compte rendu intégral
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
vice-président
Secrétaires :
M. Philippe Adnot,
M. François Fortassin.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Loi de finances pour 2015
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 107, rapport n° 108).
SECONDE PARTIE (SUITE)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
M. le président. Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Enseignement scolaire
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Enseignement scolaire » (et article 55).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en dix minutes, je n’aurai pas la prétention d’être exhaustif, et je crains même d’être brutal pour aborder cette mission passionnante, qui se situe au cœur même de notre vie sociale et des préoccupations de la République comme de celles de nos compatriotes. Toutefois, les règles de la procédure budgétaire imposent cet exercice.
Mon approche sera donc celle d’un analyste, d’un auditeur financier, et je ne m’appuierai que sur des études chiffrées pour essayer d’en dégager un certain nombre d’orientations et d’observations, au nom de la commission des finances.
Il faut tout d’abord reconnaître, madame la ministre, que votre ministère fait un très bon travail en matière de statistiques : L’état de l’école en particulier, publié annuellement, constitue un excellent outil de référence. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.) C’est d’ailleurs une création de M. Jospin, mes chers collègues, je le dis bien volontiers !
Je m’appuierai donc essentiellement sur les chiffres de l’OCDE et sur des comparaisons nationales en matière de dépenses d’éducation.
En ce qui concerne l’OCDE, la parution de l’étude PISA, le programme international pour le suivi des acquis des élèves, est devenue aujourd’hui un rendez-vous incontournable. Lorsque j’exerçais cette même fonction de rapporteur spécial voilà quelques années, madame la ministre, on parlait de PISA avec suspicion, quand on ne dénigrait tout simplement pas cette étude. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, et c’est un progrès. En effet, cet indicateur extérieur, qui s’impose à nous et que l’on peut contester, comme le classement de Shanghai, a le mérite d’exister et de nous rappeler un certain nombre d’évidences.
Dans les grandes lignes, il nous apprend que nos performances ne sont quand même pas extraordinaires et que notre situation d’ensemble est décevante, tant sur la maîtrise des connaissances que sur le fossé qui se creuse entre les bons et les mauvais élèves.
Face à ce constat, sur lequel je ne m’appesantirai pas – d’autres orateurs y reviendront –, je voudrais remarquer que nous dépensons autant que les autres, et parfois plus.
Mme Françoise Cartron. Tout dépend dans quels secteurs !
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La seule réponse quantitative qui consiste à dire que nous pourrions rattraper nos faiblesses en dépensant plus est donc manifestement une approche erronée. J’en veux pour seul exemple la comparaison avec notre voisin immédiat, l’Allemagne, qui dépense 5,1 % de son PIB pour l’éducation, alors que nous dépensons, tous acteurs confondus – l’État, les collectivités locales, les familles et parfois même les employeurs –, 6,1 % de notre PIB pour l’éducation, entendue au sens large, au-delà du seul enseignement scolaire.
M. François Marc. Ils ne font pas d’enfants, en Allemagne !
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Nous devons donc nous poser la question de la performance. Si je me réfère à des chiffres tirés de votre propre document, madame la ministre, nous dépensions, tous acteurs confondus et en euros constants, 4 500 euros par élève en 1980 contre 8 300 euros en 2014, soit presque un doublement dans l’intervalle. Peut-on dire pour autant que les résultats aient suivi cet effort de l’ensemble de la collectivité, qu’il s’agisse de l’État, des familles ou des collectivités locales ?
Avant d’engager une réflexion peut-être plus qualitative, je reconnais, au nom de la commission des finances, que notre pays est soumis à des contraintes spécifiques qui méritent d’être retenues, sauf à passer à côté de la vérité du coût de l’enseignement.
Ces contraintes spécifiques tiennent naturellement à la dispersion géographique. Nous disposons en effet de l’un des territoires les plus vastes et les moins densément peuplés de l’Union européenne, ce qui se traduit par une dispersion de l’offre scolaire. J’ajoute que nous, les élus en général et les sénateurs en particulier, sommes les alliés objectifs de la dispersion scolaire tant nous sommes attachés au maintien d’écoles, de classes, de collèges, et parfois de lycées et de sections de lycées, alors que la raison nous conduirait à accepter des regroupements.
Ayant toutefois, madame la ministre, le privilège de la longévité dans cette enceinte, je constate que les attitudes ont beaucoup changé et que les élus locaux acceptent aujourd’hui les regroupements pédagogiques intégrés sur site. Ainsi, en milieu rural, il est de plus en plus fréquent de rencontrer une école cantonale en lieu et place des anciennes écoles communales.
M. Jean-Louis Carrère. Il a fallu du temps !
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Cette dispersion géographique n’en demeure pas moins une contrainte qui pèse sur le budget.
Nous avons aussi la chance d’avoir une démographie positive (M. André Gattolin marque son approbation.), ce qui explique en partie la différence avec des pays plus vieux comme l’Allemagne qui dépensent évidemment moins en matière d’enseignement au regard de leur PIB, parce qu’ils ont moins de jeunes.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Mais nos voisins allemands dépensent aussi plus par élève, ce qui prouve que la comparaison n’est pas toujours à notre avantage.
L’inégale évolution de la démographie française en fonction des territoires constitue également une difficulté particulière, que la commission des finances reconnaît. Certaines régions n’ont plus d’élèves mais veulent garder leurs professeurs, tandis que d’autres ont de nouveaux élèves mais attendent toujours leurs professeurs, qui restent dans les endroits où il y a moins d’élèves. Je plaide coupable en tant que représentant d’une région dont la démographie est stable, et qui cherche naturellement à conserver son réseau d’enseignement.
Au-delà de la dispersion géographique, la situation française s’explique aussi par d’autres raisons, dont l’une, plus grave, relève directement de votre ministère. Je veux parler de la dispersion de l’offre d’enseignement.
Cette très grande diversité des enseignements est un problème caractéristique de la France, surtout dans l’enseignement secondaire. Cette offre est peut-être d’une très grande qualité – je ne porterai pas de jugement sur ce point –, mais sa diversité se traduit mathématiquement par un petit nombre d’élèves par enseignant, ce qui fausse complètement les statistiques nationales et aboutit à un surcoût de l’enseignement français, notamment en raison du poids du secondaire par rapport au primaire, moins bien traité.
J’ajouterai enfin, après la dispersion géographique et la dispersion de l’offre scolaire, la dispersion des missions comme autre raison du coût de notre éducation.
La France, qui aime son État et son éducation nationale, lui confie beaucoup trop de missions, y compris – j’évoquerai ce point brièvement, pour ne pas allonger le débat et ne pas ouvrir de polémique inutile – un enseignement pré-élémentaire qui s’apparente parfois, selon ses détracteurs, à de la garderie à bon marché.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Nous devons nous poser la question de la faiblesse de notre enseignement primaire et de ce que devrait être un enseignement pré-élémentaire orienté vers le succès du primaire, et non pas vers l’accueil des tout-petits dans le but d’obtenir des effectifs.
J’ajoute enfin que nous avons une éducation nationale qui sert de support à de nombreuses activités. L’éducation nationale peut-elle à elle seule corriger les faiblesses de notre société, parfois ses excès, parfois ses injustices ? La réponse est non, manifestement. Il faudrait que l’intégration de l’éducation nationale dans le tissu local, avec l’appui des familles et des collectivités locales, soit plus judicieuse, mais que l’on ne charge pas toujours la bête et que l’on ne se tourne pas toujours vers les établissements d’enseignement pour leur demander de prendre en charge ce dont la société ne s’occupe pas.
Je voudrais, avant d’attaquer les chiffres, exprimer une conviction plus personnelle : l’élitisme républicain est un atout pour la société française. Il ne faut pas le gommer, mais s’efforcer de le faire vivre, y compris à travers des formules traditionnelles qui ont fait leurs preuves. Je pense notamment à l’internat, qu’il soit d’excellence, de réussite ou compris dans le sens le plus courant du terme, qui permet de plonger les élèves, les jeunes garçons en particulier, dans une ambiance studieuse de scolarité,…
M. Jean-Louis Carrère. Tous chez les bons Pères ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. … ce qui est parfois difficile dans la vie d’aujourd’hui, compte tenu de l’immense diversité des loisirs qui sollicitent notre jeunesse et de la faiblesse fréquente du soutien familial, pour des raisons sur lesquelles je ne porterai pas de jugement à cet instant.
Je voudrais défendre l’enseignement en alternance, que l’éducation nationale assume partiellement. C’est une assez bonne formule.
Je voudrais également défendre le soutien scolaire sur place. Nous avons été sollicités par de très nombreux élus locaux, qui s’étonnent que les activités périscolaires semblent parfois écarter, voire évincer le soutien scolaire, ce qui est une absurdité.
M. Jean-Louis Carrère. Cela coûte cher !
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Oui, je le sais bien, mais pourquoi écarter le recours au soutien scolaire là où il existe ?
Je voudrais exprimer une dernière conviction : l’élément essentiel du soutien et de la réussite scolaires, c’est l’établissement. Madame la ministre, tout ce qui pourra être fait pour donner vie et autonomie à l’établissement et pour renforcer la responsabilité du chef d’établissement, aussi bien dans les écoles primaires que dans les collèges et les lycées, sera regardé favorablement par la commission des finances.
J’en viens aux crédits de la mission. La commission des finances constate que vous avez budgété des créations d’emplois sans pour autant mettre en œuvre l’ensemble du programme que le candidat François Hollande avait annoncé. Vous prévoyez de créer 9 600 emplois supplémentaires en 2015, mais, en réalité, au cours des trois dernières années, les effectifs annoncés n’ont pas été réunis ; je n’ai pas le temps d’entrer dans les détails.
Le Sénat a aujourd'hui une nouvelle majorité. Celle-ci estime qu’il n’est pas nécessaire de procéder à des créations d’emplois dans l’enseignement secondaire et qu’il vaut même mieux revenir à la politique précédente – j’imagine que vous ne serez pas d'accord, madame la ministre –, qui consistait à exercer une pression sur les effectifs de l’enseignement secondaire pour aboutir à une remise en cause d’un certain nombre de défaillances ou de dispersions de moyens.
C'est la raison pour laquelle Jean-Claude Carle et moi-même proposerons un amendement visant à revenir sur la création d’emplois dans l’enseignement secondaire. Il en résulterait une diminution très légère, mais réelle, des crédits de la mission. Il s’agit d’une forme d’appel, car nous attendons une traduction concrète de votre idée de donner à notre enseignement des chances de succès comparables à celles des enseignements des autres pays en optimisant les moyens.
Sous réserve du vote de cet amendement, la commission des finances propose au Sénat d’adopter les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord vous faire part d’un regret : celui de n’avoir que cinq minutes pour m’exprimer, en tant que rapporteur pour avis, sur un budget de 66,4 milliards d'euros – cela fait plus de 13 milliards d'euros par minute –,…
Mme Françoise Cartron. La faute à qui ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. … qui demeure la première ligne budgétaire de l’État et surtout le meilleur investissement de la nation.
Si je devais juger votre action à la lumière du montant de votre budget, madame la ministre, je ne pourrais que vous féliciter : l’éducation nationale est l’un des rares ministères dont les crédits augmentent – de 2,4 % –, …
M. Jean-Louis Carrère. Vous allez les réduire !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. … ce qui constitue un effort important dans le contexte actuel. Toutefois, je suis convaincu que la valeur d’un budget ne se mesure pas à l’aune du montant de ses crédits. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous aviez supprimé 80 000 emplois !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Depuis près de vingt ans, je soutiens que l’inflation des moyens se révèle sans effet sur la situation de l’école. Le quasi-doublement de la dépense d’éducation depuis 1980 ne s’est pas traduit par une amélioration des résultats des élèves. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) Au contraire, les évaluations internationales, comme l’enquête PISA, font état des résultats moyens obtenus par les jeunes Français, tandis que d’autres évaluations montrent qu’une part significative d’entre eux ne maîtrisent pas, ou maîtrisent mal, les savoirs fondamentaux que sont la lecture, l’écriture et l’arithmétique.
En outre, la France est le pays de l’OCDE où le déterminisme social est le plus fort. Les Français le savent et le disent : un récent sondage montre que plus des deux tiers de nos compatriotes considèrent que l’école ne garantit plus l’égalité des chances, et que 55 % d’entre eux pensent qu’elle assure de moins en moins son rôle de promotion sociale. Certes, ne cédons pas au pessimisme, comme vous l’avez dit, madame la ministre, mais sachons regarder objectivement et sereinement la situation.
Comment accepter qu’un fils d’ouvrier ait dix-sept fois moins de chances qu’un fils de cadre ou d’enseignant d’intégrer une grande école ? Comment se satisfaire du fait que la première porte poussée par un jeune sur quatre sortant de formation soit celle de Pôle emploi et que 150 000 jeunes quittent chaque année le système scolaire sans qualification ?
M. Jean-Louis Carrère. Et c’est en supprimant des postes qu’on va réussir à améliorer les choses ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Par-delà le coût financier – le décrochage coûte chaque année 30 milliards d’euros à l’État –, c’est la cohésion sociale de la nation qui est en jeu.
Plutôt que la multiplication des mesures d’affichage et des écrans de fumée, à l’instar des rythmes scolaires, des ABCD de l’égalité, de l’évaluation « bienveillante », dont on sait qu’ils n’apporteront aucune réponse de fond aux problèmes du système éducatif, c’est d’une véritable réforme qualitative dont l’école a aujourd’hui besoin.
En ce qui concerne la réforme des rythmes scolaires, je demande que soit abrogée la condition d’élaboration d’un projet éducatif territorial, ou PEDT. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) C’est une contrainte inutile qui pénalisera les petites communes. L’Association des maires ruraux de France s’en est d'ailleurs inquiétée.
Il faut s’attaquer aux véritables priorités que constituent la maîtrise des fondamentaux – lire, écrire, compter – et la nécessaire revalorisation du métier d’enseignant, notamment dans le primaire. En effet, la maîtrise des fondamentaux dicte en grande partie le destin scolaire de l’élève : l’essentiel se joue entre quatre et sept ans. Il nous faut donc mettre devant les élèves les enseignants les mieux formés et les mieux considérés possible ; nous savons l’importance de l’« effet maître ». Qu’en est-il de la formation continue des enseignants, madame la ministre ?
Il s’agit également de revoir l’allocation des moyens de notre système éducatif, qui demeure défaillante. Les comparaisons internationales mettent en évidence une sous-dotation importante de l’enseignement primaire, alors que nos dépenses en faveur du secondaire sont bien supérieures à la moyenne des pays européens. La priorité au primaire que vous affichez relève de la fiction : elle repose essentiellement sur le « plus de maîtres que de classes », dont l’efficacité, au regard des expérimentations et des précédents à l’étranger, est plus que discutable.
Les moyens supplémentaires devraient au contraire être consacrés à des initiatives ayant fait leurs preuves, à l’instar de la réduction du nombre d’élèves par classe, de la mise en place de pédagogies différenciées pour les décrocheurs ou de la création d’un véritable statut des directeurs d’école. Ces derniers, dont l’effet d’entraînement est avéré, attendent toujours un véritable statut.
La revalorisation du métier d’enseignant ne passe pas uniquement par une augmentation des salaires – certes nécessaire pour les enseignants du primaire –, elle passe surtout par une amélioration des conditions de travail ainsi que par la mise en œuvre d’une gestion des ressources humaines digne de ce nom. En affectant les enseignants les moins expérimentés dans les établissements les plus défavorisés, la gestion actuelle accentue les inégalités. Hormis le nécessaire rétablissement de la formation initiale, que je salue,…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous l’aviez supprimée !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. … le Gouvernement n’a apporté que des modifications superficielles au statut des enseignants, sans engager de réflexion globale sur leur métier.
Enfin, je souhaiterais dire un mot de la médecine scolaire, qui demeure le parent pauvre du système scolaire. Pour réussir, l’élève doit être bien dans sa tête comme dans son corps.
M. Jean-Louis Carrère. Elle est grosse, la ficelle !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Les personnels de santé scolaire sont confrontés à une crise du recrutement et à une dégradation de leurs conditions de travail. C’est pourquoi je propose un amendement visant à préparer la revalorisation de cette profession.
Un sénateur du groupe socialiste. C’est de la démagogie !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Madame la ministre, mes chers collègues, j’aurais tant à dire, mais j’ai si peu de temps. L’éducation nationale, premier investissement de la nation, mérite mieux qu’une matinée par an consacrée à ses crédits. Aux côtés du Gouvernement, quel qu’il soit, les parlementaires ont leur part de responsabilité et leur rôle à jouer. C’est pourquoi je souhaiterais que soit organisé au Sénat chaque année au mois d’avril, avant les arbitrages budgétaires, un débat d’orientation sur l’éducation nationale. Le Parlement doit se saisir de ce sujet si important pour l’avenir de notre pays et dont le Président de la République a fait une priorité nationale. Madame la ministre, j’espère que je pourrais me prévaloir de votre soutien dans cette démarche.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Bien sûr !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Sous réserve de l’adoption de ses amendements, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication vous propose d’adopter les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur de rapporter le budget de l’enseignement agricole au nom de la commission de la culture pour la quatorzième année consécutive. Vous savez que j’ai toujours eu à cœur de conserver un regard lucide et impartial sur les budgets et les textes ayant trait à l’enseignement agricole.
Je ne vous étonnerai pas en annonçant que le budget 2015 est un budget favorable, du moins en apparence. Les crédits du programme augmentent de 2,6 % par rapport à la loi de finances pour 2014 ; 140 postes d’enseignant et 25 postes d’auxiliaire de vie scolaire seront créés. Dans le contexte actuel, il pourrait s’agir d’un effort appréciable. Je relève également un effort notable en matière d’accompagnement des élèves handicapés : les crédits dédiés augmentent de 17 %. Ce budget s’inscrit par ailleurs dans le respect des protocoles d’accord conclus en 2013 avec les établissements privés du « temps plein » et du « rythme approprié ».
Toutefois, mes chers collègues, derrière cette hausse apparente des crédits se fait jour une fragilisation croissante de la situation des établissements ainsi que de l’enseignement agricole dans son ensemble. S’il est juste que l’enseignement agricole participe à sa mesure aux efforts de maîtrise de la dépense publique, il n’est pas acceptable que cela passe par la mise à la charge des établissements de dépenses relevant normalement de l’État. Ce budget le prévoit pourtant, puisqu’il réduit de plus de moitié – de 51,6 %, soit 3,39 millions d’euros – les crédits couvrant les charges de pensions pour les emplois gagés des centres de formation d’apprentis, les CFA, et des centres de formation professionnelle et de promotion agricole, les CFPPA, et perpétue la sous-dotation chronique des 1 247 assistants d’éducation.
L’évolution des effectifs d’élèves suscite une profonde inquiétude. En deçà d’un certain seuil, le maintien d’un réseau éducatif distinct de l’éducation nationale n’aura plus de sens, quelle que soit l’excellence de ses formations et de ses résultats. Or les évolutions des deux dernières années sont nettement défavorables : les effectifs ont diminué de 3,6 % à la dernière rentrée, après une légère hausse – 0,7 % – en 2013.
Une fois ces chiffres corrigés des effets de la rénovation de la voie professionnelle, une tendance structurelle à la baisse des effectifs se fait jour. Cette tendance touche tout particulièrement les classes dites « d’appel » que sont les classes de collège et de seconde. La raison en est simple : les élèves ne sont plus orientés vers les formations proposées par l’enseignement agricole.
Il s’agit là d’un choix délibéré de l’éducation nationale, qui vise à retarder le plus possible l’orientation des élèves. J’anticipe les dénégations que vous m’opposerez, madame la ministre : j’affirme que, dans certaines académies, comme à Toulouse, à Bordeaux et ailleurs, la réduction du nombre d’élèves orientés vers l’enseignement agricole et les maisons familiales rurales, les MFR, constitue un objectif explicite fixé dans le cadre du dialogue de gestion.
Si nous souhaitons que l’enseignement agricole se maintienne et prospère, il faut que les élèves soient orientés vers les formations qu’il propose. Pour ce faire, il faut leur dire la vérité, à savoir qu’il s’agit là d’une véritable filière d’excellence, aux débouchés nombreux, y compris vers de nouveaux métiers, et non pas d’une voie de remédiation formant uniquement des exploitants agricoles ; ces derniers ne représentent que 20 % des effectifs. Il faut faire savoir aux élèves que l’insertion professionnelle des diplômés de l’enseignement agricole demeure bien supérieure à celle d’autres diplômés.
L’absence d’ambition et de perspectives pour l’enseignement agricole le condamne à une lente dégradation de sa situation, alimentée par une logique de régression tendant à adapter les effectifs aux moyens, alors qu’il conviendrait de faire l’inverse. De ce point de vue, la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt constitue une amère déception, tout comme le projet stratégique national présenté fin 2013 devant le Conseil national de l’enseignement agricole, le CNEA, qui n’a fait l’objet d’aucun vote et dont la portée demeure particulièrement incertaine.
En conclusion, mes chers collègues, l’enseignement agricole est à la croisée des chemins. Il nous appartient, avec le Gouvernement, d’assurer la pérennité de cette filière d’excellence et d’innovation. L’enseignement agricole est appelé à jouer un rôle majeur dans les défis que nous aurons à relever, et notamment dans la transition vers l’agroécologie.
J’aurai l’occasion d’y revenir en vous présentant l’amendement de notre commission visant à rétablir les crédits initialement prévus pour ce programme, avant que l’Assemblée nationale n’opère un prélèvement de 2,5 millions d’euros de crédits « hors titre 2 », par le biais d’un de vos amendements, madame la ministre, dans le but – le croirez-vous, mes chers collègues ? – d’abonder le fonds d’amorçage de la réforme des rythmes scolaires. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le premier budget de la nation, en hausse, traduit la priorité donnée à l’éducation et met en œuvre les choix ambitieux qui ont été faits dans la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.
Je regrette que nos rapporteurs pointent l’inflation budgétaire, eux qui ont appartenu à une majorité ayant multiplié les réformes, parfois sans passer devant le Parlement ni faire aucune évaluation, supprimé des postes à tour de bras et cautionné la catastrophique réforme de la masterisation, dont nous avons hérité et qui a laissé une école sinistrée compromettant l’avenir des enfants.
Quand on fait de la casse, il y a des coûts de réparation ! Quand on a une ambition, comme notre loi en avait une, il y a un prix à payer ! (Mme Dominique Gillot et M. Jean-Louis Carrère applaudissent.)