compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin
vice-président
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine,
M. Gérard Le Cam.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Communication relative à des commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que, d’une part, la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales est parvenue à l’adoption d’un texte commun ; d’autre part, la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
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Renvoi pour avis unique
M. le président. J’informe le Sénat que la proposition de loi visant à modifier la Charte de l’environnement pour exprimer plus clairement que le principe de précaution est aussi un principe d’innovation (n° 183, 2013-2014), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est envoyée pour avis, à sa demande, à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique.
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Moniteurs de ski
Adoption définitive en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à mettre en place un dispositif de réduction d’activité des moniteurs de ski ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite, afin de favoriser l’activité des nouveaux moniteurs (proposition n° 299, texte de la commission n° 514, rapport n° 513).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès de la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, chère Annie David, monsieur le rapporteur, cher Georges Labazée, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez l’habitude de vous plaindre du french bashing. Or, depuis plusieurs années, et c’est encore le cas en 2013, la France est redevenue la première destination mondiale du ski.
Selon Domaines skiables de France, près de 58 millions de journées skiées ont été vendues en 2013 en France, plaçant notre pays à la première place du classement mondial, devant les États-Unis et l’Autriche. À lui seul, le tourisme de sports d’hiver représente 15 % du chiffre d’affaires du tourisme national et il connaît une croissance dynamique. Plus de 100 000 emplois indirects sont générés par cette activité.
Cette réussite, la France la doit bien entendu à son vaste et exceptionnel domaine skiable, ainsi qu’à ses infrastructures performantes. Je veux saluer ici les investissements importants consentis par les exploitants et les pouvoirs publics,...
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. ... pour assurer l’attractivité et le dynamisme économique des territoires de montagne, auxquels, je le sais, nombre d’élus sont sensibles dans cet hémicycle.
Cette réussite, nous la devons aussi, et surtout, à la qualité de la formation française et de l’encadrement des pratiques. Les 17 000 moniteurs de ski disposent ainsi en France d’une place tout à fait singulière, tant cette profession a su construire des dispositifs spécifiques de formation et de solidarité, qui ont permis l’excellence de l’encadrement et la sécurisation des pratiques, autant que le développement du sport de montagne de haut niveau.
Il s'agit d’un juste équilibre entre la promotion du sport pour tous et l’accroissement des performances de nos athlètes, auquel je suis, tout comme vous, particulièrement sensible ; les derniers jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver l’ont démontré.
Le métier de moniteur de ski est organisé en France autour d’un système de formation imaginé dans les années trente, qui a abouti en 1937 à la création de la première école française du ski. La profession fut ensuite consacrée et structurée au travers de la création d’une obligation de diplôme, démarche qui, comme vous le savez, inspira l’organisation de l’ensemble de l’encadrement sportif français.
Aujourd’hui, quelque 90 % des professionnels exercent en tant que travailleurs indépendants au sein d’organisations collectives, représentées par les écoles de ski. Le fameux pacte intergénérationnel, dont nous débattons aujourd’hui, est le fruit d’un long cheminement et d’une réflexion engagés en 1963 par le Syndicat national des moniteurs du ski français.
Conscients des aléas auxquels est soumise leur profession – climat, saisonnalité, risques physiques –, les moniteurs des écoles de ski français ont souhaité mettre en place des dispositifs de solidarité. Ils ont ainsi créé un système de retraite par répartition. Il s’agissait surtout d’instituer une assurance vieillesse obligatoire adossée à un dispositif de réduction progressive de l’activité visant à assurer l’insertion des nouveaux diplômés. En fait, c’était, bien avant l’heure, la mise en place du contrat de génération !
Différentes évolutions législatives ont modifié l’âge de départ à la retraite, puis permis l’intégration des moniteurs de ski dans le droit commun de l’assurance vieillesse. Jamais pourtant n’avait été remise en cause cette construction solidaire et intergénérationnelle de la profession de moniteur de ski.
Au mois de décembre 2012, une procédure judiciaire a été engagée par quelques moniteurs demandant l’annulation du pacte intergénérationnel au motif d’une discrimination par l’âge. Dans son arrêt du 30 septembre 2013, la cour d’appel de Grenoble a jugé le pacte licite, estimant, notamment, que la différence de traitement retenue par le pacte répondait à une exigence professionnelle essentielle et déterminante.
Néanmoins, il est apparu indispensable de stabiliser aujourd’hui par voie législative la situation juridique des moniteurs, pour ne pas laisser la profession dans l’incertitude et consolider le système existant, en s’appuyant notamment sur la décision de justice que je viens de citer.
Je me réjouis donc que plusieurs textes émanant de différents groupes politiques parlementaires, de la majorité comme de l’opposition, aient été déposés en ce sens. Ils traduisent l’intérêt que l’ensemble de la représentation nationale accorde au devenir des moniteurs de ski et la légitimité reconnue à la demande de ces professionnels.
Je salue d’ailleurs le vote unanime de l'Assemblée nationale en première lecture sur cette proposition de loi. J’ai la vanité d’espérer, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il en sera de même au Sénat.
Pour sa part, le Gouvernement estime que la proposition de loi que vous discutez aujourd’hui répond pleinement à la nécessité de stabiliser le dispositif existant, en garantissant sa légalité et, au-delà, en permettant de mieux encadrer la mise en œuvre du pacte intergénérationnel.
Ce texte s’inscrit dans le sens de la directive européenne qui autorise les États membres à mettre en place des différences de traitements lorsque celles-ci répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante. C’est également l’avis du Défenseur des droits à propos de la nouvelle version du pacte adoptée au mois de novembre 2012. C’est encore l’avis qu’a retenu la cour d’appel de Grenoble dans l’arrêt que j’ai mentionné.
Cette proposition de loi, nourrie du travail de qualité réalisé par l'Assemblée nationale, précise en outre plusieurs points qui me paraissent essentiels.
Tout d’abord, ce pacte intergénérationnel repose sur le volontariat et ne sera pas imposé dans les stations où la démographie des moniteurs de ski, ou l’absence de jeunes moniteurs, ne le justifierait pas. Chaque école de ski désireuse d’appliquer une réduction d’activité aux moniteurs seniors devra en revanche s’inscrire dans le cadre défini par le texte que vous êtes appelé à voter aujourd'hui.
Ensuite, il est clairement indiqué que la réduction d’activité des seniors doit bénéficier directement aux jeunes diplômés, c'est-à-dire aux moniteurs de moins de 30 ans, et non à l’ensemble des moniteurs ayant moins de 62 ans, comme cela pouvait être le cas auparavant.
Enfin, la réduction d’activité sera progressive et garantira un certain niveau d’activité, donc de revenus, aux moniteurs qui ont l’âge de liquider leur retraite, mais qui sont désireux de poursuivre leur activité.
Le volume d’activité octroyé permettra tant aux seniors entre 62 ans et 67 ans qu’aux jeunes moniteurs de valider deux trimestres d’assurance vieillesse par saison. On garantit ainsi aux moniteurs seniors que, même avec une activité réduite, ils continueront d’acquérir des droits à la retraite. C’est là une bonne réponse à l’adresse de ceux qui craignaient que ces dispositions puissent « précariser » la situation des moniteurs les plus âgés.
Par ailleurs, rappelons qu’une grande partie des moniteurs exerce plusieurs professions et que plus de 50 % des moniteurs âgés de 70 ans sont encore en activité. Cette longévité est très largement choisie et défendue par les moniteurs, qui ont consacré toute leur vie à la montagne.
Le pacte intergénérationnel ne saurait donc être interprété comme un recul des droits à la retraite des moniteurs : il est au contraire une juste prise en compte des aspirations des professionnels de la montagne et de l’avenir d’une profession. C’est d’ailleurs cette dernière qui a défini pour elle-même, à plus de 94 %, cette organisation spécifique.
Attaché au dialogue social qu’il a érigé en principe structurel de son action, le Gouvernement ne peut que se réjouir d’une proposition de loi qui vient ainsi pérenniser et encadrer un accord professionnel.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, les questions d’emplois, particulièrement d’emplois des jeunes, sont au cœur des priorités gouvernementales. Je souhaite que le champ du sport puisse être pleinement inscrit dans ces orientations.
L’économie du sport dans toute sa diversité recèle des potentialités économiques et des gisements d’emplois non délocalisables, qu’il nous faut investir avec détermination. Je veux ici souligner que 90 % des diplômés des écoles de ski trouvent rapidement une insertion professionnelle.
Équilibrée et protectrice, cette proposition de loi répond à notre préoccupation de favoriser l’emploi des jeunes et d’organiser le maintien dans l’emploi des plus anciens. Je le soulignais au début de mon propos, elle rejoint les principes du contrat de génération, dans lequel la transmission des compétences tient une place essentielle.
Comme le déclarait le Président de la République, « le contrat de génération, c’est aussi une mesure qui permet au senior de savoir qu’il y aura une suite après, une solidarité entre les âges. [...] C’est une belle idée qui permet de lutter contre la précarité et qui introduit une réelle solidarité. »
Je remercie donc l’ensemble des élus de cette assemblée – ceux de montagne, mais aussi tous les autres –, de leurs travaux et de leur mobilisation, preuve qu’ils ont pris ce texte à cœur. Je rends d’ailleurs un hommage particulier à M. le rapporteur.
Nul doute que l’ensemble des professionnels moniteurs de ski et, au-delà, l’ensemble des amoureux de la montagne seront sensibles à notre attention et à notre sincère sollicitude à leur égard. Ils le seront tout autant à votre vote, mesdames, messieurs les sénateurs. Pour sa part, le Gouvernement est tout à fait favorable à l’adoption de ce texte. (Applaudissements.)
M. Jean-Michel Baylet. Très bien ! Excellente intervention.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Georges Labazée, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a été adoptée le 21 janvier dernier par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée.
Fortement soutenue par l’Association nationale des élus de la montagne, qui est pluraliste, elle est issue de deux propositions de loi déposées sur le bureau de l’Assemblée nationale par des députés socialistes et radicaux de gauche. En outre, M. Laurent Wauquiez, député UMP, avait lui aussi déposé une proposition de loi identique. Ce texte est donc le fruit d’un large accord transpartisan.
Rapportée au Palais-Bourbon par une députée alpine, Mme Marie-Noëlle Battistel, il fallait qu’elle le soit par un Pyrénéen au sein de la Haute Assemblée – ma voix légèrement chantante atteste de mes origines, et je ne m’en départirai pas, quel que soit le sort réservé à cette proposition de loi ! (Sourires.)
Ainsi que M. le secrétaire d'État vient de le rappeler, les élus de la montagne connaissent l’importance cruciale du tourisme de sports d’hiver pour l’économie de leurs territoires.
Avec plus de 57,9 millions de journées skiées en 2013, la France est redevenue ces dernières années la première destination mondiale du ski, devant les États-Unis et l’Autriche. Elle accueille tous les ans 7 millions de skieurs, dont 2 millions d’étrangers. Au total, 120 000 emplois, en comptabilisant les emplois indirects, dépendent de l’ouverture des domaines skiables. Dans mon département, la clientèle espagnole représente jusqu’à 38 % de la fréquentation du domaine skiable de certaines stations.
Formés par l’École nationale des sports de montagne basée à Chamonix, les 19 000 moniteurs de ski diplômés que compte notre pays, forts de leur excellence technique et de leur connaissance intime de la montagne, assurent un enseignement dont la qualité est reconnue dans le monde entier et sont pour beaucoup dans les brillants résultats des massifs français.
Depuis 1963, le Syndicat national des moniteurs du ski français, qui fédère près de 90 % de la profession au sein des écoles du ski français, a mis en place un dispositif de réduction progressive de l’activité des moniteurs seniors, afin de garantir aux jeunes moniteurs diplômés une absence de chômage lors de leur entrée sur le marché du travail.
Révisé à quatre reprises pour repousser l’âge de réduction d’activité des moniteurs seniors, ce système de solidarité intergénérationnelle a pleinement fait ses preuves au cours du temps, en permettant, génération après génération, à des jeunes désireux de travailler dans les territoires de montagne dont ils étaient originaires de s’insérer rapidement dans la vie active en devenant moniteurs de ski. Il n’a nullement empêché les moniteurs seniors de travailler, puisque 73 % d’entre eux sont encore en activité à 65 ans, et 56 % à 70 ans.
Depuis 2009, toutefois, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi du 27 mai 2008 qui transposait la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, ce dispositif bien rodé a été considérablement fragilisé par une bataille judiciaire opposant au Syndicat national des moniteurs du ski français un petit groupe de moniteurs seniors qui s’estimaient victimes d’une discrimination.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à mettre fin à ce conflit, en définissant un cadre juridique plus clair et en garantissant que nul ne puisse être l’objet d’une discrimination en raison de l’âge.
Pour ce faire, elle tient pleinement compte des décisions de justice qui ont été rendues dans ce dossier ces dernières années et veille à respecter scrupuleusement les critères fixés par la directive du 27 novembre 2000 que j’ai déjà mentionnée.
La proposition de loi offre aux écoles de ski réunissant des moniteurs de ski exerçant à titre indépendant la possibilité, et non l’obligation, d’instituer un dispositif de réduction d’activité des moniteurs ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite. La redistribution d’activité résultant de la mise en œuvre de ce dispositif bénéficiera exclusivement aux moniteurs âgés de moins de 30 ans exerçant en continuité sur la saison, pour que l’effort de leurs aînés en leur faveur ne puisse être dilué.
Afin de prévenir tout risque d’abus et d’apporter de solides garanties aux moniteurs seniors, elle plafonne leur réduction d’activité pendant cinq ans au moyen de deux dispositions.
Premièrement, pour les moniteurs ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite et souhaitant poursuivre leur activité, la réduction ne peut excéder, pendant une période initiale de trois années, 30 % de l’activité à laquelle ils pouvaient normalement prétendre en fonction des règles de répartition établies par l’école de ski.
Deuxièmement, pour les moniteurs ayant exercé leur activité durant trois années au-delà de l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite et souhaitant poursuivre leur activité, la réduction ne peut excéder, pendant les deux années suivantes, 50 % de l’activité à laquelle ils pouvaient normalement prétendre en fonction des règles de répartition établies par l’école de ski.
En outre, la proposition de loi prévoit qu’il pourra être fait appel « en tant que de besoin » aux moniteurs ayant exercé leur activité durant cinq années au-delà de l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite et souhaitant poursuivre leur activité.
À l’instar du pacte intergénérationnel de 2012, la proposition de loi prévoit expressément que les moniteurs ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite et souhaitant poursuivre leur activité, ainsi que les moniteurs de moins de 30 ans, bénéficieront d’un nombre d’heures de cours suffisant pour valider au moins deux trimestres d’assurance vieillesse par an dans leur régime de retraite de base.
La proposition de loi réaffirme enfin solennellement que le dispositif ne concernera en aucun cas l’activité des moniteurs sollicités directement ou par l’intermédiaire de leur école de ski à titre personnel par la clientèle, ce qui arrive souvent pour les moniteurs seniors.
Par courrier en date du 2 mai 2014, le Défenseur des droits, dont j’ai souhaité connaître l’avis sur cette proposition de loi, « relève tout d’abord que cette initiative parlementaire permettra de sécuriser ce dispositif en lui conférant une base légale, dans la mesure où l’État est seul compétent pour instituer une différence de traitement fondée sur l’âge, sous réserve que celle-ci soit justifiée par un objectif légitime et que les moyens de réaliser celui-ci soient appropriés et nécessaires.
Par ailleurs, il observe que « l’intégration des jeunes moniteurs est en soi un objectif légitime » et que « le principe d’un encadrement de la réduction d’activité – garantie de pouvoir valider deux trimestres par saison minimum – est de nature à éviter une disproportion excessive aux dépens des moniteurs les plus âgés ».
En conclusion, le Défenseur des droits estime que « le cadre général ainsi défini n’apparaît pas comme caractérisant une discrimination prohibée au regard du droit communautaire et des dispositions nationales dans le domaine de la lutte contre les discriminations ».
Nous attendions cet avis très important, et l’intégralité de la réponse écrite du Défenseur des droits figure d'ailleurs en annexe du rapport de la commission.
Toutefois, le Défenseur des droits, lors de son audition, a souhaité attirer l’attention du Sénat sur un problème connexe que je vais évoquer devant vous aujourd’hui, comme je l’ai fait lors de la réunion de la commission des affaires sociales du 7 mai dernier, même si ce problème ne concerne pas directement la proposition de loi que je viens de vous présenter.
Certains moniteurs de ski, qui ont déjà atteint ou qui vont atteindre dans les années à venir l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite, n’ont pas tous les trimestres nécessaires pour disposer d’une pension de retraite à taux plein et sont fortement incités à poursuivre leur activité jusqu’à un âge avancé pour éviter de subir une décote.
En effet, les cotisations qu’ils ont versées entre 1963, date de mise en place par le Syndicat national des moniteurs du ski français d’un fonds de prévoyance par répartition, et 1978, date de l’obligation légale d’adhésion au régime de base et au régime complémentaire d’assurance vieillesse des professions libérales, ne leur donnent droit à aucun trimestre d’assurance vieillesse.
Aussi la commission des affaires sociales a-t-elle unanimement estimé qu’il serait souhaitable que le Gouvernement étudie, dans le cadre de la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, les conditions dans lesquelles les moniteurs de ski qui n’ont pas encore liquidé leur pension de retraite pourraient faire valider des trimestres supplémentaires en rapport avec l’activité qui a été la leur entre 1963 et 1978.
Mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est le fruit d’un large accord politique à l’Assemblée nationale, comme je l’ai rappelé au début de mon intervention.
Elle mettra fin à l’insécurité juridique qui fragilise, depuis maintenant plusieurs années, le dispositif de solidarité entre générations dont ont bénéficié tant de moniteurs de ski au sein des écoles du ski français.
Elle répond à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, comme les données économiques et démographiques du secteur en attestent. Elle confortera un modèle de régulation de l’activité indispensable à une profession saisonnière, soumise aux aléas de l’enneigement et de la fréquentation touristique, et dont il faut veiller au bon renouvellement, car les moniteurs de ski sont des acteurs incontournables de la vie de nos massifs.
Cette proposition de loi est équilibrée et obéit à une exigence de proportionnalité. Le dispositif qu’elle met en place est approprié et nécessaire pour atteindre l’objectif légitime d’insertion professionnelle des jeunes moniteurs de ski diplômés. En outre, il offre bien plus de garanties aux moniteurs ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite que les versions successives du pacte intergénérationnel du Syndicat national des moniteurs du ski français. Enfin, ce texte a été adopté par la commission à une très forte majorité.
Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, je vous invite à adopter conforme cette proposition de loi issue de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lorsqu’on parle de la montagne, il faut avoir en tête le poids économique que celle-ci représente. Vous l’avez d’ailleurs rappelé, monsieur le secrétaire d’État, et nous vous en remercions.
Selon Panorama du tourisme de la montagne, paru en avril 2013, quelque 55 % des investissements touristiques et 15 % du chiffre d’affaires du tourisme national sont réalisés en montagne. L’investissement touristique en montagne représente près de 5 milliards d’euros par an.
Ce dynamisme repose sur des hommes et des femmes qui travaillent sans relâche pour faire de nos montagnes des régions accueillantes et attractives. Nous devons donc faire en sorte que leurs métiers restent attrayants afin qu’ils continuent à susciter des vocations et qu’ils donnent à de nombreux jeunes l’envie de s’inscrire dans une dynamique de travail en montagne.
J’en viens au sujet qui nous préoccupe aujourd’hui : la profession de moniteur de ski.
L’enseignement professionnel du ski, dans notre pays, a connu un développement unique, fondé sur un principe de coopération des professionnels, et qui se concrétise au sein de chaque station de ski par une organisation collective.
Cette profession s’est construite sur des valeurs fondamentales de solidarité et de partage entre les générations : les Écoles du ski français, les ESF, appliquent un dispositif de réduction d’activité des moniteurs afin de permettre l’accueil des nouvelles générations de formateurs. Près de 17 000 intervenants, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, exercent au sein des Écoles du ski français.
Aujourd’hui, cette profession peut se prévaloir, d’une part, d’intégrer tous les nouveaux diplômés, et ainsi afficher un taux de chômage quasi nul, et, d’autre part, de compter comme moniteurs actifs plus de 50 % des plus de soixante-dix ans et plus de 10 % des plus de quatre-vingts ans. Elle affiche un bilan unique en termes de développement et de notoriété dans le monde.
Cependant, comme M. le rapporteur l’a fort justement rappelé, le fondement de ce principe a été remis en cause par la transposition d’une directive européenne de mai 2008 sur la lutte contre les discriminations, au motif qu’il créait une discrimination entre professionnels en raison de l’âge.
Depuis lors, plusieurs juridictions saisies par des moniteurs de ski ont eu à se pencher sur cette question, ce qui a conduit le Syndicat national des moniteurs du ski français, le SNMSF, à adopter, en 2012, un nouveau pacte intergénérationnel, dit « pacte Chabert ». Ce dernier n’a malheureusement pas empêché de nouveaux recours, sur lesquels la Cour de cassation n’a pas encore statué.
À cet instant, mes chers collègues, permettez-moi de rendre hommage à Gilles Chabert, président du Syndicat national des moniteurs du ski français, les « pulls rouges », qui s’investit considérablement, depuis de nombreuses années, sur tous les sujets concernant les moniteurs et, plus largement, l’enseignement du ski en France.
L’intérêt du texte qui nous est présenté aujourd’hui réside à la fois dans le fait qu’il permet une sécurisation juridique du mécanisme et un encadrement plus progressif de la réduction d’activité des moniteurs de ski ayant atteint l’âge de la retraite.
Afin de démontrer la position consensuelle des élus de la montagne, je rappelle que trois propositions de loi identiques avaient été déposées par des députés, de la majorité comme de l’opposition, pour sécuriser le système en ce sens.
Deux précisions importantes ont été apportées par l’Assemblée nationale. D’une part, rien n’interdit aux moniteurs de ski de continuer à exercer leur profession en dehors de l’ESF, avec une clientèle qu’ils ont constituée au fil des années. D’autre part, la réduction d’activité ne pourra excéder 30 % durant trois ans pour les moniteurs concernés et 50 % les deux années suivantes.
L’objectif de la proposition de loi est donc de faire « rentrer dans l’activité » les nouveaux moniteurs plus facilement et d’accompagner la réduction d’activité des plus anciens.
Le dispositif se résume en trois points. Premièrement, il instaure une réduction plafonnée de la distribution du travail par l’École du ski pour le moniteur ayant l’âge requis pour l’ouverture de ses droits à retraite. Deuxièmement, il prévoit l’intégration du jeune moniteur qui bénéficie du travail du moniteur plus expérimenté. Troisièmement, et enfin, il repose sur la transmission du savoir entre le moniteur expérimenté et le jeune moniteur, dans le cadre d’un tutorat.
Ce pacte intergénérationnel est donc un dispositif simple, offrant la possibilité aux écoles de ski qui le souhaitent et qui en ont besoin de mettre en place un mécanisme de compensation progressive entre les moniteurs en fin de carrière et les débutants. Il permettra de préserver un taux de chômage quasi nul.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cette proposition de loi sans modification, et ce pour deux raisons essentielles : en premier lieu, parce que ce texte, vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, sera rapidement opérationnel ; en second lieu, parce qu’il pourra servir d’exemple dans d’autres domaines ou pour d’autres corporations.
Un contrat tel que le « pacte Chabert » est un cadre adapté à la diversité des situations et il peut constituer un préalable à un cadre législatif efficace. En effet, force est de constater que nous avons trop souvent tendance à légiférer sans avoir au préalable procédé à des expérimentations et jugé de l’efficacité des mesures votées.
Le groupe UMP votera donc ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)