’un groupe de travail de suivi qui serait coanimé par M. le rapporteur, ce sujet pourrait éventuellement être inscrit à l’ordre du jour de ses travaux
Si rien n’est fait, nous risquerions de nous retrouver dans une situation un peu paradoxale : pourrait être nommé maire délégué d’une commune déléguée un conseiller municipal qui ne serait pas lui-même issu de la commune déléguée si celle-ci n’est pas représentée dans le conseil municipal de la commune nouvelle à l’issue du premier renouvellement.
On ne peut pas laisser ce sujet totalement de côté. C’est pourquoi je lance un appel à poursuivre le travail et à imaginer des solutions afin de ne pas entraver les collectivités volontaires qui souhaiteraient se transformer en commune nouvelle, mais qui peuvent éprouver quelques réticences par rapport à l’absence de garanties sur la représentation à long terme. À court terme, je suppose que l’intelligence des hommes pourvoira à tout cela.