M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je voudrais rappeler que les industriels ont investi massivement – 2 milliards d’euros pour le bioéthanol et le biodiesel –, encouragés par les choix des gouvernements successifs sur la fiscalité des biocarburants.
Aujourd’hui, nous sommes seulement à 7 % d’incorporation, soit un taux moins important que l’objectif visé. Les engagements n’ont donc pas été tenus, alors que cette filière a considérablement investi, soit pour faire du bioéthanol à partir de la betterave ou du blé, soit pour produire du bioester ou du diester à partir du colza.
Si nous voulons nous engager vers la transition énergétique, avoir davantage d’autonomie énergétique, en développant notamment la filière des biocarburants de deuxième génération, encore faut-il investir dans les produits de première génération. C’est pourquoi il est important de maintenir une fiscalité encourageant le développement des carburants incorporant davantage d’éthanol ou de diester. Sinon, nous mettrons à mal toute une filière.
M. Jean Bizet. 30 000 emplois !
M. René-Paul Savary. Rendez-vous compte : 30 000 emplois !
Ces projets, c’est de la recherche fondamentale, c’est de la recherche appliquée pour faire évoluer les procédés technologiques qui en sont au stade pilote s’agissant des carburants de deuxième génération, c’est-à-dire ceux qui sont faits à partir de la biomasse ou d’algues. Chose qu’on ne savait pas faire voilà quelques années. Seulement, pour arriver le plus rapidement possible à trouver des carburants issus de ces ressources, encore faut-il que la recherche appliquée puisse être financée et donc que les lourds investissements qui ont été faits pour les carburants de première génération soient rentables. L’un ne va pas sans l’autre : on ne peut pas construire le premier étage si on n’a pas terminé le rez-de-chaussée !
Si nous voulons obtenir le fruit de ces recherches, il faut que les investissements faits par cette filière puissent être amortis. Voilà pourquoi il faut favoriser la fiscalité des carburants qui incorporent ces produits à base de bioressources. Si nous sommes nombreux à soutenir cette filière, c’est parce qu’elle est créatrice de richesse dans nombre de territoires en difficulté.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Je voudrais profiter de l’une de mes rares interventions pour m’élever contre ce gloubi-boulga d’arguments qui met la « transition énergétique » ou la « transition écologique » à toutes les sauces.
Nous le savons très bien, derrière ces amendements, il y a le lobby des agrocarburants qui pèse de tout son poids.
Mme Sophie Primas. Et les écologistes ?
M. André Gattolin. Madame Primas, vous avez votre vision du monde et j’ai la mienne. Vous ne détenez pas la vérité !
Aujourd’hui, nos terres sont menacées par une telle filière, qui ne relève ni de l’environnement, ni de l’écologie, ni de la transition énergétique. Croyez-vous qu’il soit de bonne pratique d’utiliser de la surface agricole utile pour une exploitation intensive, souvent à grands coups de pesticides ? Dites-moi que c’est du business, là, au moins, vous serez claire.
On nous oppose l’argument du financement de la recherche. En l’espèce, tout est cadré depuis le vote de la loi d’avenir de l’agriculture, et votre argument ne tient pas. Or si cette filière souffre autant, c’est parce que le prix du brut est en train de s’effondrer. C’est une réalité de la compétition mondiale.
Si votre argument consistait à dire que cette énergie assure l’indépendance énergétique au pays, je pourrais vous entendre. Mais ne venez pas me dire que les agrocarburants sont écologiquement propres. Dans ce domaine, mieux vaux l’hybride et la voiture électrique.
Si nous suivons votre raisonnement, nous allons faire payer aux utilisateurs d’autres types de carburant le lancement d’une filière dont on sait qu’elle n’est pas neutre du point de vue environnemental. Il suffit de voir ce qui se passe actuellement au Brésil, où l’on déboise massivement pour produire des agrocarburants.
Réfléchissons un peu : on ne peut pas être les défenseurs d’une agriculture traditionnelle de qualité, de la ruralité et, dans le même temps, prôner des solutions qui ne sont ni raisonnables ni raisonnées et qui ne relèvent pas de la transition énergétique.
Voilà pourquoi les écologistes voteront contre ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je ne vais pas polémiquer avec M. Gattolin. Nous ne partageons pas la même vision du monde. Soit ! Mais de quoi parle-t-on ?
Il faut savoir que seulement 1 % des surfaces agricoles sont consacrées à la production de ces carburants. Vous en conviendrez, mon cher collègue, ce n’est pas grand-chose ! Nous défendons surtout l’idée qu’il faut aider la recherche sur l’utilisation de produits agricoles dérivés, y compris des algues, comme l’a excellemment dit mon collègue Savary.
Vous agitez toujours l’épouvantail des lobbies. Il faut bien rentabiliser les investissements et permettre de dégager des marges de manœuvre pour continuer la recherche. Je vous vois sourire, mais c’est quand même une réalité ! Nous voulons non pas défendre tel ou tel lobby, mais inciter nos concitoyens à utiliser une essence qui soit plus compatible avec nos objectifs, sinon d’indépendance, du moins de transition énergétique.
Monsieur le secrétaire d’État, vous devez savoir qu’une grande partie du parc automobile en circulation est compatible avec le SP95-E10. Seulement, comme les automobilistes ne l’utilisent pas, notre objectif est de faire changer leur comportement. Et je maintiens que les comptes de l’État ne seront pas affectés par cette mesure !
Actuellement, les stations-service sont en train de développer l’offre. Plus on les aidera, plus les consommateurs en sentiront les effets en termes de pouvoir d’achat, car la plupart des automobiles sont compatibles avec ce type de carburant. Allez dans les grandes surfaces ou dans les petites stations-service qui existent encore pour faire votre plein et vous verrez que ce que je vous dis est vrai. Pour ma part, je n’y vais plus, car, pour faire plaisir à M. Gattolin, j’ai acheté une Zoé…
M. André Gattolin. Ah !
Mme Sophie Primas. … de l’usine Renault implantée chez moi, dans les Yvelines. Mais, pour la faire rouler, mon cher collègue, je vous signale que j’ai besoin des centrales nucléaires.
M. André Gattolin. Ou des barrages !
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Monsieur le rapporteur général, je voudrais comprendre exactement votre raisonnement.
Si vous mettez en balance une baisse de 1 centime sur une petite quantité et une augmentation de 2 centimes sur une grande quantité, l’équilibre est modifié, le résultat étant un surplus de recettes pour l’État.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Oui, c’est cela !
M. Philippe Adnot. Dans ces conditions, que penseriez-vous d’une rectification de mon amendement pour prévoir, d’un côté, une baisse de 1 centime et, de l’autre, une augmentation de 1 centime pour éviter un effet d’aubaine inutile ?
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour explication de vote.
Mme Françoise Férat. Je ne vais pas reprendre les propos tenus par Mme Primas et M. Adnot. En revanche, je me tournerai vers M. Gattolin, pour lui demander de laisser de côté les arguments tirés des surfaces de terre agricole consacrées à la production de ces carburants, car, vous le savez comme moi, mon cher collègue, ces cultures n’occupent pas plus de 1 % de la surface agricole. Ne faisons pas croire que le lobby des betteraviers, puisqu’il faut le nommer, serait derrière cette proposition. Nous ne nous battons pas pour faire plaisir à une catégorie professionnelle, nous nous battons parce que nous croyons aux idées que nous essayons de faire avancer dans cet hémicycle.
Monsieur le rapporteur général, notre collègue Adnot venant de proposer de rectifier son amendement, je vous demande de nous donner un argument qui tienne contre ce que nous souhaitons mettre en place.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ne voyez dans mes propos aucune prévention ni aucune hostilité à l’égard de ces biocarburants. La position de la commission des finances est simple : elle souhaite éviter avant tout une augmentation de la fiscalité. Nous avons suffisamment débattu, depuis jeudi dernier, du niveau des prélèvements obligatoires dans notre pays. Si l’on augmente la fiscalité pesant sur de gros volumes, tout en la réduisant sur de petits volumes, il en résultera globalement une hausse des recettes de l’État.
On peut s’en satisfaire pour la réduction du déficit, mais je ne suis pas sûr que les Français acceptent une nouvelle hausse du niveau des prélèvements obligatoires, au moment où les automobilistes vont devoir dépenser 2 centimes de plus par litre de diesel, qui iront à l’AFITF afin de financer les errements du Gouvernement sur l’écotaxe. Faut-il y ajouter 2 centimes de taxes supplémentaires sur l’essence sans plomb, le carburant le plus répandu en dehors du diesel ?
Si l’on examine les prix à la pompe,…
M. Jean-François Husson. Ils baissent !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … il me semble que les prix de l’essence sans plomb additionnée ou non d’éthanol sont relativement comparables. La faible diffusion du SP95-E10 ne dépend donc pas du prix.
Il faudrait disposer de données suffisamment précises sur les volumes vendus par type de carburant – peut-être le Gouvernement pourra-t-il nous en communiquer ? – pour avoir une idée de leur importance respective. Si la consommation d’essence mélangée à l’éthanol représente 10 % des volumes vendus, l’adoption de ces amendements entraînerait une hausse de la fiscalité sur 90 % des volumes vendus…
La seule motivation de la commission des finances est de ne pas alourdir globalement la fiscalité qui pèse sur les Français. La proposition de rectification de Philippe Adnot va dans le sens d’un rééquilibrage du dispositif. Cependant, pour en être sûr, il faudrait connaître la part respective de chaque carburant dans la consommation globale.
À prix comparables, je m’interroge sur les raisons pour lesquelles les carburants additionnés d’éthanol ne sont pas davantage vendus. Les distributeurs font-ils un effort suffisant ? Manifestement, ces carburants suscitent des préventions ou sont très mal connus. Le problème ne tient donc pas uniquement au prix. Il me semble également que beaucoup d’automobilistes ne savent pas si leur véhicule peut utiliser ces carburants. Il appartient donc aux constructeurs automobiles de diffuser l’information et de faire davantage preuve de pédagogie.
Quoi qu’il en soit, je le répète, la commission des finances souhaite avant tout éviter une nouvelle hausse de la fiscalité sur les carburants, alors que les Français en subiront déjà une sur le diesel.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques nos I-86, I-338, I-155 rectifié bis et I-378…
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, j’avais proposé de rectifier mon amendement d’une manière très simple, en supprimant la hausse de la TICPE sur les supercarburants classiques prévue pour 2016 et en conservant celle prévue pour 2015 !
Avec une baisse de 1 centime par litre des carburants additionnés d’éthanol et une hausse de 1 centime par litre des supercarburants classiques, l’augmentation globale de la fiscalité ne peut pas être connue précisément, car tout dépend des volumes de carburants qui seront vendus. En revanche, si nous adoptions cet amendement ainsi rectifié, nous donnerions un signe très fort indiquant que nous sommes favorables au développement de carburants plus respectueux de l’environnement.
M. le président. Mon cher collègue, votre amendement rectifié doit être rédigé et distribué en séance. Je vais donc suspendre la séance…
M. Gérard Longuet. Le vote était engagé !
M. le président. … et vous pourrez disposer ainsi du temps nécessaire pour réaliser ce travail.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Je rappelle à nos collègues de la commission des finances que la commission se réunira à vingt et une heures pour examiner les amendements relatifs à l’article 17.
7
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Hervé Marseille.)
PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
Communication d’un avis sur un projet de Nomination
M. le président. Conformément à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 et à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi qu’au décret n° 59-587 du 17 novembre 2004 et à l’article 14 des statuts annexés au décret n° 2004-1224 du 17 novembre 2004, la commission des affaires économiques, lors de sa réunion du 25 novembre 2014, a émis un vote favorable – 22 voix pour, 1 voix contre – à la nomination de M. Jean-Bernard Lévy aux fonctions de président-directeur général d’Électricité de France.
Acte est donné de cette communication.
M. Gérard Longuet. Excellente décision !
9
Loi de finances pour 2015
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale.
Article 20 (suite)
M. le président. Nous poursuivons l’examen, au sein de la première partie du projet de loi de finances pour 2015, de l’article 20.
Nous en sommes parvenus au vote sur les amendements identiques nos I-86, I-338, I-155 rectifié bis et I-378.
Notre collègue Philippe Adnot ayant rectifié son amendement n° I-155 rectifié bis, il n’est plus identique aux trois autres amendements.
Je suis donc saisi d’un amendement n° I-155 rectifié ter, présenté par MM. Adnot, J.L. Dupont et Türk, et ainsi libellé :
I. – Au début de cet article
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le tableau B du 1° du 1 de l’article 265 du code des douanes est ainsi modifié :
1° La vingtième ligne est ainsi modifiée :
a) à l’avant-dernière colonne, le montant : « 62,41 » est remplacé par le montant : « 63,41 » ;
b) à la dernière colonne, le montant : « 64,12 » est remplacé par le montant : « 65,12 » ;
2° La vingt-deuxième ligne est ainsi modifiée :
a) à l’avant-dernière colonne, le montant : « 62,41 » est remplacé par le montant : « 61,41 » ;
b) à la dernière colonne, le montant : « 64,12 » est remplacé par le montant : « 63,12 ».
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Je résume la situation. Dans notre volonté de favoriser la consommation de carburants contenant de l’éthanol, nous avions proposé de diminuer la TICPE de 1 centime sur le SP95-E10 et d’augmenter les autres carburants de 2 centimes. On nous a démontré que, comme les carburants dont nous souhaitions abaisser la taxe de 1 centime étaient moins consommés que les autres, il n’était peut-être pas nécessaire d’instituer une taxation de 2 centimes.
L’amendement rectifié vise donc à abaisser de 1 centime la taxation sur le carburant contenant de l’éthanol et à l’augmenter de 1 centime pour le carburant qui n’en contient pas. Cet appel que nous lançons ne déséquilibrera pas les comptes publics et ne pèsera pas trop sur les consommateurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement rectifié est plus conforme à l’équilibre que nous avions souhaité. Cependant, la commission ne l’ayant pas examiné, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. En diminuant de 1 centime la TICPE sur le carburant contenant de l’éthanol et en augmentant de 1 centime l’essence sans plomb – beaucoup plus consommée –, l’amendement devrait procurer une recette supplémentaire à l’État. Il n’est donc pas neutre financièrement, contrairement à ce qui a été dit.
Cette augmentation aboutirait à alourdir la fiscalité pour les ménages, en amputant le pouvoir d’achat d’un certain nombre de nos concitoyens. Ce n’est pas le souhait du Gouvernement.
M. Charles Revet. Il fallait oser le dire !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. La France a adopté en 2005 un objectif d’incorporation de biocarburant de 7 % pour 2010, tant dans le gazole que dans les essences. Depuis 2010, cet objectif a été reconduit à l’identique pour la filière essence. Or, depuis 2009, le taux cible d’incorporation n’est plus atteint pour les essences. Voilà même cinq années consécutives que le taux effectif d’incorporation est inférieur de plus de 1 % à l’objectif : en 2013, il n’était que de 5,8 %.
Cette situation est particulièrement dommageable pour la France puisqu’elle ralentit la trajectoire menant à l’objectif de 10 % d’énergie renouvelable dans les transports en 2020, tout comme l’objectif plus global d’une part de 23 % d’énergie renouvelable dans sa consommation énergétique totale à cette échéance. Elle peut cependant être surmontée. En effet, le taux d’incorporation de 7 % d’éthanol dans les essences est techniquement atteignable grâce aux carburants distribués sur le territoire et, en particulier, au SP95-E10 et au superéthanol E85. L’objectif doit être d’accélérer la transition vers le SP95-E10, avec une part de marché du SP95-E10 qui devra passer de 32 % actuellement à 50 % en 2015 et à 65 % en 2016.
Il faut rappeler que le SP95-E10 est déjà compatible avec 90 % du parc automobile roulant à l’essence. Pour autant, en 2013 – c’est là, monsieur le secrétaire d’État, qu’il ne faut pas trop vite se réjouir de recettes plus abondantes pour l’État –, ce carburant n’a représenté que 29 % des essences vendues en France et a atteint 32 % en juillet 2014. Cela s’explique par une diffusion dans seulement 40 % des stations-service du territoire et par un écart de prix entre le SP95-E10 et le SP95 ordinaire qui n’est, en moyenne, que de 3,5 centimes de moins au litre.
La mesure que nous défendons vise à favoriser le développement des bornes de SP95-E10 et à faire en sorte que la consommation de ce type de carburant progresse. D’ici à un an, elle n’apportera guère de recettes supplémentaires à l’État et ne pèsera donc pas sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Elle est simplement incitative à l’égard du SP95-E10 pour tenir les engagements qui avaient été pris il y a quelques années.
Cette mesure présente un certain nombre d’avantages. Elle répond notamment à nos ambitions concernant le paquet énergie-climat 2020. Elle participe à la transition énergétique. Elle concourt à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les transports. Elle contribue à réduire l’écart entre la fiscalité du gazole et celle de l’essence. C’est donc une mesure tout à fait positive pour l’environnement.
Je retire donc mon amendement n° I-378 au profit de l’amendement que vient de présenter Philippe Adnot.
Mme Françoise Férat. Je retire également le mien, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos I-338 et I-378 sont retirés.
Je mets aux voix l'amendement n° I-86.
Mes chers collègues, si cet amendement était adopté, l’amendement n° I-155 rectifié ter n’aurait plus d’objet.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote sur l'amendement n° I-155 rectifié ter.
M. Gérard Longuet. Il n’y a pas de betteraves en Seine-Saint-Denis ! (Sourires.)
M. Philippe Dallier. C’est vrai, mais ce n’est pas ce qui va justifier ma position. Pour ma part, j’ai été un peu perturbé d’entendre nos collègues invoquer le fait que 40 % de stations-service proposent ce carburant. Or c’est le jour où il y en aura partout qu’on pourra utiliser l’argument du prix pour inciter le consommateur à faire le bon choix ! Tant que seulement 40 % des stations-service de notre territoire offrent ce carburant, les automobilistes vont vivre cette mesure comme une nouvelle hausse des taxes sur l’essence.
Ce matin, quand ils ont entendu, à la radio et à la télévision, que, pour des raisons conjoncturelles, les prix n’avaient jamais été aussi bas, les consommateurs ont dû se sentir soulagés d’échapper à une nouvelle hausse de la taxation. Et nous allons leur envoyer d’ici le signal contraire, en augmentant la fiscalité de 2 centimes !
M. Philippe Adnot. C’est 1 centime !
M. René-Paul Savary. Moins 1 plus 1 !
M. Philippe Dallier. Non, ce n’est pas moins 1 plus 1. Ce serait vrai si ce carburant était distribué partout.
Dans ces conditions, ne vaut-il pas mieux imposer – je ne sais pas de quelle manière – que ce carburant soit disponible partout, ce qui donnera le choix au consommateur. Tant que ce n’est pas le cas, il le vivra encore comme un alourdissement de la fiscalité.
Par les temps qui courent, je ne veux pas voter un amendement pareil malgré toute la considération que j’ai pour les betteraviers !
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.
M. Jean Bizet. Je voterai l’amendement rectifié de M. Adnot, en apportant deux précisions qui ont peut-être échappé à nos collègues.
Tout d’abord, on nous a expliqué que les biocarburants occupaient 1 % de la surface agricole utile nationale. Je veux rappeler que la production de protéines à travers les betteraves a permis de diminuer de pratiquement 30 % notre importation de protéines végétales puisque les drêches de betteraves participent à l’alimentation des animaux domestiques.
Ensuite, pour développer une filière, il faut de la stabilité législative. C’est notre démarche.
Comme cette disposition sera pratiquement neutre et qu’elle diminuera les émissions de gaz à effet de serre, nous avons tout intérêt à la voter.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° I-300 est présenté par MM. Bizet, Cornu, de Nicolaÿ, Mandelli, Perrin, Raison, Revet et Vaspart.
L’amendement n° I-352 est présenté par M. Longuet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Au début de cet article
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après la trente-huitième ligne du tableau B du 1° du 1 de l’article 265 du code des douanes, est insérée une ligne ainsi rédigée :
---- gazole B30 destiné à être utilisé comme carburant ; |
20 bis |
Hectolitre |
– |
27,98 |
29,07 |
II. – Après l'alinéa 3, insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
… – Aux deuxième et troisième lignes de la première colonne du tableau constituant le second alinéa du 1 de l’article 265 bis A du même code, après les mots : « au gazole », sont insérés les mots : « , au gazole B30 repris à l’indice d’identification 20 bis » ;
… – Au I de l’article 266 quindecies du même code, après les mots : « du gazole repris à l’indice 22 », sont insérés les mots : « , du gazole B30 repris à l’indice 20 bis ».
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État de la baisse de la taxe intérieure de consommation applicable au gazole B30 destiné à être utilisé comme carburant est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean Bizet, pour présenter l’amendement n° I-300.
M. Jean Bizet. Le présent amendement vise à donner au gazole B30 un statut spécifique afin qu’il puisse bénéficier d’une fiscalité adaptée à son faible impact environnemental, au même titre que le carburant E85.
Le gazole B30, qui contient 30 % de biodiesel, est uniquement utilisé par des flottes captives et n’est pas destiné au grand public. L’instauration d’une fiscalité propre à ce gazole, sur le modèle de celle instaurée par la loi de finances de 2009 en faveur du superéthanol E85, permettrait d’assurer la pérennité du choix opéré par de nombreuses collectivités territoriales et de soutenir activement ces acteurs essentiels de la lutte contre l’effet de serre, tout en offrant des services publics de transport au meilleur coût. Au moment où est programmée une baisse des dotations de l’État à hauteur de 11 milliards à 12 milliards d’euros sur trois ans, toute mesure permettant aux collectivités locales de baisser leurs dépenses est la bienvenue.
J’ajoute que la problématique liée à l’effet de serre est inquiétante, et je vous invite à lire sur ce sujet le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC. De ce point de vue, l’utilisation d’un biocarburant vertueux au regard de l’environnement peut être intéressante.
J’y insiste en reprenant le dernier argument que j’ai invoqué sur l’amendement n° I-155 rectifié ter de Philippe Adnot : je considère que la stabilité juridique est nécessaire pour développer une filière. J’oserai dire, en me gardant de faire des caricatures, qu’il y a un mal français consistant à initier et encourager la mise en place de politiques, pour y mettre fin quelques années plus tard. Comment voulez-vous, dans ces conditions, que les industriels, quels qu’ils soient, ou les coopératives agricoles se lancent dans une politique digne de ce nom ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour présenter l’amendement n° I-352.
M. Gérard Longuet. Cet amendement a exactement le même objet que celui défendu, avec conviction, par Jean Bizet. J’apporterai cependant quelques précisions supplémentaires.
Le gazole B30 est un carburant méconnu, oublié, alors qu’il rend des services. C’est un carburant modeste, qui n’est pas connu du grand public, des usagers, car il est distribué par des professionnels pour des professionnels. C’est la raison pour laquelle nous parlons de « flottes captives ».
La majorité des utilisateurs du gazole B30 sont en effet, soit des collectivités, soit des flottes captives de grandes entreprises, y compris celle de la SNCF, qui disposent de leurs propres installations de stockage de carburant. Il n’y a donc à craindre, monsieur le secrétaire d’État, nulle inflation, nul débordement, nul effet d’aubaine qui favoriserait la diffusion de ce carburant sur l’ensemble du territoire.
Pour vous donner un ordre de grandeur, je vous indique que le gazole B30 représente 50 000 mètres cubes de gazole incorporant un tiers d’ester de colza ou de tournesol. Rendons hommage au colza, qui embellit nos paysages au printemps, et aux tournesols, qui ont l’habileté de suivre le cours du soleil, mais faisons aussi en sorte que la filière agro-industrielle, qui a consenti des investissements de long terme – lesquels ne sauraient s’inscrire, comme l’a dit excellemment Jean Bizet, dans des systèmes incertains et aléatoires –, puisse bénéficier des mêmes avantages pour ce carburant oublié que pour d’autres types de carburants.
J’aimerais que vous nous indiquiez, monsieur le secrétaire d’État, quel serait selon vous le coût réel de cette proposition, que je défends avec conviction. Selon mes calculs, avec la TICPE, qui a remplacé la TIPP – laquelle n’aurait jamais dû s’appliquer aux carburants d’origine végétale puisque, par définition, ceux-ci ne sont pas d’origine pétrolière –, si l’écart est de l’ordre de 4 euros à l’hectolitre, le coût pour 500 000 hectolitres doit être de l’ordre de 2 millions d’euros au plan national. Je sais que vous ferez la multiplication avec plus de talent que moi...