M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas.

Mme Anne Emery-Dumas. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Je pense que les élus locaux de la Nièvre suivront vos conseils pour la détermination de leur PETR !

difficultés des associations d'aide à domicile

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, auteur de la question n° 813, adressée à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie.

M. Didier Marie. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les difficultés rencontrées par les associations d’aide à domicile.

L'État a confié aux départements la charge de financer les prestations sociales correspondant aux risques de dépendance, à savoir, en 2002, l'allocation personnalisée d'autonomie, ou APA, puis, en 2006, la prestation de compensation du handicap.

Le département de la Seine-Maritime voit, depuis plusieurs années, le nombre de personnes concernées par ces prestations croître très régulièrement. Aujourd'hui, le taux de bénéficiaires d’une allocation personnalisée d’autonomie y est bien supérieur à la moyenne nationale, avec 251,4 bénéficiaires pour 1 000 habitants de plus de 75 ans, contre 208,1 au niveau national. Le conseil général accompagne ainsi 28 000 personnes, pour un budget supérieur à 120 millions d’euros. Parmi les quatre-vingt-dix services d’aide à domicile, les associations assurent les trois quarts des interventions au titre de l’APA et sont, de ce fait, les principaux employeurs des 13 000 salariés du secteur.

Comme dans de nombreux départements, plusieurs de ces associations sont en très grande difficulté. Ainsi, l’une d’elles vient d’être placée en liquidation judiciaire, 450 emplois étant menacés. D’autres associations mettent en œuvre des plans de sauvegarde de l’emploi. Parmi celles-ci, l’aide familiale populaire et l’aide à domicile en milieu rural effectuent, chaque année, 1 320 000 heures d’intervention, pour près de 6 580 bénéficiaires, et comptent 2 710 salariés. Ces associations viennent de lancer un SOS au conseil général, qui leur a répondu en adoptant une revalorisation du taux de prise en charge de 38 centimes par heure d’intervention dans le cadre du budget de 2014, ce qui représente une dépense supplémentaire de 2 millions d’euros par an.

La mobilisation du conseil général auprès de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie a abouti au versement d’une aide exceptionnelle de 1,3 million d’euros, et une nouvelle aide de 810 000 euros est attendue par la région. Par ailleurs, le département a approuvé, il y a quelques mois, son schéma départemental d’autonomie, qui vise notamment à contribuer à la structuration, à la modernisation et à la professionnalisation du secteur.

Cependant, le département ne peut régler seul tous les problèmes, et les raisons des difficultés des associations demeurent. On peut citer la saturation du dispositif de l’APA, un grand nombre de bénéficiaires de cette allocation atteignant le plafond fixé dans les plans d’aide, aujourd'hui insuffisamment revalorisés. On peut également citer le développement, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi du 6 juillet 2005, de l’offre de services du secteur commercial, qui a projeté les associations dans un univers concurrentiel. Enfin, si elle constitue une véritable avancée pour les salariés, la convention collective de la branche, entrée en vigueur le 1er janvier 2012, ne s’applique qu’aux seules associations, créant ainsi une distorsion de concurrence importante et inacceptable au bénéfice du secteur commercial.

Ces deux dernières causes ont entraîné, en Seine-Maritime, un transfert d’activité représentant près de 1 million d’euros de recettes depuis le secteur associatif non lucratif vers le secteur commercial.

Le Gouvernement a annoncé que le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement serait soumis prochainement au Parlement. Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous me préciser le calendrier de cet examen ? En outre, le Gouvernement envisage-t-il d’étendre au secteur marchand toutes les dispositions qui s’imposent désormais aux associations d’aide à domicile ? Enfin, pouvez-vous me confirmer qu’une enveloppe supplémentaire de 810 000 euros sera attribuée à la région et m’indiquer si elle sera prioritairement fléchée vers les associations les plus en difficulté, que j’ai précédemment citées ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le sénateur, je vous prie, tout d’abord, de bien vouloir excuser Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, retenue par d’autres obligations.

La situation des services d’aide à domicile intervenant auprès des publics fragiles est un dossier prioritaire pour le Gouvernement, qui a d’ores et déjà mobilisé 130 millions d’euros, de 2012 à 2014, pour soutenir ce secteur dans le cadre du Fonds de restructuration des services d’aide à domicile, dont 1,2 million d’euros pour le département de la Seine-Maritime, sans compter les 810 000 euros de l’enveloppe complémentaire prévue en 2014 pour la région Haute-Normandie. L’attribution départementale par le biais des agences régionales de santé est en cours.

Il convient désormais de construire des réponses pérennes, notamment au travers du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement.

Ce texte d’orientation et de programmation, qui a fait l’objet d’une large concertation avec l’ensemble des acteurs, vise à mobiliser la société autour des enjeux du vieillissement, de la prévention et de la prise en charge de la perte d’autonomie, en s’attachant à répondre à l’attente de nos concitoyens, à savoir, pour résumer, vivre le plus longtemps possible et dans les meilleures conditions à domicile.

Le projet de loi repose sur trois piliers : anticiper le vieillissement, adapter la société et accompagner la perte d’autonomie.

En ce qui concerne le financement, dans le contexte budgétaire difficile que connaît notre pays, la mise en œuvre de cette loi va mobiliser 645 millions d’euros, au travers de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA.

Le volet « anticipation et prévention » sera doté d’une enveloppe de 185 millions d’euros. Le volet « accompagnement » est, quant à lui, doté de 460 millions d’euros, dont 375 millions d’euros pour la revalorisation de l’APA à domicile, qui est une mesure phare, sans oublier les 78 millions d’euros consacrés au droit au répit pour les aidants. Pendant la phase de montée en charge, 84 millions d’euros seront dégagés pour financer le volet « adaptation » de la loi, notamment pour l’aménagement des logements. Ainsi, la CASA sera bien affectée à 100 % à la mise en application de cette loi, dès son entrée en vigueur.

Le Gouvernement est en effet déterminé à aller vite : le texte a été adopté en conseil des ministres le 3 juin 2014 ; les travaux de la commission des affaires sociales ont débuté dans la foulée et une première lecture à l’Assemblée nationale pourrait avoir lieu à la rentrée.

Ce projet de loi apporte des réponses concrètes aux gestionnaires de services à domicile.

Au travers notamment de la réforme importante de l’APA à domicile, l’accessibilité financière des prestations sera largement améliorée : plus d’heures seront assurées, avec des plans d’aides diversifiés et une participation financière des usagers réduite. L’ensemble des bénéficiaires en profitera, l’effort étant accentué pour les personnes en perte d’autonomie importante et les foyers aux revenus modestes. En résumé, ce texte apportera une meilleure réponse aux attentes et aux besoins des personnes et plus de justice sociale.

Toutefois, si une meilleure solvabilisation des personnes aidées permettra de développer l’activité, elle ne résoudra pas toutes les difficultés des services d’aide à domicile que vous avez évoquées, monsieur le sénateur. Il sera nécessaire d’aller plus loin pour restructurer, moderniser et professionnaliser ces services, qui sont des maillons essentiels du dispositif de maintien à domicile.

Concernant l’harmonisation des conventions collectives du secteur, un grand pas a été franchi avec la signature, le 21 mai 2010, de la convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile, cela après dix ans de négociations. Cette convention, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2012, remplace quatre textes : la convention collective nationale de l’UNADMR, l’Union nationale des associations d’aide à domicile en milieu rural, la convention collective des organismes d’aide ou de maintien à domicile, la convention collective nationale concernant les personnels des organismes de travailleuses familiales et les accords collectifs UNACCSS –Union nationale des associations coordinatrices de soins et santé. Cette convention collective, majoritaire dans le secteur privé non lucratif, regroupe 220 000 salariés.

Le secteur privé lucratif a également avancé, avec la signature, le 3 avril 2014, d’un arrêté portant extension de la convention collective nationale des entreprises de services à la personne, qui a été publié le 30 avril 2014. Les entreprises ont jusqu’au 1er novembre 2014 pour se mettre en conformité avec ce texte.

Le mouvement d’harmonisation des cadres d’emploi du secteur du domicile est, vous le voyez, notable. La nécessaire poursuite de cette tendance dépend des négociations entre les partenaires sociaux, dont le Gouvernement ne doute pas qu’elle sera fructueuse.

M. le président. La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de votre réponse et de l’intérêt que le Gouvernement porte aux associations d’aide à domicile, ainsi qu’aux personnes âgées et handicapées qui bénéficient de leurs prestations.

Mme la secrétaire d'État chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie, Laurence Rossignol, qui a annoncé un plan d’action pour le secteur de l’aide à domicile en septembre prochain, a promis « des avancées structurelles, des simplifications, une meilleure régulation de l’offre et une intégration des services à domicile, afin de mieux évaluer le juste coût des prestations nécessitant un plus juste financement ». Nous serons bien évidemment très attentifs à cette refondation.

3

Commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’individualisation des peines et à la prévention de la récidive est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

5

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour un rappel au règlement.

M. Éric Bocquet. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36 de notre règlement relatif à l’organisation de nos travaux.

Monsieur le secrétaire d’État, hier soir, lors de la discussion d’un amendement de notre groupe tendant à modifier le barème de l’impôt sur le revenu, vous avez indiqué que cette mesure, si elle était adoptée, aurait un impact négatif de 2,7 milliards d’euros sur le solde général du budget de l’État. Une telle affirmation, présentée de manière un peu lapidaire à mon goût, appelle quelques éclaircissements.

Nous souhaitons fortement connaître les éléments vous ayant permis d’aboutir à cette estimation. Faute de quoi, nous aurions l’impression que le Gouvernement détient des informations spécifiques lui permettant de disposer d’une sorte d’« avantage comparatif » au détriment de la représentation nationale. Nous vous saurions donc gré de nous fournir, après consultation des services de Bercy, une note documentée, précise et détaillée conduisant aux conclusions que vous nous avez communiquées. Je n’ose croire que la justification serait que le barème de l’impôt sur le revenu que visait à instaurer cet amendement aurait eu la particularité d’alléger de manière un peu trop importante l’impôt des plus modestes...

Je serais particulièrement intéressé d’être le destinataire de ce document, qui nous permettrait de juger de l’argumentaire que vous avez opposé à cette proposition d’un barème de l’impôt plus progressif que celui qui est aujourd'hui en vigueur. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.

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Articles additionnels après l'article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2014
Articles additionnels après l'article 1er (suite)

Loi de finances rectificative pour 2014

Suite de la discussion et rejet d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2014 (projet n° 671, rapport n° 672).

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen, au sein de la première partie du projet de loi de finances rectificative, des dispositions relatives aux ressources.

PREMIÈRE PARTIE (suite)

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE Ier (suite)

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

RESSOURCES AFFECTÉES

M. le président. Nous poursuivons, au sein du titre Ier de la première partie, l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 1er.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2014
Article 1er bis (nouveau)

Articles additionnels après l'article 1er (suite)

M. le président. L'amendement n° 150 rectifié, présenté par M. Delahaye et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le I de l'article 219 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :

« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2015, le taux normal de l’impôt est fixé à 32 %.

« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016, le taux normal de l’impôt est fixé à 31 %.

« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2017, le taux normal de l’impôt est fixé à 30 %.

« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018, le taux normal de l’impôt est fixé à 29 %.

« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, le taux normal de l’impôt est fixé à 28 %. » ;

2° Après le premier alinéa du b, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :

« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2015, le taux est fixé à 14 %.

« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016, le taux est fixé à 13 %.

« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2017, le taux est fixé à 12 %.

« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018, le taux est fixé à 11 %.

« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, le taux est fixé à 10 %. »

II. – Après le deuxième alinéa de l’article 235 ter ZAA du même code, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2015, le taux est fixé à 9,7 %.

« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016, le taux est fixé à 8,7 %. »

III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Pour le groupe UDI-UC, la compétitivité des entreprises doit être au cœur de toute politique économique. C’est une conviction que nous avons depuis longtemps. Nous sommes donc heureux de constater que le Gouvernement la partage : ce principe figure dans le rapport Gallois de novembre 2012 et, surtout, dans le pacte de responsabilité et de solidarité annoncé par le Président de la République, puis par le Premier ministre. Reste que les dispositions visant à conforter cette compétitivité devraient être adoptées le plus vite possible et non pas être décalées dans le temps.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2014 prévoit une diminution du taux de l’impôt sur les sociétés à l’horizon de 2017, étalée jusqu’en 2020. Or l’entrée en vigueur de ce dispositif nous paraît beaucoup trop lointaine au regard de la situation de nos entreprises et de notre économie. Il serait souhaitable de commencer dès cette année à diminuer de 1 point par an le taux normal de l’impôt sur les sociétés, actuellement de 33 %, en vue de l’abaisser à 28 %. Pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires de plus de 250 millions d’euros, le taux passerait de 38 % à 28 %, à la suite de la disparition de la surtaxe. En outre, le taux réduit, actuellement fixé à 15 %, serait ramené, in fine, c’est-à-dire au bout des cinq ans, à 10 %.

Ce nouveau calendrier est de nature à provoquer un choc de confiance auprès des entreprises. Je pense non seulement à celles qui sont déjà installées sur notre territoire, mais aussi à celles qui voudraient s’implanter ici. Cette mesure est également très importante en matière de concurrence sur le plan européen.

On me rétorquera sans doute qu’un tel dispositif coûtera de l’argent. Je ne suis pas sûr que ce soit si vrai. Nous avons constaté que les augmentations d’impôts avaient plutôt tendance à faire baisser les recettes, en tout cas à les rendre inférieures à ce que l’on pouvait en attendre. La baisse des taux n’est pas forcément synonyme de baisse des recettes ; au contraire, le dynamisme économique qui résulterait de ce nouveau calendrier pourrait générer des recettes supplémentaires.

Puisque le Gouvernement est convaincu que c’est la direction qu’il faut prendre, pourquoi attendre 2017 ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission a émis un avis défavorable.

M. Charles Revet. Oh ! Pourquoi ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je me plais à rappeler que le Gouvernement a entrepris un travail très important, en examinant dans le détail la situation de la fiscalité dans notre pays, en particulier celle applicable aux entreprises.

Les assises de la fiscalité des entreprises ont conduit, durant trois mois, à plusieurs réunions de travail, à l’issue desquelles, de façon concertée avec les responsables d’entreprises françaises, en particulier le MEDEF, un certain nombre de priorités ont été définies. La première de ces priorités, c’est la baisse de la fiscalité sur la production. C’est dans cet esprit qu’a été décidée la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés, dite C3S, annoncée aujourd'hui.

C’est dans le cadre de cette problématique globale que les acteurs économiques, après un examen attentif, ont estimé que la refonte de l’impôt sur les sociétés ne constituait pas une urgence. Néanmoins, et vous avez raison de le souligner, mon cher collègue, abaisser le taux facial à 28 % est un objectif à atteindre le plus rapidement possible, afin d’arriver, en 2020, à un niveau équivalent à celui de nos concurrents européens.

L’adoption de cet amendement mettrait en péril la trajectoire de réduction des déficits pour 2015-2017, même s’il faut tendre vers ce que vous souhaitez. Un choix collectif a été fait : dans l’immédiat, il faut donner la priorité à la baisse des impôts sur la production ; ensuite, interviendra la baisse progressive de l’impôt sur les sociétés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Je commencerai par répondre à M. Bocquet, dont je comprends parfaitement l’interrogation. Je suis bien évidemment prêt à lui fournir toutes les données ayant permis à mes services – mon cabinet examine un grand nombre d’amendements formulant des propositions intéressantes – de me communiquer ces estimations ; j’en prends l’engagement ici même.

Le Gouvernement partage l’avis de la commission sur l’amendement n° 150 rectifié. Certes, monsieur Delahaye, vous proposez un calendrier qui vous paraît plus opportun, mais le Gouvernement, après des échanges avec les forces socioéconomiques de ce pays, toutes les organisations syndicales, patronales et salariales, en a choisi un autre : dès 2015, nous supprimerons 1 milliard d’euros au titre de la C3S et 4,5 milliards d’euros au titre des cotisations salariales des employeurs. En 2016, un autre milliard d'euros sera prévu pour la C3S.

La contribution sociale de solidarité des sociétés est assise sur le chiffre d’affaires, ce qui n’est pas la meilleure assiette en termes d’impact sur l’activité économique. C’est d’ailleurs pourquoi elle est assez souvent critiquée. Le Gouvernement a donc décidé de faire disparaître cette contribution en trois ans, ce qui représentera un coût de 6,7 milliards d’euros. J’observe que, pendant deux quinquennats, vous n’avez pas, avec la majorité précédente, engagé cette démarche, ne serait-ce que de façon partielle. Au contraire, y compris à la fin de la dernière législature, un alourdissement de l’impôt sur les sociétés a été décidé.

Aujourd’hui, vous voulez être plus royaliste que le roi et aller plus vite... Le Gouvernement, pour sa part, a choisi un rythme très volontariste – j’ai rappelé les chiffres à maintes reprises depuis le début de ce débat –, qui doit être concilié avec la nécessaire réduction des déficits.

Monsieur le sénateur, vous avez affirmé de façon un peu rapide que les recettes fiscales diminuaient parce que les taux d’imposition avaient augmenté. Ce matin, nous avons publié la situation à fin mai des recettes et des dépenses de l’État. Vous y noterez que la comparaison entre 2013 et 2014 montre une progression des recettes du budget de l’État de 5,4 % et une diminution des dépenses de 1,6 %. Je livre ces chiffres à votre appréciation.

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.

M. Vincent Delahaye. Monsieur le secrétaire d’État, pour répondre à votre remarque sur les deux précédents quinquennats, sachez que je n’ai été élu sénateur qu’en septembre 2011. Dès cette époque, j’ai formulé un certain nombre de critiques sur la façon dont le budget de l’État était géré. Je ne me sens donc pas engagé par ce qui a été fait.

Il a été reproché à la réforme de la taxe professionnelle d’avoir été mal menée. Cet argument vaut également pour le projet de loi relatif à la délimitation des régions. Ce n’est pas parce que vos prédécesseurs ont mal agi qu’il faut les imiter. Il serait temps de changer de méthode !

Vous estimez que l’attitude du Gouvernement est volontariste. Pour ma part, je pense qu’elle ne l’est pas encore suffisamment. Il convient donc d’aller plus loin, comme le préconise le rapport Gallois. Nous avons d’ailleurs fait des propositions en ce sens. Ne mollissons pas !

Renvoyer la baisse de l’impôt sur les sociétés à la période 2017-2020, c’est bien beau, mais c’est prendre des engagements pour après les élections de 2017… Mieux vaudrait les tenir dès maintenant !

Quant aux chiffres donnés en cours d’année, je suis sceptique. Lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative de décembre 2013, il manquait 12 milliards d’euros de recettes alors qu’au printemps on nous annonçait qu’il manquait 4 milliards d’euros dans les caisses de l’État. Je tiendrai compte de ces chiffres le jour où l’on me donnera en milieu d’année des prévisions précises des recettes de l’État pour la fin d’année, comme de nombreuses collectivités territoriales sont capables de le faire.

Je le répète, après de fortes hausses d’impôts, on aurait pu s’attendre à des recettes en forte augmentation. Tel n’a pas été le cas. Voilà pourquoi je pense que baisser les taux n’entraînera pas forcément une diminution des recettes.

Nous devons renforcer l’attractivité des entreprises de notre pays, afin de favoriser l’emploi. C’est notre priorité à tous. Il est donc dommage de reporter cette mesure.

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.

M. Francis Delattre. Notre groupe soutiendra cet amendement.

Je rappelle à M. le secrétaire d’État, qui prétend que nous n’avons pas fait grand-chose pour alléger les charges des entreprises, que la réforme de la taxe professionnelle a représenté 8 milliards d’euros d’économies pour les entreprises. Si ce chiffre, emblématique de la contestation ici, a changé, il faut nous le dire !

Par ailleurs, nous avions sérieusement engagé, certes un peu tardivement, une réduction des charges des entreprises grâce à ce qu’il était convenu d’appeler la TVA sociale. Cette taxe aurait permis d’injecter progressivement 14 milliards d’euros dans les entreprises si elle avait été mise en œuvre le 1er octobre 2012.

Aujourd'hui, pour connaître une véritable diminution de leurs charges sociales, les entreprises sont en train de négocier le CICE. Cette mesure commence seulement à apparaître dans leurs comptes. Vous pouvez le nier, monsieur le secrétaire d’État, mais nous savons très bien que les avances qui ont été faites par la BPI se situent autour de 1 milliard d’euros pour l’année 2013. Si, par pur dogmatisme, le Gouvernement n’avait pas supprimé la TVA sociale, il n’aurait pas eu à annoncer des milliers d’emplois en moins ces deux dernières années.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !

M. Francis Delattre. Voilà pour le passé auquel vous nous renvoyez un peu trop systématiquement.

M. Sapin est venu hier dix minutes pour nous tenir un discours sur la compétitivité. Or l’amendement de M. Delahaye va précisément dans ce sens. En outre, il ne devrait pas coûter très cher, puisque, d’après le rapporteur général du budget lui-même, mais nous le savons tous, l’écart entre le taux facial et le taux réel est important. Le taux se situerait plutôt autour de 28 % que de 33 %. Dès lors, pourquoi afficher un taux dissuasif pour d’éventuels investisseurs étrangers ?

Vous nous dites qu’un effort est globalement fait sur les charges réelles des entreprises. Je vous rappelle tout de même que la surtaxe est prolongée de deux ans et que la non-déductibilité fiscale des intérêts d’emprunt des entreprises n’est pas abrogée alors qu’elle est catastrophique pour la rentabilité des entreprises.

L’adoption de cet amendement permettrait à l’État français d’afficher un message à l’intention de tous ceux qui souhaitent investir dans notre pays et qui comparent naturellement nos taux d’imposition à ceux de nos concurrents, notamment au sein de l’Union européenne.