M. Yves Pozzo di Borgo. Enfin, je regrette une fois de plus que la France et le Royaume-Uni soient les seules puissances du continent européen à supporter de fait l’essentiel de la sécurité et de la diplomatie européennes. Où est l’Allemagne ? Où est l’Union européenne ? À ces questions, monsieur le ministre, vous avez, avec raison, répondu par un souhait : celui d’une défense européenne. Mais, pour l’heure, de défense européenne, il n’y a point ! Il serait peut-être important que les pays qui nous donnent toujours des leçons puissent nous accompagner dans les opérations que nous engageons courageusement.
Ma troisième question est la suivante : à quel point connaissons-nous notre ennemi ? Vous avez déclaré, lors de votre audition à l’Assemblée nationale, que l’État islamique serait fort d’une cagnotte de près de 2 milliards de dollars. D’où vient cet argent ? Comment l’EI parvient-il à s’autofinancer ? A-t-il à ses côtés des États bailleurs de fonds ? Il exploite les champs pétrolifères des régions qu’il occupe, mais à qui vend-il son pétrole ? Et comment ? Ne peut-on pas couper les racines du mal en asséchant ses finances ? Quelle est la position de la Turquie, qui est notre alliée et qui est membre de l’OTAN ? Achète-t-elle le pétrole de l’EI ?
Dans le même ordre d’idées, je m’interroge sur les circuits d’approvisionnement en armes. Nous avons armé les rebelles syriens. Certaines des armes ont-elles rejoint les rangs de Daech ? Monsieur le ministre, vous avez déjà répondu par la négative à cette question, mais je me permets de vous la poser de nouveau, car, sur ce point, qui suscite beaucoup d’interrogations, il n’est peut-être pas inutile de répéter les choses.
De plus, les pertes subies par l’armée de Bachar Al-Assad et par l’armée irakienne sont autant de gains en matériel pour l’État islamique. Nous avons pu constater le même phénomène après l’épisode de la Libye, puisque de nombreux stocks d’armes conventionnelles ont proliféré jusqu’au nord du Mali et en Centrafrique, avec les suites que l’on connaît. Je sais, monsieur le ministre, que vous suivez ce problème avec beaucoup d’attention.
Ma dernière question concerne la soutenabilité de notre engagement en Irak. Du point de vue opérationnel, notre intervention en Libye nous avait conduits aux limites des possibilités ouvertes par notre flotte aérienne. Depuis, la loi de programmation militaire, la LPM, est entrée en vigueur et de profonds mouvements traversent nos forces aériennes. Dans ces conditions, sommes-nous en capacité logistique de mener à bien notre mission en Irak ? Ne sommes-nous pas sous-dimensionnés face à l’enjeu ? L’opération en Libye avait coûté plus de 170 millions d’euros, si mes chiffres sont exacts. Qu’en sera-t-il pour l’Irak, sachant que nous sommes encore engagés au Mali et en Centrafrique ? Nous sommes également présents au Liban, au Kosovo, en Côte d’Ivoire, en Guinée, en Asie centrale… Notre défense peut-elle encore être décisive sur autant de théâtres d’opérations ?
Il manque plus de 1,5 milliard d’euros au budget de la défense pour suivre la programmation dessinée par la LPM – M. le président de la commission peut le confirmer. (M. le président de la commission des affaires étrangères fait un signe de dénégation.) Ne sommes-nous donc pas en passe d’atteindre le point de rupture de notre capacité de projection ?
Comment allons-nous assumer ce surcoût des opérations extérieures ? Les pays du Golfe pourraient peut-être nous aider, eux qui font partie de la coalition… Considérez que 1,5 milliard d’euros, c’est, pour eux, le prix d’un grand magasin à Paris ! (Rires sur les travées de l'UMP.) Peut-être pourrions-nous leur poser la question, puisque, au final, nos soldats vont surtout les défendre !... (Les rires redoublent.)
M. Christian Cointat. C’est bien !
M. Jean-Claude Lenoir. Bonne question !
M. Roger Karoutchi. Échange BHV contre Rafale…
M. Yves Pozzo di Borgo. En tant qu’élu de la Ville de Paris, je suis sensible aux investissements qui sont faits dans la capitale !
De surcroît, lorsqu’ils y achètent des biens, ces pays ne paient pas d’impôts.
M. Christian Cointat. Ils paient la TVA !
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Ce n’est pas si mal !
M. Roger Karoutchi. Et ils achètent nos Rafale !
M. Yves Pozzo di Borgo. Oui, ils paient la TVA, et ce n’est pas si mal quand on connaît le montant des droits de mutation sur les transactions immobilières à Paris, mais, je le répète, ils ne paient pas d’impôts !
Enfin, le cancer du terrorisme islamiste dépasse la seule question de la lutte contre l’État islamique. Le monde musulman est plus vaste que le seul Proche-Orient. Le risque de déstabilisation charrié par le djihadisme est donc très grand – je pense au Pakistan ; je pense à l’Indonésie ; je pense aussi aux Philippines. Allons-nous bombarder pour nous en aller une fois les responsables de ce mouvement neutralisés et leurs bases détruites ou allons-nous enfin nous attacher à trouver des solutions pour accompagner la consolidation de la démocratie et de la liberté dans le monde musulman, dans le respect de l’autonomie de destin de ses peuples ? À l’heure actuelle, ces solutions, nous ne les voyons pas.
Pour ma part, je n’ai qu’une certitude : au-delà de la nécessaire action militaire, seules des solutions politiques issues du monde musulman accompagné par les Occidentaux permettront de régler ce conflit idéologique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour le groupe UMP.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’heure est grave. À cet égard, quand vous annoncez, monsieur le ministre, que l’opération Chammal est d’ores et déjà remplie de succès, ne faites-vous pas preuve d’une trop belle assurance, quelques heures seulement après le début des frappes ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. C’est en tout cas ce que j’ai lu dans la presse. Au reste, il n’est pas impossible que vos propos aient été déformés…
Quoi qu’il en soit, il me semble quand même que le seul succès avéré à ce stade est celui de la communication : 61 % des Français seraient favorables à l’intervention française. Je tiens à le dire d’emblée : j’y suis moi-même favorable. Étant donné le niveau de popularité du Président de la République et du Gouvernement, un sondage positif est, en effet, un exploit notable… (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Soyons sérieux : la guerre est un acte trop grave pour qu’elle soit instrumentalisée à des fins politiciennes. Considérer comme un succès le fait d’avoir réussi à atteindre quelques cibles, c’est simplifier à outrance la situation au Moyen-Orient. Les méchants seraient clairement identifiés et nous disposerions de tous les moyens bons pour les abattre ? Cela serait un peu trop manichéen et prêterait à sourire si la sécurité mondiale n’était en jeu.
La situation n’est pas celle d’une armée de « fous de Dieu », avançant en ordre de bataille, en terrain découvert, pour conquérir de nouveaux territoires et asservir une population terrorisée. Elle est celle de groupes ultraviolents, mais dispersés, dans des territoires en proie, depuis deux ou trois ans, au chaos, en Irak comme en Syrie, avec des alliances ponctuelles et hétéroclites entre factions et des populations locales contrôlées non par la seule terreur, mais aussi par le rétablissement d’un certain ordre public et d’aides sociales.
Intégrer la complexité de la situation est moins efficace sur le plan de la communication, mais cela change beaucoup de choses. Dès lors, des frappes aériennes sont clairement insuffisantes. Oui, elles peuvent toucher des cibles stratégiques. Mais, à elles seules, elles ne modifieront pas la situation sur le terrain. Surtout, elles ne dessineront pas de perspectives de sortie durable de crise. L’impasse libyenne le prouve.
Si l’objectif de l’intervention est de protéger les populations civiles et de neutraliser la menace que fait peser l’EI sur le Moyen-Orient et le monde, alors le traitement de la question ne saurait être purement militaire. L’urgence est d’organiser un gouvernement irakien légitime, associant toutes les communautés. N’oublions pas que l’EI a puisé dans le ressentiment des populations contre le régime irakien l’essentiel de sa force. Tirons les leçons des précédentes guerres en Irak ou en Afghanistan : l’urgence est au rétablissement d’un gouvernement d’union nationale, associant toutes les communautés, les chiites, bien sûr, qui sont majoritaires dans la population, les sunnites et les autres minorités religieuses, dont les yazidis et les chrétiens.
Bariza Khiari, Roger Karoutchi et moi-même, nous travaillons au lancement d’un groupe d’études sénatorial sur les chrétiens d’Orient, avec pour objectif de réfléchir notamment aux moyens de favoriser la réconciliation et d’inverser la spirale de la violence qui est en train de détruire le tissu de la société irakienne.
Pour atteindre cet objectif, la solution ne peut venir du ciel, même par l’intermédiaire des Rafale… Il faut, hélas, des hommes sur le terrain. La coalition internationale l’a bien compris, et c'est la raison pour laquelle elle a choisi d’armer des rebelles locaux. Certes, une telle décision est moins risquée vis-à-vis de l’opinion publique française ou américaine. Mais, du point de vue géostratégique, n’est-ce pas jouer à la roulette russe et alimenter un monstrueux engrenage ? N’est-il pas insensé de déverser de nouvelles armes, dans le chaos moyen-oriental, à l’intention d’alliés aux profils instables ?
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Alors, que faut-il faire ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Les liens entre les diverses factions sont ambigus et changeants. Certains des rebelles syriens sont, comme les membres de Daech, des sunnites, parfois franchement extrémistes. Ce n’est pas parce qu’ils ont fini par se brouiller avec l’EI qu’ils en deviennent des démocrates ! Les « modérés » ne représenteraient que 10 % à 15 % des rebelles syriens. Armer des islamistes contre d’autres islamistes ? Machiavélique, certainement, mais pas rassurant ! De même, les combattants kurdes sont proches du PKK, fiché comme organisation terroriste par les États-Unis et l’Union européenne.
Alors que le djihadisme tire sa force des affrontements communautaires et confessionnels, instrumentaliser les uns pour neutraliser les autres est un jeu de poker bien risqué. S’attaquer à l’une des branches du terrorisme – l’État islamique – sans se préoccuper de la racine – l’extension des groupes djihadistes –, c’est aller au-devant d’un pourrissement assuré.
En Irak, on intervient à la demande du président, pourtant très contesté par sa population et n’ayant pas hésité à bombarder des quartiers d’habitation, tandis que, en Syrie, on arme des combattants dont on espère qu’ils déstabiliseront à la fois le président et l’EI. La France a même longtemps refusé des frappes en Syrie, où l’EI contrôle quasiment autant de territoire qu’en Irak, au prétexte que de telles frappes pourraient aider Bachar Al-Assad. Sans nier les exactions de ce dernier, un peu de pragmatisme vis-à-vis de la Syrie serait utile ! Hubert Védrine l’a rappelé récemment : contre Hitler, les démocraties ont fait alliance avec Staline, malgré tout le sang qu’il avait sur les mains… (M. le ministre marque son scepticisme.)
Face à ces défis, le manque de coordination internationale est désespérant. Certes, la coalition compte théoriquement une quarantaine de membres, mais nombre d’entre eux n’ont une implication que symbolique. Je pense, en particulier, à la non-association de l’Iran à la coalition qui me semble insensée, alors que ce pays a été l’un des premiers à combattre l’EI. De même, la Russie et la Chine n’y sont pas associées, alors qu’il s’agit des principaux investisseurs dans le pétrole irakien.
Il faut que tous les États membres de l’Union européenne comprennent que c’est aussi leur sécurité qui est en jeu et qu’ils ne peuvent nous laisser seuls en première ligne.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Il faut impliquer réellement tous les belligérants et les États voisins dans la recherche d’une solution politique, au lieu de ne leur laisser qu’une place de figurants. Sur les questions des financements de l’aide logistique et de la prévention de l’arrivée de renforts djihadistes en Syrie, l’implication de la Turquie, de l’Arabie Saoudite, de la Jordanie, ou encore du Qatar est cruciale.
Une véritable stratégie de sortie de crise doit se préparer dès le début de l’intervention. Ne nous laissons pas aveugler par les seuls objectifs militaires immédiats, par des réussites relativement faciles, alors que c’est l’avenir de nos sociétés qui est en jeu !
L’image d’une croisade franco-américaine est ravageuse, non seulement pour l’acceptation par les populations locales de cette situation, mais aussi pour nos propres ressortissants, mis en danger sur notre territoire national et, a fortiori, dans le monde arabe. Cela donne de notre pays une image de suiveur, alors qu’il devrait avoir un rôle de moteur dans la recherche d’une solution politique concertée.
M. Christian Cointat. Très bien !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Une intervention sous l’égide de l’ONU est impossible, nous dit-on. Le temps de l’action ne serait donc pas le temps de la négociation internationale ? Cela fait pourtant des mois, voire des années, que la situation se détériore et que les chrétiens d’Orient appellent au secours. Les chancelleries se réveillent un peu tard !
Nous avons d’ailleurs lancé, au mois de juillet, un appel parlementaire en ce sens, auquel le président Hollande n’a pas encore apporté de réponse.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Vous ne pouvez quand même pas dire cela !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Un autre obstacle à l’envoi d’une force d’interposition de l’ONU serait le probable veto russe.
Là encore, comme pour l’Iran, je déplore que, au nom du politiquement correct, l’on s’évertue à écarter les Russes de la table des négociations. Oui, les Russes sont venus à la conférence de Paris. Il n’en demeure pas moins que derrière les photos de famille, à l’issue de réunions portant sur l’Ukraine ou sur l’Irak et la Syrie, le dialogue est très insuffisant.
L’envoi d’une force d’interposition de l’ONU ne répondrait pas qu’à un défi stratégique immédiat, celui de la cessation des hostilités, du désarmement et de l’accès humanitaire aux populations civiles. Il serait aussi indispensable pour la crédibilité de la légalité internationale.
Au lieu de cela, les Américains bombardent de toute façon depuis plus d’un mois, sans mandat international. Et faute d’une résolution du Conseil de sécurité, nous nous cachons derrière l’article 51 de la Charte des Nations unies consacré à la légitime défense, en indiquant répondre à un appel à l’aide du président irakien. Certes ! Cet artifice ne trompe néanmoins personne. C’est du discrédit du régime irakien auprès d’une grande partie de sa population et de son incapacité à gouverner que l’EI a puisé sa force : le président irakien est donc loin d’être un interlocuteur véritablement légitime. D’où l’impérieuse nécessité d’une intervention réellement internationale sous l’égide de l’ONU.
Mépriser la légalité internationale mine insidieusement l’ordre mondial. Un jour viendra où nous le regretterons, j’en ai peur.
Oui, l’ONU doit être réformée pour répondre plus efficacement et plus rapidement aux défis du monde contemporain. Elle offre cependant déjà un cadre dont il est regrettable de ne pas tenir compte. Une mission de l’ONU, la mission d’assistance des Nations unies pour l’Irak, la MANUI, est depuis longtemps en Irak, et une résolution du Conseil de sécurité en date du 30 juillet proroge même son mandat jusqu’au 31 juillet 2015. Elle semble pourtant ne jouer quasiment aucun rôle dans la résolution de la crise. Pourquoi ne pas s’appuyer davantage sur elle, monsieur le ministre ?
Personne ne conteste le bien-fondé d’une intervention face aux exactions commises, dont les responsables répondront, nous le souhaitons, devant la Cour pénale internationale. Il fallait agir, pour protéger les populations, notamment les chrétiens et les autres minorités persécutées, pour assurer la sécurité régionale, alors que des États comme la Jordanie et le Liban sont à leur tour menacés, pour éviter une recrudescence du terrorisme international à l’heure où des centaines de jeunes partent se former au djihad avant de rentrer sur nos territoires, peut-être pour y perpétrer des attaques. Si la cause est juste, les moyens de la servir sont tout aussi essentiels. J’émets donc de réels doutes sur la stratégie déployée.
L’anéantissement de Daech est non pas une fin en soi, mais tout juste un objectif tactique. Ce sont la montée de la violence intercommunautaire et interconfessionnelle au Moyen-Orient ainsi que le risque de propagation mondiale du terrorisme qui doivent être les véritables cibles.
Il faut que nous nous intéressions dès à présent aux scenarii de sorties de crise à l’issue de la campagne militaire – en espérant que celle-ci ne s’éternisera pas –, au-delà de la neutralisation de Daech, afin d’éviter la surenchère guerrière et de construire la paix.
Souvenons-nous de cette phrase de Churchill selon laquelle l’Irak a été créé un dimanche de folie ! Jacques Chirac a toujours soutenu la position selon laquelle si l’on excluait les sunnites du gouvernement irakien, jamais nous n’arriverions à une solution politique. Ses paroles sont toujours d’actualité, et nous nous interrogeons sur la survie de cet État, comme sur son intégrité territoriale.
En Irak, une fois les objectifs atteints, qui contrôlera le vaste territoire d’obédience sunnite libéré des djihadistes ? Retournera-t-il dans le giron irakien ou participera-t-il d’une région kurde autonome ? La forte implication des Kurdes dans le conflit ne fera-t-elle pas pencher la balance en faveur d’une partition de l’Irak ?
En Syrie, cette question de l’occupation des terres « libérées » est encore plus critique : reviendront-elles à Bachar Al-Assad ou aux rebelles ? Étant donné le poids minime des « modérés » parmi eux, seront-ils capables de contribuer à la reconstruction économique et sociale du pays ou irons-nous vers de nouveaux déchirements ?
Quid des chrétiens dans ces deux États ? Comment garantir leur sécurité et le respect de leur foi ? Et, de manière plus globale, comment résoudre le problème palestinien, qui joue évidemment un rôle majeur dans l’envenimement de la situation régionale ?
Il faut aussi que nous soyons conscients des dangers sur le territoire national. Le rapport du mois de juin 2013 de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la surveillance des mouvements djihadistes en France concluait à l’insuffisance des moyens humains, matériels et juridiques mis à la disposition de nos services sur le sol français. Peut-être cela explique-t-il aussi l’échec retentissant de nos services dans l’affaire de la non-interception de membres de la famille Merah…
Par ailleurs, je crois qu’il y a aussi urgence à observer une certaine décence. Il est assez honteux, et certainement dangereux, que certains pérorent à longueur de journée sur nos réseaux sociaux ou dans les médias sur ces problèmes. Nous devons être unis et, surtout, appeler à la vigilance.
En tant que sénatrice des Français de l’étranger et rapporteur à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN sur le terrorisme, je suis particulièrement inquiète des répercussions potentielles d’une telle attitude sur la sécurité de nos ressortissants – deux millions et demi dans le monde –, dont beaucoup sont facilement identifiables dans de nombreux pays du Moyen-Orient ; je pense bien sûr à notre compatriote enlevé en Algérie.
Monsieur le ministre, ces Français nous demandent d’être prudents dans nos paroles et d’essayer de ne pas toujours tout dire. Je comprends l’avidité de certains médias à vouloir organiser des débats, même si certains qualifient ceux-ci, et pas toujours à tort, de séances de café du commerce, mais la sécurité de nos ressortissants est en jeu et l’on ne peut pas laisser tout dire et dire n’importe quoi ! Parfois, le silence est d’or !
M. Jean-Claude Lenoir. Bravo !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Il y a urgence, monsieur le ministre, à renforcer les moyens des services qui traitent de la sécurité de nos concitoyens en France et à l’extérieur de notre pays. Le projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme qui vient d’être adopté par l’Assemblée nationale et qui sera bientôt examiné au Sénat devrait y contribuer. Et j’exhorte tous nos collègues, tous nos compatriotes, quelle que soit leur appartenance politique, à soutenir nos forces armées et nos forces de sécurité dans ce combat contre la barbarie, tout en veillant à ne pas exacerber les tensions intracommunautaires. Ce n’est pas l’islam que nous combattons ; c’est la bestialité et l’ignorance d’une petite minorité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP, de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’issue de ce débat très riche, beaucoup de choses, parfois un peu contradictoires, ont été dites, qui témoignent, malgré tout, d’une approbation très majoritaire de la décision du Président de la République de faire intervenir nos forces armées en Irak. De surcroît, monsieur le ministre, vous avez dû goûter, comme moi, les nombreux conseils, quelquefois convergents, qui nous permettront d’éclairer les choix à venir. Il faudra néanmoins procéder à un tri !
Cela étant, avec l’État islamique – dénomination impropre tant le terme « État » est inapproprié, tout autant que la référence à l’islam, comme vient de l’expliquer ma collègue –,…
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Absolument !
M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. … nous sommes face à un danger mortel. Nous employons l’acronyme Daech, mais il est l’exacte traduction en arabe d’« État islamique au Levant ». Je préférerais, comme Laurent Fabius, parler de « califat de la barbarie et de la terreur ».
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !