compte rendu intégral
Présidence de Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Secrétaires :
M. Marc Daunis,
Mme Catherine Procaccia.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article L. 119-8 du code de la voirie routière, le rapport d’activité 2012 sur la gestion du réseau autoroutier concédé.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.
3
Modification de l'ordre du jour
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la question n° 606 de Mme Muguette Dini est retirée de l’ordre du jour de la séance du mardi 18 février 2014, à la demande de son auteur, et est remplacée par la question n° 633 de M. Hervé Maurey.
4
Communication de délibérations du conseil régional de la Martinique
Mme la présidente. Par lettre en date du 7 février 2014, le Premier ministre a transmis, avec ses observations, au président du Sénat les délibérations du conseil régional de Martinique en date du 28 juin 2013 demandant, en application des articles L.O. 4435-9 à L.O. 4435-11 du code général des collectivités territoriales, à être habilité par le Parlement, d’une part, à fixer spécifiquement pour son territoire des règles dans le domaine de la formation et de l’orientation dans le but de créer un établissement public à caractère administratif et, d’autre part, à fixer et à adapter spécifiquement pour son territoire des règles dans le domaine de l’emploi.
Ces délibérations ont été transmises aux commissions concernées.
Acte est donné de cette communication.
5
Renvoi pour avis
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale (n° 349, 2013-2014), dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est envoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.
6
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Dassault, pour un rappel au règlement.
M. Serge Dassault. Madame la présidente, compte tenu du faible nombre de collègues présents, je renonce à ce rappel au règlement.
Mme la présidente. Je vous en donne acte, monsieur Dassault.
7
Accueil et habitat des gens du voyage
Suite de la discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe UMP, la suite de la discussion de la proposition de loi visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage, présentée par M. Pierre Hérisson et plusieurs de ses collègues (proposition n° 818 [2012-2013], texte de la commission n° 198, rapport n° 197, avis n° 193).
Je rappelle que nous avions commencé l’examen de cette proposition de loi le 12 décembre dernier.
Dans la discussion des articles du texte de la commission, nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer un article additionnel avant l’article 1er.
Articles additionnels avant l'article 1er (suite)
Mme la présidente. L'amendement n° 55, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l’article 2 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ils prévoient directement ou dans le cadre de la convention prévue à l’alinéa précédent des actions de formation professionnelle continue des agents publics ou privés responsables des aires d’accueil. »
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 2 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage prévoit que les communes de plus de 5 000 habitants tenues de participer à la mise en œuvre du schéma départemental et les établissements publics de coopération intercommunale intéressés chargés d’assurer la gestion de ces aires peuvent soit le faire directement, soit en confier la tâche, par convention, à une personne morale de droit public ou privé.
Le présent amendement vise à professionnaliser davantage le réseau des gestionnaires d’aires d’accueil. En effet, l’expérience montre que les difficultés rencontrées sur une aire d’accueil ont souvent pour origine un trop faible niveau de qualification des agents responsables des aires, qu’ils relèvent du secteur public ou du secteur privé, une absence d’encadrement de proximité ou bien un manque de reconnaissance de leur travail, voire les trois causes réunies.
Il serait donc tout à fait utile de prévoir un cycle de formation initiale ou continue pour tous les agents d’accueil entrant en fonction ou en cours d’exercice dans ces aires d’accueil, car ils ont à gérer une population souvent difficile, il faut bien l’avouer.
Cette formation devrait, par exemple, présenter quelques repères fondamentaux de la culture des gens du voyage, transmettre des informations concernant le cadre juridique et réglementaire en vigueur, permettre d’échanger sur les pratiques des professionnels qui interviennent dans ce domaine et mettre en lumière les conditions d’un dialogue constructif entre « voyageurs » et « gadjé ».
Tout en respectant le principe de la libre administration des collectivités territoriales, il peut être également souhaitable de suivre la recommandation du préfet Hubert Derache, qui suggère de préférer une gestion directe des structures à une gestion déléguée pour assurer une plus grande implication des élus chargés des dossiers au sein de la commune ou de l’intercommunalité concernée.
Voilà le sens de cet amendement important, auquel le groupe socialiste attache beaucoup d’intérêt.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement tend à conforter la professionnalisation de la gestion des aires d’accueil en instituant une obligation de formation professionnelle continue des agents à qui la commune délègue cette responsabilité. La commission y est favorable, de nombreuses auditions ayant mis en évidence l’importance de cette question pour bien organiser localement l’accueil des gens du voyage.
Bien entendu, les situations sont disparates et certains gestionnaires d’aires d’accueil sont tout à fait professionnels et sensibilisés à l’ensemble des problématiques. Toutefois, une formation permettant en outre un échange de pratiques serait bienvenue.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué auprès de la ministre de l'égalité des territoires et du logement, chargé de la ville. Monsieur le sénateur, la formation des personnels qui gèrent les aires d’accueil ou qui les confient par convention à une personne publique ou privée est effectivement une question importante. Une telle mesure est de nature à favoriser une meilleure gestion de ces aires.
Comme vous l’avez souligné, le sujet avait été abordé dans le rapport que le préfet Derache a remis au Gouvernement, qui est favorable à une telle orientation. Néanmoins, la mise en place d’un plan d’action de formation ne semble pas relever d’une initiative législative, c’est pourquoi le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson, auteur de la proposition de loi. J’ai bien compris le sens de cet amendement avec lequel on ne peut, sur le fond, qu’être d’accord. Néanmoins, je rappelle que le député Dominique Raimbourg présente une proposition de loi globale sur le sujet, laquelle reprend d’ailleurs en partie la proposition de loi que j’avais moi-même déposée en 2012. Cet amendement me semblerait donc mieux placé au sein de la proposition de loi de Dominique Raimbourg que dans le texte que nous examinons aujourd'hui, dont j’ai également l’honneur d’être le premier signataire, et qui traite d’un sujet précis.
Si nous ouvrons par anticipation la discussion de cette proposition de loi, pourquoi ne pas examiner aussi tous les amendements s’y rattachant cet après-midi ?
Nous voterons donc contre cet amendement, non pas sur le fond, mais parce qu’il n’est pas à sa place dans ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Mon cher collègue, nous vous avions indiqué lors de la discussion générale, au mois de décembre dernier, que, si une proposition de loi devait être adoptée sur votre initiative, au-delà d’un certain nombre de propositions inopérantes ou de dispositions similaires déjà censurées par le Conseil constitutionnel, elle devrait être équilibrée, c'est-à-dire non pas essentiellement ou exclusivement fondée sur des sanctions, mais susceptible aussi d’envoyer un message d’inclusion aux gens du voyage.
Le texte doit donc à la fois préciser les obligations des communes et les moyens de les respecter, mais aussi leur fournir des outils pour lutter plus facilement contre les occupations illicites de terrains.
Vous ne parviendrez pas à obtenir le vote de ce texte s’il est déséquilibré, raison pour laquelle nous souhaitons avancer dans cette voie.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Lamy, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je n’ai pas participé aux travaux précédents, mais je connais assez bien le sujet important dont nous débattons pour avoir été pendant onze ans maire et président d’une communauté d’agglomération de l’Essonne, département régulièrement traversé par des gens du voyage, à l’occasion soit de simples déplacements de familles ou de grands rassemblements.
Je n’ai jamais pensé, en tant que maire, et encore moins comme membre du Gouvernement, que la question des occupations illégales pouvait être traitée uniquement par le petit bout de la lorgnette. Il ne suffit pas de renforcer le régime de sanctions pour régler le problème. Celui-ci est également lié, vous le savez très bien, à l’application de la loi Besson de 2000, à la gestion des aires d’accueil par les collectivités, à la cohabitation entre les gens du voyage et les riverains ainsi qu’à la scolarisation des enfants. Bref, il s’agit d’un ensemble de problèmes qui ne sauraient être traités de manière partielle et isolés les uns des autres.
Je serais tenté de vous dire, avec tout le respect que je vous dois, que si une proposition de loi n’a pas lieu d’être, pour l’instant, c’est la vôtre ! Nous ne pouvons pas en rester uniquement à la question des sanctions. Il me paraît donc tout à fait logique de poursuivre l’examen d’amendements qui permettront d’améliorer considérablement votre texte.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 1er.
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 9, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I– Au premier alinéa de l’article L. 15-1 du code électoral, les mots : « Les citoyens qui ne peuvent fournir la preuve d’un domicile ou d’une résidence et auxquels la loi n’a pas fixé une commune de rattachement » sont remplacés par les mots : « Les personnes sans domicile stable mentionnées à l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles » et les mots : « code de l’action sociale et des familles » sont remplacés par les mots : « du même code » ;
II. – Au 2 du II de l’article 1647 D du code général des impôts, les mots : « de rattachement » sont remplacés par les mots : « d’élection de domicile, au sens de l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles, » ;
III. – L’article 79 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale est abrogé.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement tire les conséquences des amendements nos 7 et 8. Il a pour objet de faire disparaître des textes existants la notion de « commune de rattachement ».
Mme la présidente. L'amendement n° 49, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 15-1 du code électoral est ainsi modifié :
1° Les mots : « Les citoyens qui ne peuvent fournir la preuve d’un domicile ou d’une résidence et auxquels la loi n’a pas fixé une commune de rattachement » sont remplacés par les mots : « Les personnes sans domicile stable mentionnées à l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles » ;
2° Les mots : « code de l’action sociale et des familles » sont remplacés par les mots : « du même code ».
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Il s’agit d’un amendement de cohérence similaire à celui de Mme Esther Benbassa, bien que mieux écrit. (Sourires.)
Cet amendement répercute dans le code électoral les règles de domiciliation de l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles. Ainsi, les personnes sans domicile stable mentionnées audit article qui ont élu domicile soit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale soit auprès de l’organisme agréé à cet effet sont, sur leur demande, inscrites sur les listes électorales de la commune dont l’adresse figure depuis au moins six mois sur leur carte nationale d’identité ou qui leur a fourni l’attestation d’élection de domicile établissant leur lien avec lui depuis au moins six mois.
Si le Conseil constitutionnel a supprimé la disposition selon laquelle les gens du voyage peuvent s’inscrire dans leur commune de rattachement après trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune, ramenant de ce fait le délai dérogatoire de trois ans au droit commun de six mois, il n’a pas avalisé le dispositif de commune de rattachement avec le seuil de 3 % maximum.
Mme la présidente. L'amendement n° 50 rectifié, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article 613 nonies, les mots : « non soumises au régime des activités ambulantes, prévu par l’article 2 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, » sont supprimés ;
2° Au 2 du II de l’article 1647 D, les mots : « de rattachement » sont remplacés par les mots : « d’élection de domicile, au sens de l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles, ».
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Il s’agit d’un amendement de conséquence visant à répercuter cette fois dans le code général des impôts les règles de domiciliation de l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les trois amendements.
Permettez-moi quelques commentaires personnels.
Ces amendements visaient initialement à tirer les conséquences d’autres amendements de leurs auteurs pour abroger en totalité la loi du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe. À cet égard, il convient de rappeler les conséquences des votes intervenus ici le 12 décembre 2013.
Le titre Ier de la loi de 1969, c’est-à-dire les articles 1er à 6, contenait un certain nombre de dispositions sur l’exercice des activités ambulantes et la délivrance de titres de circulation. Or l’article 1er avait déjà été abrogé en totalité par la loi du 4 août 2008, l’article 5 avait été censuré par le Conseil constitutionnel dans sa décision du QPC du 5 octobre 2012, et les articles 3,4 et 6 modifiés par cette décision.
L’article 7 et la plupart des articles suivants de la loi de 1969 font référence aux dispositions prévues par le titre Ier. Ainsi, aux termes de l’article 7, « toute personne qui sollicite la délivrance d’un titre de circulation prévu aux articles précédents est tenue de faire connaître la commune à laquelle elle souhaite être rattachée ».
Par conséquent, même si le Sénat a refusé d’abroger la totalité de la loi de 1969 – ce que nous sommes un certain nombre à regretter –, les articles rendant possible l’application des articles 7 et suivants de cette loi concernant les titres de circulation n’existent plus. Je rappelle qu’ont été principalement conservées la notion de « commune de rattachement », à l’article 7, et la fixation, à l’article 8, du plafond du nombre de personnes détentrices d’un titre de circulation sans domicile stable rattachées à une commune à 3 % de la population municipale telle qu’elle a été dénombrée au dernier recensement.
Au-delà de ce que l’on peut penser de la non-abrogation de ces deux articles, la question est de savoir comment faire à partir du moment où les dispositions régissant les titres de circulation ne sont plus opérationnelles.
Le rattachement du droit à la domiciliation à l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles me semble une proposition tout à fait opportune. D’ailleurs, le II de l’article 21 du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dit « ALUR », texte actuellement en discussion, complète l’article 102 du code civil pour prévoir que le lieu de l’exercice des droits civils des personnes sans domicile stable est celui où elles ont élu domicile dans les conditions prévues à l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles.
Nous pourrions donc d’ores et déjà tenir compte de l’abrogation partielle de la loi de 1969 et voter l’amendement n° 9 afin de régler les conséquences de la domiciliation, alors même que le projet de loi ALUR prévoit certaines dispositions en la matière.
En revanche, dans la mesure où la navette a vocation à faire prospérer le texte et à l’améliorer, il est clair qu’il faudra se pencher sur le devenir des dispositions restantes de la loi de 1969. À cet égard, il est peut-être prématuré de modifier le code général des impôts.
Par conséquent, mes chers collègues, si la commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements, à titre personnel, je vous invite à voter l’amendement n° 9, mais à ne pas modifier, pour l’instant, le code général des impôts.
En tout état de cause, j’attire votre attention sur le fait que l’abrogation partielle de la loi de 1969 a créé une situation bancale. Par conséquent, les amendements qui nous sont proposés ont tout leur sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. Madame la présidente, je présenterai la position d’ensemble du Gouvernement, qui vaudra donc également pour les amendements nos 28, 30, 46, 47, 48 et 70.
À l’instar de ce qui était prévu dans la proposition de loi déposée par Dominique Raimbourg relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, qui a été enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale en décembre 2013, le Gouvernement est favorable à une modification des règles de domiciliation des gens du voyage qui remplace le régime prévu par la loi de 1969 par un régime reposant sur l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles.
Cet article prévoit en effet que les personnes sans domicile stable « doivent élire domicile soit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale, soit auprès d’un organisme agréé à cet effet ». Ce rattachement leur donne notamment accès aux prestations sociales, à la délivrance d’une carte nationale d’identité ainsi qu’à l’inscription sur les listes électorales.
Un tel changement dans le régime de domiciliation des gens du voyage suppose d’élargir la portée de la domiciliation résultant de l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles, laquelle n’ouvre pas l’accès, en l’état actuel de la législation, à l’ensemble des droits attachés au domicile auxquels les gens du voyage doivent avoir accès.
En outre, il convient de supprimer les dispositions prévoyant des règles spécifiques pour les personnes soumises au régime de la loi de 1969 et de modifier celles qui y font référence.
Enfin, il convient de prévoir des dispositions transitoires réglant la situation des personnes qui, aujourd’hui, se voient appliquer le régime de la loi de 1969 afin d’éviter toute discontinuité dans l’exercice de leurs droits.
Tel est le schéma auquel le Gouvernement entend parvenir.
Le Sénat n’a pas voté l’abrogation des articles 7 à 10 de la loi de 1969, articles relatifs au rattachement. En revanche, il a voté l’abrogation des articles 2, 3, 4 et 6, qui régissent les titres de circulation des gens du voyage. Or il résulte de l’économie générale de la loi de 1969 que les articles 7 à 10 ne sont applicables qu’aux personnes qui détiennent ou sollicitent lesdits titres de circulation.
Si les choses en restaient là, il en résulterait un certain nombre de difficultés. En particulier, deux régimes coexisteraient pour les mêmes personnes, dans bon nombre de domaines : celui de la commune de rattachement prévu par la loi de 1969, qui ne serait applicable qu’aux personnes détentrices d’un titre de circulation à la date d’entrée en vigueur de la loi, et celui de la domiciliation auprès d’un CCAS ou d’un organisme agréé. En outre, l’adoption de dispositions supprimant les renvois à la loi de 1969, que le Gouvernement soutient également dans leur principe et leur objet, pourrait se traduire par des incertitudes.
Enfin, comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, cette réflexion doit être désormais conduite en tenant compte du vote récent des dispositions de l’article 21 de du projet de loi ALUR – la commission mixte paritaire se réunit aujourd’hui même –, qui étend les effets de la domiciliation des personnes sans domicile stable via les CCAS.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson. Je ne voudrais pas être obligé de me répéter à chacun des amendements : monsieur le ministre, pourquoi ne pas attendre l’inscription à l’ordre du jour des assemblées de la proposition de loi de notre collègue député Dominique Raimbourg ? Cette proposition de loi s’inspire notamment de toute la réflexion que j’ai menée avant 2011, avant de déposer une proposition de loi globale relative au statut juridique des gens du voyage et à la sauvegarde du mode de vie de ces personnes qui ont choisi l’itinérance, dans le but de moderniser la loi de juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, dite « loi Besson » ?
Évidemment, on peut toujours prétexter la nécessité d’avoir un texte équilibré, mais nous partons d’une proposition de loi spécifique qui s’efforce d’envoyer un signal et de prévenir le renouvellement des excès et des désordres de cet été en traitant presque exclusivement d’un problème bien précis, celui des grands passages.
S’il s’agit aujourd’hui, avec ces soixante-dix amendements, d’anticiper la proposition de loi Raimbourg, je pense que nous utiliserons les quatre heures dont nous disposons au titre du mois de février, et peut-être celles du mois d’avril, du mois de mai, voire du mois de juin !
Quoi qu’il en soit, j’espère que l’inscription de la proposition de loi de Dominique Raimbourg à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale interviendra le plus rapidement possible pour que l’on puisse entamer une discussion globale sur la problématique de la modernisation de la loi Besson de 2000, dont j’ai l’honneur d’avoir été ici l’un des deux rapporteurs, pour la partie du texte relative à l’urbanisme. Jean-Paul Delevoye, dont le parcours n’est pas à rappeler ici, en était le rapporteur au fond.
Ensemble, avec Louis Besson, nous avons posé les fondations d’un texte qui, pour la première fois dans l’histoire de la République, permettait une abrogation progressive de la loi de 1969.
Il se trouve que les personnes qui ont pris l’initiative de la question prioritaire de constitutionnalité ayant débouché sur la décision du Conseil constitutionnel d’octobre 2012 n’ont pas obtenu satisfaction, puisque leur demande visait l’abrogation totale de la loi de 1969. Il est aberrant aujourd’hui de chercher à bricoler, excusez-moi du terme, la partie abrogée sans tenir compte de la proposition de loi de notre collègue Raimbourg.
Je ne m’en suis jamais caché, je suis et je reste, comme en 2011, favorable à l’abrogation complète de la loi de 1969 afin de pouvoir récrire un certain nombre de dispositions touchant la principale difficulté aujourd’hui, à savoir la question des grands passages. Pour 99 % d’entre eux, ils sont de nature cultuelle, sont organisés sur le territoire sous forme de missions et requièrent des terrains dont la mise à disposition est certes insuffisante, mais qui aujourd’hui doivent faire l’objet d’une prise en compte par l’État au même titre que les grands rassemblements.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. Pierre Hérisson. Vous pouvez écrire et voter tout ce que vous voulez, vous aurez beau dire et beau faire, madame Benbassa, je prétends, depuis 2000, avoir une assez bonne connaissance de ces questions ! En tout cas, il est certain, pardonnez-moi de vous le dire, que j’ai un peu plus de pratique que vous dans ce domaine !
Mme Esther Benbassa. Merci !
M. Pierre Hérisson. Vous apprendrez, par exemple, que les associations concernées désapprouvent entièrement l’action que vous menez depuis votre arrivée au Sénat.
Mme Esther Benbassa. Ce n’est pas ce qu’elles nous ont dit !
M. Pierre Hérisson. Madame Benbassa, merci de bien vouloir me laisser poursuivre ; je ne vous ai pas interrompue et ne vous interromprai jamais.
Mme Cécile Cukierman. Ne troublons pas la sérénité de nos débats !