M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Fleur Pellerin, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l’attention de Frédéric Cuvillier, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence, sur la place de l’aquaculture sur le littoral français.
En matière de production conchylicole, la France se classe au deuxième rang des pays de l’Union européenne, avec 160 000 tonnes en 2012, et au premier pour la production ostréicole, avec 80 000 tonnes la même année. En revanche, notre production piscicole marine est très en retrait par rapport à celle d’autres pays, comme l’Espagne ou la Grèce.
La France partage la volonté de soutenir fortement le développement de l’aquaculture affichée par la Commission européenne, qui vise un doublement de la production d’ici à 2020, afin de réduire la pression sur la ressource halieutique et les importations en provenance de pays tiers.
L’augmentation de la production aquacole, en particulier de la production piscicole marine, sera donc l’un des objectifs majeurs du plan national stratégique de développement de l’aquaculture en cours d’élaboration.
Ce plan prévoit des actions de soutien articulées selon quatre axes.
Premièrement, il s’agit d’améliorer l’efficacité de l’action administrative, de la simplifier de manière notamment à réduire les délais d’instruction des autorisations d’installation.
Deuxièmement, il est prévu de planifier l’utilisation des espaces marins, en particulier en prenant appui sur les schémas régionaux de développement de l’aquaculture marine, initiative qui mérite d’être menée à son terme sur l’ensemble des façades – cinq sont finalisés, deux autres sont en phase de finalisation – avant de pouvoir être approfondie.
Troisièmement, il importe d’assurer le soutien à la compétitivité des entreprises, notamment en orientant les aides du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, le FEAMP, sur la période 2014-2020.
Enfin, il faut exploiter les avantages de l’aquaculture française, en ce qu’elle apporte des garanties sur la qualité et sur la protection de l’environnement : garanties sur l’origine, sur la connaissance de l’impact réel sur l’environnement, etc.
L’algoculture est actuellement peu développée, mais elle présente, vous l’avez rappelé, un fort potentiel et fait donc partie intégrante de la stratégie française pour le développement des aquacultures.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, de l’entière mobilisation de Frédéric Cuvillier en faveur du développement de cette filière économique.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie des réponses que vous m’apportez au nom de M. Cuvillier, que j’avais d’ailleurs déjà interpellé sur ce sujet.
Ce dossier vous concerne directement dans la mesure où la France importe 85 % des poissons et crustacés qu’elle consomme, ce qui induit un déficit pour notre balance commerciale, entre autres conséquences.
J’avais suggéré, lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, que soient établis des schémas territoriaux pour déterminer les endroits où il serait possible d’implanter des fermes aquacoles. Au lieu de cela, on continue de classer tous les terrains. On me dit que le fait qu’un terrain soit classé n’empêche pas la création d’une activité aquacole, mais, vous le savez, cela prend alors beaucoup plus de temps, ce qui décourage les entrepreneurs.
Les schémas départementaux prévus en 2009 devaient avoir été établis un an après ; nous les attendons toujours. Il conviendrait que vous nous aidiez à faire respecter les décisions du Parlement : le rôle de l’administration est aussi de les appliquer. J’y reviendrai si nécessaire, mais je tenais à attirer votre attention sur cet aspect des choses.
contrat de plan interrégional relatif à la vallée de la seine
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, auteur de la question n° 799, transmise à Mme la ministre du logement et de l'égalité des territoires.
Mme Catherine Morin-Desailly. J’attire l’attention de Mme la ministre de la décentralisation, de la réforme de l’État et de la fonction publique sur le CPIER, le contrat de plan interrégional État-régions pour la vallée de la Seine.
Le 22 novembre 2012, le ministre des transports annonçait la volonté de l’État de revoir la gouvernance de l’axe Seine, ainsi que celle de conclure des contrats avec les territoires concernés, afin de définir les priorités et les moyens financiers qui pourraient être accordés à un projet d’aménagement du territoire à grande échelle autour de l’axe Seine. Cette annonce s’inscrivait donc dans la perspective de la poursuite de la politique que le gouvernement de François Fillon avait amorcée.
Cependant, il aura ensuite fallu attendre six mois avant que ne soit nommé un délégué interministériel, par décret du 24 avril 2013. C’était là faire table rase de tout le travail réalisé, notamment du rapport qui avait été rédigé par le commissaire au développement de l’axe Seine en février 2012.
L’État a refusé de manière inexplicable, par la suite, la création d’un pôle métropolitain de l’Estuaire qui aurait été un atout et une force motrice pour le développement de l’axe Seine, au mépris du travail réalisé et du consensus qui s’était dégagé parmi les élus locaux participants.
Je rappelle que les conseils économiques, sociaux et environnementaux, les CESER, des trois régions d’Île-de-France, de Basse-Normandie et de Haute-Normandie et les chambres de commerce et d’industrie attendent des signes forts quant à la ligne nouvelle Paris-Normandie et, plus globalement, à la vallée de la Seine. Ils ont expressément demandé des « moyens exceptionnels et proportionnés à l’ampleur de l’ambition ».
Par ailleurs, les chambres de commerce et d’industrie des trois régions se sont mises en ordre de marche au sein de Paris-Seine-Normandie. Pour la CCI du Havre, ce sont pas moins de 700 millions d’euros qui vont être investis sur la base de la charte « Compétences totalement Estuaire », afin d’attirer les entreprises. Ainsi, les acteurs dits de la société civile ont commencé à avancer ensemble.
C’est pourquoi, malgré le dynamisme et la motivation des acteurs consulaires, malgré l’impulsion donnée, depuis 2009, au développement de l’axe Seine, je tiens à vous faire part de ma grande inquiétude de ne toujours rien voir venir. Tous les acteurs s’interrogent. Les assemblées régionales, pourtant concernées au premier chef, n’ont reçu aucune information sur la négociation du futur contrat et du schéma stratégique pour l’aménagement et le développement de la vallée de la Seine.
Aussi, je demande à Mme la ministre du logement et de l’égalité des territoires de bien vouloir m’éclairer sur l’avancée des négociations relatives au CPIER et les engagements financiers de l’État dans ce dossier, afin que tous les acteurs locaux continuent à se mobiliser autour de cette indispensable ambition qu’est la vallée de la Seine.
Dans cette période troublée, à la suite des annonces successives, quelquefois contradictoires, du Gouvernement relatives à la décentralisation, il est réellement nécessaire de donner enfin des gages et des éléments précis à tous ceux qui agissent sur le terrain pour donner vie à l’axe Seine.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Fleur Pellerin, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Madame la sénatrice, la nomination, le 24 avril 2013, d’un délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine, le préfet François Philizot, assisté, sur le plan local, par un préfet coordonnateur, qui est celui de la région Haute-Normandie, illustre la reconnaissance par le Gouvernement de la spécificité de cet espace.
Placé auprès du Premier ministre, le délégué interministériel développe une méthodologie participative afin d’élaborer de façon collégiale entre l’État et les trois régions – Haute-Normandie, Basse-Normandie et Île-de-France – un schéma stratégique d’aménagement et de développement de la vallée de la Seine à l’horizon 2030. Ce schéma a vocation à être décliné dès son approbation en un contrat de plan interrégional État-régions pour la période 2015-2020.
Le premier comité directeur réunissant l’État et les régions, installé le 3 juillet 2013, a permis d’arrêter le cadre général d’élaboration du schéma stratégique, ainsi que ses orientations principales.
L’ensemble des éléments issus du précédent commissariat à la vallée de la Seine ont été utilisés dans le travail de préparation du schéma stratégique. Ce dernier a fait l’objet de nombreuses réunions selon trois thématiques qui ont constitué la matière d’autant de groupes de travail : déplacements, réseaux et flux ; filières et développement économique ; gestion de l’espace et excellence environnementale.
Ces groupes de travail ont associé les partenaires indispensables : départements et principales agglomérations, milieux socioéconomiques, établissements publics de l’État, CESER, Paris-Seine-Normandie.
Ces travaux ont permis aux services de l’État et des régions d’avancer rapidement. La validation finale du schéma stratégique est prévue en septembre 2014 et donnera lieu à la réunion de l’ensemble des partenaires associés à la démarche.
Parallèlement, le délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine et l’ensemble des partenaires locaux travaillent de concert à la traduction opérationnelle de ce schéma dans le CPIER pour la vallée de la Seine.
Des réunions, tant avec les services de l’État en région qu’avec les ministères concernés, ont d’ores et déjà permis d’avancer dans l’identification des actions prioritaires. Quant aux engagements financiers de l’État, ils sont soumis au même calendrier que l’ensemble de la procédure contractuelle, dans le cadre annoncé par le Premier ministre en juin dernier.
La ligne nouvelle Paris-Normandie est, dans cette perspective, l’une des infrastructures prévues. Le comité de pilotage, présidé par le délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine, a approuvé, le 29 janvier dernier, le calendrier de travail permettant de déboucher sur la déclaration d’utilité publique à la fin de la décennie. Lors de sa deuxième réunion, le 2 juillet 2014, il a précisé certaines options importantes.
La méthodologie participative adoptée et l’étroite coopération entre l’État et les régions sont autant d’éléments déterminants du succès de cette démarche.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la secrétaire d’État, j’ai pris bonne note des différents éléments que vous avez portés à ma connaissance quant au calendrier des diverses réunions et à la réaffirmation de l’ambition pour l’axe Seine à la suite de la nomination du préfet Philizot.
Vous avez évoqué une démarche participative. Permettez-moi de vous dire qu’il est fort regrettable que, contrairement à ce qui s’était passé précédemment, les parlementaires, notamment de Haute-Normandie et de Basse-Normandie, qui se mobilisent sur ces dossiers – je parle sous le contrôle de mon collègue Charles Revet, qui intervient régulièrement sur les questions portuaires et ferroviaires – n’y aient pas été associés localement,…
M. Charles Revet. C’est vrai !
Mme Catherine Morin-Desailly. … d’autant qu’ils sont souvent aussi des élus locaux. Pour ma part, j’étais encore très récemment conseillère régionale. Visiblement, la communication n’est pas complètement au rendez-vous !
En tout cas, les acteurs pensent que le processus manque de dynamisme et de réactivité ; les questions que j’ai évoquées demeurent.
Concernant le pôle métropolitain de l’Estuaire, je ne comprends pas pourquoi l’État a mis un veto à ce qui n’était, pour l’ouest du département, que le projet miroir du pôle métropolitain CREA de l’agglomération de Rouen-Elbeuf-Austreberthe.
M. Fabius, qui fut longtemps le président de l’agglomération rouennaise, a été le moteur de la création de ce pôle métropolitain de l’Estuaire, rendue possible par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Pourquoi ses amis politiques se sont-ils opposés à la création d’un pôle métropolitain à l’ouest du département, projet totalement pertinent qui avait fait l’objet d’un travail immense de tous les élus locaux, de tous bords politiques, depuis des années ? Je tenais à souligner cette incohérence.
réforme des collectivités territoriales
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, en remplacement de M. Jean-François Humbert, auteur de la question n° 821, adressée à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
M. Charles Revet. C’est avec plaisir que je supplée mon collègue Jean-François Humbert, qui n’a pu être présent ce matin.
Avant de relayer son propos, j’indique que je partage entièrement les préoccupations exprimées à l’instant par Mme Morin-Desailly, puisque ma collectivité devait faire partie de ce pôle métropolitain. Nous n’avons pas compris pour quelles raisons ce projet n’a pu aboutir. La question de ma collègue était donc tout à fait judicieuse et d’actualité.
M. Humbert souhaite attirer l’attention de Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique sur la réforme des collectivités territoriales.
Si une clarification des compétences, avec une rationalisation de notre « millefeuille territorial », est attendue par bon nombre de nos élus et de nos concitoyens, il convient néanmoins de s’interroger sur la méthode employée par le Gouvernement.
En effet, les objectifs de cette réforme doivent être de gagner en lisibilité et en efficacité, au travers d’une clarification des compétences des différents échelons territoriaux, et de permettre, dans un contexte de crise, de mieux gérer les dépenses publiques en réalisant des économies.
Depuis plusieurs années maintenant, l’impérieuse nécessité de réformer est acceptée par tous, mais la question est de savoir dans quelles conditions le faire.
En 2009 et en 2012, M. Humbert a souhaité consulter l’ensemble des 594 maires du département du Doubs pour connaître leur position sur la réforme des collectivités territoriales et leurs attentes, enquête dont les résultats ont été adressés au ministère en temps voulu.
Majoritairement, les élus ont exprimé le souhait d’une clarification des compétences, mais demeurent attachés au maintien du conseil général pour assurer la compétence en matière sociale et au maintien de la région pour exercer sa compétence exclusive en matière économique. Concernant l’intercommunalité, ils ne souhaitent pas le transfert de davantage de compétences aux groupements intercommunaux existants.
Si les objectifs de cette réforme sont essentiels, il importe d’écouter les élus, de ne pas négliger la méthode, de ne pas se précipiter et de ne pas mettre une telle démarche au service de fins électorales. Cette réforme structurelle doit être travaillée dans la concertation, en tenant compte des réalités et de la diversité de chaque territoire.
M. Humbert demande au Gouvernement s’il est prêt à s’engager dans cette voie.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Fleur Pellerin, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargée du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Monsieur le sénateur, consulter les élus, mais aussi les agents du service public, les acteurs de la société civile, les citoyens, prendre en compte la diversité des territoires, c’est une véritable méthode depuis le début du quinquennat. Souvenons-nous en particulier des états généraux de la démocratie territoriale, organisés sur l’initiative du Sénat.
La consultation est donc notre méthode. Une fois cette consultation close, les parlementaires consultent à leur tour. C’est la raison pour laquelle, tout au long de son examen, le texte du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles a évolué. C’est la concertation qui a fait naître, au Sénat précisément, les pôles ruraux d’équilibre. C’est aussi la concertation qui a conduit à la dépénalisation du stationnement payant, que la commission du développement durable du Sénat a soutenue tout au long du débat. C’est enfin la concertation qui a permis d’affiner le dispositif des conférences territoriales de l’action publique.
Pour l’élaboration du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, nous n’avons pas procédé autrement. Nous avons ainsi consulté l’Association des régions de France et toutes les associations d’élus. Nous avons aussi entamé un tour de France des régions, et la Franche-Comté, que M. Humbert a présidée, a fait l’objet d’un des tout premiers déplacements.
Néanmoins, l’intérêt général ne saurait se définir comme l’addition des intérêts particuliers : nous avons le devoir de proposer une vision. Cette vision rejoint celle de M. Humbert sur l’attribution de la compétence économique à la région, ainsi que sur la nécessité d’assurer le meilleur exercice possible de la compétence sociale.
S’agissant précisément des départements, si l’on peut comprendre l’attachement de beaucoup à une institution qui n’a pas démérité, cela ne signifie pas pour autant que les structures doivent être immuables. Dans les métropoles, par exemple, les synergies entre l’exercice de la compétence sociale et celui des compétences en matière de logement sont évidentes.
Enfin, il est bon de consulter les maires, car ils sont les interlocuteurs privilégiés de tous nos concitoyens. Eux-mêmes savent que la survie de la commune, à court et moyen terme, passe par une intégration renforcée dans l’intercommunalité.
En réalité, cette réforme, loin de n’être qu’une réforme électorale ou institutionnelle, est bien une réforme d’ampleur, une réforme profondément progressiste, une réforme attendue par les Français, qui la comprennent bien comme un atout majeur pour le développement de notre pays. Elle est la réponse directe à l’une de leurs préoccupations essentielles, eux qui doutent aujourd’hui de la capacité de la puissance publique à assurer le redressement de notre pays, mais réclament, en même temps, des services publics plus accessibles et plus efficaces.
En fait, la conférence territoriale de l’action publique, créée par la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles de janvier dernier, permettra justement d’adapter l’exercice concret des compétences aux réalités de chaque région. Ce sont les élus qui feront la décentralisation de demain et qui mettront en œuvre concrètement les changements institutionnels, ainsi que la répartition des compétences sur le terrain.
L’alternative est simple : soit nous allons vite, soit nous laissons les conservatismes reprendre le dessus. Le Gouvernement, Manuel Valls et Marylise Lebranchu ont fait le choix d’aller vite, pour ne pas laisser s’enliser le débat. Bernard Cazeneuve est venu ici, dès la semaine dernière, discuter le premier volet de la réforme, et, à l’automne, nous débattrons du second.
Le Premier ministre le rappelait la semaine dernière, il a invité le Sénat à faire preuve d’imagination, notamment pour inventer la solution la plus juste et la plus efficace pour l’avenir des territoires ruraux comme pour celui des conseils généraux.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Madame la secrétaire d’État, il y a quelques jours seulement, le Sénat a rejeté le texte présenté par le Gouvernement. Vous avez parlé de concertation, mais de nombreuses interrogations demeurent, et le projet du Gouvernement ne correspondait manifestement pas aux attentes de la majorité des sénateurs.
Il faut aller plus loin. Je voudrais attirer votre attention et celle de notre ancien collègue André Vallini, ici présent, sur le besoin de proximité.
Pour en avoir rencontré beaucoup sur le terrain, je peux vous dire que les maires sont inquiets. Le devenir des petites communes, notamment au regard des répartitions de recettes, les préoccupe tout particulièrement, ainsi que la suppression des départements. En effet, le département est le bon échelon pour répondre aux besoins dans un certain nombre de domaines. Si nous souscrivons au principe de la création de grandes régions – mieux dessinées toutefois que dans le projet actuel –, nous estimons qu’il est nécessaire de conserver une dimension de proximité. Avec la disparition des départements, un écart se creusera entre la commune et la région. Cette situation suscite l’inquiétude de beaucoup d’élus, au Sénat comme ailleurs.
élus locaux et périmètres des espaces territoriaux de solidarité et de réciprocité
M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, auteur de la question n° 825, adressée à M. le secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale.
Mme Anne Emery-Dumas. Monsieur le secrétaire d'État, les élus locaux font actuellement l’objet d’injonctions multiples, les invitant à revoir les périmètres des espaces territoriaux de solidarité et de réciprocité.
En premier lieu, les préfets, en application de l’article 79 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ont engagé la consultation avec les syndicats mixtes constitués exclusivement d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, ayant été reconnus comme pays avant l’entrée en vigueur de l’article 51 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010, afin de les transformer rapidement en pôles d’équilibre territoriaux et ruraux, ou PETR. Ces EPCI disposent d’un délai de trois mois à compter de la notification, par le représentant de l’État dans le département, du projet de transformation pour s’opposer éventuellement à celle-ci.
En second lieu, le projet de réforme territoriale invite dès à présent les élus municipaux et intercommunaux à travailler à des regroupements permettant de dessiner, d’ici au 1er janvier 2017, une carte de l’intercommunalité autour d’espaces comptant au moins 20 000 habitants.
Or, le périmètre des PETR comprenant des EPCI, il apparaît impossible ou, du moins, très difficile de délimiter les premiers sans avoir finalisé le travail sur le périmètre des futurs EPCI.
Devant cette complexité, de nombreux élus communaux et intercommunaux, en particulier ceux qui n’ont accédé à leurs fonctions qu’à l’issue du scrutin municipal de mars 2014, demandent à disposer d’un peu de temps pour travailler en profondeur sur ces questions, et s’approprier les problématiques de solidarité à travers les projets de développement, d’aménagement du territoire et de fiscalité locale. Dès lors, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous envisager de surseoir aux contraintes de délai imposées par l’article 79 de la loi du 27 janvier 2014 ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Madame la sénatrice, vous souhaitez connaître les intentions du Gouvernement s’agissant de la mise en place des pôles d’équilibre territoriaux et ruraux créés par la loi du 27 janvier 2014.
Le PETR, qui constitue une nouvelle catégorie d’établissement public, a été créé afin de doter les territoires ruraux, périurbains et les petites agglomérations d’un outil d’organisation et de développement leur permettant de mutualiser leurs moyens pour mener en commun des projets structurants. Cette nouvelle structure intercommunale est caractérisée par une organisation et un fonctionnement souples, permettant à ses membres d’organiser les modalités de leur coopération de manière concertée et solidaire.
Vous me faites part de la crainte que vous inspire le délai fixé par le législateur pour la transformation en PETR, par le représentant de l’État, de tous les syndicats mixtes composés exclusivement d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et reconnus comme pays avant l’entrée en vigueur de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.
En effet, le II de l’article 79 de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », prévoit que, dans un délai de six mois à compter de sa promulgation, le préfet informe les organes délibérants des syndicats concernés et leurs membres du projet de transformation. Ces derniers disposent alors d’un délai de trois mois pour s’opposer à la transformation. À défaut d’opposition dans ce délai, la transformation du syndicat mixte de pays en PETR est décidée par arrêté du préfet du département où est situé le siège du syndicat.
Vous évoquez la difficile articulation entre, d’une part, la mise en place des pôles d’équilibre territoriaux et ruraux issus de la transformation des syndicats mixtes de pays avant la fin de l’année 2014, et, d’autre part, la volonté de constituer, à l’horizon 2017, des EPCI à fiscalité propre regroupant au moins 20 000 habitants, comme prévu dans le projet de loi qu’examinera le Parlement à l’automne.
Vous demandez, en conséquence, le report du délai fixé par la loi du 27 janvier 2014. Je tiens à vous préciser que le périmètre des PETR issus de la transformation de syndicats mixtes de pays n’est pas figé dans le temps : aucune disposition de la loi ne fait obstacle à des modifications de périmètre au cours de la vie de la structure, afin de prendre en compte, au sein du pôle, les évolutions de périmètres d’EPCI à fiscalité propre pouvant notamment intervenir à la suite de la révision des schémas départementaux de coopération intercommunale. En fait, la création des PETR s’inscrit dans une vaste réorganisation du territoire, qui doit rester souple et ne constituer en rien une contrainte pour les collectivités composant cette structure.
Ainsi, si certains projets de transformation de syndicats mixtes de pays en PETR n’aboutissent pas à l’issue de la procédure engagée par le préfet dans les conditions prévues par la loi MAPTAM, celle-ci prévoit que d’autres modes de constitution de PETR puissent intervenir ultérieurement : la transformation sur l’initiative des syndicats répondant aux critères fixés par la loi, telle que prévue à l’article L. 5741-4 du code général des collectivités territoriales, mais également la création ex nihilo de PETR sur l’initiative d’EPCI à fiscalité propre souhaitant se regrouper au sein d’un périmètre pertinent et cohérent, résultant d’une concertation menée entre eux.
En conclusion, je résumerai ma réponse de la manière suivante.
Premièrement, la transformation d’un syndicat mixte de pays en PETR d’ici à la fin de l’année 2014 n’est pas automatique : elle peut donner lieu à une opposition du syndicat et, en tout cas, à un dialogue local avec le préfet.
Deuxièmement, si le PETR est créé, son périmètre devra évoluer avec la nouvelle carte des EPCI à fiscalité propre telle qu’envisagée dans le projet de loi que nous examinerons ensemble à l’automne.
Troisièmement, il apparaît possible – voire préférable dans certains cas à déterminer localement – d’attendre la nouvelle carte intercommunale avant de créer un PETR.