Sommaire
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
Secrétaires :
MM. Philippe Adnot, François Fortassin.
2. Loi de finances pour 2015. – Suite de la discussion d’un projet de loi
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission de la culture
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission de la culture
Amendement n° II-353 de M. Jean-Claude Carle. – Adoption par scrutin public.
Amendement n° II-53 de la commission. – Devenu sans objet.
Amendement n° II-184 de M. Jean-Claude Carle rapporteur pour avis. – Devenu sans objet.
Amendement n° II-183 de M. Jean-Claude Carle rapporteur pour avis. – Devenu sans objet. .
Amendement n° II-185 rectifié de M. Jean-Claude Carle rapporteur pour avis. – Adoption.
Amendement n° II-186 de Mme Françoise Férat rapporteur pour avis. – Adoption.
Adoption des crédits modifiés de la mission « Enseignement scolaire ».
Amendement n° II-354 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
3. Questions cribles thématiques
MM. Michel Le Scouarnec, Laurent Fabius, ministre.
MM. Joël Labbé, Laurent Fabius, ministre.
MM. Luc Carvounas, Laurent Fabius, ministre.
MM. Jean-Jacques Lasserre, Laurent Fabius, ministre.
Mme Élisabeth Lamure, Laurent Fabius, ministre.
MM. Yannick Vaugrenard, Laurent Fabius, ministre.
MM. Michel Magras, Laurent Fabius, ministre.
MM. David Rachline, Laurent Fabius, ministre.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
4. Loi de finances pour 2015. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
Compte d’affectation spéciale : Développement agricole et rural
M. Alain Houpert, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Yannick Botrel, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
M. Jean-Jacques Lasserre, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
Amendement n° II-120 de M. Gérard César, rapporteur pour avis. – Adoption.
Amendement n° II-355 de M. Michel Bouvard. – Non soutenu.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques
M. Alain Houpert, rapporteur spécial
Adoption des crédits modifiés de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
compte d’affectation spéciale : développement agricole et rural
Adoption des crédits figurant à l’état D.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
5. Communication du Gouvernement
6. Inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution
7. Demande d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution
8. Demande de retour à la procédure normale pour l’examen d’un projet de loi
9. Loi de finances pour 2015. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Médias, livres et industries culturelles
Compte de concours financier : Avances à l’audiovisuel public
M. François Baroin, rapporteur spécial de la commission des finances
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères
M. Philippe Esnol, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture
Mme Claudine Lepage, rapporteur pour avis de la commission de la culture
M. Pierre Laurent, rapporteur pour avis de la commission de la culture
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis de la commission de la culture
Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication
médias, livre et industries culturelles
Amendement n° II-346 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Rejet, par scrutin public, des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
Articles 56 quinquies et 56 sexies (nouveaux). – Adoption
compte de concours financiers : avances à l’audiovisuel public
Adoption des crédits figurant à l’état D.
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
vice-président
Secrétaires :
M. Philippe Adnot,
M. François Fortassin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Loi de finances pour 2015
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 107, rapport n° 108).
SECONDE PARTIE (SUITE)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
M. le président. Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Enseignement scolaire
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Enseignement scolaire » (et article 55).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en dix minutes, je n’aurai pas la prétention d’être exhaustif, et je crains même d’être brutal pour aborder cette mission passionnante, qui se situe au cœur même de notre vie sociale et des préoccupations de la République comme de celles de nos compatriotes. Toutefois, les règles de la procédure budgétaire imposent cet exercice.
Mon approche sera donc celle d’un analyste, d’un auditeur financier, et je ne m’appuierai que sur des études chiffrées pour essayer d’en dégager un certain nombre d’orientations et d’observations, au nom de la commission des finances.
Il faut tout d’abord reconnaître, madame la ministre, que votre ministère fait un très bon travail en matière de statistiques : L’état de l’école en particulier, publié annuellement, constitue un excellent outil de référence. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.) C’est d’ailleurs une création de M. Jospin, mes chers collègues, je le dis bien volontiers !
Je m’appuierai donc essentiellement sur les chiffres de l’OCDE et sur des comparaisons nationales en matière de dépenses d’éducation.
En ce qui concerne l’OCDE, la parution de l’étude PISA, le programme international pour le suivi des acquis des élèves, est devenue aujourd’hui un rendez-vous incontournable. Lorsque j’exerçais cette même fonction de rapporteur spécial voilà quelques années, madame la ministre, on parlait de PISA avec suspicion, quand on ne dénigrait tout simplement pas cette étude. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, et c’est un progrès. En effet, cet indicateur extérieur, qui s’impose à nous et que l’on peut contester, comme le classement de Shanghai, a le mérite d’exister et de nous rappeler un certain nombre d’évidences.
Dans les grandes lignes, il nous apprend que nos performances ne sont quand même pas extraordinaires et que notre situation d’ensemble est décevante, tant sur la maîtrise des connaissances que sur le fossé qui se creuse entre les bons et les mauvais élèves.
Face à ce constat, sur lequel je ne m’appesantirai pas – d’autres orateurs y reviendront –, je voudrais remarquer que nous dépensons autant que les autres, et parfois plus.
Mme Françoise Cartron. Tout dépend dans quels secteurs !
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La seule réponse quantitative qui consiste à dire que nous pourrions rattraper nos faiblesses en dépensant plus est donc manifestement une approche erronée. J’en veux pour seul exemple la comparaison avec notre voisin immédiat, l’Allemagne, qui dépense 5,1 % de son PIB pour l’éducation, alors que nous dépensons, tous acteurs confondus – l’État, les collectivités locales, les familles et parfois même les employeurs –, 6,1 % de notre PIB pour l’éducation, entendue au sens large, au-delà du seul enseignement scolaire.
M. François Marc. Ils ne font pas d’enfants, en Allemagne !
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Nous devons donc nous poser la question de la performance. Si je me réfère à des chiffres tirés de votre propre document, madame la ministre, nous dépensions, tous acteurs confondus et en euros constants, 4 500 euros par élève en 1980 contre 8 300 euros en 2014, soit presque un doublement dans l’intervalle. Peut-on dire pour autant que les résultats aient suivi cet effort de l’ensemble de la collectivité, qu’il s’agisse de l’État, des familles ou des collectivités locales ?
Avant d’engager une réflexion peut-être plus qualitative, je reconnais, au nom de la commission des finances, que notre pays est soumis à des contraintes spécifiques qui méritent d’être retenues, sauf à passer à côté de la vérité du coût de l’enseignement.
Ces contraintes spécifiques tiennent naturellement à la dispersion géographique. Nous disposons en effet de l’un des territoires les plus vastes et les moins densément peuplés de l’Union européenne, ce qui se traduit par une dispersion de l’offre scolaire. J’ajoute que nous, les élus en général et les sénateurs en particulier, sommes les alliés objectifs de la dispersion scolaire tant nous sommes attachés au maintien d’écoles, de classes, de collèges, et parfois de lycées et de sections de lycées, alors que la raison nous conduirait à accepter des regroupements.
Ayant toutefois, madame la ministre, le privilège de la longévité dans cette enceinte, je constate que les attitudes ont beaucoup changé et que les élus locaux acceptent aujourd’hui les regroupements pédagogiques intégrés sur site. Ainsi, en milieu rural, il est de plus en plus fréquent de rencontrer une école cantonale en lieu et place des anciennes écoles communales.
M. Jean-Louis Carrère. Il a fallu du temps !
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Cette dispersion géographique n’en demeure pas moins une contrainte qui pèse sur le budget.
Nous avons aussi la chance d’avoir une démographie positive (M. André Gattolin marque son approbation.), ce qui explique en partie la différence avec des pays plus vieux comme l’Allemagne qui dépensent évidemment moins en matière d’enseignement au regard de leur PIB, parce qu’ils ont moins de jeunes.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Mais nos voisins allemands dépensent aussi plus par élève, ce qui prouve que la comparaison n’est pas toujours à notre avantage.
L’inégale évolution de la démographie française en fonction des territoires constitue également une difficulté particulière, que la commission des finances reconnaît. Certaines régions n’ont plus d’élèves mais veulent garder leurs professeurs, tandis que d’autres ont de nouveaux élèves mais attendent toujours leurs professeurs, qui restent dans les endroits où il y a moins d’élèves. Je plaide coupable en tant que représentant d’une région dont la démographie est stable, et qui cherche naturellement à conserver son réseau d’enseignement.
Au-delà de la dispersion géographique, la situation française s’explique aussi par d’autres raisons, dont l’une, plus grave, relève directement de votre ministère. Je veux parler de la dispersion de l’offre d’enseignement.
Cette très grande diversité des enseignements est un problème caractéristique de la France, surtout dans l’enseignement secondaire. Cette offre est peut-être d’une très grande qualité – je ne porterai pas de jugement sur ce point –, mais sa diversité se traduit mathématiquement par un petit nombre d’élèves par enseignant, ce qui fausse complètement les statistiques nationales et aboutit à un surcoût de l’enseignement français, notamment en raison du poids du secondaire par rapport au primaire, moins bien traité.
J’ajouterai enfin, après la dispersion géographique et la dispersion de l’offre scolaire, la dispersion des missions comme autre raison du coût de notre éducation.
La France, qui aime son État et son éducation nationale, lui confie beaucoup trop de missions, y compris – j’évoquerai ce point brièvement, pour ne pas allonger le débat et ne pas ouvrir de polémique inutile – un enseignement pré-élémentaire qui s’apparente parfois, selon ses détracteurs, à de la garderie à bon marché.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Nous devons nous poser la question de la faiblesse de notre enseignement primaire et de ce que devrait être un enseignement pré-élémentaire orienté vers le succès du primaire, et non pas vers l’accueil des tout-petits dans le but d’obtenir des effectifs.
J’ajoute enfin que nous avons une éducation nationale qui sert de support à de nombreuses activités. L’éducation nationale peut-elle à elle seule corriger les faiblesses de notre société, parfois ses excès, parfois ses injustices ? La réponse est non, manifestement. Il faudrait que l’intégration de l’éducation nationale dans le tissu local, avec l’appui des familles et des collectivités locales, soit plus judicieuse, mais que l’on ne charge pas toujours la bête et que l’on ne se tourne pas toujours vers les établissements d’enseignement pour leur demander de prendre en charge ce dont la société ne s’occupe pas.
Je voudrais, avant d’attaquer les chiffres, exprimer une conviction plus personnelle : l’élitisme républicain est un atout pour la société française. Il ne faut pas le gommer, mais s’efforcer de le faire vivre, y compris à travers des formules traditionnelles qui ont fait leurs preuves. Je pense notamment à l’internat, qu’il soit d’excellence, de réussite ou compris dans le sens le plus courant du terme, qui permet de plonger les élèves, les jeunes garçons en particulier, dans une ambiance studieuse de scolarité,…
M. Jean-Louis Carrère. Tous chez les bons Pères ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. … ce qui est parfois difficile dans la vie d’aujourd’hui, compte tenu de l’immense diversité des loisirs qui sollicitent notre jeunesse et de la faiblesse fréquente du soutien familial, pour des raisons sur lesquelles je ne porterai pas de jugement à cet instant.
Je voudrais défendre l’enseignement en alternance, que l’éducation nationale assume partiellement. C’est une assez bonne formule.
Je voudrais également défendre le soutien scolaire sur place. Nous avons été sollicités par de très nombreux élus locaux, qui s’étonnent que les activités périscolaires semblent parfois écarter, voire évincer le soutien scolaire, ce qui est une absurdité.
M. Jean-Louis Carrère. Cela coûte cher !
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Oui, je le sais bien, mais pourquoi écarter le recours au soutien scolaire là où il existe ?
Je voudrais exprimer une dernière conviction : l’élément essentiel du soutien et de la réussite scolaires, c’est l’établissement. Madame la ministre, tout ce qui pourra être fait pour donner vie et autonomie à l’établissement et pour renforcer la responsabilité du chef d’établissement, aussi bien dans les écoles primaires que dans les collèges et les lycées, sera regardé favorablement par la commission des finances.
J’en viens aux crédits de la mission. La commission des finances constate que vous avez budgété des créations d’emplois sans pour autant mettre en œuvre l’ensemble du programme que le candidat François Hollande avait annoncé. Vous prévoyez de créer 9 600 emplois supplémentaires en 2015, mais, en réalité, au cours des trois dernières années, les effectifs annoncés n’ont pas été réunis ; je n’ai pas le temps d’entrer dans les détails.
Le Sénat a aujourd'hui une nouvelle majorité. Celle-ci estime qu’il n’est pas nécessaire de procéder à des créations d’emplois dans l’enseignement secondaire et qu’il vaut même mieux revenir à la politique précédente – j’imagine que vous ne serez pas d'accord, madame la ministre –, qui consistait à exercer une pression sur les effectifs de l’enseignement secondaire pour aboutir à une remise en cause d’un certain nombre de défaillances ou de dispersions de moyens.
C'est la raison pour laquelle Jean-Claude Carle et moi-même proposerons un amendement visant à revenir sur la création d’emplois dans l’enseignement secondaire. Il en résulterait une diminution très légère, mais réelle, des crédits de la mission. Il s’agit d’une forme d’appel, car nous attendons une traduction concrète de votre idée de donner à notre enseignement des chances de succès comparables à celles des enseignements des autres pays en optimisant les moyens.
Sous réserve du vote de cet amendement, la commission des finances propose au Sénat d’adopter les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord vous faire part d’un regret : celui de n’avoir que cinq minutes pour m’exprimer, en tant que rapporteur pour avis, sur un budget de 66,4 milliards d'euros – cela fait plus de 13 milliards d'euros par minute –,…
Mme Françoise Cartron. La faute à qui ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. … qui demeure la première ligne budgétaire de l’État et surtout le meilleur investissement de la nation.
Si je devais juger votre action à la lumière du montant de votre budget, madame la ministre, je ne pourrais que vous féliciter : l’éducation nationale est l’un des rares ministères dont les crédits augmentent – de 2,4 % –, …
M. Jean-Louis Carrère. Vous allez les réduire !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. … ce qui constitue un effort important dans le contexte actuel. Toutefois, je suis convaincu que la valeur d’un budget ne se mesure pas à l’aune du montant de ses crédits. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous aviez supprimé 80 000 emplois !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Depuis près de vingt ans, je soutiens que l’inflation des moyens se révèle sans effet sur la situation de l’école. Le quasi-doublement de la dépense d’éducation depuis 1980 ne s’est pas traduit par une amélioration des résultats des élèves. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) Au contraire, les évaluations internationales, comme l’enquête PISA, font état des résultats moyens obtenus par les jeunes Français, tandis que d’autres évaluations montrent qu’une part significative d’entre eux ne maîtrisent pas, ou maîtrisent mal, les savoirs fondamentaux que sont la lecture, l’écriture et l’arithmétique.
En outre, la France est le pays de l’OCDE où le déterminisme social est le plus fort. Les Français le savent et le disent : un récent sondage montre que plus des deux tiers de nos compatriotes considèrent que l’école ne garantit plus l’égalité des chances, et que 55 % d’entre eux pensent qu’elle assure de moins en moins son rôle de promotion sociale. Certes, ne cédons pas au pessimisme, comme vous l’avez dit, madame la ministre, mais sachons regarder objectivement et sereinement la situation.
Comment accepter qu’un fils d’ouvrier ait dix-sept fois moins de chances qu’un fils de cadre ou d’enseignant d’intégrer une grande école ? Comment se satisfaire du fait que la première porte poussée par un jeune sur quatre sortant de formation soit celle de Pôle emploi et que 150 000 jeunes quittent chaque année le système scolaire sans qualification ?
M. Jean-Louis Carrère. Et c’est en supprimant des postes qu’on va réussir à améliorer les choses ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Par-delà le coût financier – le décrochage coûte chaque année 30 milliards d’euros à l’État –, c’est la cohésion sociale de la nation qui est en jeu.
Plutôt que la multiplication des mesures d’affichage et des écrans de fumée, à l’instar des rythmes scolaires, des ABCD de l’égalité, de l’évaluation « bienveillante », dont on sait qu’ils n’apporteront aucune réponse de fond aux problèmes du système éducatif, c’est d’une véritable réforme qualitative dont l’école a aujourd’hui besoin.
En ce qui concerne la réforme des rythmes scolaires, je demande que soit abrogée la condition d’élaboration d’un projet éducatif territorial, ou PEDT. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) C’est une contrainte inutile qui pénalisera les petites communes. L’Association des maires ruraux de France s’en est d'ailleurs inquiétée.
Il faut s’attaquer aux véritables priorités que constituent la maîtrise des fondamentaux – lire, écrire, compter – et la nécessaire revalorisation du métier d’enseignant, notamment dans le primaire. En effet, la maîtrise des fondamentaux dicte en grande partie le destin scolaire de l’élève : l’essentiel se joue entre quatre et sept ans. Il nous faut donc mettre devant les élèves les enseignants les mieux formés et les mieux considérés possible ; nous savons l’importance de l’« effet maître ». Qu’en est-il de la formation continue des enseignants, madame la ministre ?
Il s’agit également de revoir l’allocation des moyens de notre système éducatif, qui demeure défaillante. Les comparaisons internationales mettent en évidence une sous-dotation importante de l’enseignement primaire, alors que nos dépenses en faveur du secondaire sont bien supérieures à la moyenne des pays européens. La priorité au primaire que vous affichez relève de la fiction : elle repose essentiellement sur le « plus de maîtres que de classes », dont l’efficacité, au regard des expérimentations et des précédents à l’étranger, est plus que discutable.
Les moyens supplémentaires devraient au contraire être consacrés à des initiatives ayant fait leurs preuves, à l’instar de la réduction du nombre d’élèves par classe, de la mise en place de pédagogies différenciées pour les décrocheurs ou de la création d’un véritable statut des directeurs d’école. Ces derniers, dont l’effet d’entraînement est avéré, attendent toujours un véritable statut.
La revalorisation du métier d’enseignant ne passe pas uniquement par une augmentation des salaires – certes nécessaire pour les enseignants du primaire –, elle passe surtout par une amélioration des conditions de travail ainsi que par la mise en œuvre d’une gestion des ressources humaines digne de ce nom. En affectant les enseignants les moins expérimentés dans les établissements les plus défavorisés, la gestion actuelle accentue les inégalités. Hormis le nécessaire rétablissement de la formation initiale, que je salue,…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous l’aviez supprimée !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. … le Gouvernement n’a apporté que des modifications superficielles au statut des enseignants, sans engager de réflexion globale sur leur métier.
Enfin, je souhaiterais dire un mot de la médecine scolaire, qui demeure le parent pauvre du système scolaire. Pour réussir, l’élève doit être bien dans sa tête comme dans son corps.
M. Jean-Louis Carrère. Elle est grosse, la ficelle !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Les personnels de santé scolaire sont confrontés à une crise du recrutement et à une dégradation de leurs conditions de travail. C’est pourquoi je propose un amendement visant à préparer la revalorisation de cette profession.
Un sénateur du groupe socialiste. C’est de la démagogie !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Madame la ministre, mes chers collègues, j’aurais tant à dire, mais j’ai si peu de temps. L’éducation nationale, premier investissement de la nation, mérite mieux qu’une matinée par an consacrée à ses crédits. Aux côtés du Gouvernement, quel qu’il soit, les parlementaires ont leur part de responsabilité et leur rôle à jouer. C’est pourquoi je souhaiterais que soit organisé au Sénat chaque année au mois d’avril, avant les arbitrages budgétaires, un débat d’orientation sur l’éducation nationale. Le Parlement doit se saisir de ce sujet si important pour l’avenir de notre pays et dont le Président de la République a fait une priorité nationale. Madame la ministre, j’espère que je pourrais me prévaloir de votre soutien dans cette démarche.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Bien sûr !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Sous réserve de l’adoption de ses amendements, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication vous propose d’adopter les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur de rapporter le budget de l’enseignement agricole au nom de la commission de la culture pour la quatorzième année consécutive. Vous savez que j’ai toujours eu à cœur de conserver un regard lucide et impartial sur les budgets et les textes ayant trait à l’enseignement agricole.
Je ne vous étonnerai pas en annonçant que le budget 2015 est un budget favorable, du moins en apparence. Les crédits du programme augmentent de 2,6 % par rapport à la loi de finances pour 2014 ; 140 postes d’enseignant et 25 postes d’auxiliaire de vie scolaire seront créés. Dans le contexte actuel, il pourrait s’agir d’un effort appréciable. Je relève également un effort notable en matière d’accompagnement des élèves handicapés : les crédits dédiés augmentent de 17 %. Ce budget s’inscrit par ailleurs dans le respect des protocoles d’accord conclus en 2013 avec les établissements privés du « temps plein » et du « rythme approprié ».
Toutefois, mes chers collègues, derrière cette hausse apparente des crédits se fait jour une fragilisation croissante de la situation des établissements ainsi que de l’enseignement agricole dans son ensemble. S’il est juste que l’enseignement agricole participe à sa mesure aux efforts de maîtrise de la dépense publique, il n’est pas acceptable que cela passe par la mise à la charge des établissements de dépenses relevant normalement de l’État. Ce budget le prévoit pourtant, puisqu’il réduit de plus de moitié – de 51,6 %, soit 3,39 millions d’euros – les crédits couvrant les charges de pensions pour les emplois gagés des centres de formation d’apprentis, les CFA, et des centres de formation professionnelle et de promotion agricole, les CFPPA, et perpétue la sous-dotation chronique des 1 247 assistants d’éducation.
L’évolution des effectifs d’élèves suscite une profonde inquiétude. En deçà d’un certain seuil, le maintien d’un réseau éducatif distinct de l’éducation nationale n’aura plus de sens, quelle que soit l’excellence de ses formations et de ses résultats. Or les évolutions des deux dernières années sont nettement défavorables : les effectifs ont diminué de 3,6 % à la dernière rentrée, après une légère hausse – 0,7 % – en 2013.
Une fois ces chiffres corrigés des effets de la rénovation de la voie professionnelle, une tendance structurelle à la baisse des effectifs se fait jour. Cette tendance touche tout particulièrement les classes dites « d’appel » que sont les classes de collège et de seconde. La raison en est simple : les élèves ne sont plus orientés vers les formations proposées par l’enseignement agricole.
Il s’agit là d’un choix délibéré de l’éducation nationale, qui vise à retarder le plus possible l’orientation des élèves. J’anticipe les dénégations que vous m’opposerez, madame la ministre : j’affirme que, dans certaines académies, comme à Toulouse, à Bordeaux et ailleurs, la réduction du nombre d’élèves orientés vers l’enseignement agricole et les maisons familiales rurales, les MFR, constitue un objectif explicite fixé dans le cadre du dialogue de gestion.
Si nous souhaitons que l’enseignement agricole se maintienne et prospère, il faut que les élèves soient orientés vers les formations qu’il propose. Pour ce faire, il faut leur dire la vérité, à savoir qu’il s’agit là d’une véritable filière d’excellence, aux débouchés nombreux, y compris vers de nouveaux métiers, et non pas d’une voie de remédiation formant uniquement des exploitants agricoles ; ces derniers ne représentent que 20 % des effectifs. Il faut faire savoir aux élèves que l’insertion professionnelle des diplômés de l’enseignement agricole demeure bien supérieure à celle d’autres diplômés.
L’absence d’ambition et de perspectives pour l’enseignement agricole le condamne à une lente dégradation de sa situation, alimentée par une logique de régression tendant à adapter les effectifs aux moyens, alors qu’il conviendrait de faire l’inverse. De ce point de vue, la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt constitue une amère déception, tout comme le projet stratégique national présenté fin 2013 devant le Conseil national de l’enseignement agricole, le CNEA, qui n’a fait l’objet d’aucun vote et dont la portée demeure particulièrement incertaine.
En conclusion, mes chers collègues, l’enseignement agricole est à la croisée des chemins. Il nous appartient, avec le Gouvernement, d’assurer la pérennité de cette filière d’excellence et d’innovation. L’enseignement agricole est appelé à jouer un rôle majeur dans les défis que nous aurons à relever, et notamment dans la transition vers l’agroécologie.
J’aurai l’occasion d’y revenir en vous présentant l’amendement de notre commission visant à rétablir les crédits initialement prévus pour ce programme, avant que l’Assemblée nationale n’opère un prélèvement de 2,5 millions d’euros de crédits « hors titre 2 », par le biais d’un de vos amendements, madame la ministre, dans le but – le croirez-vous, mes chers collègues ? – d’abonder le fonds d’amorçage de la réforme des rythmes scolaires. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le premier budget de la nation, en hausse, traduit la priorité donnée à l’éducation et met en œuvre les choix ambitieux qui ont été faits dans la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.
Je regrette que nos rapporteurs pointent l’inflation budgétaire, eux qui ont appartenu à une majorité ayant multiplié les réformes, parfois sans passer devant le Parlement ni faire aucune évaluation, supprimé des postes à tour de bras et cautionné la catastrophique réforme de la masterisation, dont nous avons hérité et qui a laissé une école sinistrée compromettant l’avenir des enfants.
Quand on fait de la casse, il y a des coûts de réparation ! Quand on a une ambition, comme notre loi en avait une, il y a un prix à payer ! (Mme Dominique Gillot et M. Jean-Louis Carrère applaudissent.)
Mmes Françoise Cartron et Françoise Laborde. C’est vrai !
Mme Marie-Christine Blandin. Il me semble utile de rappeler que la masterisation a eu pour conséquences, entre autres, l’affectation de stagiaires désemparés dans des établissements relevant de l’éducation prioritaire, ou dans plusieurs établissements – parfois trois – en même temps. La majorité de ces enseignants découvraient tardivement leur affectation sur des créneaux horaires dont ne voulaient pas les autres professeurs. Ce constat, c’est la Cour des comptes qui l’a dressé dans le rapport public annuel de 2012.
Le redressement en cours, grâce à l’adoption de la loi de refondation de l’école à laquelle le Sénat a apporté une contribution significative, a permis une véritable amélioration en termes de postes et de formation, avec la mise en place des Écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE, le principe du « plus de maîtres que de classes », l’accueil des plus petits, l’accompagnement du handicap, ou encore le maintien des petites écoles rurales, ce qui, n’en déplaise à nos rapporteurs, nécessite des moyens financiers.
Cependant, il reste des tensions de terrain, qui appellent encore des efforts pour l’éducation prioritaire. Le « plus de maîtres que de classes » est indispensable pour dégager des temps collectifs différenciés ou de concertation.
Pour ces raisons, les écologistes sont en accord avec ce budget, en augmentation de 2,4 %.
Madame la ministre, votre dernière annonce, le 21 novembre dernier, à Lens, portait sur le plan d’action « Tous mobilisés pour vaincre le décrochage », doté de 50 millions d’euros supplémentaires, en hausse de 7 %, avec, d’ici à 2020, un objectif de 300 millions d’euros. Je me réjouis de ce programme ambitieux susceptible de donner à certains de nos jeunes « décrochés » une nouvelle chance de qualification.
La réussite de l’école repose aussi sur votre vigilance pour que la richesse de la loi de refondation de l’école ne s’étiole pas dans l’oubli des uns ou la mauvaise volonté des autres. L’école inclusive est l’affaire de tous. Aussi, nous attirons votre attention pour que le ministère veille à l’application à la lettre et sur le terrain de cette loi, en particulier via le réseau des recteurs, des inspecteurs généraux de l’éducation nationale et des cadres de la direction générale de l’enseignement scolaire.
Par ailleurs, ce n’est pas parce que l’université est autonome qu’elle est dispensée d’appliquer la loi. Je pense à la rénovation des contenus de formation pour faire toute leur place aux enseignements transversaux, directement liés à la pratique professionnelle et à la pédagogie de la coopération, mais aussi à la laïcité, à la promotion de l’égalité et à la lutte contre les discriminations, ou encore à la prise en compte de la difficulté scolaire dans la démarche d’apprentissage.
Je pense également à la participation dans les équipes de formateurs d’une pluralité d’intervenants extérieurs issus du terrain, aussi bien des enseignants en exercice que des acteurs de l’éducation populaire ou des artistes.
Veiller à cela, c’est respecter le Parlement !
Vous avez aussi annoncé le plan numérique pour l’école : quels en sont les moyens et quel sera l’accompagnement ?
Le plus important pour vos dépenses, comme pour celles des collectivités, n’est-il pas que votre ministère apporte de l’intelligence et des conseils à la démarche d’équipement ?
Les séduisantes tablettes s’avèrent de piètres outils d’initiation à la programmation et des modèles d’obsolescence programmée. Certaines restent non connectées dans les territoires privés de Wifi. De superbes tableaux interactifs s’avèrent incompatibles avec des matériels achetés par le biais d’un autre marché ou de marchés successifs par les collectivités.
Enfin, la présence d’équipements fonctionnels ne sera utile qu’avec des maîtres formés à cette révolution pédagogique.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
Mme Marie-Christine Blandin. Selon le témoignage d’un maître-formateur que j’ai lu, ce n’est pas parce que l’enseignant sait se servir d’une tablette ou d’un smartphone qu’il saura l’utiliser en classe avec ses élèves. Par ailleurs, Serge Tisseron a alerté le groupe d’études « Médias et nouvelles technologies » de notre commission en expliquant ceci : « Puisque la relation au savoir devient moins verticale et plus horizontale, il faut favoriser le travail en groupe, organiser l’alternance entre travail individuel et en groupe, et pour cela éviter d’associer chaque enfant à un écran. Il faut au contraire encourager les enfants à travailler trois ou quatre ensemble face à un seul écran, car la culture des écrans, c’est apprendre à travailler avec d’autres ».
Toutes ces responsabilités, qui ne coûtent rien, relèvent de votre ministère ; il importe de diffuser l’intelligence partout.
Pour terminer, les écologistes considèrent la volonté de conditionner le fonds d’amorçage de la réforme des rythmes scolaires à la réalisation d’un projet éducatif territorial, un PEDT, comme un excellent signal.
Enfin, il m’est impossible de ne pas évoquer l’enseignement agricole. Nous pensions que notre rapporteur, Mme Françoise Férat, allait baigner dans le bonheur et émettre un avis extrêmement favorable sur ce budget en augmentation. Malheureusement, elle n’a pas été séduite… (Sourires.)
M. David Assouline. C’est une posture !
Mme Marie-Christine Blandin. Pour notre part, nous nous félicitons tout particulièrement des démarches prospectives qui sont menées dans certaines régions afin d’identifier les besoins à venir dans certains métiers. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
La souplesse d’adaptation et l’intelligence pédagogique de certains établissements agricoles permettent de dissiper la vision obsolète d’une filière réservée aux élèves en échec. Les succès que l’on y rencontre devraient inspirer plus d’ouverture aux innovations pédagogiques dans les écoles.
Madame la ministre, nous voterons ce budget ambitieux tel que vous l’avez présenté. Si, par malheur, les amendements destructeurs des rapporteurs étaient adoptés, nous le refuserions. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’école se trouve dans une situation de crise majeure : 20 % des élèves de quinze ans ne maîtrisent pas les connaissances de base en mathématiques et en français ; 150 000 élèves sont abandonnés chaque année en situation d’échec.
S’ajoute à cela, comme le montre le dernier rapport PISA, que, loin de parvenir à réduire les inégalités sociales, le système éducatif français les accentue !
Ainsi, la réussite scolaire des élèves n’a jamais été aussi étroitement corrélée à leur origine sociale. Quel triste désaveu pour l’école de la République, qui, à l’origine, est censée être un facteur d’émancipation et d’ascension sociale.
Tel est le bilan de dix années de politique de casse des services publics, dont celui de l’éducation nationale, sacrifiés sur l’autel de la prétendue rationalisation de l’action publique défendue par l’ancienne majorité.
La qualité de notre service public d’éducation est pourtant déterminante pour donner à notre pays la capacité et les moyens de relever les défis de la lutte contre le chômage, notamment chez les jeunes, de la réduction des inégalités sociales, de la restauration de la cohésion nationale au travers de l’apprentissage de la citoyenneté et des valeurs de la République.
Dès 2012, le Gouvernement s’est attaché à redonner durablement à l’école les moyens de remplir sa mission. Madame la ministre, nous constatons avec satisfaction que, pour la troisième année consécutive, la priorité donnée à l’enseignement scolaire se traduit dans la politique budgétaire du Gouvernement.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
Mme Françoise Laborde. La progression d’environ 2 % des crédits de la mission « Enseignement scolaire », ainsi portés à 64,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 65,02 milliards en crédits de paiement, ainsi que l’augmentation des moyens humains qui lui sont affectés, montre la volonté du Gouvernement, que je salue, de se donner les moyens de mener une politique éducative ambitieuse.
Dans le temps qui m’est imparti, je m’intéresserai à trois points.
Tout d’abord, j’évoquerai la formation des enseignants. En cohérence avec l’objectif des 60 000 créations de poste dans l’éducation nationale sur le quinquennat, le projet de loi de finances pour 2015 tend à prévoir 9 421 postes supplémentaires, dont 5 334 d’enseignant.
L’amélioration de l’encadrement des élèves est une condition essentielle pour refonder une école permettant la réussite de tous.
Pour autant, et sans surprise, l’actuelle majorité sénatoriale y est opposée. À cet égard, est-il utile de rappeler que, sous le précédent quinquennat, cette même majorité avait supprimé pas moins de 80 000 postes dans l’éducation nationale ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Vous en avez créé 60 000 et cela marche encore moins !
Mme Françoise Laborde. Par ailleurs, la formation professionnelle des enseignants avait été purement et simplement supprimée, au détriment de la réussite scolaire des élèves. Cette mesure avait été décidée sous couvert d’économies, alors que les dépenses d’éducation, dépenses d’avenir, s’accroissent partout dans le monde !
La loi pour la refondation de l’école de juillet 2013 est heureusement revenue sur cette aberration, en créant les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, ou ESPE.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
Mme Françoise Laborde. Celles-ci assurent une formation initiale et continue de qualité pour les personnels de l’enseignement et de l’éducation, formation qui comprend aussi bien des enseignements théoriques et pratiques que l’acquisition de compétences professionnelles, en particulier grâce à des stages et à l’intervention de professionnels exerçant dans le milieu scolaire et éducatif.
Ensuite, il est un autre point important de la réussite éducative qui me tient à cœur : l’orientation. La loi pour la refondation de l’école a également été l’occasion de repenser notre système d’éducation et d’orientation afin de favoriser les parcours choisis et construits. Il est en effet primordial que chaque élève puisse se voir proposer, et ce à chaque étape de sa scolarité, dès son plus jeune âge, un parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde professionnel.
Aujourd’hui, en fin de troisième, 65 % des élèves sont envoyés en seconde générale et technologique, et 32 % en seconde professionnelle ou en CAP. De plus, les décisions d’orientation ne sont pas à l’abri des inégalités sociales. Ainsi, lorsque 89 % des enfants de cadres sont orientés en seconde générale et technologique, seuls 36 % des enfants d’inactifs et 43 % des enfants des employés de service le sont.
Aussi, nous nous félicitons qu’avec la mise en place du service public régional de l’orientation, le SPRO, par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, l’orientation des élèves soit devenue une politique à part entière. Enseignants, conseillers d’orientation et familles seront désormais pleinement associés pour accompagner l’élève dans ses choix d’avenir.
Enfin, le dernier point de mon intervention, que vous attendiez, me semble-t-il, madame la ministre, concerne la morale laïque.
La République française s’est construite autour de et par son école. C’est pourquoi le président François Hollande veut « refonder l’école de la République, pour refonder la République par l’école ».
Madame la ministre, à une semaine de la journée nationale de la laïcité, je souhaite vous interroger sur un sujet auquel les radicaux de gauche sont particulièrement attachés.
M. Jean-Louis Carrère. Pas qu’eux !
Mme Françoise Laborde. Je le sais, monsieur Carrère. (Sourires.)
En 2012, Vincent Peillon, alors ministre de l’éducation nationale, avait annoncé qu’il souhaitait mettre en place un enseignement de la morale laïque, qui serait dispensé dès le primaire, et ce jusqu’au lycée.
En juillet dernier, le Conseil supérieur des programmes a présenté ses propositions sur ce qui est devenu l’enseignement moral et civique. Cet enseignement constituera une matière à part entière, qui sera dispensée, à raison d’une heure par semaine, de l’école au lycée, et évaluée dès la rentrée 2015.
Or, madame la ministre, je regrette que, sur les sept points développés dans le programme, le terme « laïque » n’apparaisse qu’une seule fois. Aussi, je vous remercie de bien vouloir nous donner des précisions sur les origines d’un tel changement d’orientation et sur la manière dont vous comptez poursuivre votre action.
Vous comprendrez mon inquiétude : comment gérer l’enseignement religieux en Alsace-Moselle avec l’enseignement moral et civique ? Mon choix est fait, et j’espère que le vôtre sera identique.
En outre, l’enseignement du fait religieux recommandé par un récent rapport d’information sénatorial qui suscite en moi une certaine réticence exige d’être considéré avec attention et en intégrant ce qui doit être dit ou appris dans l’enseignement moral et civique. Notre école publique doit rester laïque ; elle doit garantir les valeurs de la République et constituer un lieu où tous les enfants sont protégés, quelles que soient leur origine et leur religion. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
Madame la ministre, mes chers collègues, le groupe du RDSE constate avec satisfaction que le Gouvernement, malgré un contexte budgétaire contraint, mobilise les moyens financiers et humains nécessaires à faire de l’école de la République un puissant moyen d’émancipation sociale et d’apprentissage du vivre ensemble. C’est pourquoi nous voterons les crédits de cette mission, sous les mêmes réserves que celles qu’a exposées ma collègue Marie-Christine Blandin et en espérant que les amendements ne transformeront pas le fond de la mission « Enseignement scolaire » de ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.
M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’école est une grande institution qui a toujours tenu une place particulière tant dans l’histoire de notre République que dans notre propre construction personnelle. Les missions de l’école sont essentielles, qu’il s’agisse de la transmission des connaissances, du partage des valeurs de la République, ou de l’exercice de la citoyenneté. L’apprentissage et le respect des règles communes, le savoir, l’autonomie, l’initiative, l’engagement en sont autant d’exemples.
De ce fait, le projet de budget de l’enseignement scolaire que nous examinons aujourd’hui est d’une importance capitale. Ce budget est porteur d’une double ambition.
La première ambition est de remettre l’école de la République à la place qu’elle n’aurait jamais dû quitter, en tête des priorités budgétaires de notre pays.
Comme les sénateurs ont le plaisir, cette année, d’examiner les budgets des missions, je souhaite exprimer la satisfaction des membres du groupe socialiste de voir l’éducation nationale redevenir le premier poste de dépense de notre pays.
Pour nos écoles – il faut le répéter –, la hausse des crédits de 2,4 % par rapport à 2014 se traduira, entre autres, par la création de plus de 10 400 postes : de nombreux enseignants supplémentaires seront donc au service de la réussite de nos élèves. C’est là une question qui fait l’objet de débats majeurs entre nous : contrairement à vous, mes chers collègues, nous pensons qu’il est nécessaire que des enseignants soient présents devant les élèves !
Du reste, il serait simpliste de résumer les efforts budgétaires à la seule augmentation du nombre d’enseignants devant nos jeunes.
Cette augmentation du budget permet aussi de répondre à une seconde ambition : faire de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, qui a été adoptée par le Sénat, une réalité dans les établissements scolaires de notre pays.
Nous, sénateurs du groupe socialiste, voterons ces crédits sous les mêmes réserves que celles qui ont déjà été évoquées. En effet, mes chers collègues, vous savez que ces crédits seront votés à la fin du parcours budgétaire, malgré les oppositions et les mauvaises raisons qui ne sont que des postures politiciennes dont notre école publique pourrait bien se passer aujourd’hui ! (M. Jean-Louis Carrère applaudit.) Ces crédits permettront aussi de poursuivre la réforme de la formation initiale des enseignants, grâce aux nouvelles écoles supérieures du professorat et de l’éducation, et de continuer à donner la priorité au premier degré.
Permettez-moi d’illustrer mon propos en insistant sur l’évolution constatée en matière de création des postes de titulaires. Le nombre de postes ouverts par session de concours de professeur dans le second degré passe de 10 932 en 2013 à 12 919 en 2015 : cela représente une hausse des effectifs de plus de 15 %.
Dans le même temps, les concours dans le premier degré ouvrent 11 728 postes pour la session de 2015 en lieu et place des 8 413 postes en 2013 : les effectifs ont donc été renforcés de plus de 28 %.
Par ailleurs, nous constatons une augmentation des inscriptions des étudiants de toutes les disciplines pour ces concours qui sont désormais en adéquation avec les besoins marqués en de nombreux points de notre territoire.
Dans le premier degré, le nombre d’étudiants inscrits aux divers concours a progressé de 72 % entre 2013 et 2015, et nous constatons une augmentation particulière dans les académies où les besoins sont les plus forts, telle l’académie de Créteil, souvent prise en exemple à cette tribune, où l’on compte 1 000 candidats supplémentaires en 2015.
Dans le second degré, les inscriptions aux concours ont progressé de 16,5 % entre 2013 et 2015. Remarquons là encore un fort accroissement dans les disciplines dites déficitaires. Souvenez-vous, mes chers collègues, que l’on ne trouvait plus de professeurs, notamment en mathématiques ! Les inscriptions aux concours d’enseignement des mathématiques ont justement augmenté de près de 50 %.
Ces chiffres très encourageants démontrent que la politique ambitieuse portée par le Gouvernement pour l’éducation nationale, accompagnée de la modernisation des métiers de l’enseignement, est remarquablement comprise et soutenue par les étudiants. Ce métier retrouve enfin l’attractivité qu’il avait autrefois et qu’il avait malheureusement perdue au cours des dernières années.
Ce budget comporte aussi des assurances budgétaires pour l’accompagnement des rythmes scolaires. Voilà quelques semaines, madame la ministre, j’avais, d’avec d’autres sénateurs, attiré votre attention ainsi que celle du ministre du budget sur l’inquiétude des maires de France quant au devenir du fonds d’amorçage consacré à la réforme des rythmes scolaires.
Effectivement, l’une de nos premières préoccupations était que la réforme des rythmes scolaires soit pérennisée et que sa réussite se confirme. À cet effet, il fallait accompagner toutes les communes, et non pas seulement celles qui bénéficient de la dotation de solidarité urbaine cible, de la dotation rurale cible ou celles qui appartiennent à des départements d’outre-mer. Toutes les communes qui ont la chance de compter une ou plusieurs écoles sur leur territoire – et j’espère que c’est encore un motif de fierté – seront concernées par le soutien de l’État.
Les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen, à l’Assemblée nationale, ont déposé un amendement visant à rétablir le bénéfice de l’aide forfaitaire de base à l’ensemble des communes en le conditionnant à l’établissement d’un projet éducatif territorial. C’est bien le moins pour structurer les fameuses activités qui se déroulent aujourd’hui dans les 22 000 communes de France ayant une ou plusieurs écoles.
Nous nous félicitons de l’adoption de cet amendement avec le soutien du Gouvernement. Le groupe socialiste de la Haute Assemblée votera lui aussi en faveur de cette disposition.
Madame la ministre, je voudrais vous faire part d’une double satisfaction. D’une part, les parlementaires sont heureux d’avoir été entendus, en dépit des affirmations de l’opposition, au sujet du soutien aux communes pour la mise en place de l’accueil périscolaire. D’autre part, ils sont également satisfaits de voir confirmé leur engagement à redonner à notre école les moyens de remplir auprès de la jeunesse ses missions, qui ont été réaffirmées et renforcées dans la loi de refondation de l’école de la République.
Enfin, je conclurai mon propos avec ces quelques mots empruntés à Abraham Lincoln qui s’exprimait devant les sceptiques de son temps en ces termes, qui n’ont rien perdu de leur force ni de leur réalisme : « Si vous trouvez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour 2015 a, je ne vous le cache pas, un goût amer, et ce pour deux raisons au moins.
Premièrement, cette année, aucun rapport budgétaire n’est spécifiquement consacré à l’enseignement professionnel ; c’est une première depuis quinze ans !
Cette décision prise après le renouvellement sénatorial par la nouvelle majorité UMP-UDI est un symbole qui en dit long sur les objectifs oubliés de ceux qui prétendaient, voilà sept ans, vouloir « revaloriser » la filière professionnelle. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.) Pas un mot n’est consacré à cette filière qui, en 2013, représentait 27 % des bacheliers français, alors même que s’annonçait cette année pour eux l’épreuve de vérité en termes de poursuite d’études, un des objectifs affichés par les promoteurs de la réforme du bac pro en trois ans, et que les nouveaux pouvoirs des régions sur la carte des formations auraient nécessité notre expertise !
Je tenais à le dire en préambule, pour continuer à défendre cet enseignement pour lequel j’ai eu l’honneur d’être sept ans durant, sous différentes majorités sénatoriales, rapporteur pour avis de la commission de la culture.
Deuxièmement, la crise de recrutement des enseignants persiste ! Je souhaite poursuivre le dialogue que nous avons entamé sur ce sujet voilà trois semaines, madame la ministre, lors de la question d’actualité que je vous ai posée.
Aujourd’hui, l’UMP, par la voix du rapporteur spécial, M. Longuet, dénonce, au travers des créations de postes inscrites à ce budget, une « politique du chiffre ». C’est un comble de la part de ceux qui, pendant cinq années, ont mené la pire politique du chiffre, en supprimant plus de 80 000 postes à l’éducation nationale ! L’amendement que M. Longuet défendra au nom de la commission des finances vise à revenir sur les créations de postes de stagiaire et à diminuer le nombre de remplacements dans le second degré, en minorant de 160 millions d’euros les crédits de la mission pour 2015. C’est un mauvais remake de la période Darcos-Chatel !
Pourtant, la crise de recrutement est aujourd’hui incontestable. En 2013, 10 959 équivalents temps plein travaillé inscrits en loi de finances n’avaient pas été consommés, et ce pour deux raisons principales qui confirment le diagnostic que j’avais établi dès 2011 à l’issue des travaux de la mission d’information sur le métier d’enseignant : d’une part, les concours de recrutement ne font pas le plein, tout comme les postes de stagiaires et de contractuels ; d’autre part, les sorties ont été en 2013 plus nombreuses que prévu, sauf en ce qui concerne les départs en retraite, dont le nombre a été moins important qu’escompté.
Le premier degré, que certains pensaient à l’abri, connait aussi des problèmes de recrutement. Si l’académie de Créteil est particulièrement touchée, elle n’est pas la seule ; les petites annonces publiées par Pôle Emploi en attestent.
La politique de recrutement rétablie depuis 2012 était donc absolument indispensable.
Ce qui fait débat entre nous, au sein de la gauche, tient à l’ampleur de la crise, aux raisons de cette dernière et aux moyens d’y remédier. Ainsi, le Gouvernent s’est fixé pour objectif de créer 54 000 postes à l’éducation nationale pour répondre aux besoins. Or, lors des travaux de la mission d’information précitée, face à la crise de recrutement que nous avions identifiée et aux besoins de démocratisation de notre système éducatif, j’avais chiffré les recrutements, en tenant compte du remplacement des départs à la retraite, à 150 000 sur cinq ans !
Sur les raisons de la crise, la lecture de l’édition 2014 de l’ouvrage intitulé France, portrait social publié par l’INSEE confirme que les effectifs d’enseignants dans le second degré sont en baisse depuis 2004 ! L’INSEE montre que « de 2003 à 2007, les effectifs d’élèves et d’enseignants ont diminué conjointement. À partir de 2007, le nombre d’élèves s’est stabilisé, il réaugmente même à partir de 2011, tandis que le nombre d’enseignants, lui, continue de diminuer. » En somme, il y avait en 2013 11 % d’enseignants en moins qu’en 2000 pour seulement 4 % d’élèves en moins.
La crise de recrutement, notamment dans le second degré, est donc antérieure à 2007. Elle a été amplifiée et accélérée par la révision générale des politiques publiques et la masterisation.
Au sein de l’éducation nationale, la révision générale des politiques publiques s’est traduite par une diminution du nombre de postes ouverts au concours, lesquels ne compensent plus que la moitié des départs en retraite, particulièrement importants en 2011.
À ce phénomène se sont ajoutés les effets de la masterisation : à partir de 2011, il faut avoir validé un master, ou du moins y être inscrit, pour s’inscrire au concours, quand précédemment de nombreux candidats n’étaient titulaires que d’une licence. Ce changement a entrainé des réorientations, comme le souligne l’INSEE. Certains candidats « n’ont pas souhaité ou pas eu les moyens de poursuivre, voire de reprendre, leurs études jusqu’au master. D’autres ont dû reporter leur candidature de quelques années, le temps d’obtenir leur diplôme. Une fois celui-ci obtenu, leurs perspectives professionnelles se sont élargies et certains ont choisi un autre métier » ; c’est notamment ce qui s’est passé s’agissant des études de mathématiques.
C’est pourquoi je propose une nouvelle fois d’agir simultanément sur deux leviers.
Premier levier, il faut mettre en place une formation alimentée par de véritables prérecrutements. Les étudiants ne doivent pas être utilisés comme des moyens d’enseignement en responsabilité d’élèves dès la première année de master.
Former des enseignants demande du temps : il faut leur donner les moyens matériels et financiers de mener leurs études à bien et de réussir le concours. En effet, le nombre d’inscrits – j’y insiste, et nous l’avons vu depuis deux ans – ne fait pas le nombre de reçus !
Une question, qui est pourtant fondamentale, me semble ignorée : de quels enseignants avons-nous besoin ?
Notre société est de plus en plus structurée par des savoirs complexes, des savoirs savants qui modèlent les situations auxquelles sont confrontés les citoyens et les travailleurs.
Cette évolution pose donc à notre société, et a fortiori à l’école, un défi d’élévation du niveau de connaissances. Il s’agit non plus d’apprendre par cœur, de restituer un savoir, mais de « comprendre », de « substituer », de mettre en relation des savoirs. Cette exigence de « réflexion » se conjugue avec des contenus devenus plus notionnels.
Nous soutenions donc l’idée de « refondation » de l’école, principe qui, selon nous, devrait irriguer davantage la réforme de la formation des enseignants.
Il faut aussi donner aux enseignants les moyens de faire évoluer leur pratique pour assurer la réussite de tous les élèves, ce qui implique une formation de haut niveau construite dans un continuum conjuguant savoirs disciplinaire et professionnel, dans un système d’allers-retours en lien avec la recherche, avec une entrée dans le métier progressive allant du stage d’observation au stage en responsabilité.
La relance du processus de démocratisation de notre système scolaire, appuyé sur le principe que tous les élèves sont capables d’apprendre, implique cette exigence dans la formation des enseignants.
J’en viens au second levier : il faut instaurer un plan pluriannuel de recrutement par degré et par discipline, ce qui implique d’affiner les prévisions sur les départs en retraite et sur les effectifs d’élèves.
L’existence d’un tel plan permettrait de donner de la visibilité aux étudiants souhaitant s’engager dans le métier d’enseignant, de sortir de la gestion dans l’urgence à chaque rentrée, et de faire refluer les inégalités qui règnent d’une académie à l’autre pour pallier le manque d’enseignants titulaires. Elle permettrait également de sortir de la situation d’urgence que nous avons connue voilà quelques semaines encore, dans l’académie de Créteil.
Un concours « supplémentaire » ? Pourquoi pas, s’il s’agit de rattraper les « bons candidats » de toute la France. C’est ce qui avait été fait en 2013 avec les deux concours ; mais pourquoi le limiter à la seule académie de Créteil, soit à 500 postes ?
J’en viens au nouveau parcours alternant en deux ans, dans lequel des étudiants en master 1 et en master 2 seraient chargés de classes à mi-temps et payés un SMIC mensuel. Ce parcours serait articulé avec un concours « spécifique » en fin de master 1, lequel validerait les acquis professionnels des étudiants.
Deux aspects m’inquiètent.
Tout d’abord, avec ce parcours, nous demeurons dans un système qui persiste à placer les étudiants immédiatement en responsabilité de classes : quid de leur master, du lien avec la recherche, du temps pour un retour sur leur pratique ? Nous sommes encore très loin des ambitions auxquelles j’aspire.
Ensuite, un tel parcours ouvrirait une brèche dans le principe national du concours, fondement du statut de la fonction publique.
Toutes ces raisons, diamétralement opposées à celles de nos collègues de l’UMP et de l’UDI-UC, expliquent que le groupe CRC ne votera pas les crédits de cette mission, a fortiori si l’amendement déposé par M. Longuet devait être adopté.
M. Jean-Louis Carrère. C’est dommage, j’aurais volontiers applaudi...
M. le président. La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les orateurs qui m’ont précédé l’ont rappelé avec force, nous examinons ici un budget important, celui de la mission éducative de l’État, qui doit répondre à notre ambition partagée de réussite de tous les enfants de la République.
Avec un budget pour 2015 en hausse, malgré le contexte général de baisse des dépenses, l’enseignement scolaire redevient le premier poste de dépenses de la nation. En tant qu’enseignant de formation et de profession, je ne peux que me réjouir de cette marque d’un engagement politique ! (MM. Jean-Louis Carrère et M. Jacques-Bernard Magner s’exclament.)
Cependant, au-delà de ce classement, je crois que nous devons nous poser les bonnes questions, celle des enjeux qui sous-tendent cette volonté politique et celle des perspectives qu’elle dessine.
Les enjeux, quels sont-ils ? Nous connaissons tous les classifications internationales, qui sont particulièrement cruelles à l’endroit du système scolaire français. Ainsi, les tests du programme PISA placent la France au 18e rang seulement de l’ensemble des pays de l’OCDE. Ce positionnement est en régression continue, année après année, alors même que la dépense éducative ne cesse d’augmenter.
M. Jacques-Bernard Magner. C’est le jugement de Sarkozy !
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. On le dit depuis quinze ans...
M. Claude Kern. Et nul besoin de classements internationaux ! Grâce aux examens de la Journée défense et citoyenneté, nous apprenons chaque année qu’environ 20 % de nos adolescents ne maîtrisent pas les compétences du socle en matière de lecture.
M. Jean-Louis Carrère. Voilà où nous a conduits votre politique !
M. Claude Kern. Malheureusement, le constat d’échec ne s’arrête pas là... Les évaluations au sein de l’OCDE révèlent également que la France est la championne des inégalités scolaires. Au lieu de corriger les déterminismes géographiques ou sociaux, notre école de la République les renforce !
Face à cette situation préoccupante, madame la ministre, que nous proposez-vous ? Essentiellement une réponse quantitative, notamment avec la création de 9 561 postes supplémentaires en 2015, qui représentera un coût estimé à 125 millions d’euros dès 2015, et à 250 millions en 2016.
Ne le nions pas, mes chers collègues, le nombre d’enseignants est nécessairement l’un des facteurs de réussite de nos élèves. (MM. Jean-Louis Carrère et Jacques-Bernard Magner acquiescent.) Cependant, faut-il en faire la réponse unique à tous les maux de notre système éducatif ?
M. Jean-Louis Carrère. Non !
M. Claude Kern. Le rapport de la Cour des comptes intitulé Gérer les enseignements autrement démontre très clairement que notre système éducatif est déficient et que ni les réductions d’effectifs ni les créations de postes ne peuvent constituer une réponse appropriée.
M. Jacques-Bernard Magner. Comment la Cour des comptes sait-elle cela ?
M. Claude Kern. Autrement dit, tant qu’aucune véritable réforme qualitative et de profondeur ne sera engagée, les efforts budgétaires, qui sont aussi ceux des Français, resteront inefficaces et inefficients.
Bien avant les moyens, notre système éducatif exige une gestion plus ajustée, plus affinée, plus pertinente des personnels éducatifs, ainsi qu’une prise à bras-le-corps des problèmes structurels de notre école. Et ils sont nombreux, ces problèmes auxquels la grande loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République n’a pas répondu, et auxquels ce projet de budget pour 2015 n’apporte pas davantage de réponses ! J’en citerai ici quelques-uns.
Tout d’abord – et ce constat a déjà été évoqué par mes collègues –, le métier d’enseignant est insuffisamment attractif. Les enseignants français sont moins payés que ceux des autres pays. Cela est très marqué dans le primaire, où l’écart entre la rémunération des enseignants français et celle des voisins est de plus de 16 %.
Mme Françoise Cartron. Sarkozy a dit qu’il les paierait plus en les faisant travailler plus !
M. Claude Kern. Cet écart doit d’autant plus nous interroger que, selon les études réalisées, les systèmes performants sont aussi ceux qui offrent des salaires élevés à leurs enseignants. Force est de constater que la vocation ne suffit pas !
Outre la problématique de la rémunération, il reste à améliorer les conditions de travail, ou encore le regard de la société sur la profession. Disons-le, les enseignants français sont en « mal d’amour ».
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Plutôt en mal de reconnaissance...
M. Claude Kern. Par ailleurs, le rapporteur pour avis de la commission de la culture, Jean-Claude Carle, a fort justement rappelé « l’importance de ″ l’effet ″ maître ». Or à quoi sert-il d’ouvrir des postes si on ne peut les pourvoir avec des candidats de qualité ?
Madame la ministre, il ne s’agit pas seulement d’un problème de formation : une vraie revalorisation s’impose sur les plans tant financier que sociétal.
Il est un autre problème structurel de notre école de la République : la dévalorisation généralisée des filières technologiques ou professionnelles, qui limite fortement le développement de l’enseignement professionnel et de l’apprentissage.
Il faut en finir avec cette vision archaïque et dépassée de la professionnalisation, systématiquement dénigrée. Ces filières ne sont en aucune façon des « voies de garage » qui seraient réservées aux cancres ! De plus en plus de voix s’élèvent contre ce modèle de la scolarité qui privilégie la prétendue voie « royale » de l’enseignement général. Cependant, cette représentation véhiculée par notre société, à l’origine de la désaffection des activités manuelles, a gangréné le système lui-même. Aujourd’hui, l’orientation toujours plus tardive des élèves pour les maintenir dans la voie générale induit une spécialisation elle-même plus tardive, au détriment de l’élève et de l’entreprise.
En tant que frontalier, je ne résiste pas à l’envie d’évoquer ici le système de formation professionnelle de nos voisins allemands. En Allemagne, la formation professionnelle initiale est organisée principalement sous forme d’apprentissage, appelé « système dual », puisqu’elle se déroule sur deux lieux de formation : l’entreprise et l’école professionnelle.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Eh oui, l’alternance !
M. Claude Kern. Dans ce système qui a fait ses preuves en termes de qualification et d’insertion des jeunes, le contenu de la formation relève des Länder et des partenaires économiques et sociaux.
Par ailleurs, pour avoir moi-même exercé, parallèlement, dans un lycée technique et en entreprise, je sais que les acteurs économiques sont désireux de prendre une vraie place dans les dispositifs d’orientation et de développement des formations professionnelles. Nombreux sont les chefs d’entreprise dont la maison mère est allemande à m’interpeller sur le sujet, en rappelant tout le bien qu’ils pensent de nos formations techniques antérieures à la dernière réforme du lycée.
Madame la ministre, pourquoi vouloir éloigner nos élèves du monde de l’entreprise ? Qu’attendez-vous pour ouvrir davantage notre école à l’entreprise ?
Il est urgent de faire bouger les lignes sur le sujet. Nous devons créer des pôles d’excellence, qui regrouperaient des filières entières dans des lycées technologiques ou professionnels, jusqu’au BTS, voire jusqu’au niveau bac+3. Ayons de l’ambition pour nos enfants ! Créons de vrais lycées des métiers !
Pourtant, je ne crois pas que vous manquiez d’ambition pour notre école de la République, madame la ministre. Reconnaissons-le, mes chers collègues, la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République ainsi que ce budget comportent de bonnes orientations : le rétablissement d’une véritable formation initiale des enseignants, la refondation de l’école prioritaire et la priorité accordée à l’enseignement primaire.
Cependant, l’approche mériterait, me semble-t-il, d’être retravaillée. À titre d’exemple, le dispositif « plus de maîtres que de classes » dans l’enseignement primaire est une bonne initiative, mais nous devons être attentifs à ses effets pervers et assurer un bon accompagnement des enseignants. La réduction du nombre d’élèves par classe ne serait-elle pas une réponse plus appropriée ?
M. Jacques-Bernard Magner. Oui, mais cela demande des moyens !
M. Claude Kern. Je pourrais soulever ici d’autres sujets d’interrogation, notamment ceux du statut des directeurs d’école ou encore du taux de remplacement, en baisse constante... Mais le temps risquerait de me manquer.
Je n’évoquerai pas non plus les crédits de l’enseignement agricole, brillamment rapportés pour avis par notre collègue Françoise Férat, qui porte très clairement la voix du groupe UDI-UC sur ce sujet.
Messieurs les rapporteurs, je ne vous oublie pas et je salue également, bien entendu, la qualité de vos travaux.
Je terminerai mon intervention par une question qui préoccupe non seulement tous les élus, mais aussi les parents, et qui ne vous surprendra pas, madame la ministre : celle des rythmes scolaires.
Mme Samia Ghali. Très bien !
M. Claude Kern. Dans sa version initiale, l’article 55 du projet de loi de finances pour 2015 prévoyait une prorogation du fonds d’amorçage pour la seule année scolaire 2015-2016.
Depuis la présentation du projet de loi, la mobilisation des élus a porté ses fruits, puisque le Premier ministre a annoncé à l’occasion du congrès des maires, la semaine dernière, la pérennisation de cette aide. C’est une bonne nouvelle et je tiens à saluer le pas que vous avez bien voulu faire, madame la ministre.
Cependant, deux problèmes majeurs restent à mon sens irrésolus.
Le premier est lié à la conditionnalité de l’aide, soumise à l’élaboration d’un projet éducatif territorial.
Mme Samia Ghali et M. Michel Vergoz. Heureusement !
M. Claude Kern. Votre souci est compréhensible, madame la ministre, mais avez-vous pensé à ces nombreuses communes rurales qui n’ont ni les moyens humains ni les moyens matériels d’élaborer un tel document ?
M. Jacques-Bernard Magner. C’est une légende...
M. Claude Kern. Non, ce n’en est pas une !
Mme Françoise Cartron. Elles font mieux que les autres !
Mme Nicole Bricq. Il y a des priorités...
M. Claude Kern. Quel soutien pourront-elles attendre de la part de l’État ?
Le second problème est lié au coût de mise en place des rythmes scolaires, bien supérieur à l’aide consentie par l’État.
Dans un contexte de baisse des dotations, tous les élus locaux, qui se contraignent déjà à des efforts importants, s’interrogent sur leur capacité à maintenir des services publics de proximité de qualité.
Aujourd’hui, de nombreuses communes sont confrontées à de graves problèmes de financement, du fait de la faiblesse de la contribution de l’État au regard des coûts réels de la réforme. Il s’agit là d’un véritable transfert de charges sans juste contrepartie financière, qui risque par ailleurs de provoquer une prise en charge éducative à deux vitesses, les enfants des communes les plus riches pouvant bénéficier d’un meilleur accompagnement que ceux des communes les plus fragiles.
M. Jacques-Bernard Magner. Ce n’est pas nouveau !
M. Claude Kern. Madame la ministre, l’État se doit d’assurer l’égalité d’accès à l’éducation. C’est la responsabilité de l’État et du Gouvernement d’assumer l’intégralité des surcoûts liés à la mise en œuvre des rythmes scolaires.
Dans l’attente de la mise en œuvre d’une politique en ce sens, le groupe UDI-UC votera les crédits de la mission « Enseignement scolaire » et l’article 55 du projet de loi de finances, sous réserve de l’adoption des amendements proposés par les rapporteurs pour avis. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. On va leur expliquer pourquoi ils n’ont pas raison !
M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin.
M. Jacques Grosperrin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lorsque l’on examine la politique budgétaire conduite par l’actuelle majorité, le constat s’impose : les années passent, les problèmes demeurent et les mauvaises solutions se maintiennent.
Mme Françoise Cartron. Ah non !
M. Jacques Grosperrin. La mission « Enseignement scolaire » représente 66,4 milliards d’euros dans le présent projet de loi de finances. C’est le premier budget de l’État, et il ne cesse de croître.
Pourtant, c’est un sévère constat qui doit être dressé : l’école de la République n’atteint pas ses objectifs.
Mme Françoise Cartron. Non !
M. Jacques Grosperrin. Elle peine à compenser les inégalités sociales et territoriales et échoue littéralement dans la lutte contre le décrochage : notre système compte à ce jour entre 130 000 et 150 000 élèves décrocheurs. Plutôt que d’élaborer un plan de repérage certainement intéressant, mais insuffisant, il nous faudrait réfléchir aux moyens de faire en sorte que ces élèves ne décrochent pas.
À l’entrée en sixième, 40 % des élèves sont en difficulté et ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux que l’école doit leur inculquer. Le redoublement est encore trop important ; une réflexion forte est d’ailleurs en cours sur cette question. Nous le savons, redoubler ne permet pas toujours de mieux réussir.
Comment inverser la tendance ? Comment le Gouvernement entend-il remédier à l’abaissement constant du niveau des élèves ? Comment espère-t-il retrouver ce formidable ascenseur social qu’était l’école de la République ?
J’ai entendu des propos qui relevaient de l’adage cher à la comtesse de Ségur : « Après la pluie, le beau temps ! »
M. Jacques-Bernard Magner. N’exagérons pas !
M. Jacques Grosperrin. J’ai l’impression que rien n’a été fait auparavant et que nous vivons un jour nouveau : tout fonctionne bien, les crédits sont là, les résultats sont là. Nous en sommes pourtant loin !
À ce jour, votre seule réponse est l’augmentation du nombre d’enseignants, véritable totem auquel s’accroche une majorité peut-être en manque d’imagination et de perspectives, voire en manque de courage politique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Il y a un peu de bassesse politique dans votre argument !
M. Jacques Grosperrin. Aujourd’hui, vous voulez créer encore plus de postes d’enseignant. Pourquoi pas ? Si c’était un facteur de réussite scolaire, nous serions d’accord avec vous !
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas très loyal !
Mme Samia Ghali. Quand il y a moins d’enseignants, cela ne marche pas !
M. Jacques Grosperrin. Augmenter de deux heures le volume horaire hebdomadaire des enseignants – cela demanderait sans doute du courage - permettrait la création de 45 000 postes, et ce sans augmentation financière, donc sans impact sur le budget.
M. Jean-Louis Carrère. Vous aurez du mal à le démontrer !
M. Jacques Grosperrin. Que l’on en juge : 93 % de ce budget considérable de 66,4 milliards d’euros sont affectés aux dépenses de personnel. Cela absorbe donc la quasi-intégralité du budget. Pourtant, votre gouvernement souhaite encore plus d’enseignants. On se souvient tous de la promesse de M. Hollande et de M. Peillon d’en embaucher 60 0000. Cette année, ce sont 9 421 postes équivalents temps plein travaillé qui seront ainsi créés, en exécution de l’objectif de création de 54 000 postes fixé par la loi du 8 juillet 2013.
La logique qui est à l’œuvre est celle du toujours plus – toujours plus de moyens, toujours plus d’enseignants –, alors que l’Europe surveille nos dépenses.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. De l’argent, il y en a ! Il ne faut pas exagérer !
M. Jacques Grosperrin. Si l’accroissement des moyens humains était la bonne solution, nous ne pourrions qu’applaudir et vous suivre dans cette démarche. Malheureusement, cette logique ne fonctionne pas.
Année après année, les études PISA ou NAEP, celles de la Cour des comptes, nous font constater la dégradation de la qualité du système éducatif français, la piètre efficacité de la politique éducative et ses effets dommageables. Cette analyse, nous pouvons la comprendre, sans doute parce que nous avons les uns et les autres une part de responsabilité dans les difficultés que traverse le système éducatif français.
Le cabinet McKinsey a démontré que ce n’était pas en mettant plus d’enseignants que l’on obtiendrait de meilleurs résultats. Il faut donc envisager d’autres pistes, par exemple recruter les meilleurs enseignants, ce qui suppose d’attirer les meilleurs étudiants, et donc de les payer un peu plus. C’est ce qu’avait cherché Luc Chatel en 2011, en prévoyant une augmentation du traitement à l’entrée dans le métier.
On peut également s’interroger sur le paiement des néo-titulaires, sur les recrutements, où l’on peine, où le ministère a beaucoup de difficultés.
Interrogeons-nous aussi sur ce qui se passe dans la classe. Il est vrai que nous touchons là au sacro-saint domaine pédagogique des enseignants...
M. Michel Vergoz. Cela fait dix ans que vous vous interrogez !
M. Jacques Grosperrin. Réfléchissons au renforcement des méthodes sur le terrain et à un autre mode de concours. Proposer un concours très académique a de l’intérêt, mais quid d’un concours plus professionnel, qui permettrait plus de relations entre les enseignants sur le terrain pour une meilleure transmission des savoirs ?
Ne pourrait-on pas commencer par supprimer l’inégalité de traitement dont sont victimes les enseignants du primaire, qui gagnent en moyenne chaque mois 600 euros de moins que les professeurs du secondaire et dont les salaires sont nettement inférieurs à ceux de leurs collègues des autres pays de l’OCDE ? Or, nous le savons fort bien, leur rôle est essentiel. Ce n’est pas pour rien qu’ils étaient autrefois nommés « instituteurs » et « institutrices » : ils « instituent » bien l’élève et le citoyen. Il s’agit là d’une fonction primordiale et il est impératif qu’elle attire les meilleurs.
Madame la ministre, une revalorisation salariale s’impose, si l’on veut encourager les talents et les vocations à s’investir dans cette tâche essentielle.
Il faut également réfléchir à un véritable statut juridique du directeur d’école.
M. Jean-Louis Carrère. Ça, oui !
M. Jacques Grosperrin. On ne pourra pas continuer longtemps à fonctionner ainsi. Il faut que les écoles deviennent des établissements publics locaux d’enseignement, ou EPLE. Sans cela, les directeurs ne peuvent avoir d’autorité hiérarchique sur l’équipe pédagogique de leur établissement.
Enfin, osons l’affirmer, la crise de l’école est le révélateur de la crise d’une société déboussolée et en perte de repères. Dans ce contexte, alors que l’école et la communauté éducative ont besoin de stabilité et de sérénité, vous semblez tout mettre en œuvre pour créer des tensions, provoquer des pertes de temps et compromettre ainsi les conditions d’accomplissement des missions de l’école.
Je ne m’attarderai pas sur le formidable gâchis qu’a représenté la mise en place des nouveaux rythmes scolaires, décidée par décret, de manière arbitraire et brutale, sans concertation et imposée sans anticipation. Votre dogmatisme n’a eu d’égal que votre indifférence quant à l’aggravation de la situation financière des communes que cette réforme provoquait. Cette aventure, qui n’est malheureusement pas terminée, a compromis la sérénité des relations entre les parents et la communauté éducative.
Je ne reviendrai pas sur l’amendement à 15 millions d’euros qui a été présenté hier et qui nous a conduits à refuser de voter les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
M. David Assouline. Ce n’est pas à cause de cela ! D’ailleurs, vous n’étiez pas d’accord !
M. Jacques Grosperrin. Je ne parlerai pas d’amateurisme, mais tout cela laisse songeur...
Fallait-il ajouter à cette première crise la problématique de l’ABCD de l’égalité et la promotion du site internet de la « Ligne azur », annulée par le Conseil d’État, le 15 octobre dernier ?
M. Jean-Louis Carrère. Ça vous excite, ça !
M. Jacques Grosperrin. Selon l’arrêt du Conseil d’État, cette ligne présentait « l’usage de drogues comme susceptible de "faire tomber les inhibitions" et comme " purement" associé à des moments festifs" sans mentionner l’illégalité de cette pratique ». Je pourrais en dire plus encore, mais je ne veux pas entrer dans la polémique.
M. Jean-Louis Carrère. Vous ne pouvez pas y entrer, vous n’en êtes pas sorti !
M. Jacques Grosperrin. Madame la ministre, voilà une initiative qui ne risque pas de restaurer la confiance des parents dans le système éducatif. Vous savez pourtant combien cette confiance est nécessaire !
Recentrons-nous sur les véritables missions de l’école.
Enfin, comme si cela ne suffisait pas, on entend ces jours-ci parler de la suppression de la notation des élèves. Pourquoi pas ? Cela peut avoir un effet positif.
Mme Françoise Cartron. Oui, c’est vrai !
M. Jacques Grosperrin. Pour ma part, je suis un défenseur du socle commun de compétences et je ne suis pas de ceux qui pensent que la notation est fondamentale. Sur ce sujet, je suis assez partagé.
Avant d’appliquer cette réforme néanmoins, sans doute faudra-t-il des expérimentations.
Mme Françoise Cartron. Il y en a, et elles sont concluantes !
M. Jacques Grosperrin. On peut s’interroger sur la notation, sur le redoublement, qui est inefficace, mais il faut aussi s’interroger sur les programmes scolaires,...
Mme Françoise Cartron. On ne fait que cela !
M. Jacques Grosperrin. … sur cet encyclopédisme qui est trop marqué, sur le fait que les inspecteurs généraux sont trop axés sur leur discipline. Je pense que les disciplines sont un support et non un moyen en soi.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, notre collègue dépasse son temps de parole !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est fini !
Mme Samia Ghali. Terminé !
M. Jacques Grosperrin. En conclusion, madame la ministre, l’éducation nationale a besoin de temps. Ne clivez pas ! Ne supprimez pas ce qui fonctionnait au seul motif que c’est la droite qui en était à l’initiative. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) L’éducation nationale mérite un consensus politique pour rassurer les enseignants qui doutent, les parents qui s’inquiètent et les élèves qui sont trop souvent en échec.
Mme Françoise Cartron. Oui ! Vous allez voter, alors !
Mme Nicole Bricq. Faites un effort !
M. Jacques Grosperrin. Vous l’aurez compris, le groupe UMP votera les crédits de cette mission si les amendements présentés par nos excellents rapporteurs, Gérard Longuet et Jean-Claude Carle, sont adoptés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs spéciaux, mes chers collègues, nous abordons une partie importante du budget de l’État, avec l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire », dont le montant s’élève à 65 milliards d’euros.
Malgré les moyens considérables mobilisés par la puissance publique, les insuffisances de notre système éducatif sont bien connues et perdurent. Ce constat est partagé par un très grand nombre d’acteurs et partenaires de l’éducation nationale. Je ne peux donc que déplorer la faiblesse des solutions retenues dans ce projet de budget pour remédier à une situation qui conduit au creusement des inégalités entre les élèves.
L’OCDE insiste régulièrement sur le manque de pertinence des méthodes d’enseignement utilisées en France. Le diagnostic est le même pour la Cour des comptes. Son premier président, M. Didier Migaud, constate que les résultats insuffisants que nous enregistrons proviennent non pas d’un manque de moyens budgétaires ou d’un manque d’enseignants, mais d’une gestion défaillante de ces moyens.
M. Jean-Louis Carrère. Ce ne sont pas les conclusions de Didier Migaud, ce sont celles de la Cour des comptes !
M. Michel Savin. Bien que cette conviction soit partagée au-delà des sensibilités politiques, la seule réponse que le Gouvernement mette en avant pour répondre à l’urgence de réformes de notre modèle scolaire est une augmentation du nombre des enseignants.
En l’absence de véritable réflexion sur l’utilisation des moyens de l’éducation nationale, sur la redéfinition du métier d’enseignant et les méthodes d’apprentissage des connaissances de base, cette mesure semble bien vainement coûteuse.
Notre société ne peut faire l’économie d’un débat de fond sur la question de l’utilisation des moyens alloués à l’éducation. Il est la condition d’une réforme du système scolaire efficace et surtout viable sur le long terme.
Madame la ministre, le constat est le même concernant le contrat d’apprentissage, dont le Président de la République a pourtant fait un enjeu majeur de son quinquennat.
Le Gouvernement a annoncé en 2013 son objectif de faire progresser le nombre d’apprentis pour le porter de 435 000 à 500 000 à l’horizon 2017. Malheureusement, la réalité se révèle bien éloignée de ces annonces. En 2013, le nombre de contrats signés a chuté de 8 % par rapport à 2012 ; il a encore diminué de 14 % au cours de l’année 2014.
Ce type de formation assure pourtant aux jeunes des débouchés professionnels dans 70 % des cas. Or, à la conjoncture difficile s’ajoute un manque de visibilité pour les entreprises, qui ne les encourage pas à conclure ce type de contrats : réduction du budget de l’apprentissage de 20 % en 2013, diminution du crédit d’impôt lié à la présence d’apprentis, réforme de la taxe d’apprentissage et concurrence des emplois d’avenir. Toutes ces mesures ont contribué à décourager les employeurs potentiels. De plus, certaines des normes techniques et administratives encadrant la conclusion des contrats d’apprentissage sont aujourd’hui trop rigides pour les besoins des entreprises.
M. Jean-Louis Carrère. Elles préfèrent défiler dans les rues !
M. Michel Savin. Là encore, un travail de fond s’impose sur ce sujet et les mesures prises par le Gouvernement ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Si des objectifs chiffrés ont été fixés, je déplore l’absence de propositions fortes visant à inciter les jeunes et les entreprises à s’engager sur ces contrats d’apprentissage.
Ce qui est vrai de l’apprentissage l’est également de la formation professionnelle. Nous sommes à cet égard confrontés à un double problème.
D’une part, les formations professionnelles sont malheureusement mal valorisées et n’attirent pas assez les jeunes. D’autre part, conséquence de cette désaffection, les centres de formation sont contraints de supprimer des disciplines importantes dans certains secteurs, notamment le bâtiment.
En revanche, l’annonce par le Premier ministre d’un engagement étatique à long terme dans le financement des temps d’activités périscolaires constitue une lueur d’espoir, madame la ministre, et a quelque peu rassuré les élus locaux. La participation au fonds d’amorçage, qui a pour objectif d’encourager les collectivités à proposer aux enfants des activités de qualité, est devenue indispensable à de nombreuses communes.
Dans un contexte de baisse constante des dotations de l’État, la lisibilité de l’action gouvernementale sur ce sujet est indispensable, alors même que cette question est de nature à peser lourdement sur le budget des communes. D’une manière générale, un effort de clarté doit être fait lorsque des décisions prises par l’État ont un effet direct sur les finances des collectivités locales.
Permettez-moi de donner un exemple, le dernier en date, celui de la décision, peut-être passé inaperçue, qui impose aux communes de prendre en charge l’organisation de la demi-journée de consultation des enseignants au mois d’octobre. Cette prise en charge a représenté un coût injustifié pour les communes, dans un contexte budgétaire déjà délicat et peu lisible.
Le budget pour 2015 de l’éducation nationale doit constituer, selon les mots de Mme la ministre, « un marqueur de l’importance que le Gouvernement accorde à l’éducation comme levier de progrès et de réussite ». (Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche le confirme.). Or, il faudrait une réforme en profondeur du système éducatif, des mesures fortes en faveur de l’apprentissage et une plus grande lisibilité de l’action gouvernementale, trois points qui font défaut, madame la ministre, dans le projet de budget pour 2015, mais qui seraient nécessaires pour faire du système français un véritable « levier de progrès et de réussite ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP.–M. Claude Kern applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de l’enseignement scolaire pour l’année 2015 nous sont donc soumis aujourd’hui.
C’est un budget ambitieux, madame la ministre. En hausse de 3 %, il traduit bien la priorité accordée à la jeunesse par le Président de la République, priorité respectée depuis deux ans.
C’est un budget courageux, disons-le, dans le contexte financier que subit notre pays. On ne peut que s’en féliciter. Ce budget redevient le premier de la Nation, devant le remboursement de la dette. Enfin !
C’est un budget cohérent, aussi, qui soutient les grands objectifs de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, adoptée ici même il y a maintenant deux ans. Ce budget traduit en effet concrètement la création de milliers de postes, destinés en priorité à l’enseignement primaire.
Jusqu’à présent, notre pays dépensait 34 % de moins pour un élève de l’enseignement primaire que pour un élève du secondaire. Le rattrapage entrepris depuis 2012 était donc tout à fait indispensable et urgent.
Monsieur le rapporteur pour avis, lorsque vous écrivez qu’il s’agit là d’« un schéma d’emplois dangereux et difficilement soutenable », je suppose que vous proposez la fin des recrutements d’enseignants…
Dans ce cas, il va vous falloir aller expliquer sur le terrain la fameuse règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, voire plus, si j’ai bien compris.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Pas de problème, c’est déjà fait ! Cela n’a pas mal réussi, d’ailleurs.
Mme Françoise Cartron. Il va vous falloir aller expliquer que, oui, il est normal de fermer telle ou telle classe pour rationaliser les dépenses et que cela améliorera le service public de l’éducation.
Il va vous falloir aller expliquer que, oui, toutes ces petites écoles rurales, en particulier en montagne, coûtent cher et qu’elles devront être supprimées.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Pas du tout !
Mme Françoise Cartron. M. Longuet a l’air prêt à le faire, d’après ce que j’ai entendu.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Ce n’est pas ce qu’il a dit !
Mme Françoise Cartron. Il va vous falloir aller expliquer que, oui, l’accès à l’école maternelle des enfants de moins de trois ans dans les secteurs difficiles représente un coût inutile et que l’on doit y renoncer, dans l’intérêt de l’enfant, bien sûr !
Nous avons d’ailleurs déjà entendu le vieux refrain selon lequel l’école maternelle ne serait rien d’autre qu’une garderie. Pourquoi ne pas faire resurgir ces fameux « jardins d’éveil » dont le succès a été si éblouissant ?
Lorsque vous rencontrerez les élus lors de votre prochaine campagne électorale, n’oubliez pas de leur dire que le programme « Plus de maîtres que de classes » consomme trop de postes et qu’un seul maître par classe suffit bien, même face à trente élèves.
Il faudra expliquer tout ceci dans nos territoires, mes chers collègues !
Faites donc preuve de courage et ne préconisez pas des solutions applicables partout, sauf dans votre circonscription !
Allez même plus loin encore ! Vous semblez admettre qu’un effort est nécessaire en faveur du premier degré, mais, dans le même temps, monsieur le rapporteur pour avis, vous vous opposez « fermement à la poursuite de recrutements massifs menés par le ministère ». Dites donc haut et fort qu’il faut supprimer des postes dans le second degré et revoir la carte des options très coûteuses en moyens et parfois source d’inégalités entre les établissements.
Reconnaissez que M. Sarkozy, le nouveau président de votre formation politique, a annoncé la suppression de 30 % de postes pendant sa campagne interne. Faites preuve de responsabilité et allez expliquer pourquoi et comment vous allez supprimer 200 000 postes d’enseignants en France, car c’est le chiffre ahurissant qui se cache derrière ce taux !
Mes chers collègues, apprécions donc à sa juste valeur le projet de budget qui nous est aujourd'hui présenté.
C’est un budget qui, comme les années précédentes, donne à l’école de la République, à ses enseignants, à ses élèves, les moyens nécessaires pour relever le défi primordial pour le devenir et la prospérité de notre pays, celui de la connaissance partagée par tous.
C’est également un budget qui permettra la poursuite de la formation des maîtres, enfin rétablie, après le naufrage organisé lors du précédent quinquennat.
Certaines choses doivent sans doute être améliorées, mais Jacques-Bernard Magner en a parlé mieux que je ne saurais le faire.
Saluons plutôt la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE, cette formidable avancée pour la pratique et l’exercice difficile du métier d’enseignant, car ce métier s’apprend et ne s’improvise pas.
Saluons également la hausse importante de 6,6 % en faveur de l’accompagnement des élèves en situation de handicap. C’est l’école inclusive voulue dans la loi pour la refondation de l’école de la République. Ces trois dernières années, le nombre d’élèves ainsi accueillis a plus que doublé. Tous les ans, plus de 350 nouveaux postes d’accompagnant d’élèves en situation de handicap sont pourvus. Le mouvement de dé-précarisation de ces emplois se poursuit donc.
M. Jean-Louis Carrère. C’est très bien !
Mme Françoise Cartron. Ce projet de budget prend en compte la reconduction du fonds d’amorçage pour la mise en place de la réforme des rythmes scolaires. C’était nécessaire, indispensable, même, mais nous en reparlerons un peu plus tard dans la discussion. Cette mesure s’inscrira dans la durée, comme l’a indiqué M. le Premier ministre lors du congrès des maires de France. Il s’agit là d’un signal positif adressé à tous les élus qui se sont investis avec succès dans la mise en place de cette réforme.
De nombreuses interventions, en particulier celles des rapporteurs, ont porté sur les difficultés de notre école, celle-ci ne permettant pas toujours à tous les enfants qui lui sont confiés de réussir leur parcours scolaire, citoyen et culturel, sésame d’une insertion dans la vie sociale et professionnelle.
Aussi conclurai-je mon intervention sur une note optimiste en vous invitant toutes et tous s à aller voir le film Les Héritiers. (Mouvements d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Vous y ferez la connaissance d’une enseignante formidable, professeur d’histoire-géographie, qui aime enseigner, qui donne le goût du travail, le goût d’entreprendre à chacun de ses élèves, même les plus en difficulté, même les plus difficiles. Et que leur dit-elle ? « Vous avez le droit d’être reconnus, d’être des gens bien. C’est vous, les héritiers de l’histoire. »
Pour ces élèves-là, et pour tous les élèves qui méritent que l’on croie en eux, pour cette professeur et pour tous ceux qui innovent et s’accrochent, le budget de l’éducation nationale ne sera jamais une dépense exorbitante, mais toujours un investissement indispensable pour l’avenir.
C’est un budget tel que celui que vous défendez, madame la ministre, que nous souhaitons adopter, et non un budget amputé. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il faut admettre que notre éducation nationale n’est plus adaptée aux besoins de notre temps. Les établissements scolaires devraient à la fois enseigner, éduquer et préparer tous les jeunes à devenir des adultes capables de gagner leur vie, en ayant été formés à un métier. Or c’est loin d’être le cas.
L’école primaire devrait enseigner à tous les enfants les savoirs fondamentaux – lire, écrire, compter –, tout en leur donnant des préceptes de morale, …
M. David Assouline. Ah ! la morale…
M. Serge Dassault. … le goût du travail, de l’effort, de la discipline, du respect des autres, de la vie en société.
Or toutes les sélections ont disparu : plus de redoublement, plus de sanctions, plus de récompenses, plus de classement, plus d’examens, et bientôt – j’espère que non ! –plus de notes.
En outre, il n’y a plus de certificat d’études pour passer du primaire au collège. Il a été supprimé par décret en 1989 par François Mitterrand. Il n’est plus non plus nécessaire de passer le brevet pour entrer au lycée. Tous les bacheliers intègrent les universités sans sélection. Malheureusement, nombre d’entre eux les quittent deux ans plus tard, sans avoir reçu la moindre formation professionnelle.
C’est ainsi que, chaque année, 150 000 jeunes quittent prématurément le système scolaire et deviennent des inactifs, voire des délinquants. Et le service militaire n’est plus là pour les sortir de leur inactivité, à cause de Jacques Chirac.
Dans de nombreux pays, les jeunes travaillent pour intégrer les meilleures classes, les meilleures écoles, les meilleures universités. En France, la suppression de toute sélection, de toute volonté de réussite, de toute ambition, sans oublier la mise en place du collège unique par René Haby en 1975, nous ont fait perdre tous nos espoirs de développement futur. Cela explique que 150 000 jeunes, je le répète, sortent chaque année de l’école sans formation, madame la ministre.
Seules certaines formations d’ingénieur ou de chercheur, certaines formations médicales ou quelques grandes écoles, comme Polytechnique, Centrale, HEC, procèdent encore à une sélection – il est difficile d’y être reçu – et dispensent une formation, excellente, au demeurant.
Le collège unique, madame la ministre, est une catastrophe,…
Mme Samia Ghali. On a changé de siècle !...
M. Serge Dassault. … car il a conduit à la suppression de la formation professionnelle.
En Allemagne, où le taux de chômage des jeunes est faible et où la formation professionnelle voisine avec la formation aux diplômes, les études s’effectuent dans deux collèges séparés, après une sélection à la sortie du primaire. On n’y mélange pas formation professionnelle et études générales. René Haby a unifié les structures administratives du premier cycle – tout cela est de sa faute ! –, qui sont toutes devenues des collèges, et a mis fin à la scolarité en filières, lesquelles sont désormais indifférenciées.
Le collège unique et l’unification des programmes ne laissent aucun choix aux élèves. Or tous les élèves ne peuvent pas assimiler les mêmes connaissances. En outre, comme les élèves ne sont pas suivis, ils n’assistent plus aux cours, qu’ils ne comprennent pas, et quittent le système à seize ans. N’ayant aucune possibilité de trouver un emploi, ils deviennent malheureusement inactifs et souvent délinquants, alors qu’ils auraient aimé pouvoir apprendre un métier en entrant en apprentissage à quatorze ans,…
Mme Samia Ghali. On n’a pas tous la chance de s’appeler Serge Dassault !
M. Serge Dassault. … comme le font les Allemands et bien d’autres. Malheureusement, l’éducation nationale ne s’intéresse pas à l’apprentissage et à l’alternance, qui sont contrôlés par les chambres de commerce et par les entreprises.
Madame la ministre, porter la durée de la scolarité à dix-huit ans pour ceux qui, à cet âge, n’ont aucune formation éviterait que les jeunes qui sortent du collège à seize ans ne soient abandonnés à eux-mêmes et permettrait de leur dispenser enfin une formation professionnelle.
C’est ce que font les Missions locales financées par les communes et les agglomérations – et très peu par l’État, malheureusement. Elles participent très efficacement à la récupération des jeunes perdus pour les sortir de leur inactivité.
Le baccalauréat, présenté comme indispensable pour l’avenir de tous les jeunes, qui n’est utile qu’à ceux qui veulent faire des études supérieures, ne sert à rien pour tous ceux qui voudraient apprendre très jeunes un métier. Il les conduit à l’inactivité et, pour certains, je le répète, à la délinquance. Il faut donc que l’éducation nationale arrête de se féliciter du nombre de réussites au bac, qui conduit ces 150 000 jeunes dans une impasse totale !
Mme Françoise Cartron. On a compris !
M. Serge Dassault. Voilà, madame la ministre, la situation réelle dans nos communes, que j’ai moi-même vécue en tant que maire de Corbeil-Essonnes, ce qui m’a donné l’occasion de mieux connaître ces problèmes en tant que présidant de la Mission locale. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
Eh bien, chers collègues ? Ce n’est pas bien d’être maire de Corbeil-Essonnes ? Ce n’est pas si facile, vous savez !
M. le président. Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Serge Dassault. Je serais heureux de vous faire découvrir cette Mission locale, madame la ministre, et de vous montrer que le développement de la délinquance est lié à l’inactivité forcée de ces jeunes : s’ils travaillaient, ils ne seraient pas délinquants. Ces jeunes ne naissent pas délinquants, mais le deviennent, parce qu’on ne leur a pas appris un métier, et ce n’est pas leur faute.
Permettez-moi de vous dire, madame la ministre, que si, contrairement à tous vos prédécesseurs, vous pouviez supprimer le collège unique,…
Mme Françoise Cartron. On est bien parti !
M. Serge Dassault. … vous seriez le meilleur ministre de l’éducation nationale que l’on aurait eu depuis longtemps. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. David Assouline. Pourquoi applaudissez-vous ?
M. Jacques Grosperrin. Parce qu’on est abonnés au Figaro ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Bailly.
M. Dominique Bailly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin les crédits consacrés à l’enseignement scolaire.
Je souhaite saluer l’action du Gouvernement, madame la ministre, car ce budget pour 2015 montre encore une fois la priorité accordée à la jeunesse et à l’éducation.
La mission « Enseignement scolaire » bénéficie cette année d’une hausse de 2,5 %, avec plus de 66 milliards d’euros en crédits de paiement, contre 64,8 milliards en 2014.
M. Jacques Grosperrin. Toujours plus de dépenses !
M. Dominique Bailly. Eh oui, mes chers collègues, une augmentation de plus de 1 milliard d’euros est à souligner, surtout en cette période de contrainte budgétaire !
Et je constate avec satisfaction, madame la ministre, comme l’ensemble des sénateurs de mon groupe, que ce budget devient donc le premier poste de dépenses de l’État.
M. Jacques Grosperrin. Eh oui !
Mme Françoise Cartron. Ce sont des dépenses d’investissement !
M. David Assouline. C’est un investissement !
M. Dominique Bailly. Nous ne pouvons l’ignorer, notre système scolaire est imparfait et tend à conforter, c’est vrai, les inégalités sociales. C’est pourquoi refonder l’école de la République est une urgence.
Je me félicite donc que les crédits pour 2015 s’inscrivent dans la lignée de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République et, plus largement, de l’action que mène le Gouvernement en la matière depuis 2012.
En 2015, 9 421 postes, j’insiste sur ce point, seront créés, ce qui permettra de remplacer tous les départs à la retraite, de refonder la formation des enseignants – notamment de rétablir l’année de formation initiale – et enfin d’améliorer l’accompagnement des élèves par la création de postes d’enseignant, d’auxiliaire de vie et de personnels médico-sociaux – j’y reviendrai.
Ces créations de postes participent de la volonté de revaloriser le métier d’enseignant.
M. Roland Courteau. Tout à fait !
M. Dominique Bailly. Je déplore donc le dépôt d’amendements qui visent à revenir sur les créations de postes proposées par le Gouvernement.
M. Jacques-Bernard Magner. C’est démagogique !
M. David Assouline. Destructeur !
M. Dominique Bailly. Je veux ici insister sur la priorité donnée au primaire, à la suite de ma collègue Françoise Cartron.
Rappelons que, depuis 2012, 3 000 classes ont été ouvertes, alors que plus de 1 000 écoles avaient été fermées entre 2010 et 2012 !
M. David Assouline. Voilà du concret !
M. Dominique Bailly. Les moyens alloués aujourd’hui à l’éducation nationale permettront de développer la scolarisation des enfants de moins de trois ans. Le rôle de l’école maternelle est fondamental pour la suite du parcours scolaire. Le Gouvernement a donc fixé, madame la ministre, un objectif de 30 % d’enfants de moins de trois ans scolarisés à l’issue du quinquennat.
Cette année, 300 postes s’ajouteront aux 397 postes déjà créés à la rentrée 2013. Ces moyens nous permettront de développer le dispositif « Plus de maîtres que de classes ». En outre, les moyens alloués renforceront les RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté.
Comme je le disais en introduction, la lutte contre les inégalités sociales est le grand défi que doit relever l’école de la République.
Je me félicite donc des moyens alloués en 2015 à la lutte contre le décrochage scolaire, que certains de mes collègues ont évoquée, et aussi à la réforme de l’éducation prioritaire, pour laquelle 1 100 postes du premier degré et 881 postes du second degré devraient être créés en 2015.
Ce budget accorde également des moyens à la scolarisation des enfants en situation de handicap.
Le nouveau statut des accompagnants des élèves en situation de handicap, les AESH, répond à une demande forte et contribuera à la professionnalisation de l’accompagnement de ces enfants.
Environ 5 000 auxiliaires de vie scolaire ont donc vu leur contrat précaire transformé en CDI à la rentrée 2014 et 28 000 autres bénéficieront bientôt de cette mesure. Plus de 281 millions d’euros inscrits au titre 2 permettront de financer plus de 11 000 AESH, dont 350 emplois créés à la rentrée 2014 et 350 autres à la rentrée 2015.
Enfin, à la suite de certains collègues, je souhaite revenir sur le fonds d’amorçage pour la réforme des rythmes scolaires.
Dans un premier temps, un amendement socialiste à l’article 55 adopté à l’Assemblée nationale, auquel, madame la ministre, vous avez réservé un accueil favorable, vise à étendre le fonds à toutes les communes pour l’année 2015-2016, dès lors qu’elles ont un projet éducatif territorial, comme le précisait mon collègue Jacques-Bernard Magner.
L’amendement que nous allons examiner concrétise l’engagement pris par le Premier ministre lors du congrès des maires de France de pérenniser le fonds d’amorçage, qui devient donc un fonds de soutien sans limitation de durée. À cet égard, je tiens à saluer, madame la ministre, l’engagement du Gouvernement auprès des élus locaux. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
Adapter le rythme des apprentissages au rythme de l’enfant était une nécessité, tout le monde le sait.
M. Jacques-Bernard Magner. Bien sûr !
M. Dominique Bailly. La réforme des rythmes scolaires permet aussi un accès de tous les enfants à des activités périscolaires et constitue donc une mesure de justice sociale.
M. Jacques-Bernard Magner. Il a raison !
M. Dominique Bailly. J’ai mis en place cette réforme dans ma commune dès la rentrée 2013, madame la ministre,…
M. Jacques-Bernard Magner. Une grande municipalité, Orchies !
M. Dominique Bailly. … et les retours sont très positifs de la part des enseignants, des parents, mais surtout des enfants ! (Mme Vivette Lopez s’exclame.)
La mise en œuvre de cette réforme et des nouvelles activités périscolaires est sans conteste un enjeu pour les collectivités locales. La pérennisation du fonds d’amorçage est donc un excellent signal, tout comme la responsabilisation des communes en la matière, car les activités périscolaires doivent être de qualité et non se réduire à de simples garderies.
Pour conclure, madame la ministre, mes chers collègues, ce budget, marqué par la progression des crédits et des moyens humains, confirme les orientations du Président de la République et porte une véritable ambition politique au service de l’éducation nationale. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de cette mission traduisent, cette année encore, la priorité donnée à l’éducation, et je m’en réjouis.
J’ai un autre motif de satisfaction, madame la ministre : la première réunion interministérielle sur l’enseignement français à l’étranger, qui s’est tenue tout récemment. Autour de vous, madame la ministre, et de M. le ministre des affaires étrangères, étaient réunis les acteurs du réseau d’enseignement français à l’étranger.
Depuis mon arrivée au Sénat, je demande une plus grande coopération entre les deux ministères et j’avais fait voter un amendement en ce sens dans la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. Je me réjouis donc tout particulièrement de la tenue de cette réunion.
M. Jean-Louis Carrère. Bravo !
Mme Claudine Lepage. Notre réseau d’établissements d’enseignement français homologués, le plus grand au monde avec 494 établissements et 330 000 élèves scolarisés, est précieux et doit être sauvegardé. En effet, non seulement il apporte un service d’éducation de qualité exceptionnelle aux familles expatriées, au sens étymologique du terme, mais il est aussi l’un des outils de notre politique d’influence grâce à la scolarisation de 200 000 élèves étrangers.
Mais ce formidable atout pour notre pays doit faire face à un double défi : quantitatif, avec une croissance constante de ses effectifs - plus 18,5 % en cinq ans -, et qualitatif, tant au regard de l’exigence croissante des familles que de la concurrence internationale. C’est pour répondre à ces défis que le plan d’action en faveur de l’enseignement français à l’étranger de novembre 2013 a mis en place ce mécanisme de concertation.
Au cours de cette première réunion, madame la ministre, la nécessaire coordination entre les deux ministères a donc été réaffirmée. Ainsi, il sera organisé une conférence annuelle des ressources humaines et des moyens afin de disposer d’une vision stratégique pour le développement du réseau par une meilleure allocation des moyens en fonction des priorités diplomatiques françaises.
Cette conférence annuelle devrait aussi permettre une gestion plus fine des ressources humaines, notamment grâce à une anticipation salutaire du traitement des demandes de détachement. Je salue cette initiative, même si j’ai bien compris que le nombre d’enseignants détachés n’avait pas vocation à augmenter, en dépit de la croissance continue du réseau à l’étranger.
Il est également prévu d’assouplir les procédures d’homologation. J’entends bien qu’il ne s’agit pas de revenir sur les critères pédagogiques. Mais vous avez aussi rappelé, madame la ministre, que les détachements ne constituaient pas une condition nécessaire à l’homologation. Cette dé-corrélation m’interpelle, d’autant plus que, dans le même temps, il a bien été convenu de renforcer le rôle de votre ministère dans l’accompagnement pédagogique du réseau. Pouvez-vous me préciser comment il assumera ce rôle ? Par ailleurs, est-il envisageable, dans le cadre de l’audit régulier, de recourir à des retraits d’homologation, en cas de manquement avéré ?
Comme vous le savez, je dois remettre tout prochainement, avec le député Philip Cordery, un rapport sur les moyens de limiter la hausse des frais de scolarité dans le réseau. Nous envisageons toutes les pistes, notamment la possibilité d’ajouter aux critères d’homologation strictement pédagogiques une obligation de bonne gouvernance et de transparence dans la gestion des établissements. Qu’en pensez-vous, madame la ministre ?
Pour conclure, je rebondirai sur votre objectif de valorisation des innovations pédagogiques dans le réseau par leur diffusion entre les établissements homologués. Je ne doute pas qu’une telle diffusion soit tout aussi souhaitable entre les réseaux en France et à l’étranger. Elle pourrait notamment être assurée par une plus grande mobilité des enseignants, qui serait d’autant plus facile s’il existait une véritable valorisation de l’expérience acquise dans le réseau à l’étranger.
Une expérience à l’international est toujours un atout, quel que soit l’emploi. Comment pensez-vous que l’éducation nationale puisse davantage prendre en compte cette dimension ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voici le deuxième budget consacré à la mise en œuvre de la refondation de l’école. C’est une réforme majeure, accompagnée d’un budget sanctuarisé et renforcé année après année pour assurer la priorité donnée à l’école par le Gouvernement.
Votre prédécesseur, M. Vincent Peillon, avait conçu la création des ESPE, les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, comme le levier principal de la refondation.
Ces écoles dans l’université et avec l’université répondent aux questions indispensables que l’on doit se poser si l’on veut transmettre des connaissances et des compétences : que faut-il savoir pour être enseignant ? Que faut-il savoir faire ou connaître ?
Créer les ESPE dans l’université, c’est s’assurer d’une réelle pluridisciplinarité, génératrice d’une approche transdisciplinaire. Il faut que les universités considèrent les ESPE comme des piliers essentiels de la construction du savoir et de sa diffusion, et non comme des structures résiduelles ou complémentaires.
M. Jean-Louis Carrère. Il faudrait aussi réformer les universités !
Mme Dominique Gillot. Toutefois, cela a été souligné, des progrès restent à faire et les ESPE doivent améliorer leurs performances. Les difficultés sont réelles, et leur évocation doit avoir pour objet de les surmonter.
C’est la création d’un tronc commun dans la formation des maîtres qui développera une culture commune à tous les futurs enseignants, fondée sur une pratique collective et réflexive. Les services académiques ont toute leur place aux côtés des équipes universitaires, et l’acquisition de ce tronc commun doit être évaluée dans le cadre du concours.
La volonté réaffirmée du ministère de l’éducation nationale de créer de véritables équipes pluridisciplinaires mêlant enseignants, chercheurs et tuteurs de stage, mais aussi, demain, éducateurs, animateurs et encadrants du temps périscolaire, va dans ce sens, et je m’en félicite.
C’est en atteignant ces objectifs que l’on passera vraiment des IUFM aux ESPE, dont la place particulière dans l’université renforcera les relations entre le praticien et le chercheur. À la vérité, chaque établissement, chaque enseignant, chaque intervenant, chaque étudiant est un laboratoire, faisant du chercheur un clinicien.
La recherche doit aider à surmonter les prophéties auto-réalisatrices en favorisant la coconstruction des savoirs, le travail d’équipe et, par suite, la réussite de tous. Améliorer les méthodes pédagogiques et repenser les schémas d’apprentissage sont autant de défis qu’elle relève. C’est à la lumière de ces défis que les universités doivent envisager leur responsabilité particulière dans le fonctionnement scientifique des ESPE.
La formation des maîtres, ainsi repensée, est particulièrement originale, car elle comporte une assignation à la coopération qui se traduit par l’alternance intégrative. Cette professionnalisation progressive donnera aux futurs enseignants l’appareillage nécessaire pour acquérir l’aisance professionnelle, confronter les apprentissages à la pratique et poser les questions dans des termes qui les rendent traitables. C’est cette professionnalisation progressive qui assurera la diversification des profils des futurs maîtres.
Pourtant, le concours pose deux problèmes, dont le premier tient à sa place dans le cursus, ou plutôt au milieu du cursus, entre le master 1 et le master 2. Madame la ministre, ne faudrait-il pas favoriser des modules complémentaires en licence, afin de développer une orientation prescriptive en master ?
Le second problème lié au concours est la reproduction des élites dont celui-ci a de tout temps été vecteur. À cet égard, il s’agit bien de changer les habitudes et de mieux intégrer le concours au processus pédagogique, afin de faire du master 2 une année de formation plus qu’une année de préparation au concours.
La pluridisciplinarité, le travail en équipe et la diversification des profils sont bien les clefs d’une professionnalisation du concours, et donc d’une justice réelle dans l’accès à la fonction d’enseignant.
Avec les ESPE, l’école intégratrice de demain est en marche : celle qui fait bien plus qu’apprendre à compter, lire et écrire, celle qui postule que tous les enfants sont capables, celle qui vise la réussite et l’épanouissement de chacun à travers ses propres compétences. Le Gouvernement consacre à cette ambition les moyens nécessaires, ce projet de budget l’atteste, et c’est pour cela que nous allons le voter ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des finances.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Dans tout moment partagé, il faut un trouble-fête… En l’occurrence, c’est à la présidente de la commission des finances que ce rôle incombe ! (Sourires.)
Vous savez, mes chers collègues, que des contraintes d’horaires pèsent sur nos débats. Ainsi, nous devons examiner à partir de seize heures les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », avant d’examiner ceux de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
M. Henri de Raincourt. C’est juste !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Or la séance sera impérativement suspendue à treize heures, en raison des questions cribles thématiques inscrites à l’ordre du jour à quinze heures et de la nécessité de disposer d’un temps suffisant pour préparer les débats de cet après-midi.
Aussi, sans qu’il s’agisse de brimer qui que ce soit, et vous moins que quiconque, madame la ministre, je vous signale qu’il serait bon que, ce matin, nous votions au moins les crédits de la mission, la discussion de l’article 55 rattaché pouvant éventuellement être reportée à samedi, en fin d’après-midi.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente de la commission, j’aimerais autant que l’article 55 soit examiné ce matin, si nous en avions le temps.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Si chacun s’astreint à la concision, ce serait en effet préférable.
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, je ne puis que vous inviter à respecter vos temps de parole respectifs, sans quoi l’examen de l’article 55 devra être reporté à samedi, pour les raisons que Mme la présidente de la commission des finances vient d’exposer.
La parole est à Mme la ministre, pour vingt minutes, ou moins, si possible ! (Sourires.)
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, madame, monsieur les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de répondre précisément aux questions qui m’ont été posées, je voudrais revenir brièvement sur les grands enjeux du budget que j’ai l’honneur de vous présenter.
Je l’ai affirmé à l’Assemblée nationale et je le réaffirme au Sénat : le projet de loi de finances pour 2015 est le symbole de la priorité que le Gouvernement accorde à la jeunesse, à nos enfants et à la réussite de chacun, quelle que soit sa condition sociale.
Pour réaliser cette ambition, l’éducation reste le meilleur levier. Ainsi, l’éducation nationale redeviendra en 2015 le tout premier poste budgétaire de l’État, devant la charge de la dette : 65 milliards d’euros seront investis pour les enfants de notre pays, soit plus de 1 milliard d’euros de plus qu’en 2014, ce qui représente une hausse de 2,3 %.
Cet effort majeur mérite d’être souligné. En vérité, dans la situation économique délicate que nous connaissons, nous avons choisi de donner la priorité à l’éducation plus qu’à toute autre politique.
Je ne pourrai pas vous présenter de manière exhaustive les actions auxquelles cet effort budgétaire sera consacré, mais je tiens à mettre en valeur trois orientations.
En premier lieu, les créations de postes seront poursuivies, pour atteindre les 60 000 postes supplémentaires que nous nous sommes engagés à créer à l’horizon 2017, sur lesquels 54 000 bénéficieront à l’éducation nationale, 5 000 à l’enseignement supérieur et 1 000 à l’enseignement agricole. Ainsi, 10 421 postes nouveaux seront créés en 2015 au sein de mon ministère, et 140 au sein du ministère de l’agriculture au profit de l’enseignement technique agricole.
Le Gouvernement a fixé une priorité, dont vous êtes tous convenus de la nécessité : l’enseignement primaire, où se joue une part importante de l’avenir des enfants.
Toute tentative visant à réduire ces créations de postes ne serait tout simplement pas responsable et je vous avertis que le Gouvernement s’opposera aux amendements qui auront cet objet. Concrètement, c’est la réussite des enfants qui est en jeu !
Vous savez que la France n’arrive qu’en vingt-sixième position sur vingt-huit pays pour la capacité à lutter contre les inégalités sociales à l’école. Si nous voulons que notre système éducatif cesse de reproduire les inégalités sociales, nous devons lui donner les moyens de fonctionner. C’est pourquoi je vous invite à voter les crédits de la mission « Enseignement scolaire », et le projet de loi de finances dans son intégralité.
En deuxième lieu, ce budget permettra de renforcer le plan en faveur de l’éducation prioritaire, à laquelle nous avons décidé de consacrer plus de 350 millions d’euros supplémentaires. Ces moyens serviront à indemniser et à former davantage les enseignants en poste dans les établissements où se posent les difficultés sociales les plus graves. Ils permettront également aux enfants qui fréquentent ces établissements d’être accueillis plus jeunes et d’être encadrés par un plus grand nombre de professeurs.
Cet effort nous permettra d’offrir aux enfants des 1 082 réseaux d’éducation prioritaire les conditions de leur réussite.
En troisième lieu, nous continuerons d’aider les collectivités locales à assurer les activités périscolaires ; je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que c’est une question à laquelle vous êtes sensibles.
Ainsi, le Gouvernement a présenté un amendement qui vise à pérenniser les moyens d’accompagnement des communes et des intercommunalités pour la mise en œuvre des activités périscolaires. Cet amendement concrétise l’engagement pris par le Premier ministre, le 26 novembre dernier, lors du congrès des maires de France. Il s’agit de transformer le fonds d’amorçage pour la réforme des rythmes scolaires en un fonds de soutien aux communes pour la mise en place des activités périscolaires.
Je ne m’étendrai pas davantage sur le sujet, mais j’insiste sur l’importance de cet effort, dans un contexte budgétaire contraint. (M. Cédric Perrin s’exclame.) Cet effort manifeste à nouveau notre volonté de voir la réforme des rythmes scolaires réussir. Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour remercier les collectivités locales de leur action dans ce domaine ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Le projet éducatif territorial, le PEDT, n’est pas, comme certains orateurs l’ont soutenu, une contrainte démesurée que nous imposerions pour conditionner l’aide de l’État.
M. Claude Kern. Si !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Le PEDT est un gage de qualité : demander aux collectivités locales de s’inscrire dans un partenariat avec les services de l’État permettra d’offrir un meilleur service aux enfants et, petit à petit, d’harmoniser au niveau national la qualité des activités périscolaires. Il s’agit aussi d’assurer une articulation optimale du temps scolaire et du temps périscolaire, tant il est vrai qu’il est important pour l’enfant d’être bien suivi avant, pendant et après l’école.
Du reste, contrairement à ce que d’aucuns prétendent, de nombreuses petites communes ont déjà signé ce PEDT, parce qu’elles en voient très concrètement l’intérêt au quotidien.
J’ajoute que nous avons fait le choix d’un document simple, et que j’adresserai dans quelques jours une circulaire à mes services pour leur demander notamment de bien accompagner les communes dans la rédaction et dans la signature de ce document, sans alourdir pour autant leur tâche.
Telles sont les trois orientations sur lesquelles je désirais insister. Le temps étant compté, je n’en dirai pas davantage au sujet des grands enjeux.
Je tiens seulement à signaler les efforts que nous accomplissons dans ce budget en matière de scolarisation des enfants en situation de handicap ; à ce propos, je serai demain à Lille pour assister au forum « Jeunesse » de la conférence nationale du handicap. De nouveaux assistants de vie scolaire seront recrutés, de sorte que les enfants en situation de handicap pourront être accueillis toujours plus nombreux.
Nous sommes également soucieux d’améliorer l’accompagnement des enfants atteints de ce que certains appellent les handicaps légers, notamment des troubles « dys » ; ils bénéficieront désormais d’un suivi systématique et individualisé au sein des établissements scolaires au titre d’un plan personnalisé.
Ainsi, l’école devient de plus en plus inclusive, selon l’objectif fixé par la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.
J’aurais pu insister aussi sur la lutte contre le décrochage, dont certains ont parlé. Le projet de loi de finances prévoit 50 millions d’euros supplémentaires au service de cet objectif, en plus des 740 millions d’euros qui y sont déjà consacrés chaque année. Grâce à cette augmentation importante, qui repose sur la mobilisation de fonds européens, nous serons plus efficaces dans la prévention du décrochage, mais aussi dans le « raccrochage » des jeunes concernés.
Je vais maintenant répondre, mesdames, messieurs les sénateurs, aux orateurs qui se sont exprimés ce matin.
À propos des enseignants, de nombreux orateurs ont parlé d’« effet maître » et rappelé que l’école ne pouvait se réformer qu’en s’appuyant sur ceux qui la font au quotidien, c’est-à-dire les personnels de l’éducation nationale. Cela va de soi !
À cet égard, j’attire votre attention sur le fait que, tout récemment, les missions de quatorze métiers de l’éducation nationale ont été revues en profondeur ; cette redéfinition va de pair avec une revalorisation, y compris indemnitaire, de nombre des métiers concernés, ainsi qu’avec une amélioration des parcours de carrière.
Les directeurs d’école, en particulier, dont plusieurs d’entre vous ont parlé, bénéficieront de ce travail que nous avons mené à bien. C’est ainsi que leurs missions en matière de pilotage pédagogique et de relations avec les parents seront désormais mieux reconnues : non seulement ils disposeront du temps nécessaire pour les exercer, grâce à des décharges horaires supplémentaires, mais ils bénéficieront aussi d’une nouvelle assistance administrative, sous la forme de contrats aidés dont le financement est prévu dans les crédits qui vous sont soumis aujourd’hui.
Plusieurs orateurs ont abordé la question de la priorité donnée au primaire, en faisant valoir que les enseignants du premier degré n’étaient pas suffisamment valorisés dans leurs missions. Je vous rappelle que nous avons revalorisé l’indemnité des enseignants du premier degré, dans le cadre des chantiers « métiers » dont je viens de parler.
Conçus en concertation avec les représentants des personnels, ces chantiers représentent une avancée historique. Une réflexion portant sur autant de métiers, et conduisant souvent à actualiser des textes datant de cinquante ans, cela ne s’était pas vu depuis longtemps !
Toujours s’agissant des personnels de l’éducation nationale, je tiens à revenir sur un malentendu : l’attractivité des métiers de l’éducation serait en dégradation continue. Il est vrai qu’après dix années d’exercice du pouvoir par la droite, dix années pendant lesquelles les suppressions de postes ont succédé aux suppressions de postes, ces métiers n’étaient plus forcément les plus attractifs aux yeux des étudiants ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE. – Vives protestations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Mme Françoise Laborde. C’est vrai !
Mme Françoise Férat. Vous feriez mieux de faire profil bas !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Ceux-ci, en effet, étaient fondés à penser que, puisque l’éducation nationale ne recrutait pas, il n’était pas judicieux de se diriger vers cette voie. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Mme Natacha Bouchart. Le coup de l’héritage, c’est un signe d’incompétence !
M. le président. Mes chers collègues, veuillez laisser Mme la ministre s’exprimer.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Depuis 2012, l’éducation nationale envoie un autre signal : elle recrute de nouveau et, de surcroît, elle forme les enseignants avant de les envoyer dans les salles de classe ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE.) Résultat ? Le nombre des inscrits aux concours ne cesse d’augmenter, et figurez-vous que, cette année, il a progressé de 72 % dans le premier degré !
Mme Claudine Lepage. Très bien !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Il faut donc en finir avec cette espèce de litanie de la non-attractivité des métiers de l’enseignement ! Nous faisons de l’éducation une priorité : la réalité, c'est que ce message du Gouvernement passe bien ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. Cessez donc, à droite, d'être nostalgiques et de penser que c'était mieux avant !
M. le président. Mes chers collègues, Mme la ministre a seule la parole !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Pour le reste, mesdames, messieurs les sénateurs, je partage les ambitions que vous avez formulées sur toutes les travées.
En ce qui concerne les internats de la réussite, je souligne que c'est bien ce gouvernement qui tient l’engagement de consacrer 400 millions d’euros à leur développement. (Voilà ! sur les travées du groupe socialiste.)
En ce qui concerne l’alternance et l’apprentissage, c'est bien ce gouvernement qui se donne les moyens de faire passer, d’ici à 2017, de seulement 40 000 aujourd’hui à 60 000 le nombre d’apprentis accueillis par l'éducation nationale, en mobilisant les recteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Je partage votre volonté de valoriser l'enseignement professionnel ; c'est ainsi que nous favorisons l’accès des bacheliers professionnels au BTS.
M. Charles Revet. Il ne suffit pas de parler, il faut agir !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je partage votre ambition de développer les liens entre l'éducation nationale et l’enseignement agricole,…
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. … où sont mises en œuvre beaucoup d’innovations pédagogiques, dont nous ferions bien de nous inspirer !
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. Là, je suis d’accord.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. S’agissant de l’enseignement moral et civique, madame Laborde, son contenu, que le Conseil supérieur des programmes a élaboré, est en cours de validation. Il sera dispensé à partir de la rentrée de 2015 à l’école, au collège et au lycée, tant dans la filière générale que dans la filière professionnelle, cela va de soi.
Oui, l’éducation nationale doit former à la citoyenneté, à la laïcité. Sachez que nous célébrerons la laïcité le 9 décembre prochain ; je ferai en sorte de consacrer une réunion des recteurs spécifiquement aux actions à mener en la matière, notamment en termes de formation des enseignants.
En conclusion, je vous confirme que la refondation se poursuit résolument. Beaucoup a été fait depuis 2012, et il reste encore à faire.
Mme Nicole Bricq. Très gros travail ! Réparer dix ans d’incurie…
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Le socle des connaissances, des compétences et de la culture sera refondé. Il en découlera de nouveaux programmes, qui seront bel et bien adoptés selon le calendrier imparti, tel que vous l’aviez fixé.
Loin des caricatures, nous réformerons l’évaluation, afin que les élèves puissent savoir où ils en sont, progresser sans craindre l’échec et être encouragés.
Nous entreprendrons également la réforme du collège. Dès janvier 2015, une réflexion sera conduite pour faire en sorte que l’on ne compte plus 20 % de décrocheurs au collège.
M. Charles Revet. Il y aura du travail !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Il s'agira, autour d’un tronc commun, de conduire des actions pédagogiques différenciées pour permettre aux élèves d’avancer à leur rythme.
Enfin, sans entrer dans les détails, je confirme notre ambition pour le numérique. Le grand projet que nous concevons pour faire entrer l’école dans l’ère du numérique ne se résume pas à une question d’équipement. Il passera par la formation des professeurs à l’utilisation du numérique pour enseigner leur discipline de façon plus interactive, efficace et différenciée. Il passera aussi par la mobilisation de ressources pédagogiques : on sait bien que, au-delà des manuels, le développement d’exercices pratiques, ludiques et interactifs est de nature à favoriser les apprentissages et la réussite des élèves. Bien sûr, ce plan passera également par l’équipement informatique des élèves, afin de leur permettre d’appréhender des techniques dont ils auront besoin demain dans leur vie quotidienne, y compris pour se former à de nouveaux métiers.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pardonnez-moi d’avoir été trop brève, mais j’aimerais que nous puissions achever l‘examen des amendements avant la suspension de 13 heures. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire », figurant à l’état B.
État B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Enseignement scolaire |
66 358 218 962 |
66 438 215 192 |
Enseignement scolaire public du premier degré |
19 839 829 295 |
19 839 829 295 |
Dont titre 2 |
19 801 261 152 |
19 801 261 152 |
Enseignement scolaire public du second degré |
31 000 934 825 |
31 000 934 825 |
Dont titre 2 |
30 889 159 805 |
30 889 159 805 |
Vie de l’élève |
4 806 099 648 |
4 853 690 878 |
Dont titre 2 |
1 979 667 088 |
1 979 667 088 |
Enseignement privé du premier et du second degrés |
7 174 057 475 |
7 174 057 475 |
Dont titre 2 |
6 426 285 133 |
6 426 285 133 |
Soutien de la politique de l’éducation nationale |
2 159 689 375 |
2 192 094 375 |
Dont titre 2 |
1 457 675 053 |
1 457 675 053 |
Enseignement technique agricole |
1 377 608 344 |
1 377 608 344 |
Dont titre 2 |
898 160 116 |
898 160 116 |
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-353, présenté par MM. Carle et Longuet, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré Dont Titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré Dont Titre 2 |
|
87 000 000
87 000 000 |
|
87 000 000
87 000 000 |
Vie de l’élève Dont Titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
Enseignement privé du premier et du second degrés Dont Titre 2 |
3 000 000
3 000 000 |
3 000 000
3 000 000 |
||
Soutien de la politique de l’éducation nationale Dont Titre 2 |
65 000 000 |
65 000 000 |
||
Enseignement technique agricole Dont Titre 2 |
||||
Total |
165 000 000 |
165 000 000 |
||
Solde |
- 165 000 000 |
- 165 000 000 |
L'amendement n° II-53, présenté par M. Longuet, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Enseignement scolaire public du premier degré Dont titre 2 |
0
|
47 000 000
47 000 000 |
0
|
47 000 000
47 000 000 |
Enseignement scolaire public du second degré Dont titre 2 |
0 |
87 000 000
87 000 000 |
0 |
87 000 000
87 000 000 |
Vie de l’élève Dont titre 2 |
0 |
4 000 000 4 000 000 |
0 |
4 000 000 4 000 000 |
Enseignement privé du premier et du second degrés Dont titre 2 |
0 |
22 000 000
22 000 000 |
0 |
22 000 000
22 000 000 |
Soutien de la politique de l’éducation nationale Dont titre 2 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Enseignement technique agricole Dont titre 2 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Total |
0 |
160 000 000 |
0 |
160 000 000 |
Solde |
- 160 000 000 |
- 160 000 000 |
L'amendement n° II-184, présenté par M. Carle, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré Dont Titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré Dont Titre 2 |
||||
Vie de l’élève Dont Titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés Dont Titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale Dont Titre 2 |
|
15 000 000 |
|
15 000 000 |
Enseignement technique agricole Dont Titre 2 |
||||
Total |
0 |
15 000 000 |
0 |
15 000 000 |
Solde |
-15 000 000 |
-15 000 000 |
L'amendement n° II-183, présenté par M. Carle, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré Dont Titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré Dont Titre 2 |
87 000 000
87 000 000 |
87 000 000
87 000 000 |
||
Vie de l’élève Dont Titre 2 |
140 000 000 |
140 000 000 |
||
Enseignement privé du premier et du second degrés Dont Titre 2 |
3 000 000
3 000 000 |
3 000 000
3 000 000 |
||
Soutien de la politique de l’éducation nationale Dont Titre 2 |
50 000 000 |
50 000 000 |
||
Enseignement technique agricole Dont Titre 2 |
||||
Total |
140 000 000 |
140 000 000 |
140 000 000 |
140 000 000 |
Solde |
0 |
0 |
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis, pour présenter les amendements nos II-353, II-184 et II-183.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. L’amendement n° II-353, que j’ai cosigné à titre personnel avec Gérard Longuet, vise à prendre en compte les modifications des crédits intervenues lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, notamment le fléchage de 800 millions d’euros au profit des communes et des EPCI, pour leur permettre d’assumer les dépenses engendrées par la réforme des rythmes scolaires.
Nous ne connaissions pas cette modification lorsque la commission de la culture a adopté l'amendement tendant à redéployer, au sein du budget de l’enseignement scolaire, 150 millions d’euros au bénéfice de la prise en charge des coûts liés à la réforme des rythmes scolaires. Cet amendement est aujourd’hui satisfait, puisque, avec les 400 millions d’euros prévus dans le budget initial, auxquels se sont ajoutés les 800 millions d’euros que j’ai évoqués, le coût de la réforme des rythmes scolaires est presque totalement couvert. En effet, la dépense est estimée à environ 200 euros par élève et par an, soit 1,2 milliard d’euros pour 6 millions d’élèves, par la Caisse nationale des allocations familiales et l’Association des maires de France.
C’est pourquoi Gérard Longuet et moi-même avons déposé le présent amendement, qui vise à faire contribuer le ministère de l'éducation nationale à l’effort de maîtrise de la dépense publique. Nous rejoignons là, me semble-t-il, la position du Gouvernement, qui a proposé hier, par la voix du secrétaire d'État chargé du budget, une réduction de 15 millions d’euros des crédits de l'enseignement secondaire, ce qui montre que cette ligne était suffisamment dotée.
L’amendement n° II-184, que je présente au nom de la commission de la culture, a lui aussi pour objet de réduire les des crédits de la mission « Enseignement scolaire », à hauteur de 15 millions d’euros. Il deviendra sans objet si l’amendement n° II-353 est adopté, de même que l’amendement n° II-183, qui émane lui aussi de la commission de la culture.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° II-53 et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos II-353, II-184 et II-183.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le rapporteur spécial, Gérard Longuet, ayant dû nous quitter, je vais m'efforcer de le suppléer.
La commission des finances considère que le coût de la réforme des rythmes scolaires est largement pris en charge au travers des dispositions de l’article 9, telles qu’amendées par une forte majorité du Sénat lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances : la baisse des dotations aux collectivités territoriales a été minorée pour tenir compte de la mise en œuvre d’un certain nombre de normes, dont celles concernant les rythmes scolaires. Un amendement de la commission des finances en avait estimé le coût net à 600 millions d’euros ; ce montant a été réévalué à 800 millions d’euros au travers d’amendements déposés par les groupes UMP et UDI-UC. Ce chiffrage est fondé sur l’évaluation de la Commission consultative d’évaluation des normes et tient notamment compte des avis de l’Association des maires de France ou du Comité des finances locales.
Les dépenses induites par la réforme des rythmes scolaires étant couvertes dans une très large mesure au travers des dispositions de l’article 9, nous proposons de réduire les crédits de la mission « Enseignement scolaire », à hauteur de 160 millions d’euros.
La commission des finances n’a pu examiner l’amendement n° II-353, qui tend pour sa part à opérer une réduction de crédits de 165 millions d’euros. Il rejoint donc, à 5 millions d’euros près, l'amendement de la commission des finances. À titre personnel, j’y suis favorable, d’autant que ses auteurs partagent notre souci – et celui de Mme la ministre – de préserver l’enseignement primaire. J’observe d’ailleurs que, hier matin, lorsque nous avons examiné les crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche, le Gouvernement a présenté un amendement tendant à rétablir pour partie les crédits de l'enseignement supérieur en en prélevant sur l’enseignement secondaire. Certes, les montants en cause ne sont pas les mêmes, mais cela montre que le Gouvernement considère qu’il existe des marges de manœuvre sur les crédits de l’enseignement secondaire.
Naturellement, si l'amendement n° II-353 est adopté, l’amendement de la commission des finances deviendra sans objet : il ne s'agit pas de cumuler les baisses de crédits.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. L'adoption de l’amendement n° II-353 ou de l’amendement n° II-53 aurait concrètement pour effet de remettre en cause notre engagement de créer 54 000 nouveaux postes dans l'éducation nationale et, plus largement, notre choix de réinvestir dans l’école de la République, y compris dans la formation des enseignants.
Je demanderai donc à leurs auteurs de bien vouloir retirer ces amendements ; à défaut, j’en préconiserai le rejet.
M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.
M. Jacques-Bernard Magner. Avec ces amendements, nous inaugurons une pratique parlementaire assez originale, celle du « clonage législatif » ! En effet, les rapporteurs de la commission des finances et de la commission de la culture nous présentent des amendements dont l’adoption aboutirait à supprimer trois fois les mêmes postes de dépense ! Ce n’est pas très sérieux… Mes chers collègues, on ne voudrait pas vous confier les clés de l’école, ni celles de la France !
Cette désinvolture budgétaire prêterait à rire si elle ne mettait pas en cause des femmes et des hommes, ainsi qu’une politique essentielle pour l’avenir de notre pays. Nous retrouvons bien ici le dogmatisme comptable froid et aveugle qui était à l’œuvre sous le quinquennat de M. Sarkozy. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Je rappelle les chiffres : 80 000 postes supprimés, 1 031 fermetures d’école, une chute du taux de préscolarisation de 13 % ! Voilà quelques données éclairantes ! Même au sein de la majorité du Sénat, on comprend bien qu’il y a une incohérence…
Pourtant, le discours de la droite sénatoriale n’a pas changé : ces amendements en sont la preuve. Pour elle, un enseignant est d'abord un aggravateur de dette, un créateur de dépenses insupportables, et non pas un professionnel au service de l'éducation de nos enfants et de l’avenir de notre pays !
Nous voterons bien entendu contre ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Évidemment, nous ne cautionnerons pas ce subtil jeu d’écritures : le groupe CRC votera contre l’ensemble de ces amendements.
Si l’on vous suivait, chers collègues de la droite, nous n’aurions aucune chance de remédier à la crise du recrutement des enseignants ! En outre, eu égard à vos propositions concernant le programme 214, les opérateurs publics, tels que le Centre d'études et de recherches sur les qualifications, le Centre national d'enseignement à distance, le Centre international d'études pédagogiques ou le Centre national de documentation pédagogique, n’auraient plus qu’à mettre la clé sous le paillasson !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. La brièveté de mes propos n’aura d’égale que mon hostilité à cette tentative de destruction de tout ce qui a été restauré ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste. – Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Caricature !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-353.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 62 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 182 |
Contre | 157 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
En conséquence, les amendements nos II-53, II-184 et II-183 n’ont plus d'objet.
L'amendement n° II-185 rectifié, présenté par M. Carle, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré Dont Titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré Dont Titre 2 |
||||
Vie de l’élève Dont Titre 2 |
5 000 000 5 000 000 |
5 000 000 5 000 000 |
||
Enseignement privé du premier et du second degrés Dont Titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale Dont Titre 2 |
5 000 000 5 000 000 |
5 000 000 5 000 000 |
||
Enseignement technique agricole Dont Titre 2 |
||||
Total |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
Solde |
0 |
0 |
La parole est à M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Cet amendement concerne la médecine scolaire. Il s’agit simplement de revaloriser les carrières des personnels de santé scolaire, médecins et infirmières.
Aujourd'hui, l’attractivité de ces carrières est faible, puisque le salaire de début d’un médecin scolaire est de 1 300 euros. Cet amendement vise donc à redéployer, au sein des crédits de la mission, 5 millions d’euros en faveur des personnels de la médecine scolaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. À titre personnel, je suis favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Bien évidemment, les personnels de médecine et d’infirmerie scolaire jouent un rôle primordial dans l’éducation nationale. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Gouvernement a adopté depuis 2012 des mesures de revalorisation salariale de plus de 7 millions d’euros, visant notamment à faciliter le détachement des personnels des fonctions publiques territoriale et hospitalière vers l’éducation nationale.
Cela a permis d’augmenter le nombre de candidats au recrutement, puisque, en 2013, nous avons embauché plus de médecins et d’infirmiers que ce que nous avions prévu.
Sachez que le travail continue sur ce sujet important. Il me semble donc, monsieur le rapporteur pour avis, que vos préoccupations sont déjà prises en compte par le Gouvernement. Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour explication de vote.
Mme Maryvonne Blondin. M. Carle a raison de souligner qu’il existe des difficultés de recrutement de personnels de santé scolaire, mais le déficit touche aussi d’autres spécialités, comme la médecine générale.
La problématique va au-delà de la seule question de la revalorisation que vous appelez de vos vœux, mon cher collègue, mais que la majorité précédente s’était bien gardée d’opérer !
Mme la ministre vient de le rappeler, la grille indiciaire des médecins de l’éducation nationale a été relevée à l’été 2012, et le Gouvernement s’est engagé dans une démarche globale de reconstruction du secteur de la médecine scolaire, qui avait été fort délaissé.
L’accueil d’étudiants en médecine pour un stage au sein de l’éducation nationale permet d’augmenter le nombre de candidats au concours. Quant aux psychologues scolaires, ils sont en passe de voir aboutir des revendications vieilles de vingt ans. Tout cela contribue à la mise en place d’un parcours de santé, que nous avions souhaitée lors de l’examen de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école.
Je tenais à souligner le travail au long cours mené par le Gouvernement pour reconstruire le service public de la santé scolaire, l’adapter aux besoins des élèves et le rendre beaucoup plus efficace.
M. le président. L'amendement n° II-186, présenté par Mme Férat et M. Carle, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Enseignement scolaire public du premier degré Dont Titre 2 |
||||
Enseignement scolaire public du second degré Dont Titre 2 |
||||
Vie de l’élève Dont Titre 2 |
||||
Enseignement privé du premier et du second degrés Dont Titre 2 |
||||
Soutien de la politique de l’éducation nationale Dont Titre 2 |
2 500 000 |
2 500 000 |
||
Enseignement technique agricole Dont Titre 2 |
2 500 000 |
2 500 000 |
||
Total |
2 500 000 |
2 500 000 |
2 500 000 |
2 500 000 |
Solde |
0 |
0 |
La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. Le présent amendement vise à rétablir, au profit de l’enseignement agricole, 2,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, hors titre 2.
Pour rappel, un amendement du Gouvernement, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, a diminué de ce même montant les crédits hors titres. Nous souhaitons donc tout simplement rétablir le budget initial. On n’a pas mesuré l’impact d’une réduction de 2 % des crédits sur un budget déjà largement fragilisé. L’enseignement agricole n’est pas la variable d’ajustement de la mission « Enseignement scolaire ». (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Enseignement scolaire », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion l’article 55 et l’amendement qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
Enseignement scolaire
Article 55
I. – L’article 67 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « et 2014-2015 » sont remplacés par les mots : « à 2015-2016 » ;
b) (nouveau) Sont ajoutés les mots : « et, pour l’année scolaire 2015-2016, pour lesquels sont organisées des activités périscolaires dans le cadre d’un projet éducatif territorial prévu à l’article L. 551-1 du code de l’éducation » ;
1° bis (nouveau) Aux premier et cinquième alinéas, les mots : « de fonctionnement » sont remplacés par les mots : « relatives à l’organisation des activités périscolaires » ;
2° Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Un montant forfaitaire versé aux communes pour chaque élève scolarisé dans une école remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article ; ».
II (nouveau). – La première phrase du premier alinéa de l’article 32 de la loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014 est ainsi modifiée :
1° Les mots : « de fonctionnement » sont remplacés par les mots : « relatives à l’organisation des activités périscolaires » ;
2° Sont ajoutés les mots : « et, pour l’année scolaire 2015-2016, lorsque ces communes et établissements organisent des activités périscolaires dans le cadre d’un projet éducatif territorial prévu à l’article L. 551-1 du code de l’éducation ».
III (nouveau). – Le 1° bis du I et le 1° du II du présent article sont applicables pour l’année scolaire 2015-2016.
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, sur l'article. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. Il faut suspendre à treize heures, monsieur le président, c’est la règle !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Il n’est pas treize heures !
Mme Samia Ghali. Je serai brève sur cette question, ô combien importante, de l’éducation.
Je voudrais évoquer le cas de Marseille (Exclamations sur les travées de l'UMP.),…
M. Charles Revet. Pas de cas particuliers !
Mme Samia Ghali. … où l’école accueille 75 000 enfants, qui aujourd’hui n’ont pas tous accès aux activités périscolaires. Celles-ci représentent pourtant une grande richesse.
Tout à l’heure, M. Serge Dassault nous donnait des leçons sur la question éducative et nous expliquait pourquoi les enfants sont dans la rue. À Marseille, la loi n’est pas appliquée : au lieu d’être à l’école de la République, des enfants sont à l’école de la rue. Privés d’activités périscolaires, ils y sont pris en otage, alors que le Gouvernement met les moyens en œuvre pour que la ville puisse leur assurer une éducation digne. (Mme Natacha Bouchart proteste.)
Aujourd'hui, à Marseille, l’éducation est mise à mal, en souffrance. Beaucoup d’enfants et de parents en pâtissent. On favorise ainsi le décrochage et l’échec scolaire, à rebours de tout ce que vous avez mis en place, madame la ministre.
Je vous remercie d’avoir augmenté le budget de l’éducation nationale. Nos enfants, bien souvent, ne savent plus où ils en sont : l’éducation nationale constitue le seul rempart contre tous les maux de notre société, qui pourraient demain créer une situation irréversible dans notre pays.
M. le président. L'amendement n° II-354, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
a) Les mots : «, pour les années scolaires 2013-2014 et 2014-2015, un fonds » sont remplacés par les mots : « un fonds de soutien » ;
II. - Alinéa 4
Remplacer les mots :
et, pour l’année scolaire 2015-2016,
par les mots :
et, à compter de l’année scolaire 2015-2016,
III. - Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le mot : « fonds » est remplacé par les mots : « fonds de soutien » ;
IV. - Alinéa 10
Remplacer les mots :
et, pour l’année scolaire 2015-2016,
par les mots :
et, à compter de l’année scolaire 2015-2016,
V. - Alinéa 11
Remplacer les mots :
pour l’année scolaire 2015-2016
par les mots :
à compter de l’année scolaire 2015-2016
La parole est à Mme la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Le présent amendement tend à concrétiser l’engagement pris par le Premier ministre de reconduire, au-delà de l’année 2015-2016, le fonds d’amorçage créé pour accompagner les communes dans la mise en place d’activités périscolaires.
C’est une mesure importante, qui illustre notre volonté de voir réussir cette réforme. Nous l’avons adoptée dans un double but.
Premièrement, il s’agit de mieux articuler le temps scolaire des enfants, parce qu’on apprend mieux en cinq matinées qu’en quatre matinées, sur un temps moins concentré.
Deuxièmement, nous voulons que les enfants puissent avoir accès à des activités culturelles, de loisir ou sportives, qui leur ouvrent des horizons mais auxquelles, jusqu’à présent, seuls ceux dont les familles avaient les moyens de payer pouvaient accéder.
J’insiste sur l’importance qu’il faut accorder à ces activités périscolaires, qui doivent être considérées non pas comme accessoires, mais comme utiles à la réussite des enfants.
Dans la grande majorité des communes, le travail a été fort bien fait ; j’en remercie les élus locaux, les acteurs de l’éducation, les associations.
Dans d’autres communes, Marseille en particulier, on a malheureusement traîné les pieds (Protestations sur les travées de l'UMP.), ce qui met en grande difficulté des familles entières. C’est la raison pour laquelle nous voulons désormais que cette aide de l’État s’accompagne d’un véritable travail partenarial permettant de vérifier ce que font les communes de l’argent qui leur est versé.
Madame la sénatrice, déjà plus de 2 millions d’euros ont été versés à votre commune ; comment cet argent a-t-il été employé ? Désormais, grâce à la mise en place des projets éducatifs territoriaux dans toutes les communes, nous pourrons assurer un meilleur suivi. J’espère ainsi que, partout en France, les enfants pourront avoir accès à un temps scolaire de meilleure qualité et à des activités périscolaires favorisant la réussite. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission ne s’est pas prononcée sur cet amendement, mais, à titre personnel, j’y suis favorable. Certes, je ne souscris pas, sur le fond, à ce qui vient d’être dit, cependant la pérennisation de ce fonds de soutien aux communes répond à la préoccupation exprimée par le Sénat lors du vote de l’article 9 du présent projet de loi de finances quant à la prise en compte des coûts induits par certaines normes.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. J’approuve pleinement la démarche de Mme la ministre. J’insiste sur le fait que nous devons demeurer attentifs à la situation des communes rurales.
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
3
Questions cribles thématiques
industrie du tourisme
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques posées à M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur l’industrie du tourisme, thème choisi par le groupe socialiste.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3 et Public Sénat.
Monsieur le ministre, je vous remercie d’être venu personnellement répondre aux questions de nos collègues.
Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes.
Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du RDSE.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le tourisme mondial est en pleine expansion. Notre pays étant la première destination mondiale, nous savons l’importance de ce secteur économique en matière d’emplois non délocalisables, de valorisation de notre patrimoine et de nos territoires. Voilà pour la carte postale.
La demande touristique mondiale explose et l’offre touristique évolue également, avec l’apparition de nouveaux acteurs.
Notre débat intervient alors que nous aborderons probablement samedi l’examen des articles rattachés au projet de loi de finances, notamment l’article 44 bis, qui prévoit une réforme de la taxe de séjour.
Le dispositif proposé au travers de l’amendement du Gouvernement et complété par l’Assemblée nationale comporte de réelles avancées. Tout en laissant aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale la possibilité d’instaurer ou non une telle taxe, il prévoit plusieurs fourchettes, en fonction de la catégorie de l’hébergement, et un relèvement du plafond pour les hôtels de luxe et autres palaces.
Ensuite, il vise à renforcer l’efficacité du recouvrement, en prévoyant notamment que la collecte de la taxe de séjour sera réalisée par les plateformes en ligne.
Je rappelle cependant que le tourisme est une activité extrêmement diverse selon les territoires et que les enjeux ne sont pas les mêmes à Paris et dans les communes rurales.
À ce titre, cette réforme pose plusieurs problèmes. Je pense tout particulièrement aux gîtes ruraux, dont les propriétaires font part de leurs inquiétudes. Nous le savons, ce mode d’hébergement s’est développé notamment dans les zones rurales, loin des grandes concentrations du tourisme de masse, et constitue un élément de l’attractivité de certaines régions. Ces gîtes y sont parfois le seul mode d’hébergement, avec les campings.
M. le président. Ma chère collègue, veuillez poser votre question.
Mme Françoise Laborde. Ils sont, en outre, particulièrement recherchés par les familles, notamment en raison de leur coût attractif.
L’article 44 bis, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, place dans la même catégorie les hôtels 4 étoiles et les gîtes ruraux 4 épis, pour reprendre leur nomenclature.
M. le président. Veuillez maintenant poser votre question !
Mme Françoise Laborde. Nous estimons que ces meublés de tourisme n’ont pas à être assujettis au même plafond que les hôtels traditionnels.
Une seconde inquiétude porte sur les plateformes de réservation.
M. le président. Madame Laborde, vous devez respecter votre temps de parole !
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, je n’userai pas de mon droit de réplique.
Le texte adopté à l’Assemblée nationale vise les grandes plateformes de réservation en ligne. Il pourrait également concerner des plateformes plus modestes dans les régions, ces dernières n’ayant pas la capacité d’organiser la collecte de la taxe de séjour. Comment le Gouvernement entend-il distinguer les unes des autres ?
M. le président. Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes pour poser sa question ! Vous avez consommé votre temps de réplique, ma chère collègue.
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie le Sénat d’avoir choisi comme sujet de cette séance de questions cribles le tourisme, dont on ne répétera jamais assez qu’il est un secteur majeur de notre économie, créateur d’emplois non délocalisables, et qu’il faut le soutenir.
Une réforme de la taxe de séjour était nécessaire et, me semble-t-il, souhaitée par tout le monde. L’augmentation initialement envisagée était à notre avis excessive. Après une concertation à laquelle ont participé des parlementaires et des représentants de la profession, nous aboutissons finalement à une solution raisonnable : aucune modification de tarif pour les hôtels 1 et 2 étoiles, une hausse très modeste pour les hôtels 3 et 4 étoiles, une augmentation plus importante pour les hôtels 5 étoiles et les palaces.
S’agissant des plateformes de réservation, il a été souhaité que la taxe de séjour leur soit étendue, selon des modalités de prélèvement à définir, afin que la concurrence puisse s’exercer normalement. En effet, il n’y a aucune raison que toute une série d’opérations soit hors du champ de cette taxe.
Enfin, la question des gîtes demande une attention particulière. Nous la traiterons dans la concertation.
Vous avez dit, madame la sénatrice, que la France était la première destination touristique au monde. Cela est vrai en nombre de visiteurs, mais, en termes de recettes – et c’est là l’essentiel –, la France ne se classe qu’au troisième rang mondial. Il y a donc un gros effort à faire.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour la réplique.
Mme Françoise Laborde. Je vous remercie de cette réponse très satisfaisante, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour le groupe CRC.
M. Michel Le Scouarnec. Pour beaucoup, le tourisme, c’est avant tout les vacances, quand l’impatience du départ est vite balayée par la joie de partir vers de nouveaux horizons.
Derrière ces moments de bonheur se cachent une véritable industrie et une économie importante, puisque celle-ci représente 6,5 % de notre PIB et près de 900 000 emplois salariés directs.
Au-delà des préoccupations légitimes liées au poids économique de cette industrie, nous ne pouvons pas ignorer la situation des salariés du secteur, dans lequel la proportion de bas salaires est forte.
À cela s’ajoute le recours massif aux emplois saisonniers, synonymes bien souvent d’atteintes au droit du travail, de précarité, de conditions de logement difficiles et de santé dégradée.
Pourtant, cet état de fait est connu depuis longtemps et des solutions existent. Quand comptez-vous les mettre en œuvre, monsieur le ministre ?
Les professionnels du tourisme ont vu leurs métiers se transformer, ce qui nécessite notamment la mise en place de formations adaptées aux exigences de ces évolutions.
Une initiative novatrice est promue en Bretagne dans le secteur de l’hôtellerie de plein air, avec la mise en place d’une formation originale à destination des professionnels, alternant cours pratiques et cours théoriques sur trois ans et devant déboucher sur l’obtention d’un diplôme et, surtout, d’un contrat à durée indéterminée.
Ce dispositif pérennise l’emploi en le qualifiant, tout en permettant à nos territoires, à nos entreprises et à nos salariés d’envisager un développement économique durable. Cette expérience tendant à accroître la plus-value professionnelle pourrait être soutenue, d’une part, et étendue à d’autres régions, d’autre part. Monsieur le ministre, pourriez-vous envisager de développer de telles offres de formation ?
Malgré leurs liens étroits avec les collectivités, les offices de tourisme sont soumis à la baisse des dotations. La régionalisation et le transfert des compétences soulèvent des interrogations, en matière tant d’organisation que de dynamisme en termes de développement touristique. Comment percevez-vous les perspectives de la réforme territoriale pour le secteur du tourisme ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre. Si l’on veut que le secteur du tourisme soit dynamique, efficace, il faut que les salariés soient bien formés et que leurs conditions de travail et de vie soient correctes. En matière de formation, notamment, beaucoup de progrès restent à faire. À cet égard, l’initiative que vous avez citée me paraît extrêmement intéressante. La profession et les pouvoirs publics souhaitent mettre l’accent sur la formation.
Évidemment, les métiers du tourisme présentent des contraintes spécifiques, en termes d’horaires, de durée du travail, de saisonnalité des emplois. Il faut trouver un équilibre, entre la réponse aux attentes des touristes et la nécessité d’assurer aux salariés des conditions de travail correctes. Les assises du tourisme se sont penchées sur cette problématique.
En ce qui concerne les incidences de la réforme administrative, l’idée du Gouvernement est de confier, pour l’essentiel, la compétence en matière de tourisme aux régions, sans perdre pour autant la vitalité locale. Il faut trouver une bonne articulation avec les offices de tourisme locaux, qui devront avoir une taille suffisante. Nous y travaillons, mais une assise régionale est nécessaire. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour la réplique.
M. Michel Le Scouarnec. C’est le centre d’Auray de l’Association pour la formation professionnelle des adultes qui a mis en place la formation aux métiers du tourisme que j’évoquais. Il serait souhaitable que d’autres régions puissent bénéficier de cette expérience.
Évidemment, l’attractivité à l’international de son secteur touristique est importante pour notre pays, mais je pensais surtout, en vous interrogeant, aux familles de France. À cet égard, il faut veiller à ce que les colonies de vacances ne sombrent pas, compte tenu des difficultés qu’elles connaissent actuellement. Les collectivités locales ont beaucoup fait pour elles dans le passé, mais on constate une baisse de la fréquentation. Trop d’enfants ne partent pas en vacances ; c’est pourquoi nous devons encore faire des efforts pour que les familles françaises puissent aussi faire du tourisme dans leur pays. (Mme Corinne Bouchoux applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe écologiste.
M. Joël Labbé. La France dispose de nombreuses richesses dans ses territoires, ce qui fait incontestablement de notre pays une destination touristique très prisée. Cependant, la prospérité de notre industrie touristique ne doit pas cacher les importants défis auxquels le secteur doit faire face aujourd’hui.
Un défi majeur tient à la concentration touristique dans l’espace et dans le temps : les zones les plus attractives – frange littorale, îles, zones montagneuses – sont aussi les plus vulnérables. L’équilibre entre la valorisation touristique de ces territoires et la préservation de l’environnement est très fragile. En tant que sénateur, comme l’orateur précédent, d’un département au littoral très convoité, je sais de quoi je parle !
La concentration du tourisme pose le problème de la capacité de charge des territoires, c’est-à-dire du seuil de fréquentation au-delà duquel apparaissent, d’une part, des dysfonctionnements liés à la saturation des infrastructures, et, d’autre part, des problèmes environnementaux et sociétaux.
Le récent avis du Conseil économique, social et environnemental sur le tourisme et le développement durable en France comporte un certain nombre de préconisations pour offrir une alternative au tourisme de masse concentré sur certains territoires : développement d’un tourisme de nature irriguant l’ensemble des territoires et fondé sur leurs atouts culturels, gastronomiques, artistiques, etc., mise en place de circuits, pédestres ou autres.
La réalité du terrain est souvent tout autre. La pression d’opérateurs privés pour la réalisation de projets de grande envergure, consommateurs d’espaces naturels, aux antipodes d’un tourisme durable, ne faiblit pas.
Monsieur le ministre, quelle est la stratégie du Gouvernement en matière de tourisme durable ? Le Gouvernement a-t-il l’intention de mettre en œuvre une réflexion nationale sur la capacité de charge des territoires permettant de rendre cette notion opérationnelle ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre. Monsieur le sénateur, ma réponse à votre seconde question est « oui » !
Vous mettez l’accent sur un point important : on note une évolution dans la demande des touristes, qu’ils soient français ou étrangers. Bien évidemment, on souhaite visiter Paris, le château de Versailles, le Mont-Saint-Michel, mais, en même temps, se fait jour une demande de tourisme plus individuel, plus adapté. Je ne sais pas exactement comment on pourrait le qualifier : tourisme doux, lent, durable… Nous avons l’intention, avec M. Fekl, de constituer un pôle autour de cette notion.
D’une part, cela correspond à une demande. D’autre part, il convient d’éviter des déséquilibres qui se retourneraient contre le tourisme lui-même. En effet, si les touristes ne sont pas satisfaits de ce qu’ils vivent et de ce qu’ils voient, le bouche-à-oreille est mauvais. J’accueille donc tout à fait positivement l’orientation générale que vous avez tracée.
Il faut une diversité des formes de tourisme et des sites si nous voulons accueillir 100 millions de touristes étrangers. Voilà dans quelle direction nous voulons travailler.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.
M. Joël Labbé. Je salue cette volonté de couvrir le territoire, mais les opérateurs privés, qui ciblent des espaces extrêmement privilégiés pour y amener un tourisme de masse, en créant des parcs de stationnement, en sacrifiant parfois des espaces forestiers, exercent de fortes pressions. La diversification des sites n’est pas une réponse suffisante.
Le tourisme véritablement durable, c’est celui qui ne se borne pas à viser des bénéfices à court terme, le temps d’une génération ; c’est celui qui permettra que, en 2080 ou en 3000, le tourisme perdure sur notre territoire.
M. le président. La parole est à M. Luc Carvounas, pour le groupe socialiste.
M. Luc Carvounas. Je tiens tout d’abord à remercier le groupe socialiste et son président, Didier Guillaume, d’avoir accepté de soutenir ma proposition d’organiser une séance de questions cribles thématiques sur l’industrie du tourisme. Votre présence, monsieur le ministre, témoigne de l’intérêt tout particulier que le Gouvernement porte à cette problématique et d’une prise de conscience de l’importance de ce secteur pour notre économie.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, placer le numérique au cœur de la promotion du tourisme relève des cinq priorités affichées par le Gouvernement à l’issue des assises du tourisme. Le tourisme de demain se dessine avant tout via internet. Anticiper les mutations du secteur et innover technologiquement est donc une impérieuse nécessité pour conserver notre rang et conquérir de nouveaux marchés.
Pour rendre compte de ce que représente l’essor de ce que l’on nomme le « e-tourisme », il suffit de mettre en relief trois chiffres : en 2013, 62 % des Français partis en vacances, soit près de 20 millions de voyageurs, ont planifié leur séjour en ligne ; 30 % des internautes ont réalisé leur réservation via leur smartphone ; en 2015, le chiffre d’affaires de l’e-tourisme français devrait grimper à 23 milliards d’euros, soit 18 % du marché européen.
Monsieur le ministre, la promotion de l’industrie touristique française à l’international se veut aujourd’hui « diplomatique », par référence au concept de « diplomatie économique » qui vous est cher. Pour être pleinement efficace, elle doit être adossée à une vraie stratégie de promotion numérique. Capter le trafic des nouvelles clientèles mondiales sur internet, tel est l’enjeu primordial pour la promotion touristique française. Des pistes intéressantes s’ouvrent d’ores et déjà devant nous, par exemple le développement du m-tourisme, via les téléphones portables, des clusters et des incubateurs, ou encore la création d’un portail numérique de promotion de la France fondé sur ses « marques territoires ».
Monsieur le ministre, vous avez fixé une grande ambition dans le cadre du plan Tourisme 2020 visant à accueillir 100 millions de visiteurs à cette échéance. Quelles mesures le Gouvernement entend-il donc prendre pour faire demain de la France un leader mondial du « tourisme connecté » ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre. Monsieur Carvounas, je vous remercie d’avoir été à l’origine de cette séance de questions cribles.
Vous mettez l’accent sur un fait crucial : désormais, les clients tapotent sur un outil informatique et font des recherches sur internet avant même d’avoir choisi leur destination. Cette tendance est encore plus nette parmi les plus jeunes.
Toute la question est de savoir qui contrôle l’offre. Aujourd’hui, ce sont souvent des plateformes américaines. Pour être répertorié, un hôtelier, par exemple, doit leur reverser un pourcentage de son chiffre d’affaires, qui va croissant… C’est un problème. Il faut donc que nous soyons excellents en matière d’e-tourisme.
Nous avons un gros travail à accomplir. Dans le cadre du Conseil de promotion du tourisme, dont vous faites partie, monsieur Carvounas, j’ai demandé à Mme Faugère, qui a œuvré dans ce domaine pour la SNCF, et au président-fondateur d’Easy Voyage de se pencher sur la question. Ils ont procédé à une quarantaine d’auditions et nous allons, dans les jours à venir, nous attacher à élaborer un dispositif.
Il importe que les Français soient très présents sur la Toile, que les marques que nous mettons en avant soient connues et reconnues de tous. Cela nécessite que, aux plans français, européen et mondial, nous défendions ces marques, y compris juridiquement.
De plus en plus d’opérateurs comprennent l’importance de cette démarche. Si nous ne sommes pas très présents, très performants en matière numérique, notre industrie touristique en pâtira. Il ne suffit pas que nous soyons les premiers en termes de nombre de touristes accueillis : nous devons être parmi les premiers en matière d’e-tourisme. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Luc Carvounas, pour la réplique.
M. Luc Carvounas. Je remercie M. le ministre de sa réponse, qui montre que cette industrie, la première de France, est en voie d’entrer dans le XXIe siècle par le bon angle, celui du e-tourisme, pour rester leader dans le monde.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, pour le groupe UDI-UC.
M. Jean-Jacques Lasserre. Le développement de notre industrie touristique passe notamment par une bonne gouvernance des structures publiques au niveau local. Ce sont elles, en effet, qui vont développer les performances touristiques des territoires, conseiller les collectivités, soutenir les investisseurs et appuyer les prestataires.
La question de l’attribution de la compétence « tourisme » est centrale à cet égard. Elle alimente nombre de discussions en ce moment, à l’approche de l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Monsieur le ministre, vous avez mis l’accent sur l’intérêt de donner la priorité à la notion de « destination phare ». Cette orientation est largement approuvée dans son principe. La visibilité de l’« offre France », notamment à l’égard des nouvelles clientèles, gagnerait à sa mise en œuvre.
Les acteurs locaux également mettent de plus en plus en avant l’idée de destination ou de produits. Il nous faut donc rechercher la bonne articulation entre ces deux idées fortes. Cela nécessitera une véritable concertation, aussi bien sur le plan conceptuel que sur la stratégie à développer, entre les collectivités territoriales et les acteurs économiques.
À l’échelon institutionnel, les conseils généraux, en relation avec les autres collectivités locales, sont les mieux placés, de notre point de vue, pour promouvoir cette notion de produits touristiques territorialisés.
Dans un souci de clarification et d’efficacité, pensez-vous possible, monsieur le ministre, et si oui, dans quelles conditions, de conforter le rôle des départements dans la définition et l’application de la politique de destination ou de produits territorialisés ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre. Monsieur le sénateur, vous insistez, à juste titre, sur les marques. Si l’on veut attirer les touristes, qu’ils soient français ou étrangers, il faut mettre en avant un nombre raisonnable de marques qui leur parlent.
M. Joël Guerriau. « Produit de Bretagne » !
M. Laurent Fabius, ministre. Ou de Normandie, pour prendre un autre exemple au hasard ! (Sourires.) En tout cas, il n’en faut pas 500, sauf à se disperser et à finir par arroser le sable.
Cette idée de promouvoir des marques et des contrats de destination me semble donc assez porteuse.
En ce qui concerne l’organisation territoriale, le choix a été fait de donner l’essentiel de la compétence à la région. Cela ne signifie pas que les autres échelons disparaissent : les communautés d’agglomération, en particulier, auront des responsabilités. Le Gouvernement a aussi accédé à la demande de ceux qui voulaient que la spécificité des zones de montagne soit prise en compte. En tout état de cause, il faudra trouver une articulation. Les départements n’ont pas vocation à disparaître… (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Ce n’est pas sûr, si vous écoutez ce que dit le Gouvernement.
M. Laurent Fabius, ministre. J’écoute ce que dit le Gouvernement ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
Il faut néanmoins atteindre une masse critique, d’où le choix des marques et de la région, tout en adaptant le dispositif à la réalité territoriale.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, pour la réplique.
M. Jean-Jacques Lasserre. Nous aurons l’occasion de reparler de ces questions lors de l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Ce que je sais, c’est que les touristes ne se rendent pas en Aquitaine, mais au Pays basque ou à Lascaux. Ils ne se décident pas en fonction du découpage administratif, de plus en plus dépourvu de signification. Je pense vraiment que le conseil général est le meilleur pilote pour l’exploitation commerciale des marques locales. Les marques régionales sont plus impersonnelles, moins attractives et, dans la pratique, le business ne s’appuiera pas sur elles. Nous aurons l’occasion d’en rediscuter.
M. le président. Rendez-vous le 16 décembre !
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour le groupe UMP.
Mme Élisabeth Lamure. Je souhaite évoquer la simplification administrative. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
Les professionnels du tourisme sont affectés par l’empilement des normes, qui s’est accentué ces dernières années et devient une source d’inquiétude croissante pour ce secteur. Les professionnels du tourisme, en particulier ceux de l’hôtellerie de plein air, dont la clientèle est très sensible au prix, doivent faire face aux effets conjugués de la crise économique et de la hausse permanente de leurs charges. Je pourrais citer par exemple la hausse de la TVA, passée de 5,5 % à 7 % en 2012, puis à 10 % en 2014.
Le Gouvernement a certes entrepris de simplifier la vie des entreprises en proposant diverses mesures à cette fin, mais, pour chaque mesure de simplification, combien de nouvelles normes impose-t-on à nos entreprises ? Le millefeuille administratif, en réalité, ne cesse de s’épaissir !
Le cas de l’hôtellerie de plein air illustre parfaitement cette situation. Les contraintes d’insertion paysagère, les règles d’accessibilité, la réforme de la procédure de classement : autant de mesures certes légitimes considérées individuellement, mais qui, cumulées, empêchent les professionnels du camping de se concentrer sur leur mission principale, à savoir l’accueil, l’hébergement et le divertissement de leur clientèle.
Le Président de la République appelait en 2013 à « ériger le tourisme en grande cause nationale ». Le Gouvernement doit désormais passer à l’acte, écouter vraiment les professionnels et prendre toutes mesures pour redonner de l’air à ce secteur.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer quelles mesures concrètes sont envisagées afin d’alléger les contraintes qui pèsent sur les professionnels du tourisme ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre. Madame la sénatrice, j’étais récemment à Nancy pour ouvrir le soixante-deuxième congrès de l’UMIH, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie. Le président de l’UMIH a prononcé un discours extrêmement responsable, exposant les difficultés de la profession auxquelles vous avez fait allusion. Il a aussi pris acte de la volonté du Gouvernement de donner une nouvelle impulsion à ce secteur, et nous avons abordé la question de la simplification administrative.
Le Sénat a examiné un projet de loi d’habilitation portant sur ce thème et concernant différents domaines, tels que l’urbanisme ou l’environnement. Nous avons travaillé avec la profession pour simplifier les normes. Je ne dis pas que cela sera suffisant, mais cette démarche devrait nous permettre d’avancer de manière significative.
La loi ayant été votée, il revient ensuite au Gouvernement de remplir les cases. L’article 31 bis prévoit une habilitation en vue de procéder à diverses simplifications concernant en particulier la procédure de mise aux normes et d’urbanisme pour les équipements et aménagements touristiques. Dans les limites de ce champ assez vaste, nous allons procéder à une simplification, en lien avec la profession.
Les professionnels de l’hôtellerie sont très souvent des entrepreneurs individuels, accompagnés de quelques salariés. Ils doivent pouvoir consacrer leur temps à exercer leur métier, et non à remplir des papiers ! (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.) Nous sommes absolument d’accord là-dessus. Dès lors que nous irons dans ce sens, non seulement l’accueil sera meilleur, mais le moral des professionnels s’améliorera. Je compte sur l’Assemblée nationale et le Sénat pour nous aider. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour la réplique.
Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le ministre, nous partageons en effet le même constat, mais l’article 31 bis du projet de loi d’habilitation prévoit justement de créer un cadre réglementaire pour les aires d’accueil de camping-cars. C’est un règlement supplémentaire, et non une simplification ! Les intentions ne sont pas toujours suivies d’effet, malheureusement ! (Voilà ! sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre, par dérogation exceptionnelle !
M. Laurent Fabius, ministre. Je m’incline devant votre générosité éclairée, monsieur le président !
Le Gouvernement a pris acte de la suppression par le Sénat, dans le projet de loi d’habilitation, de la disposition autorisant à créer un cadre réglementaire pour les aires d’accueil de camping-cars et ne déposera pas d’amendement visant à la réintroduire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour le groupe socialiste.
M. Yannick Vaugrenard. Dans le classement des destinations les plus prisées, la France figure au premier rang, sur 193 pays. Toutefois, certains de nos concurrents, comme l’Italie et l’Espagne, nous talonnent. Aujourd’hui, un milliard de touristes voyagent à travers le monde chaque année ; dans quinze ans, ils seront deux fois plus nombreux.
Nous devons nous organiser pour faire face à cette évolution, et cela passe par une nécessaire diversification de l’offre. Nous devons aussi nous tourner vers le tourisme industriel. En effet, en 2011, le tourisme artisanal et industriel a attiré plus de 10 millions de visiteurs dans plus de 5 000 entreprises. Je pense notamment à la construction navale, qui tient une place si particulière en Loire-Atlantique. Les chantiers de Saint-Nazaire construisent le plus grand paquebot du monde, et le tourisme industriel y connaît un succès remarquable. Ces bonnes pratiques doivent continuer d’être développées et soutenues.
Outre ses retombées économiques, ce type de tourisme permet de créer un lien essentiel entre la population et les entreprises, mais également d’irriguer tout le pays, plutôt que de laisser l’activité touristique se concentrer sur quelques sites prestigieux.
Je sais que le Gouvernement est actif et que de nombreuses actions ont été lancées depuis 2012 pour soutenir le tourisme. Monsieur le ministre, je voudrais cependant vous poser deux questions : de quelle manière les pôles d’excellence mis en place par l’Institut français du tourisme travaillent-ils au développement du tourisme industriel ? Comment peut-on mieux développer les liens entre les collectivités territoriales et les entreprises pour renforcer ce type de tourisme ?
Par ailleurs, au-delà de l’augmentation de l’offre touristique dans notre pays, le tourisme industriel peut permettre de susciter des vocations, dans des secteurs qui rencontrent parfois des difficultés importantes de recrutement. Il peut donc contribuer au rayonnement et à l’attractivité des territoires. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre. Je me réjouis de cette question, qui nous donne l’occasion d’aborder un sujet peu fréquemment traité au sein de nos assemblées.
Le tourisme industriel ou des savoir-faire revêt une grande importance. EDF fait visiter ses barrages,…
Mme Frédérique Espagnac. Et des centrales !
M. Laurent Fabius, ministre. … Veolia et la RATP ouvrent les portes de leurs établissements, les bonbons Haribo celles de leur usine… Il peut aussi s’agir d’entreprises plus modestes. Me trouvant moi-même récemment au Mont-Saint-Michel, j’en ai profité pour visiter l’entreprise Saint James, qui produit des tricots, des marinières. Je n’en porte pas aujourd’hui… (Sourires.)
M. Yvon Collin. Cela a déjà été fait !
M. Laurent Fabius, ministre. En effet !
Cette entreprise dispose d’un savoir-faire absolument magnifique. L’organisation de telles visites est positive pour les touristes, bien sûr, mais aussi pour les salariés, dont le travail est valorisé. Cela donne une image extrêmement fidèle et gratifiante de la réalité de la France.
Par conséquent, nous avons bien l’intention de favoriser le développement de cette forme de tourisme. J’ai demandé au patron de Saint James, M. Luc Lesénécal, de prendre la tête du nouveau pôle d’excellence du savoir-faire. Son travail, non rémunéré d’ailleurs, consistera à rassembler toutes les expériences allant dans le sens que vous préconisez, monsieur le sénateur.
Mme Françoise Laborde. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour la réplique.
M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Vous avez indiqué que les régions exerceraient la compétence en matière de tourisme. Il faut que tout soit fait pour éviter les doublons et instaurer une complémentarité intelligente entre les assemblées régionales, les assemblées départementales, les intercommunalités et les communes.
Par ailleurs, je voudrais appuyer les propos qui ont été tenus par M. Le Scouarnec tout à l’heure. La difficulté de la situation économique et sociale est telle que près d’un Français sur deux ne part pas en vacances aujourd’hui. Il me semble que la question du tourisme social doit aussi être évoquée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour le groupe UMP.
M. Michel Magras. En marge de la présentation des crédits de la mission « Outre-mer », Mme Pau-Langevin a annoncé un plan de relance du tourisme ultramarin.
Le secteur touristique représente 7 % du PIB en Guadeloupe et en Martinique, alors que ces îles disposent en réalité d’une matière première inépuisable pour cette industrie. Le tourisme occupe environ 3 % des effectifs salariés à La Réunion et 9 % en Guadeloupe. Si l’on met ces chiffres en regard de ceux du chômage, on ne peut que considérer qu’il y a urgence à redresser ce secteur, sauf à le condamner définitivement et à obérer son important potentiel de croissance et d’emplois.
Parallèlement, dans la zone Caraïbe, Saint-Domingue accueillait en 2012 plus de 4 millions de visiteurs, quand la Guadeloupe et la Martinique en recevaient 450 000. Cela montre que l’explication du déficit est à rechercher non dans une désaffection des touristes pour cette zone, mais bien dans l’absence de compétitivité des îles françaises.
Il y a donc lieu de mettre en place une approche globale. Dans cette optique, la mise aux normes internationales du parc hôtelier, si elle ne peut en soi constituer une stratégie touristique, reste fondamentale.
En outre, la suppression du dispositif fiscal d’aide à la rénovation hôtelière – au demeurant très largement insuffisant pour répondre aux besoins – ne peut se concevoir que si le Gouvernement envisage de le remplacer par un dispositif mieux adapté et plus efficace.
Par ailleurs, il est impératif de développer une approche par les coûts, notamment en ce qui concerne les charges pesant sur les entreprises du secteur. En témoignent les retards de paiement des charges sociales, alors que les prix sont les plus élevés de la zone Caraïbe, pour des prestations souvent inférieures.
Enfin, une véritable stratégie de relance du secteur suppose une approche globale, incluant la prise en compte de questions culturelles et sociales qui freinent le développement de l’activité. De même, la mobilisation de tous les acteurs, y compris politiques, de tous bords s’impose. La Cour des comptes appelle, quant à elle, à un indispensable sursaut.
Monsieur le ministre, pourriez-vous m’indiquer si des orientations ont déjà été arrêtées dans la perspective de ce plan de relance ? Si oui, quelles sont-elles ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre. Votre question est très intéressante, monsieur le sénateur, car elle retrace bien la situation extrêmement difficile que connaît depuis près de vingt ans le secteur du tourisme outre-mer. De nombreux rapports publics ont été produits sur ce sujet.
Cette situation est marquée par une baisse de la fréquentation touristique dans plusieurs territoires. Les causes en sont multiples et doivent être envisagées avec lucidité.
L’offre touristique outre-mer souffre d’un manque de compétitivité dans un contexte de forte concurrence. Le rapport qualité-prix est bien sûr un élément déterminant dans le choix d’une destination par les touristes. Or la qualité de service laisse parfois à désirer. En outre, certains instruments de promotion ne sont pas toujours au point et les dessertes, régionales et internationales, ne sont pas forcément satisfaisantes. Si l’on additionne tout cela, on aboutit à un constat qui n’est guère brillant.
Nous avons pourtant entre les mains un joyau, avec des sites absolument magnifiques et un grand potentiel de croissance. À côté des pistes traditionnelles, à savoir l’amélioration de la qualité des hôtels, du service, de la formation, de l’accueil, apparaissent de nouvelles pistes, avec le développement des croisières, du nautisme, de la petite et moyenne hôtellerie, du tourisme de gîtes : ce sont autant de directions intéressantes.
La question des dessertes aériennes n’est pas la plus aisée à résoudre, mais elle est décisive, car si nos territoires sont mal desservis ou le sont à des coûts très élevés, les touristes iront ailleurs.
J’ai demandé au Conseil de promotion du tourisme de travailler sur l’outre-mer. Nous allons consacrer une séance spécifiquement à ce sujet, qui sera précédée de multiples échanges, afin d’étudier comment renforcer l’attractivité et la promotion de nos sites ultramarins. Nous rendrons au printemps nos conclusions, qui déboucheront sur un plan d’action précis.
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour la réplique.
M. Michel Magras. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir adressé ce message qui, je l’espère, sera entendu par l’outre-mer.
Dans le domaine du tourisme, il faut savoir se faire une place, mais le plus difficile est encore de la garder. On l’a souvent rappelé, l’essentiel n’est pas tant de faire venir des touristes que de les faire revenir.
L’outre-mer dispose d’un potentiel touristique inépuisable, mais il peine à conserver sa place. Peut-être les élus locaux eux-mêmes ont-ils tardé à accompagner les professionnels du secteur.
Je veux croire que l’outre-mer pourra continuer à compter sur le Gouvernement. Son appui lui est absolument indispensable, et le chemin qui reste à faire est long ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. David Rachline, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. David Rachline. Monsieur le ministre, s’il est un secteur dans lequel la France est encore le premier pays du monde, c’est bien celui du tourisme. Nous devons cette place non seulement à la diversité de nos territoires, mais aussi à la richesse de notre histoire. De plus, ce secteur est soutenu à la fois par l’État, au travers de grands établissements, par des collectivités territoriales et par des opérateurs privés. Cette diversité d’acteurs souligne que l’industrie du tourisme reste un moteur de notre croissance et de notre rayonnement.
J’ai cherché à savoir quelle politique vous entendiez mettre en œuvre en matière de tourisme. En parcourant le site internet du Quai d’Orsay, on apprend que l’une de vos actions est de « promouvoir la destination France ». Sous l’intitulé « Événements et actualités liés à la promotion du tourisme », on trouve une rubrique « Attractivité de la France », comportant par exemple un article sur l’ouverture de la fondation Louis-Vuitton, qui témoigne de votre souci d’être au fait de l’actualité de certains acteurs de la filière touristique.
Toutefois, je m’étonne de votre silence, de celui du Gouvernement et même de l’Élysée lorsque l’un des grands sites touristiques français est primé au niveau mondial. Ce gouvernement si prompt à féliciter nos sportifs ou nos acteurs, qui pour une médaille, qui pour un oscar, est resté tristement muet, il y a quelques jours, lorsque le parc du Puy du Fou a reçu l’Applause Award, récompense qui exprime la reconnaissance de ses pairs. C’est la première fois depuis vingt ans qu’un parc européen se voit décerner cette distinction, au terme d’une compétition confrontant plus de 700 parcs à thème à travers le monde.
J’ai cherché en vain la trace d’une déclaration saluant l’obtention de cette récompense ! Certes, des prix sont décernés tous les jours, me direz-vous, mais les occasions de se réjouir de l’excellence française ne sont pas légion par les temps qui courent…
Malgré les réglementations plus contraignantes les unes que les autres que l’on impose aux professionnels du tourisme, parfois en dépit du bon sens, certains acteurs parviennent à proposer une offre de qualité, qui suscite l’adhésion des touristes, français comme étrangers, et fait l’admiration des professionnels du secteur à l’échelle mondiale.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. David Rachline. Le parc du Puy du Fou est aujourd’hui mondialement reconnu pour la qualité de ses spectacles et son savoir-faire technologique.
Ma question est simple : pourquoi ne pas avoir mis en avant l’excellence française en saluant la récompense reçue par ce grand acteur de l’industrie du tourisme ? Comment comptez-vous promouvoir l’attractivité de la France si vous ne travaillez pas avec les professionnels qui tirent notre secteur du tourisme vers le haut ? Je n’ose penser que des considérations politiciennes sont la cause de votre silence…
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre. De mon côté, monsieur le sénateur, je n’ose penser que de telles considérations sont la cause de votre question !
C’est la deuxième fois que le parc du Puy du Fou reçoit cette récompense internationale. (M. David Rachline acquiesce.) Je vous remercie de souligner l’excellence de ce site, qui reçoit un très grand nombre de visiteurs. Au reste, chaque fois que vos collègues sénateurs vous entendront vanter l’excellence française, ils s’en réjouiront certainement.
Les efforts que nous consentons, les uns et les autres, aux niveaux départemental, régional et national, visent à renforcer encore notre attractivité, non seulement parce qu’il s’agit de l’image de la France, mais aussi parce qu’il y va de nos emplois : le secteur du tourisme en compte 2,2 millions, non délocalisables de surcroît. J’ajoute que les perspectives de créations d’emplois sont immenses dans ce domaine.
Il est très important, à cet égard, que la France soit ouverte sur l’extérieur, car nos sites touristiques reçoivent de plus en plus de visiteurs européens et internationaux. Pour que l’économie de son secteur touristique puisse rayonner, la France doit rester fidèle à sa meilleure tradition d’ouverture et de qualité.
Tout à l’heure, j’insistais sur la nécessité de développer l’e-tourisme. Malheureusement, beaucoup de noms de domaine sont déjà pris, et nous ne pouvons donc pas les utiliser. Cela étant, j’ai demandé à toutes nos ambassades de renvoyer, sur leur site internet, aux activités touristiques. Chacun d’entre nous, quelles que soient ses responsabilités, doit se faire le promoteur du tourisme français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. David Rachline, pour la réplique.
M. David Rachline. Monsieur le ministre, je souscris bien sûr pleinement à vos propos. Il va sans dire que je suis favorable à ce que la France conserve son ouverture, particulièrement en matière touristique. Je n’en reste pas moins inquiet des effets de votre politique, qui ne permet pas au commerce de s’épanouir pleinement, à notre économie touristique de trouver sa complète efficacité.
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques sur l’industrie du tourisme.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre participation à ces échanges fort intéressants.
Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)
PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Loi de finances pour 2015
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale.
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
Compte d’affectation spéciale : Développement agricole et rural
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (et article 47) et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
La parole est à M. Alain Houpert, rapporteur spécial.
M. Alain Houpert, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec un grand plaisir que je rapporte en séance publique, pour la première fois, les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Avant de vous présenter mon analyse de quelques faits marquants concernant les crédits de cette mission pour 2015, je souhaite dire quelques mots, à titre introductif, de l’évolution globale de ces derniers.
J’observe tout d’abord qu’il nous est proposé de doter cette mission, pour 2015, de 3,1 milliards d’euros de crédits en autorisations d'engagement et de 2,9 milliards d’euros en crédits de paiement. Ce budget connaît donc une évolution contrastée : la hausse de 4,2 % des autorisations d’engagement est contredite par la réduction de 8 % des crédits de paiement. Vous trouverez tous les éléments chiffrés dans le rapport qui vous a été distribué, mes chers collègues, y compris pour les dépenses fiscales. Je ne m’y attarderai donc pas davantage.
Pour mémoire, le rapport Guillaume sur les dépenses fiscales et sociales a mis en exergue des résultats satisfaisants pour ce qui concerne la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », la quasi-totalité des dépenses fiscales rattachées à celle-ci étant jugées assez ou très efficaces. Je relève d’ailleurs que ces dispositifs, souvent assez anciens, ne sont pas des initiatives du gouvernement actuel. Rendons à César ce qui est à César !
J’en arrive à mes analyses de fond sur la mission.
S’agissant des mouvements de crédits en 2015, l’évolution contrastée des autorisations d'engagement et des crédits de paiement n’est que la traduction de la poursuite de l’application de la nouvelle programmation financière de la politique agricole commune, la PAC.
Plus encore qu’en 2014, l’évolution des crédits budgétaires consacrés à l’agriculture s’explique notamment par l’évolution des cofinancements communautaires. Je ne peux donc m’associer à la présentation du Gouvernement selon laquelle ce projet de budget manifesterait à la fois un engagement en faveur de l’agriculture et la contribution du ministère à l’effort de maîtrise des dépenses publiques. Monsieur le ministre, cette manière de présenter les choses est surprenante !
M. Didier Guillaume. C’est pourtant la réalité !
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Elle est d’autant moins acceptable qu’une analyse objective disqualifie totalement les arguments de la majorité gouvernementale.
J’ajoute, à cet égard, que le compromis agricole européen, que vous prétendez, monsieur le ministre, avoir obtenu de haute lutte et au prix d’importantes concessions, se traduit en réalité par de moindres ambitions pour nos productions agricoles,…
M. Didier Guillaume. C’est tout l’inverse !
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. … alors que l’Europe pourrait davantage contribuer aux équilibres alimentaires mondiaux.
En outre, la réduction mécanique des crédits de paiement touche plus particulièrement les dépenses d’intervention effectivement perçues par nos agriculteurs, celles qui leur sont donc le plus utiles.
Par ailleurs, je m’interroge sur la sincérité de votre projet de budget, monsieur le ministre. En effet, les crédits dédiés aux aléas n’étant pas provisionnés, celui-ci me semble insincère. Ces crédits sont réduits à néant ! Cela concerne les risques climatiques, économiques et sanitaires, mais aussi les risques associés aux refus d’apurement communautaires, dont la facture pourrait se monter à 1,8 milliard d’euros au total, selon la Cour des comptes. Vous-même, monsieur le ministre, l’avez évaluée à près de 1 milliard d’euros, dont seulement 400 millions d’euros seront pris en charge dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014 ! Comment le Gouvernement entend-il financer ces près de 2 milliards d’euros de dépenses liées aux refus d’apurement communautaires ? Selon quelles modalités ?
Enfin, certaines dotations, comme celles destinées à l’assurance-récolte ou aux industries agroalimentaires, me paraissent sous-calibrées.
M. Didier Guillaume. Elles sont pourtant plus importantes qu’avant !
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Nous y reviendrons tout à l’heure, plusieurs collègues ayant déposé des amendements portant sur ce sujet.
Plus globalement, je m’inquiète des effets concrets des arbitrages budgétaires du Gouvernement, qui ne semble pas prendre la mesure des difficultés économiques rencontrées par les exploitations et par certains territoires.
À ce titre, les points qui suscitent mon inquiétude sont nombreux : je citerai, à titre d’exemples, la simple reconduction des aides globales aux filières, le recours au programme des investissements d’avenir, en remplacement de crédits budgétaires du ministère, l’avenir de la filière sucrière quand l’heure de sa dérégulation approche, le bouclage financier hésitant du plan annoncé par le Président de la République à Cournon, les effets de l’intégration de la prime herbagère agroenvironnementale, la PHAE, dans le dispositif de l’indemnité compensatoire de handicap naturel, l’ICHN, la suppression de certains régimes d’exonération de cotisations sociales, dont celui du « contrat vendanges », des ponctions sur les fonds de roulement de grands partenaires, en particulier les chambres d’agriculture, etc.
Mes inquiétudes redoublent à la vue des coupes opérées par le Gouvernement à l’Assemblée nationale à l’occasion de la seconde délibération. Les crédits de la mission ont été diminués de 26,5 millions d’euros, dont 21,4 millions d’euros au titre du seul programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires », qui porte les dispositifs d’intervention du ministère. Par quelle ardente obligation, monsieur le ministre, justifiez-vous de telles coupes à l’aveugle ? Je vous cite : « une actualisation des prévisions de dépenses » !
Dans ces conditions, je crains que ne s’accentue la perte de vitalité de notre agriculture, qui subit déjà un recul préoccupant en termes de surfaces et d’emplois. J’insiste pour que le désengagement de l’État ne se traduise pas par une réduction des soutiens à la « ferme France ».
À cet égard, il convient de veiller à ce que le pays mobilise ses enveloppes européennes au titre de la PAC et de rester attentifs à la mobilisation effective du programme des investissements d’avenir et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ». En ce qui concerne ce dernier, je me demande si d’autres formules que celle d’un compte d’affectation spéciale ne seraient pas plus propres à assurer la continuité du financement du développement agricole et rural.
Plus globalement, je pense que des économies sont possibles sur la mission « Agriculture alimentation, forêt et affaires rurales », monsieur le ministre, mais je ne crois pas à celles que vous avez annoncées. Il me semble, par exemple, que l’on peut poursuivre les efforts de rationalisation des ressources humaines du ministère. Concernant ces dépenses de personnel, je souhaite que les transferts de responsabilités de l’État vers les régions dans le cadre de la nouvelle PAC soient accompagnés des transferts d’emplois nécessaires.
De même, je crois dans les effets des allégements fiscaux et sociaux et je souhaite que le coût des normes soit mieux maîtrisé.
Enfin, la prise en compte des objectifs de développement agricole durable me paraît aller dans le bon sens, mais je souhaite que les équilibres qui ont permis à l’agriculture de compenser par des gains de productivité le recul des terres et de l’emploi ne soient pas perdus de vue.
J’en terminerai en évoquant l’article rattaché à la mission, que la commission des finances vous proposera de supprimer.
Cet article concerne le champ d’application des dispositifs d’exonération de cotisations sociales de l’emploi saisonnier agricole. Il tend, d’une part, à exclure les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers, les ETARF, du dispositif d’exonération, et, d’autre part, à mettre fin à l’exonération de cotisations sociales dont bénéficient les salariés embauchés pour les vendanges. Ce second volet concerne le régime du fameux « contrat vendanges ».
Selon moi, ces deux mesures ne sont pas justifiées et l’exposé des motifs du Gouvernement n’est pas convaincant. Ainsi, l’objectif de la réforme du régime des ETARF serait la lutte contre la précarisation des emplois et le travail clandestin. Or la saisonnalité de nombreux travaux agricoles est une réalité qui s’impose, et non une organisation du travail choisie par l’employeur ! Une certaine flexibilité du travail est nécessaire, sauf à mettre en difficulté les entreprises concernées. De même, l’argument de la lutte contre le travail clandestin est surprenant, dans la mesure où l’exonération appliquée contribue à normaliser les conditions d’emploi.
Par ailleurs, la suppression de l’exonération pour les « vendangeurs » n’est ni une mesure favorisant l’attractivité de ces emplois, ni une mesure de justice sociale. Elle traduit plutôt, monsieur le ministre, la propension du Gouvernement à rechercher des effets d’aubaine fiscalo-sociaux, ce qui revient à faire des économies de bouts de chandelles sur le dos des plus défavorisés !
Je rappelle qu’il s’agit là de salariés modestes, dont les gains mensuels moyens sont de l’ordre de 650 euros, c’est-à-dire inférieurs au seuil de pauvreté. Ce sont souvent des étudiants, ou des gens qui exercent cette activité en tant que second emploi. Voilà quelles sont les personnes concernées par une mesure dont la mise en œuvre se traduira, à l’évidence, par une élévation des coûts salariaux et/ou par une réduction de la main-d’œuvre.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Au-delà des conséquences directes du dispositif proposé, telles que son incidence sociale, il faut anticiper ses effets probables sur la qualité des produits en raison de la mécanisation accentuée qui en résultera, car si les machines remplacent de plus en plus les hommes pour les vendanges, il va de soi, monsieur le ministre, que nos vins seront de moins en moins bons !
Pour conclure, la commission des finances propose de ne pas adopter les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». En revanche, elle préconise d’adopter ceux du compte d’affection spéciale « Développement agricole et rural », le « CAS-DAR ». En outre, comme je l’ai expliqué, nous proposons de supprimer l’article rattaché, qui concerne le dispositif d’exonération de cotisations sociales en faveur de l’emploi saisonnier agricole. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, rapporteur spécial.
M. Yannick Botrel, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais vous présenter mes observations sur deux des programmes de la mission, le programme 149 « Forêt » et le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation ».
S’agissant, tout d’abord, du programme 149, ses dotations globales s’élèvent pour 2015 à 279 millions d’euros en autorisations d'engagement et à 296 millions d’euros en crédits de paiement.
J’observe que la baisse des crédits, par rapport à leur niveau de 2014, fait suite à un exercice atypique marqué par une augmentation exceptionnelle des crédits de 11 % en 2014, ce qui permet cette année, en dépit de la baisse, de parler d’un soutien stable, dans la durée, du Gouvernement à la filière bois.
J’indique que la hausse exceptionnelle du budget du programme 149 en 2014 était due à la mise en place d’une nouvelle action consacrée au Fonds stratégique de la forêt et du bois et à l’augmentation de la subvention à l’Office national des forêts, l’ONF.
J’en viens maintenant à mes analyses sur les trois actions du programme.
S’agissant de l’action n° 11, Gestion des forêts publiques et protection de la forêt, l’ONF, principal opérateur du programme 149, bénéficiera en 2015 de subventions de l’État pour un montant total de l’ordre de 202 millions d’euros, dont un versement compensateur en faveur de la gestion des forêts des collectivités locales de 140 millions d’euros.
Cela représente 20 millions d’euros supplémentaires par rapport à la dotation figurant dans le contrat pluriannuel d’objectifs et de performance, preuve de l’importance stratégique que revêt cet opérateur. Je rappelle que l’ONF a pour mission de gérer près de 5 millions d’hectares de forêts publiques, soit environ 27 % de la surface forestière de notre pays.
Par ailleurs, la dotation de l’action n° 12, Développement économique de la filière et gestion durable, qui s’élève à 50,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 52,6 millions d’euros en crédits de paiement, contribue à la poursuite de la mise en œuvre du plan Chablis, ayant fait suite à la tempête Klaus de 2009. Il s’agit notamment de parachever la remise en état des parcs forestiers, durement éprouvés par le passage de cette tempête.
Enfin, la dotation de l’action n° 13, à hauteur de 10,6 millions d’euros en autorisations de paiement et de 21,8 millions d’euros en crédits de paiement, assure le financement du Fonds stratégique de la forêt et du bois, dont l’instauration par la précédente loi de finances est un gage de soutien des pouvoirs publics à la filière et de cohérence.
Mes observations générales sur le programme 149 seront les suivantes.
Tout d’abord, la baisse de la subvention de l’État à l’ONF n’a pas eu lieu jusqu’à aujourd’hui : elle a sans cesse dû être reportée, l’ONF devant faire face depuis plusieurs années à une situation financière difficile, qui s’est toutefois améliorée récemment grâce à une bonne tenue des cours du bois depuis 2013 et durant l’année 2014.
Nous aurons l’occasion de revenir sur cette question en début d’année 2015, puisque la commission des finances y consacrera des travaux, une enquête sur les soutiens à la filière forêt-bois ayant été demandée à la Cour des comptes. Ce travail, dont les conclusions ont été remises le 7 novembre 2014, devrait faire l’objet d’une audition pour suite à donner en début d’année 2015, ainsi que d’un rapport.
Nous y reviendrons donc, mais je suis convaincu que l’ONF pourrait tirer profit, en termes d’activité, d’une mobilisation de l’ensemble de la filière – amont et aval – autour de l’objectif de valorisation de la ressource bois.
De manière générale, s’agissant de la politique forestière, il serait pertinent que les soutiens publics à la filière bois – aides budgétaires et mesures fiscales – soient conditionnés à une gestion effective des forêts par les propriétaires qui en bénéficient. J’en profite pour vous interroger à ce sujet, monsieur le ministre : d’une part, que pensez-vous de cette règle de principe, et, d’autre part, quel est selon vous l’avenir de l’ONF ? Quelles sont, plus particulièrement, ses perspectives en matière financière, à court terme et à moyen terme ?
J’en viens maintenant au programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation ». La dotation attendue pour 2015 s’élève à 512 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Elle témoigne, là encore, de l’importance capitale de la sécurité et de la qualité sanitaires de l’alimentation pour le Gouvernement.
La baisse constatée de 0,5 % par rapport au niveau des crédits ouverts pour 2014 est en effet due à des transferts de crédits d’un programme à un autre. Par ailleurs, je relève que ce budget pour 2015 permet de mettre en œuvre les dispositions de la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui reconnaît à la sécurité alimentaire la valeur de principe d’action publique.
Cette importance transparaît dans les principales dotations de ce programme et dans ses actions ; je vais chercher à le démontrer à travers une présentation détaillée par action.
L’action n° 1, Prévention et gestion des risques inhérents à la production de végétaux, est dotée de 22,56 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Je souligne le soutien apporté par le Gouvernement aux fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles, les FREDON, dont les compétences ont été récemment étoffées par la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
Quant à l’action n° 2, Lutte contre les maladies animales et protection des animaux, elle est dotée de 94,75 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Cette action vise à assurer, au plus juste coût, le suivi des programmes de contrôle et de prévention des principales épizooties, lesquelles connaissent d’ailleurs – cela est particulièrement positif – une régression sur le territoire national, ce qui témoigne de la qualité de notre dispositif de surveillance et de suivi sanitaire des cheptels. Il convient, à cet égard, de saluer l’action des groupements de défense sanitaire, ainsi que l’engagement constant de leurs administrateurs et de leurs agents.
Je relève la hausse des moyens consacrés aux visites sanitaires bovines, aviaires et porcines. Cette augmentation permettra à la direction générale de l’alimentation du ministère de satisfaire aux recommandations émises par la Cour des comptes sur son fonctionnement et ses activités de contrôle.
Les actions n° 3, Prévention et gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires, et n° 4, Actions transversales, connaissent une augmentation de leur dotation, avec un montant global de 90,4 millions d’euros, soit une hausse de 1,4 million d’euros par rapport à 2014.
Je ne peux que me féliciter d’une telle augmentation, qui profitera notamment aux laboratoires publics d’analyse de référence, ce qui démontre la cohérence du Gouvernement dans la mise en œuvre de ses engagements en matière sanitaire.
L’action n° 6, Mise en œuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaire de l’alimentation, reçoit, avec un peu plus de 286 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, une dotation en hausse de 250 000 euros par rapport à l’année passée, afin de tenir compte des ajustements de périmètre budgétaire et des évolutions de l’activité de la direction générale de l’alimentation du ministère.
Au total, j’observe avec satisfaction, monsieur le ministre, que les moyens afférents au programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation » sont stabilisés et que certains dispositifs sont même renforcés. La France doit rester à la pointe des exigences en matière de sécurité sanitaire. C’est pour cela que le Gouvernement doit veiller à conserver des moyens de contrôle sanitaire adaptés : ainsi, soixante postes supplémentaires de contrôleur seront créés en 2015.
En conclusion, minoritaire au sein de la commission des finances, je propose, à titre personnel, d’adopter les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », ainsi que ceux du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
Si la part du budget national est en baisse, le déploiement des aides européennes permet le maintien global des engagements de l’État au bénéfice de l’agriculture et de la forêt. C’est ce que constatent les observateurs de la presse spécialisée.
Concernant l’adoption de l’article rattaché, à savoir l’article 47, je m’en remets, à la différence de mon collègue, à la sagesse du Sénat : à l’heure de la mise en place du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le Gouvernement juge important de rationaliser le dispositif d’exonération de cotisations sociales du monde agricole en excluant de son bénéfice les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers et en supprimant l’avantage lié au « contrat vendanges ».
Pour ce qui me concerne, je comprends parfaitement les motivations des amendements présentés par plusieurs de mes collègues, car l’agriculture a besoin de souplesse et de moyens, en raison de la saisonnalité des activités qui la caractérise. Cela vaut également pour les entreprises de travaux agricoles.
Telles sont, mes chers collègues, les remarques que je souhaitais porter à votre attention.
M. le président. La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de l’agriculture connaîtront une baisse importante en 2015 : plus de 8 % pour l’ensemble de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ; presque 13 % pour le seul programme 154, qui porte l’essentiel des crédits d’intervention en faveur de l’économie agricole. Cela fait donc, au total, 260 millions d’euros de moins, et le budget passe, pour la première fois, en dessous de 3 milliards d’euros.
Les crédits de la PAC aideront néanmoins à maintenir les principales priorités de la politique agricole : l’installation ou encore le soutien aux territoires défavorisés. Je voudrais cependant exprimer mon inquiétude sur plusieurs points.
Premièrement, s’agissant du soutien à l’investissement et à la promotion des produits agricoles, les crédits de FranceAgriMer baissent considérablement. Cette baisse est en partie compensée, mais pas intégralement. D’ores et déjà, FranceAgriMer annonce qu’il ne soutiendra plus la promotion sur son budget propre. Il faudra donc se reposer sur les crédits européens pour le secteur viticole et celui des fruits et légumes, et sur les moyens des interprofessions pour les autres secteurs.
Deuxièmement, en ce qui concerne le soutien à l’assurance-récolte, j’observe que la progression du taux d’assurance reste faible. On n’est pas encore à 50 % pour les grandes cultures et à 25 % pour la viticulture, les deux secteurs les plus avancés. Dans le secteur des fruits et légumes, l’objectif est d’atteindre 2,5 %, alors que seulement 1,6 % des producteurs sont assurés.
L’assurance, en elle-même, ne fait pas gagner d’argent aux agriculteurs. Elle leur permet simplement de survivre en cas d’événement climatique très grave. C’est un filet de sécurité. Si l’on n’encourage pas les agriculteurs à s’en doter, on leur fait courir de graves dangers.
Le budget pour 2015 apporte une rallonge de 5 millions d’euros pour l’assurance. Elle ne permettra pas de couvrir l’ensemble des besoins, estimés à plus de 100 millions d’euros. Nous proposons, par voie d’amendement, d’ajouter 2 millions d’euros, ce qui permettra, avec le cofinancement communautaire, d’apporter réellement – j’insiste sur ce terme – un soutien à 65 %.
En ce qui concerne l’assurance, la mise en place du contrat socle est repoussée à la mi-2015. Nous serons vigilants sur l’instauration de ce nouvel outil, afin qu’il apporte vraiment la protection que les agriculteurs attendent face aux aléas climatiques, une protection de moins en moins assurée par le fonds des calamités agricoles.
Enfin, nous souhaitons des évolutions s’agissant de la déduction pour aléas, la DPA, qui est trop peu pratiquée et qui constitue pourtant un mécanisme d’auto-assurance indispensable.
Troisièmement, en matière de gestion des risques budgétaires, les refus d’apurement communautaires pourraient être très élevés cette année et l’année prochaine, de l’ordre de plusieurs centaines de millions d’euros.
Le Gouvernement devrait nous rassurer sur la manière de prendre en compte cette dépense budgétaire supplémentaire. Concrètement, je souhaiterais que les crédits de l’agriculture, qui sont déjà faibles, ne fassent pas l’objet en cours d’année d’une nouvelle ponction pour faire face aux refus d’apurement.
Quatrièmement, en ce qui concerne l’installation, la dotation jeunes agriculteurs et les prêts aux jeunes agriculteurs conservent les mêmes enveloppes, avec moins de crédits nationaux et plus de crédits européens. En revanche, les crédits d’accompagnement disparaissent du budget pour 2015.
Le relais financier doit être pris par la taxe sur la cession des terrains agricoles rendus constructibles, mais nous souhaiterions que l’intégralité du produit de cette taxe, et pas seulement 12 millions d’euros, soit consacrée à l’aide à l’installation.
Je souhaite à présent évoquer les chambres d’agriculture. Le sujet a déjà été abordé lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances.
Avec 7 800 salariés, les chambres d’agriculture assurent un service irremplaçable et, le plus souvent, gratuit pour les agriculteurs. En les privant de 90 millions d'euros sur trois ans, ce qui représente près de 5 % de leur budget annuel, le projet de loi de finances fait prendre d’énormes risques au tissu de l’animation agricole dans nos territoires. Si, à l’arrivée, les chambres d’agriculture suppriment 300 emplois de technicien, cela ne sera pas indolore !
Les amendements que nous avons déjà fait adopter reviennent en partie sur le mauvais coup porté aux chambres d’agriculture. Je souhaite que ces modifications restent dans le texte final et que le Gouvernement ne cherche pas à faire le bonheur du monde agricole contre son gré, en baissant la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Les agriculteurs ont indiqué, par la voix de leurs élus au sein des chambres d’agriculture, qu’ils ne voulaient pas d’une telle mesure.
À l’instar de mon collègue Alain Houpert, j’aimerais dire quelques mots du « contrat vendanges ». (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Il est prévu à l’article 47 de mettre fin aux exonérations totales de cotisations salariales, qui présenteraient, nous dit-on, un risque d’inconstitutionnalité. Or le Conseil constitutionnel n’avait pas censuré le dispositif lors de sa création, en 2002. En outre, comme les bénéficiaires ne sont pas dans la même situation que les autres salariés, l’exonération ne semble pas mettre à mal le principe d’égalité.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Si !
M. Gérard César, rapporteur pour avis. L’argument juridique ne me paraît donc pas très convaincant.
Le « contrat vendanges » apporte une solution globale fondée sur l’exonération partielle des charges sociales et sur la possibilité de recruter des salariés du secteur public ou du secteur privé en congés. Au demeurant, à l’instar des étudiants, les salariés concernés ne viennent pas chercher de prestations auprès de la mutualité sociale agricole, la MSA. En d’autres termes, le « contrat vendanges », qui relève d’une situation particulière, mérite un traitement particulier.
La suppression de l’exonération risque aussi de créer des complications administratives. Au final, la remise en cause des avantages liés à ce contrat est un très mauvais signal pour la filière viticole et les vendangeurs occasionnels. Nous proposerons donc un amendement tendant au maintien du régime actuel.
Telles sont les observations que je souhaitais formuler sur les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour 2015.
Je terminerai par une remarque sur l’organisation de nos travaux. Il n’est pas normal que des questions cribles thématiques – il y en avait cet après-midi – soient inscrites à l’ordre du jour du Sénat pendant l’examen du projet de loi de finances. (M. Gérard Longuet applaudit.) Je souhaite qu’il en soit fait part à M. le président du Sénat. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. Mon cher collègue, il s’agit d’une obligation constitutionnelle : « Une séance par semaine au moins […] est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement. »
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Mes chers collègues, ce matin, nous avons fait le maximum pour que l’examen des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » puisse débuter à l’heure prévue.
Je demande aux différents orateurs de respecter leur temps de parole, car nous devrons ensuite examiner les crédits d’une autre mission.
Si nous ne parvenions pas à achever aujourd'hui l’examen des articles rattachés aux crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », je vous proposerais de le reporter à samedi, comme nous l’avons fait pour d’autres missions. Mais cela ne devrait pas être nécessaire si chacun fait un effort.
M. Yvon Collin. Très bien !
M. le président. J’invite à mon tour les différents orateurs qui vont se succéder à la tribune à faire preuve de concision.
La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Lasserre, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’évoquerai successivement la forêt, le développement rural, le rôle des chambres d’agriculture et les normes.
Les crédits de la forêt pour 2015 sont en forte diminution. Le soutien exceptionnel de l’État dont bénéficie depuis trois ans l’Office national des forêts, l’ONF, est raboté de 22 millions d’euros en 2015, ce qui ne permettra pas à l’établissement de retrouver rapidement des marges de manœuvre financières. Il ne faudrait pas que la renégociation à venir du contrat d’objectifs et de performance aboutisse à de nouvelles saignées dans les effectifs. L’ONF a déjà perdu 20 % de ses agents en quinze ans. Toute nouvelle baisse se traduirait par un affaiblissement insupportable de l’Office.
Le Centre national de la propriété forestière, le CNPF, devra vivre sur ses réserves en 2015, puisque sa subvention est supprimée. La forêt privée est donc, elle aussi, mise à contribution. Le Fonds stratégique de la forêt et du bois, qui devait être un outil financier de relance de l’exploitation forestière et d’appui à l’investissement dans la filière, voit sa dotation budgétaire, déjà faible, baisser de près de 3 millions d’euros.
Selon les estimations des professionnels, il faudrait 150 millions d’euros de ressources annuelles pour une relance économique de la filière bois. Les crédits budgétaires et les taxes affectées, comme la taxe de défrichement, permettront péniblement d’atteindre 45 millions d’euros. Avec une telle ambition sans moyens, il sera plus difficile d’atteindre les objectifs, alors que le secteur d’activités présente enfin des perspectives économiques extrêmement intéressantes.
En matière de développement agricole et rural, nous disposons d’un outil dédié : le compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », le fameux CASDAR. Alimenté par une taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles, il sert à financer les actions des chambres d’agriculture et des instituts techniques agricoles. C’est un instrument de soutien à la diffusion du progrès technique et des innovations.
On pourrait se réjouir de l’augmentation du budget de ce compte, qui est passé en deux ans de 110 millions d’euros à plus de 147 millions d'euros. Mais cette hausse, due en 2014 à une réévaluation des recettes compte tenu de la meilleure conjoncture agricole, et pour 2015 à l’attribution au CASDAR de 100 % du produit de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles, est largement en trompe-l’œil. En réalité, le CASDAR est utilisé depuis deux ans pour prendre en charge des dépenses que le budget de l’État ne peut plus assumer. Avec 10 millions d’euros en 2014, puis 28 millions d’euros de plus en 2015, ce sont au total 38 millions d’euros que le CASDAR versera à FranceAgriMer pour lui permettre de mener sa politique d’orientation des filières, alors que la dotation cet établissement provenait auparavant du programme 154.
Une telle évolution est inquiétante. Si la conjoncture agricole, dont dépend le produit de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles, est mauvaise, les recettes du CASDAR baisseront, et la capacité de FranceAgriMer à remplir ses missions sera altérée. La débudgétisation des dépenses de FranceAgriMer est une astuce pour tenir un objectif de solde budgétaire, mais pas une solution de long terme. Pour répondre à des nécessités de développement sans cesse affirmées, on propose des ressources financières extrêmement fragiles et non pérennes. Nous condamnons cette pratique budgétaire.
Le projet de budget pour 2015 programme la mise au régime sec des chambres d’agriculture. Le débat a eu lieu lors de l’examen de la première partie, mais il n’est pas inutile d’y revenir. Les chambres, nous le savons tous, jouent un rôle essentiel d’animation des territoires. En matière d’installation, de mise en œuvre du plan Écophyto, d’application du verdissement de la politique agricole commune, la PAC, et de conseil technique et économique – de conseil universel, en fait – aux agriculteurs, elles jouent un rôle moteur. Casser un tel outil serait une grave erreur. Cela compromettrait la réussite de la transition vers l’agroécologie voulue par M. le ministre.
Au demeurant, les ressources des chambres d’agriculture proviennent des cotisations des agriculteurs et propriétaires, à travers la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties. J’espère que le bon sens l’emportera à l’issue de la navette et que les chambres d’agriculture conserveront les 297 millions d’euros de recettes annuelles permises par la taxe ; elles en ont besoin pour fonctionner.
Je voudrais également évoquer les normes. Les agriculteurs croulent sous une réglementation complexe et contraignante. La directive « nitrates » préoccupe actuellement nos campagnes. Certes, la France a été condamnée par la justice européenne ; elle doit faire le maximum pour éviter de lourdes pénalités. Mais la mise en conformité ne doit pas se faire au prix de la disparition de l’élevage dans nos campagnes.
La définition des zones vulnérables, où s’applique la réglementation « nitrates », est trop extensive. Le seuil de 18 milligrammes par litre est contesté ; ses bases scientifiques sont extrêmement fragiles. Par ailleurs, l’interdiction de l’épandage doit faire l’objet d’aménagements : les blocages actuels sur l’interdiction des épandages sur les terrains en pente, la nécessité de disposer d’aires immenses de stockage et les périodes d’épandage sont parfois incompréhensibles et insoutenables pour les agriculteurs.
Tous les départements de France nous alertent. La mise aux normes des bâtiments d’élevage et l’insuffisance des crédits qui y sont destinés provoquent chaque jour plusieurs arrêts ou diminutions de production. Je regrette qu’aucun moyen significatif ne soit mobilisé en faveur des bâtiments d’élevage dans ce projet de loi de finances.
Le Gouvernement doit soutenir une écologie qui ne soit pas une écologie punitive. Les agriculteurs attendent de véritables solutions en la matière pour pouvoir continuer à exercer leur métier. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, rapporteur pour avis.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité sanitaire de l’alimentation est une impérieuse nécessité, pour la santé des consommateurs, mais aussi pour l’économie de la filière alimentaire.
Le haut niveau de sécurité alimentaire que nous connaissons en France constitue un atout ; sachons le préserver. Le projet de loi de finances pour 2015 confirme la priorité accordée à la sécurité sanitaire en maintenant les crédits du programme 206, dont je suis rapporteur, à un peu plus de 500 millions d’euros. Je m’inscris donc en faux contre les propos du rapporteur spécial Alain Houpert. En effet, 500 millions d'euros, ce n’est pas "cher payé" pour garantir la sécurité sanitaire de l’alimentation !
La réduction constante des effectifs des services vétérinaires, en application de la révision générale des politiques publiques, répondait à une logique budgétaire de court terme, mais elle mettait en danger l’excellence sanitaire française. Deux rapports récents ont permis de tirer la sonnette d’alarme.
D’une part, dans son dernier rapport annuel, la Cour des comptes a porté un jugement sévère sur l’insuffisance des contrôles du ministère de l’agriculture sur la période 2009-2012. Les établissements de remise directe, c’est-à-dire les restaurants et grandes surfaces, ne sont susceptibles de recevoir la visite des services de contrôle de l’État que tous les dix ans à douze ans. Le suivi des contrôles est également critiqué.
D’autre part, un rapport d’audit, plus technique, de l’Office alimentaire et vétérinaire européen fustige la faiblesse des contrôles dans les abattoirs de volaille.
Le budget 2015 apporte des réponses concrètes à ces critiques. Il programme le doublement en trois ans des moyens de la brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires, afin de lutter contre les fraudes alimentaires. Il prévoit également la création de soixante postes pour les services vétérinaires dans les abattoirs de volaille.
Ce budget confirme également l’engagement du Gouvernement dans la lutte contre l’antibiorésistance. La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt contenait plusieurs dispositions novatrices. Je pense à l’interdiction des antibiotiques d’importance critique dans les plans sanitaires d’élevage, à l’encadrement des pratiques commerciales ou encore à la mise en place d’un suivi des consommations d’antibiotiques. Deux millions d’euros seront affectés l’année prochaine au plan Écoantibio, qui commence à produire ses effets.
La sécurité sanitaire passe aussi par l’évaluation des risques. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, dispose d’une expertise reconnue, fondée sur la pluridisciplinarité. La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt lui a transféré le pouvoir de délivrer des autorisations de mise sur le marché pour les produits phytopharmaceutiques. Le budget 2015 prend bien en compte cette nouvelle mission, en transférant les dix postes correspondants à l’Agence depuis le ministère de l’agriculture.
Surtout, le budget règle la question des recrutements temporaires de l’ANSES pour faire face aux pics d’activité. Financés sur ressources propres provenant de redevances perçues par l’Agence, les recrutements seront désormais autorisés. Ils permettront d’accélérer le traitement des dossiers, afin que celle-ci conserve sa place d’agence de référence reconnue en Europe.
Je me réjouis donc du choix politique fait par le Gouvernement de ne pas désarmer, bien au contraire, notre appareil de sécurité sanitaire.
Je salue un autre choix politique très fort, celui d’une redistribution des cartes dans l’agriculture en faveur des petites exploitations, de l’emploi et de l’élevage. Le texte prévoit ainsi une revalorisation de l’indemnité compensatoire de handicap naturel, l’ICHN. Au final, plus d’un milliard d’euros, soit 300 millions d'euros de plus qu’actuellement, seront versés chaque année pour l’élevage dans les zones de montagne et les zones défavorisées. En outre, dans la mise en œuvre de la PAC, le texte favorise les petites exploitations, en instaurant des droits majorés pour les premiers hectares, et préserve les filières animales, en conservant les aides couplées aux vaches allaitantes.
La priorité accordée à l’élevage se traduit aussi par l’engagement de l’État et des régions, ces dernières étant désormais chargées de gérer le deuxième pilier de la PAC, dans le cadre du plan pour la compétitivité et l’adaptation des exploitations agricoles 2014-2020, annoncé au sommet de Cournon-d’Auvergne en octobre 2013 par le Président de la République. Ainsi, 200 millions d’euros par an y seront consacrés. Cela doit se traduire par de nouveaux investissements dans l’élevage.
Les éleveurs, qu’ils soient dans le secteur du lait ou dans celui de la viande, ne disposent pas des revenus les plus élevés du monde agricole. Pourtant, ils assurent l’occupation du territoire et contribuent à la mise en valeur des zones agricoles souvent les plus défavorisées. Il est donc légitime de réorienter les soutiens publics en leur faveur. Cette réorientation est d’ailleurs conditionnée à des changements de pratiques. Les éleveurs doivent eux aussi aller vers l’agroécologie – vous y insistez souvent, monsieur le ministre – et mettre en œuvre le verdissement de la PAC.
Le budget 2015 est donc un bon budget, au service d’une bonne politique agricole, qu’il faut poursuivre pour atteindre un niveau élevé de performance économique, sociale et environnementale dans un contexte de haut niveau de sécurité sanitaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quarante minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous souscrivions pour une large part aux grands objectifs affichés lors du récent débat sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
Hélas ! La lecture des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » montre que le compte n’y est pas. Les moyens ne sont pas à la hauteur des ambitions pour une véritable politique alimentaire et une réelle orientation en faveur de l’agroécologie.
Comment peut-on assurer une production de qualité sur tous les territoires et un revenu digne aux agriculteurs, objectifs prioritaires de la politique agricole, sans mobiliser les moyens adaptés ?
Les crédits de la mission connaissent une baisse de 4 %, pour la cinquième année consécutive. Certes, une part importante de la baisse des crédits nationaux en 2015 est compensée par l’évolution des crédits communautaires. Mais ceux-ci sont également en diminution.
Malheureusement, si, en mathématiques, moins par moins, cela fait plus, dans le cas présent, l’évolution européenne du budget entraîne pour notre pays une perte d’environ 5 % des aides de premier pilier et de 3 % sur le deuxième pilier.
M. François Patriat. La PAC a été très bien défendue !
M. Michel Le Scouarnec. L’agriculture doit conserver, et même accroître son rôle dans l’aménagement et le développement des territoires. Le renforcement des services publics, des commerces de proximité et de l’emploi est également un enjeu important pour la revitalisation des zones rurales. Aujourd’hui comme hier, il ne suffit pas de proclamer les vertus de la ruralité ; encore faut-il la faire vivre !
De plus, les modes de production agricole doivent nécessairement être diversifiés et permettre la sauvegarde des petits et moyens exploitants familiaux. Il s’agit également de développer des modes d’exploitation durable en privilégiant les plus économes en pesticides et les plus respectueux de la biodiversité et des ressources naturelles.
M. Joël Labbé. Très bien !
M. Michel Le Scouarnec. N’oublions pas le bien-être animal. Les vaches sont mieux dans les prairies à paître l’herbe grasse plutôt qu’attachées du matin au soir dans d’immenses étables !
La nouvelle PAC sera dépourvue de mécanismes efficaces de régulation. Ses effets seront variables selon les productions et les territoires, mais ils ne seront globalement pas à la hauteur des enjeux sociaux, alimentaires et environnementaux. Selon de nombreux observateurs, le verdissement promis est devenu un simple procédé de communication en vue de se donner une image écologique responsable. Sauf pour les compétences transmises aux États, la PAC reste avant tout un outil de l’économie de marché et de la mondialisation. Elle laisse libre cours à la dérégulation, à la fin des quotas et à la spéculation alimentaire.
Et ce ne sont pas les accords transatlantiques en cours de négociation qui vont arranger les choses pour l’agriculture française ; bien au contraire !
Certes, nous devons reconnaître que la plupart des enveloppes au service de l’installation, de la compétitivité, de la sécurité sanitaire, de la forêt ou encore de la prise en charge des frais de fonctionnement des opérateurs sont reconduites.
Je tenais également à saluer l’effort budgétaire à l’appui du renouvellement et de la modernisation des exploitations agricoles. Par exemple, la dotation pour les jeunes agriculteurs augmente de 5 millions d’euros, passant de 21 millions d’euros à 26 millions d’euros. C’était un point fort de la loi agricole que nous avons votée au mois de juillet dernier.
De même, nous nous félicitons du maintien du Fonds d’incitation et de communication pour l’installation en agriculture.
Cependant, le Gouvernement utilisera seulement 1 % du budget du premier pilier. Or il lui était possible d’aller jusqu’à 2 %, ce qui aurait été la marque d’un vrai engagement en faveur de l’installation des nouveaux agriculteurs.
Chaque année, environ 16 000 exploitations agricoles ne trouvent pas de repreneur. Entre 2000 et 2010, notre territoire a perdu 25 % de ses agriculteurs.
D’une part, beaucoup de jeunes exploitants, près de 2 000 chaque année, seront exclus de cette aide, à cause de critères restrictifs. D’autre part, comme cela a été souligné, sur les 13 000 installations constatées chaque année, un peu moins de 60 % sont éligibles au dispositif d’aide réservé aux moins de quarante ans. Nous avions pourtant soulevé la question lors du débat législatif sur l’agriculture et pointé la nécessité d’étendre le dispositif non seulement aux jeunes, mais également à tous les nouveaux agriculteurs.
J’en viens au service public de la sécurité alimentaire. Le Gouvernement mène une politique d’austérité, et ce projet de loi de finances l’illustre.
M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. Mais non !
M. Michel Le Scouarnec. Les restructurations des services du ministère de l’agriculture et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ne sont pas remises en cause. L’alimentation, la sécurité alimentaire et la traçabilité auraient dû être des axes essentiels de la loi, notamment s’agissant des fraudes.
Or il n’y a pas suffisamment de moyens humains et financiers pour les services chargés des différents contrôles réglementaires et sanitaires. L’externalisation des services de contrôle de l’Institut national de l’origine et de la qualité, l’INAO, pour les appellations d’origine contrôlée, les AOC, en témoigne.
Que dire également du financement des chambres d’agriculture, avec la création d’un Fonds national de solidarité et de péréquation et la baisse concomitante de la taxe additionnelle sur le foncier non bâti, qui passe de 297 millions d’euros à 282 millions d’euros ? Depuis de nombreuses années, ces organismes consulaires ont observé un plafonnement en valeur de leurs recettes fiscales, alors qu’ils doivent assurer de nouvelles missions déléguées par l’État.
L’objectif du développement durable de la forêt est mis en avant. Mais cela ne peut se concrétiser qu’en réaffirmant les principes d’une gestion multifonctionnelle mise à mal depuis plusieurs années. Il faut donc un véritable réengagement de l’État et l’arrêt de la privatisation rampante de l’ONF.
Or le financement du régime forestier est régulièrement remis en cause, l’État cherchant à se désengager en faisant supporter les coûts à d’autres acteurs.
Les crédits du programme 149, qui définissent la politique nationale en matière de forêt et de filière bois, sont en baisse de 15 % par rapport à 2014, ce qui ne permet ni d’apporter une réponse adéquate à l’exploitation de nos forêts en accord avec les besoins économiques, sociaux et culturels ni de renouveler durablement cette ressource.
L’ONF est asphyxié financièrement. Il subit une baisse drastique de ses crédits.
Et la subvention du Centre national de la propriété forestière est réduite à zéro, contre 16 millions en 2014.
Pourtant, la création, la même année, du Fonds stratégique de la forêt et du bois, et les enjeux soulevés lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt constituaient des signaux encourageants. Aussi, nous nous étonnons de la contradiction entre ces diminutions de crédits et les louables objectifs annoncés.
Le régime forestier assure une péréquation financière entre les régions où l’exploitation forestière est rentable et celles qui sont dotées de grandes forêts peu productives. Or son financement continue d’être remis en cause.
Le projet initial prévoyait d’augmenter les taxes à l’hectare payées par les communes à l’ONF, afin d’économiser 50 millions d’euros sur trois ans. Pour apporter des garanties face à l’indignation provoquée par cette proposition, il a été demandé à l’Office de prendre à sa charge une baisse de dotations de 20 millions d’euros. Cette solution est très loin d’être satisfaisante!
De plus, l’ONF a perdu presque 20 % de ses effectifs depuis quinze ans. Il lui est pourtant encore demandé de supprimer 150 équivalents temps plein par an. Ce n’est ni raisonnable ni acceptable au vu de la souffrance dans laquelle se trouve son personnel.
Ce budget est loin des 150 millions d’euros par an qui sont nécessaires à la relance de la filière bois. À l’heure de la transition énergétique, il faut encourager non seulement le développement des chaudières biomasse ou à bois, mais aussi l’exploitation du bois produit en France, ce qui favorise les filières courtes.
Monsieur le ministre, les crédits proposés sont insuffisants pour financer la modernisation de la filière bois que vous appelez pourtant de vos vœux. C’est surprenant ! L’État s’apprête à apporter 70 millions d’euros par an pendant vingt ans au projet d’E.ON à Gardanne, projet privé allemand de centrale biomasse dont la validité économique, et surtout écologique est loin d’être démontrée.
Dans le contexte actuel, nous attendions plus de ce budget. La gestion de la forêt va constituer un enjeu majeur pour notre société. Elle est déjà exposée aux convoitises et aux spéculations, et elle perd malheureusement tous les arbitrages face aux lobbies financiers, industriels ou immobiliers. La gestion de la forêt publique doit rester exemplaire, le régime forestier ayant montré depuis plus de deux siècles son efficacité face aux pressions des intérêts du court terme.
Vous l’aurez compris, même si nous soulignons certaines avancées, nous affirmons que notre politique agricole et forestière mérite une ambition porteuse de plus d’espoir pour nos exploitants.
Il n’y a qu’une marche à franchir. Malheureusement, ce budget ne le permet pas aujourd’hui. C’est pourquoi nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (M. Didier Guillaume applaudit.)
Mme Catherine Procaccia. M. Guillaume applaudit le fait de ne pas voter les crédits de la mission ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous avons été privés depuis trois ans du débat budgétaire sur l’agriculture pour les raisons que nous connaissons tous, nous avons cependant eu l’heureuse occasion d’examiner les questions agricoles cette année. Nous avons définitivement adopté le projet de loi d’avenir pour agriculture, l’alimentation et la forêt l’été dernier, d’ailleurs dans un excellent état d'esprit.
Ce texte, tourné vers la promotion de l’agroécologie, a envoyé un signal fort en direction du monde agricole, dont le rôle et la compétitivité ont besoin d’être encouragés.
Je pense en particulier à certaines filières, comme celle des fruits et légumes, souvent fragilisées par des aléas, qu’ils soient climatiques, sanitaires ou de marché.
Les aléas géopolitiques sont un nouveau facteur. En effet, le problème ukrainien a déclenché un embargo sur les produits agroalimentaires, dont les agriculteurs du Tarn-et-Garonne, entre autres, mesurent malheureusement les très graves conséquences.
À l’instar de plusieurs de mes collègues, je me suis inquiété de cette problématique auprès de vous, monsieur le ministre. L’Europe a mobilisé des fonds pour aider les agriculteurs dans cette crise, mais il serait souhaitable de ne pas mobiliser exclusivement la PAC. Nous devrions faire appel à un autre financement solidaire de l’Union européenne. À l’origine, il s’agit non pas d’une crise agricole, mais d’un conflit politique.
On ne le répétera jamais assez : le secteur agricole est un secteur clé de notre économie, très pourvoyeur en emplois directs et induits. Il convient donc de le soutenir avec volontarisme. Élu d’un département rural, je suis toujours avec intérêt l’évolution des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Comme beaucoup d’autres missions, celle qui nous occupe aujourd’hui participe à l’évidence à l’effort de redressement des finances publiques et s’inscrit sincèrement dans la programmation pluriannuelle. Ainsi, on constate une baisse de 4,1 % de ses moyens, ce qui est assez sensible. Il est vrai que la hausse du cofinancement européen compense environ les trois quarts de la diminution des crédits nationaux, grâce à la régionalisation des programmes de développement rural du deuxième pilier.
La France récupère 9,1 milliards d’euros de financement communautaire, ce qui est positif. Mais attention à ne pas créer de déséquilibre encore plus important entre les financements nationaux et les financements communautaires. Nous devons préserver un certain libre arbitre quant à nos choix d’intervention. À cet égard, je rappellerai les manifestations d’agriculteurs du 5 novembre dernier au sujet de la terrible directive « nitrates ». Si nos engagements européens nous obligent, il nous faut aussi conserver une certaine souveraineté quant à l’application sur le terrain des règlements européens.
Néanmoins, monsieur le ministre, je dois reconnaître que vous n’avez pas ménagé vos efforts pour préserver au mieux les intérêts des agriculteurs français dans le cadre des négociations de la PAC 2014-2020. En effet, certains soutiens ont été réorientés vers ceux qui en ont le plus besoin ; je m’en réjouis, comme nombre de mes collègues. On peut reconnaître que le budget de l’agriculture pour 2015 traduit cette ambition, en particulier au sein du programme 154.
Je constate notamment qu’un effort est maintenu en faveur de l’installation des jeunes, en particulier grâce aux prêts « jeunes agriculteurs », dont le cofinancement permettra de maintenir la bonification à peu près au même niveau que l’année dernière.
Je note aussi avec satisfaction la revalorisation de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels et l’intégration au sein de cette aide de la prime herbagère agroenvironnementale, ainsi qu’un renfort et une simplification au bénéfice des zones défavorisées.
La mission appuie également le plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles par une augmentation des autorisations d’engagement, sous réserve toutefois de clarifier les modalités de mise en œuvre du plan par région pour le rendre effectif, et ce au plus vite.
Malgré une impression globalement favorable sur la mission, le RDSE aura quelques amendements à défendre. Nous avons ainsi, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, fait part de nos inquiétudes sur les prélèvements opérés au détriment des chambres d’agriculture. Aussi, nous serons sans doute nombreux à intervenir pour les défendre, car elles exercent des missions de soutien et de conseil indispensables à la plupart des exploitants.
Aujourd’hui, nous ferons des propositions, par exemple pour rétablir les moyens du Fonds d’allégement des charges financières ou encore pour améliorer les conditions de prise en charge des assurances climatiques. C’est un sujet sur lequel j’ai très souvent eu l’occasion d’intervenir.
Par ailleurs, je demande une modification de la base de référence historique pour l’octroi de la prime à la vache allaitante, car l’année 2013 a été très pénalisante pour mon département, les élevages bovins ayant subi une très grave crise sanitaire.
Je le répète, les exploitants contribuent à la croissance de notre pays et à l’aménagement du territoire. À ce double titre, le secteur agricole mérite tout le soutien des pouvoirs publics. L’agriculture française doit impérativement demeurer variée et performante. Elle a aussi un rôle clé à jouer dans le contexte du défi alimentaire mondial, auquel répond déjà une agro-industrie très développée et très agressive dans d’autres pays. Mais il s’agit d’un autre débat ; nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir.
Le groupe RDSE, qui soutient le présent projet de budget, sera attentif aux améliorations qui pourront y être apportées. (Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. David Rachline.
M. David Rachline. Monsieur le ministre, je voudrais profiter du débat sur la mission agriculture pour vous féliciter d’avoir entendu la benjamine des parlementaires français.
M. David Rachline. En effet, comme Marion Maréchal Le Pen vous l’avait suggéré lors du débat sur cette mission à l’Assemblée nationale, vous vous êtes lancé dans la promotion de la priorité nationale dans les cantines, si j’en crois le courrier envoyé par votre cabinet et reçu hier !
M. David Rachline. On est donc sur la bonne voie ! Je vous en félicite et je vous en remercie au nom des agriculteurs et au nom des Français, qui sont attachés à leurs agriculteurs. Comme quoi, avec un peu plus de pragmatisme et un peu moins de dogmatisme, on peut faire avancer les choses dans notre pays ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Oui, utiliser en priorité les produits agricoles cultivés en France, c’est bon pour les agriculteurs français ; c’est bon pour la santé, car ces produits sont de qualité ; c’est bon pour les finances publiques, car les agriculteurs, eux aussi, cotisent ; c’est bon pour l’emploi, car les agriculteurs recrutent ; c’est bon pour la planète, car les voies d’acheminement se raccourcissent, diminuant ainsi l’empreinte carbone de ces produits ! Il est en effet logique de commencer par nourrir les Français avec ce que leurs compatriotes produisent plutôt que d’importer des denrées que l’on a déjà ! J’espère, monsieur le ministre, que, si votre initiative ne portait pas de fruits, vous n’hésiteriez pas à prendre des mesures plus fortes pour inciter enfin à consommer français !
L’agriculture française a subi avec force l’embargo décidé par l’UE sur les exportations à destination de la Russie. Alors que cet embargo démontre la capacité de la France à réguler ses exportations, il serait temps de travailler sur l’autre plateau de la balance, les importations, afin de permettre aux agriculteurs de vivre véritablement de leur travail.
Le budget de cette mission est, plus encore que les autres, dépendant de ce qui nous est reversé par l’Union européenne à travers la politique agricole commune. Comme vous le savez, nous préférerions, nous, une politique agricole française, ce qui n’empêcherait pas de nous accorder avec nos voisins sur certains produits.
Au sujet de l’UE, j’ai tout de même du mal à voir le retour sur investissement pour nos agriculteurs des quelque 142 millions d’euros que la France a versés aux agriculteurs turcs depuis 2007 au titre de l’investissement préadhésion. Ces millions auraient sans doute été plus utiles pour mettre en place des mesures pour prévenir, par exemple, les suicides chez nos agriculteurs, qui sont de plus en plus nombreux, probablement à cause de la politique des gouvernements successifs UMPS auxquels vous appartenez ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe UMP.)
M. François Patriat. La bêtise n’a pas de limites !
M. David Rachline. Détendez-vous ! Je vous l’ai déjà dit, tout va bien se passer ; vous allez vous y habituer… Laissez-moi terminer ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Comme vous le savez sans doute, l’agriculture et, plus encore, la forêt ne sont pas des secteurs qui peuvent s’adapter à des choix budgétaires différents tous les ans, du fait notamment de leur forte dépendance aux conditions climatiques.
Ainsi, c’est, selon moi, dans le cadre d’une loi de programmation pluriannuelle dédiée à l’agriculture que nous pourrions discuter les budgets de cette mission et aménager ainsi les politiques publiques aux fortes spécificités de ce secteur. Le rapporteur spécial souligne d’ailleurs que les crédits dédiés aux aléas, risques climatiques, économiques et sanitaires ne sont pas provisionnés, ce qui semble souligner une méconnaissance profonde des spécificités du secteur.
Il reste cependant beaucoup à faire pour protéger nos agriculteurs et ceux qui travaillent dans le monde agricole. Je pense notamment aux emplois ponctuels, qui sont à la fois une source de revenus complémentaires pour les étudiants ou les travailleurs saisonniers, mais aussi souvent un moyen de retrouver une certaine mixité sociale. Le monde agricole et rural est aujourd’hui l’un des rares où la mixité sociale qui fait tant défaut à notre société existe encore ! La remise en cause des « contrats vendanges » est malheureusement un nouveau signe du fait que vous mettez les travailleurs français en concurrence avec de la main-d’œuvre moins chère ! Je le déplore.
Nous ne voterons évidemment pas ce budget.
M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. C’est un scoop…
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne vais ni vous inonder de chiffres ni commenter chaque ligne budgétaire. Je vais insister sur certains points qui sont particulièrement importants pour nous, écologistes.
Mon propos sera ciblé. Ce ne sera pas une surprise pour vous. Vous savez bien quel modèle d’agriculture nous souhaitons, non par idéologie ou dogmatisme, mais au nom de convictions fortes et de plus en plus affirmées !
L’année 2014 aura été l’année de la loi d’avenir agricole. Ce projet de loi de finances pour 2015 se devait de traduire les nouvelles orientations de la France vers l’agroécologie. Nous constatons des signes positifs. Nous tenons à les souligner.
À ce titre, on ne peut qu’apprécier la revalorisation du plafond de dépenses du CASDAR par l’affectation de la totalité de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitants agricoles. Ce compte, dont l’objet est de répondre aux enjeux liés à l’innovation et à la transition agroécologique, notamment par l’accompagnement des actions de recherche appliquée, voit ses crédits augmenter jusqu’à un plafond de dépenses de 22 millions d’euros, ce qui est appréciable.
Autre point positif à nos yeux, l’augmentation de 17 % du budget de l'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique, avec pour objectif, comme vous l’avez affirmé, monsieur le ministre, de doubler les surfaces cultivées en bio à l’horizon 2017. En outre, le « Fonds avenir bio », doté de 4 millions d’euros pour 2015 et géré par cette agence, devra concourir au décollage du programme « Ambition bio 2017 ».
Cependant, le simple objectif de doublement des surfaces pour 2017 est, à nos yeux, insuffisamment ambitieux. Vous le verrez, une fois la transition amorcée véritablement, le développement de l’agriculture bio suivra une évolution exponentielle !
Lors de l’examen du texte sur l’agriculture, nous avions plaidé avec force pour la reconnaissance des organismes nationaux à vocation agricole et rurale, les ONVAR, comme partenaires privilégiés de la mise en œuvre de la transition vers les pratiques agroécologiques. Les ONVAR, qui ont été pionniers dans ce domaine, voient leurs crédits pour alimenter les appels à projets, multipliés par sept. Toutefois, il va falloir veiller à la mise en œuvre du dispositif ; j’y reviendrai.
En matière de sécurité sanitaire, vous annoncez le renforcement des moyens à l’ANSES. C’était nécessaire. Mais est-ce que ce sera suffisant ?
Ce sera suffisant si, en cohérence avec les orientations agroécologiques, beaucoup de produits phytosanitaires pesticides chimiques sont interdits… avec le retour en force de l’application des principes de l’agronomie, pratiquée par les agricultures alternatives, notamment biologiques.
Mais ce ne sera pas suffisant si on ne contraint pas la poursuite des pratiques agrochimiques. L’ANSES sera alors encore réduite à courir derrière les autorisations de mise sur le marché et derrière le nécessaire suivi post-AMM. Les firmes sont beaucoup plus avancées, avec beaucoup plus de moyens, qui leur permettent de contourner les agences publiques, françaises ou européennes.
Je l’affirme une fois encore, l’agrochimie ne peut pas se conjuguer avec l’agroécologie ! J’y reviendrai dans quelques instants.
En outre, dans ce projet de loi de finances pour 2015, vous accordez une grande importance à l’enseignement agricole et à la recherche dans le domaine agricole. Vous annoncez la priorité en faveur de la jeunesse et de la formation ? On signe ! Vous créez des postes supplémentaires sur l’enseignement technique et sur l’enseignement supérieur ? On signe aussi !
M. Jean Desessard. Oui !
M. Joël Labbé. Mais ces moyens supplémentaires doivent être au service d’un enseignement qui, lui aussi, fait sa transition. Pour le moment, les méthodes et les orientations qui sont enseignées sont encore très majoritairement celles de l’agriculture conventionnelle. S’il y a des évolutions, nous n’avons encore changé ni de culture ni de modèle ! La formation des enseignants reste une nécessité.
Idem pour la recherche. Les moyens mis en œuvre pour faire évoluer les pratiques agricoles vers un modèle agroécologique, notamment biologique, sont très déséquilibrés par rapport à la recherche productiviste.
Au demeurant, les besoins croissants en financements privés rendent la recherche de plus en plus dépendante. Nous le savons bien, les financeurs sont ceux qui en ont les moyens. Or ceux-là ne sont jamais désintéressés !
La recherche appliquée, participative et collaborative mérite d’être développée. Tout à l’heure, j’évoquerai de récents travaux menés par l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, dont les conclusions sont particulièrement riches d’enseignements.
L’emploi direct agricole continue de baisser en raison d’un renouvellement des générations insuffisant et de l’agrandissement des exploitations. La réforme des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, qui les dotera d’une gouvernance élargie tout en réaffirmant la priorité à l’installation, devrait pouvoir y remédier. Ces nouvelles SAFER devront se poser aussi comme un barrage, ou plutôt comme un rempart…
M. Gérard César, rapporteur pour avis. Une « retenue collinaire » ! (Sourires.)
M. Joël Labbé. … face à la financiarisation de l’agriculture !
Il reste un point essentiel à travailler au sujet du droit des SAFER, celui du droit de préemption sur les parts de sociétés. Il faut absolument trouver une solution, afin que les investisseurs n’aient plus les moyens de contourner la volonté politique pour s’approprier les terres et pour se les accaparer. J’avais déposé un amendement sur le sujet. Il s’est encore fait bouler pour cause d’irrecevabilité. Mais je recommencerai dès que je pourrai.
L’agriculture familiale doit être préservée. Elle a été très pourvoyeuse d’emplois. Elle peut, elle doit pouvoir le redevenir. Ce secteur de l’agriculture familiale profite trop peu du soutien public au regard des aides accordées, notamment par l’allégement des charges sociales et fiscales, que ce soit aux productions agricoles, à plus de 1,6 milliard d’euros, ou aux coopératives agricoles et industries agroalimentaires, là aussi à hauteur de près de 1,6 milliard d’euros.
Une partie de l’agriculture familiale est en grande souffrance, dans un grand silence. Il faut trouver les moyens de la soutenir. C’est cette agriculture-là qui est porteuse d’avenir. Voilà les signes, voilà les chiffres, voilà les intentions ! La pratique va devoir se mettre à la hauteur.
Je devais parler du plan « Ambition bio 2017 », mais j’aurai d’autres occasions de le faire.
Je vais vous indiquer notre position par rapport au vote. Certains imagineront sans doute que, avec de telles réserves, les écologistes ne voteront pas les crédits de la mission… (Exclamations amusées.)
M. Didier Guillaume. Non !
M. Joël Labbé. Eh bien si : nous les voterons ! (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste. – Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.) Il s’agit pour nous de reconnaître la volonté du ministre de l’agriculture de faire bouger les lignes …
M. Didier Guillaume. Il le fait !
M. Joël Labbé. … et de nous engager à continuer à travailler en relation avec lui, avec ses services, avec ceux du ministère de l’écologie, donc avec le Gouvernement !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Joël Labbé. Cependant, nos exigences croîtront de manière exponentielle, suivant la même courbe que celle de la demande de la population en alimentation locale de qualité !
J’intitulerai la seconde partie de mon propos : « autres considérations ». (Exclamations amusées.) Elles n’ont pas grand-chose à voir avec le projet de loi de finances pour 2015, mais elles sont importantes pour les futurs budgets.
Demain, le 5 décembre, c’est la Journée mondiale des sols. À cette occasion, ma collègue députée écologiste Brigitte Allain reçoit un colloque à l’Assemblée nationale sur « les services rendus par les sols » ; j’y interviendrai. La poursuite de la croissance insensée nous a conduits à nous préoccuper de la qualité de l’eau, de l’air et des océans sans pouvoir vraiment remédier à leur dégradation et au réchauffement climatique.
Aujourd’hui, on se rend compte bien tardivement que les sols sont, eux aussi, bien mal en point. Enfin, on reparle de la vie des sols, de la vie de la terre nourricière ! Les sols sont vivants ! La vie fait le sol, et le sol fait la vie !
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. Joël Labbé. Les sols nous nourrissent ! Ils portent la biodiversité. Ce sont des puits de carbone extraordinaires qui nous préservent des dérèglements climatiques.
Les sols sont mis à mal par l’artificialisation,…
M. Aymeri de Montesquiou. Néologisme !
M. Joël Labbé. … mais aussi par la mortification. Les pesticides utilisés en agrochimie productiviste ont une lourde part de responsabilité. Monsieur le ministre, j’ai apprécié l’intérêt que vous avez manifesté la semaine dernière à l’égard d’un maillon irremplaçable de la vie des sols : le vers de terre.
M. Joël Labbé. Les vers de terre vont très mal, comme les abeilles et les autres pollinisateurs, comme les micro-organismes du sol, mais aussi comme les oiseaux insectivores !
L’agriculture productiviste utilise beaucoup ces pesticides, notamment – le nom est presque imprononçable – les néonicotinoïdes. Nous en débattrons dans cet hémicycle le 4 février prochain. J’espère bien que nous trouverons une majorité pour voter notre proposition de résolution. Si l’agriculture productiviste agrochimique utilise beaucoup ces néonicotinoïdes, l’agriculture biologique, elle, n’en use pas du tout !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Joël Labbé. Monsieur le ministre, je vous fais une proposition cash : faites mener une étude évaluant les aménités apportées par l’agriculture biologique et une autre évaluant les externalités négatives de l’agriculture productiviste en termes de qualité de l’eau, de l’air, des sols, de biodiversité, de santé publique et de dérèglement climatique, puis lancez un vaste débat public national pour que le peuple français puisse choisir son modèle agricole et alimentaire !
Vous êtes un grand ministre de l’agriculture.
M. Joël Labbé. Mettez cela en œuvre et vous entrerez dans l’Histoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
Mme Sophie Primas. Quelle déclaration d’amour !
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, vous qualifiez votre budget de l’agriculture d’« ambitieux et volontaire ». Pourtant, avec 4,7 milliards d’euros en crédits de paiement, il est en baisse de 4,1 % par rapport à 2014.
Votre ministère participant à l’effort budgétaire, et c’est normal, vous vous êtes fixé l’objectif de faire mieux avec moins. Je souhaite sincèrement que vous réussissiez. Mais, depuis deux ans, environ 756 millions d’euros de crédits agricoles ont été supprimés, et je cherche vraiment une amélioration de la situation des agriculteurs.
Néanmoins, le pacte de responsabilité, qui prévoit un allégement de 729 millions d’euros des charges sociales des agriculteurs et des industries alimentaires pour 2015, est une bonne nouvelle. Pourtant, êtes-vous véritablement convaincu que cela compensera la baisse des crédits ?
Monsieur le ministre, je suis inquiet pour notre capacité à gérer les crises. En matière agricole, plus que dans tout autre secteur, les aléas climatiques, économiques et sanitaires sont à prendre en considération, car ils peuvent entraîner des conséquences dramatiques. Or ne sont provisionnés dans votre projet de budget ni les crédits de crise – le Fonds d’allégement des charges, le dispositif Agridiff et le Fonds national de gestion des risques en agriculture, le FNGRA, destiné à l’indemnisation des calamités agricoles, ne sont pas dotés en 2015 ! – ni les risques liés aux refus d’apurement communautaires. La Cour des comptes évalue cette facture à 1,8 milliard d’euros.
Les agriculteurs reconnaissent qu’il est nécessaire de faire des économies, mais ils ne comprennent pas la stratégie du Gouvernement, qui semble ignorer les véritables difficultés du terrain.
Vous avez entrepris une simplification des procédures administratives et des normes, mais les dossiers PAC ensevelissent les agriculteurs sous la paperasse et les contrôles permanents, pour lesquels on augmente le nombre des fonctionnaires du ministère, alors que l’on baisse les dotations incitatives.
Les agriculteurs voudraient pouvoir se consacrer entièrement à la modernisation de leurs exploitations et attendent de l’État le développement des filières.
Ils doivent faire face aux difficultés de l’économie agricole et à la baisse drastique de leurs revenus. Ainsi, le revenu d’activité était en moyenne de 27 900 euros par actif non-salarié en 2013, contre 35 900 euros en 2012, avec des écarts de revenus très grands.
Les producteurs de céréales, les éleveurs de porcins et de volaille ont souffert de baisses importantes de revenu, et la filière bovine est en crise sévère.
Pour la filière viticole, comme l’a souligné Gérard César, c’est le « contrat vendanges » qui est source d’inquiétude. L’article 47 vise à mettre fin à l’exonération de la part salariale des cotisations sociales dont bénéficient un mois par an les saisonniers agricoles embauchés pour les vendanges. Pourtant, ce dispositif avait permis de rendre attractifs ces emplois en augmentant le salaire net de 8 %.
Entendrez-vous les arguments de nos excellents rapporteurs pour avis, Gérard César et Jean-Jacques Lasserre ?
Les sanctions envers la Russie ont des conséquences dramatiques pour les agriculteurs européens. La compensation par l’Union européenne des secteurs pénalisés a anéanti la réserve de crise du budget de la PAC. Il ne reste que 88 millions d’euros sur les 430 initialement disponibles ! Pour reconstituer cette réserve, la Commission a décidé de baisser les versements directs aux agriculteurs.
M. Aymeri de Montesquiou. Je veux évoquer à mon tour l’important sujet des chambres d’agriculture, que 89 % des agriculteurs considèrent comme indispensables.
Elles sont prêtes à participer à l’effort de réduction des dépenses publiques de l’État, à condition que l’on ne diminue pas leurs recettes pérennes. Or, depuis plus de dix ans, leur recette fiscale est plafonnée en valeur, alors que des missions nouvelles sur l’agroécologie et le registre des agriculteurs leur ont été confiées par l’État, sans aucune recette supplémentaire. Ce n’est pas cohérent !
La majorité des chambres d’agriculture ont épargné pour investir. Elles verront leurs efforts de bonne gestion anéantis par le prélèvement, prévu pour 2015, des 45 millions d’euros que représente leur excédent de fonds de roulement !
La réduction de 5,35 % de la recette issue de la taxe additionnelle sur le foncier non bâti, qui représente 15 millions d’euros, soit sur trois ans 45 millions d’euros, est une aberration ! Comment relancer la compétitivité des filières agricoles quand cette réduction paralyse les investissements nécessaires des chambres d’agriculture ?
Comment la baisse de cette taxe pourrait-elle avoir un effet positif sur la compétitivité des exploitations agricoles ? Elle concerne en effet les seuls propriétaires et représente moins de cinquante centimes d’euros par hectare en moyenne, trente-sept centimes dans mon département du Gers. C’est une mesure injuste et totalement inefficace ! Les chambres d’agriculture devront licencier des techniciens qualifiés, indispensables à la modernisation et au développement du monde agricole. (M. Didier Guillaume le conteste.)
Comment atteindre l’objectif de 50 % d’exploitations dans l’agroécologie en 2020, défini par la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 ?
Les chambres d’agriculture devront augmenter le prix de leurs prestations auprès de leurs clients, puis limiter leurs actions, y compris pour les missions de service public que l’État leur a confiées.
Pourquoi sanctionner un secteur économique confronté à des difficultés conjoncturelles et structurelles aussi importantes, qui contribue à l’économie nationale en termes d’emplois, de développement, de protection des territoires et, de surcroît, constitue l’un de nos rares postes excédentaires de commerce extérieur ?
Je vous ai fait part des inquiétudes que m’inspirait votre projet de budget. Cependant, je partage certaines des priorités.
Tout d’abord, 100 millions d’euros supplémentaires sont consacrés au soutien à l’installation des jeunes agriculteurs, dont 25 millions au titre de la dotation d’installation aux jeunes agriculteurs, la DJA, qui passe de 105 millions d’euros en 2014 à 130 millions en 2015, et 75 millions d’euros d’enveloppe totale comme complément sur les aides directes, par le premier pilier de la PAC.
Ensuite, la promotion de l’innovation et de la modernisation agricole est un choix d’avenir.
C’est à l’enseignement agricole que bénéficie la plus forte hausse de la mission « Enseignement supérieur et recherche », dont les crédits de paiement s’élèvent à 330 millions d’euros, soit 20 millions de plus qu’en 2014.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Néanmoins, le bilan global n’est pas satisfaisant. Afin d’assurer une meilleure compétitivité de notre agriculture, c’est-à-dire de garantir son avenir et sa capacité à opérer sur le marché mondial, il faut investir dans son développement. Pour y parvenir, il faudrait plus d’investissements dans l’agriculture durable et l’innovation, qui est primordiale, notamment dans les domaines de la technologie et de la gestion des entreprises agricoles ! Nous avons besoin des chambres d’agriculture pour réussir.
Votre budget privilégie l’administratif au détriment de l’investissement et ne semble pas prendre en compte les difficultés économiques dont souffrent les exploitations et les territoires. L’UDI-UC ne pourra donc pas le voter en l’état. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.
M. Gérard Bailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le temps qui nous est imparti ne me permet pas de rappeler ce que l’agriculture, l’agroalimentaire et la filière bois représentent pour notre pays, plus particulièrement pour nos territoires ruraux, en matière d’emploi comme pour la qualité des paysages et des produits alimentaires qu’apprécient tant nos concitoyens.
Pour ce qui concerne ce projet de budget de l’agriculture pour 2015, je me limiterai donc à mentionner quelques constats et problèmes qu’il conviendrait tout particulièrement de traiter, en souhaitant que le Gouvernement puisse les prendre en compte et y apporter des solutions.
Mes chers collègues, vous le savez comme moi, la principale doléance des agriculteurs concerne leur revenu, qui, nous devons le reconnaître, n’est guère en adéquation avec leur travail et les lourds investissements nécessaires à l’exercice de leur profession. Certes, les ministres successifs ont généralement déployé beaucoup de temps et d’efforts à Paris, à Bruxelles, dans les autres capitales et sur le terrain, dans les campagnes, pour tenter de remédier à ce problème.
Monsieur le ministre, je ne vous ferai pas le reproche d’avoir dérogé à cette règle. Mais les résultats ne sont pas au rendez-vous. Or, vous le savez, les agriculteurs ont de grandes craintes quant à leurs revenus de 2015, d’autant plus que 2014 n’aura pas été un bon cru pour nombre d’entre eux.
Ainsi que le relatait l’hebdomadaire La France agricole, le Centre d’études économiques régionales de Franche-Comté, ma région, qui a étudié la situation de plus de 5 000 exploitations, a constaté une baisse de l’excédent brut d’exploitation de 58 % pour les exploitations céréalières, de 28 % pour les producteurs de viande, de 20 % pour les producteurs de lait standard et de 2,5 % dans les exploitations laitières produisant du lait AOC et du comté.
En outre, l’embargo russe est fort préjudiciable à la filière agricole et agroalimentaire.
Les agriculteurs s’interrogent sur leur avenir et se demandent comment procéder à la nécessaire augmentation du prix de vente de leurs produits, compte tenu de la mondialisation, qui est une réalité indéniable, et surtout du rôle joué par les grandes et moyennes surfaces, les GMS, qui ont pour seul objectif de s’approvisionner au moins cher et qui tirent de toutes leurs forces les prix vers le bas.
Monsieur le ministre, si nous voulons préserver en France une agriculture viable et de qualité, nous devons tout mettre en œuvre pour diminuer les charges des exploitations – je pense à la mutualité sociale agricole, aux taxes sur l’eau, aux assurances, aux coûts des normes...–, et surtout éviter la poursuite de cette course aux prix bas lancée par les GMS. Le constat est simple : les demandes de services et de contributions adressées par ces dernières à nos PME de transformation agroalimentaire sont toujours plus importantes, ce qui fragilise ces entreprises.
Pourtant, force est de le constater, en agitant la menace du déréférencement, les GMS obtiennent les prix bas souhaités. L’effet est pervers non seulement pour nos entreprises agroalimentaires de transformation, dont beaucoup ont disparu, mais aussi pour les producteurs, vers lesquels ces entreprises se retournent à leur tour.
La loi de modernisation de l’économie et la mise en place de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires demeurent des avancées insatisfaisantes, puisque les négociations se soldent souvent par un tour de vis supplémentaire donné par les GMS, que les récents accords d’association entre distributeurs devraient encore renforcer.
Monsieur le ministre, que pensez-vous faire pour mettre un terme à la pression exercée par les GMS sur nos entreprises de transformation agroalimentaire, donc sur les exploitations agricoles ?
J’ai évoqué précédemment la nécessité de renforcer notre compétitivité. J’aimerais connaître votre position sur le maintien, injustifié à mes yeux, des contraintes de destruction des matériels à risques spécifiés, les MRS, mises en place lors de la crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine, l’ESB.
La Fédération nationale des exploitants d’abattoirs estime le gain possible à 150 millions d’euros. Il me semble d’autant plus aisé d’aller en ce sens que la Commission européenne, suivant la recommandation de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’AESA, a récemment proposé un assouplissement. Monsieur le ministre, la filière pourra-t-elle retrouver ces 150 millions d’euros ?
J’en viens au cas particulier de la filière laitière. La création d’un Observatoire des volumes de lait, géré dans la durée avec les moyens de FranceAgriMer, est une bonne chose. Mais il y a des inquiétudes. La filière laitière et les filières AOP régionales sont vivement préoccupées par un projet de texte de la Commission européenne qui, s’il était adopté en l’état, imposerait d’importantes destructions de produits et des pertes économiques insupportables pour les entreprises. Il s’agit du risque E-coli, producteur de Shiga Toxine Escherichia Coli, ou STEC. Cette norme est inacceptable, d’autant que la filière laitière française a, plus que d’autres, fait de la qualité et de la sécurité sanitaire du lait et des produits laitiers une priorité. Monsieur le ministre, pouvez-vous rassurer la filière ?
Par ailleurs, les crédits affectés aux diverses éradications des maladies bovines vous paraissent-ils suffisants ? L’exportation d’animaux vivants est importante. Il serait regrettable que nous perdions des marchés pour cause de troupeaux non indemnes de la rhinotrachéïte infectieuse bovine, l’IBR.
Faut-il évoquer une nouvelle fois la présence des prédateurs, toujours de plus en plus nombreux,…
M. Roland Courteau. Oui !
M. Gérard Bailly. … et les plans d’abattages non suivis d’effets ? Quand la détresse et la colère des éleveurs ovins seront-elles prises en compte ? Les années passent, la filière ovine trépasse ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) C’est une catastrophe pour les paysages de montagne. Comment rester insensible à ces milliers d’agneaux et de brebis déchiquetés, blessés à cause des diktats des écolos ? (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP – M. Joël Labbé s’exclame.)
M. Didier Guillaume. Un peu de calme !
M. Gérard Bailly. Où en sommes-nous avec la convention de Berne, dont le comité permanent se réunit en ce moment ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Gérard Bailly. Je ne peux malheureusement pas évoquer tous les sujets qui me tiennent à cœur.
Je m’associe à ce qu’ont déclaré mes collègues sur le maintien du « contrat vendanges ».
Je déplore le mauvais coup porté aux chambres d’agriculture. Les agriculteurs ont besoin de conseils en matière d’économie, de mises aux normes, d’environnement et de verdissement.
Au moment où l’argent est rare, arrêtons les lois, les décrets, les circulaires, qui coûtent toujours plus à nos concitoyens ! Donnons enfin réellement la priorité à la compétitivité, afin que notre agriculture, le pétrole vert, ne connaisse pas la même hémorragie que notre secteur industriel ! À défaut, vous et nous en serons tous responsables. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. le président de la commission des affaires économiques applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le début de ce débat, j’entends les mêmes propos : « Ça ne va pas, le budget n’est pas bon, on ne fait rien, l’agriculture va mourir… »
M. Bruno Sido. C’est la vérité !
M. Didier Guillaume. C’est le même discours chaque année depuis vingt ans !
M. Bruno Sido. Pas exactement !
M. Didier Guillaume. Pourtant, nous aurions tous intérêt à mettre l’accent sur les aspects positifs de ce projet de budget. C’est ce que je vais m’efforcer de faire.
Personne ne peut évidemment affirmer que tout va bien en France et dans l’agriculture aujourd’hui. Nous reconnaissons tous que nos agriculteurs souffrent et que certaines filières sont en grande difficulté. Mais regardons la situation internationale ! Regardons ce qui se passe dans notre pays !
Aujourd’hui, il est absurde de parler du budget agricole français sans évoquer le budget agricole européen, qu’il faut consolider. Ce n’est pas moi qui m’exprime ainsi ; c’est ce que M. Barnier, ancien commissaire européen, ancien ministre de l’agriculture et de la pêche, dont tout le monde reconnaît la valeur, a dit dans l’enceinte du Sénat !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Oui !
M. Didier Guillaume. Prétendre que l’économie agricole dépendrait aujourd’hui du petit budget de l’agriculture française et non de décisions prises à l’échelon européen, c’est une erreur et une faute, car cela ne correspond pas à la réalité !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Très bien !
M. Didier Guillaume. Pour ma part, je tiens à féliciter le Président de la République et M. le ministre de l’agriculture.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. C’est un scoop ! (Sourires.)
M. Didier Guillaume. Rappelez-vous les interventions d’un précédent ministre de l’agriculture, M. Bruno Le Maire,...
Mme Sophie Primas. Excellent ministre !
M. Bruno Sido. Chirac était meilleur !
M. Didier Guillaume. ... sur la politique agricole commune devant la commission. Le gouvernement de Nicolas Sarkozy s’attendait à une catastrophe à l’échelle européenne : les crédits allaient baisser, la France serait « blackboulée »… Or c’est le contraire qui s’est produit. Alors, faisons « cocorico » !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Très bien !
M. Didier Guillaume. Quand le Gouvernement réussit et accomplit de belles victoires en Europe, il faut le féliciter et même l’applaudir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Voilà la réalité !
Monsieur le ministre, ce budget mobilise des moyens en faveur du développement agricole tout en prenant part au redressement des comptes publics. Et alors ?
Depuis le début de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, tout le monde parle d’économies ; tout le monde déplore que la France dépense trop, que la dette soit trop importante, que les déficits soient trop élevés ! Et ce sont les mêmes qui, lors de l’examen de chaque mission, se plaignent de la baisse des crédits concernés !
M. François Patriat. Exactement ! Quelle hypocrisie !
M. Didier Guillaume. Il faut faire preuve de cohérence ! Le groupe socialiste assume l’effort demandé dans ce budget pour contribuer au redressement des comptes de la France. La négociation européenne a permis de consolider le budget français par une politique agricole commune qui va dans le bon sens. Mme Espagnac et d’autres l’ont excellemment démontré.
Pour preuve, rappelez-vous ce que l’on entendait sur le soutien à l’élevage ! Depuis le discours du Président de la République à Cournon-d’Auvergne et les avancées sur la PAC, les éleveurs sont un peu plus optimistes ; je le vois dans mon département.
M. Didier Guillaume. Des mesures en faveur de l’installation des jeunes, qui constitue l’une de nos préoccupations majeures, figurent dans ce projet de budget. Je pourrais aussi évoquer la préservation de la diversité et le passage du deuxième pilier à l’échelon des régions pour les fonds européens. Tout cela va dans le bon sens.
Est-ce assez ? Sûrement pas ! Il en faudrait certainement plus ! Mais ce budget mettra-t-il l’agriculture à mal, voire à plat ? Non ! L’un d’entre vous a prétendu que ce budget plomberait les filières. En aucun cas ! Ce budget volontariste va permettre de donner aux filières les moyens de se développer.
En plus, le budget s’appuie également sur les orientations de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui a été votée très largement au Sénat et plus largement encore à l’Assemblée nationale. Ce texte prévoit la transition vers l’agroécologie.
Qui peut dire aujourd’hui qu’il ne faut pas changer notre logiciel agricole ? Qui peut dire aujourd’hui qu’il faut continuer comme avant ? Personne ! De grâce, essayons de travailler ensemble en la matière ! Nous pouvons trouver des points de consensus.
Arrêtons de toujours pointer ce qui ne va pas. L’agriculture, c’est notre histoire, c’est notre patrimoine, c’est notre culture ! Certains d’entre vous ont été ou sont encore des agriculteurs. Nous sommes tous des filles ou des fils d’agriculteurs.
N’opposons pas les différents types d’agriculture : le bio au conventionnel ; ce serait absurde ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
Mme Sophie Primas. Bravo !
M. Didier Guillaume. Nous avons besoin des deux.
N’opposons pas les grandes cultures au maraîchage, l’agriculture de plein air à l’agriculture de montagne, les circuits courts aux exportations, l’enseignement agricole privé à l’enseignement agricole public. L’agriculture, c’est tout cela ! C’est par une agriculture diverse, parce que la France est diverse, que nous avancerons !
M. Roland Courteau. Quel talent !
M. Didier Guillaume. On peut évidemment toujours aller plus loin en matière d’exonérations de charges ; vous avez été plusieurs à évoquer le « contrat vendanges ». Mais je rappelle tout de même qu’il y a 729 millions d’euros d’exonérations de charges ! Je mets au défi quiconque de trouver un tel effort dans les budgets des dix dernières années ! Est-ce assez ? Sûrement pas ! Est-ce juste ? Je le crois : ces exonérations visent à la fois les exploitants, les coopératives et les industries agroalimentaires !
Cela a déjà été souligné, l’enseignement supérieur et la recherche connaissent aussi une augmentation des crédits. C’est indispensable. Cela répond à une orientation forte de la loi d’avenir. L’enseignement agricole doit être préservé ; c’est un joyau !
Bien sûr, il y a des problèmes de compétitivité. Néanmoins, la loi d’avenir et ce budget, par les moyens qu’ils prévoient, nous permettent d’envisager une meilleure compétitivité.
À mon sens, ce projet de budget prépare l’agriculture française aux défis de l’avenir. C’est la raison pour laquelle nous serons derrière vous pour le voter et pour vous encourager, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, gardons-nous d’excès de louanges ou de critiques. (Sourires.) Considérons que des efforts importants ont été effectués en matière agricole, que ce soit sur la négociation de la PAC ou, plus encore, sur sa redistribution dans notre pays.
Si l’agriculture est un secteur crucial, sa fragilité est reconnue depuis nombre de décennies. La réalité est que les revenus des exploitants ont subi, en moyenne, une contraction notable en 2014. Les difficultés des producteurs de fruits et légumes, notamment touchés par l’embargo russe, sont connues. Plus largement, tous les secteurs font face à des baisses des cours et à des incertitudes quant à l’avenir.
À l’heure d’examiner les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », nous gardons en mémoire les prélèvements que le Gouvernement a entendu opérer sur les ressources des chambres d’agriculture, dont nous connaissons le rôle de soutien et de conseil aux exploitants. Notre Haute Assemblée a essayé d’atténuer l’ampleur de ces ponctions. Tous les secteurs doivent prendre leur part des efforts financiers demandés au pays pour maitriser la dépense publique ; nous constatons que le monde agricole, dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2015, est mis à contribution.
Les crédits de paiement sur l’ensemble de la mission sont donc en retrait, même si, il faut le souligner, les autorisations d’engagement sont, elles, en hausse de 4,2 %.
Nous le savons, l’évolution à la baisse des crédits de la mission doit s’appréhender au regard de la montée en puissance de la PAC 2014-2020. L’année 2015 est celle du premier exercice où la nouvelle politique agricole commune s’appliquera. Cela se traduit dans le présent projet de loi de finances par une hausse du taux des cofinancements communautaires.
Monsieur le ministre, je déplore, comme d’autres, que votre action au moment de la renégociation de la politique agricole commune n’ait pas été suffisamment médiatisée et reconnue.
M. Didier Guillaume. Tout à fait !
M. Jacques Mézard. Soyons objectifs : il s’agit d’un travail de grande qualité. Nous devons vous remercier du résultat, qui est globalement très bon. Sur le terrain, cela se traduit également par une redistribution beaucoup plus juste.
Lors de la renégociation de la PAC, l’enveloppe globale de cette politique structurante a été réduite de 12 % par rapport au cycle précédent. La part réservée à l’Hexagone ne diminuera, elle, que de 3 %. Ainsi, en 2015, le financement communautaire de notre agriculture atteindra 9,1 milliards d’euros, sur les premier et deuxième piliers.
La France reste la première bénéficiaire des crédits de la PAC, dans le prochain cadre pluriannuel. C’est cela qui est important. Encore une fois, je crois qu’il faut souligner l’action et les résultats obtenus à cet égard. Je n’oublie pas non plus, et le rapport spécial le mentionne, que les collectivités locales contribuent également au secteur agricole, à hauteur d’un milliard d’euros. Il faut s’interroger sur la pérennité de ces concours au regard des baisses de dotations à venir.
À examiner les crédits de la mission agriculture, nous constatons que c’est le programme 154, « Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires », qui supporte le plus gros effort, avec une baisse de 13 % de ses crédits de paiement.
Monsieur le ministre, nous devons cependant ajouter qu’un certain nombre des engagements pris dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture, que notre groupe a approuvée, trouvent leur traduction législative dans ce texte. Les moyens alloués à l’installation des jeunes sont préservés, et c’est un élément tout à fait essentiel. Les effets de cet engagement se font déjà sentir. En 2014, le nombre d’installations est en hausse. Les moyens mobilisés pour cette politique se font parfois par une baisse des crédits nationaux et par un cofinancement accru par le biais de la PAC. C’est le cas de la dotation jeune agriculteur ou des prêts bonifiés.
Dans la suite de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt et des annonces du sommet de Cournon-d’Auvergne, il faut souligner la priorité accordée à l’élevage et aux zones dites « défavorisées », notamment grâce au maintien de la part nationale des ICHN.
Par ailleurs, si les crédits de l’enseignement technique, supérieur et de la recherche agricole ne figurent pas dans cette mission, ils n’en connaissent pas moins une augmentation notable, qui vient d’être soulignée. L’agriculture et les agriculteurs sont confrontés à des incertitudes qui s’ajoutent aux aléas naturels. Il nous apparaît pertinent de renforcer les outils d’aide et d’accompagnement des exploitants confrontés à des aléas climatiques ou à des difficultés, qu’elles soient conjoncturelles ou structurelles.
Tel est le sens de trois amendements que nous défendrons en soutien du dispositif AGRIDIFF, du Fonds d’allégement des charges financières et en faveur des subventions aux assurances climatiques.
Nous, sénateurs, qui – au moins pour quelques années encore… – demeurons des élus de terrain, sommes à l’écoute des difficultés que rencontrent les agriculteurs. Ils pointent le poids des réglementations les étouffant.
Le Gouvernement invoque beaucoup le « choc de simplification », en particulier pour les normes. Un portefeuille ministériel y est même consacré. Que dire alors de l’amas de normes parfois ubuesques qui contraignent l’action des agriculteurs ? À cet égard, j’évoquerai la directive « nitrates », dont l’application tout aussi ubuesque ne peut que susciter des réactions très fortes et justifiées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Je pense également à l’application à ce secteur du compte pénibilité.
Enfin, à l’instar du rapporteur spécial, notre groupe défendra un amendement relatif au « contrat vendanges ». Nous estimons que le maintien des exonérations de charges salariales pour ces contrats courts et spécifiques se justifie.
Monsieur le ministre, les sénateurs du RDSE voteront les crédits de la mission et ceux du compte d’affectation spéciale, car ils considèrent votre action comme globalement positive pour notre agriculture. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Sophie Primas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de m’exprimer spécifiquement sur les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », j’interviendrai très brièvement sur les deux prélèvements que nous avons examinés lors de la première partie du projet de loi de finances pour 2015. Ils concernent, vous n'en serez pas surpris, les chambres d’agriculture.
Si ces dernières doivent naturellement participer à l’effort de redressement des finances publiques, je me félicite de l’équilibre des aménagements que nous avons adoptés au Sénat lors de l’examen des articles 15 et 18, du maintien du montant 2014 de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties et de la déduction des investissements engagés durant l’ensemble de l’exercice 2014, dans le cadre du prélèvement sur le fonds de roulement.
J’espère que le Gouvernement a entendu le Sénat et que ces avancées essentielles pour les chambres d’agriculture seront maintenues dans la suite de la discussion budgétaire. Nous comptons en effet sur les chambres d’agriculture, qui sont des acteurs majeurs, pour accompagner techniquement les mutations de l’agriculture française que vous appelez de vos vœux, monsieur le ministre, et auxquelles vous avez consacré une loi entière et bien des heures dans cet hémicycle. Ne vous privez donc d’aucun moyen pour réussir.
J’en viens aux crédits de la mission que nous examinons aujourd'hui. J’aborderai deux points.
Tout d’abord, je me réjouis de la levée du plafond d’emplois de l’ANSES, qui permettra la création de vingt postes supplémentaires, des postes absolument nécessaires pour l’accomplissement des missions d’évaluation de l’Agence. La mission d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement, que j’avais eu l’honneur de présider, avait prôné dès l’année dernière la levée du plafond d’emplois. Elle avait considéré, d’une part, que ces postes étaient financés hors budget de l’État par les redevances des dossiers d’autorisations de mise sur le marché déposés par les industriels et, d’autre part, que l’érosion très importante de la masse salariale qu’avait connue l’Agence entre 2012 et 2013, par exemple, avait conduit à une réduction des effectifs de quarante personnes entre le début et la fin de l’année. Après avoir perdu quarante postes l’an dernier, elle en gagnera donc vingt cette année. Je salue l’effort ainsi consenti.
Néanmoins, je formulerai de réelles réserves sur cette bonne nouvelle, car la charge de travail de cette agence s’est fortement accrue, entre autres, sur les sujets agricoles.
L’Agence a d’abord un stock très important de dossiers d’AMM en retard. Cela s’explique par le manque de moyens dont elle dispose pour les examiner dans les délais prévus, par son succès et l’excellence de son travail, mais aussi par les nombreux dossiers déposés par les fabricants européens non français. Le délai des dix-huit mois d’instruction n’est donc plus tenu. Selon mes informations, le délai d’instruction atteindrait aujourd’hui près de trois ans, ce qui est absolument insoutenable. Cela empêche l’arrivée de nouveaux produits, dont certains sont très attendus, y compris dans le domaine de l’agroécologie et pour des productions orphelines.
Par ailleurs, la loi d’avenir pour l’agriculture a transféré à l’Agence les décisions d’autorisation de mise sur le marché, ce qui, de fait, alourdit sa mission. Elle a désormais également la responsabilité de mesurer le bénéfice attendu d’un produit au regard des risques qu’elle évalue usuellement.
Enfin, répondant là aussi à l’une des recommandations de la mission d’information, ce dont je vous remercie, vous avez confié de nouvelles missions à l’ANSES, à savoir le suivi post-AMM et de manière indépendante des industriels des produits phytosanitaires sur lesquels elle serait alertée. À cette fin, l’Agence n’a d’autre choix que de recourir à des experts et de les financer.
Aussi, et même si, je le répète, la levée du plafond d’emplois va dans le bon sens, les besoins budgétaires qui résultent des missions supplémentaires assignées à l’Agence ne sont actuellement pas totalement couverts par les redevances perçues.
Ainsi, 4 millions d’euros seraient nécessaires au financement des postes consacrés aux missions post-AMM. Lors de la discussion du collectif budgétaire à l’Assemblée nationale, un député du groupe socialiste a déposé un amendement tendant à proposer un modèle de financement proche de celui qui a été mis en place pour le médicament vétérinaire. Cet amendement ayant reçu un avis défavorable de la commission des finances, quel mode de financement allez-vous mettre en place pour que l’ANSES puisse assurer l’ensemble de ses missions ? Je ne suis évidemment pas favorable à un alourdissement de la fiscalité.
J’aborderai aussi trois dispositifs de soutien aux agriculteurs en difficulté qui marquent des retraits à mes yeux trop importants. Mon collègue René-Paul Savary a déposé des amendements que j’ai cosignés et que je défends ici. Les deux premiers sont les plus modestes en termes budgétaires, mais ils ont une importance forte humainement.
Le premier est le dispositif AGRIDIFF. Il s’agit d’une enveloppe en faveur des exploitants faisant face à d’importantes difficultés structurelles et se trouvant dans l’incapacité d’assurer seuls leur redressement. Ce dispositif connaît une baisse constante, alors que de nombreuses crises structurelles ont parfois conduit les agriculteurs au bord de la désespérance. L’amendement de M. Savary tend à remettre ce fonds à son niveau de 2013. Ce serait là un tout petit effort budgétaire, mais un symbole humain important.
Le second dispositif est le Fonds d’allégement des charges financières. Ce fonds prend en charge les intérêts des échéances des prêts bancaires professionnels, afin de soutenir les exploitations agricoles connaissant une situation financière difficile due à une conjoncture particulière. Ce fonds est principalement utilisé dans la filière fruits et légumes. Son montant est en baisse constante. La baisse a ainsi été de 8 millions d’euros en 2012 et elle sera de 1,5 million d’euros en 2015. Compte tenu de la conjoncture pour cette filière, de la pression de l’embargo russe et des effets désastreux de l’arrivée massive de produits d’Europe de l’Est en France, il est souhaitable d’augmenter les crédits de ce fonds. L’amendement vise à le repositionner à hauteur de 6,5 millions d’euros.
Enfin, je ne m’étendrai pas sur les assurances climatiques, mes collègues en ayant déjà parlé.
Le dispositif de subvention actuel repose sur un cofinancement entre la France et les fonds européens. Je prends acte de l’effort consenti dans le projet de loi de finances pour 2015 et de l’accroissement des crédits d’engagement. Toutefois, le montant proposé ne permettra pas de couvrir parfaitement les besoins des exploitants. Aussi l’amendement que nous avons déposé tend-il à prévoir à un accroissement de cette enveloppe à hauteur de 10 millions d’euros. Mon collègue Gérard César a déposé un amendement tendant à prévoir une hausse de 7 millions d’euros. Nous trouverons probablement un montant commun.
Tels sont les principaux points que je souhaitais aborder. Monsieur le ministre, je vous remercie des éclaircissements que vous pourrez nous apporter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureux d’intervenir pour la première fois à cette tribune sur l’agriculture.
Avant d’aborder les points essentiels du programme 154, « Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires », de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », permettez-moi de rappeler quelques éléments importants.
Avec 1,623 milliard d’euros d’autorisations d’engagement et 1,419 milliard d’euros de crédits de paiement, le programme 154 représente 50 % du total des autorisations d’engagement de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
J’observe d’abord que ce budget est en parfaite adéquation avec les orientations de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui inscrit notre politique agricole dans une triple dynamique de performance économique, sociale et environnementale, grâce notamment à l’accompagnement et à l’adaptation des filières à l’agroécologie.
Je note ensuite que le projet de budget pour 2015 prend aussi en compte, après une année de transition, l’application intégrale de la nouvelle politique agricole commune. La PAC accompagnera les priorités nationales en matière de soutien à l’élevage, à l’installation de nouveaux exploitants ou à la préservation de la diversité de notre modèle agricole. Au total, le financement communautaire s’élève à 9,1 milliards d’euros pour la France. L’essentiel a été préservé, et je tiens ici à saluer le travail que vous avez effectué, monsieur le ministre, ainsi que les résultats que vous avez obtenus à l’échelle européenne.
Je relève enfin que la crise provoquée par l’embargo russe déstabilise les marchés européens, nos agriculteurs et notre industrie agroalimentaire. Dès la mise en place de l’embargo, au mois d’août 2014, et à la demande de la France, des aides d’un montant de 365 millions d’euros ont été décidées à l’échelon européen afin d’amortir la crise.
Comme M. le ministre et les syndicats agricoles, je souhaite que ces mesures soient financées autrement que sur la réserve prévue pour les crises agricoles. Je note d’ores et déjà que des dispositions allant dans ce sens ont été prises à l’échelon national. Une augmentation de 50 % de l’enveloppe de prise en charge des cotisations sociales pour le second semestre 2014 a ainsi été annoncée. Cette enveloppe passe de 15 millions d’euros à 23 millions d’euros. En outre, les aides de la politique agricole commune seront versées, à hauteur de 3,4 milliards d’euros, de manière anticipée, dès le 16 octobre. Cela constituera une avance de trésorerie bienvenue pour les agriculteurs.
J’en viens maintenant au contenu du programme 154. Je distinguerai trois orientations caractérisant l’intention politique du Gouvernement.
D’abord, ce projet de budget met l’accent sur les jeunes et sur l’installation des jeunes agriculteurs. Les prêts à l’installation enregistrent une hausse de 4 millions d’euros en crédits de paiement pour atteindre 63 millions d’euros. Ils restent stables en autorisations d’engagement, à hauteur de 22 millions d’euros.
La dotation aux jeunes agriculteurs est ainsi renforcée en 2015 de 5 millions d’euros et atteint 26 millions d’euros. Si l’on y ajoute le complément de 75 millions d’euros pour les aides directes aux jeunes agriculteurs, par le premier pilier de la PAC, ce sont bien 100 millions d’euros qui seront dévolus à l’installation des jeunes, conformément aux engagements pris à Cournon-d’Auvergne en 2013 par le Président de la République. L’avenir des territoires ruraux à forte dominante agricole passe par ce type de mesures, qui doivent être confirmées dans la durée.
Ce budget place aussi la compétitivité au premier plan. Le plan pour la compétitivité et l’adaptation des exploitations agricoles est substantiellement renforcé, en hausse de 26 millions d’euros. Il atteint 56 millions d’euros en autorisations d’engagement.
En matière d’exonérations de charges, la mise en œuvre du pacte de solidarité viendra soutenir les entreprises agricoles et agroalimentaires. Dès 2015, 729 millions d’euros d’allégements de charges sociales et fiscales supplémentaires seront mis en œuvre : 360 millions d’euros pour les exploitants agricoles et 370 millions d’euros pour les coopératives et les industries agroalimentaires. Ils viendront s’ajouter aux 662 millions d’euros déjà alloués dans le cadre du CICE en 2014. Un soutien effectif est donc apporté à nos entreprises agricoles et agroalimentaires afin d’accroître leur compétitivité.
Une dotation de 120 millions d’euros au titre du programme d’investissement d’avenir sera versée pour la période 2015-2017.
Les crédits du dispositif d’assurance récolte sont renforcés de 5 millions d’euros par rapport à 2014 et atteignent 24,3 millions d’euros.
La loi d’avenir a permis de conforter la coopération agricole en améliorant la démocratie sociale – la participation des salariés est dorénavant possible – et en clarifiant les mécanismes de formation des prix et l’information.
Afin d’accroître encore la compétitivité de nos coopératives, il serait utile que nous nous penchions sur la question des règles applicables aux subventions des investissements, qui varient, pour un même objet, suivant le statut juridique de l’investisseur, fragilisant parfois certaines démarches coopératives.
Ce budget permettra aussi d’accompagner la transition vers le modèle agroécologique. Les groupements d’intérêt économique et environnemental contribueront à cette transition, sur un mode collectif, gage de meilleure faisabilité. Le budget 2015 permettra d’accompagner les premières créations.
L’indemnité compensatoire de handicap naturel est renforcée de 53 millions d’euros pour atteindre 232 millions d’euros en 2015. De plus, elle est étendue à des surfaces pouvant atteindre 75 hectares, contre 50 actuellement. Grâce à un cofinancement européen de 75 %, en hausse à la suite des négociations françaises sur la PAC, 928 millions d’euros seront consacrés à l’ICHN.
Ces mesures conforteront la diversité du mode d’exercice des professions agricoles en soutenant les petites exploitations, qui constituent dans des départements comme le mien, le Gers, l’armature de l’économie rurale. C’est un de vos objectifs, monsieur le ministre, et je vous en remercie.
Le financement des mesures agroenvironnementales et climatiques, ainsi que les aides à la conversion et au maintien de l’agriculture biologique enregistrent une hausse de 9 millions d’euros par rapport à 2014 et s’établissent à un peu plus de 65 millions d’euros. L’agence Bio voit ses crédits augmenter de 17 % pour atteindre 1,25 million d’euros.
Permettez-moi d’évoquer des dossiers d’actualité qui préoccupent et inquiètent à juste titre nos agriculteurs.
Je commencerai par l’application de la directive européenne « nitrates ».
M. le ministre de l’agriculture a engagé une démarche de fond, sur la base d’études scientifiques, pour convaincre à terme les instances européennes que des évolutions de cette directive sont possibles. Je salue cette démarche, qui mobilise nos instituts de recherche. Je souhaite que, sans attendre l’issue des travaux, les propositions de nos agriculteurs puissent être entendues et prises en compte pour une application circonstanciée et de bon sens des textes.
Votre objectif de justification rationnelle d’un zonage plus fin permettrait de ne pas pénaliser les agriculteurs, qui sont aujourd’hui inquiets de ce qui les attend dans ce domaine.
De manière plus générale, les travaux de révision ou de simplification des normes que le Gouvernement a engagés dans de nombreux domaines doivent aussi prendre en compte l’agriculture. C’est un point important sur lequel des progrès restent à accomplir.
Quand les situations sont fragiles, et elles le sont trop souvent, il y va purement et simplement de la viabilité des exploitations. En tant que sénateur, j’apporterai ma contribution à ce travail nécessaire.
Dans un contexte général toujours difficile, les crédits du programme 154 permettent de soutenir l’installation de jeunes agriculteurs à un niveau significatif, d’améliorer la compétitivité de nos exploitations et d’approfondir la transition de nos pratiques vers le modèle pertinent de l’agroécologie. L’objectif de triple performance est clairement posé, et l’action est engagée en ce sens.
Pour ces raisons, et pour d’autres que je n’ai pu aborder faute de temps, j’approuve l’épure de ce budget, qui constitue une étape supplémentaire dans la modernisation de l’agriculture dont la France a besoin pour son avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget apporte à la fois de la satisfaction, de l’inquiétude, des regrets et de l’incompréhension.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. Daniel Gremillet. Parmi les éléments de satisfaction figure tout d’abord la poursuite de l’effort en matière de modernisation des bâtiments d’élevage grâce au plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles. Je pense en particulier aux quatre objectifs définis conjointement par l’État et par les régions.
Ici, au Sénat, lors du « Printemps des territoires », vous avez pris l’engagement de cofinancer avec les régions ce programme de modernisation des bâtiments d’élevage, qui est absolument stratégique pour l’ensemble des régions de notre pays.
Sur ce dossier, je souhaiterais que l’on adopte une logique de guichet unique. Faisons simple.
Bien entendu, le programme prévoit une participation de l’État et des régions aux investissements pour l’approvisionnement en matériel, l’autonomie alimentaire, le bien-être animal ou encore la gestion les effluents. Mais il y a un aspect à ne pas négliger : si l’on ne veut pas voir des femmes et des hommes abandonner les activités d’élevage, il faut penser à leur bien-être. Ce plan de modernisation doit donc être un outil essentiel pour donner envie aux éleveurs de le rester et de s’investir dans leur métier.
Le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation » constitue un autre motif de satisfaction. Quand on connaît l’enjeu stratégique pour notre économie, pour l’emploi et pour notre balance commerciale, il était effectivement nécessaire de se doter de ces moyens alloués.
Les inquiétudes concernent l’installation des jeunes agriculteurs, même s’il y a lieu de se réjouir du niveau des aides prévues.
C’est un problème mathématique. Nous sommes arrivés aujourd’hui à une situation où les paysans ont besoin de plus de voisins que d’hectares. Si l’on avait besoin auparavant d’une restructuration des exploitations agricoles, le taux de renouvellement des exploitants qui partent à la retraite reste toujours de 60 %.
Si j’aborde ce problème, c’est que l’on va se retrouver face à une situation de fragilité dans certains secteurs ruraux, dans nos villages. Nous le savons tous !
M. René-Paul Savary. C’est vrai !
M. Daniel Gremillet. Il s’agit non pas de faire un procès d’intention, mais d’alerter sur le fait qu’on ne décolle pas du taux de 60 % de renouvellement des agriculteurs partant à la retraite. Et quand on connaît le niveau qui nous attend dans les années à venir, il est essentiel d’avoir une autre ambition sur ce dossier.
Beaucoup des moyens mobilisés proviennent des compensations européennes. En outre, je rappelle que la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de 2010 prévoyait d’affecter à la politique d’aide à l’installation le produit de la taxe sur les plus-values réalisées lors des ventes de terrains agricoles. Or cette plus-value vient en déduction des aides à l’installation versées par le ministère de l’agriculture. Je vous rappelle que nous sommes confrontés à la problématique du renouvellement des générations.
Les regrets concernent d’abord les crédits aux investissements dans une entreprise agroalimentaire. J’ai l’impression que la France tourne le dos à quelque chose d’absolument crucial : l’alimentation. Les enjeux en Europe et dans le monde en sont pourtant colossaux.
Quand on sait les incidences extrêmement positives des investissements agroalimentaires sur l’emploi, l’agriculture et la balance commerciale, il aurait été judicieux de faire preuve de plus d’ambition en matière de financement et de développement de l’industrie agroalimentaire.
Je suis aussi très circonspect sur le dossier de la souscription des assurances. Aujourd’hui, on ne décolle pas.
Un autre regret porte sur le Fonds stratégique de la forêt et du bois. Là encore, le Gouvernement manque d’ambition. C’est un tort quand on connaît les possibilités qu’offre la forêt.
Mon incompréhension porte sur le dossier du CASDAR. Alors que des paysans prélèvent centime après centime sur leur production,…
M. René-Paul Savary. Eh oui !
M. Daniel Gremillet. … pour financer leur développement, on vient leur prendre, d’une certaine manière leur voler une partie de l’argent qu’ils ont mis de côté pour remplacer les subventions publiques.
Mon dernier regret porte évidemment sur les chambres d’agriculture.
Au 1er décembre, j’étais encore à la tête de la chambre d’agriculture des Vosges, que j’ai présidée pensant vingt-six ans. Pendant toutes ces années, avec mes collègues, nous avons économisé, des femmes et des hommes ont travaillé, non pas pour se faire des bas de laine, mais pour financer des projets. Et, vous le savez très bien, si deux abattoirs de proximité ont été créés dans le département des Vosges, c’est parce que la chambre d’agriculture avait mis des moyens de côté pour pouvoir investir et accompagner le projet. Si vous supprimez ces capacités financières dans les départements, vous perdrez toute capacité d’encourager et de développer les initiatives locales.
Connaissant le revenu des paysans des Vosges, quand je vois que l’on va ponctionner les ressources accumulées, qui ne proviennent pour partie même pas du produit de l’imposition – le budget des chambres d’agriculture est financé à 50 % seulement par les impôts, le reste étant le fruit du travail des agriculteurs ! –, je me dis qu’il y a vraiment un problème !
Comme cela a été indiqué, je souhaiterais que les amendements déposés sur cette question par les sénateurs soient retenus par le Gouvernement, car ils apportent un réel enrichissement au texte.
Monsieur le ministre, le bon sens paysan existe encore !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. Daniel Gremillet. Il faut écouter ces femmes et ces hommes de nos territoires agricoles et forestiers. Il y a de belles ambitions agricoles et forestières pour la France. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Alain Houpert, rapporteur spécial, applaudit également.)
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Excellente intervention !
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le contexte budgétaire contraint qui s’impose à nous, le Gouvernement a pris des mesures d’économie difficiles, mais nécessaires et courageuses.
Ces précisions étant apportées, je souhaite revenir sur les motifs de satisfaction que j’ai identifiés dans cette mission.
D’abord, les crédits en faveur de l’enseignement et de la recherche agricoles sont en hausse ; ils atteignent 1,7 milliard d’euros. Des postes d’enseignants ou d’auxiliaires de vie scolaire ont été créés, et l’enveloppe pour les bourses sur critères sociaux est améliorée. Cela constitue un véritable investissement d’avenir.
Autre pari sur le futur, la dotation aux jeunes agriculteurs sera renforcée de 5 millions d’euros en 2015, pour atteindre 26 millions d’euros. Conformément à l’engagement pris par le Président de la République à Cournon-d’Auvergne en 2013, ce sont 100 millions d’euros supplémentaires par an qui sont dévolus à l’installation des jeunes agriculteurs si l’on prend en compte les 75 millions d’euros du premier pilier de la PAC.
Comme agriculteur, je connais bien les craintes et les peurs qui freinent parfois les plus jeunes dans la reprise ou dans l’installation. Tout encouragement en la matière est donc nécessaire et bienvenu.
Rappelons aussi que les exploitants agricoles verront leurs charges d’exploitation diminuer de 200 millions d’euros supplémentaires en 2015 par rapport à 2014. Les coopératives et industries agroalimentaires bénéficieront, elles, dès 2015, d’un allégement de 370 millions d’euros, des baisses de leurs cotisations patronales pour 120 millions d’euros et de la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, pour 50 millions d’euros. Le Gouvernement s’engage donc à hauteur de 729 millions d’euros pour la compétitivité de ces secteurs en 2015.
J’aimerais à présent insister davantage sur le programme 149, « Forêt », qui a été abordé tout à l’heure par notre collègue Yannick Botrel. Dans un pays qui compte 16 millions d’hectares de forêt, soit 30 % de la surface de la France hexagonale, ce programme est central. La forêt joue aussi un rôle économique important dans les territoires, avec 450 000 emplois liés au bois et à la forêt, une production de près de 36 millions de mètres cubes de bois toutes essences confondues et un chiffre d’affaires de la filière forêt-bois d’environ 50 milliards d’euros par an.
Monsieur le ministre, c’est en partant de ce constat que M. Arnaud Montebourg et vous-même avez initié une structuration de la filière au sein du Conseil national de l’industrie. La mise en place du comité stratégique de la filière bois en mars 2014 était le résultat de cette initiative. Avec la création de ce comité stratégique, c’est la première fois que l’ensemble de la filière forêt-bois est reconnu à l’égal des autres filières industrielles stratégiques, comme l’automobile ou l’aéronautique. Face aux enjeux de la transition énergétique et écologique, elle constitue une filière d’avenir innovante, dont les perspectives de croissance sont fortes.
L’action n°°11, Gestion des forêts publiques et protection de la forêt, est la plus importante en proportion. Elle représente en effet 78,1 % des crédits du programme 149. Pour 2015, une baisse de 22 millions d’euros est prévue. Je rappelle l’amélioration de la situation financière de l’ONF en 2014. L’Office devrait présenter un budget à l’équilibre en charges et en produits à hauteur de 840 millions d’euros, ce qui lui permettra de supporter l’effort demandé.
Cette réduction est rendue possible par des prévisions de recettes en hausse et une réduction des dépenses de l’établissement. Il faut souligner l’effet positif du crédit d’impôt compétitivité emploi, le CICE. Nous serons cependant vigilants quant aux évolutions à venir dans le contrat d’objectifs et de performances de l’ONF.
L’action n° 12 porte sur le développement économique de la filière et sa gestion durable, soit 18 % des crédits du programme. La baisse de ces crédits s’explique également par une économie ponctuelle, consistant à ne pas doter en 2015 le Centre national de la propriété forestière. Il est demandé au CNPF de vivre en 2015 sur sa trésorerie. Il est vrai qu’elle est abondante, puisqu’elle représente sept mois de fonctionnement. C’est un exemple de bonne gestion. Je m’en félicite. Pour autant, monsieur le ministre, que pouvez-vous nous indiquer sur la subvention prévue pour 2016 ?
M. Henri Cabanel. Les crédits du « plan chablis Klaus », destinés à aider les propriétaires forestiers à nettoyer et reconstituer les forêts du sud-ouest sinistrées par la tempête de 2009, sont maintenus à hauteur de 42 millions d’euros.
L’action n° 13 porte sur le Fonds stratégique de la forêt et du bois, créé par la loi d’avenir agricole, initiative saluée sur de nombreuses travées des deux chambres du Parlement. Il s’agit principalement de soutenir l’amont de la filière. Cela permettra de financer des actions s’inscrivant dans le plan national et les plans régionaux de la forêt et du bois, également créés par la loi d’avenir agricole.
Depuis la suppression du Fonds forestier national en 2001, le monde forestier attendait la création d’un outil dédié au soutien à l’investissement. Doté de 28,6 millions d’euros d’autorisations d’engagement en 2015 – 11 millions d’euros dans ce programme plus 18 millions d’euros via la taxe additionnelle à la taxe foncière sur le foncier non bâti et le produit de l’indemnité de défrichement –, ce nouveau fonds bénéficie de 39,8 millions d’euros en crédits de paiement. Il viendra ainsi concrétiser l’élan insufflé par la loi d’avenir agricole.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous donner quelques détails sur un sujet annexe, le « Fonds Bois II », à propos duquel les acteurs attendent quelques éléments d’information, notamment s’agissant de sa gouvernance ?
Mes chers collègues, comme vous tous, j’aimerais examiner un budget relatif à l’agriculture en hausse. La conjoncture macroéconomique que nous connaissons n’a pas rendu la chose possible. Dans ces conditions difficiles, il faut reconnaître que ce projet de budget préserve l’essentiel et se tourne vers l’avenir, notamment avec la dotation aux jeunes agriculteurs que j’ai évoquée. C’est pourquoi je voterai ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy.
M. Philippe Leroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de la qualité des propos des rapporteurs et des différents orateurs qui se sont exprimés. Tous parlent désormais de la filière bois avec une science consommée ! De fait, la culture générale relative à la forêt se développe énormément, même si c’est un peu plus vrai au Sénat qu’à l’Assemblée nationale. Voilà qui me facilite aujourd’hui la tâche.
L’année prochaine, il faudra veiller au bon fonctionnement de l’ONF et du Centre national de la propriété forestière. Comme on leur coupe un peu les moyens, il faudra s’assurer qu’ils survivent bien.
Il faudra également tâcher que les scieurs ne se plaignent plus trop des exportations de grumes. Compte tenu de l’incidence sur les cours, il faudra se préoccuper du problème.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. C’est indispensable !
M. Philippe Leroy. Tous les orateurs ont dénoncé un autre problème, fondamental : notre politique forestière a des ambitions, mais pas de moyens.
Des ambitions, nous en avons. M. François Mitterrand avait prononcé un discours célèbre à Latche sur la forêt. M. Nicolas Sarkozy a aussi prononcé un discours célèbre à Brumath. En vérité, voilà trente ans que nos présidents de la République et nos ministres de l’agriculture répètent tous les bienfaits que nous attendons de la forêt. Seulement, voilà trente ans que les crédits diminuent… Sans parler du scandale de la suppression du Fonds forestier national, en 2000 !
On se débrouille pour rassurer les forestiers au lendemain des grandes tempêtes qui, périodiquement, massacrent nos forêts, auxquelles on consacre alors, d’ailleurs chichement, les moyens nécessaires à leur reconstitution. Là est toute notre politique forestière. En dépit des mots et des rapports, c’est une politique sans ambition !
Je le rappelle, le budget alloué par l’État à la forêt, qui couvre un tiers de la superficie nationale, et à sa filière, qui représente 400 000 emplois, se limite à 400 millions ou 500 millions d’euros par an. La somme est ridicule compte tenu des enjeux, ne serait-ce que de la nécessité de replanter 2 millions ou 3 millions d’hectares de forêt pauvre, une opération indispensable au renouvellement de la forêt et à son adaptation écologique. Pas de moyens !
Monsieur le ministre, l’intention qui a présidé à la création du Fonds stratégique de la forêt et du bois était bonne. Mais l’enfer est pavé de bonnes intentions… De fait, ce fonds est doté de sommes faibles, qui ne permettront pas d’atteindre les objectifs souhaités et souhaitables. Et le prochain rapport de la Cour des comptes sur la filière bois et la forêt risque d’éloigner encore sa concrétisation. Car la Cour des comptes va se pencher, à la demande du Sénat, sur cette filière.
M. Jean-Claude Leroy. En d’autres termes, on a lancé un nouveau cycle d’études et de rapports, qui succédera aux trois ou quatre cycles que nous avons connus en trente ans : cinq ou six rapports, une mission de la Cour des comptes, une nouvelle loi forestière, et rien ne change !
Il me paraît indispensable de continuer nos études, nos rapports et nos réflexions, mais surtout de remettre la filière en route en dotant le fonds stratégique des moyens nécessaires à une vraie politique forestière. Je souhaite que nous profitions des quelques semaines qui nous séparent de la mise en application du budget 2015 pour mettre en place un fonds stratégique stable et pérenne à l’occasion d’une loi de finances. Ce fonds, qu’il faut rendre inviolable, devra défendre de manière permanente les intérêts forestiers de la France ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Alain Houpert, rapporteur spécial, applaudit également.)
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si les crédits du ministère de l’agriculture sont en baisse, les dispositifs du pacte de responsabilité et de solidarité bénéficient à hauteur de près de 730 millions d’euros à l’activité agricole. Au total, le solde est positif de 500 millions d’euros.
Plus généralement, le Gouvernement a su maintenir les priorités, notamment le soutien aux agriculteurs et aux forestiers, la sécurité alimentaire, la qualité de l’enseignement agricole et la compétitivité de l’agriculture et de la forêt.
L’intervention que nous venons d’entendre concernait la forêt. La mienne portera sur la viticulture, dont nous savons tous – je pense en particulier à MM. Patriat et Cabanel, et à vous-même, monsieur le président – qu’elle représente l’un des atouts économiques de nos territoires ruraux, d’autant que notre pays est redevenu le premier producteur mondial de vin.
M. François Patriat. Et le meilleur !
M. Roland Courteau. Je tiens à saluer votre action internationale en faveur du secteur, monsieur le ministre. Je pense en particulier à la procédure anti-dumping et anti-subvention qui a été lancée par la Chine, qui contestait les aides européennes accordées à la filière viticole.
Vous avez mérité les mêmes éloges dans le dossier de l’INCANN, l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers, puisque le Gouvernement français a été l’un des trois premiers en Europe à travailler à la défense des indications géographiques dans le cadre des attributions des noms de domaine « .vin » et « .wine ». Je sais que, dans cette affaire, vous souhaitez un accord amiable. Mais je sais aussi que, en cas d’échec, vous inciterez la Commission européenne à engager une procédure contentieuse.
Au plan européen, le programme national d’aide viticole a été reconduit conformément au souhait des professionnels français, avec une enveloppe maintenue au même niveau que lors de la précédente période de la PAC, c’est-à-dire à 280 millions d’euros.
J’apprécie également que vous ayez obtenu qu’un dispositif d’encadrement de la production prenne la suite du système des droits de plantation historiques jusqu’en 2030. C’est une grande victoire en faveur d’une PAC mieux régulée et qui corrige la grave erreur commise en 2008 lors de la réforme de l’organisation commune du marché vitivinicole : la suppression des droits de plantation en 2015.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Roland Courteau. Par ailleurs, je me réjouis que la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt permette de mieux protéger le foncier viticole.
Vous nous avez également aidés à balayer nos craintes au sujet des menaces qui pesaient sur la filière en matière d’augmentation de la fiscalité sur le vin ou de durcissement de la loi Évin. À ce propos, à l’instar de M. Patriat, j’espère que la future loi relative à la santé n’aggravera pas les discriminations à l’égard du vin. (M. François Patriat acquiesce.)
Enfin, comment ne pas saluer les 344 millions d’euros d’allégements de charges dont la filière viticole bénéficiera en 2015 ? Cet effort en faveur du coût du travail sera augmenté de 60 millions d’euros par rapport à cette année, au service de l’amélioration de la compétitivité et de la création d’emplois.
En ce qui concerne les maladies du bois, je remercie le Gouvernement d’avoir prolongé le soutien à la recherche en lançant un nouvel appel à projets doté d’un million d’euros.
Qu’il me soit permis de revenir à présent sur la réforme du forfait agricole. Comme vous le savez, plus de 70 % des vignerons de mon département sont soumis à ce régime.
Récemment encore, le syndicat des vignerons m’a indiqué qu’il nourrissait les plus vives inquiétudes à l’égard de cette réforme. Ses responsables m’ont expliqué que, selon les premières simulations, les cotisations sociales augmenteraient nettement, mettant en grande difficulté les producteurs les plus fragiles. En outre, de nombreux exploitants jusqu’alors non imposables pourraient être privés du bénéfice des minima sociaux, par exemple du RSA, du fait des conséquences fiscales de la réforme.
Enfin, selon ce syndicat, les pluriactifs, qui mettent en valeur près de 20 % de la superficie viticole à titre secondaire, cesseront ou pourraient cesser d’exploiter, pour ne pas subir la hausse prévisible des charges. Dans les régions comme la mienne, il en résulterait une sorte de désertification des territoires ruraux, abandonnés à la friche.
En commission, M. le ministre m’a assuré être très attentif à cette réforme…
M. Didier Guillaume. Il l’est !
M. Roland Courteau. … et soucieux d’en éviter d’éventuels effets néfastes ; ce sont ses propres termes. Je pense qu’il est encore temps d’entendre les professionnels des régions les plus concernées.
Le Gouvernement s’est aussi engagé pour obtenir des instances européennes le rétablissement des aides aux moûts concentrés, qu’elles ont commis la faute de supprimer en 2008. Il s’agit, ni plus ni moins, d’une question d’équité.
Monsieur le ministre, face aux conséquences désastreuses de l’orage de grêle qui a détruit 15 000 hectares dans l’Aude au mois de juillet dernier, vous avez été prompt à rassurer la profession en annonçant des premières mesures d’urgence. Je vous en remercie.
Lors du vote par le conseil d’administration de la mutuelle sociale agricole de la répartition de l’enveloppe de prise en charge des cotisations sociales, les besoins exprimés par les viticulteurs de l’Aude ont été pris en compte. Ainsi, 2,5 millions d’euros ont été débloqués en leur faveur.
Monsieur le ministre, vous aviez pris devant moi un engagement personnel : les besoins seraient satisfaits. Vous avez tenu parole, et je vous en remercie.
Ces considérations m’amènent à aborder l’assurance récolte pour les filières spécialisées, comme la viticulture. Où en sommes-nous du déploiement d’un contrat socle, c’est-à-dire d’une assurance de base plus large d’utilisation ?
Vous n’en serez pas étonné, je suis opposé à la suppression des exonérations de cotisations salariales liées au « contrat vendanges ».
Enfin, je souhaite insister sur les conséquences des récentes inondations que nous avons subies en Languedoc-Roussillon. D’importants dégâts sont à déplorer dans la viticulture, le maraîchage et l’arboriculture, mais aussi sur les semis de céréales.
Le budget que vous présentez est en totale cohérence avec les orientations de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui inscrit notre politique agricole dans la dynamique de l’efficacité économique et écologique, en aidant les filières à s’adapter à l’agroécologie.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre engagement constant à défendre les intérêts du monde agricole ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Didier Guillaume. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard.
M. Pascal Allizard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà plusieurs années que l’on dresse à cette tribune le constat des difficultés rencontrées par l’agriculture et les secteurs associés. Or, force est de le constater, malgré les textes successifs, la situation des agriculteurs ne s’est pas améliorée. Chaque débat législatif ou budgétaire doit être l’occasion de le rappeler.
En vingt ans, le nombre d’exploitations agricoles a baissé de plus de moitié. Ce sont les petites et moyennes structures des territoires ruraux, déjà fragiles, qui en ont le plus souffert. Le secteur agricole a été touché par les crises et par la mondialisation, dans le contexte d’une concurrence grandissante de pays émergents, mais aussi de certains de nos voisins européens.
Au niveau de l’Union européenne, la politique de surcontribution de la PAC aux économies budgétaires pour les années 2014 à 2020 va largement amputer les capacités d’action au bénéfice du monde agricole européen. Comme les rapporteurs spéciaux le soulignent justement, nous assistons à un « lent déclin budgétaire de la première politique commune de l’Europe ».
La situation internationale est aussi facteur de tensions. Ainsi, sur fond de crise en Ukraine, la Russie a décrété à l’égard de l’Union européenne un embargo lourd de conséquences. Il fait chuter, entre autres, les cours du porc, des pommes ou du lait, en pénalisant nos régions exportatrices – mon département en fait partie – et contraint à mobiliser de précieuses ressources pour amortir le choc, en puisant notamment dans la réserve de crise de l'Union européenne, qui, cela vient d'être dit, est presque épuisée.
Pour en revenir à la France, notre modèle agricole a eu tendance à sacrifier le secteur primaire – les producteurs – au profit du secteur tertiaire – les services agricoles, financés par les premiers. À terme, le modèle économique est difficilement tenable. Notre politique agricole et nos orientations budgétaires doivent prendre en compte cette réalité.
La question des charges, de la pression fiscale et des normes se pose aussi. La suppression de certains régimes d’exonération de cotisations sociales n’est pas une bonne nouvelle pour les métiers agricoles à haute intensité de main-d’œuvre. Là encore, le revenu disponible est atteint.
Le Sénat vient de mettre en place un groupe de travail sur les normes en matière agricole et, dans ce contexte, il faut s’en féliciter.
Parmi les autres contraintes, je pense à l’urbanisme dans les zones agricoles, où l’habitat dispersé est souvent la règle. La loi ALUR – pour l'accès au logement et un urbanisme rénové – a été une source de rigidité supplémentaire et, malgré quelques avancées contenues dans la loi d’avenir pour l’agriculture, les annexes des bâtiments demeurent interdites. Or les territoires ruraux sont vivants, et leurs habitants doivent pouvoir entretenir et faire évoluer leur habitat sans contraintes excessives ; cette discussion budgétaire est aussi l’occasion de le rappeler.
La suppression des quotas laitiers – outil de régulation du marché du lait en Europe – programmée pour 2015 inquiète les producteurs français, compte tenu du risque accru de surproduction et de baisse des prix. Déjà, depuis deux mois, les prix chutent. Des mécanismes de prévention et de régulation sont nécessaires, sauf à ce que nous changions de modèle ; ce serait alors un autre débat !
Trop de sujétions pèsent sur le monde agricole hexagonal, notamment par rapport à certains de nos voisins européens. Par conséquent, beaucoup reste à faire, en particulier, en matière d’harmonisation fiscale et sociale. La France doit rester à la pointe de ce combat.
Un autre moyen d’accroître les revenus des agriculteurs consiste à valoriser certaines productions et à les attacher à leur terroir. C’est tout le principe des produits sous signes de qualité, comme les AOC. Ainsi, dans mon département du Calvados, comme dans d’autres, les produits sous signes de qualité font la fierté des producteurs…
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Dans l’Orne aussi !
M. Pascal Allizard. Bien sûr, monsieur le sénateur de l’Orne ! (Sourires.)
Cette fierté est légitime quand on sait que les produits sous signes de qualité s’exportent jusqu’au Japon ! Cependant, aujourd’hui encore, ces signes pâtissent de la coexistence de nombreux labels – certains utiles, d’autres moins – qui peuvent créer de la confusion dans l’esprit du consommateur.
Il serait souhaitable de clarifier les signes et labels pour à la fois assurer une meilleure information du consommateur et mener une véritable politique de valorisation des filières agricole de qualité. Sans rien coûter au budget, cela serait source de valeur ajoutée.
J’en viens à la répartition des aides agricoles entre grandes cultures et élevage. Certes, un rééquilibrage était nécessaire. La France a fait son choix au travers des mécanismes de la nouvelle PAC. L’élevage, notamment dans la filière viande, reste l’un des secteurs les plus affectés par la détérioration de la situation agricole.
L’ouverture du marché européen aux viandes des États-Unis dans le cadre du Partenariat transatlantique pourrait, dans ce contexte, avoir des conséquences graves, en particulier pour l’élevage allaitant. Le groupe de travail de la commission des affaires européenne auquel j’appartiens sera attentif aux effets pour la France du traité transatlantique.
Avant d’en arriver à ma conclusion, je dirai quelques mots de la filière hippique, qui a pour sources quasi exclusives de financement les contributions des propriétaires et les paris. Son équilibre financier est aujourd’hui menacé par la baisse des enjeux. Il nous faut rester également attentifs à cette évolution.
Au-delà de ce débat budgétaire, je compte, monsieur le ministre, sur votre engagement pour redonner son caractère d’excellence « à la française » à notre agriculture, cette filière économique essentielle, en particulier, à la survie des territoires ruraux. Les secteurs qui y sont associés doivent redevenir des moteurs de croissance pour ces territoires. Mais je doute, personnellement, que ce budget y contribue vraiment. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC. – M. le président de la commission des affaires économiques applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à souligner la qualité des interventions.
Ne disposant que de quarante minutes, je m'attacherai tout de suite à répondre aux très nombreuses questions qui m'ont été posées, faute de quoi il me faudrait deux heures, comme d’habitude ! (Sourires.)
Je commencerai par le contexte général, que beaucoup d’orateurs ont évoqué.
Les marchés pèsent sur les prix agricoles, qui ne sont pas bons. Par conséquent, le moral des agriculteurs n’est pas bon non plus. Ce constat renvoie à un questionnement plus général, à la fois sur les éléments de l’offre, les éléments de structuration entre l'offre et la demande, et les efforts que l’on doit poursuivre.
À cet égard, je me permets de souligner que je n’ai jamais été sollicité par quiconque pour lancer « Viande de France » juste après la crise des lasagnes à la viande de cheval. De même, j’ai mis en œuvre un processus qui aboutit à « Lait de France » et que j’ai récemment lancé une charte sur les fleurs de France. J’ajoute que je cherche à avancer sur le dossier des miels de France…
Pour offrir des débouchés à l’agriculture au niveau national et local, l’origine et la traçabilité des produits continuent de constituer à mes yeux un axe stratégique.
De fait, l'agriculture française a une dimension internationale. Elle a incontestablement un rôle en Europe et dans le monde au regard des grands défis alimentaires. Parallèlement, l’image de la France dans le monde est en grande partie liée à son agriculture et à sa gastronomie. Si l’agriculture française est reconnue comme la première agriculture en Europe et comme une grande agriculture dans le monde, elle est aussi réputée pour la qualité de ses produits ; il n’est que de citer l’exemple de notre viticulture et de sa part dans nos exportations.
L’internationalisation est patente : l’agriculture européenne et, donc l’agriculture française subissent de plus en plus les effets des marchés internationaux, et cela indépendamment de tout mécanisme de régulation de la production susceptible d'être mis en place à l’intérieur de l'Europe.
Je prendrai l’exemple du lait : si une baisse des prix est anticipée pour le début de l’année prochaine, c'est parce que l’on a constaté que le prix de la poudre de lait baissait sur le marché de Nouvelle-Zélande ! Certains considéreront que ce n’est pas un problème, mais cet impact par anticipation me désole. Dès lors, je veux tout faire pour éviter les effets de volatilité ou une brusque baisse du prix du lait, notamment au début de l’année prochaine. Nous y travaillons, et des contacts ont été pris.
Quoi qu'il en soit, les composantes du monde de l’alimentation et de l’agriculture sont de plus en plus interdépendantes.
J’ai bien entendu la solution que, face à cette situation, certains d’entre vous ont avancée : il suffirait de fermer les frontières ! Or se fermer au monde implique en particulier de se fermer à l'Europe, et donc à des pays voisins. Cela signifie qu’on ne peut plus continuer à exporter et à valoriser des pans entiers de cette formidable histoire de l’agriculture française et de la gastronomie française ! C'est toujours le même dilemme : certains trouvent une solution, mais elle posera beaucoup plus de problèmes qu’elle n’en résoudra… De fait, tout ministre de l’agriculture – à commencer par moi – cherche à tenir les fils de cette histoire, à la fois au niveau européen et au niveau mondial.
C'est pourquoi la bataille sur le budget de l'Europe a été conduite sur la base de cette considération stratégique : l'Europe ne peut pas se désintéresser de la question agricole et alimentaire, car elle fait partie des grands équilibres du monde de demain. La bataille sur le budget a été menée avec cette idée toute simple, mais, je le rappelle au passage, ce qui a été obtenu n’est pas ce qui était prévu.
M. François Patriat. C'est vrai.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je me souviens très bien du niveau auquel se situaient les discussions lorsque je suis arrivé : nous étions à moins de 800 milliards d’euros annuels pour la perspective financière à cinq ans. Une baisse aussi importante du budget global ne pouvait qu’entraîner une réduction de celui de la PAC. La stratégie que nous avons suivie – et ce n’était pas, je le rappelle, celle de l’ancien ministre de l’agriculture – n’a pas consisté à rechercher un accord direct avec l’Allemagne sur cette question, mais à trouver un accord majoritaire qui lie la question agricole à celle de la politique de cohésion territoriale.
C'est en effet le lien entre les fonds liés à la cohésion et celui lié à la politique agricole qui a permis de construire une majorité. Les pays d'Europe centrale étaient encore plus attachés aux fonds de cohésion qu’à la politique agricole. Dès lors, si l’on avait « lâché » sur les fonds de cohésion, la France n’aurait pas pu parvenir au résultat qu’elle a obtenu sur le budget de la politique agricole.
Voilà une vraie différence ! Personne ne pourra jamais dire quelle aurait été la conséquence d’un autre choix stratégique. Tout ce que je sais, c’est qu’elle aurait été négative pour le montant du budget de l’agriculture au niveau européen.
Maintenant, nous avons 9,1 milliards d’euros par an, dont un peu plus de 7 milliards d’euros sur le premier pilier et 2 milliards d’euros sur le second pilier. Alors, on peut discuter sur cet acquis, se demander s'il est suffisant, mais il constitue en tout cas un résultat très positif par rapport à ce que chacun pouvait anticiper. Et que ceux qui l’ont critiqué se le disent : ce résultat a été salué non seulement politiquement, mais surtout syndicalement, avec une belle unanimité ! La FNSEA elle-même a souligné qu’il s'agissait d’un très bon résultat pour la France. Que dis-je, pour la France ? Pour les agriculteurs français. Mais il est vrai que, lorsque nos agriculteurs ont des perspectives, notre pays peut en avoir aussi !
J’en viens à la question du budget national. Il doit s'inscrire dans une complémentarité avec le budget européen, en tenant compte des choix opérés dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune, car c'est après avoir défini le budget global que l’on a pu négocier une réforme de la PAC.
Tous ceux qui, ici, ont participé au débat sur la PAC gardaient en tête le fait que l’élevage français était en train de se rétrécir au profit de productions céréalières. En 2011 et 2012, les prix des céréales étaient extrêmement élevés, si bien que dans des départements comme le mien, l’élevage, qui prévalait, tendait à se rétracter au profit du retournement des terres…
L'objectif était alors d’énoncer des choix stratégiques au niveau de la politique agricole commune qui nous permettent de stabiliser l’élevage et d’éviter, en particulier, un découplage total des aides européennes – débat européen majeur –, c'est-à-dire l’absence de tout lien entre l’aide à l’hectare et la production effective. Cette bataille pour maintenir un certain niveau de couplage des aides, c'était donc d'abord une bataille pour l’élevage.
À ce propos, j’ai entendu M. Yvon Collin faire état du niveau des aides aux vaches allaitantes, de problèmes de dégressivité, ou de problèmes liés aux génisses… Ces sujets particuliers ne doivent pas occulter le fait que les aides sont globalement maintenues pour l’élevage.
Imaginons qu’il n’y ait plus que des aides à l’hectare. Qu’est-ce qui justifierait, dans beaucoup de régions, que l’on continue à investir dans l’élevage, en particulier bovin et ovin ? Rien ! Le couplage était donc un enjeu majeur, et il se trouve que ce système, joint aux aides de compensation des handicaps, a permis de faire un lien entre le budget national et le budget européen
En effet, la fameuse prime nationale à la vache allaitante – la PSVA, bien connue de tous nos services –, qui figurait dans le budget national et représentait 166 millions d’euros, a été transférée au budget européen dans le cadre de la négociation que j’ai menée sur le couplage des aides. Cela permettait de maintenir l’aide aux éleveurs et aux bassins allaitants tout en gérant la réduction du budget national – je savais évidemment quelles étaient nos contraintes budgétaires.
C'est ainsi qu’il a fallu jouer sur la négociation européenne pour anticiper la nécessaire réduction du budget national sans remettre en cause les aides aux éleveurs. Voilà l’emboîtement entre l’Europe, la PAC et le budget national auquel nous sommes parvenus.
Que se serait-il passé si nous avions eu un budget européen moindre et toujours autant de contraintes au niveau du budget national ? Qu’on y réfléchisse bien ! Comment aurions-nous pu maintenir le niveau des aides directes, destinées en particulier aux éleveurs, si nous n’avions pas bénéficié de ce jeu de complémentarité et de transfert ? Nous aurions été confrontés – je peux le dire maintenant que nous avons gagné notre pari – à de grandes difficultés !
D’ailleurs, lors des premières négociations que j’ai menées avec Bercy, nous avions envisagé une telle évolution : confrontés à la nécessité d’une réduction du budget, nous avons donc agi de manière à être en phase avec les agriculteurs.
Pour en terminer avec la question des compensations de handicaps, cette importante politique d’aide absolument nécessaire pour maintenir l’agriculture, et notamment l’élevage, je rappelle que, dès 2015, la promesse faite par le Président de la République, à savoir 1 milliard d’euros pour l’ensemble de la zone, sera réalisée, alors que nous en étions encore l’an dernier à 620 millions d’euros, pour l’ensemble des zones ICHN – indemnités compensatoires de handicaps naturels – et PHAE – prime herbagère agroenvironnementale. Cet effort a été reconnu par tous, y compris dans des articles parus dans les revues d’un certain nombre de départements concernés. Avec les zones ICHN, cette PAC est bien meilleure ! Elle a permis d’introduire un rééquilibrage, un verdissement, et de garantir les grands objectifs de l’agriculture française, en particulier pour l’élevage.
M. Didier Guillaume. Tout le monde est d’accord !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Tel est l’enjeu !
Il reste, évidemment, la question du budget. Bien sûr, je l’ai dit, on essaie de faire des efforts, sans remettre en cause la capacité à agir du ministère de l’agriculture. Certes, ce budget va encore baisser de 200 millions d’euros, pour arriver à 4,7 milliards d’euros. Je rappelle toutefois qu’une compensation, à hauteur de 729 millions d’euros, est prévue : elle est liée au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE –, en réalité au pacte de responsabilité et de solidarité. Cette décision doit être considérée comme un élément structurant pour l’avenir.
Une part de l’effort de l’État en matière d’économies budgétaires se fait au bénéfice direct de l’activité économique, au travers d’une baisse globale des charges, y compris l’activité agricole. Ainsi, par un effet de transfert, l’effort de réduction de la dépense publique profite à l’agriculture, il ne faut jamais l’oublier. Si l’on réalise 200 millions d’économies sur le budget de l’agriculture, cette somme sert ensuite à financer une partie du pacte de responsabilité, qui correspond à 40 milliards d’euros d’engagements en faveur de l’économie. La filière agricole en bénéficie à hauteur de 729 millions d’euros.
La filière viticole recevra ainsi plus de 70 millions d’euros supplémentaires l’année prochaine, et la filière arboricole, plus de 50 millions d’euros.
Dans des secteurs rencontrant des difficultés, en particulier en Bretagne, les avances au titre du CICE et le CICE lui-même ont été des facteurs de maintien d’activité. Ils ont permis de redresser un certain nombre d’activités, en particulier l’abattage, et de retrouver des perspectives de développement pour demain.
Pour résumer, si 200 millions d’euros d’économies sont réalisés sur le budget de l’agriculture, 729 millions d’euros sont récupérés pour soutenir directement l’activité économique agricole, sur l’ensemble de l’effort effectué.
J’en viens aux grandes orientations budgétaires. Cela a été dit, elles sont conformes au débat que nous avons eu sur la loi d’avenir pour l’agriculture, c'est-à-dire conformes à une perspective de moyen et long terme d’organisation au travers de l’agroécologie, et je salue la verve dont Joël Labbé fait toujours preuve sur le sujet ! Je lui rappelle toutefois qu’on ne fera pas passer du jour au lendemain un modèle agricole conventionnel à un système agro-écologique. Il faut une transition, que nous devons organiser aujourd'hui. C’est cela qui est important !
Nous franchissons la première étape, le premier socle sur lequel nous nous appuierons ensuite en matière d’enseignement agricole, de recherche et de développement. La transition doit se faire au fur et à mesure : c’est un avantage pour la France, dans la mesure où la performance économique, environnementale et sociale constitue un atout en termes de capacités productives et de compétitivité.
Dans le cadre des choix effectués par le Président de la République en faveur de la jeunesse, nous avons eu le souci, dès le départ, de créer des postes dans l’enseignement agricole : près de 145 dans l’enseignement technique, 20 pour des aides à l’éducation et 20 autres dans la recherche.
Surtout, pour la première fois depuis dix ans, cela a été rappelé, nous avons créé des emplois– 60 postes – dans le domaine sanitaire et vétérinaire.
M. Didier Guillaume. C’est énorme !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Ce sujet est au cœur du débat sur la santé, comme il est essentiel au regard de nos capacités exportatrices. On me dira : ce ne sont que 60 postes ! En fait, c’est très important, car, quand je suis entré au Gouvernement, en 2012, on parlait de supprimer 120 emplois. Nous avons commencé par diviser ce nombre de moitié. En 2013, nous avons stabilisé la situation. Aujourd'hui, nous créons 60 emplois ! Je crois qu’il convient de saluer collectivement cette avancée, et la Cour des comptes l’a fait.
Mme Sophie Primas. Nous aussi !
M. Stéphane Le Foll, ministre. S’agissant de l’agro-écologie, l’État participera au plan de modernisation en faisant passer sa contribution de 30 millions à 56 millions d’euros. Avec l’ensemble des effets de levier liés au FEADER et à la politique régionale, nous espérons atteindre l’objectif de 200 millions d’euros.
La modernisation des bâtiments d’élevage, c’est vrai, constitue un enjeu important de compétitivité ; ce point fait consensus au regard de l’objectif stratégique.
Il est d’autres sujets qui sont encore à débattre et sur lesquels les intervenants ont émis des interrogations, voire des critiques.
J’évoquerai tout d’abord les chambres d’agriculture. Je ne reviendrai pas sur l’effort demandé à tous les établissements publics, et notamment aux autres chambres consulaires. Pour ma part, j’ai cherché à protéger les chambres d’agriculture, dont je connais le rôle et la place. J’ai parfaitement conscience de la nécessité de leur donner les moyens d’assurer leurs missions.
Pour autant, l’effort doit concerner tout le monde, y compris le Centre national de la propriété forestière.
C’est un fait, les chambres d’agriculture disposent d’un fonds de roulement correspondant à deux mois d’activité, qui se situe hors des normes prudentielles puisqu’il est supérieur au petit « matelas » nécessaire pour prévenir les aléas que peuvent rencontrer l’ensemble des établissements publics.
Nous avons donc considéré que l’effort demandé pouvait se concrétiser par le biais d’un prélèvement sur ces fonds de roulement. Une négociation a eu lieu, dans le but de définir ensemble ce que devait être un effort mesuré. Je rappelle également que toutes les sommes correspondant à des enjeux d’investissement notifiés avant le mois de juillet dernier n’entraient pas dans le calcul du prélèvement.
Or les chambres d’agriculture se sont découvert cette année une volonté d’investir largement supérieure à celle qu’on a pu constater les années antérieures !
M. Daniel Gremillet. Mais non !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Mais si, monsieur le sénateur, et ancien président de chambre d’agriculture ! Les chiffres sont parlants : le niveau des investissements constaté cette année correspond à quatre fois la moyenne des investissements des années précédentes ! Il s’est donc passé quelque chose… En réalité, confrontées au prélèvement, les chambres d’agriculture ont cherché à utiliser leur fonds de roulement pour investir. Et c’est bien normal ! Mais cela justifie aussi que nous restions sur la ligne que nous nous sommes tracée, en demandant aux chambres d’agriculture, comme nous le demandons à tous, de fournir un effort.
S’agissant du contrat vendanges, il y a un vrai débat, lié à ce que représente la viticulture en France. Je rappelle en préambule que le travail saisonnier ne concerne pas uniquement la vigne. Des gens travaillent aussi pour ramasser des raisins de table, des pommes, des fraises…
Quand j’étais jeune, j’ai ramassé des pommes. Je m’en souviens encore très bien, ce n’est pas un travail facile ! (Sourires.)
M. Didier Guillaume. Et que dire des abricots et des pêches !
Mme Sophie Primas. Et les radis donc ! (Nouveaux sourires.)
M. Stéphane Le Foll, ministre. Le pire, c’est le cassis ! Pour faire dix kilos de cassis, il faut rester longtemps à genoux ! À l’époque, pour les pommes – j’ai déjà raconté cette anecdote à l’Assemblée nationale –, il fallait remplir 56 cageots de 20 kilos pour gagner un SMIC ! Je me souviens que j’arrivais à faire 80 cageots.
M. Michel Le Scouarnec. Il faut ramasser 200 kilos de haricots pour un SMIC !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Qui dit mieux ? (Nouveaux sourires.)
Il existait donc une mesure spécifique pour les vendanges. Mais pourquoi ce qui vaut pour les vendanges ne vaudrait-il pas pour d’autres activités ?
Des parlementaires de l’UMP, de façon naturellement tout à fait légitime, ont saisi le Conseil constitutionnel.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Ils ont d’ailleurs posé des questions très judicieuses, et ils ont obtenu gain de cause.
Le Gouvernement avait proposé une exonération des cotisations sociales jusqu’à 1,3 SMIC, qui reprenait en fait le dispositif du contrat vendanges, mais de manière générale. Ces parlementaires, dont certains étaient de départements viticoles, je le dis au passage, ont argué que le texte du Gouvernement tendait à remettre en cause la notion même de cotisation sociale en introduisant un mécanisme de modulation. D’après eux, cela transformait ces cotisations en impôts.
Dans la mesure où le Conseil constitutionnel a donné raison aux pétitionnaires, on est passé d’un système d’exonérations de cotisations sociales à un système jouant sur l’impôt, en supprimant la première tranche.
Dès lors que cette mesure vaut pour tous les salariés, elle s'applique aussi, évidemment, aux contrats vendanges, qui ne sont pas supprimés puisque, contrairement à ce que j’ai pu entendre, on continuera à pouvoir embaucher des jeunes sur leurs congés payés et des étudiants.
Dans ces conditions, il devient difficile, après avoir obtenu gain de cause auprès du Conseil constitutionnel, dans le cadre d’une requête pertinente, intelligente, de justifier la défense d’une seule partie, alors qu’on a raison sur le fond : à partir du moment où le Conseil constitutionnel a décidé, force est d’appliquer sa décision. C’est ce qui a conduit à la suppression de la première tranche de l’impôt. Mais, au départ, ce n’est pas moi qui ai saisi le Conseil constitutionnel ! Ce sont les députés de l’UMP !
Je souhaite également évoquer les problèmes de la forêt. Je suis d’accord, un financement plus important est nécessaire. On peut également considérer que nous avons besoin d’organisation, de structuration, d’incitation et de volonté pour donner de l’ambition à la forêt française ? Le fonds stratégique est une étape ; il est fragile, j’en suis parfaitement d’accord. Si ce que nous avons mis en place réussit, en partant d’une hypothèse de 10 millions d’euros, on pourra arriver, d’ici à deux ans, à 30 millions d’euros, grâce aux fonds européens et à la taxe sur le défrichement. C’est modeste, c’est sans doute insuffisant, mais cela reste un élément fort.
Dans la mesure où ce fonds n’a pas pu faire l’objet d’un compte d’affectation spéciale, j’ai cherché à le garantir, en le définissant en tant que fonds spécifique et stratégique. Il est inscrit dans la loi de finances ; il sera le réceptacle d’un certain nombre des éléments que j’ai évoqués, en particulier des taxes de défrichement, sur une partie des sentiers forestiers. Il s’agit, par divers moyens, de conforter ce fonds.
D’ici à quelques semaines ou quelques mois, nous ferons des propositions, je vous l’annonce d’ores et déjà, pour mobiliser une partie de l’épargne en faveur de la forêt. Un travail intéressant a été conduit en la matière.
Comme vous, monsieur Leroy, je pense qu’il faut continuer à renouveler et à développer notre forêt. C’est un élément stratégique majeur.
J’en viens à la question des installations. Selon les chiffres de la MSA, entre 2012 et 2013, le nombre des installations a augmenté de 6 %, c’est-à-dire qu’on en a compté 12 600, dont 8 600 concernaient des moins de quarante ans. L’honnêteté m’oblige néanmoins à dire qu’on a enregistré dans le même temps 20 000 départs à la retraite.
Chacun le sait, le phénomène ne date pas d’aujourd’hui ! Pour que le nombre des installations rejoigne celui des cessations d’activité et des départs à la retraite, soit entre 10 000 et 15 000, objectif fixé dans la loi d’avenir pour l’agriculture – avec une étape à 8 000 –, il faudra poursuivre notre effort. À cet effet, nous avons débloqué près de 100 millions d’euros, sans compter un abondement auquel nous avons récemment procédé.
L’installation, au même titre que la jeunesse et le renouvellement, fait partie de nos axes stratégiques et nous serons tous d’accord pour considérer qu’il s’agit là d’un enjeu majeur.
La situation de l’ONF est une vraie question. Je veux être très clair : le régime forestier est garanti, même si nous allons devoir procéder à des adaptations et faire des choix compte tenu des efforts qui sont demandés aux différents opérateurs de l’État.
Je rappelle que l’ONF, depuis que nous sommes aux responsabilités, a reçu près de 100 millions d’euros, au-delà du contrat d’objectifs et de performance ; nous ne faisons qu’en reprendre une partie, soit 20 millions d’euros.
Je suis d’accord, nous demandons à l’ONF un effort. La vente du bois lui assure une partie de son financement, mais il faut rester vigilant. Le régime forestier, c’est-à-dire la gestion de la forêt publique, l’équilibre à trouver entre les forêts qui sont rentables économiquement et celles qui ne le sont pas, c’est, pour notre pays, un enjeu sur lequel on ne peut pas transiger.
Je le répète, en dépit des efforts de gestion qui sont demandés à l’ONF, le régime forestier sera préservé, je m’y engage et je ne changerai pas d’avis.
Pour ce qui est du Centre national de la propriété forestière, j’ai rencontré récemment son nouveau président, un Sarthois. J’ai pu lui indiquer que le fonctionnement du centre ne serait pas affecté. L’effort sur le fonds de roulement est fait et si jamais il devait survenir un problème, nous serions là pour assurer la pérennité du fonctionnement du CNPF.
Le prélèvement sur fonds de roulement est lié à la suppression de la subvention. Celle-ci sera rétablie dès 2016.
S’agissant de l’ANSES, nous avons trouvé des solutions, après de longs débats, sur le déplafonnement et nous avons décidé la création de 10 emplois pour lui permettre d’assumer ses nouvelles responsabilités. C’est là un sujet de satisfaction. Nous pouvons compter sur cette agence.
Je conclurai mon propos en évoquant la directive Nitrates, qui fait partie de ces débats d’actualité qui sont souvent source d’incompréhension pour les agriculteurs.
Cette directive n’est pas toute récente, mais nous devons nous plier aux injonctions européennes dans la mesure où une procédure d’infraction a été ouverte contre la France. Aussi allons-nous définir des zones vulnérables selon des critères sur lesquels nous sommes en train de travailler. J’ai demandé à l’INRA et à l’Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture, l’IRSTEA, un travail de fond sur ce sujet. Actuellement, le seuil de nitrates à respecter pour stopper l’eutrophisation est de 18 milligrammes par litre ; nous avons engagé des discussions à ce sujet.
Systématiquement, les agriculteurs situés en zone vulnérable anticipent le risque et investissent pour stocker les effluents d’élevages. Dans le contexte actuel, cette contrainte est souvent considérée comme insupportable. Donc, notre objectif est de tout faire pour réduire le risque lié à l’investissement, à la fois en donnant des précisions sur les zones à risque par une identification fine des bassins hydrographiques grâce au satellite, en faisant en sorte qu’une partie des effluents d’élevage – en particulier tout ce qui est fumier pailleux – soit stockée en plein champ, car cela ne nécessite pas d’investissement, et en accroissant les possibilités d’épandage sur les pentes afin de rendre le stockage moins nécessaire.
Si, malgré ces mesures, des adaptations s’avèrent encore nécessaires, nous allons mettre en place une charte de l’autoconstruction, afin de permettre à l’agriculteur de limiter ses coûts d’investissement.
Si, au bout du compte, il subsiste des besoins de stockage, alors, nous appuierons financièrement les investissements, en particulier au moyen du plan de modernisation. Les discussions qui ont été engagées à cette fin avec les régions sont bien avancées.
Je le répète, nous devons déférer à la demande de l’Europe ; à défaut, nous serions sanctionnés. Dans le même temps, mon rôle en tant que ministre est de tout faire pour éviter que les investissements ne pèsent sur la trésorerie des agriculteurs.
Modifier l’ensemble des critères et des éléments à prendre en compte : c’est ce que nous avons négocié avec le mystère de l’environnement et c’est ce que nous négocierons avec l’Europe. Pour ma part, je le redis de manière claire, je ne veux pas infliger aux agriculteurs une nouvelle charge qui les mettrait en difficulté. La situation est déjà assez difficile pour eux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des amendements portant sur les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », figurant à l’état B.
État B
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales |
3 099 633 225 |
2 921 307 752 |
Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires |
1 608 478 991 |
1 409 703 535 |
Forêt |
279 319 614 |
292 684 183 |
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation |
496 571 491 |
495 250 491 |
Dont titre 2 |
285 515 637 |
285 515 637 |
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture |
715 263 129 |
723 669 543 |
Dont titre 2 |
630 798 298 |
630 798 298 |
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L'amendement n° II-146 rectifié quater est présenté par MM. Savary, Bouchet, Bouvard, Cambon, Cardoux et Courtois, Mme Estrosi Sassone, MM. Gremillet, Laménie, D. Laurent, Lefèvre, Leleux, Milon, Mouiller, de Nicolaÿ et Pierre, Mme Primas et M. Revet.
L'amendement n° II-213 rectifié est présenté par MM. Kern et V. Dubois, Mme Doineau, MM. Luche et Guerriau, Mme Gatel et M. Tandonnet.
L'amendement n° II-349 est présenté par MM. Mézard, Collin et Requier, Mme Laborde et MM. Fortassin et Bertrand.
L'amendement n° II-365 rectifié est présenté par M. César, Mme Des Esgaulx et MM. Pintat et B. Fournier.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
Forêt
|
||||
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation Dont Titre 2 |
||||
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture Dont Titre 2 |
10 000 000 |
10 000 000 |
||
Total |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
10 000 000 |
Solde |
0 |
0 |
La parole est à M. René-Paul Savary, pour défendre l’amendement n° II-146 rectifié quater.
M. René-Paul Savary. Cet amendement a pour objet d’augmenter de 10 millions d'euros les crédits de l'action 12, Gestion des crises et des aléas de production, du programme 154.
Dans le cadre de la PAC, les subventions aux assurances climatiques peuvent représenter au maximum 65 % du coût de l’assurance. La France finance 25 % de ces subventions, les 75 % restants étant financés par des fonds européens.
C’est la dernière année que le cofinancement national est obligatoire : l’an prochain, la totalité de l’aide à l’assurance sera financée sur crédits européens par un transfert du premier pilier vers le deuxième pilier.
Au fil des ans, ce taux de couverture de 65 % n’a pas été atteint, faute de crédits suffisants. En 2015, il manquera encore de l’argent et les grandes cultures recevront donc une aide inférieure à 65 % du montant des primes d’assurance. Il faut savoir que, cette année, ce taux était de 43 % du coût de ces primes d’assurance.
Nous prenons acte de la consolidation de l’enveloppe de 97,2 millions d’euros pour le financement de l’assurance récolte. Néanmoins, par cet amendement, nous proposons de maintenir un taux de subvention de 65 % pour toutes les cultures.
M. le président. L’amendement n° II-213 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° II-349.
M. Jean-Claude Requier. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Gérard César, pour présenter l'amendement n° II-365 rectifié.
M. Gérard César. Il est également défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II–120, présenté par MM. César et Lasserre, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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|
+ |
- |
+ |
- |
Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
Forêt
|
||||
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation Dont Titre 2 |
||||
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture Dont Titre 2 |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
Total |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
Solde |
0 |
0 |
La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.
M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement a pour objet d’accroître de 2 millions d’euros les fonds inscrits au projet de loi de finances et destinés à financer les subventions aux assurances climatiques, de manière à atteindre un taux effectif de soutien de 65 %. Il s’agit évidemment d’un amendement de repli par rapport au précédent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Ces cinq amendements visent à réduire les crédits du programme 215 au profit du programme 154 ; les quatre premiers portent sur 10 millions d’euros, tandis que celui de la commission des affaires économiques porte sur 2 millions d’euros.
Tout à l’heure, j’ai eu l’occasion de souligner que les crédits dédiés aux aléas étaient insuffisants dans le projet de loi de finances pour 2015. C’est par exemple le cas des subventions à l’assurance récolte, cofinancées à hauteur de 75 % par l’Union européenne, et qui devraient permettre, idéalement, comme l’a dit M. Savary, de couvrir 65 % du montant des primes d’assurance, les aides communautaires s’additionnant aux aides de l’État.
La commission des finances demande aux auteurs des amendements nos II-146 rectifié quater, II-349 et II-365 rectifié de bien vouloir les retirer au profit de l’amendement n° II-120, sur lequel la commission des finances a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Les fonds dédiés aux assurances récolte se montaient à 20 millions d’euros en 2005, à 37 millions d’euros en 2008, à 77 millions d’euros en 2013 ; ils se monteront à 100 millions d’euros en 2015.
Je comprends la mobilisation que suscite ce sujet compte tenu de l’actualité récente, mais je tiens à rappeler aussi que, en complément de ce qui existe à ce jour, nous sommes en train de travailler sur ce fameux contrat socle qu’a évoqué M. Courteau.
M. Gérard César. Moi aussi !
M. Stéphane Le Foll, ministre. En effet, cher Gérard César !
Ce dispositif devrait être opérationnel au début de l’été prochain.
À terme, nous devrons réfléchir à la manière de financer davantage, à partir du premier pilier, le système assurantiel.
Pour l’instant, nous proposons 100 millions d’euros et je souhaite qu’on en reste là. D’ici à l’été prochain, verra le jour le contrat socle et seront formulées des propositions en matière d’assurance afin de compléter le dispositif actuel. À l’avenir, nous mènerons des discussions sur les moyens à mobiliser en particulier sur le premier pilier.
M. le président. Monsieur Savary, l'amendement n° II-146 rectifié quater est-il maintenu ?
M. René-Paul Savary. À travers cet amendement, je souhaite traduire la souffrance du monde agricole. Le 5 novembre dernier, à Châlons-en-Champagne, j’ai assisté à une démonstration de colère du monde agricole : étaient présents à la fois les jeunes agriculteurs, les représentants des chambres d’agriculture, des fédérations régionales et même du monde viticole. Pour certains, le malaise trouve sa source dans la baisse des revenus, pour d’autres, il est provoqué par le caractère devenu insupportable des normes.
Monsieur le ministre, vous avez parlé de la directive Nitrates : il faut véritablement trouver des solutions si l’on veut associer cette dimension environnementale à la dimension sociale et à la dimension économique.
C’est la raison pour laquelle il me paraît important d’adresser quelques signes à ce monde agricole. Les sommes en jeu ne sont pas si importantes : je veux bien retirer mon amendement qui porte sur 10 millions d’euros au profit de celui de la commission des affaires économiques, qui porte, lui, sur 2 millions d’euros. Mais si, demain, des catastrophes naturelles causent des pertes dans les récoltes, le malaise s’accentuera et la situation deviendra particulièrement grave.
M. le président. L'amendement n° II-146 rectifié quater est retiré.
Monsieur Requier, l'amendement n° II-349 l’est-il également ?
M. Jean-Claude Requier. Oui, monsieur le président.
M. Gérard César. Je retire également l’amendement n° II-365 rectifié, monsieur le président !
M. le président. Les amendements nos II-349 et II-365 rectifié sont retirés.
La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote sur l’amendement n° II-120.
M. Bruno Sido. Monsieur le ministre, je saisis cette occasion pour réitérer la question que je vous avais déjà posée en commission.
Chacun sait que cette assurance récolte n’a pas obtenu le succès attendu. Il y a certainement des raisons à cela, mais il faut d’abord les chercher du côté des assureurs ! En effet, pour pouvoir s’assurer contre les aléas climatiques, il faut également être assuré contre la grêle. Or un assureur peut refuser à un agriculteur de l’assurer contre les aléas climatiques au prétexte que celui-ci est déjà assuré contre la grêle !
Par conséquent, monsieur le ministre, la question que je vous pose, car de nombreux agriculteurs me l’ont posée et que je me la pose moi-même, est la suivante : quand va-t-il y avoir une réforme de cette assurance contre les aléas climatiques afin que l’on puisse enfin s’assurer chez l’un pour la grêle et chez l’autre pour les accidents climatiques, en faisant jouer la concurrence ? (Bonne question ! sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je rappellerai d’abord que, en France, on assure contre la grêle depuis fort longtemps et que cela n’existe nulle part ailleurs dans le monde.
Dans la définition du contrat socle, nous prendrons en compte des aléas climatiques qui peuvent toucher diversement des productions fourragères, des productions arboricoles, la viticulture, etc. L’an dernier, par exemple, le Bordelais a été particulièrement touché. Ainsi, ce contrat socle constituera le minimum d’assurance contre des aléas climatiques pouvant prendre des formes différentes, parmi lesquels la grêle.
Il n’est donc pas question de revenir sur cette spécificité française qu’est l’assurance contre la grêle. Il est surtout question, aujourd'hui, d’intégrer aussi l’ensemble des autres risques dans le contrat socle.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° II–147 rectifié ter est présenté par MM. Savary, Bouchet, Cambon, Cardoux, César et Courtois, Mme Estrosi Sassone, MM. B. Fournier, Gremillet, Laménie, D. Laurent, Lefèvre, Leleux, Milon, Mouiller, de Nicolaÿ et Pierre, Mme Primas et M. Revet.
L’amendement n° II-219 rectifié est présenté par MM. Kern, Jarlier, V. Dubois, Luche et Guerriau, Mme Gatel et M. Roche.
L’amendement n° II-348 est présenté par MM. Mézard, Collin et Requier, Mme Laborde et MM. Fortassin et Bertrand.
L’amendement n° II-359 est présenté par M. Bouvard.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires |
6 500 000 |
6 500 000 |
||
Forêt
|
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Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation Dont Titre 2 |
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Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture Dont Titre 2 |
6 500 000 |
6 500 000 |
||
Total |
6 500 000 |
6 500 000 |
6 500 000 |
6 500 000 |
Solde |
0 |
0 |
La parole est à M. René-Paul Savary, pour défendre l’amendement n° II-147 rectifié ter.
M. René-Paul Savary. Cet amendement tient compte des difficultés rencontrées par la plupart des filières à la suite de l’embargo imposé par la Russie et il vise à faire en sorte que le fonds d’allégement des charges financières, le FAC, puisse disposer de moyens au moins équivalents à ceux de 2013
La baisse a malgré tout été significative : là où étaient inscrits 8 millions d’euros en 2012, on est passé à 2,2 millions d’euros en 2014 et il est prévu d’inscrire 1,5 million d’euros pour 2015.
C’est la raison pour laquelle nous proposons d’ajouter 6,5 millions d’euros supplémentaires au bénéfice du FAC.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l'amendement n° II-219 rectifié.
M. Claude Kern. Je fais miens les arguments énoncés par M. Savary : compte tenu des difficultés rencontrées par la plupart des filières du fait de l’embargo imposé par la Russie, il convient de doter le FAC en 2015 de moyens équivalents à ceux de 2013.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° II-348.
M. Jean-Claude Requier. Il est défendu, monsieur le président.
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Je suis favorable à ces amendements, mais j’écouterai avec intérêt l’analyse de M. le ministre, car il pourrait s’engager à ouvrir des moyens en gestion au profit du fonds d’allégement des charges financières, en fonction des besoins du monde agricole qui viendraient à s’exprimer en 2015.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je réponds volontiers à l’interrogation de M. le rapporteur spécial.
D’ores et déjà, cette année, nous avons mobilisé 8 millions d’euros supplémentaires par redéploiement budgétaire, en gestion de fin d’année, pour venir en aide à ceux qui étaient frappés par la crise des fruits et légumes.
Pourquoi prévoyons-nous une stabilité des crédits dans le présent projet de budget ? Il est évidemment difficile d’anticiper le coût d’éventuelles crises majeures et il ne sert à rien d’inscrire a priori des crédits trop élevés en autorisations d’engagement. Néanmoins, le cas échéant, nous mobiliserons les moyens nécessaires, comme cela a été fait cette année et comme cela se fait toujours en cas de crise majeure. C’est un engagement que je prends ici devant vous.
Je sollicite donc le retrait de ces amendements : l’engagement est pris et, je le redis, cette année, nous avons ajouté 8 millions d’euros pour répondre aux crises qu’il nous fallait bien gérer.
Mme Frédérique Espagnac. Exactement !
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
M. Gérard Bailly. Il y a tout de même de quoi être inquiet quand on constate – j’y ai fait allusion dans mon intervention – une baisse moyenne de l’excédent brut d’exploitation de 58 % pour les exploitations céréalières, de 28 % pour les producteurs de viande et de 20 % pour les producteurs de lait. Et, avec la crise russe, les prévisions ne portent malheureusement pas à l’optimisme pour 2015.
Il suffit de voir combien le prix des animaux sortant des exploitations a baissé. Vous savez tous combien vaut un veau aujourd’hui ! Quand c’est un petit mâle, les paysans souhaitent qu’il crève parce que, au moins, il n’y a pas de frais ni de travail.
À propos des amendements précédents, un de nos collègues parlait de donner un signe fort. Là aussi, en votant ces amendements, il s’agit de donner un signe fort.
J’ai entendu les propos de M. le ministre. Loin de moi de mettre sa parole en doute. Mais un signe fort est vraiment nécessaire, d’autant que nous sommes pratiquement sûrs que ces fonds devront malheureusement être mobilisés pour venir en aide à ceux qui seront vraiment dans la « mouise ». Nous avons parlé tout à l’heure de l’installation des jeunes : ce sont surtout eux qui seront mis à mal.
Voilà pourquoi ces amendements sont bienvenus.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Nous ne sommes pas dans l’hypothétique ! La crise est là, et pas seulement en France, mais nous parlons là du budget de la France.
À quelques semaines de l’année 2015, la situation des productions animales est déjà terriblement dégradée. Et la situation des productions végétales n’est guère meilleure !
Un autre élément milite d’emblée pour une inscription de ces crédits, c’est que ce sera la première fois depuis 1981 que nous perdons un outil d’accompagnement des agriculteurs en difficulté dans le domaine de l’élevage laitier. Hier, l’État intervenait directement au travers de l’office du lait, puis ce furent les bassins laitiers, qui affectaient des références supplémentaires aux producteurs les plus fragiles afin qu’ils puissent s’en sortir. Il ne s’agit pas de verser dans la nostalgie, mais le fait est que, à partir du 1er avril 2015, il n’y aura plus de bassins laitiers, plus d’office du lait. Les entreprises seront seules à acheter les volumes laitiers mis sur le marché.
Cela signifie clairement que nous n’aurons plus aucune possibilité administrative de conforter des agriculteurs très exposés auxquels on affectait jusque-là des références supplémentaires pour qu’ils puissent s’en sortir. La nécessité d’alimenter ce fonds est donc, hélas, une obligation absolue.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-147 rectifié ter, II-219 rectifié et II-348.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° II-355, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires |
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Forêt
|
6 000 000 |
6 000 000 |
||
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation Dont Titre 2 |
||||
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture Dont Titre 2 |
6 000 000 |
6 000 000 |
||
Total |
6 000 000 |
6 000 000 |
6 000 000 |
6 000 000 |
Solde |
0 |
0 |
Cet amendement n’est pas soutenu.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° II-143 rectifié bis est présenté par MM. Savary, G. Bailly, Bouchet, Bouvard, Cambon, Cardoux, César et Courtois, Mme Estrosi Sassone, MM. B. Fournier, Gremillet, Laménie, D. Laurent, Lefèvre, Leleux, Milon, Mouiller, de Nicolaÿ et Pierre, Mme Primas et M. Revet.
L’amendement n° II-217 rectifié est présenté par MM. Kern, Jarlier, V. Dubois, Luche et Guerriau, Mme Gatel et M. Roche.
L’amendement n° II-350 est présenté par MM. Mézard, Collin et Requier, Mme Laborde et MM. Fortassin et Bertrand.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires |
2 200 000 |
2 200 000 |
||
Forêt
|
||||
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation Dont Titre 2 |
||||
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture Dont Titre 2 |
2 200 000 |
2 200 000 |
||
Total |
2 200 000 |
2 200 000 |
2 200 000 |
2 200 000 |
Solde |
0 |
0 |
La parole est à M. René-Paul Savary, pour présenter l’amendement n° II-143 rectifié bis.
M. René-Paul Savary. L’action 12, Gestion des crises et des aléas de production, est essentielle puisqu’elle recouvre le dispositif permettant de venir en aide aux agriculteurs qui sont en difficulté.
Le budget de 2012 avait reconduit la dotation à hauteur de 4 millions d’euros pour venir au secours des exploitations endettées disposant d’un outil de travail insuffisamment adapté à l’évolution des marchés. En 2013, ce dispositif, subissant une diminution de moitié, n’était plus doté que de 2 millions d’euros. En 2014, nouvelle baisse : 1,8 million d’euros pour ces agriculteurs en difficulté. Or ils sont de plus en plus en difficulté, mais c’est le même montant qui est programmé pour 2015 !
La plupart des filières se trouvent dans une très mauvaise situation. Dès lors, il nous semble anormal que l’État ne conforte pas les leviers qui ont vocation à favoriser le redressement de ces exploitations. C’est pourquoi nous proposons de porter le montant des crédits dédiés à ce poste à hauteur de ceux alloués en 2012, à savoir 2,2 millions d’euros. Bien entendu, nous souhaitons que l’État ne soit pas conduit à mobiliser l’intégralité de cette somme, mais il nous semble indispensable de pouvoir disposer d’une provision suffisante, compte tenu des difficultés que j’ai évoquées.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l'amendement n° II-217 rectifié.
M. Claude Kern. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° II-350.
M. Jean-Claude Requier. Le dispositif AGRIDIFF diffère quelque peu du FAC en ce qu’il vient en aide aux exploitants confrontés à une situation d’endettement et dont l’outil de travail n’est plus adapté. Chaque année, 500 exploitations en moyenne bénéficient de ce dispositif, ce qui peut se traduire par une prise en charge partielle des frais financiers bancaires des prêts d’exploitation et par un accompagnement technique.
L’AGRIDIFF a connu deux fortes baisses de ses crédits, en 2013 et en 2014. Une fois de plus, les crédits alloués dans le présent projet de loi de finances ne nous paraissent pas en mesure de permettre un appui à ces exploitants en difficulté.
C’est pourquoi nous proposons d’abonder l’AGRIDIFF de 2,2 millions d’euros supplémentaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Dans ce projet de loi de finances, les crédits destinés au dispositif AGRIDIFF sont tout aussi insuffisants que ceux qui sont dédiés aux aléas.
Là encore, je suis favorable à ces amendements, mais j’aimerais entendre l’analyse du Gouvernement, car le ministre peut être en mesure de s’engager à ouvrir des moyens en gestion au profit du dispositif AGRIDIFF, en fonction de besoins du monde agricole qui viendraient à s’exprimer en 2015.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Si je ne peux accepter ces amendements, c’est non parce je suis hostile à ce que l’on vienne en aide à des agriculteurs en difficulté, bien sûr, mais parce que les crédits prévus pour 2015 sont équivalents à ceux qui ont été inscrits en loi de finances pour 2014 et que, comme pour les aléas, si des besoins se font sentir, nous serons en mesure de mobiliser les moyens supplémentaires qui seront nécessaires.
Je rappelle surtout qu’aujourd’hui, pour répondre aux difficultés que nous avons à traiter, en particulier celles qui tiennent à l’embargo russe, aux crises légumières ou à des aléas climatiques, nous mobilisons auprès des préfectures l’ensemble des dispositifs de l’État afin d’apporter des réponses globales.
Dans le cas de la zone légumière, par exemple, les préfectures ont travaillé sur des allégements de charges – reports des cotisations MSA, en particulier, et de remboursements d’emprunts – et pour mettre en œuvre un certain nombre de dispositifs. Car il existe maintenant des dispositifs souples, qui peuvent être adaptés au cas par cas, selon les situations économiques que rencontrent les agriculteurs.
La procédure AGRIDIFF était liée à une dégradation structurelle globale, alors que nous sommes désormais de plus en plus confrontés à des difficultés économiques liées à des crises spécifiques, contre lesquelles on s’organise de mieux en mieux.
C’est pourquoi il ne faut pas envisager le potentiel de mobilisation de l’État par rapport aux difficultés des exploitations agricoles uniquement à travers AGRIDIFF. Cela a fait partie de la réponse à un moment donné, mais aujourd’hui, la réponse va bien au-delà.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-143 rectifié bis, II-217 rectifié et II-350.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Nous allons maintenant procéder au vote des crédits, modifiés, de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Lors de ce débat très intéressant, des amendements qui constituent de réelles avancées ont été adoptés, en dépit de la position du Gouvernement.
La commission des affaires économiques avait réservé son avis en fonction du sort qui serait réservé aux amendements qu’elle soutenait, s’en tenant dans cette attente à un appel à la sagesse.
Eu égard aux votes qui viennent d’avoir lieu, il me semblerait logique que la commission des finances ne s’oppose pas à l’adoption de ces crédits. Et cela s’adresse également au groupe UMP.
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, rapporteur spécial.
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. La commission des finances avait initialement opté pour le rejet des crédits de la mission en raison du caractère insincère du budget. Toutefois, la donne a changé avec l’adoption d’un certain nombre d’amendements qui étaient soutenus par la commission. Dans les sourires que je vois à la droite de l’hémicycle, je pense pouvoir lire une certaine satisfaction devant l’évolution des crédits de la mission à l’issue de leur examen par le Sénat. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Par conséquent, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix, modifiés, les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion l’article 47, ainsi que les amendements qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales »
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
Article 47
I. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’article L. 741-16 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa du I, les mots : « , aux travaux forestiers » sont remplacés par les mots : « mentionnées aux 1°, 3°, à l’exclusion des tâches réalisées par des entreprises de travaux forestiers, et 4° de l’article L. 722-1 du présent code » ;
b) Le III est abrogé ;
2° À la seconde phrase du second alinéa du II de l’article L. 741-16-1, les mots : « ou salariales » sont supprimés.
II. – Le présent article s’applique aux cotisations dues au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2015.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-46 est présenté par M. Houpert, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-203 est présenté par M. Vaspart.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-46.
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, la majorité sénatoriale, en opposition avec le Gouvernement, est constructive. Dans vos propos liminaires, vous avez essayé de nous engager sur le terrain glissant de la constitutionnalité, mais ce n’est pas le débat.
Le contrat vendanges, qui est ancien, n’a jamais été remis en cause jusqu’à présent.
Par cet amendement, nous proposons la suppression de cet article parce que les vendangeurs, que nous avons beaucoup écoutés, ont besoin de ces contrats très spécifiques pour exercer ce métier essentiellement saisonnier, qui dure une semaine environ. Comme l’a dit Philippe Leroy, qui a évoqué la forêt avec une grande émotion, les vendangeurs ne sont pas les seuls intéressés, et le fait de supprimer cet article étendrait l’exonération des charges sociales à tous les travaux saisonniers, agricoles, forestiers et ruraux.
Je demande d’ailleurs à ceux de nos collègues qui ont déposé des amendements sur le contrat vendanges de se rallier à cet amendement de suppression de l’article 47.
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, pour présenter l’amendement n° II-203.
M. Michel Vaspart. Cet amendement est défendu, monsieur le président. Je rappellerai simplement que 45 000 contrats vendanges ont été signés dans les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers – ETARF.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Ces amendements portent sur deux sujets connexes : d’une part, les exonérations de charges sur les TO-DE les travailleurs occasionnels-demandeurs d’emplois, pour les ETARF, dont les activités peuvent comprendre une part de saisonnalité, mais qui ne présentent pas la même saisonnalité intrinsèque que les vendanges ou la récolte des fruits et légumes ; d’autre part, le contrat vendange.
Ces deux dispositifs contribuent à hauteur de 30 millions d’euros aux 200 millions d’euros d’économies. Mais il convient de garder à l’esprit que, en face de ces 200 millions d’euros d’économies, il y a les 729 millions d’euros liés au pacte de responsabilité, dont bénéficient nécessairement les viticulteurs et les établissements forestiers dans la mesure où ils emploient des salariés.
On peut toujours ajouter des exonérations, mais vient tout de même un moment où la responsabilité implique de considérer qu’un équilibre doit être réalisé entre ce qui est versé et la nécessité de maîtriser la dépense publique, et que cela impose des choix.
Voilà pourquoi je ne peux accepter ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Je ne suis pas d’accord avec les chiffres de M. le ministre. Il s’agit, non pas de 200 millions d’économies, mais de 37,4 millions, soit 20 millions d’euros sur les ETARF et 17 millions sur le contrat vendanges.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, on peut comprendre votre souci d’économie, et même le partager. Néanmoins, il est des choses qui sont inexplicables sur le terrain.
Nous sommes confrontés, notamment au moment des vendanges, à des difficultés pour trouver de la main-d’œuvre, alors même qu’il y a des millions de chômeurs. Cela doit nous interpeller !
Nous sommes confrontés aux travailleurs étrangers, qui viennent de plus en plus pour les vendanges. Cela doit nous interpeller !
La profession viticole a besoin de signaux, car elle souffre dans un contexte économique particulièrement contraint. Je vous le rappelle, la vente des vins français est en train de chuter de façon vertigineuse, alors que nous étions très bien placés sur le plan international. On ne peut pas continuer ainsi !
Les vendanges demandent parfois un savoir-faire extraordinaire, qui exclut le recours à la machine à vendanger. Il est important de conserver cette tradition. Certes, il nous faut évoluer avec notre temps, moderniser notre agriculture, mais sans tomber dans un schéma où la valeur ajoutée est négligée.
C’est la raison pour laquelle il est important de maintenir les vendanges, source de revenu supplémentaire pour un certain nombre de familles. Il faut, me semble-t-il, encourager cette pratique.
En l’occurrence, c’est un mauvais signal par rapport à l’emploi. Nombre de vignobles se tourneront peut-être demain vers la machine à vendanger, ce qui diminuera d’autant le nombre de personnes embauchées pour les vendanges.
Je tiens à le rappeler, c’est en 2002 qu’ont été votés à l’unanimité par le Parlement, puis validés par le Conseil constitutionnel, les contrats de ce type, qui permettaient de lever des freins à l’embauche en autorisant le cumul d’emplois et, surtout, d’augmenter les salaires des vendangeurs de près de 8 % grâce à l’exonération partielle des cotisations d’assurances sociales.
Les bénéfices du contrat vendanges sont largement supérieurs aux économies que vous voulez en tirer, car elles vont aboutir à une diminution des embauches : soit le vendangeur y perd, soit l’employeur compense, et c’est alors lui qui y perd en compétitivité. Alors, quand il fera ses comptes, il aura encore un peu plus tendance à se tourner vers le travailleur étranger ou le travailleur à la tâche.
M. Bruno Sido. Ou le travail au noir !
M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, j’attire vraiment votre attention sur le mauvais signal donné à toute cette économie.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
M. Gérard Bailly. Je serai très bref, car mon collègue Savary vient d’apporter toutes les explications nécessaires. Je partage totalement son point de vue.
Nous avons été nombreux à évoquer la compétitivité de nos différentes filières agricoles. Je l’ai dit tout à l'heure, il s’agit de défendre notre « pétrole vert ». Dans cette optique, l’allégement des charges est une bonne chose, mais, parallèlement, il faut faciliter l’embauche par les exploitants de ceux qui, comme on dit, viennent « donner un coup de main ». Voilà pourquoi il faut non seulement préserver ces contrats vendanges, mais aussi les ouvrir à d’autres secteurs en votant la suppression de cet article. Ce sera une source de compétitivité.
On nous cite de plus en plus souvent nos amis allemands en exemple : eh bien, justement, ils sont en train de nous dépasser dans de nombreuses productions agricoles et agroalimentaires. Raison de plus pour nous redonner un peu de vitalité ! Je voterai donc ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, les arguments de ce débat sont bien connus, mais quelques mises au point me semblent nécessaires.
Premièrement, monsieur Bailly, vous invoquez les compétitivités relatives de la France et de l’Allemagne. Or, aujourd’hui même, l’institut Coe-Rexecode a publié des chiffres très éclairants sur ce sujet. (M. Gérard Bailly s’exclame.) Je précise que cet organisme n’est en rien lié au Gouvernement ; il défend même une approche plutôt libérale.
M. Gérard Bailly. Soit !
M. Stéphane Le Foll, ministre. D’après cet institut statistique, le coût du travail horaire s’élève, dans l’industrie, à 36,7 euros en France, contre 38,5 euros en Allemagne. Ainsi, selon le critère du coût de la main-d’œuvre – tel est bien l’objet du débat ! –, la France devient plus compétitive que l’Allemagne.
Argument contre argument, chiffre contre chiffre, la réalité est bien celle que je vous indique.
Deuxièmement, il a été question des enjeux de compétitivité en général. Le CICE est précisément un dispositif permettant à un employeur d’améliorer sa compétitivité, au regard du nombre de salariés que son activité exige. Mais tel n’est pas le sujet du contrat vendanges : ne mélangeons pas tout ! En l’espèce, il s’agit d’exonérer les salariés de cotisations sociales.
La suppression de ce contrat va-t-elle favoriser le recours aux travailleurs détachés ? Pour ce que j’en sais, la viticulture a déjà largement recours à ces salariés : le contrat vendanges n’a donc pas empêché la multiplication des travailleurs détachés ! De la même manière, l’existence de ce contrat n’a nullement fait obstacle la mécanisation des vendanges !
Troisièmement, vous suggérez que les employeurs ne sont pas à même d’assumer un effort supplémentaire. Mais il faut prendre en compte l’ensemble des dispositifs existants : j’ai parlé du CICE, mais il y a aussi les mesures du pacte de responsabilité. En effet, les salaires situés aux alentours du SMIC feront l’objet du milliard d’euros d’allégements de cotisations destinés aux indépendants, soutien dont profiteront en particulier les viticulteurs, ainsi que les arboriculteurs.
Je le répète : le pacte de responsabilité dans son ensemble représentera, l’année prochaine, plus de 60 millions d’euros d’allégements supplémentaires dans ce domaine. En comparaison, que représente ce contrat vendanges ? Vous l’avez dit vous-même, il pèse à peine 20 millions d’euros ! Comparez les chiffres !
Vous ne pouvez pas dire que le Gouvernement n’a pas fait ses comptes. Chacun doit se montrer objectif. On peut défendre le maintien du contrat vendanges en tant que tel, et indépendamment de toute considération extérieure, je le conçois. Mais, pour ma part, j’ai des arguments en faveur de sa suppression.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. Monsieur le ministre, les chiffres que vous venez de citer appellent quelques explications.
En tant que frontaliers, les Alsaciens sont régulièrement conduits à faire ce constat : plutôt que des salariés frontaliers les Allemands préfèrent embaucher des travailleurs venant de l’est de l’Europe – de Pologne, par exemple. Ils sont payés entre 5 et 6 euros de l’heure, c’est-à-dire bien en deçà des 38 euros que vous mentionnez ! Cette moyenne vaut peut-être pour les seuls salariés de nationalité allemande.
Au reste, les réglementations encadrant la rémunération des travailleurs étrangers ne sont pas les mêmes en Allemagne et en France.
Pour notre part, nous voterons naturellement ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur Kern, allons au cœur du débat. Les normes encadrant le travail détaché ont été récemment modifiées. En France, une loi portant spécifiquement sur cette question a été récemment votée : les travailleurs concernés doivent être rémunérés, à tout le moins, au salaire minimum du pays où ils accomplissent le travail ; en revanche, les cotisations sociales sont, elles, calculées d’après les règles en vigueur dans le pays d’origine.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Eh oui !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Que se passe-t-il chez nos voisins allemands, en particulier dans l’agriculture et l’agroalimentaire ? Faute de négociations de branche, ils ne disposent pas jusqu’à présent d’un salaire minimum. Or, à partir de 2015, l’Allemagne va instaurer un salaire minimum.
Mme Élisabeth Lamure, MM. Bruno Sido et Michel Vaspart. De quel montant ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Ainsi, les employeurs auront pour obligation de rémunérer leurs salariés détachés à ce niveau.
M. Gérard Longuet. Combien d’euros ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Tel est le véritable changement grâce auquel nous allons réduire le différentiel existant entre nos deux pays au cours des mois à venir.
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, rapporteur spécial.
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, je ne souscris pas à vos propos. En effet, les chiffres que vous avez cités concernent l’industrie manufacturière, pour laquelle on observe peu ou prou une égalité de salaires. Mais, dans l’agriculture, la situation est tout autre : le salaire horaire s’élève, en moyenne, à 7 euros en Allemagne contre 15 euros en France.
Mme Élisabeth Lamure. Exact !
M. Gérard Longuet. Voilà ! Il fallait le rappeler !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-46 et II-203.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 63 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 209 |
Contre | 133 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 47 est supprimé et les amendements nos II–136 rectifié ter, II–205 rectifié octies, II–347, II–358, II–79, II–122, II–290 rectifié bis, II–44, II–116, II–131 rectifié ter, II–176, II–195 rectifié quater, II–233, II–270 rectifié ter, II–283 rectifié et II–356 n’ont plus d’objet.
Toutefois, pour l’information du Sénat, j’en rappelle les termes.
Les quatre premiers de ces amendements sont identiques.
L'amendement n° II–136 rectifié ter, est présenté par MM. Savary, G. Bailly, Bouchet, Cambon, Cardoux, César, Courtois et Darnaud, Mme Estrosi Sassone, MM. Genest, Gilles, Gremillet, Karoutchi, Laménie, Laufoaulu, Lefèvre et Leleux, Mme Lopez et MM. Milon, de Nicolaÿ, Pierre et Revet.
L'amendement n° II–205 rectifié octies est présenté par MM. Commeinhes, Bonnecarrère, Calvet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Médevielle, del Picchia, Béchu, Bockel, J.P. Fournier, Grand, Pellevat, Courtois et Falco, Mmes Micouleau et Troendlé et MM. Perrin et Raison.
L'amendement n° II–347 est présenté par Mme Malherbe, MM. Requier, Collin et Mézard et Mme Laborde.
L'amendement n° II–358 est présenté par M. Bouvard.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 4 à 6
Supprimer ces alinéas.
Les trois amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° II–79 est présenté par M. Navarro.
L'amendement n° II–122 est présenté par MM. César et Lasserre, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° II–290 rectifié bis est présenté par MM. Adnot, Türk, Guérini et Amiel et Mme Jouve.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
Les neufs amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° II–44 est présenté par M. Mercier.
L'amendement n° II–116 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
L'amendement n° II–131 rectifié ter est présenté par MM. Savary, Bouchet, Cambon, César, Courtois et Darnaud, Mme Estrosi Sassone, MM. Genest, Gilles, Gremillet, Karoutchi et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu et Lefèvre, Mme Lopez et MM. de Nicolaÿ, Pierre et Revet.
L'amendement n° II–176 est présenté par M. Pointereau.
L'amendement n° II–195 rectifié quater est présenté par Mme Deroche, MM. G. Bailly, Béchu et Bizet, Mme Canayer, MM. Cardoux, Chaize, del Picchia et Delattre, Mme Duchêne, M. Emorine, Mmes Gruny et Hummel, MM. Milon, Morisset, Mouiller et Pillet, Mme Procaccia, M. Reichardt, Mme Micouleau, MM. B. Fournier et Grand, Mme Giudicelli, MM. de Raincourt, J. Gautier, Houel, Leleux, P. Leroy et Mayet, Mme Mélot, MM. Pintat et Pinton, Mmes Des Esgaulx et Deromedi et MM. Husson, Pellevat et Danesi.
L'amendement n° II–233 est présenté par M. Doligé.
L'amendement n° II–270 rectifié ter est présenté par MM. Patriat, Durain, Daunis, Madrelle et Courteau.
L'amendement n° II–283 rectifié est présenté par Mme Férat, MM. Détraigne, Lasserre, Roche, Luche, Guerriau, Kern, Médevielle, Cadic et V. Dubois, Mme Gourault, M. Longeot, Mmes Morin-Desailly et Loisier, MM. Bonnecarrère et Canevet, Mme Gatel, M. Gabouty, Mme Billon et M. Delahaye.
L'amendement n° II–356 est présenté par M. Bouvard.
Ces neuf amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
compte d’affectation spéciale : développement agricole et rural
M. le président. Nous allons procéder au vote du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », figurant à l’état D.
État D
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Développement agricole et rural |
147 500 000 |
147 500 000 |
Développement et transfert en agriculture |
70 553 250 |
70 553 250 |
Recherche appliquée et innovation en agriculture |
76 946 750 |
76 946 750 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec l’examen des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural »
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Communication du Gouvernement
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre un courrier en date du 3 décembre l’informant que le Gouvernement soumet à l’autorisation du Sénat la prolongation de l’intervention des forces armées en Irak.
La date à laquelle le Sénat statuera sur cette demande d’autorisation de prolongation sera fixée lors de la prochaine réunion de la conférence des présidents, le mercredi 10 décembre prochain.
6
Inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution
M. le président. Je vous rappelle que, par courrier en date du 2 décembre 2014, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste républicain et citoyen, a demandé l’inscription à l’ordre du jour de l’espace réservé à son groupe du jeudi 11 décembre 2014 après-midi de la proposition de résolution relative à un moratoire sur la mise en œuvre des plans de prévention des risques technologiques issus de la loi n° 2003–699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages et des lois subséquentes, n° 128 (2014-2015), présentée en application de l’article 34–1 de la Constitution, en remplacement de la proposition de résolution n° 89 (2013-2014).
Acte est donné de cette demande.
S’il n’y a pas d’observation, l’organisation de la discussion est inchangée.
7
Demande d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution
M. le président. Par courrier en date de ce jour, M. Didier Guillaume, président du groupe socialiste et apparentés, demande l’inscription, à l’ordre du jour de l’espace réservé à son groupe du jeudi 11 décembre 2014 matin, de la proposition de résolution, présentée en application de l’article 34–1 de la Constitution par M. Gilbert Roger, Mmes Éliane Assassi, Esther Benbassa, MM. Didier Guillaume et Jean Vincent Placé et plusieurs de leurs collègues, sur la reconnaissance de l’État de Palestine, n° 151 (2014-2015).
Cette demande a été communiquée à M. le Premier ministre, en application de l’article 4 de la loi organique du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34–1, 39 et 44 de la Constitution et de l’article 50 ter de notre règlement.
La proposition de résolution ne pourra être inscrite à notre ordre du jour, au plus tôt, que quarante-huit heures après cette demande.
8
Demande de retour à la procédure normale pour l’examen d’un projet de loi
M. le président. Par courrier en date du 3 décembre 2014, M. Bruno Retailleau, président du groupe Union pour un Mouvement Populaire, a demandé que le projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la principauté d’Andorre en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu, inscrit à l’ordre du jour du jeudi 18 décembre 2014 après-midi, soit examiné en séance publique selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.
Acte est donné de cette demande.
Dans la discussion générale commune, le temps attribué aux orateurs des groupes politiques pourrait être d’une heure. Le délai limite pour les inscriptions de parole serait fixé au mercredi 17 décembre 2014, à dix-sept heures.
Il n’y a pas d’observation ?...
Il en est ainsi décidé.
9
Loi de finances pour 2015
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale.
Médias, livres et industries culturelles
Compte de concours financier : Avances à l’audiovisuel public
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » (et articles 56 quinquies et 56 sexies) et du compte de concours financier « Avances à l’audiovisuel public »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. François Baroin, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans le projet de loi de finances pour 2015, les dépenses totales dédiées aux médias, à la lecture, aux industries culturelles et à l’audiovisuel public s’élèvent à 4,38 milliards d’euros, en légère hausse de 0,43 % par rapport à 2014. Dans le contexte actuel, on peut donc dire que ces secteurs sont globalement préservés.
Le Gouvernement a fait part, lors du débat d’orientation budgétaire sur les finances publiques de juillet 2014, de son intention de supprimer à l’horizon 2017 l’ensemble des dotations budgétaires dédiées aux sociétés de l’audiovisuel public.
Vous l’imaginez, madame la ministre, cette évolution soulève des questions sur la pérennité et les modalités du financement public des organismes concernés. J’estime pour ma part que le Gouvernement manque de courage, et je l’ai fait savoir. Plutôt que de réformer l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public afin de tenir compte des nouveaux usages – un choix du long terme, celui qu’ont fait nos voisins allemands notamment –, vous faites le choix du court terme en prévoyant d’augmenter l’an prochain le montant de la redevance de 2 euros, hors inflation, ce qui pèsera sur le contribuable.
D’après les informations dont je dispose, des travaux sont en cours sur cette question, qui pourrait être traitée dans le projet de loi de finances pour 2016. Il me semble cependant entendre cela tous les ans, sans qu’une telle disposition figure en loi de finances. On ne peut que le regretter.
J’en viens plus précisément aux différents secteurs couverts par les deux missions dont je suis le rapporteur spécial.
L’Agence France-Presse bénéficie d’un traitement favorable, en lien avec la mise en œuvre de son nouveau contrat d’objectifs qui clarifie les relations financières qu’elle entretient avec l’État, à la demande de la Commission européenne. Les performances commerciales de l’agence ont par ailleurs progressé, mais cette tendance positive doit être confirmée en 2015.
S’agissant des aides à la presse écrite, les dotations sont stables pour la plupart d’entre elles, à l’exception de l’aide à la modernisation sociale de la presse d’information politique et générale. La réduction s’explique par l’évolution de la démographie de la population concernée. Je note par ailleurs que la seule autre dotation qui diminue est celle du fonds stratégique pour le développement de la presse. Cela me paraît paradoxal, voire contestable, quand ce fonds est présenté publiquement comme l’outil principal pour permettre à la presse de s’adapter aux évolutions du numérique.
Nous sommes un certain nombre, à droite comme à gauche de cet hémicycle, à nous inquiéter également de l’accélération de la disparition des diffuseurs de presse, qu’il s’agisse des kiosquiers ou des maisons de la presse, sur l’ensemble du territoire, et notamment dans les villes moyennes. Je regrette à cet égard l’incapacité du Gouvernement à proposer des mesures susceptibles d’enrayer cette évolution préoccupante.
En ce qui concerne les dépenses fiscales du secteur, l’extension du taux super-réduit de TVA à 2,1 % aux publications de presse en ligne, adoptée en application du principe de neutralité technologique, fait peser un risque de contentieux communautaire, et donc de sanction financière en cas de condamnation.
Le soutien aux radios locales associatives demeure stable, pour la cinquième année consécutive. Dans le contexte actuel des finances publiques, cela me paraît satisfaisant, ces radios jouant un rôle fondamental de proximité dans les territoires les plus reculés, notamment. À cet égard, je relève également la préservation des crédits d’intervention déconcentrés en faveur de la politique du livre.
Des chantiers sont en cours, comme celui de la rénovation du « quadrilatère Richelieu », site historique de la Bibliothèque nationale de France, qui se poursuit. Il devra être surveillé avec attention : son coût global a en effet été réévalué de 6,3 millions d’euros par rapport à la prévision initiale, pour un montant global de plus de 218 millions d’euros. Cela doit être observé avec la maîtrise et le cadre d’accompagnement destinés à prévenir les dérapages inquiétants.
S’agissant des dépenses culturelles, deux évolutions appellent plus particulièrement des commentaires. Tout d’abord, le CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée, est transféré vers le programme 334, « Livre et industries culturelles », de la mission « Médias, livre et industries culturelles », alors qu’il était précédemment rattaché au programme 224, « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », de la mission « Culture ».
Cette évolution, fruit d’une longue discussion, paraît cohérente, le CNC étant une institution fondamentale pour le dynamisme de l’industrie culturelle qu’est le cinéma.
L’opérateur n’est pas mis à contribution dans le cadre de l’assainissement général des comptes publics en ce qui concerne le projet de loi de finances pour 2015.
Au-delà du cas du seul CNC, j’aimerais aussi connaître la position personnelle de l’ancienne magistrate de la Cour des comptes que vous êtes, madame la ministre, ainsi que celle du Gouvernement, sur la fiscalité affectée, notamment sur sa rationalisation équilibrée.
J’aimerais également vous interpeller sur le sort de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, la HADOPI, qui demeure incertain. Vous avez indiqué que ses missions ne seraient finalement pas transférées au Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA. Toutefois, la dotation budgétaire de 6 millions d’euros, stable par rapport à 2015, après deux années de très forte baisse, ne paraît pas suffisante pour permettre à l’organisme de remplir correctement ses missions.
Je rappelle que la Haute Autorité a subi une baisse de 51 % de sa subvention budgétaire en quatre ans. Dans ces conditions, il me semble que le Gouvernement devrait clarifier la situation : soit il supprime la HADOPI – si c’est votre ligne, il faut faire preuve d’un peu de courage et l’assumer –, soit il la conserve en lui donnant les moyens de fonctionner. En tout état de cause, cette situation d’entre-deux n’est pas satisfaisante, ni pour vous, ni pour la Haute Autorité, ni pour la mission de diffusion des œuvres et de protection des droits production sur internet, dont l’utilité nous semble largement partagée.
Il faut souligner le manque d’ambition du Gouvernement pour offrir des perspectives aux créateurs face aux évolutions du numérique.
J’en viens maintenant aux organismes de l’audiovisuel public. L’année 2015 sera importante, voire cruciale pour la plupart d’entre eux.
France Télévisions, dont les moyens publics diminuent de 0,5 % par rapport à 2014, doit en effet revenir à l’équilibre financier, objectif sur lequel pèsent de fortes incertitudes, tenant notamment au caractère erratique de ses ressources publicitaires. Dans ces conditions, l’entreprise publique devra poursuivre avec détermination la réforme entamée en 2013.
Le processus d’élaboration du prochain contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2016-2020 se met par ailleurs en place, différents groupes de travail ayant été nommés. Ce document devra en particulier trancher la question cruciale de l’avenir de France 3.
France Médias Monde bénéficiera pour sa part d’une hausse de sa dotation, en cohérence avec le contrat d’objectifs et de moyens signé en avril 2014. La réalisation des objectifs de ce document stratégique a été perturbée par la réduction imprévue des crédits dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2014. À cet égard, je souhaite insister sur la nécessité pour l’État de respecter ses engagements contractuels : c’est une question de crédibilité. En outre, les sociétés concernées ont besoin d’un minimum de visibilité sur leurs ressources. Cela n’enlève rien au fait qu’elles doivent, de leur côté, poursuivre les réformes engagées pour réduire leurs dépenses. C’est d’ailleurs bien la mission d’un contrat d’objectifs et de moyens dans un cadre de réduction générale des déficits publics.
Arte France bénéficiera également d’une légère hausse de sa dotation, après deux années de baisse. Le groupe se distingue depuis deux ans par la réussite de sa stratégie de reconquête de l’audience et de développement du numérique, ainsi que par sa capacité à maîtriser ses charges de fonctionnement. Il conviendra donc de confirmer en 2015 ces bons résultats.
Radio France bénéficiera d’une dotation stable par rapport à 2014. Il lui faudra mettre en œuvre le plan stratégique du nouveau président visant, selon ses propres termes, à « adapter l’entreprise aux exigences d’une audience qui doit se renouveler et aux impératifs induits par le digital ». Il conviendra pax ailleurs de vérifier, en termes de performance, si l’ouverture du nouvel auditorium à l’automne 2014 permet d’augmenter la fréquentation des concerts, alors que la Philharmonie de Paris ouvrira ses portes au début de 2015.
Enfin, l’Institut national de l’audiovisuel, l’INA, retrouvera en 2015 un niveau de dotation comparable à celui de 2013, après une année 2014 marquée par une ponction de 20 millions d’euros sur son fonds de roulement, qui l’a contraint à annuler son projet immobilier. Le prochain contrat d’objectifs et de moyens, en cours de négociation, devra donc définir un nouveau projet immobilier susceptible de garantir la préservation des collections dans les meilleures conditions. La nouvelle présidente, nommée au printemps 2014, ambitionne de renforcer les ressources propres de la société. Il sera donc intéressant d’étudier l’évolution de la performance de l’INA à cet égard en 2015.
En conclusion, je dirai que ce budget manque d’ambition et n’est pas à la hauteur des enjeux, qu’il s’agisse de l’accompagnement de la presse dans son processus de modernisation et de restructuration, de la réforme du financement de l’audiovisuel public ou de la protection des droits de propriété intellectuelle.
La commission des finances a donc proposé de ne pas adopter les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
En revanche, elle a proposé l’adoption sans modification des dispositions purement formelles figurant aux articles 56 quinquies et 56 sexies, visant à décaler la date d’entrée en vigueur de mesures adoptées dans la loi de finances rectificative de décembre 2013, relatives à l’extension et au renforcement du crédit d’impôt jeux vidéo. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le contrat d’objectifs et de moyens 2013-2015 de France Médias Monde et le plan stratégique 2014-2016 de TV5 Monde ont fixé des ambitions qui sont, hélas, déjà fort limitées pour notre action audiovisuelle extérieure.
Ces ambitions se calibrent sur l’incapacité à apporter les financements publics nécessaires au développement de ces entreprises et, en conséquence, sur leurs seules capacités à engendrer des ressources propres et des économies sur leur fonctionnement.
Ainsi, en 2015, la dotation de France Médias Monde progresse de 0,9 % et celle de TV5 Monde stagne à son niveau de 2014.
Au fond, il est demandé aux deux entreprises de faire mieux avec des ressources publiques moindres, qui ne couvrent que peu ou pas l’augmentation des dépenses courantes. Principe ô combien vertueux, mais qui trouve vite ses limites.
En effet, la capacité des entreprises à trouver sur le marché publicitaire les ressources nécessaires est faible, en raison de leur diffusion trop limitée sur le marché national et de la concurrence des chaînes locales et des marques leaders à l’étranger.
Le principal gisement de ressources se trouve dans les économies à réaliser. Mais il faut savoir qu’il y a peu à attendre d’une décroissance de la masse salariale. France Médias Monde a connu deux plans sociaux au cours des dernières années et doit procéder en 2015 à une harmonisation des statuts de ses personnels, qui risque d’avoir un impact financier. Chez TV5 Monde, un plan d’intégration de personnels non permanents est en cours, et il est encore difficile d’en mesurer l’impact.
C’est donc avant tout sur le fonctionnement qu’il faut agir. Les résultats obtenus ces dernières années sont encourageants, mais les entreprises risquent d’atteindre vite les limites de l’exercice.
Elles vont, en outre, se trouver confrontées très rapidement à deux difficultés concernant leur diffusion.
La première est immédiate. Il s’agit des conséquences sur les contrats de diffusion par satellite de la dégradation de la parité de l’euro par rapport au dollar.
La seconde est à très court terme. Il s’agit de la demande croissante des opérateurs d’une diffusion des programmes en haute définition. Les deux entreprises ont financé sur leurs ressources la mise à niveau de leurs outils de production, mais la diffusion de la haute définition est plus coûteuse. Faute de moyens, TV5 Monde, pour répondre d’emblée aux demandes, est obligée d’arbitrer, et le contrat d’objectifs de France Médias Monde ne la prévoit pas avant 2016, avec un risque d’éviction de nos médias si cette situation perdure.
L’arbitrage va donc se faire au niveau des programmes, ce qui n’est pas un tabou, mais il pourrait affaiblir leur audience s’il n’est pas réalisé avec discernement. Je pense notamment au décalage de la diffusion de RFI en bambara, ou de la limitation du sous-titrage des programmes de TV5 Monde, moyen essentiel pour étendre leur public aux francophiles. D’autres projets risquent de se trouver menacés : le développement des productions propres, le lancement d’une chaîne « enfant » en Afrique ou encore au projet de chaîne « Art de Vivre », que TV5 Monde s’apprête à lancer en appui à notre diplomatie économique. Sans compter le ralentissement de leurs investissements multimédias, pourtant porteurs d’avenir.
À défaut de ressources publiques supplémentaires, il conviendrait, à tout le moins, de donner à ces entreprises des capacités d’être un peu plus dynamiques sur le marché publicitaire, en levant les contraintes qui sont les leurs par assimilation aux chaînes françaises, dès lors que la diffusion peut être segmentée. Il faudrait aussi être plus attentif au respect des engagements pris lors des sommets de la Francophonie sur la « diffusion obligatoire » de TV5 Monde sur la TNT, dans les bouquets satellitaires et sur les réseaux câblés, un engagement qui aurait gagné à être repris et appuyé dans les conclusions du sommet de Dakar. Enfin, il conviendrait d’étendre la diffusion des programmes de France Médias Monde sur le territoire national.
Je souhaite rappeler ici la demande émise par notre commission de diffuser des programmes en langue arabe porteurs des valeurs républicaines et laïques. Cela est désormais rendu possible par une modification du cahier des charges. Mais il faut aller plus loin. La question de la préemption de fréquences, en cas de disponibilité, ou de l’utilisation de fréquences sous-utilisées par Radio France devrait systématiquement être mise à l’étude.
Vous le voyez, madame la ministre, mes chers collègues, la progression limitée des dotations publiques, qui représentent plus de 92 % de leurs ressources, se traduit par une mise sous tension budgétaire des entreprises, qui les fragilise et les oblige à réduire leurs ambitions face à une concurrence accrue.
Sans une réorientation des trajectoires financières, c’est bien à une redéfinition de leurs missions à laquelle il faudra se résoudre. Ce sera l’enjeu du prochain contrat d’objectifs et de moyens de France Médias Monde pour 2016-2018, dont nous demandons qu’il nous soit soumis pour avis, au premier semestre 2015, avant les arbitrages budgétaires pour 2016.
Outre une nécessaire ambition, il faudra, en effet, toute votre implication, madame la ministre, et toute notre vigilance pour sauvegarder ces leviers importants de l’influence et du rayonnement de la France et de la Francophonie.
Vous comprendrez que, dans un tel contexte, je ne puisse suivre la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui a donné un avis favorable, pour ce qui concerne les programmes 844 et 847, à l’adoption des crédits du compte d’avances à l’audiovisuel public. Je m’abstiendrai, comme je l’ai fait en commission.
M. le président. La parole est à M. Philippe Esnol, rapporteur pour avis.
M. Philippe Esnol, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après une indispensable réorganisation, en 2012 et 2013, les deux sociétés en charge de l’action audiovisuelle extérieure de la France, France Médias Monde et TV5 Monde, sont désormais dotées d’un contrat d’objectifs et de moyens 2013-2015 pour l’une, et d’un plan stratégique 2014-2016 pour l’autre. Elles sont entrées dans une phase de stabilisation et de consolidation qui devrait leur permettre de poursuivre leur développement de manière plus efficace.
Dans la maquette budgétaire pour 2015, la présentation des crédits du budget général alloués aux sociétés de l’audiovisuel public a été simplifiée. L’objectif fixé à l’échéance de 2017 par la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques de recourir exclusivement à la contribution à l’audiovisuel public – en d’autres termes, la redevance – pour le financement des entreprises publiques du secteur audiovisuel est atteint dès 2015 pour France Médias Monde – FMM – et TV5 Monde.
Leurs dotations publiques sont désormais inscrites respectivement aux programmes 844 et 847 du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ». Ensemble, ces dotations représentent 8,6 % des 3,752 milliards d’euros destinés au secteur de l’audiovisuel public.
Leurs montants respectifs sont en phase avec les plans d’affaire adossés aux documents stratégiques, qui prévoient une progression des ressources publiques de 0,9 % pour FMM et un maintien des crédits pour TV5 Monde. Dans une période de contraintes budgétaires où chacun est appelé à faire des efforts, cela mérite d’être souligné.
L’audiovisuel extérieur, principalement financé par le budget de l’État jusqu’en 2012, est donc désormais exclusivement financé par la contribution à l’audiovisuel public. Cette situation pourrait paraître quelque peu paradoxale puisque, à l’inverse des autres chaînes de radio ou de télévision du service public, les programmes de l’audiovisuel extérieur n’étaient pas complètement accessibles aux personnes résidant sur le territoire national et qu’ils ne sont pas, a priori, conçus pour ce public.
Toutefois, l’arrivée du numérique, la diffusion de France 24 en français en Île-de-France sur la TNT, mais aussi sur l’internet et les réseaux sociaux grâce à l’ADSL, élargit aujourd’hui très sensiblement leur audience. Je note d’ailleurs que la modification du cahier des charges de France Médias Monde rend cette diffusion possible.
Il nous paraît d’ailleurs important que cela se traduise concrètement dans les faits, pour assurer une diversité des programmes proposés en langue arabe, alors que ceux proposés aux auditeurs par le secteur privé ou les chaînes étrangères sont assez largement de nature confessionnelle, mais aussi pour offrir à nos compatriotes binationaux une ouverture sur l’Afrique à travers RFI, qui n’est reçue qu’en Île-de-France.
Cette évolution du mode de financement nous amène à formuler trois observations.
Premièrement, il faudra veiller à ce que le nouveau mode de financement n’altère pas la politique des programmes des médias concernés. Même si nous considérons que leur diffusion sur le territoire national enrichit l’offre, peut répondre à des besoins spécifiques aujourd’hui insatisfaits et confortera leurs capacités à trouver des ressources publicitaires, ils restent d’abord des leviers de l’influence française à l’étranger.
Deuxièmement, cette situation aura un avantage si elle permet aux sociétés d’échapper aux régulations budgétaires et si ces dernières sont assurées d’une meilleure prévisibilité de leurs ressources. Néanmoins, encore faut-il que n’intervienne pas, dans le cadre d’une loi de finances rectificative, un réajustement de la répartition des dotations, comme ce fut le cas en 2014 pour France Médias Monde : le groupe perdit ainsi 600 000 euros, soit plus du tiers des ressources publiques nouvelles qui lui avaient été affectées par la loi de finances initiale.
Quand on sait que ces entreprises ont des difficultés à collecter des ressources propres et que leurs marges de manœuvre reposent sur un redéploiement toujours difficile de leurs dépenses, ce procédé n’est pas admissible. Il conduit au final à décaler des projets qui constituent des engagements pour les dirigeants aux termes du contrat d’objectifs. C’est ainsi que la diffusion de RFI en bambara a été reportée d’une année, alors que la France est engagée au Mali et dans le Sahel. L’État doit respecter ses engagements !
Troisièmement, et enfin, la redéfinition d’une trajectoire financière ne sera pas simple à obtenir dans le cadre de la répartition du produit de la contribution à l’audiovisuel public, car les deux entreprises sont lilliputiennes par rapport aux autres sociétés de programmes : leur poids en termes d’audience nationale et de budget de production ne leur donne que de faibles leviers d’influence.
Il faudra donc, madame la ministre, ne pas céder aux pressions de toutes parts visant à protéger les grands médias et leurs capacités d’investissement dans la production d’œuvres audiovisuelles, car cela conduirait à marginaliser ces petites entreprises, qui sont pourtant si importantes pour la politique d’influence de la France et qui soutiennent sa diplomatie économique. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées y veillera tout particulièrement.
Forte de ce constat, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis, pour ce qui concerne les programmes 844 et 847, un avis favorable à l’adoption des crédits du compte spécial « Avances à l’audiovisuel public ». (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la perspective de supprimer l’ensemble des dotations budgétaires à l’horizon 2017 et de leur substituer la seule contribution à l’audiovisuel public va dans le bon sens.
Toutefois, la hausse de trois euros de la contribution à l’audiovisuel public en 2015 ne permettra pas de répondre aux besoins de financement de l’ensemble de l’audiovisuel public. Voilà pourquoi le débat sur la contribution à l’audiovisuel public est devenu une nécessité.
Nous savons tous, et depuis longtemps, que de plus en plus de Français délaissent, et délaisseront encore davantage à l’avenir, leur téléviseur pour accéder aux contenus de l’audiovisuel public sur les supports de réception numérique. À terme, cette évolution fera immanquablement baisser le rendement de la contribution à l’audiovisuel public.
Par ailleurs, si nous avons des indications sur le taux de recouvrement de cette contribution, acquittée par ceux qui reconnaissent avoir un récepteur de télévision, le Parlement n’a, malgré des demandes répétées, reçu aucune indication sur l’étendue de la fraude et les moyens utilisés pour la réduire. Or nous savons qu’un élargissement de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public risque de se traduire mécaniquement par une hausse de la fraude.
C’est pourquoi notre commission a souhaité que l’on examine la possibilité de s’inspirer de la réforme réalisée en Allemagne, qui tire les conséquences, en taxant les foyers et non plus les supports de réception, du fait que chacun ait maintenant accès aux programmes de l’audiovisuel public. Cette réforme devrait, en outre, permettre de baisser le montant de la redevance.
J’en viens maintenant à France Télévisions. Ses crédits baissent de 0,5 %, mais cette diminution des ressources ne constitue pas le seul motif de sa précarité budgétaire. L’objectif de retour à l’équilibre en 2015, prévu par l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens, le COM, a toutes les raisons de ne pas être atteint. Le groupe France Télévisions se trouve donc dans une situation compliquée, et je suis pour ma part circonspect face à la tentation de recourir à des expédients comme le retour à la publicité entre vingt heures et vingt et une heures et pendant la diffusion des grands événements sportifs.
Au-delà du budget pour 2015, c’est le projet même de France Télévisions qui mérite d’être clarifié, ainsi que me l’ont confirmé les représentants du personnel que j’ai rencontrés. Sur quelle base se fera la nomination du futur président au printemps ? Le projet présenté par les candidats ou le projet élaboré par l’État à partir du rapport commandé à Marc Schwartz ? On le voit, la réforme des modalités de nomination du président de France Télévisions en 2013 n’a pas forcément arrangé la situation.
Je dirai un mot sur Arte, pour saluer la clarté du projet de la chaîne culturelle franco-allemande, qui coïncide avec l’augmentation de 33 % en deux ans de son audience. Le projet de loi de finances préserve ses moyens quasiment à l’identique.
J’en viens maintenant à Radio France. Depuis 2012, sa contribution au plan de retour à l’équilibre des finances publiques s’est élevée à 87,6 millions d’euros. Faute de marges de manœuvre supplémentaires, Radio France ne devrait pas être en mesure d’absorber la baisse attendue de ses ressources propres en 2015. La direction de la société prévoit ainsi un déficit de 15 à 20 millions d’euros.
Là encore, des choix seront nécessaires. Faut-il fusionner des antennes ? Faut-il ne garder qu’un seul orchestre au lieu de deux ? Faut-il engager un plan de départs volontaires ? Toutes ces questions devront recevoir des réponses dans le nouveau COM, qui devrait être soumis à notre examen au premier trimestre 2015.
Je souhaite également que la réalisation des travaux de la Maison de la radio soit accélérée, afin de ramener de la sérénité pour les personnels, qui ont été beaucoup sollicités par ces travaux et que l’incendie du 31 octobre dernier a perturbés, même s’il n’a heureusement pas fait de victimes.
J’en viens enfin à l’Institut national de l’audiovisuel, l’INA, auquel le projet de loi de finances pour 2015 attribue une dotation de 90,9 millions d’euros, équivalente à celle qui lui avait été attribuée en 2013. Le Parlement aura bientôt à connaître du contrat d’objectifs et de moyens 2015-2019, qui permettra notamment d’acter le projet immobilier fondé sur le maintien à Bry-sur-Marne.
Pour terminer, je souhaiterais vous interroger, madame la ministre, sur le projet de décret portant modification du régime de contribution à la production d’œuvres audiovisuelles des services de télévision.
La dernière version du projet de décret traduisait bien la volonté du législateur de trouver un équilibre dans les modalités d’attribution des mandats de distribution en cas de coproduction. Le CSA ayant publié hier son avis sur ce projet de décret, pouvez-vous nous donner votre sentiment à son sujet et nous indiquer la date de publication du décret, qui est attendu par tous les acteurs ?
En conclusion, je rappelle que la commission de la culture a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, rapporteur pour avis.
Mme Claudine Lepage, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le contexte difficile que nous connaissons, l’essentiel a été préservé s'agissant des crédits de l’audiovisuel extérieur, et un certain nombre de clarifications bienvenues ont été opérées.
La première clarification concerne le financement par la seule contribution à l’audiovisuel public. Le nouveau programme 847, « TV5 Monde », est doté de 77,8 millions d'euros. Les crédits de France Médias Monde passent à 247 millions d'euros. À périmètre constant, la dotation augmente de 0,9 %.
La satisfaction que m’inspire cette stabilité budgétaire ne me fait pas oublier que les crédits de France Médias Monde ont été amputés de 612 000 euros en juillet dernier, ni que les menaces n’ont pas disparu en cette fin d’année. Il conviendra d’être vigilant.
Pour autant, on ne peut que se féliciter que le financement des deux entreprises publiques repose dorénavant entièrement sur la contribution à l’audiovisuel public. Cela constitue un progrès en termes de stabilité de la ressource et d’indépendance du financement. Cependant, le fait que les contribuables français, qui financent l’audiovisuel extérieur, n’y aient pas accès pour la plupart d’entre eux suscite des interrogations ; j’y reviendrai.
J’en viens maintenant à France Médias Monde. Je souhaitais recueillir l’avis des syndicats sur les avancées de la fusion. Après avoir rencontré les représentations des cinq organisations de salariés, je peux témoigner qu’aucune d’entre elles ne demande le retour en arrière : la fusion constitue un acquis.
Ce qui continue à poser question, ce sont les conditions du rapprochement. Si les représentants des salariés s’accordent pour considérer que Marie-Christine Saragosse a su restaurer les conditions de la confiance, ils redoutent le futur statut commun, d’autant que la négociation a pris du retard. La coexistence de personnels exerçant le même emploi sous des statuts différents ne peut perdurer ; on peut comprendre l’appréhension des salariés.
Je suis pour ma part confiante dans l’avenir de France Médias Monde, car le processus de remise à plat des statuts est maintenant achevé. Les équilibres identifiés devraient permettre la convergence réciproque des temps de travail. L’objectif de conclure un accord au premier semestre 2015 est ambitieux, mais crédible. Cet accord constituera l’une des fondations de la nouvelle société ; il faut souhaiter qu’il permette aussi d’insuffler un nouvel esprit commun propre à favoriser de nouvelles dynamiques.
S'agissant des moyens, France Médias Monde a connu une baisse annuelle de 10,7 millions d’euros de ses ressources publiques d’exploitation sur la période 2011-2015. En cumulé, cela représente une économie de 54 millions d’euros pour les comptes publics. Autant dire que France Médias Monde a déjà fortement contribué à l’effort de redressement des comptes publics. Ainsi, le groupe a perdu 253 équivalents temps plein, soit 20 % de ses effectifs, et réalisé une économie globale annuelle de 19 millions d’euros.
Cet effort d’économie n’a pas empêché le développement de la version arabophone de France 24, ni la migration de la production vers la haute définition. Cependant, les moyens sont aujourd’hui extrêmement contraints, ce qui limite le nombre de nouveaux projets. L’antenne en bambara de RFI est toutefois sur les rails et devrait commencer à émettre au second semestre de 2015 ; il s’agit d’un projet fondamental, compte tenu des enjeux qui traversent la partie du continent africain où cette langue est parlée.
Il me semble éminemment souhaitable de mieux valoriser les antennes de France Médias Monde, ce qui passe par la diffusion de France 24 sur la TNT dans l’ensemble du pays et pas seulement en Île-de-France. De même, si la diffusion de RFI et MCD à Marseille est déjà en discussion, il me semblerait également pertinent de l’étendre au reste du territoire.
J’en viens maintenant à TV5 Monde. Ses grandes priorités concernent le basculement en haute définition, le lancement d’une chaîne pour enfants en Afrique et le projet d’une chaîne consacrée à l’art de vivre pour l’Asie.
Il n’est plus possible de penser séparément la diffusion de TV5 Monde et le reste du service public de l’audiovisuel. Avec le financement intégral de la quote-part de la France par la contribution à l’audiovisuel public, le téléspectateur français est en droit de pouvoir accéder à ces programmes de qualité. TV5 Monde constitue une belle fenêtre sur d’autres cultures francophones : belge, suisse, québécoise, mais aussi africaine, arabe, asiatique. Le coût de sa diffusion sur la TNT serait de 13 à 15 millions d’euros, du fait du surcroît de droits qui devrait être payé.
La commission de la culture a émis un avis défavorable sur l’ensemble des crédits de la mission. Le groupe socialiste ne peut que le déplorer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, rapporteur pour avis.
M. Pierre Laurent, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la situation de la presse continue de se dégrader gravement. Plus que jamais, la presse, enjeu démocratique central, a donc besoin d’aides publiques pour poursuivre sa transformation et trouver un nouveau modèle économique stable, sachant que le numérique ne produit pas encore son équilibre et que le papier n’en a plus.
Or le constat que je dresse encore cette année, pour le déplorer, est celui d’une absence de réflexion stratégique à moyen et long termes sur cette mutation.
Les mesures proposées dans ce budget ne permettent pas de préparer l’avenir de la presse et ne sont pas à la hauteur des défis en cours, même si les crédits sont globalement maintenus et que des ajustements bienvenus sont opérés à la marge.
Je commencerai par évoquer la question du taux « super-réduit » de TVA, qui autorise une certaine neutralité technologique et favorise la transition numérique. Les représentants de la direction générale des médias et des industries culturelles que j’ai auditionnés n’ont pas caché leur préoccupation à ce sujet, compte tenu de l’évolution du contentieux engagé devant la Cour de justice de l’Union européenne concernant le livre numérique. Chacun d’entre nous a bien conscience qu’une remise en cause de ce taux de TVA serait très préjudiciable à la presse dans son ensemble.
Les aides directes à la presse, quant à elles, subissent une baisse de 3 %. Je trouve d’autant plus dommageable cette réduction des moyens, au moment où la presse en a tant besoin, qu’elle est justifiée par un transfert de crédits au bénéfice de l’AFP. En somme, madame la ministre, vous faites comme si la presse était mise à contribution pour soutenir l’AFP, alors même que la presse a besoin d’aide et que le soutien à l’AFP relève, au premier chef, de l’État.
L’appui à la diffusion par les aides au portage, comme l’aide à la modernisation de la presse et les aides au pluralisme, sont maintenus, les baisses concernant surtout le soutien à la modernisation sociale de la presse d’information politique et générale.
Les crédits consacrés au Fonds stratégique pour le développement de la presse connaissent, eux, une baisse de 500 000 euros, à 30,45 millions d’euros.
J’en viens maintenant à Presstalis, dont la situation reste, il ne faut pas le nier, difficile. À court terme, l’équilibre d’exploitation a été atteint à la fin de 2013 et une amélioration devrait être constatée à la fin de 2014, mais, à plus long terme, la question de l’avenir des messageries de presse est en jeu. Je m’étonne que l’on continue à maintenir deux opérateurs sur un marché en régression brutale, alors que la concurrence s’est déplacée vers le numérique.
Au lieu de réfléchir à une rationalisation du secteur au moyen, par exemple, de la création d’un monopole régulé, qui permettrait de maximaliser les mutualisations, on continue d’affaiblir les deux opérateurs en privilégiant des coopérations qui sont longues à négocier et encore plus difficiles à mettre en œuvre, comme le projet de mise en commun des moyens de transport des deux messageries.
Concernant l’aide au transport postal, vitale pour beaucoup de titres de presse, les accords Schwartz avaient prévu un montant d’aide de l’État de 180 millions d’euros la dernière année, après plusieurs années de décroissance. Ce montant sera, en fait, inférieur de 50 millions d’euros, à 130 millions d’euros, l’État excipant de ce que le bénéfice du CICE permettra à La Poste de compenser la baisse de cette dotation. D’une certaine manière, l’État reprend d’une main ce qu’il donne de l’autre, mais, en l’occurrence, c’est au détriment d’une aide à la presse qui est absolument nécessaire.
À cet égard, je ne vous cacherai pas mon inquiétude concernant le devenir du contrat tripartite État-presse-La Poste, qui arrive à échéance à la fin de 2015, sans que l’on sache quel dispositif prendra sa suite.
J’en viens enfin à l’AFP. Évidemment, je suis préoccupé, car nous devons nous prononcer sur le budget de l’Agence sans connaître le contenu exact du prochain contrat d’objectifs et de moyens, et alors même que l’Assemblée nationale devra discuter, le 17 décembre prochain, la proposition de loi déposée par le député Michel Françaix, qui tend à prévoir, en particulier, une réforme de l’Agence. Le COM étant en voie de finalisation, il serait souhaitable, à mes yeux, qu’il prévoie au minimum un rythme de revalorisation de la subvention de l’AFP régulier, du même ordre que les deux millions d’euros de cette année.
Si l’on peut se féliciter que l’accord trouvé avec la Commission européenne pérennise pour l’instant la subvention de l’État pour les missions d’intérêt général, il reste du chemin pour porter à 100 % la compensation de ces missions, que j’appelle de mes vœux, d’autant que la négociation du COM semble programmer l’érosion progressive de la revalorisation de cette subvention.
Or l’AFP ne pourra survivre sans le maintien d’aides publiques. Je rappelle, à cet égard que, contrairement à ce qui est souvent dit, aucune des grandes agences mondiales ne vit uniquement de ses seules ressources propres.
En conclusion, mes chers collègues, je vous rappellerai que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis.
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au risque de nuire au suspense, qui est un ressort classique des industries culturelles, je vous indique d’emblée que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication vous recommande de rejeter les crédits du programme 334, « Livre et industries culturelles ».
Cette recommandation ne procède évidemment pas d’une volonté de réduire les moyens consacrés à une politique que sa dimension « civilisationnelle » justifie pleinement. Bien au contraire, ce sont les décisions budgétaires et l’immobilisme du Gouvernement face à des problèmes essentiels pour l’action publique dans le domaine culturel, qu’il devrait pourtant prendre à bras-le-corps, que nous souhaitons sanctionner par un rejet de ces crédits, seule position qui nous soit accessible.
Madame la ministre, on nous a affirmé que la culture serait préservée contre les coupes que le Gouvernement pratique dans le massif des dépenses publiques. Avec le programme 334, il n’en est rien. Faute d’une politique déterminée de redéploiement des dépenses publiques, vous nous présentez un budget au fil de l’eau, qui ne doit son augmentation qu’à un jeu d’apparences.
Sans les ouvertures de crédits de paiement rendues nécessaires par les opérations patrimoniales en cours, le soutien budgétaire au programme reculerait en euros constants. Nous pouvons en déduire le sort réservé aux grands opérateurs de l’action publique… En refusant de leur accorder les moyens de leurs missions, vous les condamnez soit à une gestion financière aventureuse, soit à un abandon de certaines d’entre elles, avec, en filigrane, des restructurations dont vous devrez porter la responsabilité.
En toute hypothèse, l’édifice subtil, mais fragile, qui permet à la culture de se déployer et de se défendre contre les dangers qui la menacent plus que jamais, dans une ère numérique dominée par quelques mastodontes prédateurs, est miné par vos choix budgétaires. Que dire de l’inexplicable inertie qui semble paralyser votre action dans des champs absolument stratégiques pour notre exception culturelle, c’est-à-dire pour notre culture ?
Madame la ministre, nul ne sait mieux que vous combien de rapports et combien de contributions ont été transmis ces dernières années au Gouvernement, pour que notre pays réussisse la révolution numérique des contenus. (Mme Nathalie Goulet opine.)
Le Sénat y a pris toute sa part. À ce sujet, je pense aux initiatives du président Philippe Marini et du président Bruno Retailleau. Plus près de votre majorité, je pourrais citer les contributions d’Yves Rome et d’Yvon Collin. En évoquant ce dernier, je pense bien sûr au rapport dit « des deux Collin », mais il y a aussi eu le rapport Lescure, le rapport Phéline et tant d’autres...
Que faites-vous de ces talents ? Un projet de loi sur la création, qui ne cesse d’être reporté, et une action au service d’une régulation européenne des industries culturelles que l’on attend, comme d’autres attendent Godot. Nous savons bien que la politique est l’art du possible, mais elle doit aussi être l’art de l’audace, faute de quoi il n’y a plus rien de possible.
Pour notre part, nous avons eu l’audace d’inventer la HADOPI. Cette autorité indépendante est le seul organe coordonnant des réponses aux problèmes posés à la volonté de culture par le numérique. En soi, donc, elle se singularise par rapport aux réactions désordonnées qui voient chaque secteur doté dans le désordre de régulations successives.
Ses missions sont appelées à être développées, si j’en crois les recommandations du rapport Imbert-Quaretta. Ce serait, en tout cas, souhaitable, mais, hélas, vous ne lui en donnez pas les moyens, ce que nous n’acceptons pas. Et je pourrais formuler des remarques identiques pour le Centre national du livre, la Bibliothèque nationale de France ou le programme de numérisation des ouvrages indisponibles du XXe siècle.
En somme, vous remettez en cause la possibilité pour la France de développer une offre culturelle numérique, grand impératif positif de notre affirmation culturelle.
Avant de clore mon intervention, madame la ministre, je souhaiterais vous rendre sensible au sort des librairies. Le Sénat les a défendues avec ardeur, en légiférant sur la vente à distance et en complétant la loi sur le prix unique du livre. Je sais bien que le Gouvernement n’est pas toujours attentif aux commerces de détail : j’en veux pour preuve la réforme des professions réglementées et ses dispositifs facilitant la vente de médicaments par les grandes surfaces. (M. Jacques-Bernard Magner s’exclame.)
Néanmoins, je veux vous rendre attentive à la nécessité absolue de défendre les petits distributeurs du livre. Ils sont à l’édition française ce qu’est la tranche aux ouvrages imprimés, soit ce qui soutient les feuillets et permet la lecture. Complétez l’action publique à leur profit, et nous vous soutiendrons ! (M. Michel Savin applaudit.)
M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est la première fois que je m’exprime devant vous à la tribune du Sénat. J’en mesure à cet instant l’honneur en pensant à mon territoire d’élection, la Haute-Savoie. Je voulais partager avec vous ce moment d’émotion.
Les missions du champ culturel se ressemblent – malheureusement, dirai-je –, parce que l’on y retrouve les mêmes travers. En l’occurrence, comme la mission « Culture », la mission « Médias, livre et industries culturelles » se caractérise par une stabilisation des crédits qui pourrait n’être qu’illusoire et, surtout, par une absence de choix stratégiques.
En effet, à périmètre constant, les crédits de la mission enregistrent une légère hausse de 0,43 %, ce qui paraît remarquable dans une époque de contraction budgétaire. Toutefois, en réalité, cette relative stabilité sanctuarise des baisses passées et masque mal l’insoutenabilité des finances du secteur, en l’absence de véritables choix politiques.
C’est particulièrement caricatural pour ce qui concerne le budget de France Télévisions, dont la dotation concentre 85 % du programme « Contribution à l’audiovisuel », qui bénéficiera de près de 65 % de la contribution à l’audiovisuel public, la CAP. L’institution France Télévisions est donc placée au cœur de la contribution du secteur à la réduction des dépenses publiques et de la réforme structurelle de son financement.
Le contrat d’objectifs et de moyens 2011-2015 montre que France Télévisions a déjà fourni l’essentiel de l’effort budgétaire qui lui était demandé sur cette période, soit un décalage de près de 10 % de son budget global par rapport au projet de loi de finances pour 2015. Or les seuls gains de productivité ne permettent pas de couvrir la totalité de cet effort, ce qui place France Télévisions en tension financière et en position de forte vulnérabilité face aux incertitudes pesant sur la réforme structurelle du financement de l’audiovisuel public.
Sur le fond, nous soutenons son financement exclusif par la CAP. De même, l’augmentation de son montant ne nous choque pas, puisque son niveau demeure l’un des plus faibles d’Europe. En revanche, la structure des crédits de France Télévisions dans le présent projet de loi de finances est en contradiction avec ces choix. En effet, la part de la CAP qui lui sera attribuée baisse de près de 3 % et sa dotation augmente, au contraire, de plus de 42 %.
Nous comprenons bien les raisons techniques sous-tendant ces chiffres, mais, à l’heure où l’on veut garantir l’indépendance de France Télévisions grâce à la CAP, l’effet d’affichage laisse franchement à désirer.
Plus fondamentalement, il est bien hasardeux d’acter le financement exclusif de l’audiovisuel public par la CAP sans en réformer l’assiette. Une telle réforme était déjà préconisée en 2010 par la présidente Catherine Morin-Desailly dans son rapport d’information sur les comptes de France Télévisions. Elle s’impose aujourd’hui plus que jamais, car, si le Gouvernement est très optimiste sur l’évolution naturelle du rendement de la CAP, France Télévisions, au contraire, craint son décrochage.
Son rendement pourrait ainsi s’effondrer subitement en raison de l’obsolescence de son assiette, alors que la génération de l’internet et des réseaux sociaux entre sur le marché du travail. Un tel phénomène a déjà eu lieu en Finlande en 2006.
Dans cette situation de tension financière et d’incertitude sur la CAP, France Télévisions attend des choix sur son périmètre, c’est-à-dire des décisions politiques capables de restreindre ses missions.
N’est-ce pas le moment, cinq ans après l’adoption de la loi du 5 mars 2009, d’en faire le bilan ? À défaut, et sans orientations claires, si nous restons à périmètre constant dans un univers télévisuel hautement concurrentiel, c’est la qualité des programmes et de la production qui risque de s’en ressentir. Ce phénomène a d’ailleurs déjà malheureusement commencé. France Télévisions est ainsi la seule télévision publique européenne à ne pas avoir pu diffuser les principaux matchs de la Coupe du monde de football, et cela se reproduira pour l’Euro 2016.
Sur les 2,9 milliards d’euros de ressources globales brutes de France Télévisions, quelque 2,5 milliards d’euros proviennent de concours publics, dont 2,3 milliards d’euros de la contribution à l’audiovisuel public, la CAP. Les ressources publicitaires n’apportent que les 400 millions d’euros restants, ce qui doit nous conduire à relativiser l’enjeu qu’elles représentent. Quoi que l’on pense de la suppression de la publicité à partir de vingt heures, le véritable enjeu financier de France Télévisions est non pas là, mais dans la réforme de la CAP.
Je voudrais par ailleurs et de manière liminaire évoquer également la situation de Radio France, elle aussi bénéficiaire de la CAP. Nous le savons, la Maison de la Radio a connu des travaux importants depuis 2009 et elle a récemment été atteinte par un incendie qui ne peut laisser indifférents les parlementaires que nous sommes. Je veux ici marquer notre solidarité avec ce service public auquel nos compatriotes sont si fortement attachés.
De la même manière, au lendemain du sommet mondial de la francophonie, on ne peut oublier ni France Médias Monde ni la nécessité de maintenir la présence de notre pays et de notre langue dans le monde entier. Il s’agit d’œuvrer au renforcement des médias existants, France 24-RFI et TV5 Monde.
Les autres programmes de la mission ont quant à eux vocation à aider les secteurs de la presse, du livre et des industries culturelles à s’adapter à un environnement de plus en plus concurrentiel et aux bouleversements technologiques auxquels ils sont confrontés. À cet égard, nous nous réjouissons que la diminution des aides à la presse reste maîtrisée. Cependant, ces aides ne devraient-elles pas davantage bénéficier à la presse quotidienne régionale, qui constitue le principal vecteur d’information du pays ? Nous le pensons.
Les crédits consacrés au livre et aux industries culturelles augmentent de 2,5 %, ce qui représente un effort considérable dans un contexte de tension budgétaire. Quelque 80 % de ces crédits financent la Bibliothèque nationale de France. Ils financent aussi le Centre national du livre, le CNL, dont je tiens à saluer le plan de soutien aux librairies, qui, au travers du budget du CNL, est augmenté de 2 millions d’euros.
En outre, je tiens à relever un paradoxe concernant les industries culturelles proprement dites : leur part des crédits est résiduelle, alors qu’elles représentent 3 % du PIB.
Comme l’a très bien souligné notre rapporteur pour avis Colette Mélot, le jeu vidéo, en particulier, est devenu la première industrie culturelle du pays. Si nous ne voulons pas qu’elle se délocalise, nous devrions mieux accompagner cette industrie que nous ne le faisons aujourd’hui. Certes, la baisse du seuil d’éligibilité au fonds d’aide au jeu vidéo constitue un premier pas, mais le groupe du travail sur les jeux vidéo du Sénat avait formulé d’autres recommandations, qui mériteraient d’être suivies.
Je conclurai sur cette question des industries culturelles en dénonçant le traitement inadmissible que le présent projet de loi de finances réserve à la HADOPI. Alors que le transfert des activités de cette institution au Conseil supérieur de l’audiovisuel ne semble plus à l’ordre du jour, le montant de la subvention qui lui est accordée menace la conduite de ses missions.
Il manque aujourd’hui quelque 1,5 million d’euros à l’institution, qui ne peut plus puiser dans son fonds de roulement. Ce traitement s’apparente à une tentative d’asphyxie budgétaire, ce qui est inacceptable : si le Gouvernement veut supprimer la HADOPI, qu’il le fasse ! En revanche, tant qu’elle existe, cette institution doit disposer des moyens nécessaires à son fonctionnement.
Au fond, le traitement de la HADOPI n’est pas si surprenant : c’est un symptôme caricatural de ce que j’évoquais au début de mon intervention : l’incapacité du présent budget à faire des choix politiques clairs. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, traiter en six minutes des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » est assurément un défi et frôle la « mission impossible ». Nous saluons la légère hausse du budget, chiffrée à 0,43 %, qui permettra de préserver, autant que possible, les éléments essentiels que sont le soutien à la lecture, le soutien au secteur du livre, les aides à la presse, à l’Agence France Presse et à l’audiovisuel public.
N’oublions pas cependant qu’il faut poursuivre la réorganisation des aides à l’audiovisuel public, afin de mieux soutenir ce secteur face aux enjeux qu’il rencontre. Nous devons mener une réflexion plus générale sur la question de l’adaptation du financement des industries culturelles à la révolution numérique. Dans ce contexte, nous devons également prêter une attention particulière à ce que les médias indépendants ne disparaissent pas au profit de grands groupes audiovisuels. Or le pluralisme est gravement en danger en France.
Concernant les crédits dédiés à l’audiovisuel public, et comme l’a souvent rappelé en commission notre collègue André Gattolin avant de rejoindre la commission des finances, nous devons de nouveau demander à France Télévisions de réaliser de vrais efforts de gestion.
Aujourd’hui encore, il n’existe pas de système sérieux de contrôle interne des coûts, notamment vis-à-vis des « producteurs extérieurs », qui sont parfois des « anciens » des chaînes publiques. On constate que leurs taux de marge peuvent être particulièrement élevés – parfois, ils restent même inconnus. Certaines entreprises se mettent aussi en situation de dépendance. De fait, lorsqu’une émission doit être supprimée ou écartée de la grille, le producteur-animateur argue qu’il se trouve dans une position de quasi-salariat, et l’émission est ainsi reconduite. Ce business model, selon nous assez peu transparent, est à assainir et à revoir.
Par ailleurs, l’alignement de la TVA de la presse en ligne sur celle de la presse papier nous a réjouis, car il s’agit d’une revendication portée de longue date par les écologistes. De fait, elle a certainement offert aux entreprises concernées une bouffée d’air.
Du reste, le véritable problème que je voudrais évoquer ce soir est celui de la presse écrite, en particulier de la presse d’information générale, qui va mal, notre collègue Pierre Laurent l’a dit, et même très mal ! Cette presse vend de moins en moins d’exemplaires et, lorsqu’elle en vend tout de même, vend de plus en plus cher au numéro, pour des raisons évidentes. Les chiffres des trois derniers mois sont de plus en plus préoccupants. Et je n’évoque même pas la disparition des kiosquiers, qui sont quasiment introuvables dans certains centres-villes en région, comme cela a été souligné dans le rapport de M. Baroin.
En outre, l’évolution du lectorat suscite, elle aussi, des inquiétudes légitimes, car les jeunes ne lisent plus la presse, même quand elle est mise à leur disposition gratuitement, et tous ne la lisent pas sur tablette. Une réforme structurelle pérenne des soutiens à la presse se fait toujours attendre, et nous l’appelons de nos vœux.
Selon nous, l’un des critères pour accorder les aides à la presse devrait être la défense et la protection du métier de journaliste, et surtout de photojournaliste, comme nous l’avons souligné en commission. Quels outils proposer pour que les éditeurs de presse utilisent les photographies d’une manière plus conforme à l’éthique ? Nous insistons donc sur la nécessité d’un vrai débat sur la rénovation des aides à la presse, qui pourraient prendre en compte de nouveaux critères.
Ensuite, en ce qui concerne le soutien aux radios locales associatives, sauf erreur de ma part, le Fonds de soutien à l’expression radiophonique est pratiquement bloqué à son niveau de 2010. Je désire attirer de nouveau votre attention sur le fait qu’un certain nombre de radios associatives pourraient en être fragilisées. Des espoirs nous ont été laissés en commission. Qu’en est-il, madame la ministre, de ce fonds qui semble être gelé ?
Nous ne partageons évidemment pas le même point de vue sur la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, la HADOPI. Nous, écologistes, pensons qu’un débat au Parlement sur l’avenir de l’institution et de ses missions s’impose. Depuis la promesse présidentielle, dont le numéro m’échappe, de supprimer la loi HADOPI, où en est-on, madame la ministre ?
Je le répète, la réponse graduée est devenue presque caduque, en raison notamment de la diminution des moyens affectés à cette institution. L’effet pédagogique de ce dispositif sur les internautes reste très controversé et, selon nous, la suppression de la HADOPI se fait encore attendre. Nous souhaitons que cette situation soit clarifiée rapidement.
Sur ce point, nous retenons la proposition de Mme la présidente de la commission : celle-ci suggérait de créer une mission d’information sur cette institution, qui réunirait des données objectives et approfondies en vue de supprimer la HADOPI. Un encouragement plus important au développement de l’offre légale serait également une bonne chose.
Alors que la protection des libraires indépendantes était la priorité de l’année 2013, en 2014, la défense des bibliothèques a été mise en avant, nous semble-t-il, notamment celle de la Bibliothèque nationale de France et de la Bibliothèque publique d’information. Nous saluons ces efforts, mais nous nous permettons de relever que ce sont des sites parisiens. Il convient également de préserver le site de Sablé, qui est situé en région et qui a, lui aussi, son utilité. (Mme Nathalie Goulet approuve.)
Mme Françoise Laborde. C’est vrai !
Mme Corinne Bouchoux. Enfin, madame la ministre, et sans malice – je l’ai déjà fait l’an dernier au même moment –, puisque nous évoquons la défense du livre, je voudrais partager l’intérêt que j’ai eu à lire l’ouvrage d’Astra Taylor intitulé Démocratie.com. Pouvoir, culture et résistance à l’ère des géants de la Silicon Valley. Nous ne serons pas d’accord, les uns et les autres, à propos des problèmes abordés par cet ouvrage, mais je souhaite attirer votre attention sur ce livre, dont l’auteur prône un « écosystème médiatique » et « des politiques progressistes qui fassent passer l’humain avant le profit ».
Aussi, madame la ministre, en dépit des inquiétudes et des réserves dont nous vous avons fait part, et sur lesquelles je reviendrai, les écologistes ont soutenu en commission le budget qui nous était soumis initialement. Néanmoins, leurs souhaits n’ont pas été suivis par la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. « Qui que vous soyez qui voulez cultiver, vivifier, édifier, attendrir, apaiser, mettez des livres partout. », écrivait Victor Hugo en 1878.
Mme Nathalie Goulet. Belle formule !
Mme Françoise Laborde. Ce constat est toujours d’actualité. Tel est l’objet de cette mission consacrée aux médias, à l’industrie culturelle et aux livres.
À l’heure où le numérique modifie en profondeur nos habitudes, la lecture reste un enjeu majeur des politiques publiques : qu’on lise sur un écran, une tablette ou qu’on lise un vieux livre au papier jauni, un beau livre d’art ou une bande dessinée, lire est toujours l’occasion d’apprendre et de s’évader.
Dans le contexte budgétaire serré que nous connaissons, le groupe RDSE salue l’augmentation de 3 % des crédits de paiement du programme au bénéfice de l’action « Livre et lecture ».
Les Français liraient plus, nous dit-on. Toutefois, le mot « lire » inclut indifféremment littérature, presse, modes d’emploi et manuels de bricolage. D’un point de vue qualitatif, des élites aux classes populaires, on lit moins aujourd’hui qu’hier. Le programme international de recherche en lecture scolaire, coordonné tous les cinq ans dans quarante-cinq pays, a récemment révélé que les élèves français âgés de dix ans maîtrisent moins bien la lecture que la moyenne des écoliers européens du même âge et que, sur plusieurs points, leurs performances se sont dégradées depuis une décennie.
Si la lecture publique est une compétence décentralisée, l’État a son rôle à jouer par le maintien de son concours financier et technique. La transmission du savoir par l’intermédiaire du réseau des 1 700 bibliothèques réparties sur le territoire français et des 2 500 librairies indépendantes, et le fait d’encourager les publics défavorisés à lire par la promotion des associations qui s’y consacrent sont essentiels pour lutter contre les inégalités sociales. La réussite du dispositif des « contrats territoire-lecture » mis en place en 2010 doit être saluée, même s’il faut encourager le rapprochement avec d’autres dispositifs de conventionnement et de subventionnement.
Il serait d’ailleurs souhaitable de réfléchir sur l’élargissement de l’amplitude horaire des bibliothèques publiques. À Copenhague, à Amsterdam et dans nombre d’autres villes du nord de l’Europe, les bibliothèques publiques frôlent les cent heures d’ouverture hebdomadaires, contre trente heures en moyenne en France et quarante dans les plus grandes villes. Aux États-Unis, les bibliothèques universitaires restent ouvertes vingt heures sur vingt-quatre, voire vingt-quatre heures sur vingt-quatre en période d’examens ! En France, notamment à Paris, quelques bibliothèques publiques font exception, mais elles sont rares.
Cette mesure viserait aussi à combler les inégalités entre les étudiants, puisque nombre d’entre eux ne disposent pas d’un espace suffisant chez eux pour travailler dans le calme nécessaire. Pour ces étudiants qui cumulent tous les handicaps, les bibliothèques sont des espaces de travail et de réussite. Une pétition, qui a recueilli plus de 10 000 signatures en quelques semaines, a déjà été signée par de nombreuses personnalités. Nous souhaiterions savoir, madame la ministre, où en sont les négociations entre les collectivités locales, le personnel des bibliothèques et votre ministère sur cette question essentielle.
« Cultiver, vivifier », c’est aussi le rôle du programme 180 dédié à la presse, dont le groupe RDSE soutient les objectifs. Si les aides à la presse diminuent de plus de 9 % dans le présent budget, c’est en raison de la baisse de l’aide au transport postal. Et nous savons que l’avenir du schéma de diffusion de la presse écrite fera prochainement l’objet d’un rapport.
Nous saluons les mesures qui ont déjà été prises concernant la modernisation du secteur et le développement de ses diffusions numérique et physique, notamment l’application du taux de TVA réduit de 2,1 % aux services de presse en ligne, de même que le ciblage accru du fonds stratégique pour les services de presse en ligne.
Le modèle économique de la presse n’est plus viable et doit évoluer. À l’ère du tout-numérique, le paradigme de la lecture a changé. Le numérique a permis de rajeunir au quotidien le lectorat de la presse et doit permettre de repenser le modèle de soutien et de diffusion de la presse nationale.
Depuis le début des années deux mille, la diffusion de la presse papier a connu une baisse de 25 %. Si la mutation numérique, déjà largement entamée, est inéluctable, il convient de ne pas enterrer trop vite ce type de presse, qui reste un vecteur essentiel de l’information. Dans une logique d’anticipation, le groupe RDSE plaide pour une réflexion à moyen et long terme sur l’avenir de la presse et de son modèle économique.
Madame la ministre, mes chers collègues, la majorité du groupe RDSE votera les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». (Applaudissements sur les travées du RDSE. – Mmes Corinne Bouchoux et Nathalie Goulet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Comme vous l’aviez annoncé lors de votre prise de fonction, madame la ministre, le budget de la mission « Médias, livre et industries culturelles » est sanctuarisé pour les trois années à venir. Présentant une légère hausse des crédits de 0,43 % pour 2015, il pourrait recevoir nos suffrages, car nous pensons que le secteur de la culture doit être préservé de la rigueur budgétaire en raison de son poids économique – un peu plus de 3,2 % du PIB.
Ce projet budget présente cependant plusieurs défauts majeurs : il masque des situations contrastées, manque d’ambition et laisse en suspens des interrogations qu’il faudrait traiter.
Tout d’abord, je le répète, il masque des situations contrastées. Notre rapporteur pour avis, Mme Mélot, a notamment pointé la réduction de 14 % des autorisations d’engagement sur le programme « Livre et industries culturelles ». Ce sont les dépenses d’investissement qui sont réduites, alors que le développement du numérique oblige les différents secteurs à s’adapter pour effectuer leur mutation dans un contexte de compétition internationale, ce qui nécessite des moyens importants.
Sur le plan budgétaire, l’écart se creuse entre autorisations d’engagement, qui diminuent, et crédits de paiement, qui augmentent. Cet effet de ciseau entraîne cette année un reliquat évalué à près de 64 millions d’euros, qui pèseront sur les années à venir et risquent de pénaliser d’autres postes.
On peut parler d’un véritable désengagement de l’État, qui, pour régler ses dépenses, puise dans les fonds de roulement de ses opérateurs, tels la Bibliothèque nationale de France ou la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, la HADOPI. On voit sur le terrain les effets de cette sous-budgétisation, alors qu’il est impératif de ne pas prendre de retard dans l’adaptation de notre droit et de notre économie aux défis du numérique. Le projet de loi sur la création, évoqué pour l’année 2014, a d’ailleurs été maintes fois repoussé.
Ce projet de budget reporte, par ailleurs, la résolution de problèmes de plus en plus prégnants. Ainsi, bien que le Gouvernement ait annoncé la suppression totale des dotations budgétaires aux entreprises de l’audiovisuel public d’ici à 2017, il ne résout pas les difficultés que va poser leur financement.
Certes, la baisse progressive des crédits budgétaires est justifiée, car elle vise à assurer l’indépendance de ces sociétés et à empêcher l’incertitude des fluctuations budgétaires. Ce souci est légitime, mais encore faut-il s’assurer de la fiabilité et de la pérennité des ressources de substitution. Or quelle est la réflexion menée ?
L’avenir du financement de l’audiovisuel public repose, cela a été dit, sur une augmentation constante de la contribution à l’audiovisuel public, précédemment appelée « redevance », telle qu’elle a été créée aux débuts de la télévision. Cette taxation reste-t-elle légitime lorsque les supports de consultation se diversifient jusqu’à rendre l’écran de télévision obsolète ?
Comme l’a rappelé le rapporteur spécial de la commission des finances, François Baroin, revoir l’assiette de la contribution deviendra incontournable, non seulement pour qu’elle soit plus juste, mais également pour assurer la stabilité de son rendement.
À l’image de nos rapporteurs, je m’interroge donc sur la démarche du Gouvernement, qui consiste à remettre la question à plus tard, en augmentant de deux euros la redevance pour 2015.
J’ajouterai que, l’année dernière, lors de l’examen du précédent budget, notre collègue David Assouline appelait à « réfléchir sérieusement au risque d’évasion que représente le visionnage de programmes sur ordinateurs et tablettes, et donc à la modification de l’assiette de la redevance ». Il semble qu’il n’ait pas été entendu.
Je souhaite également évoquer le sujet de la protection des droits d’auteur dans notre pays, depuis que le numérique a transformé les usages.
Le budget de la HADOPI n’a cessé de diminuer : 11 millions d’euros en 2012, quelque 8 millions d’euros en 2013, quelque 6 millions d’euros en 2014 et pour 2015. L’année 2015 est un tournant, car la faiblesse du fonds de roulement est désormais insuffisante pour permettre à la HADOPI d’assurer l’ensemble des missions que le législateur lui a confiées. Une diminution de ses effectifs de 20 % est prévue, ainsi qu’une baisse de 50 % des crédits destinés à la mission d’encouragement au développement de l’offre légale, et de 25 % de ceux qui sont destinés à la réponse graduée.
Selon la direction de la HADOPI, pour maintenir la conduite de ses missions, la dotation devrait être augmentée de 1,5 million d’euros. Les députés avaient déposé un amendement d’appel en ce sens, mais le budget est si contraint qu’il est difficile d’envisager un prélèvement sur d’autres actions de la mission.
C’est à l’État de prendre ses responsabilités : soit il supprime l’institution ou transfère ses compétences, soit il reconnaît son efficacité et lui donne les moyens de poursuivre sa mission. Il est regrettable que, en choisissant de baisser les moyens de cet organisme, le Gouvernement ne prenne pas de position claire pour l’avenir.
Pour toutes ces raisons, et parce que nous sommes convaincus de la nécessité d’aller plus loin et plus vite dans l’adaptation de nos entreprises aux réalités du numérique, le groupe UMP rejettera les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon intervention sur l’audiovisuel et la presse, dont la défense constitue, du point de l’offre et du pluralisme, une mission essentielle de notre démocratie.
Je souhaite insister, plus particulièrement, sur les éléments de ce projet de budget qui sont propres à ouvrir de nouvelles perspectives pour les années suivantes. Et je commencerai par évoquer le problème, soulevé par plusieurs orateurs, de la contribution à l’audiovisuel public.
Nous ne pouvons pas effacer le passé ! La dernière fois que nous avons débattu du sujet de l’audiovisuel public dans cet hémicycle, c’était à l’occasion de l’examen d’une loi visant à supprimer la publicité et à ne pas augmenter la redevance.
M. Jacques-Bernard Magner. Eh oui !
Mme Nathalie Goulet. C’est déjà fait !
M. David Assouline. Nous avions alors dénoncé fortement ces mesures.
Notre audiovisuel public reposait en effet jusqu’alors sur deux pieds, la publicité pour une moitié de son budget et la redevance pour l’autre, ce qui lui permettait d’être indépendant tant à l’égard de l’État que du marché. L’équilibre avait été progressivement rétabli depuis 2002, puis tout a été fracassé.
Je l’avais dit à cette tribune : du fait de la suppression de la publicité et de la complète dépendance de l’audiovisuel public à l’égard d’une dotation, quand les vaches maigres budgétaires arriveront, l’État pourra affirmer en toute légitimité que ses priorités sont ailleurs et réduire cette dotation. Aujourd’hui, nous y sommes !
Heureusement, et même si le montant de la dotation est moins élevé, l’actuel gouvernement a redynamisé la contribution à l’audiovisuel public, grâce, notamment, à l’augmentation de deux euros de cette dernière, ainsi indexée sur le coût de la vie. (M. Jacques-Bernard Magner approuve.) Je m’en réjouis.
Nous devons nous habituer, en France, à faire preuve d’anticipation, plutôt que de nous attaquer aux problèmes lorsqu’ils sont derrière nous. Il est évident, et je le dis depuis plusieurs années, que les nouveaux usages battront en brèche le dynamisme de cette contribution, qui subsiste encore pour des raisons démographiques : quand un couple se sépare, cela crée deux foyers, deux télévisions, donc deux redevances... Toutefois, la fin approche ! Il n’y aura bientôt plus d’argent pour financer l’audiovisuel public, ce qui est pourtant fondamental. Il faut donc rapidement moderniser le dispositif.
J’ai entendu MM. François Baroin et Jean-Pierre Leleux ; je suis heureux qu’il y ait un consensus. Néanmoins, il faudra assumer ce débat avec force et sans démagogie devant l’opinion publique.
Nous devons être capables de dire, tous ensemble, qu’il faut moderniser la contribution à l’audiovisuel public et élargir son assiette, et ne pas rester tapis au coin du bois, comme certains, chaque fois que l’on débat de culture, d’audiovisuel ou de cinéma, en arguant que « ce sont toujours les mêmes qui ponctionnent les Français »... Tous ces propos démagogiques, je les ai entendus !
À l’époque du débat sur la refondation de l’audiovisuel public et de la formidable « commission Copé », j’ai même entendu M. Copé affirmer : « Moi vivant, la redevance n’augmentera pas d’un seul euro ! »... Il semble que l’on ait désormais recouvré la raison. Tant mieux !
Dans la perspective de la réforme de l’audiovisuel public, je lance un défi à mes collègues, en particulier à ceux de droite : agissons ensemble ! Pour notre part, nous y sommes prêts, afin de faire avancer notre pays et l’audiovisuel public, lequel sera menacé si nous ne trouvons pas les ressources nécessaires à son fonctionnement.
On peut toujours décider de rétablir la publicité dans telle ou telle tranche horaire... Cela ne me dérange pas, dès lors que l’essentiel de l’audiovisuel public est financé par la redevance, qui constitue en quelque sorte une forme d’actionnariat populaire : l’argent donné va directement au poste que les citoyens ont souhaité financer.
Nous devrons ouvrir parallèlement, en 2015 – c’est de la politique ! –, un débat sur le contenu de l’audiovisuel public. Madame la ministre, au premier semestre de 2015, il y aura le renouvellement du président du groupe audiovisuel public et la remise d’un rapport. Je souhaite que le Parlement soit alors associé à un véritable débat sur l’audiovisuel que nous voulons, son périmètre, mais aussi son nouveau financement, dont l’inscription dans le prochain projet de loi de finances conclura nos échanges sur le fond. Telle est la méthode à laquelle j’aspire.
La dotation budgétaire des organismes de l’audiovisuel public baisse certes de 102 millions d’euros en 2015, mais cette réduction est compensée par la hausse du produit de la contribution à l’audiovisuel public, soit une augmentation de 115 millions d’euros.
Oui, les aides à la presse seront globalement maintenues, et c’est heureux. En effet, c’est une nécessité, compte tenu des mutations du secteur. Les crédits destinés au programme « Presse » pour 2015 sont certes en légère baisse de 0,3 %, mais, dans le contexte budgétaire actuel, il est plutôt louable de ne pas les avoir diminués encore davantage.
Nous reviendrons sur le sujet de la presse tout à l'heure, à l’occasion de l’examen d’un amendement que je qualifierai de surréaliste.
Mme Nathalie Goulet. C’est un amendement de mauvaise humeur !
M. David Assouline. La discussion de cet amendement sera l’occasion d’évoquer la situation de la presse et la façon dont les fonds sont accordés. Une réforme s’impose, c’est une évidence, mais la suppression pure et simple de cette enveloppe n’est certainement pas la bonne réponse. Tout le secteur est en crise, et, même si certains s’en sortaient, une telle porterait un coup à ceux qui sont les plus en difficultés – les plus petits, comme d’habitude – et menacerait le pluralisme.
Le financement de la presse, en particulier de la presse d’opinion, garant du pluralisme de ce secteur, est une tâche importante qui incombe à tout gouvernement. C’est un acquis qui s’apparente à un service public. Vouloir tout remettre en cause dans l’espoir de provoquer une sorte de big bang restructurant ne me semble pas opportun. Je doute que du chaos naisse une situation saine, surtout dans ce secteur : seuls les plus forts surnageront.
Toujours est-il que je me réjouis que les crédits ne baissent pas et que je fais miennes les questions du rapporteur pour avis, Pierre Laurent. La mutation technologique en cours exige un soutien attentif, afin qu’elle ne s’opère pas au détriment du nécessaire pluralisme.
Je veux dire l’importance de cette question pour les socialistes. Dans cet hémicycle, nous avons toujours défendu l’idée que le service public de l’audiovisuel était un bien précieux. L’offre est grande, la bagarre est acharnée, la concurrence est rude, à l’échelon national, mais aussi international. Il faut donc un effort soutenu pour maintenir une offre de qualité, par la préservation des moyens dévolus à cette fin.
C’est le cas chaque année. De ce point de vue, ce budget ne déroge pas à la règle. En revanche, l’année prochaine, il faudra adosser notre débat budgétaire à une réflexion approfondie sur ce qui doit s’apparenter à un nouveau départ, en particulier pour France Télévisions. En effet, la situation ne peut continuer à dégénérer, comme c’est le cas depuis quelques années. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » sont en très légère hausse, de l’ordre de 0,43 %. Cette faible augmentation ne doit cependant pas nous tromper : elle équivaut dans les faits à une baisse en euros constants, puisqu’elle ne compense même pas l’inflation. Bien pis, les objectifs budgétaires prévus pour les prochaines années sont, à nos yeux, extrêmement inquiétants et soulèvent de nombreuses questions.
D’ici à 2017, le Gouvernement entend réduire de 32 % les crédits budgétaires de cette mission. L’essentiel de cette diminution reposera sur l’audiovisuel public et, en son sein, sur France Télévisions. C’est donc l’avenir de cette entreprise publique qui est au cœur de nos préoccupations.
Cela a été souligné par tous : l’objectif assumé par le Gouvernement est celui d’un financement des grandes institutions audiovisuelles totalement indépendant du budget de l’État, qui reposerait, hors ressources propres, sur la seule contribution à l’audiovisuel public. Par conséquent, celle-ci devra être fortement revalorisée.
Le Gouvernement entend ainsi diminuer la dotation de l’État à l’audiovisuel public de 263 millions d’euros sur trois ans. Cette enveloppe passera de 292 millions d’euros en 2014 à 29 millions d’euros seulement. Son extinction est programmée. Le budget pour 2015 est donc le premier volet de ce plan pluriannuel.
La part de financement par subvention budgétaire des sociétés de l’audiovisuel est déjà réduite à 160 millions d’euros. Pour compenser ce désengagement, une augmentation de la redevance de trois euros en métropole et d’un euro outre-mer est prévue. Elle fait suite à une revalorisation de six euros en 2013 et de quatre euros en 2014. C’est par cette seule augmentation que l’on peut parler d’un maintien des crédits consacrés aux médias. Toutefois, peut-on véritablement parler de maintien pour décrire le désengagement de l’État et le transfert de cette responsabilité publique sur le budget des ménages ?
Malgré cela, il faut le souligner, le compte n’y est pas. Les crédits de l’audiovisuel public s’élèvent au total à 3,856 millions d’euros, soit une hausse de 0,3 % qui ne compense toujours pas l’inflation, malgré une situation financière très problématique. La fragilité de France Télévisions est telle qu’une révision du contrat d’objectifs et de moyens s’est imposée l’an dernier.
Ainsi, le contrat d’objectifs et de moyens 2016-2020 prévoit une inflexion des effectifs légèrement plus forte que prévu. En vérité, aux 340 équivalents temps plein travaillé non remplacés en 2014-2015 s’ajoute une nouvelle réduction de 650 emplois, qui risque d’affecter la capacité de l’entreprise à remplir ses missions de service public.
Ces difficultés financières mériteraient donc, à l’inverse du désengagement programmé, une réflexion forte de l’État sur le développement de l’audiovisuel public et pas seulement sur son maintien. En effet, David Assouline vient de le souligner, ce secteur souffre d’une grande déstabilisation depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2009 qui supprime la publicité après vingt heures sur France Télévisions sans qu’aient été prévus les moyens du financement de l’audiovisuel public. Il faudrait une action forte, avec une nouvelle vision du service public. Or rien de cela n’est au programme.
Si la question de la présence d’écrans publicitaires sur un service public de télévision est légitime, cette suppression n’a fait qu’amputer les capacités de financement de France Télévisions, sans pour autant changer la politique de la demande au bénéfice d’une plus grande qualité du service public.
Telle est notre préoccupation. Hors du transfert sur la redevance, aucune réflexion stratégique d’ensemble ne semble engagée pour penser un nouveau projet culturel et industriel de France Télévisions et pour penser la pérennisation du financement du service public et la diversification de ses ressources.
Par ailleurs, tout se passe comme si la domination du privé dans le paysage audiovisuel français était un tabou auquel on ne devait pas réfléchir, sauf évidemment à vouloir encore la renforcer. Certains commencent d’ailleurs ici à parler de la nécessité de revoir le périmètre de la télévision publique... Tout cela manque donc singulièrement d’ambition.
À nos yeux, il en est de même concernant les livres. Là aussi, nous sommes loin du compte, alors qu’auteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires, c'est-à-dire l’ensemble de la chaîne du livre, souffrent sans avoir le sentiment d’être soutenus par une politique publique de promotion de la lecture. J’ai encore pu le constater voilà quelques jours, lors des rencontres avec les professionnels au Salon du livre de la jeunesse, à Montreuil.
Dans ce domaine, comme dans les autres, l’action publique semble se contenter d’un maintien des crédits après deux années de baisse, comme si c’était là un sujet de satisfaction. En vérité, avec de tels budgets, nous avons le sentiment que l’absence d’ambition est présentée comme un horizon indépassable. Or, pour la gauche, ce renoncement, car c’est bien de cela qu’il s’agit, ne peut convenir.
Nous pouvons dresser le même constat pour les crédits consacrés à la presse. J’ai déjà fait part de mon analyse en tant que rapporteur pour avis de la commission de la culture ; je n’y reviendrai donc pas.
Vous comprendrez donc que, dans ces conditions, nous ne votions pas les crédits de cette mission. En l’état, ils ne sont pas en mesure de garantir l’ambition nécessaire, l’existence de médias pluralistes et indépendants, le projet d’un audiovisuel public de qualité passant par la garantie d’un financement pérenne.
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, intervenant en dernier et pour trois minutes, je vous présenterai non pas les « Cinq dernières minutes », mais les trois dernières minutes ! (Sourires.) Je consacrerai mon propos au domaine du livre et à la lecture.
Le développement de la lecture sur tous les territoires et en faveur de tous les publics est bien une priorité du Gouvernement et des collectivités territoriales. Grâce à cette volonté politique, notre pays bénéficie d’un réseau dense et actif de bibliothèques : quelque 83 % des Français ont aujourd’hui accès à ces lieux formidables de découverte, de rêve et de connaissance. Parce qu’elles sont les garantes de la démocratisation culturelle, parce qu’elles constituent aussi des lieux de socialisation, les bibliothèques font partie de ces équipements essentiels à la vie d’un territoire.
Outil de plaisir et de savoir à tous les âges de la vie, le livre est aussi le premier objet culturel appréhendé par l’enfant. Véritable vecteur de la transmission des savoirs, élément fondamental dans le processus d’apprentissage, « la lecture est une porte ouverte sur un monde enchanté », selon Mauriac.
Certes, la pratique de la lecture a évolué. Autrefois populaire, elle est devenue aujourd’hui plus élitiste, mais aussi plus variée, prenant des formes plus modernes.
Alors même que l’école a un rôle crucial à jouer dans la réhabilitation du livre et de la lecture, des faits récents laissent à penser que, même dans le cadre scolaire, la lecture tend, hélas, à être déconsidérée. Récemment, une professeure agrégée de lettres a reçu un avertissement lui demandant d’adhérer à des objectifs plus scolaires et de proposer moins de lectures à ses élèves. (M. Jacques-Bernard Magner s’indigne.)
Trop de lectures ? Cela me fait penser a à la réplique du film Amadeus : « Trop de notes ! » (Marques d’approbation.)
Aujourd’hui, quelque 7 % de la population adulte âgée de 18 ans à 65 ans ayant été scolarisée en France sont en situation d’illettrisme. C’est un sujet fort préoccupant, mes chers collègues, et nous serons certainement amenés à en reparler avec le ministère de l’éducation nationale, mais aussi avec vous, madame la ministre.
Le Centre national du livre, établissement public du ministère de la culture, participe à cet objectif de diffusion de la lecture, en organisant, entre autres missions, de nombreux salons du livre sur le territoire national, mixant les publics et les cultures.
Si nous oublions parfois le rôle fondamental du livre et de la lecture, ayons à l’esprit la guerre culturelle qui se mène dans les zones de conflit. En effet, pour Alain, « c’est presque tout que de savoir lire ». (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de cette discussion, permettez-moi de saluer la qualité des interventions, qui démontrent tout l’intérêt que porte la Haute Assemblée aux sujets culturels. Je veux vous en remercier, au-delà des interrogations et critiques auxquelles j’apporterai les réponses les plus précises possible.
J’évoquerai tout d’abord de façon générale cette mission « Médias, livre et industries culturelles ». Avec près de 4,4 milliards d’euros de crédits, elle connaît une augmentation de 0,42 %.
On y retrouve les ambitions politiques que j’ai souhaité mettre en avant avec ce budget et que j’ai déjà pu rappeler lors de l’examen des crédits de la mission « Culture ». L’une de ces ambitions est sans doute plus prégnante que les autres au travers de ce budget : renforcer l’excellence française pour en faire un instrument au service du rayonnement culturel de notre pays.
Oui, et je l’assume comme telle, la mission que nous examinons aujourd’hui illustre parfaitement cette priorité, puisqu’elle comporte de nombreux champions nationaux. Il n’est qu’à songer, entre autres, à l’AFP ou à notre modèle cinématographique. Je pourrais citer aussi nos productions audiovisuelles. Philippe Haïm et Éric Valette, Fabrice Gobert ont ainsi été primés aux International Emmy Awards, respectivement pour Braquo et Les Revenants. Je pourrais bien sûr citer enfin notre industrie du jeu vidéo, avec des acteurs majeurs comme Ubisoft ou Ankama.
J’ai tenu à rappeler ce niveau d’excellence avant d’entrer dans le détail de cette mission, secteur par secteur. Trop souvent, en effet, on ne mesure pas suffisamment le poids de la culture française non seulement dans notre propre économie, mais, plus largement, dans l’attractivité de la France à l’étranger.
Je dirai à présent un mot de chaque secteur de cette mission budgétaire, afin de vous en présenter les grandes lignes, de vous rappeler nos priorités et l’ambition du Gouvernement, enfin de répondre à vos interrogations, mesdames, messieurs les sénateurs.
Dans le secteur audiovisuel, en cohérence avec la loi de novembre 2013, qui a de nouveau confié au CSA le pouvoir de nommer les présidents des sociétés de l’audiovisuel public, le Gouvernement a fait le choix de renforcer l’indépendance financière de ces sociétés, en réduisant progressivement la part de leur financement public reposant sur le budget général, qui aura totalement disparu en 2017.
La diminution de 102,7 millions d’euros des subventions en 2015 sera compensée par la hausse des apports de la contribution à l’audiovisuel public, qui progressera de trois euros en 2015 en métropole et d'un euro outre-mer.
Par ailleurs, comme vous le savez, une réintroduction de la publicité en soirée sur les antennes nationales du service public n’a pas été retenue pour l’année 2015, car, aucune étude d’impact solide n’ayant été effectuée au préalable, nous avons craint qu’une telle réintroduction ne déstabilise les équilibres d’un secteur audiovisuel confronté à un marché publicitaire en crise et à l’arrivée de nouveaux acteurs réinterrogeant leur modèle économique.
Parallèlement, comme l’a annoncé le Président de la République, une réflexion doit être engagée – elle le sera – sur la modernisation du financement de l’audiovisuel public au-delà de 2015. Le Parlement y sera évidemment associé. M. Assouline a parfaitement résumé les enjeux d’une telle modernisation.
Vous le voyez, monsieur Baroin, contrairement à ce que vous avez déclaré lors de votre intervention, le Gouvernement veut mettre en œuvre un financement pérenne pour le service public de l’audiovisuel, au cœur duquel figure en effet la modernisation de l’assiette de la contribution audiovisuelle publique. Nous ne souhaitons pas le faire sans concertation ni étude préalable. En matière d’audiovisuel, je crois plus à la méthode de ce gouvernement qu’aux décisions brutales qui ont pu prévaloir dans le passé, comme M. Pierre Laurent l’a rappelé.
De la même manière, il nous faut tenir un discours de vérité sur l’audiovisuel public. La stabilisation des crédits au cours des trois prochaines années requerra de la part des sociétés concernées un réel effort de maîtrise de leur budget et d’économies, compte tenu de la progression de certaines de leurs charges. Cependant, elle ne remettra pas en cause leur capacité à assurer leurs missions.
Ainsi, je puis vous rassurer, madame Garriaud-Maylam, madame Lepage, monsieur Esnol : les grands équilibres des contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions et de France Média Monde seront respectés. De même, les dotations publiques à Radio France et à Arte seront stables ou en légère progression. La dotation de l’INA retrouve quant à elle un niveau proche de celui de 2013, après une diminution exceptionnelle de 20 millions d’euros l’an passé, compte tenu du prélèvement sur le fonds de roulement.
Permettez-moi également de vous apporter une précision, madame Garriaud-Maylam, madame Lepage, sur la spécificité de France Médias Monde. Comme vous le savez, le contrat d’objectifs et de moyens pour 2013-2015 signé entre l’État et France Médias Monde en 2014 prévoit un élargissement de la diffusion des médias de France Médias Monde sur le territoire national. France 24 est d’ailleurs désormais disponible sur la TNT, la télévision numérique terrestre, en Île-de-France.
Je rappelle toutefois que la mission première de France Médias Monde est de s’adresser au public international. Nous devons donc collectivement veiller à la cohérence des offres du service public.
En ce qui concerne l’avenir de France Télévisions, je veux à cette tribune être très claire et répondre aux inquiétudes du sénateur Leleux aussi bien qu’aux attentes positives du sénateur Assouline. Comme l’a précisé le Président de la République, l’État actionnaire fera part de sa vision stratégique sur l’avenir de France Télévision dans la perspective de la désignation d’un président par le CSA dans le courant de l’année 2015.
Dans le plein respect des pouvoirs que ce gouvernement a redonnés au CSA, il s’agit ici de tracer les objectifs fondamentaux de France Télévision et de l’audiovisuel public, en tenant compte d’un contexte profondément transformé par le numérique, où la concurrence s’est fortement accrue avec la multiplication des chaînes et des écrans, et où les usages et les attentes du public se sont profondément transformés.
Il faut partir de ces attentes, de ce nouvel environnement, afin de définir le rôle et la place du service public aujourd’hui, pour la télévision linéaire et numérique. C’est ce que font régulièrement les autres grands opérateurs du service public à l’étranger, notamment la BBC.
Ce travail d’analyse sera conduit par les services de l’État. Le Parlement sera naturellement consulté.
Dans le secteur du cinéma, la majorité a décidé dès son arrivée aux responsabilités de mettre fin à l’écrêtement des taxes affectées au Fonds de soutien aux industries techniques cinématographiques et audiovisuelles, compte tenu du lien très spécifique et automatique entre la recette et la dépense qu’elle finance. Les taxes affectées au Fonds de soutien sont la base de calcul des soutiens versés par le CNC au secteur du cinéma et de l’audiovisuel. C’est, en quelque sorte, une « épargne forcée », dont la pertinence et l’efficacité ont été maintes fois reconnues. Telle est ma position, mais également celle du Gouvernement.
Je déplore que la majorité sénatoriale ait réintroduit ce dispositif, montrant ainsi les limites de son attachement à la culture et à l’exception culturelle. Je souhaite que le reste de la discussion parlementaire permette de revenir sur cette situation extrêmement préjudiciable au cinéma français.
Pour sa part, le Gouvernement n’affectera pas les capacités d’action du CNC par un prélèvement sur les réserves de l’établissement. Bien au contraire, afin de prendre en compte le recul prévisionnel de 10 % des recettes attendues du CNC par rapport au budget primitif de 2014, l’établissement sera autorisé à puiser dans sa réserve de solidarité pluriannuelle afin d’amortir l’impact conjoncturel de cette baisse sur les investissements du secteur et d’éviter un effet récessif, lequel serait préjudiciable à la diversité de la création, à l’activité et, in fine, à l’emploi.
J’évoquerai à présent les industries culturelles elles-mêmes. Afin de répondre aux questions soulevées notamment par Mme Mélot dans son rapport, je tiens tout d’abord à dire mon attachement à la filière musicale, pour qui l’arrivée du numérique a profondément bouleversé et reconfiguré la chaîne de valeur, emportant avec lui tous les modèles existants de création, de production et de diffusion, alors même que l’écoute musicale, en ligne ou en concert, est toujours au cœur des pratiques culturelles des jeunes et des moins jeunes.
Pour soutenir l’ensemble de cette filière, constituée de très petites entreprises, qui illustrent la reprise du développement créatif, et d’entreprises plus importantes, qui créent des effets d’entraînement, j’ai proposé de réformer le crédit d’impôt phonographique, qui soutient l’enregistrement d’albums par de jeunes artistes, afin de le rendre tout simplement plus incitatif. Cette réforme permettra de donner de la visibilité aux acteurs pour les trois prochaines années et de leur permettre de s’adapter à la réalité du tissu entrepreneurial – il s’agit d’entreprises plus jeunes, parfois de petite taille.
Par ailleurs, le budget pour 2015 permettra la poursuite du soutien au réseau des labels indépendants. En cette fin d’année 2014, j’ai en effet décidé la mise en place d’aides exceptionnelles aux plateformes de musique en ligne innovantes. Près de dix plateformes seront aidées dans ce cadre.
Enfin, le projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine intégrera des mesures en faveur de la filière musicale, afin notamment d’améliorer la transparence des relations entre artistes-interprètes, producteurs et plateformes. Il s’agit de moderniser nos outils de régulation à l’ère numérique, comme le Gouvernement l’a fait dans le domaine de l’audiovisuel ou du livre.
Un autre des défis qu’il nous appartiendra collectivement de relever dans les mois à venir est celui de la mutation structurelle du secteur de la presse. Cela me donne l’occasion de répondre aux interrogations de M. Baroin et de Mmes Bouchoux et Laborde.
Conformément à l’engagement du Président de la République, l’année 2014 a été consacrée à la réforme des dispositifs des aides à la presse élaborée en 2013. Le Fonds stratégique pour le développement de la presse a été modernisé dans un décret de juillet dernier, afin de faciliter la transition numérique.
Nous ne faisons plus de distinction aujourd’hui entre la presse papier et la presse en ligne, car, comme le Gouvernement a eu l’occasion de l’affirmer lors de l’abaissement du taux de TVA aux services de presse en ligne, il n’existe pas de différence fondamentale entre les supports d’accès à l’information. Le principe de neutralité technologique doit donc s’appliquer.
De même, le Fonds stratégique pour le développement de la presse privilégie désormais les projets mutualisés. C’est indispensable à l’heure de la contraction des volumes que nous constatons. De même, il s’est adjoint des compétences d’experts en matière numérique, afin d’être plus pertinent et plus réactif dans le choix des projets financés.
Parallèlement, les critères de l’aide au portage ont été refondus, conformément aux engagements. Si l’année 2014 est bien une année de transition, le dispositif créé met fin à la distinction, si souvent décriée, entre aide au flux et aide au stock. Afin de mutualiser les outils de production, l’aide est désormais versée aux réseaux de portage eux-mêmes, et elle est bonifiée en cas de portage multititres.
De la même manière, l’aide versée aux éditeurs prend désormais davantage en compte l’évolution des volumes portés, tout en étant plus prévisible. Elle est dorénavant, je pense, une aide plus intelligente et plus efficace pour faire évoluer les comportements économiques. Il n’en demeure pas moins, comme le souligne justement le sénateur Pierre Laurent dans son rapport budgétaire, et comme l’a également déclaré David Assouline, que des enjeux d’ampleur attendent la presse dans les mois qui viennent, notamment en termes de diffusion.
Monsieur Laurent, j’ai pris connaissance avec attention des réformes que vous appelez de vos vœux, que ce soit en matière d’aides à la presse ou de portage.
Soyons très clairs : la chute des volumes constatée depuis deux ans, de près de 10 % par an pour la vente au numéro s’agissant de la presse quotidienne nationale et de 3 % à 5 % pour les autres acteurs ne sera pas soutenable pour la filière si l’ensemble de celle-ci n’engage pas des réformes à la hauteur des enjeux. En effet, ce sont bien les éditeurs eux-mêmes, et les autres acteurs de la filière, qui ont en main les conditions de leur mutation.
Cette mutation passe, comme certains d’entre vous l’ont rappelé, par l’ouverture résolue des réseaux de portage et par une mutualisation des moyens à la disposition des messageries. À cet égard, j’insiste pour que les travaux engagés entre Presstalis et les Messageries lyonnaises de presse, les MLP, sur leur système d’information commun connaissent une accélération et produisent prochainement des résultats.
Cette mutation passe aussi par la recherche d’une plus grande efficacité économique du postage. J’espère que les travaux en cours entre La Poste et la presse magazine porteront rapidement leurs fruits.
Dans ce contexte, les moyens en faveur des différents réseaux de diffusion de la presse sont préservés en 2015, dans mon budget ou dans celui de mon collègue en charge de l’économie. Les moyens en faveur du pluralisme, un sujet qui vous est également cher, monsieur Laurent, monsieur Assouline, sont également préservés.
Dans un contexte de forte mutation, l’État a souhaité enfin concentrer ses moyens en faveur de la qualité de l’information. Tel est le sens de la priorité appuyée du Gouvernement à l’Agence France Presse, qui verra ses moyens augmenter de 5 millions d’euros en 2015.
Ce soutien budgétaire est un élément d’un soutien plus large à ce champion national qu’est l’AFP, l’une des trois seules agences de presse d’échelle mondiale. Non seulement l’Agence participe pleinement du rayonnement de notre pays à l’étranger, mais elle permet à l’ensemble de nos journaux, y compris sur les théâtres d’opérations difficiles, où les éditeurs peinent désormais à envoyer leurs propres journalistes, de disposer d’une information de qualité.
L’année 2014 a ainsi permis de sécuriser le financement public de l’Agence au niveau communautaire et d’élaborer, grâce aux travaux du député Michel Françaix, les voies et moyens d’assurer la nouvelle vague d’investissements nécessaires à la complète mutation numérique de l’agence. Le contrat d’objectifs et de moyens de l’AFP, qui devra être signé avant la fin de l’année, traduira l’ambition que nous avons collectivement pour le devenir de l’Agence.
Mesdames, messieurs les sénateurs, mes propos ne seraient pas complets si je n’évoquais pas avec vous les crédits en faveur des industries culturelles. Certains d’entre vous en ont parlé, notamment Mme Mélot dans son rapport budgétaire, ainsi que M. Baroin et M. Savin au cours de leurs interventions, les crédits de la HADOPI sont maintenus cette année au même niveau que ceux de l’année dernière : ils s’élèveront à 6 millions d’euros.
Je tiens à dissiper vos inquiétudes. Le montant retenu cette année tient compte de la situation financière globale de cette autorité administrative, qui pourra encore en 2015, même s’il s’agit probablement de la dernière année où cette solution pourra être retenue, prélever sur son fonds de roulement pour assurer le financement de ses missions.
M. François Baroin, rapporteur spécial. Étrange gestion…
Mme Fleur Pellerin, ministre. Je me suis aussi engagée auprès de la HADOPI à lui verser sa subvention dès le début de l’année 2015, afin de lui permettre, si elle le souhaite, d’alléger ses normes prudentielles.
En matière de livre et de lecture, enfin, je suis heureuse que ce programme puisse illustrer, après deux années d’efforts très importants, une reprise des capacités d’investissement du ministère de la culture.
L’avancement du grand chantier de remise aux normes du site de Richelieu de la BNF pèse désormais moins sur notre budget et nous laisse des marges de manœuvre. Des redéploiements seront possibles. Nous augmenterons ainsi la dotation dédiée aux travaux de maintenance, de renouvellement et de mise en sécurité des installations du site de Tolbiac. Une enveloppe exceptionnelle de 18 millions d’euros sera dégagée en trois ans.
Ce budget triennal permettra aussi, j’en suis très heureuse, le lancement du projet de rénovation de la Bibliothèque publique d’information, la BPI, afin d’améliorer les conditions d’accueil du public en lien avec le Centre Pompidou et de rendre à la BPI son rôle central d’animateur du réseau des établissements de lecture publique.
L’année 2013 et le début de l’année 2014 ont vu se concrétiser la priorité présidentielle en faveur des librairies indépendantes. À cet égard, je rappelle à Mme Mélot que quelque 18 millions d’euros ont été mobilisés en faveur du réseau Chapitre, ce qui a permis d’en sauver les deux tiers, ainsi que deux tiers des emplois correspondants. Un effort considérable a donc été fait en 2013.
L’année 2014, quant à elle, a été consacrée aux bibliothèques. Ce budget en est la traduction très concrète pour les deux établissements publics de l’État. On ne peut donc pas parler, comme Mme Mélot, d’une asphyxie des opérateurs.
Pour autant, le réseau de lecture publique ne sera pas négligé, puisque l’enveloppe de la DGD, la dotation globale de décentralisation, afférente aux bibliothèques sera maintenue.
Les médiathèques demeurent le premier réseau d’équipement culturel de notre pays. C’est aussi celui auquel accède le plus grand nombre, quelle que soit sa condition sociale ou sa localisation géographique. Ce réseau prouve toute sa modernité en effectuant dans de nombreux endroits sa mutation en centre de ressources d’accès à la culture et aux savoirs, que ces ressources se présentent sous forme physique ou sous forme numérique. Ce réseau est effectivement un levier puissant de lutte contre l’exclusion ou l’illettrisme, comme vous l’avez indiqué, madame Blandin.
La journée du 8 décembre prochain sera consacrée à un échange, que j’espère le plus nourri possible, avec les élus locaux et nationaux, sur la place des bibliothèques dans le pacte républicain au XXe siècle. Ce sera un moment fort pour notre politique culturelle de demain. J’espère, madame Laborde, que vous pourrez y participer et ainsi enrichir les débats.
Vous le voyez, ce budget préserve la force de frappe de nos industries culturelles. Notre audiovisuel, notre presse, nos livres sont des atouts considérables face à des défis qui ne le sont pas moins. Comme je le soulignais tout à l’heure, l’un d’entre eux est l’adaptation de notre cadre réglementaire à la transition numérique, et je souhaite ouvrir une brève parenthèse sur ce sujet pour répondre à Mme Mélot.
Madame la sénatrice, depuis maintenant deux ans et demi, je suis extrêmement attentive à la question de l’équité des règles en matière de concurrence et de fiscalité entre les entreprises qui ont une activité sur notre territoire, quel que soit le pays d’implantation de leur siège.
Le Gouvernement a pris plusieurs initiatives en ce sens, notamment dans le domaine fiscal : l’extension de la taxe VàD du CNC, le travail sur la fiscalité générale dans le cadre du plan d’action « BEPS » de l’OCDE et l’initiative que nous venons de lancer avec les Allemands et les Italiens afin qu’une directive soit élaborée en 2015 pour lutter contre l’optimisation fiscale. De même, à partir du 1er janvier 2015, la TVA du lieu de consommation d’un service électronique sera la règle.
Toutes ces mesures vont dans le même sens, de sorte que je ne vois pas très bien comment on peut affirmer que le Gouvernement, en particulier le ministère de la culture, n’a rien fait pour résoudre ces problèmes d’équité fiscale et de régulation ! Au contraire, il s’est mobilisé et il continuera à le faire. J’ajoute que ce sont des mesures très difficiles à mettre en œuvre, car elles touchent à des points très techniques de droit fiscal.
Pour conclure, ce budget prépare les secteurs de la culture aux mutations majeures qu’ils doivent entreprendre. Je veux le dire ici, à cette tribune : je trouve quelque peu ridicule de vouloir opposer la défense de nos industries culturelles à la promotion de ce qui fait le socle historique de notre culture, comme certains continuent ou s’obstinent à vouloir le faire.
Être ministre des artistes, de tous les artistes et de la création c’est aussi leur donner les moyens de grandir, de réussir et de conquérir.
La culture n’est pas une marchandise, et c’est tout le sens du combat que nous avons mené collectivement, l’année dernière, en faveur de l’exception culturelle. Pour autant, la culture s’insère aussi dans une économie.
L’audiovisuel et le cinéma sont des industries, mais ils sont aussi porteurs d’une vision du monde, d’une sensibilité, d’une subjectivité : celles des auteurs et des artistes qui ont pu trouver dans notre pays les conditions pour exercer leurs talents et toucher le public du monde entier. Et je suis fière que la Chine soit aujourd'hui le deuxième marché pour la vente de droits internationaux du secteur du livre. Ce succès est bien sûr une bonne nouvelle pour nos maisons d’édition, qui trouvent de nouveaux débouchés, mais il illustre aussi le rayonnement de la pensée, de la littérature et, pour tout dire, de la culture de notre pays dans un autre grand pays.
Je suis heureuse de mettre mon action également au service de la réussite économique de notre culture, ici, en France, et partout à l’étranger, puisqu’elle permet, tout simplement, de faire rayonner nos créateurs et notre culture ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
médias, livre et industries culturelles
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », figurant à l’état B.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Médias, livre et industries culturelles |
717 202 599 |
714 229 483 |
Presse |
256 258 114 |
256 258 114 |
Livre et industries culturelles |
271 527 775 |
268 554 659 |
Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique |
189 416 710 |
189 416 710 |
M. le président. L'amendement n° II-346, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Presse |
|
130 117 832 |
|
130 117 832 |
Livre et industries culturelles |
||||
Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique |
||||
Total |
130 117 832 |
130 117 832 |
||
Solde |
- 130 117 832 |
- 130 117 832 |
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. C’est un amendement de mauvaise humeur, mes chers collègues, mais, voyez-vous, après deux ans de frustration, examiner un amendement déposé en deuxième partie d’un projet de loi de finances est assez plaisant ! (Sourires.)
J’avais déposé un amendement similaire en 2008, en 2009 et en 2010, recevant toujours le même genre de promesses. Or, bien que ces subventions de 130 millions d’euros, de 140 millions d’euros, voire de 150 millions d’euros soient renouvelées quasiment chaque année selon des critères d’attribution discutables, même s’ils ont été quelque peu affinés dernièrement, on n’a jamais vu le secteur de la presse dans un si mauvais état : des rédactions fragilisées ou en crise, une déontologie contestable, des titres qui disparaissent.
La dernière fois que j’avais déposé cet amendement, notre collègue Philippe Marini, alors président de la commission des finances – autres temps, autres mœurs… – s’était engagé à nous fournir un détail de ces aides et, surtout, de la justification des dépenses. On n’a pas cessé, au cours de l’examen de ce budget, de raboter les fonds du Centre national du cinéma, des chambres de commerce ou des chambres d’agriculture. Or, s'agissant de ces aides, on ne dispose d’aucune justification !
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cet amendement d’appel et de mauvaise humeur vise à alerter sur le nécessaire ajustement des aides aux besoins – au lieu de les renouveler systématiquement comme aujourd’hui –, parce que, quand on examine la liste des titres qui sont aidés, on est frappé par des différences extrêmement importantes, notamment entre les titres imprimés et les titres en ligne, sans qu’aucun critère d’attribution soit précisé.
Je souhaiterais donc que le Gouvernement apporte des clarifications et s’engage sur la façon dont est répartie cette aide et, surtout, sur les justifications des dépenses, car c’est bien le minimum que l’on puisse attendre en matière de contrôle budgétaire, pour des crédits aussi importants.
Si l’objectif est de soutenir une activité déficitaire, disons-le franchement. S’il s’agit d’aide à la numérisation, combien d’années faudra-t-il la financer ? Et s’il s’agit d’aide à la modernisation, laquelle, et à quel prix ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Baroin, rapporteur spécial. La commission n’a pas examiné cet amendement, et je m’exprimerai donc à titre personnel.
Je dois reconnaître que je suis quelque peu tombé de l’armoire en prenant connaissance de votre amendement, ma chère collègue, mais, puisqu’il vous a été dicté par la colère et la mauvaise humeur, mon incompréhension se dissipe quelque peu…
Vous avez dressé un diagnostic qui, sur certains points, peut se défendre, notamment sur l’état actuel de la presse. L’ennui, c’est que vous proposez un traitement consistant à éradiquer la maladie par la disparition du corps malade, méthode, vous en conviendrez, pour le moins contestable.
Si vous attendez une réponse, madame Goulet, il faut vous tourner non pas vers la commission, mais du côté du Gouvernement. Tout en émettant à titre personnel un avis défavorable sur cet amendement, je laisse donc le soin à Mme la ministre d’exposer sa position.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Fleur Pellerin, ministre. Les aides à la presse trouvent une justification dans la Constitution : en accompagnant les éditeurs de presse et leur distribution, tant physique qu’en ligne, l’État garantit leur contribution au débat civique dans notre pays. Le Conseil constitutionnel comme le Conseil d’État ont souligné que les aides à la presse dite « d’information politique et générale », ou IPG, concourent au pluralisme de l’information et s’inscrivent donc dans l’objectif constitutionnel de pluralisme des médias.
Madame la sénatrice, à l’occasion de la présentation de votre amendement et auparavant, vous avez appelé l’attention des pouvoirs publics sur l’indépendance des médias, en particulier celle des rédactions. Il va de soi que ce soutien se fait dans le respect de la liberté et de l’indépendance de la presse.
L’indépendance des titres doit s’entendre, bien évidemment, au plan éditorial, mais aussi au plan économique. C’est la raison pour laquelle les aides sont attribuées sur la base de critères objectifs. Les décisions au cas par cas, notamment la reconnaissance comme titre de presse ou les aides aux projets d’investissement, sont prises après l’avis de commissions où l’État et la presse sont paritairement représentés.
Vous êtes également attentive, madame la sénatrice, à ce que les aides ne deviennent pas des rentes, notamment pour les plus grands groupes de presse.
De surcroît, il est important que les aides ne concourent pas indirectement à renforcer le poids de quelques titres qui sont déjà importants. Aussi, le Gouvernement a veillé à ce que certaines aides prévoient un traitement spécifique pour les plus petits titres. Ainsi, à partir de 2014, la politique d’aide à la presse hebdomadaire régionale est progressivement réformée, afin qu’un même groupe de presse régionale ne capte pas une part trop importante des fonds.
De même, les petits projets d’investissement sont traités de façon accélérée au sein du Fonds stratégique pour le développement de la presse. En outre, le soutien bancaire de l’IFCIC, l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles, à la création et à la transmission de titres imprimés ou en ligne, est réservé aux PME.
Vous le savez, j’attache une importance particulière à cette question de l’écosystème des médias. Nous allons donc continuer de réfléchir à la façon la plus pertinente possible de favoriser la création, le développement et la diversité des titres de presse.
Reste, et vous l’avez rappelé, madame la sénatrice, que la situation de la presse, dans son ensemble, est difficile. Le chiffre d’affaires du secteur a reculé pour la sixième fois consécutive de plus de 5 % l’an dernier. De façon inédite, les quatre postes de recettes de la presse – ventes au numéro, abonnements, publicité et annonces – ont tous reculé en 2013.
Ces difficultés touchent toutes les familles de presse et tous les titres, grands ou petits. L’État ne peut donc rester indifférent à une telle situation, même si, bien évidemment, la responsabilité économique est, d’abord, celle des éditeurs et du secteur lui-même. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de le leur dire, s’agissant tant des restructurations des imprimeries que des difficultés des messageries de presse.
Nous veillons, bien évidemment, à ce que les deniers publics n’interviennent pas là où les fonds privés suffisent à faire face. En matière de transparence, je voulais vous indiquer, madame Goulet, que, depuis 2013, tout est publié sur le site du ministère de la culture, où vous trouverez donc tous les détails sur les aides directes à la presse et les critères d’attributions.
Comme vous vous en doutez, madame la sénatrice, l’avis du Gouvernement sur cet amendement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. J’ai effleuré le sujet tout à l’heure par anticipation au cours de mon intervention : cet amendement, qui vise purement et simplement à supprimer tous les crédits budgétés du programme « Presse », sans fournir la moindre explication dans son objet, est tout de même un peu court.
J’ai bien compris que Mme Goulet l’avait déposé par mauvaise humeur, mais il ne faut pas galvauder nos travaux. On touche ici à un sujet sensible, qui demande plus d’arguments et de fond, car le secteur de la presse connaît une telle révolution que bien des gens sont à cran, à tous les échelons de la production.
S’il s’agit de dire que tout n’est pas parfait dans le système actuel, je suis d’accord, car moi non plus je ne me satisfais pas que la presse people ou Le Journal de Mickey soient considérés comme des titres concourant au pluralisme de l’information, que l’État doit garantir et aider ! (Sourires.)
Cela étant, des avancées ont été accomplies récemment, et il faut en féliciter le Gouvernement. Tout d’abord, des progrès ont été réalisés en matière de transparence : si vous allez sur le site du ministère de la culture, madame Goulet, vous trouverez non seulement le détail des aides, mais aussi les critères d’attribution, même si ceux peuvent être contestés par ailleurs.
Des réformes ont aussi été menées à bien. Je pense notamment à la signature de la convention-cadre entre l’État et les entreprises de presse bénéficiant d’un fort montant d’aides qui conditionne le versement des aides au respect de certains engagements, à la simplification des obligations déclaratives pour les groupes et éditeurs de presse signataires des conventions-cadres sollicitant une aide au titre de plusieurs dispositions, à la réforme du fonds stratégique pour le développement de la presse, dont les financements sont désormais ouverts aux publications de presse et aux services de presse en ligne d’information politique et générale.
Je mentionnerai également la modification de la composition de la commission paritaire des publications et agences de presse, désormais dotée d’un président suppléant, ou encore la prorogation jusqu’au 31 décembre 2016 du fonds d’aide à la presse hebdomadaire régionale ou locale – avec un plafonnement progressif de l’aide pour un seul groupe à 25 % du fonds pour éviter que les effets de concentration ne confèrent un avantage écrasant. S’il reste des progrès à faire, nous allons de l’avant, me semble-t-il.
Pour conclure, je dirai un mot d’une avancée très positive qui est confirmée dans ce projet de loi de finances : depuis le 1er février 2014, la presse en ligne bénéficie enfin du taux super-réduit de TVA de 2,1 %, qui était réservé jusqu’alors à la seule presse papier.
Il ne faut pas oublier que, dans cette révolution de la technologie et des usages que connaît la presse, la presse en ligne doit être soutenue comme un des facteurs clefs du pluralisme. Or, malgré la mesure d’égalité fiscale que je viens d’évoquer, elle reste encore la parente pauvre de l’aide publique, qui n’est pas à la hauteur des enjeux. Si on observe, par exemple, le cas des États-Unis, de très nombreux titres sont maintenant exclusivement en ligne, et les aides devront bien prendre en compte cette évolution.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Comme je le soulignais lors de la discussion générale, la presse papier a souffert d’une baisse sensible de sa diffusion au bénéfice, bien sûr, du numérique. Il faut donc trouver un équilibre.
Par ailleurs, comme je l’ai indiqué tout à l’heure – je crois que Mme la ministre a apporté un début de réponse sur le sujet –, il est important que nous menions une réflexion sur le devenir de la presse et sur son modèle économique à moyen et long terme, dans la perspective d’une modification des critères d’attribution des aides.
Les membres de mon groupe ne voteront donc pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Nous ne voterons évidemment pas cet amendement, dont je doute que les auteurs mesurent les conséquences que son adoption entraînerait : celle-ci signerait tout bonnement l’arrêt de mort de la plupart des journaux de notre pays ! Or nous ne parlons pas seulement d’une marchandise ; nous parlons de la démocratie, du pluralisme, du débat d’opinion. À la vérité, je pense que cet amendement n’est pas très sérieux.
Par ailleurs, je conteste l’idée, assez courante et encore exprimée ce soir, selon laquelle on serait laxiste dès lors que l’on est aidé. Dans les faits, la plupart des rédactions travaillent dans des conditions difficiles pour produire leur journal. (Mme Françoise Laborde acquiesce.)
Du reste, certains secteurs de la presse eux-mêmes ont théorisé des modèles économiques prétendument sans aides ; je pense en particulier à la presse gratuite, qui a écrémé le marché publicitaire avant de s’éteindre aujourd’hui. Or je ne suis pas sûr que ces titres aient beaucoup contribué, dans la dernière décennie, au pluralisme et à la qualité de l’information.
Certains arguments avancés à l’appui de cet amendement sont donc très discutables. Il est vrai, toutefois, que la remise à plat des aides reste nécessaire. Un examen s’impose, destiné à garantir que les aides remplissent totalement leurs objectifs.
Ainsi, comme Mme la ministre vient de le signaler, il convient de veiller à ce que les groupes les plus puissants ne captent pas la grande majorité des aides, sinon leur totalité, alors que la qualité de l’information, que ce soutien vise à favoriser, passe par la confrontation d’opinions différentes, donc par le pluralisme de la presse.
J’espère enfin que les auteurs de cet amendement seront aussi attachés à un contrôle vigilant des aides et de leur utilité dans d’autres domaines. En ce moment, de nombreux patrons manifestent pour obtenir des aides. J’espère, madame Goulet, que vous ferez preuve de la même exigence à leur égard quand il s’agira de leur octroyer des crédits d’impôt ou des exonérations de cotisations sociales ! (Mme Nathalie Goulet acquiesce.)
M. le président. Madame Goulet, l'amendement n° II-346 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. La présente discussion a ceci d’intéressant qu’elle nous permet de constater les progrès accomplis sur ce poste au cours des deux derniers exercices budgétaires, dont nous avons été privés de la possibilité de débattre, grâce, notamment, à certains collègues de l’actuelle opposition sénatoriale.
J’insiste sur l’utilité d’une remise à plat des aides à la presse, ou au moins d’un débat et, en toute hypothèse, de justifications. Le fait est qu’un certain nombre de titres perçoivent des subventions dont l’utilité est véritablement sujette à caution.
J’approuve le soutien au pluralisme des rédactions. J’ai d’ailleurs déposé une proposition de loi relative à la reconnaissance juridique du conseil de rédaction, qui vise à protéger les rédactions en les dotant d’un statut juridique. Ce n’est donc certes pas moi qui pourfendrai la liberté de la presse ! Reste que je suis très contente d’avoir eu ces explications ce soir.
Quoi qu'il en soit, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-346 est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (M. David Assouline s’exclame.)
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 64 :
Nombre de votants | 335 |
Nombre de suffrages exprimés | 334 |
Pour l’adoption | 133 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
J’appelle en discussion les articles 56 quinquies et 56 sexies, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
Médias, livre et industries culturelles
Article 56 quinquies (nouveau)
Le III de l’article 27 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 est ainsi rédigé :
« III. – Les 1° et 2° du I entrent en vigueur à une date fixée par décret, qui ne peut être postérieure de plus de six mois à la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer le dispositif législatif lui ayant été notifié comme conforme au droit de l’Union européenne en matière d’aides d’État. » – (Adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 56 quinquies.
(L'article 56 quinquies est adopté.)
Article 56 sexies (nouveau)
Le III de l’article 28 de la même loi est ainsi rédigé :
« III. – Le I entre en vigueur à une date fixée par décret, qui ne peut être postérieure de plus de six mois à la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer le dispositif législatif lui ayant été notifié comme conforme au droit de l’Union européenne en matière d’aides d’État. » – (Adopté.)
compte de concours financiers : avances à l’audiovisuel public
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », figurant à l’état D.
État D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Avances à l’audiovisuel public |
3 666 787 593 |
3 666 787 593 |
France Télévisions |
2 369 360 683 |
2 369 360 683 |
ARTE France |
267 249 469 |
267 249 469 |
Radio France |
614 392 236 |
614 392 236 |
France Médias Monde |
247 082 000 |
247 082 000 |
Institut national de l’audiovisuel |
90 869 000 |
90 869 000 |
TV5 Monde |
77 834 205 |
77 834 205 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 5 décembre 2014, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale (n° 107, 2014-2015).
Examen des missions :
- Sport, jeunesse et vie associative (+ article 61)
M. Claude Raynal, rapporteur spécial (rapport n° 108, tome III, annexe 31) ;
MM. Jean-Jacques Lozach et Jacques-Bernard Magner, rapporteurs pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (avis n° 112, tome VI).
- Administration générale et territoriale de l’État (+ articles 45 et 46)
M. Hervé Marseille, rapporteur spécial (rapport n° 108, tome III, annexe 2) ;
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis de la commission des lois (avis n° 114, tome I).
- Pouvoirs publics
Mme Michèle André, rapporteur spécial (rapport n° 108, tome III, annexe 23) ;
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois (avis n° 114, tome XIII).
- Direction de l’action du Gouvernement
Budget annexe : publications officielles et information administrative
M. Michel Canevet, rapporteur spécial (rapport n° 108, tome III, annexe 9) ;
MM. Jean-Marie Bockel et Jean-Pierre Masseret, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 110, tome IX) ;
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 111, tome II) ;
M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la commission des lois (avis n° 114, tome XI) ;
M. Jean-Yves LECONTE, rapporteur pour avis de la commission des lois (avis n° 114, tome XII).
- Écologie, développement et mobilité durables (+ articles 50 ter à 50 quinquies)
Budget annexe : contrôle et exploitation aériens (+ article 64)
Compte spécial : aides à l’acquisition de véhicules propres
Compte spécial : services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
MM. Jean-François Husson, Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteurs spéciaux (rapport n° 108, tome III, annexes 10 a, 10 b et 10 c) ;
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 109, tome II) ;
M. Michel Le Scouarnec, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 109, tome III) ;
M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire (avis n° 113, tome I) ;
M. Pierre Médevielle, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire (avis n° 113, tome II) ;
M. François Aubey, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire (avis n° 113, tome III) ;
M. Louis Nègre, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire (avis n° 113, tome IV) ;
M. Charles Revet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire (avis n° 113, tome V) ;
M. Jean-Yves Roux, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire (avis n° 113, tome VI).
- Économie (+ article 51)
Compte spécial : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
MM. Jacques Chiron et Bernard Lalande, rapporteurs spéciaux (rapport n° 108, tome III, annexe 11) ;
M. Philippe Leroy, Mme Élisabeth Lamure, M. Martial Bourquin, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 109, tome IV) ;
M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois (avis n° 114, tome VI).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 5 décembre 2014, à zéro heure vingt-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART