M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. L'adoption de l’amendement n° II-353 ou de l’amendement n° II-53 aurait concrètement pour effet de remettre en cause notre engagement de créer 54 000 nouveaux postes dans l'éducation nationale et, plus largement, notre choix de réinvestir dans l’école de la République, y compris dans la formation des enseignants.
Je demanderai donc à leurs auteurs de bien vouloir retirer ces amendements ; à défaut, j’en préconiserai le rejet.
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.
M. Jacques-Bernard Magner. Avec ces amendements, nous inaugurons une pratique parlementaire assez originale, celle du « clonage législatif » ! En effet, les rapporteurs de la commission des finances et de la commission de la culture nous présentent des amendements dont l’adoption aboutirait à supprimer trois fois les mêmes postes de dépense ! Ce n’est pas très sérieux… Mes chers collègues, on ne voudrait pas vous confier les clés de l’école, ni celles de la France !
Cette désinvolture budgétaire prêterait à rire si elle ne mettait pas en cause des femmes et des hommes, ainsi qu’une politique essentielle pour l’avenir de notre pays. Nous retrouvons bien ici le dogmatisme comptable froid et aveugle qui était à l’œuvre sous le quinquennat de M. Sarkozy. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Je rappelle les chiffres : 80 000 postes supprimés, 1 031 fermetures d’école, une chute du taux de préscolarisation de 13 % ! Voilà quelques données éclairantes ! Même au sein de la majorité du Sénat, on comprend bien qu’il y a une incohérence…
Pourtant, le discours de la droite sénatoriale n’a pas changé : ces amendements en sont la preuve. Pour elle, un enseignant est d'abord un aggravateur de dette, un créateur de dépenses insupportables, et non pas un professionnel au service de l'éducation de nos enfants et de l’avenir de notre pays !
Nous voterons bien entendu contre ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Évidemment, nous ne cautionnerons pas ce subtil jeu d’écritures : le groupe CRC votera contre l’ensemble de ces amendements.
Si l’on vous suivait, chers collègues de la droite, nous n’aurions aucune chance de remédier à la crise du recrutement des enseignants ! En outre, eu égard à vos propositions concernant le programme 214, les opérateurs publics, tels que le Centre d'études et de recherches sur les qualifications, le Centre national d'enseignement à distance, le Centre international d'études pédagogiques ou le Centre national de documentation pédagogique, n’auraient plus qu’à mettre la clé sous le paillasson !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. La brièveté de mes propos n’aura d’égale que mon hostilité à cette tentative de destruction de tout ce qui a été restauré ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste. – Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Caricature !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-353.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 62 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 182 |
Contre | 157 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
En conséquence, les amendements nos II-53, II-184 et II-183 n’ont plus d'objet.
L'amendement n° II-185 rectifié, présenté par M. Carle, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré Dont Titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré Dont Titre 2 |
||||
Vie de l’élève Dont Titre 2 |
5 000 000 5 000 000 |
5 000 000 5 000 000 |
||
Enseignement privé du premier et du second degrés Dont Titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale Dont Titre 2 |
5 000 000 5 000 000 |
5 000 000 5 000 000 |
||
Enseignement technique agricole Dont Titre 2 |
||||
Total |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
Solde |
0 |
0 |
La parole est à M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Cet amendement concerne la médecine scolaire. Il s’agit simplement de revaloriser les carrières des personnels de santé scolaire, médecins et infirmières.
Aujourd'hui, l’attractivité de ces carrières est faible, puisque le salaire de début d’un médecin scolaire est de 1 300 euros. Cet amendement vise donc à redéployer, au sein des crédits de la mission, 5 millions d’euros en faveur des personnels de la médecine scolaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. À titre personnel, je suis favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Bien évidemment, les personnels de médecine et d’infirmerie scolaire jouent un rôle primordial dans l’éducation nationale. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Gouvernement a adopté depuis 2012 des mesures de revalorisation salariale de plus de 7 millions d’euros, visant notamment à faciliter le détachement des personnels des fonctions publiques territoriale et hospitalière vers l’éducation nationale.
Cela a permis d’augmenter le nombre de candidats au recrutement, puisque, en 2013, nous avons embauché plus de médecins et d’infirmiers que ce que nous avions prévu.
Sachez que le travail continue sur ce sujet important. Il me semble donc, monsieur le rapporteur pour avis, que vos préoccupations sont déjà prises en compte par le Gouvernement. Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour explication de vote.
Mme Maryvonne Blondin. M. Carle a raison de souligner qu’il existe des difficultés de recrutement de personnels de santé scolaire, mais le déficit touche aussi d’autres spécialités, comme la médecine générale.
La problématique va au-delà de la seule question de la revalorisation que vous appelez de vos vœux, mon cher collègue, mais que la majorité précédente s’était bien gardée d’opérer !
Mme la ministre vient de le rappeler, la grille indiciaire des médecins de l’éducation nationale a été relevée à l’été 2012, et le Gouvernement s’est engagé dans une démarche globale de reconstruction du secteur de la médecine scolaire, qui avait été fort délaissé.
L’accueil d’étudiants en médecine pour un stage au sein de l’éducation nationale permet d’augmenter le nombre de candidats au concours. Quant aux psychologues scolaires, ils sont en passe de voir aboutir des revendications vieilles de vingt ans. Tout cela contribue à la mise en place d’un parcours de santé, que nous avions souhaitée lors de l’examen de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école.
Je tenais à souligner le travail au long cours mené par le Gouvernement pour reconstruire le service public de la santé scolaire, l’adapter aux besoins des élèves et le rendre beaucoup plus efficace.
M. le président. L'amendement n° II-186, présenté par Mme Férat et M. Carle, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré Dont Titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré Dont Titre 2 |
||||
Vie de l’élève Dont Titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés Dont Titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale Dont Titre 2 |
2 500 000 |
2 500 000 |
||
Enseignement technique agricole Dont Titre 2 |
2 500 000 |
2 500 000 |
||
Total |
2 500 000 |
2 500 000 |
2 500 000 |
2 500 000 |
Solde |
0 |
0 |
La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. Le présent amendement vise à rétablir, au profit de l’enseignement agricole, 2,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, hors titre 2.
Pour rappel, un amendement du Gouvernement, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, a diminué de ce même montant les crédits hors titres. Nous souhaitons donc tout simplement rétablir le budget initial. On n’a pas mesuré l’impact d’une réduction de 2 % des crédits sur un budget déjà largement fragilisé. L’enseignement agricole n’est pas la variable d’ajustement de la mission « Enseignement scolaire ». (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Enseignement scolaire », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion l’article 55 et l’amendement qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
Enseignement scolaire
Article 55
I. – L’article 67 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « et 2014-2015 » sont remplacés par les mots : « à 2015-2016 » ;
b) (nouveau) Sont ajoutés les mots : « et, pour l’année scolaire 2015-2016, pour lesquels sont organisées des activités périscolaires dans le cadre d’un projet éducatif territorial prévu à l’article L. 551-1 du code de l’éducation » ;
1° bis (nouveau) Aux premier et cinquième alinéas, les mots : « de fonctionnement » sont remplacés par les mots : « relatives à l’organisation des activités périscolaires » ;
2° Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Un montant forfaitaire versé aux communes pour chaque élève scolarisé dans une école remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article ; ».
II (nouveau). – La première phrase du premier alinéa de l’article 32 de la loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014 est ainsi modifiée :
1° Les mots : « de fonctionnement » sont remplacés par les mots : « relatives à l’organisation des activités périscolaires » ;
2° Sont ajoutés les mots : « et, pour l’année scolaire 2015-2016, lorsque ces communes et établissements organisent des activités périscolaires dans le cadre d’un projet éducatif territorial prévu à l’article L. 551-1 du code de l’éducation ».
III (nouveau). – Le 1° bis du I et le 1° du II du présent article sont applicables pour l’année scolaire 2015-2016.
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, sur l'article. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. Il faut suspendre à treize heures, monsieur le président, c’est la règle !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Il n’est pas treize heures !
Mme Samia Ghali. Je serai brève sur cette question, ô combien importante, de l’éducation.
Je voudrais évoquer le cas de Marseille (Exclamations sur les travées de l'UMP.),…
M. Charles Revet. Pas de cas particuliers !
Mme Samia Ghali. … où l’école accueille 75 000 enfants, qui aujourd’hui n’ont pas tous accès aux activités périscolaires. Celles-ci représentent pourtant une grande richesse.
Tout à l’heure, M. Serge Dassault nous donnait des leçons sur la question éducative et nous expliquait pourquoi les enfants sont dans la rue. À Marseille, la loi n’est pas appliquée : au lieu d’être à l’école de la République, des enfants sont à l’école de la rue. Privés d’activités périscolaires, ils y sont pris en otage, alors que le Gouvernement met les moyens en œuvre pour que la ville puisse leur assurer une éducation digne. (Mme Natacha Bouchart proteste.)
Aujourd'hui, à Marseille, l’éducation est mise à mal, en souffrance. Beaucoup d’enfants et de parents en pâtissent. On favorise ainsi le décrochage et l’échec scolaire, à rebours de tout ce que vous avez mis en place, madame la ministre.
Je vous remercie d’avoir augmenté le budget de l’éducation nationale. Nos enfants, bien souvent, ne savent plus où ils en sont : l’éducation nationale constitue le seul rempart contre tous les maux de notre société, qui pourraient demain créer une situation irréversible dans notre pays.
M. le président. L'amendement n° II-354, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
a) Les mots : «, pour les années scolaires 2013-2014 et 2014-2015, un fonds » sont remplacés par les mots : « un fonds de soutien » ;
II. - Alinéa 4
Remplacer les mots :
et, pour l’année scolaire 2015-2016,
par les mots :
et, à compter de l’année scolaire 2015-2016,
III. - Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le mot : « fonds » est remplacé par les mots : « fonds de soutien » ;
IV. - Alinéa 10
Remplacer les mots :
et, pour l’année scolaire 2015-2016,
par les mots :
et, à compter de l’année scolaire 2015-2016,
V. - Alinéa 11
Remplacer les mots :
pour l’année scolaire 2015-2016
par les mots :
à compter de l’année scolaire 2015-2016
La parole est à Mme la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Le présent amendement tend à concrétiser l’engagement pris par le Premier ministre de reconduire, au-delà de l’année 2015-2016, le fonds d’amorçage créé pour accompagner les communes dans la mise en place d’activités périscolaires.
C’est une mesure importante, qui illustre notre volonté de voir réussir cette réforme. Nous l’avons adoptée dans un double but.
Premièrement, il s’agit de mieux articuler le temps scolaire des enfants, parce qu’on apprend mieux en cinq matinées qu’en quatre matinées, sur un temps moins concentré.
Deuxièmement, nous voulons que les enfants puissent avoir accès à des activités culturelles, de loisir ou sportives, qui leur ouvrent des horizons mais auxquelles, jusqu’à présent, seuls ceux dont les familles avaient les moyens de payer pouvaient accéder.
J’insiste sur l’importance qu’il faut accorder à ces activités périscolaires, qui doivent être considérées non pas comme accessoires, mais comme utiles à la réussite des enfants.
Dans la grande majorité des communes, le travail a été fort bien fait ; j’en remercie les élus locaux, les acteurs de l’éducation, les associations.
Dans d’autres communes, Marseille en particulier, on a malheureusement traîné les pieds (Protestations sur les travées de l'UMP.), ce qui met en grande difficulté des familles entières. C’est la raison pour laquelle nous voulons désormais que cette aide de l’État s’accompagne d’un véritable travail partenarial permettant de vérifier ce que font les communes de l’argent qui leur est versé.
Madame la sénatrice, déjà plus de 2 millions d’euros ont été versés à votre commune ; comment cet argent a-t-il été employé ? Désormais, grâce à la mise en place des projets éducatifs territoriaux dans toutes les communes, nous pourrons assurer un meilleur suivi. J’espère ainsi que, partout en France, les enfants pourront avoir accès à un temps scolaire de meilleure qualité et à des activités périscolaires favorisant la réussite. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission ne s’est pas prononcée sur cet amendement, mais, à titre personnel, j’y suis favorable. Certes, je ne souscris pas, sur le fond, à ce qui vient d’être dit, cependant la pérennisation de ce fonds de soutien aux communes répond à la préoccupation exprimée par le Sénat lors du vote de l’article 9 du présent projet de loi de finances quant à la prise en compte des coûts induits par certaines normes.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. J’approuve pleinement la démarche de Mme la ministre. J’insiste sur le fait que nous devons demeurer attentifs à la situation des communes rurales.
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
3
Questions cribles thématiques
industrie du tourisme
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques posées à M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur l’industrie du tourisme, thème choisi par le groupe socialiste.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3 et Public Sénat.
Monsieur le ministre, je vous remercie d’être venu personnellement répondre aux questions de nos collègues.
Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes.
Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du RDSE.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le tourisme mondial est en pleine expansion. Notre pays étant la première destination mondiale, nous savons l’importance de ce secteur économique en matière d’emplois non délocalisables, de valorisation de notre patrimoine et de nos territoires. Voilà pour la carte postale.
La demande touristique mondiale explose et l’offre touristique évolue également, avec l’apparition de nouveaux acteurs.
Notre débat intervient alors que nous aborderons probablement samedi l’examen des articles rattachés au projet de loi de finances, notamment l’article 44 bis, qui prévoit une réforme de la taxe de séjour.
Le dispositif proposé au travers de l’amendement du Gouvernement et complété par l’Assemblée nationale comporte de réelles avancées. Tout en laissant aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale la possibilité d’instaurer ou non une telle taxe, il prévoit plusieurs fourchettes, en fonction de la catégorie de l’hébergement, et un relèvement du plafond pour les hôtels de luxe et autres palaces.
Ensuite, il vise à renforcer l’efficacité du recouvrement, en prévoyant notamment que la collecte de la taxe de séjour sera réalisée par les plateformes en ligne.
Je rappelle cependant que le tourisme est une activité extrêmement diverse selon les territoires et que les enjeux ne sont pas les mêmes à Paris et dans les communes rurales.
À ce titre, cette réforme pose plusieurs problèmes. Je pense tout particulièrement aux gîtes ruraux, dont les propriétaires font part de leurs inquiétudes. Nous le savons, ce mode d’hébergement s’est développé notamment dans les zones rurales, loin des grandes concentrations du tourisme de masse, et constitue un élément de l’attractivité de certaines régions. Ces gîtes y sont parfois le seul mode d’hébergement, avec les campings.
M. le président. Ma chère collègue, veuillez poser votre question.
Mme Françoise Laborde. Ils sont, en outre, particulièrement recherchés par les familles, notamment en raison de leur coût attractif.
L’article 44 bis, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, place dans la même catégorie les hôtels 4 étoiles et les gîtes ruraux 4 épis, pour reprendre leur nomenclature.
M. le président. Veuillez maintenant poser votre question !
Mme Françoise Laborde. Nous estimons que ces meublés de tourisme n’ont pas à être assujettis au même plafond que les hôtels traditionnels.
Une seconde inquiétude porte sur les plateformes de réservation.
M. le président. Madame Laborde, vous devez respecter votre temps de parole !
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, je n’userai pas de mon droit de réplique.
Le texte adopté à l’Assemblée nationale vise les grandes plateformes de réservation en ligne. Il pourrait également concerner des plateformes plus modestes dans les régions, ces dernières n’ayant pas la capacité d’organiser la collecte de la taxe de séjour. Comment le Gouvernement entend-il distinguer les unes des autres ?
M. le président. Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes pour poser sa question ! Vous avez consommé votre temps de réplique, ma chère collègue.
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie le Sénat d’avoir choisi comme sujet de cette séance de questions cribles le tourisme, dont on ne répétera jamais assez qu’il est un secteur majeur de notre économie, créateur d’emplois non délocalisables, et qu’il faut le soutenir.
Une réforme de la taxe de séjour était nécessaire et, me semble-t-il, souhaitée par tout le monde. L’augmentation initialement envisagée était à notre avis excessive. Après une concertation à laquelle ont participé des parlementaires et des représentants de la profession, nous aboutissons finalement à une solution raisonnable : aucune modification de tarif pour les hôtels 1 et 2 étoiles, une hausse très modeste pour les hôtels 3 et 4 étoiles, une augmentation plus importante pour les hôtels 5 étoiles et les palaces.
S’agissant des plateformes de réservation, il a été souhaité que la taxe de séjour leur soit étendue, selon des modalités de prélèvement à définir, afin que la concurrence puisse s’exercer normalement. En effet, il n’y a aucune raison que toute une série d’opérations soit hors du champ de cette taxe.
Enfin, la question des gîtes demande une attention particulière. Nous la traiterons dans la concertation.
Vous avez dit, madame la sénatrice, que la France était la première destination touristique au monde. Cela est vrai en nombre de visiteurs, mais, en termes de recettes – et c’est là l’essentiel –, la France ne se classe qu’au troisième rang mondial. Il y a donc un gros effort à faire.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour la réplique.
Mme Françoise Laborde. Je vous remercie de cette réponse très satisfaisante, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour le groupe CRC.
M. Michel Le Scouarnec. Pour beaucoup, le tourisme, c’est avant tout les vacances, quand l’impatience du départ est vite balayée par la joie de partir vers de nouveaux horizons.
Derrière ces moments de bonheur se cachent une véritable industrie et une économie importante, puisque celle-ci représente 6,5 % de notre PIB et près de 900 000 emplois salariés directs.
Au-delà des préoccupations légitimes liées au poids économique de cette industrie, nous ne pouvons pas ignorer la situation des salariés du secteur, dans lequel la proportion de bas salaires est forte.
À cela s’ajoute le recours massif aux emplois saisonniers, synonymes bien souvent d’atteintes au droit du travail, de précarité, de conditions de logement difficiles et de santé dégradée.
Pourtant, cet état de fait est connu depuis longtemps et des solutions existent. Quand comptez-vous les mettre en œuvre, monsieur le ministre ?
Les professionnels du tourisme ont vu leurs métiers se transformer, ce qui nécessite notamment la mise en place de formations adaptées aux exigences de ces évolutions.
Une initiative novatrice est promue en Bretagne dans le secteur de l’hôtellerie de plein air, avec la mise en place d’une formation originale à destination des professionnels, alternant cours pratiques et cours théoriques sur trois ans et devant déboucher sur l’obtention d’un diplôme et, surtout, d’un contrat à durée indéterminée.
Ce dispositif pérennise l’emploi en le qualifiant, tout en permettant à nos territoires, à nos entreprises et à nos salariés d’envisager un développement économique durable. Cette expérience tendant à accroître la plus-value professionnelle pourrait être soutenue, d’une part, et étendue à d’autres régions, d’autre part. Monsieur le ministre, pourriez-vous envisager de développer de telles offres de formation ?
Malgré leurs liens étroits avec les collectivités, les offices de tourisme sont soumis à la baisse des dotations. La régionalisation et le transfert des compétences soulèvent des interrogations, en matière tant d’organisation que de dynamisme en termes de développement touristique. Comment percevez-vous les perspectives de la réforme territoriale pour le secteur du tourisme ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre. Si l’on veut que le secteur du tourisme soit dynamique, efficace, il faut que les salariés soient bien formés et que leurs conditions de travail et de vie soient correctes. En matière de formation, notamment, beaucoup de progrès restent à faire. À cet égard, l’initiative que vous avez citée me paraît extrêmement intéressante. La profession et les pouvoirs publics souhaitent mettre l’accent sur la formation.
Évidemment, les métiers du tourisme présentent des contraintes spécifiques, en termes d’horaires, de durée du travail, de saisonnalité des emplois. Il faut trouver un équilibre, entre la réponse aux attentes des touristes et la nécessité d’assurer aux salariés des conditions de travail correctes. Les assises du tourisme se sont penchées sur cette problématique.
En ce qui concerne les incidences de la réforme administrative, l’idée du Gouvernement est de confier, pour l’essentiel, la compétence en matière de tourisme aux régions, sans perdre pour autant la vitalité locale. Il faut trouver une bonne articulation avec les offices de tourisme locaux, qui devront avoir une taille suffisante. Nous y travaillons, mais une assise régionale est nécessaire. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)