Sommaire
Présidence de Mme Bariza Khiari
Secrétaires :
M. Marc Daunis, Mme Catherine Procaccia.
2. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
3. Modification de l'ordre du jour
4. Communication de délibérations du conseil régional de la Martinique
M. Serge Dassault, Mme la présidente.
7. Accueil et habitat des gens du voyage. – Suite de la discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Articles additionnels avant l'article 1er (suite)
Amendement n° 55 de M. Jean-Pierre Michel. – MM. Jean-Pierre Michel, Jean-Yves Leconte, rapporteur de la commission des lois ; François Lamy, ministre délégué chargé de la ville ; Pierre Hérisson, auteur de la proposition de loi. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 9 de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa.
Amendement n° 49 de M. Jean-Pierre Michel. – M. Jean-Pierre Michel.
Amendement n° 50 rectifié de M. Jean-Pierre Michel. – M. Jean-Pierre Michel.
MM. le rapporteur, François Lamy, ministre délégué ; Pierre Hérisson, Jean-Pierre Michel, Mmes Esther Benbassa, Nathalie Goulet, MM. André Reichardt, Jacques Mézard, Jean-Claude Carle, Éric Doligé, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. – Adoption de l’amendement n° 9 insérant un article additionnel, les amendements nos 49 et 50 rectifié devenant sans objet.
Amendement n° 28 de Mme Cécile Cukierman. – Mme Cécile Cukierman, MM. le rapporteur, François Lamy, ministre délégué. – Rejet.
Amendement n° 46 de M. Jean-Pierre Michel. – MM. Jean-Pierre Michel, le rapporteur, François Lamy, ministre délégué ; Pierre Hérisson. – Retrait.
Amendement n° 47 de M. Jean-Pierre Michel. – MM. Jean-Pierre Michel, le rapporteur, François Lamy, ministre délégué ; Jacques Mézard, Pierre Hérisson, Philippe Bas. – Retrait.
Amendement n° 48 de M. Jean-Pierre Michel. – M. Jean-Pierre Michel. – Retrait.
Amendement n° 30 de Mme Cécile Cukierman. – Mme Cécile Cukierman. – Retrait.
Amendement n° 51 de M. Jean-Pierre Michel. – MM. Jean-Pierre Michel, le rapporteur, François Lamy, ministre délégué ; Pierre Hérisson. – Retrait.
Amendement n° 36 de Mme Cécile Cukierman. – MM. Michel Le Scouarnec, le rapporteur, François Lamy, ministre délégué ; Mmes Esther Benbassa, Gisèle Printz, MM. Pierre Hérisson, Philippe Bas, Mme Nathalie Goulet, M. Jean-Pierre Michel. – Retrait.
M. le président de la commission.
Amendement n° 37 de Mme Cécile Cukierman. – MM. Christian Favier, le rapporteur, François Lamy, ministre délégué ; Jean-Pierre Michel. – Retrait.
Amendement n° 38 de Mme Cécile Cukierman. – Mme Cécile Cukierman, MM. le rapporteur, Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. – Retrait.
Amendement n° 10 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa.
Amendement n° 3 rectifié bis de M. Antoine Lefèvre. – M. Antoine Lefèvre.
MM. le rapporteur, Alain Vidalies, ministre délégué. – Rejet de l’amendement n° 10 rectifié ; adoption, par scrutin public, de l'amendement n° 3 rectifié bis rétablissant l'article.
Articles additionnels après l'article 1er
Amendement n° 16 de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa, MM. le rapporteur, Alain Vidalies, ministre délégué ; Pierre Hérisson. – Rejet.
Amendement n° 14 de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa, MM. le rapporteur, Alain Vidalies, ministre délégué ; Mme Nathalie Goulet. – Rejet.
Amendement n° 15 de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa.
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
Amendement n° 53 de M. Jean-Pierre Michel. – M. Jean-Pierre Michel.
MM. le rapporteur, Alain Vidalies, ministre délégué. – Rejet de l’amendement n° 15 ; rejet, par scrutin public, de l’amendement n° 53.
Amendement n° 54 rectifié de M. Jean-Pierre Michel. – MM. Jean-Pierre Michel, le rapporteur, Alain Vidalies, ministre délégué ; Mme Nathalie Goulet, M. Jean-Claude Requier, Pierre Hérisson, Philippe Dallier. – Adoption, par scrutin public, de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 56 de M. Jean-Pierre Michel. – MM. Jean-Pierre Michel, le rapporteur, Alain Vidalies, ministre délégué ; Pierre Hérisson, André Reichardt. – Adoption, par scrutin public, de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 18 de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa.
Amendement n° 32 de Mme Cécile Cukierman. – M. Christian Favier.
MM. le rapporteur, Alain Vidalies, ministre délégué ; Mme Nathalie Goulet, MM. André Reichardt, Pierre Hérisson. – Rejet des amendements nos 18 et 32.
Amendement n° 39 de Mme Cécile Cukierman. – M. Christian Favier. – Retrait.
Amendement n° 19 de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa, MM. le rapporteur, Alain Vidalies, ministre délégué ; Jean-Pierre Michel. – Retrait.
Amendement n° 20 de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa, MM. le rapporteur, Alain Vidalies, ministre délégué ; Jean-Pierre Michel. – Rejet.
Amendement n° 4 rectifié de Mme Catherine Troendlé. – M. Antoine Lefèvre.
Amendement n° 58 de M. Jean-Pierre Michel. – M. Jean-Pierre Michel.
Amendement n° 29 de Mme Cécile Cukierman. – Mme Cécile Cukierman.
Amendement n° 57 de M. Jean-Pierre Michel. – M. Jean-Pierre Michel.
MM. le rapporteur, Alain Vidalies, ministre délégué.
M. le président.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
8. Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes
MM. le président, Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes ; François Marc, rapporteur général de la commission des finances ; Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.
compte rendu intégral
Présidence de Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Secrétaires :
M. Marc Daunis,
Mme Catherine Procaccia.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article L. 119-8 du code de la voirie routière, le rapport d’activité 2012 sur la gestion du réseau autoroutier concédé.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.
3
Modification de l'ordre du jour
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la question n° 606 de Mme Muguette Dini est retirée de l’ordre du jour de la séance du mardi 18 février 2014, à la demande de son auteur, et est remplacée par la question n° 633 de M. Hervé Maurey.
4
Communication de délibérations du conseil régional de la Martinique
Mme la présidente. Par lettre en date du 7 février 2014, le Premier ministre a transmis, avec ses observations, au président du Sénat les délibérations du conseil régional de Martinique en date du 28 juin 2013 demandant, en application des articles L.O. 4435-9 à L.O. 4435-11 du code général des collectivités territoriales, à être habilité par le Parlement, d’une part, à fixer spécifiquement pour son territoire des règles dans le domaine de la formation et de l’orientation dans le but de créer un établissement public à caractère administratif et, d’autre part, à fixer et à adapter spécifiquement pour son territoire des règles dans le domaine de l’emploi.
Ces délibérations ont été transmises aux commissions concernées.
Acte est donné de cette communication.
5
Renvoi pour avis
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale (n° 349, 2013-2014), dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est envoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.
6
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Dassault, pour un rappel au règlement.
M. Serge Dassault. Madame la présidente, compte tenu du faible nombre de collègues présents, je renonce à ce rappel au règlement.
Mme la présidente. Je vous en donne acte, monsieur Dassault.
7
Accueil et habitat des gens du voyage
Suite de la discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe UMP, la suite de la discussion de la proposition de loi visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage, présentée par M. Pierre Hérisson et plusieurs de ses collègues (proposition n° 818 [2012-2013], texte de la commission n° 198, rapport n° 197, avis n° 193).
Je rappelle que nous avions commencé l’examen de cette proposition de loi le 12 décembre dernier.
Dans la discussion des articles du texte de la commission, nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer un article additionnel avant l’article 1er.
Articles additionnels avant l'article 1er (suite)
Mme la présidente. L'amendement n° 55, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l’article 2 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ils prévoient directement ou dans le cadre de la convention prévue à l’alinéa précédent des actions de formation professionnelle continue des agents publics ou privés responsables des aires d’accueil. »
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 2 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage prévoit que les communes de plus de 5 000 habitants tenues de participer à la mise en œuvre du schéma départemental et les établissements publics de coopération intercommunale intéressés chargés d’assurer la gestion de ces aires peuvent soit le faire directement, soit en confier la tâche, par convention, à une personne morale de droit public ou privé.
Le présent amendement vise à professionnaliser davantage le réseau des gestionnaires d’aires d’accueil. En effet, l’expérience montre que les difficultés rencontrées sur une aire d’accueil ont souvent pour origine un trop faible niveau de qualification des agents responsables des aires, qu’ils relèvent du secteur public ou du secteur privé, une absence d’encadrement de proximité ou bien un manque de reconnaissance de leur travail, voire les trois causes réunies.
Il serait donc tout à fait utile de prévoir un cycle de formation initiale ou continue pour tous les agents d’accueil entrant en fonction ou en cours d’exercice dans ces aires d’accueil, car ils ont à gérer une population souvent difficile, il faut bien l’avouer.
Cette formation devrait, par exemple, présenter quelques repères fondamentaux de la culture des gens du voyage, transmettre des informations concernant le cadre juridique et réglementaire en vigueur, permettre d’échanger sur les pratiques des professionnels qui interviennent dans ce domaine et mettre en lumière les conditions d’un dialogue constructif entre « voyageurs » et « gadjé ».
Tout en respectant le principe de la libre administration des collectivités territoriales, il peut être également souhaitable de suivre la recommandation du préfet Hubert Derache, qui suggère de préférer une gestion directe des structures à une gestion déléguée pour assurer une plus grande implication des élus chargés des dossiers au sein de la commune ou de l’intercommunalité concernée.
Voilà le sens de cet amendement important, auquel le groupe socialiste attache beaucoup d’intérêt.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement tend à conforter la professionnalisation de la gestion des aires d’accueil en instituant une obligation de formation professionnelle continue des agents à qui la commune délègue cette responsabilité. La commission y est favorable, de nombreuses auditions ayant mis en évidence l’importance de cette question pour bien organiser localement l’accueil des gens du voyage.
Bien entendu, les situations sont disparates et certains gestionnaires d’aires d’accueil sont tout à fait professionnels et sensibilisés à l’ensemble des problématiques. Toutefois, une formation permettant en outre un échange de pratiques serait bienvenue.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué auprès de la ministre de l'égalité des territoires et du logement, chargé de la ville. Monsieur le sénateur, la formation des personnels qui gèrent les aires d’accueil ou qui les confient par convention à une personne publique ou privée est effectivement une question importante. Une telle mesure est de nature à favoriser une meilleure gestion de ces aires.
Comme vous l’avez souligné, le sujet avait été abordé dans le rapport que le préfet Derache a remis au Gouvernement, qui est favorable à une telle orientation. Néanmoins, la mise en place d’un plan d’action de formation ne semble pas relever d’une initiative législative, c’est pourquoi le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson, auteur de la proposition de loi. J’ai bien compris le sens de cet amendement avec lequel on ne peut, sur le fond, qu’être d’accord. Néanmoins, je rappelle que le député Dominique Raimbourg présente une proposition de loi globale sur le sujet, laquelle reprend d’ailleurs en partie la proposition de loi que j’avais moi-même déposée en 2012. Cet amendement me semblerait donc mieux placé au sein de la proposition de loi de Dominique Raimbourg que dans le texte que nous examinons aujourd'hui, dont j’ai également l’honneur d’être le premier signataire, et qui traite d’un sujet précis.
Si nous ouvrons par anticipation la discussion de cette proposition de loi, pourquoi ne pas examiner aussi tous les amendements s’y rattachant cet après-midi ?
Nous voterons donc contre cet amendement, non pas sur le fond, mais parce qu’il n’est pas à sa place dans ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Mon cher collègue, nous vous avions indiqué lors de la discussion générale, au mois de décembre dernier, que, si une proposition de loi devait être adoptée sur votre initiative, au-delà d’un certain nombre de propositions inopérantes ou de dispositions similaires déjà censurées par le Conseil constitutionnel, elle devrait être équilibrée, c'est-à-dire non pas essentiellement ou exclusivement fondée sur des sanctions, mais susceptible aussi d’envoyer un message d’inclusion aux gens du voyage.
Le texte doit donc à la fois préciser les obligations des communes et les moyens de les respecter, mais aussi leur fournir des outils pour lutter plus facilement contre les occupations illicites de terrains.
Vous ne parviendrez pas à obtenir le vote de ce texte s’il est déséquilibré, raison pour laquelle nous souhaitons avancer dans cette voie.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Lamy, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je n’ai pas participé aux travaux précédents, mais je connais assez bien le sujet important dont nous débattons pour avoir été pendant onze ans maire et président d’une communauté d’agglomération de l’Essonne, département régulièrement traversé par des gens du voyage, à l’occasion soit de simples déplacements de familles ou de grands rassemblements.
Je n’ai jamais pensé, en tant que maire, et encore moins comme membre du Gouvernement, que la question des occupations illégales pouvait être traitée uniquement par le petit bout de la lorgnette. Il ne suffit pas de renforcer le régime de sanctions pour régler le problème. Celui-ci est également lié, vous le savez très bien, à l’application de la loi Besson de 2000, à la gestion des aires d’accueil par les collectivités, à la cohabitation entre les gens du voyage et les riverains ainsi qu’à la scolarisation des enfants. Bref, il s’agit d’un ensemble de problèmes qui ne sauraient être traités de manière partielle et isolés les uns des autres.
Je serais tenté de vous dire, avec tout le respect que je vous dois, que si une proposition de loi n’a pas lieu d’être, pour l’instant, c’est la vôtre ! Nous ne pouvons pas en rester uniquement à la question des sanctions. Il me paraît donc tout à fait logique de poursuivre l’examen d’amendements qui permettront d’améliorer considérablement votre texte.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 1er.
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 9, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I– Au premier alinéa de l’article L. 15-1 du code électoral, les mots : « Les citoyens qui ne peuvent fournir la preuve d’un domicile ou d’une résidence et auxquels la loi n’a pas fixé une commune de rattachement » sont remplacés par les mots : « Les personnes sans domicile stable mentionnées à l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles » et les mots : « code de l’action sociale et des familles » sont remplacés par les mots : « du même code » ;
II. – Au 2 du II de l’article 1647 D du code général des impôts, les mots : « de rattachement » sont remplacés par les mots : « d’élection de domicile, au sens de l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles, » ;
III. – L’article 79 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale est abrogé.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement tire les conséquences des amendements nos 7 et 8. Il a pour objet de faire disparaître des textes existants la notion de « commune de rattachement ».
Mme la présidente. L'amendement n° 49, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 15-1 du code électoral est ainsi modifié :
1° Les mots : « Les citoyens qui ne peuvent fournir la preuve d’un domicile ou d’une résidence et auxquels la loi n’a pas fixé une commune de rattachement » sont remplacés par les mots : « Les personnes sans domicile stable mentionnées à l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles » ;
2° Les mots : « code de l’action sociale et des familles » sont remplacés par les mots : « du même code ».
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Il s’agit d’un amendement de cohérence similaire à celui de Mme Esther Benbassa, bien que mieux écrit. (Sourires.)
Cet amendement répercute dans le code électoral les règles de domiciliation de l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles. Ainsi, les personnes sans domicile stable mentionnées audit article qui ont élu domicile soit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale soit auprès de l’organisme agréé à cet effet sont, sur leur demande, inscrites sur les listes électorales de la commune dont l’adresse figure depuis au moins six mois sur leur carte nationale d’identité ou qui leur a fourni l’attestation d’élection de domicile établissant leur lien avec lui depuis au moins six mois.
Si le Conseil constitutionnel a supprimé la disposition selon laquelle les gens du voyage peuvent s’inscrire dans leur commune de rattachement après trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune, ramenant de ce fait le délai dérogatoire de trois ans au droit commun de six mois, il n’a pas avalisé le dispositif de commune de rattachement avec le seuil de 3 % maximum.
Mme la présidente. L'amendement n° 50 rectifié, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article 613 nonies, les mots : « non soumises au régime des activités ambulantes, prévu par l’article 2 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, » sont supprimés ;
2° Au 2 du II de l’article 1647 D, les mots : « de rattachement » sont remplacés par les mots : « d’élection de domicile, au sens de l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles, ».
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Il s’agit d’un amendement de conséquence visant à répercuter cette fois dans le code général des impôts les règles de domiciliation de l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les trois amendements.
Permettez-moi quelques commentaires personnels.
Ces amendements visaient initialement à tirer les conséquences d’autres amendements de leurs auteurs pour abroger en totalité la loi du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe. À cet égard, il convient de rappeler les conséquences des votes intervenus ici le 12 décembre 2013.
Le titre Ier de la loi de 1969, c’est-à-dire les articles 1er à 6, contenait un certain nombre de dispositions sur l’exercice des activités ambulantes et la délivrance de titres de circulation. Or l’article 1er avait déjà été abrogé en totalité par la loi du 4 août 2008, l’article 5 avait été censuré par le Conseil constitutionnel dans sa décision du QPC du 5 octobre 2012, et les articles 3,4 et 6 modifiés par cette décision.
L’article 7 et la plupart des articles suivants de la loi de 1969 font référence aux dispositions prévues par le titre Ier. Ainsi, aux termes de l’article 7, « toute personne qui sollicite la délivrance d’un titre de circulation prévu aux articles précédents est tenue de faire connaître la commune à laquelle elle souhaite être rattachée ».
Par conséquent, même si le Sénat a refusé d’abroger la totalité de la loi de 1969 – ce que nous sommes un certain nombre à regretter –, les articles rendant possible l’application des articles 7 et suivants de cette loi concernant les titres de circulation n’existent plus. Je rappelle qu’ont été principalement conservées la notion de « commune de rattachement », à l’article 7, et la fixation, à l’article 8, du plafond du nombre de personnes détentrices d’un titre de circulation sans domicile stable rattachées à une commune à 3 % de la population municipale telle qu’elle a été dénombrée au dernier recensement.
Au-delà de ce que l’on peut penser de la non-abrogation de ces deux articles, la question est de savoir comment faire à partir du moment où les dispositions régissant les titres de circulation ne sont plus opérationnelles.
Le rattachement du droit à la domiciliation à l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles me semble une proposition tout à fait opportune. D’ailleurs, le II de l’article 21 du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dit « ALUR », texte actuellement en discussion, complète l’article 102 du code civil pour prévoir que le lieu de l’exercice des droits civils des personnes sans domicile stable est celui où elles ont élu domicile dans les conditions prévues à l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles.
Nous pourrions donc d’ores et déjà tenir compte de l’abrogation partielle de la loi de 1969 et voter l’amendement n° 9 afin de régler les conséquences de la domiciliation, alors même que le projet de loi ALUR prévoit certaines dispositions en la matière.
En revanche, dans la mesure où la navette a vocation à faire prospérer le texte et à l’améliorer, il est clair qu’il faudra se pencher sur le devenir des dispositions restantes de la loi de 1969. À cet égard, il est peut-être prématuré de modifier le code général des impôts.
Par conséquent, mes chers collègues, si la commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements, à titre personnel, je vous invite à voter l’amendement n° 9, mais à ne pas modifier, pour l’instant, le code général des impôts.
En tout état de cause, j’attire votre attention sur le fait que l’abrogation partielle de la loi de 1969 a créé une situation bancale. Par conséquent, les amendements qui nous sont proposés ont tout leur sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. Madame la présidente, je présenterai la position d’ensemble du Gouvernement, qui vaudra donc également pour les amendements nos 28, 30, 46, 47, 48 et 70.
À l’instar de ce qui était prévu dans la proposition de loi déposée par Dominique Raimbourg relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, qui a été enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale en décembre 2013, le Gouvernement est favorable à une modification des règles de domiciliation des gens du voyage qui remplace le régime prévu par la loi de 1969 par un régime reposant sur l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles.
Cet article prévoit en effet que les personnes sans domicile stable « doivent élire domicile soit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale, soit auprès d’un organisme agréé à cet effet ». Ce rattachement leur donne notamment accès aux prestations sociales, à la délivrance d’une carte nationale d’identité ainsi qu’à l’inscription sur les listes électorales.
Un tel changement dans le régime de domiciliation des gens du voyage suppose d’élargir la portée de la domiciliation résultant de l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles, laquelle n’ouvre pas l’accès, en l’état actuel de la législation, à l’ensemble des droits attachés au domicile auxquels les gens du voyage doivent avoir accès.
En outre, il convient de supprimer les dispositions prévoyant des règles spécifiques pour les personnes soumises au régime de la loi de 1969 et de modifier celles qui y font référence.
Enfin, il convient de prévoir des dispositions transitoires réglant la situation des personnes qui, aujourd’hui, se voient appliquer le régime de la loi de 1969 afin d’éviter toute discontinuité dans l’exercice de leurs droits.
Tel est le schéma auquel le Gouvernement entend parvenir.
Le Sénat n’a pas voté l’abrogation des articles 7 à 10 de la loi de 1969, articles relatifs au rattachement. En revanche, il a voté l’abrogation des articles 2, 3, 4 et 6, qui régissent les titres de circulation des gens du voyage. Or il résulte de l’économie générale de la loi de 1969 que les articles 7 à 10 ne sont applicables qu’aux personnes qui détiennent ou sollicitent lesdits titres de circulation.
Si les choses en restaient là, il en résulterait un certain nombre de difficultés. En particulier, deux régimes coexisteraient pour les mêmes personnes, dans bon nombre de domaines : celui de la commune de rattachement prévu par la loi de 1969, qui ne serait applicable qu’aux personnes détentrices d’un titre de circulation à la date d’entrée en vigueur de la loi, et celui de la domiciliation auprès d’un CCAS ou d’un organisme agréé. En outre, l’adoption de dispositions supprimant les renvois à la loi de 1969, que le Gouvernement soutient également dans leur principe et leur objet, pourrait se traduire par des incertitudes.
Enfin, comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, cette réflexion doit être désormais conduite en tenant compte du vote récent des dispositions de l’article 21 de du projet de loi ALUR – la commission mixte paritaire se réunit aujourd’hui même –, qui étend les effets de la domiciliation des personnes sans domicile stable via les CCAS.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson. Je ne voudrais pas être obligé de me répéter à chacun des amendements : monsieur le ministre, pourquoi ne pas attendre l’inscription à l’ordre du jour des assemblées de la proposition de loi de notre collègue député Dominique Raimbourg ? Cette proposition de loi s’inspire notamment de toute la réflexion que j’ai menée avant 2011, avant de déposer une proposition de loi globale relative au statut juridique des gens du voyage et à la sauvegarde du mode de vie de ces personnes qui ont choisi l’itinérance, dans le but de moderniser la loi de juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, dite « loi Besson » ?
Évidemment, on peut toujours prétexter la nécessité d’avoir un texte équilibré, mais nous partons d’une proposition de loi spécifique qui s’efforce d’envoyer un signal et de prévenir le renouvellement des excès et des désordres de cet été en traitant presque exclusivement d’un problème bien précis, celui des grands passages.
S’il s’agit aujourd’hui, avec ces soixante-dix amendements, d’anticiper la proposition de loi Raimbourg, je pense que nous utiliserons les quatre heures dont nous disposons au titre du mois de février, et peut-être celles du mois d’avril, du mois de mai, voire du mois de juin !
Quoi qu’il en soit, j’espère que l’inscription de la proposition de loi de Dominique Raimbourg à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale interviendra le plus rapidement possible pour que l’on puisse entamer une discussion globale sur la problématique de la modernisation de la loi Besson de 2000, dont j’ai l’honneur d’avoir été ici l’un des deux rapporteurs, pour la partie du texte relative à l’urbanisme. Jean-Paul Delevoye, dont le parcours n’est pas à rappeler ici, en était le rapporteur au fond.
Ensemble, avec Louis Besson, nous avons posé les fondations d’un texte qui, pour la première fois dans l’histoire de la République, permettait une abrogation progressive de la loi de 1969.
Il se trouve que les personnes qui ont pris l’initiative de la question prioritaire de constitutionnalité ayant débouché sur la décision du Conseil constitutionnel d’octobre 2012 n’ont pas obtenu satisfaction, puisque leur demande visait l’abrogation totale de la loi de 1969. Il est aberrant aujourd’hui de chercher à bricoler, excusez-moi du terme, la partie abrogée sans tenir compte de la proposition de loi de notre collègue Raimbourg.
Je ne m’en suis jamais caché, je suis et je reste, comme en 2011, favorable à l’abrogation complète de la loi de 1969 afin de pouvoir récrire un certain nombre de dispositions touchant la principale difficulté aujourd’hui, à savoir la question des grands passages. Pour 99 % d’entre eux, ils sont de nature cultuelle, sont organisés sur le territoire sous forme de missions et requièrent des terrains dont la mise à disposition est certes insuffisante, mais qui aujourd’hui doivent faire l’objet d’une prise en compte par l’État au même titre que les grands rassemblements.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. Pierre Hérisson. Vous pouvez écrire et voter tout ce que vous voulez, vous aurez beau dire et beau faire, madame Benbassa, je prétends, depuis 2000, avoir une assez bonne connaissance de ces questions ! En tout cas, il est certain, pardonnez-moi de vous le dire, que j’ai un peu plus de pratique que vous dans ce domaine !
Mme Esther Benbassa. Merci !
M. Pierre Hérisson. Vous apprendrez, par exemple, que les associations concernées désapprouvent entièrement l’action que vous menez depuis votre arrivée au Sénat.
Mme Esther Benbassa. Ce n’est pas ce qu’elles nous ont dit !
M. Pierre Hérisson. Madame Benbassa, merci de bien vouloir me laisser poursuivre ; je ne vous ai pas interrompue et ne vous interromprai jamais.
Mme Cécile Cukierman. Ne troublons pas la sérénité de nos débats !
M. Pierre Hérisson. Je vous dis simplement que nous ne pouvons pas continuer l’examen du présent texte amendement par amendement sans considération pour une proposition de loi que vous risquez même de dénaturer.
À la place de Dominique Raimbourg, je serais très mécontent de ce qui se passe cet après-midi dans cette enceinte, parce que l’on est en train d’anticiper et de dénaturer un texte sur lequel il a beaucoup travaillé et consulté et pour lequel il a repris une partie de mon propre travail, ce dont je suis assez fier.
Monsieur le ministre, je pense que la concertation que nous avons menée avec Dominique Raimbourg sur ce sujet depuis maintenant une dizaine d’années mérite que l’on attende quelques semaines, voire quelques mois, afin de pouvoir examiner un texte global, sans nous lancer dans l’examen d’amendements qui, certes, peuvent présenter un intérêt, mais qui dénaturent complètement le texte de Dominique Raimbourg ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.– Protestations sur les travées du groupe écologiste.)
Mme Esther Benbassa. En ce cas, tous nos débats sont inutiles et nous pouvons quitter l’hémicycle !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Je remercie d’abord le Gouvernement d’avoir émis un avis favorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Il s’agit d’un avis de sagesse, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Michel. À mes yeux, sur ces amendements, un avis de sagesse équivaut à un avis favorable. (Exclamations amusées.)
M. André Reichardt. De tels propos dans la bouche d’un magistrat, c’est tout de même incroyable !
M. Jean-Pierre Michel. Le Sénat est une assemblée de sages ; par conséquent, monsieur le ministre, si vous vous en remettez à notre sagesse sur ces amendements, le vote ne pourra être que positif ; en revanche, si vous vous en remettez à la sagesse de l’Assemblée nationale sur la même question, l’issue du vote pourra être différente… (Sourires.)
M. Jean-Claude Carle. L’Assemblée nationale a retoqué le texte !
M. André Reichardt. C’est oui ou c’est non !
M. Jean-Pierre Michel. Mais revenons aux choses sérieuses.
J’entends les doléances de notre collègue Pierre Hérisson : il est vrai que, sur ce sujet important, nous délibérons dans des conditions difficiles, puisque le temps imparti à la discussion des propositions de loi est de quatre heures et que ce délai ne permet pas toujours d’achever l’examen du texte, de sorte qu’il est reporté quelques mois plus tard et que, reprenant la discussion au milieu du texte, on oublie ce qui a été dit sur la première moitié.
Tout cela est juste, mais, chers collègues de l’UMP, c’est vous qui avez réinscrit cette proposition de loi à l’ordre du jour (Exclamations sur les travées de l'UMP.) ; par conséquent, si vous n’êtes pas contents, vous n’avez qu’à la retirer ! (Protestations sur les mêmes travées.)
Mme Esther Benbassa. Voilà !
M. Jean-Pierre Leleux. Non, mais !...
M. Jean-Pierre Michel. Alors, pas de grands discours hypocrites ! À deux mois des élections municipales, nous savons bien ce que vous voulez faire ici : de la propagande, c’est tout, et pas du tout un travail juridique ! (Nouvelles protestations.)
Si vous jugez que l’on ne peut pas légiférer dans ces conditions, nous en sommes d’accord, mais alors retirez de l’ordre du jour cette proposition de loi et passons à autre chose !
Mme Esther Benbassa. Voilà !
M. Jean-Pierre Michel. Si tel n’est pas le cas, je demande à ce que l’on passe au vote sur les trois amendements qui viennent d’être présentés !
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Je suis d’accord avec Jean-Pierre Michel.
Il est certain que vous connaissez mieux les gens du voyage que moi, monsieur Hérisson, mais vous les pénalisez ! Qui aime bien châtie bien, dit-on… Bravo !
Encore une fois, ne sachant rien des gens du voyage, mais les ayant auditionnés longuement, je vous conseille de retirer votre texte. C’est la deuxième fois que nous en débattons et nous ne savons toujours pas clairement quelle est votre position ! Devra-t-on y revenir une troisième fois ?
Soit nous passons au vote des amendements, soit vous retirez votre proposition de loi. Il faut trouver une solution. Vous êtes dans une posture électoraliste, monsieur Hérisson, vous le savez bien. J’ai lu vos écrits sur la question, lesquels étaient bien différents de vos propos d’aujourd’hui. Je ne sais pas ce qui vous arrive à l’approche des élections… Je m’étonne de ce double langage sur les gens du voyage. (Mme Hélène Lipietz et M. Jean-Pierre Michel applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Nous suivrons l’avis de Pierre Hérisson, qui fait autorité sur cette question, et depuis longtemps. Je n’oublie pas qu’il est venu soutenir des cas difficiles dans mon département.
Par ailleurs, si je ne connais pas très bien le sujet, je remarque que les amendements déposés sur ce texte sont majoritairement communistes, socialistes et écologistes. Cela témoigne de vos difficultés avec ce texte, chers collègues... (M. Jean-Pierre Michel proteste.)
Nous voterons avec le groupe UMP sur ce dossier.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je ne voulais pas intervenir, mais la tournure que prennent les débats m’y oblige.
De quoi s’agit-il ? Dans le cadre d’une niche parlementaire UMP dont la durée est encadrée, nous demandons au Sénat de voter une proposition de loi visant à renforcer des sanctions que nous estimons absolument indispensables au regard – M. Hérisson l’a rappelé – des débordements observés l’été dernier lors de grands rassemblements.
Monsieur Michel, il ne s’agit pas de retirer ce texte ni de poser le problème dans sa globalité à travers plus de soixante-dix amendements dont on sait qu’ils ne pourront être examinés dans les quatre heures dévolues à cette niche, d’autant qu’un deuxième point est inscrit à l’ordre du jour. Je ne peux accepter cette façon de procéder !
Vous votez oui, vous votez non, et puis voilà ! Il suffit de nous dire si vous voulez ou non renforcer les sanctions à l’encontre des contrevenants. C’est aussi simple que cela !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je n’avais pas non plus prévu d’intervenir, mais il s’agit d’un problème important et qui revient périodiquement. En tant que président d’une communauté d’agglomération qui a cette compétence, je m’occupe de ce dossier depuis de très nombreuses années. Alors, les discours électoralistes ou démagogiques, il faut les rentrer dans la poche !
Après les élections municipales, ce sera l’été. Nous assisterons alors à un certain nombre de débordements et de comportements devenus intolérables pour nombre de nos concitoyens, insupportables pour des milliers d’élus et allant à l’encontre de la défense et de l’intérêt des gens du voyage eux-mêmes.
M. André Reichardt. Tout à fait !
M. Jacques Mézard. Voilà la réalité !
Je préside une agglomération qui, pour s’être scrupuleusement mise en conformité avec les exigences de la loi – cela a d’ailleurs coûté cher –, compte des aires d’accueil et une aire de grand passage. Or que constatons-nous ? Malgré le respect de ces obligations légales par la collectivité, nous n’arrivons pas à faire respecter la loi par une partie des gens du voyage. Certains ne posent jamais de problèmes, d’autres en posent systématiquement.
M. André Reichardt. Absolument !
M. Jacques Mézard. Et, bien que nous ayons rempli nos obligations légales, monsieur le ministre, nous n’arrivons pas plus à obtenir des forces de l’ordre ni, bien souvent, des autorités préfectorales les concours et décisions nécessaires à la mise en œuvre de la loi. Vous pouvez vous abriter derrière toutes les grandes déclarations dont on a l’habitude, la réalité de terrain, c’est celle-là !
Que vous ayez une politique différente envers les collectivités qui ne respectent pas la loi, qui n’ont pas réalisé d’aménagements, qui ne se sont pas dotées d’aires de grand passage, j’en suis tout à fait d’accord. Tant pis pour elles ! Mais donnez au moins des instructions pour que la loi soit respectée à l’égard de celles des collectivités qui ont rempli leurs obligations ! Or, je suis au regret de vous le dire, vous ne le faites pas ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Carle. Je voudrais simplement rappeler à notre collègue Jean-Pierre Michel que la commission a modifié le texte initial de la proposition de loi, et ce en totale contradiction avec le gentlemen’s agreement reconnu par le président du Sénat en conférence des présidents selon lequel le texte étudié et débattu en séance doit être celui qu’a déposé initialement le groupe parlementaire.
Ce n’est plus le cas aujourd’hui, je le regrette. Nous avons bien compris les raisons qui vous amènent à faire durer l’examen de ce texte : éviter que nous ne le votions avant les échéances électorales. C’est une évidence !
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Comme l’a dit M. Mézard, si l’on attend les échéances électorales, on ne traitera jamais du sujet ! Après l’été, viendront les cantonales et les régionales, puis encore d’autres élections…
Nous avons à régler un problème très concret que le président de la commission des lois connaît aussi bien que moi : nous avons rencontré M. Valls il y a peu pour évoquer la question des très grands rassemblements – plusieurs milliers de caravanes – qui entraînent en permanence de grands passages. Si nous ne sommes pas en mesure de régler ce problème précis, comment parvenir à résoudre la question dans sa globalité plus tard ? Si l’État ne prend pas ses responsabilités, nous n’en sortirons pas !
En l’espèce, nous demandons simplement que les textes puissent être appliqués et qu’un certain nombre de dispositions urgentes soient prises.
Sur la procédure, j’ai connu la même mésaventure dans le cadre d’une niche parlementaire,…
M. André Reichardt. Les normes !
M. Éric Doligé. … lors de l’examen de ma proposition de loi relative à la simplification des normes applicables aux collectivités locales.
Je suis ravi que mon texte ait finalement pu franchir différentes étapes, au bout d’un certain temps. Toujours est-il que tout avait été entrepris au départ pour le bloquer et faire en sorte qu’il ne puisse être examiné dans le temps imparti. La même technique est ici à l’œuvre.
De deux choses l’une : soit il s’agit d’une volonté politique, auquel cas ce n’est plus la peine de déposer des propositions de loi, soit on laisse à l’opposition la liberté de proposer des textes dans un cadre démocratique, libre à vous ensuite de les voter ou non, puisque vous êtes majoritaires, chers collègues.
Mais le problème est peut-être précisément ici : un certain nombre des textes que nous proposons reçoivent un écho favorable au sein de la majorité et c’est la raison pour laquelle nous assistons à ce sabotage des textes, que je regrette infiniment. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Puisque personne n’avait prévu de prendre la parole, mais que tout le monde la prend, je vais suivre l’exemple de mes collègues. (Sourires.)
Je crois tout d’abord important de conserver la sérénité ayant présidé à nos échanges de décembre dernier.
Je voudrais ensuite rappeler que nous devons nous garder, quel que soit le texte que nous examinons, de toute stigmatisation à l’encontre d’une catégorie de population. C’est la raison pour laquelle nous avions dit, en décembre dernier, lors de la discussion générale, que nous ne nous retrouvions pas dans cette proposition de loi.
J’entends ce qui se dit sur le fait que la loi n’est pas toujours respectée, notamment par une minorité. Nous en avons déjà discuté en décembre dernier : renforcer les sanctions ne réglera pas le problème du respect de la loi, dans ce domaine comme dans les autres.
Période électorale ou pas, la majorité et l’opposition échangent sur cette question. Je tiens à rassurer Mme Goulet : le fait que, pour une fois, les groupes écologiste, socialiste et communiste aient déposé des amendements allant dans le même sens ramène un petit peu de réalisme dans les équilibres politiques traditionnels de notre République. (Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.)
M. André Reichardt. Cela n’a rien à voir !
Mme Cécile Cukierman. Finalement, nous retrouvons l’ordre des choses…
Nous pouvons en discuter tout l’après-midi, ce que nous vivons aujourd’hui a déjà eu lieu et se répétera sur d’autres textes : nous avons trop dérogé au modus vivendi élaboré pour le fonctionnement des niches parlementaires. Je songe, par exemple, au fait de déposer une proposition de loi puis de voter un renvoi en commission. À quelques semaines des élections, on peut parler d’électoralisme !
Nous devons tout remettre à plat et réviser le règlement du Sénat. Notre groupe est prêt à formuler des propositions pour que le pluralisme et l’initiative législative puissent réellement exister et avoir la portée qu’ils méritent.
Si vous souhaitez en discuter, nous répondrons « présent ». Pour l’heure, mes chers collègues, je propose que nous en revenions à ce qui nous rassemble cet après-midi dans cet hémicycle, mais également à ce qui nous divise sur le fond, c’est-à-dire à l’examen de la proposition de loi de nos collègues de l’UMP.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Je trouve votre intervention assez hallucinante, monsieur Hérisson,…
M. Pierre Hérisson. Apparemment, elle a beaucoup plu !
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. … tout comme celles de vos collègues qui l’ont suivie. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Je rappelle que nous traitons de quelques amendements ayant simplement pour objet de savoir quelles conséquences tirer des votes du Sénat – votes auxquels vous avez participé – du mois de décembre dernier.
Nous aurions pu, compte tenu de votre grande compétence sur le sujet, vous entendre sur cette question précise. Or rien du tout ! Plusieurs membres de votre groupe politique ont parlé, recommençant une discussion générale, dans le seul but de faire durer les débats.
M. Pierre Hérisson. C’est vous qui êtes en train de le faire !
M. Jean-Claude Carle. Qui a déposé tous ces amendements ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Si vous souhaitez aller au fond des choses, permettez-nous de travailler précisément sur les amendements et faites-nous le plaisir de partager votre connaissance de la question de la domiciliation plutôt que de rouvrir une discussion générale.
Mais vous l’avez dit, il ne s’agit pas de faire la loi, il s’agit d’envoyer un signal. Or, quand il s’agit d’envoyer un signal, l’important, ce n’est pas de résoudre le problème, c’est de taper ! (Exclamations renouvelées sur les mêmes travées.)
M. André Reichardt. Il ne s’agit pas de cela !
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Mais ce n’est pas en tapant que l’on trouve la solution ! La solution ne peut être que globale.
C’est la raison pour laquelle la commission a proposé d’apporter un certain nombre de modifications à votre texte. Je partage totalement les propos du président Mézard : il s'agit d’un vrai problème de respect de la loi et des principes républicains, un certain nombre d’occupations illicites ne pouvant être sanctionnées. C’est évident ! Toutefois, la discussion générale l’a clairement montré, nous devons examiner le problème de manière globale.
Mais, après vous avoir reproché de faire durer les débats, je ne vais pas faire la même chose ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Carle. Un peu, quand même ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler dans le détail ce que vous nous avez signalé lors des auditions préalables, à savoir que plusieurs des dispositions de votre proposition de loi initiale sont en décalage avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Vous avez l’ambition d’envoyer un signal, non de résoudre le problème, ce qui est autrement compliqué. C’est la raison pour laquelle des amendements un peu plus techniques, qui méritent d’être examinés, ont été déposés. Il s’agit non pas simplement d’exprimer sa préoccupation et de dénoncer un scandale. Ici, on ne fait pas de communiqués de presse, on fait la loi ! Cela signifie que l’on doit prendre les choses globalement.
Vous l’avez dit lors des auditions, j’aurais aimé que vous le répétiez aujourd’hui, un certain nombre de dispositions de votre proposition de loi initiale ne conviennent pas.
Mais, mon cher collègue, puisque la question est urgente, reprenons le fil de notre débat d’amendement sans plus tarder et tirons les conséquences du vote du Sénat du mois de décembre.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je tenais à intervenir, de manière succincte, sur deux points : la procédure et le fond.
Premièrement, nous sommes confrontés à une question de procédure récurrente. Il est clair qu’il y a contradiction entre le principe même d’un temps réservé et le droit d’amendement. (M. Jean-Claude Carle marque son approbation.)
M. Pierre Hérisson. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En effet, sur tout projet ou toute proposition de loi, quels qu’ils soient, d’ailleurs, le droit d’amendement est imprescriptible. Ce droit, nous le défendons tous, et nous avons raison de le faire.
À mon sens, la solution consisterait à accorder plus de temps aux propositions de loi, afin qu’elles puissent aller jusqu’à leur terme, et qu’elles ne fassent pas l’objet de débats confinés dans des temps réservés. Cela pourrait se faire au détriment de ce que l’on appelle les « semaines de contrôle », qui, certes, donnent lieu à un certain nombre de débats très intéressants, mais ressortissent parfois à ce que d’aucuns pourraient qualifier de « remplissage ».
M. Éric Doligé. Il faut le dire à Jean-Pierre Bel, il est président du Sénat !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Certes, mais, mon cher collègue, pour changer cette situation, il faut désormais réviser la Constitution !
M. Pierre Hérisson. Très bien ! Il y a longtemps que nous ne sommes pas allés à Versailles ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est donc une question qui donnera lieu à quelques débats entre nous ! Le président Bel, puisque vous parlez de lui, a d’ailleurs pris l’initiative de nous consulter très prochainement sur ce sujet.
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mais cette contradiction, j’y reviens, est inhérente à nos travaux. On ne peut pas reprocher aux parlementaires, quel que soit leur camp, de faire usage du droit d’amendement : ce serait nous détruire nous-mêmes !
Je remarque que de nombreuses propositions de loi, émanant de divers groupes politiques, ont été votées dans le cadre du temps réservé. Pourtant, je le signale à M. le ministre, quelques-unes d’entre elles sont en souffrance à l’Assemblée nationale. Je pense notamment à la proposition de loi votée à l’unanimité par le Sénat et tendant à modifier l’article 689-11 du code de procédure pénale, relatif à la compétence territoriale du juge français concernant les infractions visées par le statut de la Cour pénale internationale.
Je pense également à la proposition de loi rédigée par Jacqueline Gourault et moi-même à la suite des états généraux du Sénat, et visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat.
M. Antoine Lefèvre. Eh oui, on l’attend toujours !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cette proposition de loi compte un certain nombre de dispositions ayant trait aux premières semaines – voire à la première séance ! – des conseils municipaux.
Mme Nathalie Goulet. C’est la charte de l’élu local !
M. André Reichardt. Eh oui, la charte de l’élu local !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Elle s’attache, par exemple, aux questions relatives à l’indemnité ou à l’exercice concret des fonctions électives.
Cette proposition de loi a été adoptée deux fois au Sénat et une fois à l’Assemblée nationale ! Il suffirait donc de l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour qu’elle puisse s’appliquer.
M. Antoine Lefèvre. Cela devient urgent !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Personne ne comprendrait qu’elle ne soit pas en vigueur lors de l’installation des prochains conseils municipaux.
M. Éric Doligé. Que fait le Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. J’en viens, deuxièmement, au fond du débat.
M. Hérisson, dont chacun connaît et salue la connaissance du sujet, ce que je fais à mon tour, est venu dans le département dont je suis élu. Nous avons eu l’occasion d’aller sur les lieux d’un grand rassemblement, à la rencontre des gens du voyage.
La question des grands rassemblements se pose, en effet. Éric Doligé l’a indiqué à juste titre, nous avons été reçus par Manuel Valls en janvier dernier. À cette occasion, le ministre de l’intérieur a pris l’engagement clair et public que les prochains rassemblements d’été n’auraient pas lieu sur le terrain de Nevoy, le département du Loiret accueillant déjà un autre grand rassemblement annuel, au printemps. Demander à la même commune d’accueillir un grand rassemblement deux ou trois mois après, c’est en effet placer les élus et leurs administrés dans des situations extrêmement difficiles.
Je tiens donc à remercier publiquement M. le ministre de l’intérieur pour son engagement, qui aura cependant une conséquence : l’État, et lui seul, devra exercer son pouvoir régalien pour choisir, une fois pour toutes, deux ou trois terrains susceptibles d’accueillir les grands rassemblements sur le territoire national. Il n’y a pas d’autres solutions. Il y aura, de toute façon, des pressions, des protestations, des remarques ; mais cela fait partie de l’exercice de la fonction régalienne de l’État, et je suis persuadé que la promesse sera tenue.
De même, je tiens à donner acte à M. le rapporteur de la modification en commission de l’article 6 de la présente proposition de loi. Cet article prévoit désormais d’affermir le pouvoir régalien de l’État en matière de grands passages, qui sont souvent la conséquence des grands rassemblements. Cette disposition me semble absolument nécessaire. Nous sommes pour la décentralisation, mais il y a des sujets pour lesquels l’État républicain doit prendre toutes ses responsabilités.
Je tenais donc à rappeler la position du ministère de l’intérieur sur ce sujet. Il me paraît sage, je le souligne, que des dispositions claires, allant dans le sens que je viens d’indiquer, soient votées : si ce texte n’était pas adopté, ses dispositions figureraient, je suppose, dans une loi future, une loi dont on nous parle bien qu’elle ne figure pas à l’ordre du jour des assemblées.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Lamy, ministre délégué. Monsieur Hérisson, d’après ce que je comprends, vous souhaitez légiférer dans l’urgence sur un problème dont, d’ailleurs, personne ne nie l’importance. M. le président de la commission des lois l’a rappelé, vous avez été reçu par le ministre de l’intérieur, qui connaît bien ces sujets et qui, me semble-t-il, n’a en rien contesté la nécessité de régler cette question.
Mais, là encore, la méthode du Gouvernement change peut-être de celle pratiquée ces dernières années, quand chaque problème urgent devait trouver sa solution dans une loi elle-même urgente, sans que personne ne se préoccupe de savoir si ces dispositions étaient applicables et si elles prenaient bien en compte la globalité du problème.
Monsieur le sénateur, vous en êtes bien conscient : le Gouvernement, lui, et notamment le ministre de l’intérieur et la ministre de l’égalité des territoires et du logement, entend apporter une solution globale à ce problème.
La question de l’accueil des gens du voyage, qu’il s’agisse de petits ou de grands rassemblements, ne doit pas être détachée de l’autre question posée ici, à savoir le fait que toutes les collectivités territoriales ne remplissent pas leurs obligations légales. Dès lors, si le Gouvernement n’a aucun problème avec l’idée de renforcer les pouvoirs des maires qui respectent la loi, pour leur permettre d’aller plus vite, cette question ne peut qu’être réglée dans un dans un texte global et équilibré.
Telle la position du Gouvernement, qui ne s’inscrit pas dans l’urgence électorale. J’ai bien conscience de me trouver dans une assemblée de sages, mais de sages qui font de la politique, et dont on comprend bien que, en cette période un peu particulière, ils veuillent envoyer quelques signaux sur un sujet sensible ! (Sourires.)
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’amendement n° 9, j’indique que j’ai été saisie de deux demandes de scrutin public.
M. Jean-Pierre Michel. Je demande la parole.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel. (M. Pierre Hérisson proteste.)
M. Jean-Pierre Michel. Madame la présidente, nous retirons la demande de scrutin public dont nous vous avions saisie pour le vote de l’amendement n° 9. Nous ne voudrions pas que l’opposition nous accuse de faire traîner en longueur les débats !
Mme Esther Benbassa. Nous faisons de même, madame la présidente !
Mme la présidente. Je prends acte du retrait des demandes de scrutin public formulées, sur l’amendement n° 9, par les groupes socialiste et écologiste.
Je mets aux voix l’amendement n° 9.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er, et les amendements nos 49 et 50 rectifié n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 28, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À l’article 79 de la loi n° 2002–73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, les mots : « Par dérogation aux dispositions de l’article 10 de la loi n° 69–3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, » sont supprimés ;
II. – Au cinquième alinéa de l’article L. 131–3 du code de l’éducation, les mots : « , pour l’application de la loi n° 69–3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, » sont supprimés ;
III. – À l’article L. 552–5 du code de la sécurité sociale, les mots : « pour l’application de la loi n° 69–3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, » sont supprimés ;
IV. – À l’article 613 decies du code général des impôts, les mots : « prévue par l’article 2 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, » sont supprimés.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec l’amendement n° 27, lequel visait à abroger la loi du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe. L’état d’esprit est ici le même : il s’agit d’éviter les amalgames.
Malheureusement, l’amendement n° 27 a été rejeté le 12 décembre dernier en séance publique. Nous le déplorons, car cela fait plusieurs siècles qu’il existe en France un régime spécifique pour ceux que l’on appelle aujourd’hui les « gens du voyage ».
Il aurait été opportun de profiter de ce débat public pour envoyer un message fort aux personnes concernées. Les réglementations françaises successives, propres aux gens du voyage, ne se sont pas contentées de singulariser des citoyens français qui ont simplement choisi un mode de vie différent : elles ont, au fil du temps, créé des outils pour contrôler leurs mouvements et leurs activités, avec des sanctions et amendes spécifiques en cas de manquement. Elles ont également abouti à la mise en place des titres de circulation, dont nous avons débattu précédemment.
Fortement décriée par les associations comme par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale, ou encore la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la loi de 1969 doit être abrogée, afin que le droit commun s’applique à tous de la même manière.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, pour des raisons à peu près identiques à celles qu’elle a formulées sur l’amendement n° 50 rectifié, lequel a été présenté, de manière un peu audacieuse, comme n’ayant plus d’objet par Mme la présidente, alors qu’il traitait de dispositions du code général des impôts un peu différentes de celle que tendait à modifier l’amendement n° 9.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, je vous confirme que les amendements nos 9 et 50 rectifié n’étaient pas compatibles.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. À titre personnel, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de tout régler d’un coup. Nous avons déjà indiqué que la loi de 1969 n’avait pas été totalement abrogée et qu’un travail de fond devait être mené sur les conséquences de cette abrogation partielle. Dès lors, je propose que nous continuions à en discuter, plutôt que de prendre une décision sur-le-champ.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. J’ai déjà donné la position du Gouvernement sur cette série d’amendements, et je ne m’étendrai donc pas sur l’amendement n° 28 en particulier.
J’indique seulement que le Gouvernement partage l’objectif des auteurs du présent amendement, qui tend à supprimer les règles, prévues par la loi de 1969, appliquées spécifiquement aux gens du voyage en vertu du régime de la commune de rattachement et à supprimer les références qui y sont faites.
Cependant, comme je le signalais voilà un instant à M. Hérisson, cette réflexion doit s’inscrire dans un ensemble cohérent, qui offre aux gens du voyage une domiciliation leur permettant d’exercer l’ensemble de leurs droits, ce que la présente proposition de loi, dans son état actuel, ne garantit pas.
En outre, concernant l’amendement lui-même, les modifications proposées ne paraissent pas les plus adaptées. En effet, ce sont les dispositions mêmes visées par cet amendement, et non pas seulement la mention de la loi de 1969, qu’il conviendrait de supprimer.
Dès lors, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 28.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
Mme la présidente. L'amendement n° 46, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 102 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’élection de domicile des personnes sans domicile stable mentionnée à l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles produit les mêmes effets attachés au domicile que ceux prévus au premier alinéa du présent article. »
II. – Avant le premier alinéa de l’article L. 264-2 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’élection de domicile des personnes sans domicile stable mentionnées à l’article L. 264-1 produit les mêmes effets attachés au domicile que ceux prévus au premier alinéa de l’article 102 du code civil. »
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Vous avez raison, monsieur Reichardt : il faut parler vrai. Pour notre part, nous sommes opposés à la proposition de loi de M. Hérisson, qui est – vous me permettrez l’expression – une « petite queue » de sa proposition de loi globale. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) En effet, le texte que notre collègue avait déposé au mois de juillet 2011 abordait le sujet dans son intégralité. Nous ne souhaitons pas augmenter les sanctions sans prendre en considération le reste du problème.
Car à quoi servirait-il d’alourdir des pénalités qui aujourd’hui ne sont pas appliquées ? Or c’est bien ce qui nous est proposé par notre collègue. Voilà pourquoi nous n’y sommes pas favorables, et pour cette raison uniquement.
Nous avons été un certain nombre au sein de la commission des lois à déposer des amendements tendant à élargir le champ d’application de la proposition de loi.
M. Hérisson s’est déclaré à l’instant partisan d’une articulation entre son texte et la proposition de loi de M. Dominique Raimbourg, sur laquelle il se retrouve en partie. Ce à quoi j’ai répondu en suggérant le retrait du texte que nous examinons pour y revenir plus tard, précisément après la discussion de la proposition de loi de M. Raimbourg. Cette option n’ayant pas été retenue, nous continuons à présenter nos amendements, afin que le problème soit abordé dans sa globalité.
L’amendement n° 46 vise à aligner le régime des personnes sans domicile stable qui ont élu domicile auprès soit d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale, soit d’un organisme agréé à cet effet, sur le droit commun en matière de lieu d’exercice de leurs droits civils, c’est-à-dire là où elles ont leur principal établissement, comme le prévoit l’article 102 du code civil.
L’expression « droits civils » désigne l’ensemble des prérogatives attachées à la personne et comprend le droit au respect de la vie privée et de la vie familiale, le droit au respect du domicile, de sa correspondance, le droit à l’image, le droit d’aller et venir, le droit à la liberté de pensée, d’expression, de conscience et de religion, le droit à la liberté de réunion, ainsi que le droit au mariage et celui de fonder une famille.
Le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, adopté le 21 janvier 2013, prévoit explicitement des mesures de simplification des procédures de domiciliation et de remobilisation des préfets chargés de coordonner l’action des structures pour la domiciliation. Il précise que les préfets des départements, sous la coordination du préfet de région, et en lien avec l’autorité territoriale et les acteurs associatifs, établiront un schéma de domiciliation.
M. Pierre Hérisson. C’est une usine à gaz !
M. Jean-Pierre Michel. Ce schéma doit définir une couverture territoriale complète et aide à assurer un suivi annuel. Ces orientations doivent également prendre en compte, pour l’aide médicale d’État, la spécificité de la domiciliation des demandeurs d’asile, pour qui la domiciliation représente une étape essentielle et obligatoire de la procédure d’asile, ainsi que celle des gens du voyage, pour lesquels un accès aux prestations sociales et à l’aide juridique est particulièrement difficile.
Par conséquent, nous vous proposons d’adopter cet amendement, qui s’inscrit dans le prolongement du plan.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Cet amendement est satisfait par les mesures prévues dans le projet de loi ALUR, texte qui arrive au terme de son examen parlementaire. Il serait bien inutile de voter des dispositions dont on est quasi certain qu’elles seront redondantes.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Une disposition ayant le même objet a déjà été votée en termes identiques par les deux chambres lors de l’examen du projet de loi ALUR, et sa rédaction est plus sûre juridiquement, puisqu’elle a été approuvée, entre autres, par le Conseil d'État. Nous proposons d’en rester là.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson. Tout d’abord, j’apprécierais que M. Michel ait la courtoisie d’utiliser un terme autre que celui de « petite queue » lorsqu’il parle de ma proposition de loi. (Mouvements divers.) Mais je ne ferai pas un rappel au règlement pour cela !
Ensuite, je rappelle que la saisine du Conseil constitutionnel reposait sur un motif intéressant : la suppression de la loi de 1969. Pour ma part, et je vous renvoie à l’un des deux rapports que j’ai déposés sur le sujet entre 2006 et 2010, qui s’intitule Gens du voyage : pour un statut proche du droit commun, je prône l’alignement le plus complet possible sur le droit commun. Mais peut-être n’a-t-on pas pris le temps de me lire, puisque je constate ici que l’on tente de redonner, amendement après amendement, un statut particulier aux gens du voyage, en leur accordant un droit à ceci, un droit à cela… C’est considérer qu’ils ne sont pas des citoyens de la République française à part entière ! Et ma modeste proposition de loi n’est sans doute pas le bon véhicule législatif pour aborder un sujet d’une telle importance.
Enfin, je vous informe que Dominique Raimbourg et moi-même nous concertons depuis des mois. Sa proposition de loi est prête depuis septembre. On nous avait annoncé qu’elle serait examinée au printemps, saison qui, je vous le rappelle, commence au mois de mars…
Il aurait sans doute été intéressant d’examiner le texte de notre collègue député avant les élections municipales, afin que la navette puisse prendre fin avant l’été. Car les difficultés qui proviennent presque exclusivement des grands passages justifient que les dispositions de l’article 6 entrent en vigueur le plus vite possible.
Il s’agit de s’inspirer des règles applicables aux grands rassemblements, qui concernent jusqu’à 20 000 ou 25 000 personnes et plusieurs milliers de caravanes et dont l’organisation est parfaitement maîtrisée par les services de l’État, notamment le ministère de l’intérieur, quelles que soient les majorités. Nous demandons simplement que l’État fasse de même – il en a la capacité, les moyens et la compétence – pour les grands passages, qui relèvent aujourd'hui d’une circulaire, et non d’un texte législatif. Le problème sera ainsi pratiquement réglé.
Nous pourrons ensuite reprendre le débat sur la situation économique et sociale de ceux de nos compatriotes qui ont choisi un mode de vie itinérant. C’est le vrai sujet. Car, pour l’instant, sous prétexte d’équilibre, nous nous égarons dans des considérations qui n’ont rien à voir avec l’objet de ma proposition de loi. Faut-il le rappeler encore une fois, il s’agit d’envoyer un signal de sorte que nous n’ayons pas à revivre l’été prochain le bazar de l’été dernier !
Et ce n’est pas en s’échangeant des noms d’oiseaux que l’on ramènera plus de 400 000 de nos compatriotes vers le droit commun. Procéder ainsi, c’est faire insulte aux gens du voyage ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)
Mme la présidente. Monsieur Michel, l’amendement n° 46 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Michel. Tout d’abord, je tiens à dire que j’ai le plus grand respect pour M. Hérisson. Les termes que j’ai employés n’étaient en rien péjoratifs. J’ai simplement voulu signifier que cette proposition de loi était un tout petit morceau d’une autre, plus importante.
Ensuite, la vraie insulte aux gens du voyage, c’est de prévoir l’alourdissement des sanctions qui leur sont applicables sans considération pour toutes les autres dispositions qui leur seraient nécessaires !
Enfin, madame la présidente, compte tenu des explications de M. le rapporteur et de M. le ministre, je retire l’amendement n° 46.
Mme la présidente. L'amendement n° 46 est retiré.
L'amendement n° 47, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 131-3 du code de l’éducation, les mots : « des articles L. 552-4 et L. 552-5 » sont remplacés par les mots : « de l’article L. 552-4 ».
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Cet amendement tend à supprimer des règles particulières imposées aux gens du voyage. M. Pierre Hérisson sera satisfait, lui qui réclame, au nom de la stricte égalité républicaine, un statut proche du droit commun.
M. Pierre Hérisson. Ce sont des Français au même titre que vous et moi !
M. Jean-Pierre Michel. Aujourd'hui, les gens du voyage ne sont pas traités comme les autres citoyens.
Nous souhaitons donc la suppression de toutes les conditions spécifiques liées au versement des prestations familiales afférentes à un enfant soumis à l’obligation scolaire, afin d’aligner les règles sur le droit commun.
Voilà qui me paraît respectueux des gens du voyage !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable.
À titre personnel, je dois dire que, si je comprends tout à fait l’idée de notre collègue Jean-Pierre Michel, qui propose de ramener les gens du voyage dans le droit commun pour ce qui est de l’obligation scolaire, j’ai moi-même incité à la prudence sur un certain nombre de dispositions, en soulignant que la suppression de la loi de 1969 aurait un certain nombre de conséquences et qu’il n’était peut-être pas nécessaire de tout traiter aujourd'hui.
Cet amendement concerne la scolarisation. Il est proposé de supprimer l’obligation faite aux personnes sans domicile stable de justifier de l’assiduité des enfants soumis à l’obligation scolaire pour prétendre aux prestations familiales. Je peux comprendre cette position.
Toutefois, M. Derache, dans son rapport, souligne l’importance qui s’attache à inciter à la présence scolaire des enfants, en particulier des jeunes filles, pour favoriser leur intégration.
Dès lors, quand bien même les principes républicains pourraient m’amener à soutenir un tel amendement, je pense qu’il ne faut pas contrarier les efforts absolument nécessaires déployés en faveur de la scolarisation des enfants des gens du voyage.
J’attire votre attention sur les conséquences de l’adoption d’un tel amendement en l’absence de mesures de substitution tendant à favoriser l’assiduité scolaire.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur cet amendement, y compris à titre personnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis de sagesse sur cet amendement.
Nous partageons l’objectif : supprimer les règles spécifiques applicables aux seuls gens du voyage pour le versement des prestations familiales afférentes à un enfant soumis à l’obligation scolaire.
Simplement, ces règles résultent non seulement de l’article L. 131-3 du code de l’éducation, auquel il est fait référence, mais également de l’article L. 552-5 du code de la sécurité sociale.
Par conséquent, il ne suffit pas de supprimer à l’article L. 131-3 du code de l’éducation le renvoi à l’article L. 552-5 du code de la sécurité sociale ; il faudrait également supprimer ce dernier.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je comprends ce qui motive notre collègue Jean-Pierre Michel, mais il est, me semble-t-il, des messages dangereux, même quand l’intention est bonne !
Nous savons, en tant qu’élus locaux, du moins tant que nous pouvons encore exercer les fonctions exécutives inhérentes, les enjeux liés à l’accueil des gens du voyage. L’illettrisme est un problème fondamental, pour ne pas dire primordial, et ne pas le voir, c’est manifester une méconnaissance totale du sujet. Nous avons un besoin impérieux de renforcer la scolarisation et l’apprentissage de la lecture et de l’écriture pour les gens du voyage.
Pour ma part, j’ai milité en faveur de la présence d’une école sur place, afin de garantir au moins l’apprentissage de la lecture. Certes, c’est contraire au principe républicain selon laquelle l’école doit être la même pour tous, et je peux comprendre que d’autres ne soutiennent pas cette option ; mais c’est l’expérience qui a justifié ce choix.
Nous devons pousser les parents à scolariser les enfants – d’ailleurs, même s’il y a du grand passage et de l’itinérance chez les gens du voyage, il y a aussi de plus en plus de sédentarisation –, faute de quoi nous manquerions à nos devoirs républicains. Il est des messages qu’il ne faut pas adresser !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson. Je comprends les motifs de cet amendement et je souscris à beaucoup de ce qui a été dit, notamment par notre collègue Jacques Mézard.
Je rappelle simplement que les parents ont la possibilité d’inscrire les enfants au Centre national d’enseignement à distance, le CNED. Je salue d’ailleurs cet organisme, qui prend en charge l’éducation, par correspondance, de plus de 10 000 enfants des gens du voyage.
Dès lors, il ne me paraît pas utile, là non plus, d’adopter des dispositions particulières.
Au demeurant, vous me donnez une nouvelle fois raison quand je dis que nous anticipons sur le texte de Dominique Raimbourg !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je ne voterai pas cet amendement. Certes, la proposition peut paraître positive, si l’on considère que la législation actuelle induit une forme de discrimination entre les familles, mais, de mon point de vue, il n’y a pas discrimination, il s’agit tout simplement de tenir compte de deux situations différentes.
Si nous nous privons de tout moyen de tenir compte, dans notre législation, de la spécificité de la situation de ces familles pour rendre effective la « menace » que constitue la perte des allocations familiales en cas de non-scolarisation de l’enfant, nous ne rendons service ni à ces enfants ni à ces familles. L’éducation de ces enfants, qui doit leur permettre, comme à tout enfant de France, de progresser dans l’existence, risque d’être compromise.
Bien que cet amendement soit pétri de bonnes intentions, son adoption risque d’aboutir à une régression dans l’accès à l’éducation d’un certain nombre d’enfants.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Compte tenu des explications de M. le ministre, et parce que nous sommes, nous, persuadés que la concertation avec M. Raimbourg est importante – nous ferons d’ailleurs tout pour qu’elle ait lieu, contrairement à vous, messieurs de l’UMP ! –, je retire cet amendement.
M. Philippe Bas. Pourquoi, contrairement à nous ?
Mme la présidente. L'amendement n° 47 est retiré.
L'amendement n° 48, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article L. 123-29 du code de commerce, les mots : « n’ayant ni domicile ni résidence fixes de plus de six mois, au sens de l’article 2 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe » sont remplacés par les mots : « sans domicile stable, au sens de l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles ».
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 48 est retiré.
L'amendement n° 30, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Toute personne qui sollicite la délivrance d’un titre d’identité est tenue d’élire domicile soit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale, soit auprès d’un organisme agréé à cet effet.
II. – Le rattachement produit tout ou partie des effets attachés au domicile, à la résidence ou au lieu de travail, dans les conditions et limites déterminées par un décret en Conseil d’État, en ce qui concerne :
- la célébration du mariage ;
- l’inscription sur la liste électorale, sur la demande des intéressés ;
- l’accomplissement des obligations fiscales ;
- l’accomplissement des obligations prévues par les législations de sécurité sociale et la législation sur l’aide aux travailleurs sans emploi ;
- l’obligation du service national.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. La loi de 1969 n’ayant pas été abrogée, cet amendement n’a plus d’objet. Par conséquent je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 30 est retiré.
L'amendement n° 51, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La mention de l’adresse sur toute carte nationale d’identité, passeport, permis de conduire et carte grise délivrée ou renouvelée à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, doit être présentée d’une manière qui ne permette pas de déduire, à la seule lecture de cette mention, que le titulaire de ce document appartient à la communauté des gens du voyage.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Je présente cet amendement, dont j’espère qu’il sera adopté, quitte à y revenir au moment de la concertation avec M. Raimbourg, qui se fera à distance…
Comme tous les Français, car ils sont Français, même si l’on a tendance à l’oublier, les gens du voyage peuvent obtenir une carte nationale d’identité ou un passeport. L’obtention de ces documents est parfois délicate. Une des difficultés à résoudre tient au fait que la mention de l’adresse ne doit pas permettre d’identifier le titulaire de la carte comme membre de la communauté des gens du voyage.
Outre les problèmes rencontrés concernant les questions de stationnement et d’habitat, une partie des gens du voyage sont confrontés à des difficultés sociales liées à leur mode de vie.
Une des mesures concrètes qui permettraient de faciliter l’insertion et de lutter contre les discriminations consisterait à revoir la délivrance des titres d’identité et, de façon plus générale, les documents administratifs. C’est ce qui est prévu au travers de cet amendement.
Il convient de s’assurer que toute mention « sans domicile fixe » soit bannie des cartes d’identité, passeports, permis de conduire et cartes grises délivrés aux gens du voyage.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
Toutefois, à titre personnel, je voterai cet amendement avec une grande conviction, compte tenu des observations que j’ai pu faire par ailleurs sur cette question.
En effet, dès lors qu’il est possible de déduire que telle ou telle personne appartient à la communauté des gens du voyage, des discriminations s’ensuivent. Celles-ci sont à la fois mauvaises pour les personnes qui en sont victimes, mais aussi pour l’ensemble de la société. Je ne prendrai qu’un seul exemple : la quasi-impossibilité pour une grande partie des titulaires de telles cartes d’identité de disposer d’une assurance automobile, ou à des prix complètement impossibles ! C’est un problème pour l’ensemble de la société.
Il me semble que nous pourrions adopter cet amendement, qui ne nuit en rien, et régler ainsi le problème.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. Si les gens du voyage sont de nationalité française, ils peuvent, comme tout citoyen, demander la délivrance d’une carte nationale d’identité pour justifier de leur identité dans toutes les démarches de la vie courante ou à l’occasion des contrôles au moment des passages aux frontières.
Cette carte « est délivrée sans condition d’âge par les préfets et sous-préfets à tout Français qui en fait la demande dans l’arrondissement dans lequel il est domicilié ou a sa résidence, ou, le cas échéant, dans lequel se trouve sa commune de rattachement ».
Néanmoins, le ministère de l’intérieur, pour tenir compte à la fois de la difficulté que vous venez d’évoquer et d’une recommandation formulée par la HALDE, a demandé aux préfets, par une circulaire en date du 27 novembre 2008, de délivrer la carte nationale d’identité ou le passeport aux personnes intéressées en excluant la mention « commune de rattachement ». Seule l’adresse de la mairie de leur commune de rattachement peut y figurer, après le nom et le prénom de la personne, sans qu’il soit fait mention du fait qu’il s’agit d’une mairie. Cette adresse concrétise le lien de ces personnes avec l’administration. Les services de la préfecture à l’origine de la délivrance du titre de circulation sont avisés de la délivrance de l’un de ces documents.
Cette circulaire répond aux recommandations formulées par la HALDE dans sa délibération du 17 décembre 2007, et vise à supprimer la mention de la commune de rattachement sur la carte nationale d’identité des gens du voyage, en raison, comme vous l’avez souligné, du caractère jugé discriminatoire de cette indication.
Elle a aussi pour objet de conserver la neutralité de l’adresse afin de ne pas permettre de déterminer l’appartenance du titulaire de la carte nationale d’identité à une quelconque catégorie socioprofessionnelle, entre autres.
Le Gouvernement partage totalement votre point de vue, mais il considère que cet amendement est satisfait par la circulaire que je viens de citer. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson. Je souhaite apporter une précision.
Monsieur le rapporteur, la situation s’est beaucoup améliorée en ce qui concerne l’assurance automobile grâce, notamment, au travail de la Commission nationale consultative des gens du voyage. Aujourd'hui, une grande compagnie d’assurance française a bien voulu élaborer un produit à destination des gens du voyage » qui concerne tant le véhicule que la caravane à usage d’habitation.
D’ailleurs, on a fait appel à toute la richesse de la langue française pour ne pas parler de caravane à usage d’habitation ou de logement. Il est désormais question de « résidence mobile terrestre principale » ! Pourtant, en 2004, la France a signé en Conseil de l’Europe un texte reconnaissant la caravane comme une habitation ou un logement. Or cette disposition n’a toujours pas été transposée en droit interne !
Quoi qu’il en soit, une grande compagnie française assure aujourd'hui, dans des conditions plus que raisonnables par rapport à ce qui est généralement proposé à la population sédentaire, le véhicule – certes, cette assurance existait –, la caravane en tant que logement, mais offre aussi des assurances complémentaires. Les gens du voyage ont donc maintenant, dans notre pays, accès au régime commun en matière d’assurances.
Reste à trouver des solutions en ce qui concerne les crédits. C’est ce que je conseillais à la majorité, car c’est à elle que cette tâche échoit. À l’heure actuelle, lorsque les gens du voyage désirent acheter une voiture ou une caravane, ils sont obligés d’emprunter à la seule banque qui veut bien leur prêter de l’argent, mais au taux de 20 % ! Il serait bon que nous fassions quelque chose ensemble pour résoudre cette difficulté.
Mme la présidente. Monsieur Michel, l'amendement n° 51 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Michel. Compte tenu des explications de M. le ministre, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 51 est retiré.
L'amendement n° 36, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La France reconnaît publiquement l’internement des nomades de 1940 à 1946.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Avec cet amendement, il s’agit non pas de préparer l’été prochain, mais plutôt de faire un plongeon dans l’hiver de la Seconde Guerre mondiale.
Bien avant la Seconde Guerre mondiale, les gens du voyage, qui n’étaient pas encore dénommés ainsi à l’époque, devaient déjà détenir un titre de circulation à jour, y compris les enfants, et le présenter dans chaque commune, laquelle pouvait leur refuser le stationnement.
Vous le savez, la dégradation des valeurs républicaines au cours des années trente consolida la xénophobie ambiante. Le gouvernement de Vichy s’inscrivit dans ce mouvement. Des dates dramatiques jalonnent alors le parcours des personnes appelées aujourd’hui « gens du voyage ».
Le 6 avril 1940, un décret interdit la circulation des nomades sur l’ensemble du territoire : les nomades doivent se déclarer à la gendarmerie ou au commissariat et sont astreints à résidence dans les communes du département choisies par le préfet.
Le 4 octobre 1940, le régime de Vichy autorise l’internement des « étrangers de race juive » et accède à la demande des autorités allemandes d’interner les Tziganes.
En mars 1941, des expériences de méthodes de stérilisation de masse sont lancées sur « des femmes tziganes indignes de reproduire » dans les camps de Ravensbrück et d’Auschwitz.
Le 22 juin 1941, des Tziganes sont exécutés dans des camions à gaz à Kulmhof.
Le 16 décembre 1942, un décret signé Himmler ordonne la déportation des Tziganes vers le camp d’Auschwitz.
En mars 1943, 1 700 Tziganes déportés de Bialystok sont gazés à leur arrivée et, le 25 mai, 1 000 Tziganes tchèques subiront le même funeste sort.
En 1944, l’Allemagne nazie réalise des expériences d’inoculation de la tuberculose à Neuengamme, principalement sur des Tziganes.
Par ailleurs, 1 000 Tziganes sont gazés et brûlés dans le camp d’Auschwitz.
Au total, entre 500 000 et 750 000 Tziganes sont morts, assassinés, le plus souvent gazés, par l’Allemagne hitlérienne.
En France, 30 000 Tziganes ont été internés dans des camps.
Pourtant, les Tziganes furent parmi les « oubliés » du procès de Nuremberg : de son ouverture jusqu’au verdict, le 1er octobre 1946, aucun Tzigane ne sera appelé à témoigner. Les victimes tziganes du régime nazi ne seront pas une seule fois mentionnées durant le procès de Nuremberg, et plusieurs pays européens continueront de garder ces populations dans les camps d’internement pendant plusieurs mois.
Aujourd’hui, soixante-huit ans après les premières exactions nazies, il serait grand temps que la représentation nationale française reconnaisse le génocide des Tziganes, ces gitans, ces manouches et ces Roms assassinés en raison de leur singularité, parce qu’ils étaient des « gens du voyage ».
Tel est le sens de notre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. La commission des lois a toujours soutenu une seule et même position en ce qui concerne le rapport entre la loi et l’histoire : ce type de disposition ne relève pas du domaine de la loi. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 28 février 2012, a rappelé en outre qu’une telle mesure était dépourvue de portée normative.
Les auteurs de cette proposition pourraient la reprendre sous forme de résolution : depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008, le Parlement peut y recourir pour affirmer une position sur un tel sujet.
Avant d’indiquer ma position personnelle, je veux vous remercier, mon cher collègue, d’avoir effectué ces rappels historiques.
Effectivement, il ne s’agit pas d’une déportation comme les autres. C’est un processus qui a commencé le 18 novembre 1939 par des assignations à résidence, sur décision préfectorale, de tout individu dit « dangereux » pour la défense nationale et la sécurité publique, dont les nomades.
Il s’est poursuivi, ensuite, par la signature, le 6 avril 1940, d’un décret par le Président Albert Lebrun visant à interdire la circulation des nomades, actant ainsi l’ouverture des premiers camps d’internement.
Puis, sous le régime de Vichy, des dispositions complémentaires ont été prises par la loi du 3 septembre 1940.
Le 4 octobre 1940, la puissance occupante exige par ordonnance l’internement des juifs étrangers et des Tziganes.
Le 17 novembre 1940, Vichy promulgue une loi transférant la surveillance des camps d’internement au ministère de l’intérieur par l’intermédiaire des préfets territorialement compétents.
À la Libération, le ministre de l’intérieur, Adrien Tixier, adresse, le 20 novembre 1944, aux commissaires de la République une circulaire au sujet des prostituées et des nomades internés dans laquelle il explique qu’il n’est toujours pas possible de les libérer sans enquête préalable. La circulaire est de nouveau confirmée le 25 mai 1945.
Ce n’est que le 10 mai 1946 qu’il est mis fin par une loi à l’internement des nomades, loi qui fixe également la date de cessation du conflit, ce qui, de facto, met un terme aux lois d’exception qui avaient été adoptées tout au long de l’année 1940.
Cette vérité historique doit être rappelée, elle doit être connue. Elle est, malheureusement, la conséquence d’actes officiels de la République. (Exclamations sur différentes travées.) Donc, la reconnaissance est acquise, puisque ce sont des actes de la République. D'ailleurs, des mesures de dédommagement sont intervenues.
Il est vrai qu’aujourd'hui cette page noire de notre histoire, notamment s’agissant de la responsabilité de la République française dans ces internements, n’est pas assez connue, mais la reconnaissance est une chose, la connaissance en est une autre. Ce qui est important pour la cohésion de notre communauté nationale aujourd'hui, c’est que chacun ait bien conscience de ces événements historiques, de la responsabilité de la République française, notamment de ceux qui, à l’époque, avaient la charge des affaires de l’État.
Mais, pour les raisons qui ont été expliquées précédemment, il s’agit de pédagogie, de connaissance historique et non d’une nouvelle reconnaissance, qui n’a pas lieu d’être aujourd'hui, puisque ce sont des faits historiques, des actes de la République. C’est la pédagogie qui doit permettre à chaque Français d’accéder à la connaissance de ces faits historiques tragiques que malheureusement rien ne peut changer.
Je remercie les auteurs de cet amendement de nous avoir permis l’utile rappel de ces événements tragiques et de la place des gens du voyage dans la communauté nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. Nous parlons d’événements douloureux, et je vous remercie, monsieur Le Scouarnec, d’avoir rappelé ce qu’a été la situation des Tziganes durant la Seconde Guerre mondiale, tout particulièrement sur notre sol entre 1940 et 1946.
Cela étant, monsieur le rapporteur, sans vouloir rouvrir le débat ni engager une querelle historique, il me semble qu’un président de la République a bien rappelé que c’était l’État français, et non la République, qui avait commis ces actes.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. C’est avant et après, malheureusement !
M. François Lamy, ministre délégué. Je tenais en tout cas à apporter cette précision.
Monsieur Le Scouarnec, oui, il était important de rappeler dans cet hémicycle ce qui s’est passé à cette période. Néanmoins, je souligne, puisque vous êtes en train d’élaborer la loi, que votre amendement n’a pas de portée normative.
Or, comme vous le savez, le Conseil constitutionnel est de plus en plus intransigeant face aux dispositions législatives dépourvues de portée normative. Il a d’ailleurs rappelé récemment, dans une décision du 28 février 2012, à propos de la loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi, « qu’une disposition législative ayant pour objet de ‘reconnaître’ un crime de génocide ne saurait, en elle-même, être revêtue de la portée normative qui s’attache à la loi ».
Si votre amendement était adopté, il serait contraire à la Constitution. Le Gouvernement est donc conduit à émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. En tant qu’historienne, je pense que ce n’est pas au législateur de décider de ce qui relève du génocide ou du meurtre de masse. Il est vrai que les gens du voyage et les Tziganes n’ont pas eu leur Nuremberg, et que ces crimes n’ont pas été officiellement reconnus. Je ne suis pas non plus favorable à l’idée que les génocides soient reconnus dans les prétoires. Il serait opportun de laisser cette question aux historiens, car il n’est pas de notre rôle de législateurs d’analyser l’histoire.
En revanche, je serais favorable à l’adoption plus symbolique d’une résolution, qui permettrait que ce sujet puisse être discuté dans les écoles et que ce meurtre de masse ou génocide puisse progressivement être introduit dans les livres scolaires. Une résolution, j’y insiste, serait tout à fait bienvenue : elle aurait beaucoup plus de force qu’un simple amendement puisqu’un débat spécifique serait consacré à la question dans l’hémicycle.
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote.
Mme Gisèle Printz. En 2008, la HALDE, avait alerté les pouvoirs publics sur les discriminations dont étaient victimes les gens du voyage en y associant des recommandations. Celles-ci visaient à rétablir une égalité de traitement à l’égard de cette population qui subit aujourd’hui des discriminations résultant non seulement de comportements individuels, mais aussi des textes en vigueur.
Plusieurs textes témoignent de l’ancienneté de la défiance envers un peuple à la culture et au mode de vie différents.
Une loi impose en 1912 une réglementation spécifique d’exception, instituant notamment un carnet anthropométrique d’identité. Les gens du voyage ont donc été les premiers à subir un fichage administratif.
Le 6 avril 1940, un décret-loi interdit la circulation des nomades sur l’ensemble du territoire métropolitain et leur impose « une résidence forcée sous la surveillance de la police et de la gendarmerie ». Ainsi, ils ont été particulièrement visés durant la Seconde Guerre mondiale.
En Allemagne, la politique anti-tzigane a été intégrée à la politique raciale des nazis. Comme il suffisait d’avoir un grand-parent dit « tzigane » pour être concerné, des familles mixtes et tziganes ont subi stérilisations forcées, détention en camps de concentration ou déportation.
En France, une ordonnance allemande a exigé, dès le 4 octobre 1940, leur internement dans des camps administrés et surveillés par les autorités françaises. Dans chaque département, les préfets ont demandé à la gendarmerie de recenser puis de regrouper les nomades et de les surveiller. Devant l’arrivée massive des nomades, les camps ont dû rapidement s’agrandir jusqu’à permettre au plus grand – le camp de Montreuil-Bellay, en Maine-et-Loire – de recueillir 1 018 internés en août 1942.
Plusieurs actions ont déjà été menées, comme celle qui a été conduite par un collectif d’associations en 2010, année consacrée à la mémoire de l’internement des Tziganes en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Parrainée par le cinéaste Tony Gatlif, elle a permis de sensibiliser un large public en mêlant commémoration et information. De la même façon, une stratégie interministérielle a été développée pour permettre de donner un éclairage nouveau à ces événements.
Néanmoins, la reconnaissance par la France de l’internement des nomades entre 1940 et 1946 apparaît comme un élément essentiel du travail sur l’identité mémorielle. Cette évolution pourrait, par ailleurs, faire progresser la promotion de la culture tzigane en complément des travaux menés conjointement par le ministère de la culture et la Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les gens du voyage, notamment.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson. Je pose la question : comment traiter, par un simple amendement, une des catastrophes majeures du XXe siècle qui s’est traduite par la mort de 700 000 Tziganes dans les camps de concentration ? Il me paraît préférable de retirer cet amendement, car il n’est pas possible de traiter, en deux lignes, d’un sujet aussi important.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Individuellement, nous ne pouvons, les uns et les autres, qu’exprimer de la compassion pour les victimes de ces décisions de l’État français…
Mme Esther Benbassa. Il ne s’agit pas de compassion !
M. Philippe Bas. … mises en œuvre avec le concours de ses fonctionnaires pendant la période de la Seconde Guerre mondiale, ainsi que manifester notre solidarité.
Collectivement, nous devons déplorer ces décisions de l’État français.
Politiquement, il me semble qu’adopter un amendement qui ne traite que d’« internement », première étape d’un drame qui, hélas ! est allé bien au-delà, est une erreur.
Juridiquement – je ne veux pas manquer l’occasion d’apporter sur ce point mon appui au Gouvernement –, il a été jugé à maintes reprises par le Conseil constitutionnel que ce type de dispositions déclaratoires, et déclamatoires, n’avait rien à faire dans la loi.
Historiquement, surtout, – et, là non plus, je ne veux pas manquer l’occasion de dire que je partage intégralement le point de vue exprimé par Mme Benbassa –, nous ne sommes pas, nous, Parlement français, représentation nationale exprimant la souveraineté du peuple français, qualifiés pour traiter un point d’histoire. Cela n’est pas notre rôle et, en empiétant sur le travail des historiens, travail scientifique nourri par l’examen des faits, nous sortons de ce qui est la vocation du Parlement.
Voilà donc beaucoup de raisons selon moi – même si nous sommes, les uns et les autres, du même avis quand il s’agit d’exprimer compassion et solidarité – pour rejeter un amendement qui n’a pas sa place dans la loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Chacun d’entre nous est, à sa manière, sensible à cette question sur laquelle nous sommes tous solidaires. Je voudrais remercier nos collègues du groupe CRC d’avoir déposé cet amendement, qui nous permet d’évoquer en séance ce drame de la Seconde Guerre mondiale et de réfléchir à la manière d’y faire écho afin qu’il ne soit pas oublié.
Je rejoins Philippe Bas et Esther Benbassa : nous avons eu suffisamment de problèmes avec les lois mémorielles pour ne pas revenir sur ce sujet. Néanmoins, comme l’a souligné Mme Benbassa, une résolution pourrait être le moyen d’honorer dignement la mémoire des Tziganes victimes de ce génocide. Si une résolution est présentée au Sénat, je la signerai volontiers, mais je ne pourrai pas voter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Il faut replacer notre discussion dans son contexte. Nous examinons une proposition de loi qui prévoit le renforcement des sanctions réprimant les violations par les gens du voyage de leurs obligations. Comme si les gens du voyage qui sont français avaient plus d’obligations que les autres !
Je remercie le groupe communiste de nous avoir permis d’évoquer la façon dont ces concitoyens ont été traités durant le dernier conflit mondial. Ce sont plus de 6 000 hommes, femmes et enfants qui ont été internés dans des camps gérés par l’administration française, par l’État français – monsieur le ministre, je suis d’accord avec vous sur ce point –, au seul motif qu’ils étaient tziganes ; on disait alors « nomades », on dit aujourd’hui « gens du voyage ». Nos livres d’histoire n’en disent rien, aucun monument n’a été élevé à leur mémoire, aucun mémorial ne leur est consacré. La plupart de ceux qui ont connu ces persécutions sont morts, et le souvenir de ces déportations s’estompe. C’est la raison pour laquelle il est bon de les rappeler.
Alors, lorsque l’on prévoit des sanctions supplémentaires aujourd’hui pour les gens du voyage qui ne respecteraient pas leurs obligations, je pense qu’il faut se souvenir des trains dans lesquels ils ont été emmenés et des camps où ils ont été internés !
Cela dit, mes chers collègues, nous ne pouvons pas voter votre amendement, car nous sommes hostiles, comme vous d’ailleurs, aux lois mémorielles. Néanmoins, il est tout à fait important que nous ayons pu, aujourd’hui, évoquer pendant quelques minutes ce drame qui a eu lieu pendant l’Occupation.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour explication de vote.
M. Michel Le Scouarnec. En espérant que nous aurons l’occasion de donner suite à cet échange par une résolution qui pourrait être adoptée à l’unanimité, je retire cet amendement d’appel, madame la présidente.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je vous remercie, monsieur Le Scouarnec, d’avoir retiré votre amendement.
Je souhaite à mon tour inviter au respect, nécessaire, indispensable, même.
Nous avons créé, dans le département où je suis élu, un centre d’études et de recherche sur les camps d’internement du Loiret, dont j’ai été l’un des fondateurs. À Beaune-la-Rolande, à Pithiviers, les enfants étaient séparés de leur mère, avant que les uns et les autres soient envoyés à Auschwitz. À Jargeau, ont été internés des « nomades » ou des « manouches », comme on les appelait alors. Nous avons décidé de créer un seul centre, celui que j’ai cité.
J’invite Jean-Pierre Michel à se rendre à l’important mémorial d’Orléans où l’on peut voir les photographies d’enfants raflés et que visite un nombreux public, notamment scolaire. La question est difficile. On m’a souvent dit qu’il n’était pas utile de reparler de tout cela. À Jargeau, le maire a eu beaucoup de mal à faire apposer une plaque et à organiser une cérémonie annuelle. Il ne faut pas croire que les choses sont simples ; cela représente un travail important.
Lorsque j’ai été désigné rapporteur de la proposition de loi sur le génocide arménien par la commission des lois, je me suis attaché à défendre notre position. Il fallait reconnaître la douleur, marquer notre respect, rappeler l’histoire, car on oublie parfois de l’enseigner. Néanmoins, dès lors que nous avions la loi Gayssot, point n’était besoin de multiplier les lois. Voilà la position que nous avons défendue et qui, je crois, reste la nôtre ; pour autant, cela ne nous exonère pas du devoir de marquer notre respect et d’honorer cette mémoire.
Mme la présidente. L'amendement n° 37, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant notamment sur :
- la place et le rôle des gens du voyage dans la société française ;
- la connaissance et le développement de leur culture ;
- la création d’un institut du monde itinérant ou d’un centre national sur le monde de l’itinérance.
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Notre amendement s’inscrit dans la lignée du rapport intitulé Appui à la définition d’une stratégie interministérielle renouvelée concernant la situation des gens du voyage, remis au Premier ministre en juillet 2013, dans lequel figurent un certain nombre de préconisations intéressantes.
L’une d’elles a pour ambition d’améliorer la reconnaissance du rôle et de la participation effective des groupes de voyageurs au développement économique. Une autre est relative à la connaissance de leur culture.
Les associations, notamment la Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les gens du voyage, effectuent un travail important pour promouvoir la culture des gens du voyage.
Leur objectif est de faire connaître la culture tsigane et de permettre à la population des voyageurs d’accéder à la culture sous toutes ses formes. À cette fin, il est proposé de mettre en place une structure nationale identifiable par tous, telle qu’un institut du monde itinérant ou un centre national sur le monde de l’itinérance.
En demandant, par notre amendement, que soit remis un rapport au Parlement, nous invitons le Gouvernement à approfondir cette idée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Le rapport du préfet Derache est en effet d’une grande qualité et contient des propositions pour une meilleure insertion des gens du voyage et une plus grande prise en compte de leurs spécificités par la société française.
Au cours des dernières années, nombre de rapports ont fait état de la situation des gens du voyage, de leurs spécificités et de leur histoire. Pour favoriser la compréhension et permettre une meilleure prise en compte de leur apport à la communauté nationale, l’action du Gouvernement ne suffit pas. Il est important que chaque citoyen prenne connaissance de la situation et de l’histoire des gens du voyage.
Comme l’amendement précédent, l'amendement n° 37 vise à mieux prendre en compte et à faire mieux connaître la tragédie que les gens du voyage ont vécue entre 1940 et 1946, pour sensibiliser la communauté nationale, notamment, à la question de l’internement.
Je le répète, il est important que l’ensemble de nos concitoyens prennent connaissance de cette partie de notre histoire ; un simple rapport gouvernemental ne suffira pas. De nombreux rapports de grande qualité ont déjà été rédigés sur le sujet, qui tracent des pistes pour l’avenir.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. Avant de laisser la place à mon excellent collègue Alain Vidalies, je tenais à souligner, après M. Favier, la justesse des recommandations du rapport Derache.
Monsieur Favier, vous demandez en somme au Gouvernement de faire un rapport sur le rapport ! Compte tenu de la multiplicité de demandes similaires à la vôtre, je ne peux que souhaiter le retrait de votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Je suis d’habitude très défavorable aux demandes de rapport, mais, en l’espèce, j’estime que le Gouvernement devrait s’engager à clarifier les choses.
L’un des objectifs du rapport demandé dans cet amendement est justement d’éviter un certain nombre de confusions. De qui parle-t-on, en effet ?
L’appellation générique « gens du voyage » regroupe des catégories de personnes d’origine et de culture différentes. Elle permet aux pouvoirs publics de désigner, facilement et un peu lâchement, une population en la caractérisant uniquement par son mode de vie spécifique, sans avoir recours à des critères ethniques ou culturels, ce qui serait contraire à la Constitution.
Pour autant, si seule la catégorie des « gens du voyage » est juridiquement reconnue, le terme de « Tsiganes » est le plus fréquemment utilisé dans le langage commun.
Les États voisins, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe identifient officiellement ces populations sur une base ethnique et culturelle. Comme je le constate lors des sessions du Conseil de l’Europe auxquelles je participe, on privilégie actuellement le terme générique de « Roms », qui désigne l’ensemble de ces populations en Europe. L’appellation « Tsiganes » est en effet jugée péjorative notamment en Allemagne et en Europe centrale et orientale.
En France, le mot « Roms » est réservé aux seuls migrants de nationalité étrangère. Est-ce justifié ? Personne ne le sait, car on ne voit pas de qui l’on parle. On se sert de ce terme – pas au Sénat, mais ailleurs – pour évoquer des populations que l’on veut discriminer ou exclure, ou encore que l’on refuse d’accueillir.
Ces populations, qui proviennent essentiellement des pays d’Europe centrale et orientale, sont souvent sédentarisées dans leur pays d’origine. Elles relèvent de la législation sur l’entrée et le séjour des étrangers sur le territoire français, sauf si elles viennent de pays membres de l’Union européenne liés par les accords de Schengen.
La population des gens du voyage est diverse. Trois groupes peuvent être distingués, ce que personne, pas même le Gouvernement, ne fait jamais.
Il s’agit d’abord des Roms, des « orientaux » venus d’Inde du Nord depuis le xiiie siècle, qui sont surtout présents en Europe centrale et orientale. Ils peuvent être français ; ce ne sont pas forcément des étrangers.
Il y a, ensuite, les Sintés ou manouches, principalement installés en Grande-Bretagne.
Enfin, les gitans sont surtout présents dans le monde ibérique et le sud de la France. Quand j’étais enfant, on évoquait dans le Midi les gitans qui allaient aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Étaient-ils tous français ? Non !
Tout cela introduit donc une très grande confusion, et dans un sens péjoratif.
Si ce rapport devait être produit – mais le Sénat ne votera pas un amendement qui tend à demander la remise d’un rapport –, le Gouvernement serait bien inspiré, lui qui demande tellement de rapports, dont certains posent d’ailleurs problème, de charger des historiens spécialistes du sujet de le rédiger. Il faut que nous sachions vraiment de qui l’on parle, quel nom donner aux uns et aux autres, à ceux qui sont français et à ceux qui ne le sont pas, mais qui peuvent être appelés de la même manière, car ils ont la même origine.
Mme la présidente. Monsieur Favier, l'amendement n° 37 est-il maintenu ?
M. Christian Favier. Nous allons retirer notre amendement et notre demande de rapport.
Si nous avions proposé, dans notre amendement, la création d’un institut du monde itinérant, on nous aurait rétorqué l’article 40… Nous sommes donc bien obligés d’en passer à chaque fois par une demande de rapport ! (Marques d’approbation sur différentes travées.)
J’entends M. le rapporteur. On ne peut pas tout renvoyer à l’État. En l’occurrence, sur des sujets comme celui-ci, il est important que les citoyens eux-mêmes puissent prendre des initiatives. Néanmoins, il me semble qu’il est aussi de la responsabilité de l’État et du Gouvernement d’encourager de telles démarches. Si une telle action permettait de déboucher sur la création d’un centre de la culture tsigane, cela serait extrêmement positif.
Je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 37 est retiré.
L'amendement n° 38, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur la scolarisation des enfants des familles itinérantes.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Il s’agit là aussi d’une demande de rapport, fondée sur les mêmes raisons que celles invoquées à l’appui de l’amendement précédent. Nous allons retirer cet amendement, non sans avoir procédé à un certain nombre de constats.
Le débat que nous avons eu en début d’après-midi l’a montré, les quatre heures dont disposent les groupes parlementaires pour discuter de leurs propositions de loi offrent finalement des possibilités assez réduites. On a aussi vu combien les propositions émanant de parlementaires étaient limitées par le fameux article 40 de la Constitution.
Au vu des discussions que nous avons déjà eues, je vais vraisemblablement retirer mon amendement. Par principe, notre commission estime qu’il y a trop de rapports, que « trop de rapports tuent le rapport » et elle émet un avis défavorable sur les amendements allant en ce sens.
Il faut, me semble-t-il, nous interroger sur la multiplication de tels amendements, déposés par tous les groupes politiques, sur tous types de textes. Finalement, le seul outil dont dispose un parlementaire pour attirer l’attention du Gouvernement et de la population sur un point particulier et, si cela est possible, pour faire bouger les lignes, c’est de proposer un rapport !
Évidemment, nous savons tous ici que ce n’est pas avec des rapports que nous transformerons la vie des femmes et des hommes de notre pays, mais nous devrions réfléchir aux moyens que la Constitution, votée par des majorités, donne aujourd'hui aux législateurs que nous sommes pour exercer réellement leur prérogative législative.
La discussion que nous avons eue en début de séance et le sort réservé à nos amendements nous invitent vraiment à nous interroger sur le temps législatif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Le sujet est vaste. Nous avons vu, à l’occasion de la discussion de l’amendement n° 47 de M. Jean-Pierre Michel, combien il était compliqué de répondre à la préoccupation essentielle des gens du voyage : que la scolarisation de leurs enfants soit assurée sans discrimination. Il est absolument nécessaire d’innover sur ce plan, mais, sur ce sujet difficile, un rapport de plus ne remplacera ni la mobilisation ni la réflexion.
Par conséquent, madame Cukierman, la commission vous serait reconnaissante si vous retiriez votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Même avis.
Mme Cécile Cukierman. Je retire l'amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 10 rectifié, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article 322-4-1 du code pénal est abrogé.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Plus de treize ans après l’adoption de la loi Besson, l’accueil des gens du voyage n’est toujours pas organisé de manière satisfaisante. Selon un rapport de la Cour des comptes, au 1er janvier 2012, 246 communes et 196 établissements publics de coopération intercommunale sont considérés comme défaillants au regard de leurs obligations en matière d’aires d’accueil et de stationnement des gens du voyage.
Pourtant, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler lors de la discussion générale, les dispositions répressives à l’encontre des gens du voyage se sont multipliées ces dix dernières années.
Ainsi, la loi pour la sécurité intérieure, présentée par M. Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’intérieur, a créé un délit d’installation illicite en réunion en vue d’y établir une habitation, même temporaire. Les peines encourues sont lourdes : six mois d’emprisonnement, 3 750 euros d’amende et saisie possible des véhicules tracteurs.
Les auteurs de la présente proposition de loi souhaitaient doubler ces peines. Nous ne pouvons que nous réjouir que la commission des lois ne soit pas allée dans ce sens. Néanmoins, il nous semble pour le moins inapproprié d’apporter une réponse pénale à une situation résultant d’un problème évident d’accueil des gens du voyage : cela ne fait que renforcer les discriminations et le rejet de populations qui, parce qu’elles ont choisi un mode de vie itinérant, sont systématiquement montrées du doigt comme délinquantes. Historiquement, les nomades ont toujours fait peur aux populations sédentaires…
Le présent amendement a donc pour objet d’abroger purement et simplement l’article 322-4-1 du code pénal.
Mme la présidente. L'amendement n° 3 rectifié bis, présenté par M. Lefèvre, Mme Troendlé, MM. Doligé, Carle, Hérisson et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Au premier alinéa de l’article 322-4-1 du code pénal, le mot : « six » est remplacé par le mot : « douze » et le nombre : « 3 750 » est remplacé par le nombre : « 7 500 ».
La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Cet amendement prend l’exact contre-pied du précédent, puisqu’il vise à rétablir le texte initial de la proposition de loi, lequel durcissait les peines prévues à l’article 322-4-1 du code pénal.
Notre collègue Pierre Hérisson a suffisamment explicité l’intérêt de cette disposition, attendue par les nombreux élus ayant consenti des efforts financiers importants pour mettre leur collectivité en conformité avec la loi. Il convient de leur adresser un signal.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Nous sommes en présence de deux amendements contradictoires : l’un vise à abroger l’article 322-4-1 du code pénal, tandis que l’autre tend à aggraver les sanctions prévues par ce dernier.
Désireuse de maintenir une position équilibrée, la commission est défavorable à ces deux amendements.
Madame Benbassa, vous proposez de supprimer l’article 322-4-1 du code pénal, qui réprime « le fait de s’installer en réunion, en vue d’y établir une habitation, même temporaire, sur un terrain appartenant soit à une commune qui s’est conformée aux obligations lui incombant en vertu du schéma départemental […] ou qui n’est pas inscrite à ce schéma, soit à tout autre propriétaire » sans son autorisation.
Il me semble totalement inadéquat de supprimer ce délit, qui constitue clairement une entrave au droit de propriété. En outre, comme vient de l’indiquer M. Lefèvre, ce serait adresser un mauvais signal aux communes qui ont consenti des efforts pour remplir leurs obligations.
M. Pierre Hérisson. Absolument !
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Nous ne pouvons donc pas souscrire à votre proposition, madame la sénatrice : elle est tout à fait contraire à l’esprit de la loi Besson.
Cela dit, si vous vous étiez contentée de proposer la suppression du seul dernier alinéa de l’article 322-4-1, disposant que « lorsque l’installation s’est faite au moyen de véhicules automobiles, il peut être procédé à leur saisie, à l’exception des véhicules destinés à l’habitation, en vue de leur confiscation par la juridiction pénale », nous aurions pu en discuter. En effet, comment demander à celui dont le véhicule a été saisi de quitter l’endroit où il s’est installé ?…
Monsieur Lefèvre, vous proposez quant à vous de revenir à la rédaction initiale de la proposition de loi.
Or, comme l’a bien montré le rapport que le député Didier Quentin a consacré à la question, on constate que les services de police et de gendarmerie utilisent le dispositif de l’article 332-4-1, en particulier les sanctions financières qu’il prévoit, dans le cadre d’une stratégie de dissuasion qui leur permet d’obtenir un départ plus rapide des caravanes installées de façon illicite sur un terrain appartenant à autrui.
En effet, les sanctions actuellement inscrites dans la loi sont déjà tellement élevées qu’elles ne sont que rarement prononcées. Or vous proposez de durcir encore ces sanctions : cela risque d’avoir des effets contreproductifs, en portant atteinte à la crédibilité du dispositif, et d’aller ainsi à l’encontre de l’efficacité que vous recherchez.
Par conséquent, je propose d’en rester au texte équilibré de la commission et de maintenir les sanctions actuellement prévues par la loi, déjà si élevées qu’elles ne sont guère appliquées.
M. Antoine Lefèvre. Elles ne sont pas dissuasives !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ces deux amendements répondent à des objectifs complètement opposés.
Madame Benbassa, vous proposez la suppression des dispositions répressives existant aujourd'hui dans le code pénal.
Il convient de préciser que l’article 322-4-1 ne concerne pas spécifiquement les gens du voyage – heureusement, du reste ! – et que sa suppression entraînerait donc celle de l’ensemble des poursuites prévues pour occupation illicite d’un terrain appartenant à autrui.
En outre, je rappelle que, dans sa décision du 13 mars 2003, le Conseil constitutionnel a jugé cet article conforme à la Constitution, considérant notamment que le « législateur n’a pas entaché d’erreur manifeste la conciliation qu’il lui appartenait d’opérer en l’espèce entre, d’une part, la protection de la propriété et la sauvegarde de l’ordre public et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement protégées ». Il a également souligné « l’absence de disproportion manifeste entre les infractions et les sanctions concernées ».
Le Gouvernement n’est donc pas favorable à la dépénalisation d’une disposition qui, je le répète, ne concerne pas que les gens du voyage, d’autant que cette dépénalisation donnerait un mauvais signal aux propriétaires, privés et publics, qui subissent ces occupations illicites : elle pourrait donner l’impression que l’on autorise la continuation de telles pratiques.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 10 rectifié.
En ce qui concerne votre amendement, monsieur Lefèvre, visant à doubler les sanctions inscrites dans le code pénal, je pourrais, là aussi, renvoyer à la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi pour la sécurité intérieure : ayant eu à se prononcer sur l’adéquation entre les objectifs des poursuites et les sanctions pénales retenues par le législateur, le juge constitutionnel avait alors considéré que les dispositions de la loi étaient équilibrées. Cet équilibre me semble devoir être préservé, d’autant qu’y porter atteinte pourrait nous faire encourir la censure du Conseil constitutionnel, ce qui irait à l’encontre de votre objectif d’efficacité.
De surcroît, le faible nombre des poursuites exercées au titre de cet article, sous tous les gouvernements, montre que le doublement des peines ne permettra pas une efficacité accrue : il s’est élevé à quarante-neuf en 2008, à cinquante-huit en 2009, à quatre-vingt-douze en 2010, à quarante-cinq en 2011 et à cinquante-sept en 2012.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 3 rectifié bis.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié bis.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 141 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 347 |
Pour l’adoption | 187 |
Contre | 160 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
En conséquence, l’article 1er est rétabli dans cette rédaction.
Mme la présidente. L'amendement n° 16, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 1er de la loi n°2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. 1-1 – I. – Le schéma national d’accueil des gens du voyage prévoit les conditions d’accueil des gens du voyage dans le cadre des grands passages et des grands rassemblements prévus à l’article 1er.
« Au vu de l’évaluation préalable des besoins prévue à l’article 1er et dans le respect des orientations de la politique nationale d’aménagement et de développement du territoire, le schéma national fixe la liste des terrains susceptibles d’être utilisés à cette fin et prévoit les aménagements nécessaires qui devront être réalisés sur ces terrains.
« Le conseil national de l’aménagement et du développement du territoire créé par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire et la commission nationale consultative des gens du voyage sont associés à l’élaboration du projet de schéma national d’accueil des gens du voyage. Ils donnent leur avis sur ce projet.
« II. – Les directives territoriales d’aménagement mentionnées à l’article L. 111-1-1 du code de l’urbanisme prennent en compte les orientations du schéma national prévu au I. »
II. – Dans le chapitre V du titre Ier du livre II de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2215-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 2215-2. – Dans le cadre des pouvoirs qui lui sont reconnus par l’article L. 2215-1, le représentant de l’État dans le département peut prendre, conformément aux orientations fixées par le schéma national d’accueil des gens du voyage prévu à l’article 1-1 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, les mesures nécessaires à une répartition équilibrée des gens du voyage sur les terrains situés dans le département et inscrits au schéma national. »
III. – Il est institué une commission interministérielle de coordination des schémas d’accueil des gens du voyage. Elle est chargée d’évaluer les conditions d’application du schéma national défini à l’article 1-1 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage et des schémas départementaux par le biais de la coordination régionale prévue au V de l’article 1er de la même loi. Son organisation et ses missions sont fixées par décret.
Les représentants de l’État dans les régions fournissent à la commission, chaque année avant le 1er septembre, un inventaire des aires permanentes d’accueil et des aires de grand passage sur leur territoire. Le contenu et les modalités de cet inventaire sont définis par décret.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le présent amendement a pour objet d’instaurer un véritable schéma national pour les grands groupes itinérants – comprenant de 50 à 200 caravanes –, qui serait piloté par l’État et coordonné par les préfets de région.
Après évaluation des besoins au niveau départemental, le schéma national fixerait la liste des terrains susceptibles d’être utilisés pour les grands passages et les grands rassemblements, et prévoirait les aménagements nécessaires. Le préfet, dont les pouvoirs sont élargis, pourrait prendre les mesures nécessaires à une répartition équilibrée des gens du voyage sur les terrains situés dans le département et inscrits au schéma national.
Une commission interministérielle serait instaurée afin de coordonner le schéma national et les schémas départementaux. Elle disposerait, pour cela, d’un inventaire dressé chaque année par les préfets de région des aires permanentes d’accueil et des aires de grand passage situées sur leur territoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable. En effet, le dispositif de cet amendement, qui tend à instituer un schéma national d’accueil des gens du voyage pour les grands passages et les grands rassemblements, ainsi qu’une commission interministérielle chargée de coordonner le schéma national et les schémas départementaux, semble complexe à mettre en œuvre. Mieux vaudrait recenser sur un même document les différentes catégories d’emplacements.
Par ailleurs, je signale que l’article 7 du texte adopté par la commission prévoit l’organisation des stationnements de grande ampleur. Compte tenu de la place qu’il donne à l’État, il devrait donner satisfaction aux auteurs de l’amendement. Je vous invite donc, madame la sénatrice, à retirer celui-ci.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Madame la sénatrice, le Gouvernement est sensible à votre volonté d’améliorer les conditions d’accueil des gens du voyage à l'occasion des grands passages et des grands rassemblements, en précisant les obligations communales en la matière.
La proposition de loi relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage renforce les obligations relatives à la création d’aires de grand passage dans le cadre du schéma départemental, qui fixerait les obligations des communes en la matière avec le même degré de précision que pour les aires permanentes.
Le schéma départemental déterminerait ainsi les communes d’implantation des aires de grand passage ainsi que la capacité de chacune de celles-ci. Les secteurs d’implantation de ces aires ainsi que ceux des terrains susceptibles d'être utilisés pour les grands rassemblements doivent faire l’objet d’une détermination à l’échelon local.
Il n’apparaît pas réaliste d’imposer, à l’échelle nationale, une liste d’emplacements susceptibles d’être utilisés à cette fin. Par ailleurs, prévoir de coordonner un schéma national avec les schémas départementaux par le biais de la création d’une commission interministérielle de coordination des schémas d’accueil des gens du voyage ne s'inscrirait pas, à l'évidence, dans la politique actuelle de simplification des normes.
Enfin, il semble difficilement concevable que le représentant de l’État dans le département soit systématiquement responsable de la répartition des gens du voyage entre les différentes aires d’accueil implantées sur le territoire de celui-ci.
Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson. La position du groupe UMP sur cette question est très simple. La loi Besson dispose que les grands rassemblements sont de la compétence de l’État. Il suffit de prévoir qu’il en va de même pour les grands passages, sans qu’il soit besoin de compliquer les choses en créant une structure interministérielle…
Je rappelle aussi que, comme les grands rassemblements, les grands passages sont des événements qui devront faire l’objet d’un arrêté préfectoral dans chaque département. Je reste persuadé que le département constitue l’échelon pertinent.
Mme la présidente. Madame Benbassa, l'amendement n° 16 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 14, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est complété par une phrase ainsi rédigée :
« À ce titre, elles assurent une mission de service public, qui a pour objet de garantir, dans le respect de l’intérêt général, la liberté de circulation de ces personnes. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’objet de cet amendement est de créer un service public communal de l’accueil de petits groupes itinérants.
Nous considérons en effet qu’il convient de faire, dans la loi, la distinction entre l’itinérance de petits groupes et celle de grands groupes. Cette distinction est déjà pratiquée, de fait, dans les circulaires relatives aux équipements dont les communes doivent se doter.
Pour les petits groupes itinérants de moins de cinquante caravanes, nous estimons que l’accueil devrait être un service public de compétence exclusivement communale ou intercommunale.
L’inscription de ce principe dans la loi lui conférerait un caractère d’intérêt général, permettant d’élaborer des règles communes à travers des outils-modèles nationaux, tels qu’un cahier des charges, des tarifs ou un règlement intérieur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Cet amendement tend à instituer un service public communal de l’accueil de petits groupes itinérants, sans en préciser les contours.
La loi du 5 juillet 2000 organise déjà cet accueil. Par conséquent, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. L’objet de cet amendement est de confier aux communes une mission de service public de l’accueil des gens du voyage afin de garantir leur liberté de circulation, dans le respect de l'intérêt général.
L’objet de la loi du 5 juillet 2000 modifiée est de garantir la liberté de circulation au moyen de la réalisation, par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, d’infrastructures destinées à permettre le stationnement des résidences mobiles des gens du voyage.
À ce titre, les communes exercent déjà une mission de service public, reconnue comme telle par la jurisprudence. Or, d’autres autorités interviennent dans ce service public, au premier rang desquelles l’État et les autres collectivités territoriales.
La rédaction de l'amendement pourrait laisser supposer qu’il s'agirait désormais d’une compétence exclusivement communale, ce qui méconnaîtrait la compétence des intercommunalités et celle de l’État.
Enfin, cette disposition inutile pourrait être interprétée comme créatrice d’obligations nouvelles pour les collectivités, d’autant que la liberté d’aller et venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, est déjà constitutionnellement garantie pour l’ensemble de la population, sans distinction.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voudrais dire tout le mal que je pense de cet amendement, en dépit de l’amitié que je porte à Esther Benbassa ! Outre qu'il est satisfait, il prévoit d’imposer aux communes une mission de service public de l’accueil des gens du voyage, alors que beaucoup d’entre elles n’ont déjà pas les moyens de respecter les dispositions de la loi Besson. Les communes et les intercommunalités sont déjà surchargées d’obligations qui ne devraient normalement pas leur incomber : avec la disposition proposée, l’État se déchargerait encore sur elles d’une de ses missions ; je ne peux pas y souscrire.
Mme la présidente. Madame Benbassa, l'amendement n° 14 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 15, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi modifiée :
1° Après le deuxième alinéa du II de l’article 1er, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Au vu de l’évaluation préalable prévue au premier alinéa du présent II, le schéma départemental détermine les aires de grand passage destinées à répondre aux besoins de déplacement des gens du voyage en grands groupes, notamment à l’occasion des rassemblements traditionnels ou occasionnels prévus dans l’alinéa suivant, avant, entre et après ces rassemblements. Il définit les conditions dans lesquelles l’État intervient pour assurer le bon déroulement de ces grands passages. »
2° À la première phrase du deuxième alinéa de l’article 4, les mots : « destinées à répondre aux besoins de déplacement des gens du voyage en grands groupes à l’occasion des rassemblements traditionnels ou occasionnels, avant et après ces rassemblements » sont supprimés.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’objet de cet amendement est de définir les aires de grand passage, qui ne sont évoquées dans la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 qu’au travers du prisme des financements dont elles peuvent bénéficier.
Nous considérons en effet qu’il convient de faire, dans la loi, une distinction entre l’itinérance de petits groupes et celle de grands groupes. Cette distinction existe de fait dans les circulaires relatives aux équipements dont doivent se doter les communes.
Les aires de grand passage, les AGP, répondent aux besoins de groupes composés de 50 à 200 caravanes. Au-delà, il s’agit des EGR, les emplacements de grand rassemblement.
Dans sa rédaction actuelle, l’article 1er de la loi Besson, relatif aux obligations des communes, ne cite pas explicitement les AGP, ce qui entraîne une certaine confusion. Certains les considèrent comme des aires permanentes d’accueil, alors qu’elles n’en ont ni les caractéristiques techniques ni les caractéristiques financières. D’autres les confondent avec les EGR. Cette confusion se retrouve en conséquence dans les arrêtés municipaux prévus au I de l’article 9 de la loi Besson, qui renvoie à l’article 1er de celle-ci.
De surcroît, la définition figurant à l’article 4 de la loi Besson ne correspond plus à la réalité du terrain. Les aires de grand passage ne répondent pas seulement aux besoins en amont et en aval des grands rassemblements.
D’une part, on distingue les rassemblements religieux évangélistes encadrés par une circulaire annuelle. Plus d’une centaine de groupes sillonnent ainsi le territoire national chaque année, entre les mois d’avril et d’août. Ces deux dates correspondent aux grands rassemblements annuels de Neuvoy dans le Loiret, point de départ, et à celui qui se déroule généralement sur une base militaire désaffectée du nord ou de l’est de la France, point d’arrivée.
D’autre part, des groupes laïcs organisés traversent également le territoire, sans que leurs déplacements soient pour autant balisés par de grands rassemblements ; c’est notamment le cas de l’association France Liberté Voyage.
Ce phénomène s’explique pour partie par le fait que les équipements d’accueil ne peuvent pas toujours remplir leur véritable fonction pour les petits groupes de passage. En effet, la plupart sont largement occupés par des voyageurs qui y sont fixés par défaut et souhaiteraient quitter des équipements collectifs afin de bénéficier de solutions d’habitat individuelles, en pleine propriété ou en location.
Devant ces difficultés de circulation, la taille des groupes a augmenté pour inverser le rapport de force avec les autorités locales. Il s’agit donc, avec cet amendement, de reconnaître la diversité de ces processus, afin de mieux les encadrer.
(M. Jean-Léonce Dupont remplace Mme Bariza Khiari au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. L'amendement n° 53, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa du II de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi rédigé :
« Le schéma départemental détermine les communes où les aires de grand passage doivent être réalisées, ainsi que la capacité de chaque aire. Les aires de grand passage comprennent les emplacements destinés à répondre aux besoins de déplacement des gens du voyage en grands groupes à l’occasion des rassemblements traditionnels ou occasionnels, avant et après ces rassemblements. Le schéma départemental définit les conditions dans lesquelles l’État intervient pour assurer le bon déroulement de ces rassemblements sur ces aires. »
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Plutôt que de « déterminer les emplacements susceptibles d’être occupés temporairement » à l’occasion des grands passages, comme le prévoit actuellement l’article 1er de la loi du 5 juillet 2000, le schéma départemental devrait déterminer les modalités de choix des emplacements susceptibles d’accueillir les grands passages.
Le schéma départemental indiquerait alors le nombre de terrains devant être disponibles chaque année pour accueillir des grands passages, ainsi que, si nécessaire, les secteurs où ces terrains doivent être situés.
Sur cette base, le préfet définirait chaque année les terrains retenus pour accueillir des grands passages pendant la saison d’été. Les communes concernées seraient ainsi prévenues très à l’avance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Il est dommage que ces amendements aient été déposés à l’article 1er, alors que les grands passages et les grands rassemblements sont traités aux articles 6 et 7 du texte de la commission. Ainsi, l’article 6 donne au représentant de l’État dans le département la charge du bon ordre des grands passages, tandis que l’article 7 prévoit une procédure pour les mouvements de plus de 150 caravanes.
Sur le fond, l’amendement n° 15 est satisfait par le II de l’article 1er de la loi du 5 juillet 2000. En outre, je le répète, les articles 6 et 7 du texte adopté par la commission comportent un certain nombre de dispositions de nature à vous donner satisfaction, madame Benbassa.
L’amendement n° 53 tend, quant à lui, à récrire le quatrième alinéa de l’article 1er de la loi du 5 juillet 2000, relatif aux grands passages. Les articles 6 et 7 de la proposition de loi, tels qu’ils ont été modifiés par la commission des lois, devraient également répondre à vos préoccupations sur le fond, monsieur Michel.
Il ne serait pas nécessairement facile de destiner ad vitam aeternam tel ou tel emplacement à accueillir de grands rassemblements ou de grands passages. Cela ne favoriserait pas forcément l’accueil de ces événements : prévoir une rotation peut être préférable.
Par conséquent, je demande aux auteurs de ces deux amendements de bien vouloir les retirer. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Les aires de grand passage sont définies par la combinaison des articles 1er et 4 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage.
L’article 1er de cette loi dispose notamment que « le schéma départemental détermine les emplacements susceptibles d’être occupés temporairement à l’occasion de rassemblements traditionnels ou occasionnels et définit les conditions dans lesquelles l’État intervient pour assurer le bon déroulement de ces rassemblements ».
L’article 4 de la loi du 5 juillet 2000 précise même le dispositif de financement susceptible d’être mobilisé par l’État et spécifique aux aires de grand passage.
Les aires de grand passage sont d’ores et déjà bien prises en compte dans les schémas départementaux. L’amendement n° 15 tend à les intégrer explicitement dans ces schémas.
Si le Gouvernement est favorable à cette intégration explicite, une telle mesure ne peut prendre son sens que dans le cadre d’un texte équilibré. En effet, l’objectif premier de la loi du 5 juillet 2000 est, d’une part, d’assurer un équilibre satisfaisant entre la liberté d’aller et venir des gens du voyage garanti par la Constitution et leur accueil dans des conditions décentes, et, d’autre part, de répondre à la préoccupation des élus locaux d’éviter les installations illicites portant atteinte au droit de propriété, qui occasionnent des difficultés de coexistence avec leurs administrés et peuvent susciter, le cas échéant, des troubles à l’ordre public.
Cet équilibre repose sur le respect par chacun de ses droits et devoirs : par les collectivités locales, auxquelles la loi confère la responsabilité de l’accueil des gens du voyage ; par les gens du voyage, qui s’engagent à être respectueux des règles collectives ; par l’État, qui doit être le garant de cet équilibre et affirmer la solidarité nationale.
Or, si l’équilibre recherché n’a été que très partiellement atteint jusqu’à présent, il ne l’est pas davantage au travers de la présente proposition de loi, qui est à visée essentiellement répressive.
Toutefois, l’amendement n° 15 tendant à améliorer l’équilibre du texte, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
J’en viens maintenant à l’amendement n° 53.
La loi du 5 juillet 2000 a donné compétence aux communes et aux EPCI pour la réalisation des aires de grand passage, qui relève de l’accueil des gens du voyage. La procédure d’élaboration du schéma départemental, qui détermine le choix des emplacements des aires de grand passage, associe d’ores et déjà étroitement les communes inscrites au schéma, celui-ci étant fondé sur une étude des besoins à l’échelle départementale.
L’amendement n° 53 vise à prévoir que les schémas départementaux déterminent explicitement les communes d’implantation des aires de grand passage. Il tend donc à préciser les termes de la loi du 5 juillet 2000.
Le Gouvernement est favorable à cette démarche. Toutefois, cette mesure ne peut prendre son sens que dans le cadre d’un texte équilibré. En effet, l’objectif premier de la loi du 5 juillet 2000 modifiée relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est, d’une part, d’assurer un équilibre satisfaisant entre la liberté d’aller et venir des gens du voyage, garantie par la Constitution, et leur accueil dans des conditions décentes, et, d’autre part, de répondre à la préoccupation des élus locaux d’éviter les installations illicites, qui portent atteinte au droit de propriété, occasionnent des difficultés de coexistence et créent, le cas échéant, des troubles à l’ordre public.
Cet équilibre repose sur le respect par chacun de ses droits et devoirs. Or si l’équilibre recherché n’a été que partiellement atteint jusqu’à présent, il ne l’est pas davantage dans la présente proposition de loi, qui est à visée essentiellement répressive.
Cependant, cet amendement visant lui aussi à améliorer l’équilibre du texte, le Gouvernement s’en remet, comme sur le précédent, à la sagesse du Sénat.
M. le président. Madame Benbassa, l'amendement n° 15 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 142 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l’adoption | 159 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 54 rectifié, présenté par M. J.P. Michel, Mme Benbassa et les membres du groupe socialiste et apparentés et les membres du Groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du quatrième alinéa du II de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi rédigée :
« Une annexe au schéma départemental recense les terrains aménagés dans les conditions prévues par l’article L. 444-1 du code de l’urbanisme. »
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Il s’agit ici de la sédentarisation des gens du voyage.
Cet amendement tend à prévoir qu’une annexe au schéma départemental recense les terrains aménagés pour accueillir les caravanes comme habitations permanentes.
L’article L. 444-1 du code de l’urbanisme dispose que l’aménagement de terrains bâtis pour permettre l’installation de caravanes constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs est soumis, selon la capacité d’accueil de ces terrains, à permis d’aménager ou à déclaration préalable. Ces terrains doivent être situés dans des secteurs constructibles.
Actuellement, l’article 1er de la loi du 5 juillet 2000 prévoit seulement qu’une « annexe au schéma départemental recense les autorisations délivrées sur le fondement de l’article L. 443-3 du code de l’urbanisme ».
Cet amendement vise à faire en sorte que l’accueil des gens du voyage soit mieux pris en compte dans les schémas départementaux, par le biais d’un recensement des terrains aménagés pour les caravanes comme habitations permanentes, et à favoriser ainsi la réalisation de terrains familiaux et la sédentarisation de ces populations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Cet amendement, tendant à prévoir qu’une annexe au schéma départemental recense les terrains aménagés pour accueillir des caravanes constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs, a reçu un avis favorable de la commission.
Le texte actuel ne prévoit que le recensement des autorisations correspondantes. La proposition qui nous est faite semble tout à fait adéquate : sa mise en œuvre permettrait de mieux organiser les mouvements et de bien comprendre les besoins des gens du voyage. La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Cet amendement a pour objet de préciser les éléments contenus dans le schéma départemental d’accueil des gens du voyage, en prévoyant d’y inclure obligatoirement une annexe recensant les terrains aménagés pour permettre l’installation de caravanes constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs.
Aux termes de l’article 444-1 du code de l’urbanisme, ces terrains doivent être situés dans des secteurs constructibles. À la différence de l’aire d’accueil destinée aux itinérants, le terrain familial répond à une demande des gens du voyage, qui souhaitent disposer d’un ancrage territorial au travers de la jouissance d’un lieu stable, aménagé, privatif, sans pour autant renoncer au voyage une partie de l’année.
Le Gouvernement est favorable à l’intégration des terrains familiaux dans les schémas départementaux. Toutefois, il nous apparaît que cette disposition pourrait utilement trouver sa place dans un texte équilibré, plutôt que dans un texte à vocation uniquement répressive. Aussi le Gouvernement s’en remet-il à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Nous soutenons cet amendement plein de bon sens. Une telle disposition est bienvenue à l’heure où l’on revoie de nombreux schémas départementaux, où les intercommunalités acquièrent de nouvelles compétences, notamment en matière d’urbanisme ou d’aménagement du territoire, et où l’on révise l’ensemble des documents d’urbanisme.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement me paraît sympathique et je suis prêt à le voter, mais je voudrais soulever une interrogation.
Dans le cas où un PLU interdit le stationnement des caravanes sur des terrains appartenant à des particuliers, une exception sera-t-elle possible pour les gens du voyage ?
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson. Je ne comprends pas très bien le sens de cet amendement. En effet, la loi Besson prévoit la révision des schémas tous les six ans : il me semble que les schémas ayant été révisés assez récemment ont complètement intégré les propositions qui viennent d’être formulées, en prenant en compte les terrains familiaux ou l’habitat social adapté. Il en est en tout cas ainsi dans les départements où un travail en commun entre les services de l’État, le conseil général et les associations de maires a été conduit. En outre, cet amendement serait à mon avis plus à sa place dans un texte général sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je partage l’interrogation de mon collègue Hérisson à propos de cet amendement.
On peut toujours faire des recensements, mais que fait-on des chiffres que l’on obtient et quelles conclusions en tire-t-on ?
Dans des départements très urbanisés tels que ceux de la première couronne parisienne, il existe un certain nombre de terrains qui sont de facto aménagés, c'est-à-dire que l’on y trouve de l’habitat mobile permanent à côté d’un pavillon, et qui ne sont pas forcément déclarés. Je ne sais pas très bien comment on les comptabilisera.
Je m’interroge vraiment sur l’utilité d’un tel recensement dès lors que l’on ne tient pas compte de ses résultats. Dans mon département, un certain nombre de maires ont argué du fait que beaucoup de parcelles accueillent déjà de l’habitat mobile occupé par des personnes en fait semi-sédentaires pour refuser de créer une aire de stationnement pour les gens du voyage.
Je ne comprends pas très bien la finalité de cet amendement ; c’est pourquoi je ne le voterai pas.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Je souhaite répondre à la question de M. Requier.
Cette disposition n’aura pas de conséquence au regard du PLU : il s’agit simplement de pouvoir disposer d’une information utile aux gens du voyage, d’une part, et à la définition de la politique à mener dans le département, d’autre part. Cet amendement ne vise qu’à permettre une meilleure connaissance des besoins : son adoption n’aura pas d’incidence sur la politique de l’urbanisme ni de conséquences normatives.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 143 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Pour l’adoption | 177 |
Contre | 138 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.
L'amendement n° 56, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du I de l’article 3 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est remplacé par sept alinéas ainsi rédigés :
« Si, à l’expiration des délais prévus à l’article 2, une commune ou un établissement public de coopération intercommunale n’a pas rempli les obligations mises à sa charge par le schéma départemental, le représentant de l’État dans le département met en demeure la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale de prendre les mesures nécessaires pour y satisfaire dans un délai déterminé.
« Au terme de cette procédure, si la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale n’a pas obtempéré à cette injonction dans le délai imparti par la mise en demeure, le représentant de l’État peut l’obliger à consigner entre les mains d’un comptable public une somme correspondant au montant des mesures prescrites, laquelle est restituée au fur et à mesure de l’exécution de ces mesures.
« Il est procédé au recouvrement de cette somme comme en matière de créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. L’opposition à l’état exécutoire pris en application d’une mesure de consignation ordonnée par le représentant de l’État devant le juge administratif n’a pas de caractère suspensif.
« Si au terme d’un délai de six mois à la suite de la consignation de la somme prévue au I, la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale n’a pas pris les mesures nécessaires pour remplir les obligations mises à sa charge par le schéma départemental, le représentant de l’État met à nouveau en demeure la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale de prendre les mesures nécessaires pour y satisfaire dans un délai déterminé.
« Au terme de cette procédure, si la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale n’a pas obtempéré à cette injonction dans le délai imparti par la mise en demeure, l’État peut acquérir les terrains nécessaires, réaliser les travaux d’aménagement et gérer les aires d’accueil au nom et pour le compte de la commune ou de l’établissement public défaillant.
« Le représentant de l’État peut faire procéder d’office, en lieu et place de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale mis en demeure et à ses frais, à l’exécution des mesures nécessaires. Les sommes consignées en application du I peuvent être utilisées pour régler les dépenses ainsi engagées.
« À cette fin, le représentant de l’État peut se substituer à l’ensemble des organes de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale pour faire procéder d’office à l’exécution des mesures nécessaires. Il peut notamment procéder à la passation d’un marché public, selon les règles de procédures applicables à l’État, au nom et pour le compte de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Cet amendement très important tend à renforcer les pouvoirs de substitution du préfet aux communes ou aux EPCI n’ayant pas respecté leurs obligations en matière de construction et de gestion d’aires d’accueil. Il en existe aujourd'hui encore un certain nombre…
L’article 3 de la loi du 5 juillet 2000 accorde à l’État un pouvoir de substitution pour la réalisation et la gestion des aires si la commune ou la communauté de communes n’a pas satisfait à ses obligations en la matière dans les délais prescrits après mise en demeure. Toutefois, ce pouvoir de substitution n’a jamais été mis en œuvre, car l’État ne dispose pas des fonds nécessaires.
L’objet de cet amendement est donc de renforcer le pouvoir de substitution des préfets en leur permettant d’avoir recours à une procédure de consignation des fonds communaux ou intercommunaux dans les mains d’un comptable public en cas de refus caractérisé et après échec de toutes tentatives de conciliation.
Il ne devra être recouru à cette possibilité qu’en dernier ressort, au terme d’une longue procédure. C’est une sorte de bombe atomique !
Cette procédure, qui pèsera sur les élus locaux, présente l’avantage, selon le préfet Hubert Derache, de permettre à ceux d’entre eux qui sont confrontés à une forte opposition locale de se retrancher – je n’aime pas trop ce terme – pour agir derrière une force supérieure pleinement légitime, intervenant au nom de l’intérêt général.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Il s’agit en effet d’un amendement majeur.
Certaines occupations illicites de terrains résultent du fait que des communes ne respectent pas leurs obligations en matière de réalisation d’aires d’accueil et qu’il est par conséquent impossible de s’y installer autrement.
Le législateur ne peut que constater que les dispositions de la loi de 2000 relatives à la substitution directe de l’État ne fonctionnent pas, puisque ce pouvoir de substitution n’a jamais été mis en œuvre. Il faut néanmoins trouver un processus qui permette de forcer les communes ne respectant pas leurs obligations à s’y conformer, ne serait-ce que par égard pour celles qui respectent la loi.
La procédure proposée ici de substitution de l’État après mises en demeure et consignation permet une réponse graduée qui – nous l’espérons – sera plus efficace que les dispositions actuelles pour amener les communes concernées à respecter la loi, qui leur impose de prévoir des aires d’accueil pour les gens du voyage dès lors qu’elles comptent plus de 5 000 habitants.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement, dont l’adoption permettra d’atteindre un équilibre entre la nécessité de donner de nouveaux outils aux communes pour faire face aux occupations illicites de terrains et celle d’accorder à l’État les moyens d’amener progressivement les communes aujourd'hui hors la loi à respecter celle-ci. Cet amendement est indispensable au bon équilibre de la loi.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le Gouvernement est sensible à la nécessité d’améliorer l’effectivité de la réalisation des aires d’accueil des gens du voyage.
Il est ainsi favorable à la création d’une procédure de consignation et à la précision des modalités de mise en œuvre du pouvoir de substitution du représentant de l’État dans le département.
Dans un premier temps, après avoir invité la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale à présenter ses observations et lui avoir adressé une mise en demeure de prendre les mesures nécessaires pour satisfaire aux obligations mises à sa charge par le schéma départemental dans un délai déterminé, le préfet pourrait obliger la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale à consigner entre les mains d’un comptable public une somme correspondant au coût des mesures prescrites.
Dans un second temps, si la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale continue à ne pas se conformer aux obligations mises à sa charge par le schéma départemental, le préfet pourrait à nouveau inviter la commune ou l’EPCI à présenter ses observations et procéder à une nouvelle mise en demeure. Si la commune ou l’EPCI ne prend pas les mesures prescrites par la mise en demeure dans le délai imparti, le préfet pourrait alors se substituer à la collectivité en mettant en œuvre ces mesures aux frais de cette commune ou de cet EPCI.
Il se substituerait alors à l’ensemble des organes de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale pour faire procéder à l’exécution des mesures nécessaires à la réalisation de l’aire d’accueil, notamment au moyen de la passation d’un marché public selon les règles de procédure applicables à l’État, au nom et pour le compte de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale.
En tout état de cause, la procédure de substitution constitue le dernier recours permettant de pallier la carence d’une collectivité et a vocation à demeurer une procédure exceptionnelle. Nous comprenons combien ce sujet est sensible et nous savons de quel discernement il convient de faire preuve pour attribuer un pouvoir de substitution au préfet.
Cependant, la mise en place cette procédure ne se conçoit que dans le respect de l’équilibre entre les obligations en matière d’aménagement et de gestion des aires mises à la charge des communes et les droits dont celles-ci disposent dans ce domaine.
Ainsi, rendre effective la possibilité d’obliger une commune à créer une aire d’accueil suppose, en contrepartie, de renforcer l’effectivité de ses pouvoirs en matière d’évacuation des campements illicites. Il s’agit là de dispositifs juridiques complexes reposant sur des équilibres très précis et garantis par une approche concertée entre divers ministères, associant des représentants des élus locaux et des gens du voyage. Je ne crois pas que cette proposition de loi procède de cette méthode de travail. Dans ces conditions, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson. La loi Besson dispose que les communes de plus de 5 000 habitants sont obligatoirement concernées par le schéma départemental, mais cela ne signifie pas que les communes de moins de 5 000 habitants n’ont pas d’obligations en la matière. En effet, elles peuvent être visées par le schéma départemental parce qu’elles sont des lieux de passage traditionnels, parce que leur territoire se prête à la réalisation d’une aire d’accueil ou encore parce qu’elles appartiennent à un EPCI ayant reçu la compétence en matière de réalisation d’aires d’accueil. Ainsi, dans l’intercommunalité d’Annecy, qui comprend sept communes comptant plus de 5 000 habitants, dont une de plus de 50 000 habitants, l’aire d’accueil principale est située sur le territoire d’une commune de moins de 2 000 habitants.
Il ne faudrait donc pas laisser croire que les communes de moins de 5 000 habitants ne sont pas concernées. Je rappelle d'ailleurs que, selon la jurisprudence « ville de Lille » du Conseil d'État, qui n’a rien perdu de sa portée, les 36 763 communes de France sont toutes tenues d’assurer l’accueil et le stationnement des gens du voyage pendant au moins quarante-huit heures en cas de besoin. Cette obligation n’a pas été remise en cause par la loi Besson.
J’en viens aux pouvoirs de substitution du préfet. La loi Besson dispose déjà que ce dernier peut inscrire d’office au budget de la commune le montant nécessaire à l’exécution de ses obligations en matière d’aires d’accueil. On est donc ici en train d’enfoncer une porte ouverte, même si l’on impose des contraintes financières plus importantes.
La loi interdit l’approbation définitive du plan local d’urbanisme d’une commune relevant d’un schéma départemental si celle-ci n’a pas prévu l’emplacement nécessaire à la réalisation de l’aire d’accueil. Cependant, la question importante, qu’il faudra, encore une fois, traiter lors de l’examen de la proposition de loi Raimbourg, est de savoir comment le préfet, dans le cadre de son pouvoir de substitution, pourra déterminer cet emplacement. En effet, si le préfet n’a pas le pouvoir de réquisitionner un terrain, on pourra prévoir toutes les contraintes financières que l’on voudra, cela ne servira strictement à rien.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je ne peux être favorable – c’est un euphémisme ! – à cet amendement.
Je ferai un parallèle avec la situation qui prévaut en matière de logement social. À la suite des péripéties que vous connaissez, la loi Duflot a modifié pour la énième fois le cadre juridique, notamment en augmentant les pénalités pour les communes ne remplissant pas leurs obligations. Si les pénalités ont été relevées, c’est précisément parce que la sanction ne marche pas ; je suis persuadé que ce n’est pas cette mesure qui permettra d’améliorer les choses.
On n’arrivera pas à créer du logement social contre la volonté d’un conseil municipal. Il trouvera toujours un moyen de s’exempter de ses obligations. Il faut privilégier la pédagogie, plutôt que d’appliquer des sanctions ; j’en suis intimement convaincu, pour avoir été maire pendant dix-huit ans. J’ai construit 350 logements sociaux dans ma commune, mais si je n’avais pas eu la volonté de m’engager dans cette voie, il n’en existerait toujours aucun aujourd’hui, malgré le risque de sanction. Il en va de même en ce qui concerne la réalisation d’aires d’accueil pour les gens du voyage.
Par ailleurs, s’il est vrai que certaines communes refusent de réaliser une aire d’accueil sur leur territoire, d’autres le veulent bien, mais ne le peuvent pas.
Je citerai une nouvelle fois l’exemple de ma commune, qui compte 8 000 habitants. Nous n’avons pu faire autrement que confier la création de l’aire d’accueil à l’EPCI, en plein accord avec le schéma départemental et avec l’approbation de M. le préfet. L’EPCI a choisi un terrain à cette fin, mais un village voisin, qui ne fait pas partie de l’intercommunalité, bloque la réalisation de l’aire d’accueil, estimant sans doute que l’emplacement choisi est trop proche de son territoire. Cette situation de blocage dure depuis dix ans, sans que nous puissions en sortir ! Dans ces conditions, serait-il concevable de nous contraindre à consigner dans les mains d’un comptable public les sommes nécessaires ?
Comme pour le logement social, si une commune ne veut pas réaliser d’aire d’accueil, elle ne le fera pas. En outre, il arrive que des communes disposées à en créer une s’en trouvent empêchées, faute de terrain disponible.
Tout à l’heure, on nous a opposé que ce n’est pas en alourdissant les sanctions que l’on lutterait plus efficacement contre les occupations illicites de terrains. Dans le même ordre d’idées, ce n’est pas en renforçant les contraintes que l’on amènera les communes à réaliser des aires d’accueil pour les gens du voyage. S’il en était autrement, cela se saurait ! (Mme Esther Sittler applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Monsieur Reichardt, nous reviendrons sur la question du transfert à l’intercommunalité de la compétence en matière de réalisation d’aires d’accueil à l’occasion de l’examen d’amendements ultérieurs.
Cela étant dit, il s’agit ici non pas de renforcer les sanctions,…
M. André Reichardt. Jean-Pierre Michel a parlé de bombe atomique ! Si ce n’est pas une sanction…
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. … mais de mettre en place un dispositif gradué pour conduire les communes à respecter la loi, en les plaçant devant leurs responsabilités.
À cet égard, il est assez choquant que vous sembliez juger normal qu’une commune ne respecte pas la loi si elle ne le veut pas ! J’attends votre solution, car ce n’est pas là une situation satisfaisante. Je le répète, il est proposé d’instaurer une procédure progressive, dont la mise en œuvre serait placée sous la responsabilité du préfet.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 144 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 347 |
Pour l’adoption | 176 |
Contre | 171 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 18, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 3 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, sont insérés deux articles ainsi rédigés :
« Art. 3-1. – Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale visés à l’article 2 fournissent au représentant de l’État dans le département, chaque année avant le 1er juillet, un inventaire des aires permanentes d’accueil et des aires de grand passage sur leur territoire. Le contenu et les modalités de cet inventaire sont définis par décret.
« Le défaut de production de l’inventaire ou la production manifestement erronée, tels que constatés par le représentant de l’État, donne lieu à l’application d’une amende dont le montant est fixé dans les conditions prévues par décret. Les sommes ainsi recouvrées sont versées au fonds institué par l’article 3-2.
« Art. 3-2. – Il est effectué chaque année, dans les conditions fixées par la loi de finances, un prélèvement sur les ressources fiscales des communes et établissements publics de coopération intercommunale qui n’ont pas rempli leurs obligations mise à leur charge par le schéma départemental, à l’exception de celles qui bénéficient de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale prévue par l’article L. 2234-15 du code général des collectivités territoriales.
« Les sommes correspondantes sont versées à un fonds départemental exclusivement destiné au financement de la réalisation des aires. Les modalités de composition et de gestion du fonds sont fixées par un décret en Conseil d’État. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement à visée incitative tend à l’établissement d’un inventaire précis des aires permanentes d’accueil et des aires de grand passage réalisées, afin de sanctionner fiscalement les communes n’ayant pas rempli leurs obligations. En effet, treize ans après la promulgation de la loi Besson, seulement 52 % des aires permanentes d’accueil et 29 % des aires de grand passage ont été réalisées. Après huit ans d’incitation financière de la part de l’État, ce bilan est plutôt maigre.
Il faut rappeler que la politique publique en la matière a près de cinquante ans. Dès 1966, la circulaire n° 128 du 8 mars et la circulaire n° 546 du 25 octobre, notamment, soulignaient la nécessité de créer et d’équiper des aires de stationnement communales, intercommunales ou départementales. Le régime d’autorisation s’appuyait sur le décret n° 62-461 du 13 avril 1962 portant règlement d’administration publique pour l’application de l’article 91 du code de l’urbanisme et de l’habitation et relatif à divers modes d’utilisation du sol. Une autorisation était alors prévue pour l’installation dans certaines communes d’abris fixes ou mobiles utilisés ou non pour l’habitation dans le cas d’une occupation de plus de trois mois. Cette réglementation a permis à l’initiative privée et publique, émanant souvent d’associations et accompagnée par de hauts fonctionnaires, de susciter la création des premières aires d’accueil, comme celle de La Jaunaie, à Laval, en 1965.
Mme Nathalie Goulet. En Mayenne, chez nos voisins !
Mme Esther Benbassa. Dans son arrêt « ville de Lille » de 1983, que j’ai déjà évoqué, le Conseil d’État a rappelé le principe fondamental de liberté de circulation et a fait obligation à toutes les communes de mettre à disposition des voyageurs un espace de domaine public afin de mettre ce principe en œuvre.
En 1990 fut votée la première loi sur le sujet, déjà sur l’initiative de Louis Besson, qui estimait que les communes de plus de 5 000 habitants avaient les moyens de mettre à disposition des personnes itinérantes des équipements d’accueil répondant à des normes élaborées.
Le financement de l’État, d’abord assez faible, sera doublé en 2000, au travers d’une loi cette fois entièrement consacrée à la problématique de l’accueil et de l’habitat des gens du voyage, afin de remédier au semi-échec de la politique suivie jusqu’alors.
Comme vous le constatez, mes chers collègues, l’échec de cette démarche incitative est patent. La sanction, comme le rappelle le titre de cette proposition de loi, est devenue nécessaire afin de faire respecter l’égalité de traitement sur l’ensemble du territoire en matière d’accueil des gens du voyage.
M. le président. L'amendement n° 32, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 3 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, il est inséré un article … ainsi rédigé :
« Art. … .- Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale visés à l’article 2 fournissent au représentant de l’État dans le département, chaque année avant le 1er juillet, un inventaire des aires d’accueil aménagées sur leur territoire, du nombre de place de caravanes correspondant, ainsi que de leur équipement en installations sanitaires, en alimentation en eau potable et en électricité. »
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. La question de la qualité des prestations fournies dans les aires d’accueil des gens du voyage est particulièrement importante. Le rapport de la Cour des comptes sur la mise en œuvre de la loi Besson est très instructif à cet égard.
Il y a en effet une grande diversité de comportements des élus locaux au regard de l’obligation faite aux communes et aux EPCI de taille significative de réaliser les aires d’accueil et les logements adaptés prévus par les schémas départementaux.
Mettons tout de suite de côté le cas des élus que je qualifierai de coopératifs, c’est-à-dire ceux qui ont très vite compris que le respect de la législation était le plus sûr moyen d’éviter les tensions.
Le style de vie des populations itinérantes étant tout à fait estimable et respectable, il importe que tout soit mis en œuvre pour que celles-ci puissent trouver leur place dans notre société, sans se heurter à une quelconque discrimination ou hostilité.
La réalisation des aires d’accueil, largement conduite dans certaines régions au regard des objectifs fixés, est la démonstration d’une forme d’intelligence collective partagée. On constate que les tensions que l’on peut parfois observer lorsque se produisent des occupations de caractère « sauvage » ou illégal ne se manifestent pas, ou seulement très rarement, dans ces territoires.
Il y a évidemment toujours des exceptions à cette règle, mais le fait est que les tensions les plus vives se font jour avant tout dans les départements et les villes où les structures d’accueil sont insuffisantes ou d’une qualité inférieure à ce qui est souhaitable.
Le rapport de la Cour des comptes mettait d’ailleurs notamment en évidence, outre l’insuffisance du nombre de structures dans certains départements, en particulier sur le littoral méditerranéen, la médiocre qualité des prestations fournies : aires situées à proximité de routes à grande circulation, voire d’autoroutes, de lignes à haute tension ou de voies ferrées, ou dont l’éloignement des centres-villes constitue un obstacle à une scolarisation normale des enfants, ainsi qu’au raccordement aux réseaux d’eau ou d’électricité, pourtant nécessaire à la vie de la collectivité. Le rapport est très instructif à cet égard.
Nous devons veiller au respect tant des équipements mis à disposition qu’à celui des familles censées en bénéficier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement n° 18 et sollicite le retrait de l’amendement n° 32.
La proposition de Mme Benbassa est très proche d’un amendement que j’avais présenté en commission, mais qui avait été rejeté. Le débat que nous avions eu à cette occasion a ensuite débouché sur le dépôt de l’amendement n° 56 prévoyant la mise en place d’un dispositif de consignation, que le Sénat vient d’adopter.
À mon sens, il serait quelque peu inutile et incohérent d’adopter maintenant un autre dispositif, de nature différente, visant lui aussi à renforcer les sanctions contre les communes ne se conformant pas à leurs obligations en matière de réalisation d’aires d’accueil. Par conséquent, à titre personnel, dès lors que l’amendement n° 56 a été adopté, je suis très réservé à l’égard de l’amendement n° 18, même si j’avais formulé une proposition analogue en commission. Je ne le voterai donc pas.
M. André Reichardt. Merci !
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. L’amendement n° 32, quant à lui, a pour objet d’améliorer la connaissance des structures d’accueil existant dans le département, en mettant l’accent sur le respect des normes. À titre personnel, il me semble utile.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. À l’instar des auteurs de l’amendement n° 18, le Gouvernement est sensible à la nécessité d’améliorer l’effectivité de la réalisation des aires d’accueil des gens du voyage. Il est ainsi favorable au renforcement du pouvoir de substitution de l’État lorsque les communes ou les EPCI ne respectent pas leurs obligations en la matière, notamment par la création d’une procédure de consignation entre les mains du comptable public des sommes nécessaires à la réalisation de ces aires d’accueil.
Ces procédures, plus contraignantes que celles qui sont actuellement en vigueur et dont l’effectivité est garantie par le mécanisme de consignation, sont prévues dans la proposition de loi Raimbourg relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 5 décembre 2013.
La création d’un mécanisme d’amende administrative en cas de non-respect de l’obligation d’inventaire et d’un prélèvement sur les ressources fiscales des communes et des EPCI concernés aboutirait à créer des contraintes dont le cumul apparaît disproportionné au regard du principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales.
Dans ces conditions, compte tenu de la création du mécanisme de consignation que j’ai évoqué, le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Concernant l’amendement n° 32, si le Gouvernement comprend l’objectif de ses auteurs, à savoir assurer le respect de la mise en œuvre des obligations prévues par le schéma départemental, il apparaît excessif d’imposer aux communes et aux EPCI une procédure annuelle spécifique en matière d’inventaire des aires d’accueil. La création d’une telle contrainte ne s’inscrit pas dans la politique actuelle de simplification des normes. Enfin, cet inventaire est déjà pratiqué, de fait, dans le cadre de l’enquête annuelle conduite par le préfet.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Madame Benbassa, retirez-vous l’amendement n° 18 ?
Mme Esther Benbassa. Non, monsieur le président, je le maintiens.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’amendement n° 18.
Mme Nathalie Goulet. Nous ne voterons pas cet amendement, pour des raisons que j’ai évoquées tout à l’heure, bien que son objet précise que le prélèvement opéré sur les ressources fiscales des communes n’ayant pas respecté leurs obligations alimenterait un fonds départemental destiné à financer la réalisation des aires d’accueil.
Je ne veux pas revenir sur un sujet qui fâche, monsieur le ministre, mais cela nous ramène au problème du financement, quelques jours seulement après le débat que nous avons eu sur la péréquation dans cette enceinte.
Beaucoup de communes ou d’intercommunalités, je l’ai déjà dit, sont tout à fait disposées à se conformer à leurs obligations, mais n’en ont tout simplement pas les moyens. La liberté des collectivités de s’administrer est limitée par leurs capacités financières et n’est souvent que formelle. Il y a là une vraie difficulté : monsieur le ministre, si vous voulez que la loi de la République soit respectée, comme nous le souhaitons tous dans cet hémicycle, que nous l’ayons votée ou non, il faut en donner les moyens aux acteurs de terrain. En l’occurrence, concernant la création des aires de stationnement, tel n’est pas le cas.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je ne voterai pas cet amendement pour deux raisons.
En premier lieu, il est curieux de demander une nouvelle fois aux communes et aux EPCI de fournir chaque année au représentant de l’État dans le département un inventaire des aires permanentes d’accueil et des aires de grand passage implantées sur leur territoire. Si un préfet n’est pas au courant de ce qu’il se passe dans son département, je lui recommande vivement de s’entourer des hommes à même de l’informer !
Mme Nathalie Goulet. Et des femmes !
M. André Reichardt. En outre, que je sache, l’État contribue financièrement à la réalisation des aires d’accueil et ne saurait donc être dans l’ignorance à cet égard. De plus, un contrôle préfectoral s’exerce en temps utile sur les budgets.
Par ailleurs, l’amendement prévoit que le défaut de production de cet inventaire donnerait lieu à l’application d’une amende. Permettez-moi de vous dire, madame Benbassa, qu’une telle proposition traduit une certaine méconnaissance du fonctionnement des communes, qui en ont franchement ras-le-bol de toutes ces contraintes supplémentaires dont on les accable jour après jour.
En second lieu, concernant le prélèvement sur les ressources fiscales des communes n’ayant pas rempli leurs obligations, autant je veux bien entendre que le dispositif de consignation voté à l’instant par la majorité du Sénat ne constitue pas une véritable sanction, comme l’a affirmé M. le rapporteur, autant je considère que, en l’espèce, ce prélèvement relève bien du domaine de la sanction.
Je le redis, nous sommes en train de mettre en place, pour les aires d’accueil des gens du voyage, un système de contrainte analogue à celui qui s’applique en matière de logement social. Si l’amendement est voté, non seulement les communes n’ayant pas satisfait à leurs obligations subiront un prélèvement sur leurs ressources fiscales, mais elles seront en plus amenées, comme en matière de logement social, à « cracher au bassinet », outre les sommes qu’elles devront débourser pour créer les aires d’accueil des gens du voyage.
C’est bien ce qui se pratique à l’heure actuelle en matière de logement social. Je m’évertue à expliquer qu’il s’agit d’une profonde injustice, mais aucun gouvernement ne veut le comprendre. J’y insiste, il y a là une dérive qui pénalise les communes ; il faudra bien un jour y mettre un terme.
De grâce, restons-en à la procédure de consignation qui a été adoptée tout à l’heure par la majorité du Sénat. N’en rajoutons pas en votant cet amendement du groupe écologiste : je vous le demande, mes chers collègues, au nom de nos communes ! (Mme Marie-Thérèse Bruguière applaudit.)
M. Dominique de Legge. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson. Je partage complètement les propos de mon collègue André Reichardt.
Je rappelle que la loi Besson prévoit une participation financière de l’État de 15 000 euros par aire d’accueil créée, disposition que ce dernier ne respecte plus depuis plusieurs années. (Mme Nathalie Goulet approuve.) Cela n’a pas empêché la majorité de nos collègues de voter un amendement prévoyant, pour les communes ne respectant pas leurs obligations, la consignation dans les mains d’un comptable public des sommes nécessaires à la réalisation d’une aire d’accueil ! L’absence de contribution de l’État au financement des aires d’accueil est la première des raisons expliquant que l’objectif de 40 000 emplacements fixé par la loi Besson n’ait pas été atteint !
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Pierre Hérisson. Ajoutons que les 15 000 euros de subvention de l’État prévus par la loi Besson ne représentent plus grand-chose en 2014, au regard du coût de la réalisation d’une aire d’accueil.
Nous sommes en train de traiter maladroitement les questions abordées dans une perspective plus large par la proposition de loi Raimbourg, qui prend en compte la nécessité de faire évoluer la loi Besson.
J’ai de plus en plus l’impression que l’objectif était de déposer de multiples amendements pour éviter que le présent texte puisse être voté ce soir. En ce cas, nous vous donnons rendez-vous au mois d’avril pour la suite de l’examen de notre proposition de loi !
Le bon sens impose que la proposition de loi Raimbourg soit inscrite au plus vite à l’ordre du jour du Parlement, monsieur le ministre, afin qu’un débat général puisse s’ouvrir sur ce sujet. Cela vaudra beaucoup mieux que la mascarade de cet après-midi, destinée à empêcher le vote de l’ensemble du texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L’amendement n° 39, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 6 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Ces conventions font l’objet d’un bilan d’évaluation au terme de chaque année civile, évaluation associant les représentants des usagers. »
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Cet amendement est retiré, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 39 est retiré.
L’amendement n° 19, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, après les mots : « de ce délai », la fin de la phrase est supprimée.
2° Les troisième et quatrième alinéas sont supprimés.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 9 la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 prévoit la possibilité, pour les communes respectant leurs obligations en matière d’accueil des gens du voyage, d’interdire le stationnement de résidences mobiles sur leur territoire. Cette possibilité est également ouverte, de manière dérogatoire, aux communes disposant d’un emplacement provisoire faisant l’objet d’un agrément par le préfet.
Nous considérons que de tels emplacements provisoires n’ont pas lieu d’être, le droit commun devant s’appliquer à tous. Cet amendement a donc pour objet de supprimer les emplacements provisoires et la possibilité, pour les communes qui en disposent, d’interdire le stationnement de résidences mobiles sur leur territoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable.
En effet, les emplacements provisoires ont été agréés par le préfet. Par conséquent, une commune offrant de tels emplacements respecte ses obligations, tant qu’ils existent, et il ne serait pas logique que son maire ne puisse pas bénéficier des possibilités ouvertes par la loi.
M. André Reichardt. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le Gouvernement considère que la suppression proposée n’est pas opportune, dès lors que les aires d’accueil provisoires font l’objet d’un agrément du préfet délivré en fonction de leur localisation, de leur capacité et de leur équipement et pour une durée limitée dans le temps, sans exonérer pour autant la commune recourant à cette solution de ses obligations en matière de mise en œuvre du schéma départemental d’accueil des gens du voyage. Il ne s’agit pas d’une alternative à ces obligations.
Les emplacements provisoires agréés par le préfet, qui offrent des garanties d’accueil aux gens du voyage, peuvent constituer une étape, en attendant la construction d’aires d’accueil pérennes. Par suite, priver les communes qui se sont dotées de ces emplacements provisoires de la possibilité ouverte par l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000 serait contreproductif.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Nous comprenons bien l’intention de Mme Benbassa et de ses collègues, mais nous nous rangeons à l’avis du ministre.
En effet, un emplacement provisoire peut présenter un intérêt. En outre, l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000 précise que l’agrément d’un emplacement provisoire n’exonère pas la commune des obligations qui lui incombent.
Nous ne pourrons donc pas voter cet amendement.
M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 19 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 19 est retiré.
Article 2
Le deuxième alinéa du II de l’article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est complété par les mots : « ou si le représentant de l’État dans le département propose un nombre suffisant d’emplacements disponibles dans une aire d’accueil située dans un périmètre de 30 kilomètres au plus de la commune sur laquelle est situé le terrain illicitement occupé. »
M. le président. L’amendement n° 20, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’objet de cet amendement est de supprimer l’article 2 de la présente proposition de loi, qui vise à autoriser la mise en demeure d’évacuer les lieux illicitement occupés, en l’absence d’atteinte à l’ordre public, si le préfet propose en contrepartie aux personnes concernées des emplacements disponibles dans un rayon de trente kilomètres.
Dans sa version initiale, l’article 2 de la proposition de loi supprimait purement et simplement les motifs d’ordre public fondant la mise en demeure de quitter les lieux en cas de stationnement illicite. Cela n’était pas acceptable du point de vue des valeurs que défend le groupe écologiste. En effet, l’article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 aurait alors eu pour seule vocation de protéger le droit de propriété.
Cette suppression n’était pas non plus acceptable d’un point de vue constitutionnel, car le Conseil constitutionnel a rappelé, dans sa décision du 9 juillet 2010, que « les mesures de police administrative susceptibles d’affecter l’exercice des libertés constitutionnellement garanties […] doivent être justifiées par la nécessité de sauvegarder l’ordre public et proportionnées à cet objectif ».
Nous avons donc accueilli avec soulagement le rejet de la version initiale de cet article par la commission des lois. Cependant, sur l’initiative de son rapporteur, la commission a complété le dispositif actuel en proposant une solution de rechange : la mise en demeure d’évacuer les lieux en contrepartie d’une proposition effective de stationnement dans une aire située à une distance raisonnable – moins de trente kilomètres – du terrain occupé.
Cette solution est bien plus acceptable que celle qui nous était proposée en premier lieu. Toutefois, nous considérons que la condition d’atteinte à l’ordre public, telle que rappelée par le Conseil constitutionnel, doit être maintenue dans toutes les situations et qu’il ne saurait y avoir d’exception.
C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de l’article 2.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable.
Nous avons souhaité trouver un équilibre, que cet amendement, ainsi que ceux qui suivront, risquent de remettre en cause. Il me semble préférable d’en rester aux dispositions adoptées par la commission. J’en appelle donc à l’esprit de responsabilité de chacun de nos collègues.
Mme Benbassa propose de maintenir le statu quo, mais il faut penser à ces communes qui essaient de faire en sorte que les choses se passent au mieux en cas d’occupation illicite, en évitant justement l’atteinte à l’ordre public. Ces communes vertueuses, en l’absence d’atteinte à l’ordre public, ne pourrait alors pas obtenir l’évacuation des lieux : reconnaissez, ma chère collègue, que ce type de situation pousse au crime !
Par conséquent, il est logique, en cas d’occupation illicite, quelles que soient les actions engagées pour éviter toute atteinte à l’ordre public, que le maire puisse demander l’évacuation ; sinon, où va-t-on ? C’est la raison pour laquelle, m’appuyant sur le texte initial de cet article, qui n’était pas opérant, j’ai essayé en commission de faire émerger une position d’équilibre.
Je propose d’en rester là et je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, ma chère collègue. J’en appelle également au sens des responsabilités de ceux de nos collègues qui défendront d’autres amendements portant sur cet article : sur cette question, il faut conserver un équilibre entre le respect des droits et la prise en compte du souci des communes vertueuses de réduire le plus possible le risque d’atteinte à l’ordre public. À ce titre, le texte de la commission me semble mériter d’être soutenu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Les auteurs de cet amendement considèrent qu’il ne saurait y avoir d’exception au principe selon lequel la mise en demeure de quitter les lieux ne peut intervenir en l’absence de trouble à l’ordre public.
Lorsqu’une commune respecte ses obligations en matière de schéma d’accueil des gens du voyage ou lorsqu’elle dispose d’un emplacement provisoire agréé par le préfet, ce dernier peut, à la demande du maire, du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain, mettre en demeure les propriétaires de résidences mobiles qui stationnent irrégulièrement sur ce terrain, qu’il soit public ou privé, de quitter les lieux.
Le délai d’exécution de la mise en demeure, qui peut intervenir sans recours préalable au juge, doit être fixé dans cette mise en demeure et ne peut toutefois être inférieur à vingt-quatre heures, sous réserve de l’exercice d’un recours suspensif devant le juge administratif. Celui-ci statue alors dans le délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine.
Cette procédure administrative se substitue à la procédure judiciaire, qui constitue le droit commun. Elle vise, pour les communes qui ont satisfait à leurs obligations en matière de schéma d’accueil des gens du voyage, à accélérer sensiblement la procédure d’expulsion des occupants illicites, tout en garantissant le respect des droits fondamentaux tant des propriétaires que des gens du voyage.
Toutefois, en l’état des dispositions actuellement en vigueur, le préfet doit justifier, à l’appui de sa mise en demeure de quitter les lieux, de l’existence d’un risque de trouble à l’ordre public créé par le stationnement illicite, en tenant compte du contexte local, ce qui n’est pas toujours aisé, notamment lorsque l’occupation est récente.
Le texte initial de la proposition de loi supprimait tout encadrement de la mise en demeure ; celle-ci pouvait intervenir du seul fait de l’occupation illicite, en l’absence de conditions tenant à l’ordre public, mais également en l’absence des garanties liées à l’accueil. Elle risquait par là même d’encourir la critique du juge constitutionnel.
La nouvelle rédaction de l’article 2, issue d’un amendement déposé en commission par le rapporteur, répond à cette critique, puisqu’elle rétablit la condition d’atteinte à l’ordre public figurant dans le texte actuel et ajoute une nouvelle possibilité de mise en demeure, distincte de la première, mais soumise à la condition de la garantie d’un accueil sur une aire de stationnement située dans un rayon de trente kilomètres autour du lieu d’installation.
Il faut rappeler que les mesures de police administrative susceptibles d’affecter l’exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figure la liberté d’aller et venir, doivent en principe être justifiées par la nécessité de sauvegarder l’ordre public et proportionnées à cet objectif.
Il est toutefois possible de soutenir que l’objet de la mise en demeure est bien, dans tous les cas, la préservation de l’ordre public, troublé du seul fait d’une occupation illicite, souvent massive et durable. En ce sens, l’atteinte portée aux libertés peut être proportionnée, si une possibilité effective de stationnement existe à proximité.
Cette nouvelle possibilité d’évacuation constituerait une avancée notable pour les communes ayant satisfait à leurs obligations en termes d’accueil des gens du voyage, mais elle doit alors se combiner avec d’autres dispositions visant à les contraindre en la matière, afin de garantir l’accueil effectif des gens du voyage. À notre sens, ce type de disposition ne peut se concevoir qu’au sein d’un texte construit autour d’un équilibre rigoureusement pensé. Le Gouvernement s’en remet par conséquent à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Nous ne pourrons voter cet amendement, qui prévoit la suppression pure et simple de l’article 2 tel qu’il a été récrit par la commission.
En effet, la version initiale de cet article supprimait tout motif d’ordre public pour procéder à l’évacuation des lieux illicitement occupés. Il s’agissait d’un assouplissement tout à fait excessif et, de plus, manifestement contraire à la Constitution.
Le rapporteur a préféré compléter le dispositif de l’article 2 en proposant que la mise en demeure d’évacuer les lieux, même dans le cas où il n’existe pas de trouble manifeste à l’ordre public, soit possible en contrepartie d’une proposition effective de stationnement dans une aire située à une distance de trente kilomètres au plus du terrain illicitement occupé.
Selon le rapporteur, cette modification permet d’atteindre un équilibre entre la prise en compte des préoccupations des communes vertueuses et le respect de l’aspiration légitime des gens du voyage à pouvoir accéder à un emplacement pour stationner leur caravane.
À la suite des auditions qu’il a organisées, le rapporteur a rappelé les difficultés, pour les communes en règle au regard du schéma d’accueil des gens du voyage, d’obtenir le respect des règles locales de stationnement. Il a indiqué que certaines communes sont doublement sanctionnées du fait de leur volonté de prendre en charge au mieux la question des campements sauvages : à cette fin, elles installent notamment des sanitaires sur le terrain occupé, mais, ce faisant, elles atténuent les atteintes à la salubrité, la sécurité et la tranquillité publiques. Or, le juge administratif apprécie la notion d’atteinte à l’ordre public de manière restrictive, en exigeant l’existence de troubles avérés.
Par ailleurs, le rapporteur a rappelé la jurisprudence du Conseil d’État, qui fait droit au refus du préfet d’apporter le concours de la force publique au motif que l’évacuation causerait un trouble plus grand à l’ordre public que celui qui est porté à ce dernier par l’occupation illicite.
On peut donc comprendre que la commission des lois se soit attelée à apporter des réponses aux communes de bonne foi, qui se trouvent démunies face à des situations génératrices de tensions, et qu’elle ait retenu le principe d’une mise en demeure d’évacuer les lieux, sous la condition de la présentation d’une offre de stationnement effective et proche
Le groupe socialiste n’a pas déposé d’amendement de suppression de cet article et ne votera donc pas l’amendement n° 20, mais il a souhaité assouplir encore le dispositif, pour le rendre véritablement compatible avec la jurisprudence constitutionnelle, ce qui n’est pas encore le cas à notre avis, en proposant d’élargir le périmètre de la mesure – c’est l’objet de notre amendement n° 57 – ou de renvoyer sa définition à un décret – c’est l’objet de notre amendement n° 58, que j’ai, par là même, défendu.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme Troendlé, MM. Carle, Doligé, Lenoir, Gilles, Leleux, de Legge et Cambon, Mme Masson-Maret, MM. Milon, Bizet, Gournac, Lefèvre et Grignon, Mmes Boog et Debré, MM. B. Fournier, Mayet, P. André, Couderc et Dufaut, Mmes Giudicelli et Mélot, M. Reichardt, Mme Bruguière, MM. Cléach, du Luart, Billard et Charon et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le deuxième alinéa du II de l’article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est supprimé.
La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. J’ai bien entendu l’appel du rapporteur à notre sens des responsabilités : c’est dans un esprit de responsabilité que je défends cet amendement visant à supprimer le deuxième paragraphe de l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000, qui dispose que la mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques.
Dans le respect du droit de propriété, une mise en demeure par le préfet doit pouvoir intervenir dès qu’un stationnement illicite est constaté par le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain.
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après les mots :
par les mots
rédiger ainsi la fin de cet article :
ou dès lors qu’il existe, dans un périmètre défini par décret, une aire d’accueil spécialement aménagée et offrant des capacités d’accueil suffisantes.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Cet amendement a déjà été défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
aire d’accueil située
insérer les mots :
dans le département ou, à défaut,
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. La gestion des conflits occasionnés par les occupations illégales de terrains publics ou privés par des gens du voyage nécessite évidemment un certain sens de l’écoute et de la diplomatie.
Plus vite nous irons vers la mise en œuvre des orientations de chaque schéma départemental et mieux nous préviendrons les effets toujours désastreux des occupations illégales.
Cela dit, il nous semble important de rappeler que le rôle du préfet, en matière de résolution de ces problèmes, demeure crucial. Cet amendement tend donc à rappeler et à marquer clairement la nécessité d’offrir une solution de rechange en cas d’occupation illégale, dans le cadre des disponibilités offertes par les schémas départementaux d’accueil des gens du voyage, afin de résoudre le conflit temporairement créé.
Faudra-t-il, dans cet esprit, aller jusqu’à concevoir des aires d’accueil d’une capacité légèrement supérieure aux mouvements observés ? En tout cas, chacun appréciera, en fonction de l’expérience acquise depuis quatorze ans, ce qu’il convient de faire dans le cadre de l’évaluation des schémas.
Toujours est-il que nous devons, en toutes circonstances, privilégier les solutions locales fondées sur le dialogue et la volonté de résolution des difficultés rencontrées. Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 57, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Remplacer le nombre :
30
par le nombre :
50
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Cet amendement a déjà été défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Je renouvelle, monsieur Lefèvre, mon appel à la responsabilité de chacun. Nous sommes là pour élaborer la loi, pas un communiqué de presse ! L’objectif est de parvenir à rédiger une disposition qui soit opérante et de nature à passer le filtre du Conseil constitutionnel.
À cet égard, M. le ministre a lu tout à l’heure la décision du Conseil constitutionnel aux termes de laquelle « les mesures de police administrative susceptibles d’affecter l’exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figure la liberté d’aller et venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles II et IV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, doivent être justifiées par la nécessité de sauvegarder l’ordre public et proportionnées à cet objectif ».
Par conséquent, votre amendement n° 4 rectifié va totalement à l’encontre de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En l’adoptant, nous irions droit dans le mur !
La commission des lois propose une rédaction visant à tenir compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Elle prévoit notamment un périmètre relativement restreint pour l’offre d’emplacements disponibles, afin de ne pas porter atteinte à la liberté d’aller et venir, tout en maintenant la possibilité de demander une évacuation en cas d’atteinte avérée à l’ordre public : cela demeure tout de même indispensable !
Il nous appartient d’élaborer un texte qui ne soit pas un simple coup de clairon : il doit permettre une avancée significative et opérationnelle, sans encourir la censure du Conseil constitutionnel. C’est pourquoi je vous demande, monsieur Lefèvre, de bien vouloir retirer cet amendement. Sinon, cela révèlerait que votre motivation n’est pas réellement d’élaborer une loi qui permette d’améliorer les choses.
Mme Catherine Troendlé. Bien sûr que nous sommes dans une démarche d’amélioration !
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Eh bien non, ma chère collègue, si vous maintenez un tel amendement, qui va à l’encontre de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, c’est que vous ne voulez pas changer les choses ! Cela signifie que votre seule préoccupation est d’obtenir un effet d’affichage ! La commission des lois, en revanche, est animée par un souci d’efficacité : c'est la raison pour laquelle nous avons voulu prendre en compte la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
M. Jean-Louis Carrère. On va leur expliquer !
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. L’amendement n° 58 de M. Jean-Pierre Michel vise à prévoir que le périmètre soit défini par décret. Là encore, j’en appelle au respect des exigences constitutionnelles. Proposer de renvoyer à un décret la définition du périmètre de relogement en l’absence d’atteinte à l’ordre public semble quelque peu audacieux, compte tenu de la jurisprudence que j’ai évoquée. Il est préférable de fixer le périmètre par la loi, afin de bien encadrer le dispositif. C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à l’amendement n° 58.
Concernant l’amendement n° 29, madame Cukierman, sa rédaction élargit le périmètre où doit se situer l’aire d’accueil à l’ensemble du département : la solution de réinstallation proposée pourra se trouver à plus de 100 kilomètres du terrain occupé de façon illicite, et ne saurait plus dès lors être qualifiée de « locale ». Je crains en outre qu’une telle disposition ne passe pas le filtre du Conseil constitutionnel. Par conséquent, votre amendement me semble contreproductif.
Enfin, la commission est favorable à l’amendement n° 57, qui vise à porter de trente à cinquante kilomètres le périmètre dans lequel pourra être située l’aire d’accueil faisant l’objet de la proposition de stationnement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le premier critère d’efficacité, pour le législateur, est de voter des textes qui soient conformes à la Constitution et à la jurisprudence constitutionnelle. C’est en ayant cette exigence à l’esprit qu’il faut examiner les amendements qui nous sont soumis, car ils portent manifestement sur des sujets touchant à des principes constitutionnels, rappelés par le Conseil constitutionnel lui-même dans sa décision du 9 juillet 2010.
De ce point de vue, l’adoption de l’amendement n° 4 rectifié aurait des conséquences très lourdes. Il vise en effet à supprimer la condition d’atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques permettant au préfet de mettre en demeure les gens du voyage occupant illicitement un terrain. La suppression de cette condition poserait à l’évidence, selon nous, un problème d’équilibre au regard de la décision précitée du Conseil constitutionnel.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 4 rectifié.
L’amendement n° 58, présenté par M. Michel, relève de la même problématique : ses auteurs pensent que son dispositif, plus nuancé, pourrait franchir le cap du contrôle de constitutionnalité, mais cela reste extrêmement aléatoire !
Ainsi, monsieur Michel, le Gouvernement s’interroge sur le renvoi à un décret de la détermination du périmètre dans lequel devra se situer l’aire d’accueil. Il nous semble que se pose, là aussi, une difficulté d’ordre constitutionnel, voire un problème de compétence négative du législateur. En effet, si la distance est considérée comme un élément essentiel, le législateur ne peut pas renvoyer sa définition au pouvoir réglementaire. Compte tenu de cette difficulté manifeste, j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable.
Le même raisonnement vaut pour l’amendement n° 29. La constitutionnalité des rédactions proposées est, à ce stade, aléatoire : j’invite chacun à la prudence. Nous reprendrons ce débat sur le périmètre pertinent ; il est légitime, mais, en l’état, pour les raisons précédemment exposées, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 29.
En ce qui concerne l’amendement n° 57, ses auteurs ont pris davantage de précautions en proposant d’élargir à cinquante kilomètres le périmètre considéré, afin d’être en conformité avec la proposition de loi Raimbourg. Cela n’infirme pas totalement le raisonnement que j’ai tenu, mais le dispositif est sans doute plus acceptable au regard de la Constitution, sans que l’on puisse toutefois avoir de certitude à cet égard. Dans ces conditions, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je rappelle que la proposition de loi de MM. Pierre Hérisson et Jean-Claude Carle a été inscrite par la conférence des présidents dans le cadre de l’espace réservé au groupe UMP, d’une durée de quatre heures.
À dix-huit heures trente, les quatre heures sont écoulées. Je me vois donc dans l’obligation d’interrompre l’examen de ce texte.
Il appartiendra à la conférence des présidents d’inscrire la suite de la discussion de cette proposition de loi, ainsi que la suite de la discussion de celle de MM. Jean-Pierre Leleux et Jean-René Lecerf, à l’ordre du jour d’une prochaine séance.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
M. le président. La séance est reprise.
8
Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes
M. le président. L’ordre du jour appelle le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes.
Huissiers, veuillez faire entrer M. le Premier président de la Cour des comptes.
(M. le Premier président de la Cour des comptes est introduit dans l’hémicycle selon le cérémonial d’usage.)
M. le président. Monsieur le Premier président, c’est un très grand plaisir de vous accueillir comme chaque année dans cet hémicycle pour la remise du rapport annuel de la Cour des comptes.
Je tiens une nouvelle fois à saluer les relations étroites et fructueuses que le Sénat entretient depuis de nombreuses années avec votre institution, qui, conformément à l’article 47-2 de la Constitution, assiste le Parlement dans sa mission de contrôle de l’action du Gouvernement, de contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale, ainsi que dans l’évaluation des politiques publiques.
Chacun aura pu le constater, la Cour des comptes est un acteur essentiel dans le débat public. Elle contribue par ses observations, les plus objectives possible, non seulement à éclairer les parlementaires dans leurs choix, mais aussi à informer l’opinion publique sur la situation des comptes publics et la gestion des services publics.
La remise du rapport annuel de la Cour est toujours très attendue. Je n’oublie pas pour autant les autres publications qui fournissent également de précieuses informations et dont vous rendez régulièrement compte devant nos commissions. En octobre dernier, la Cour a ainsi publié pour la première fois un rapport consacré aux finances publiques locales auquel la Haute Assemblée, représentante des collectivités territoriales, a été particulièrement attentive et qui a donné lieu à l’audition dans nos murs du président de la quatrième chambre.
Les commissions des finances et des affaires sociales de notre assemblée bénéficient chaque année de votre concours et de l’excellence de votre expertise pour l’exercice de leur fonction de contrôle. Comme vous, elles sont très vigilantes sur les suites données aux enquêtes que vous avez réalisées à leur demande et elles organisent, en présence des représentants de la Cour, des réunions « pour suite à donner » avec les rapporteurs de la commission et les représentants des organismes contrôlés.
Je forme le vœu que les relations entre le Sénat et la Cour continuent de se développer, et je salue, à ce titre, la mise en place d’un nouvel instrument de coopération par la dernière loi de programmation militaire, qui prévoit la transmission à toutes les commissions permanentes du Parlement, chacune dans leur domaine respectif de compétence, de toutes les communications adressées par la Cour des comptes aux membres du Gouvernement.
Autre volet d’une coopération confiante et fructueuse entre nos deux institutions : la signature, au mois de juillet dernier, de la convention conférant à la Cour des comptes, à partir de l’exercice 2013, la mission de certifier les comptes du Sénat. Les travaux de la mission d’audit des comptes de l’exercice 2013 ont débuté au mois de septembre dernier et s’achèveront au mois de mai prochain, avec la remise du rapport de certification. Ainsi, dans le respect du principe de l’autonomie des assemblées, auquel nous sommes très attachés, nous pourrons mieux répondre, ensemble, à l’exigence de transparence, de clarté et de sincérité des comptes, qui fonde la confiance de nos concitoyens dans leurs institutions.
Monsieur le Premier président, je vous donne maintenant la parole.
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Monsieur le président, j’ai l’honneur de vous remettre le rapport public annuel de la Cour des comptes. (M. le Premier président remet à M. le président du Sénat le rapport annuel de la Cour des comptes.)
M. Rémy Pointereau. Vous l’avez dédicacé ?
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Non, je ne l’ai pas dédicacé. (Sourires.)
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, le rapport public annuel de la Cour est sa publication la plus emblématique. Il est désormais loin d’être la seule : en 2013, la Cour a publié quarante rapports, dont quinze portent sur des sujets choisis par le Parlement ; sept lui ont été remis en application de la loi, notamment les lois organiques relatives aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale ; vous ont également été présentés un rapport public annuel, treize rapports publics thématiques et trois rapports sur la générosité publique. S’y ajoutent un rapport sur un sujet choisi par le Gouvernement et le rapport sur les comptes de la présidence de la République.
Outre ces quarante rapports, la Cour vous a transmis trente-trois référés et vingt-cinq rapports sur des entreprises publiques. Enfin, une soixantaine d’analyses détaillées sur l’exécution des dépenses et recettes de l’État accompagnent le rapport de la Cour sur l’exécution du budget.
En vous livrant toute cette matière, la Cour s’efforce ainsi – vous l’avez rappelé, monsieur le président – de remplir sa mission constitutionnelle d’assistance au Parlement et de répondre aux attentes que vous placez en elle. Je me réjouis de la qualité des relations entre la Cour et le Parlement, tout particulièrement les commissions des finances et des affaires sociales du Sénat.
Dans chacune de ces publications, sans porter d’appréciation sur les objectifs qui sont assignés aux différentes politiques publiques par les décideurs que vous êtes, la Cour établit des constats sur l’atteinte ou non de ces objectifs et invite les décideurs, Gouvernement et Parlement, à en tirer les conséquences. Elle manifeste ainsi son attachement à une dépense publique de qualité, c’est-à-dire efficace et économe. Cette exigence est permanente. Elle est plus pressante encore dans la situation actuelle des finances publiques, qu’aborde le rapport dans son premier chapitre.
La Cour y livre quatre messages sur les finances publiques.
Le premier est qu’en 2013, malgré un effort considérable, concentré essentiellement sur des recettes nouvelles, la réduction du déficit public sera limitée.
M. Jean Arthuis. Eh oui !
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Il existe un risque réel que le déficit public excède la dernière prévision du Gouvernement, de 4,1 % du PIB, contenue dans les annexes à la loi de finances pour 2014.
M. Philippe Dallier. Eh oui !
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. L’effort considérable de 2013, de 1,7 point de PIB, portant pour plus des trois quarts sur des recettes nouvelles, a produit des effets tangibles, mais plus lents et donc plus limités que prévus. En effet, le déficit public ne s’est réduit que de 0,7 point de PIB. Ce sont avant tout les recettes qui ont manqué par rapport aux prévisions, en raison des effets combinés d’une nette dégradation de la conjoncture et d’un excès d’optimisme dans le choix des hypothèses techniques utilisées pour le calcul des recettes. Ce dernier constat est d’ailleurs récurrent. Il serait heureux que cette pratique cesse.
Ce ne sont pas seulement les recettes qui ont manqué : les dépenses totales ont augmenté plus vite que ce qui était prévu par le Gouvernement au printemps 2013, sans que l’on puisse à ce stade analyser en détail les causes de ce résultat. Compte tenu des incertitudes qui demeurent sur les comptes de l’année 2013, il existe, selon nous, un risque significatif que le déficit public excède la dernière prévision de 4,1 %.
Le deuxième message concerne l’année 2014, qui marque un changement : l’effort programmé de 0,9 point de PIB repose désormais principalement sur la dépense, rejoignant en cela une orientation préconisée de longue date par la Cour. La tenue des objectifs ambitieux de maîtrise semble possible, mais il n’existe aucune marge de manœuvre pour faire face aux dépenses imprévues, qui adviennent fréquemment. En effet, les hypothèses de croissance pour 2014 s’appuient sur des prévisions de niveau d’emploi et de progression de la masse salariale du secteur privé qui paraissent fragiles, tout comme celles relatives à l’élasticité des recettes. Au total, la Cour estime que le produit des recettes pourrait être surestimé de 2 milliards à 4 milliards d’euros. En outre, le rendement des nouvelles mesures fiscales serait de 1 milliard à 2 milliards d’euros inférieur aux prévisions.
M. Jean Arthuis. Eh oui !
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. L’objectif de maîtrise des dépenses en 2014 est ambitieux et suppose des économies de l’ordre de 15 milliards d’euros par rapport à leur rythme tendanciel d’accroissement. La Cour relève qu’un effort a été fait pour mieux justifier les économies programmées, par rapport aux années précédentes. Cependant, une part des économies n’est pas encore documentée à ce stade et certaines sont surestimées. La tenue des objectifs de dépenses de l’État paraît possible, mais nécessitera d’importantes annulations de crédits pour y parvenir. Il n’existe en outre aucune marge pour faire face à des dépenses imprévues.
La Cour insiste pour que l’effort soit mieux partagé entre l’ensemble des acteurs publics, particulièrement ceux qui y ont le moins contribué jusqu’ici. Les économies attendues du secteur des collectivités territoriales sont chiffrées à 2 milliards d’euros, mais leur traduction concrète est hypothétique. En effet, si l’État a prévu de réduire les concours qu’il verse aux collectivités, le manque à gagner sera compensé par l’affectation de nouvelles ressources fiscales pour un montant égal, sinon supérieur. Rien ne permet donc d’anticiper un ralentissement des dépenses du secteur local dans son ensemble. Un freinage sensible des dépenses locales est pourtant nécessaire pour que la participation des collectivités territoriales au redressement des comptes publics devienne une réalité tangible, conformément à la trajectoire des finances publiques fixée par les pouvoirs publics, que le Parlement a approuvée. Il faut néanmoins relever que les communes et intercommunalités, qui ne sont pas bénéficiaires des nouvelles ressources, devront consentir un effort significatif.
Enfin, le secteur de la protection sociale devrait davantage contribuer aux économies, compte tenu de son poids dans les dépenses des administrations publiques et, surtout, de l’existence d’une dette sociale croissante, qui, selon nous, est une profonde anomalie. Nous pensons que, sans remettre en cause l’accès aux soins et la qualité des soins, il existe des marges de manœuvre.
Au total, compte tenu des nombreuses incertitudes et des risques significatifs que la Cour a relevés, l’atteinte de l’objectif de déficit public en 2014, de 3,6 %, n’est pas assurée à ce stade.
M. Jean Arthuis. Eh oui !
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Le troisième message est que, compte tenu du retard pris, l’effort sur la dépense devra être poursuivi et amplifié pendant les trois prochaines années pour respecter l’engagement du Gouvernement, approuvé par le Parlement, d’assurer le retour à l’équilibre structurel des comptes publics en 2016.
L’écart par rapport à la trajectoire fixée dans la loi de programmation des finances publiques, votée à la fin de 2012, va croissant. Il devrait être d’au moins un point et demi de PIB pour le déficit effectif en 2014. Tout retard supplémentaire dans la consolidation des comptes se traduirait par une divergence sensible par rapport à nos voisins européens ainsi que par une nouvelle dette importante et porterait une atteinte grave à la crédibilité financière de la France.
Le quatrième et dernier message sur les finances publiques est qu’il faut changer de méthode pour obtenir les économies programmées. Plutôt que de ponctionner tous les services, il faut engager les réformes de fond permettant la modernisation des administrations publiques, pour qu’elles puissent atteindre avec une plus grande efficacité les objectifs fixés par les pouvoirs publics.
Le Gouvernement envisage actuellement de réaliser chaque année, jusqu’en 2017, un effort concentré sur les seules économies en dépenses. Cet effort devrait représenter 17 milliards d'euros par an, soit un niveau supérieur à celui de 2014. Sa réalisation est possible, compte tenu des marges existantes. Cela suppose d’engager des réformes de fond dans les différentes administrations publiques.
La Cour et les chambres régionales identifient de nombreuses pistes de réforme, qui touchent une grande diversité de politiques publiques et d’acteurs. Additionnés, ces constats montrent que des réformes structurelles, si elles sont engagées, peuvent permettre des économies importantes.
Chaque acteur public, quel que soit son rôle, son statut, même s’il dispose de budgets limités, doit s’interroger en permanence sur la performance de son action : quels sont ses objectifs, les atteint-il et, si oui, est-ce à un coût raisonnable ? Pendant des années, ces questions n’ont pas été assez posées dans nos administrations. Lorsque l’on se donne la peine de les mesurer, les résultats atteints par les politiques publiques ne sont souvent pas à la hauteur des moyens consacrés. Il faut rompre avec l’indifférence devant les résultats insuffisants de nombreuses politiques publiques ou leurs coûts excessifs, faute de l’organisation la plus optimale. La Cour invite les décideurs publics, dont vous êtes, ainsi que les gestionnaires publics à un changement de culture pour s’intéresser davantage aux résultats obtenus – insuffisamment mesurés – qu’aux moyens déployés, souvent mis en avant, comme si l’utilité des dépenses allait toujours de soi.
Les informations riches livrées au Parlement au moment du débat sur la loi de règlement constituent une occasion privilégiée pour que celui-ci exerce sa mission de contrôle du Gouvernement et examine si des marges de manœuvre peuvent être trouvées. Le Parlement doit pouvoir consacrer davantage de temps à débattre du projet de loi de règlement pour tirer les conséquences des résultats très inégaux des politiques publiques et prendre ainsi toute sa place dans l’engagement des réformes de fond qui sont nécessaires.
Pour vous assister dans ce travail, je l’ai dit, la Cour vous livre régulièrement de nombreux rapports contenant des propositions sur des sujets de votre choix ou des sujets choisis par elle. Je ne peux que souhaiter que le Parlement se saisisse davantage encore de ces travaux et des recommandations qu’ils mettent sur la table, sachant que le dernier mot revient toujours – c’est légitime – aux représentants du suffrage universel que vous êtes.
Le rapport est, cette année, plus spécifiquement centré sur l’État et ses satellites. Il ne cherche pas en priorité à mettre sur la table de nouvelles pistes d’économies de grande ampleur. D’autres rapports de la Cour s’en chargent, dans une grande diversité de domaines, qu’il s’agisse par exemple de la maîtrise des dépenses de personnel dans les fonctions publiques, des achats de maintenance au sein des armées, de l’organisation de la permanence des soins, du développement de la chirurgie ambulatoire, de la gestion des régimes de protection sociale ou encore des mutuelles étudiantes, pour ne citer que des sujets évoqués en 2013.
Le rapport public annuel livre des cas illustratifs des forces et faiblesses, à différents degrés, d’un échantillon de services publics. Le rapprochement de ces différents exemples, petits ou grands, permet de mettre en évidence les différentes modalités de réformes nécessaires, allant de la refonte complète à l’adaptation, en passant par la simplification et le ciblage. C’est ainsi toute une panoplie de méthodes de réforme qui est présentée. Je les aborderai successivement, en commençant par la nécessaire refonte des politiques inefficaces.
Les juridictions financières constatent que certaines politiques – peu nombreuses, heureusement – sont particulièrement inefficaces. Souvent, les objectifs que visent ces politiques n’ont pas été explicités ou adaptés à l’évolution des besoins des citoyens et usagers. J’en prendrai deux exemples tirés du rapport, d’importance modeste, j’en conviens, mais représentatifs de ces situations.
Le premier est la politique en faveur du tourisme en outre-mer. En dépit d’un récent redressement, le tourisme dans les Antilles françaises, en Polynésie et à La Réunion est en crise, alors que certaines îles voisines et concurrentes connaissent un réel dynamisme. Les politiques de développement du tourisme mobilisent des moyens importants – entre 10 millions et 20 millions d'euros chaque année par collectivité – au service de stratégies datées, toujours marquées par le souhait d’accueillir un tourisme de masse. Surtout, la priorité est donnée à de coûteuses actions de promotion en métropole ou à l’étranger, sans s’assurer auparavant que l’offre répond quantitativement et surtout qualitativement aux attentes de la clientèle internationale : confort des hôtels, qualité de l’accueil, accessibilité des sites, du littoral, des sentiers et gîtes de montagne.
Le deuxième exemple de nécessaire refonte d’une politique publique est celui de la documentation pédagogique au service des enseignants de l’éducation nationale. Celle-ci est mise en œuvre par un réseau de trente et un établissements publics distincts et autonomes employant 1 918 agents et n’éditant pas moins de cinquante-sept collections et dix-sept revues mises à disposition dans 133 médiathèques. Ces moyens importants – 92 millions d'euros par an de subvention de l’État – répondent de moins en moins aux besoins des enseignants. J’en veux pour preuve que la moitié d’entre eux ne connaît pas les revues de la documentation pédagogique. La Cour recommande de regrouper le centre national et les centres régionaux de la documentation pédagogique en un organisme unique, dont l’activité serait recentrée sur les besoins essentiels des enseignants, en particulier pour mettre à leur disposition des supports numériques éducatifs.
Dans certaines situations, la Cour constate de graves dysfonctionnements. Il faut distinguer deux cas de figure que j’évoquerai successivement. Le premier correspond à des gaspillages, le second à des structures devenues inutiles qu’il faut avoir le courage de supprimer.
Le programme de second porte-avions français a été officiellement lancé en 2005 et suspendu en 2008. La coopération franco-britannique répondait notamment au souhait de dégager des économies pour contourner la contrainte budgétaire imposée aux armées. Cependant, dès l’origine, le Royaume-Uni avait clairement fait savoir que ni les caractéristiques, ni le calendrier, ni le projet industriel qu’il menait n’étaient susceptibles d’être adaptés. Malgré cela, la France a signé en 2006 un accord voué à l’échec. Il permettait à la France d’acheter l’accès aux études britanniques, au prix élevé de 103 millions d'euros, afin de s’en inspirer. Cette somme n’a été in fine qu’une pure subvention au programme anglais. D’autres dépenses ont été consacrées à la production d’études inutilisables, portant la dépense à 196 millions d'euros. Il peut arriver que des programmes d’armement n’aboutissent pas à des réalisations concrètes, il est en revanche plus anormal que des sommes aussi importantes aient été engagées, alors que l’impasse de la coopération était très largement prévisible.
J’en viens au second cas de figure, où les dysfonctionnements sont ceux de structures tout entières qui appellent une reprise en main totale de celles-ci, voire leur disparition. J’évoquerai deux exemples tirés du rapport : une caisse de protection sociale et un établissement public.
La Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse des professions libérales, la CIPAV, est chargée de verser les prestations de retraite de base et de retraite complémentaire d’un professionnel libéral sur deux, appartenant à près de trois cents professions aux revenus très divers. La qualité du service rendu à ses 545 000 affiliés est déplorable. Pourtant, contrairement au régime général, la Caisse dispose d’un nombre croissant d’agents rapporté aux affiliés. Les délais de prise en charge sont parfois très longs. La Caisse n’est capable de liquider à bonne date les pensions des nouveaux retraités que dans un cas sur deux, alors que cette proportion est de 96 % pour le régime général de sécurité sociale. Devant de telles défaillances et à défaut d’engager une action de redressement rapide, la Cour recommande qu’un administrateur provisoire soit nommé et se substitue au conseil d’administration.
De graves dysfonctionnements ont également été relevés une nouvelle fois dans la gestion de la chancellerie des universités de Paris, dont la Cour propose la suppression.
La Cour formule aussi de vives critiques à l’endroit d’une société à capitaux d’État chargée d’un rôle très contestable d’opérateur foncier, la Société de valorisation foncière et immobilière, la SOVAFIM.
Mme Nathalie Goulet. Bravo !
M. Bruno Sido. Il reste à faire !
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Ces critiques et cet appel à des réformes profondes ne concernent qu’une minorité de services publics, mais l’État doit montrer qu’il est capable de les engager. Bien plus fréquemment, la Cour constate des politiques qui, sans être inefficaces, doivent être simplifiées et mieux ciblées sur leurs objectifs essentiels. C’est une caractéristique récurrente des politiques publiques dans notre pays : les dépenses d’intervention, c’est-à-dire les prestations, les subventions et les aides diverses, qui représentent plus de la moitié des dépenses publiques, sont souvent insuffisamment dirigées vers le public qui en a réellement besoin. La tolérance envers les effets d’aubaine est trop fréquente. Or un meilleur ciblage de l’action publique constitue de loin la principale source d’économies dans les administrations publiques.
Ce constat a quelque chose de rassurant : pour réaliser des économies massives, particulièrement dans les domaines de la formation professionnelle ou du logement, il n’est pas nécessaire de priver d’aide ceux qui en ont besoin ; il suffit de veiller à ce que le bénéficiaire soit réellement celui que vise la politique publique à travers le dispositif mis en place.
Ces réformes de ciblage et de simplification permettraient, en contrepartie, de renforcer la prise en charge de ceux qui sont au cœur de la cible, en leur assurant un meilleur accès aux droits. Je prendrai deux exemples qui illustrent la nécessité de mieux cibler certaines actions publiques.
Le premier est l’indemnisation des victimes de l’amiante. Les travailleurs de l’amiante se voient offrir des possibilités de départ anticipé à la retraite grâce au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA. Il est choquant de constater qu’alors que de nombreux travailleurs exposés à l’amiante n’ont pas accès à ce dispositif avant d’être effectivement malades – les artisans, par exemple –, le fonds a été fréquemment détourné de sa vocation pour prendre en charge la reconversion d’entreprises industrielles. En effet, ce fonds constitue aujourd’hui le dernier moyen de prise en charge publique de préretraites. L’inscription d’un établissement sur une liste aux critères peu précis suffit à faire bénéficier l’ensemble de ses salariés de départs anticipés, même s’ils n’ont pas été directement en contact avec l’amiante – par exemple, le personnel administratif. Le rapport cite le cas d’un établissement dont 96 % des salariés n’avaient jamais été exposés à l’amiante. Le défaut de ciblage sur les travailleurs les plus exposés à l’amiante entraîne une injustice et des dépenses publiques élevées.
Le rapport évoque aussi les missions des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, qui se sont éloignées de leurs missions originelles de remembrement agricole et d’aide à l’installation de jeunes agriculteurs...
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. ... pour servir le plus souvent de pur intermédiaire dans des transactions sur des biens fonciers dont la vocation est parfois résidentielle, en faisant bénéficier les parties privées de son privilège fiscal.
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Un contrôle plus étroit par l’État de l’activité des SAFER devrait permettre de les recentrer sur leurs missions d’intérêt général, avec des exigences déontologiques renforcées.
La simplification est un puissant levier d’économies et de ciblage de l’action publique. J’en prendrai un exemple tiré du rapport : des missions de recouvrement d’impôts divers ont été confiées au réseau des douanes pour compenser la perte de l’activité douanière traditionnelle. La Cour a relevé le nombre important d’impôts indirects à faible rendement : quarante-deux taxes ont un rendement inférieur à 100 millions d'euros. Certaines sont archaïques, comme la taxe sur les flippers...
M. Bruno Sido. Ah !
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. ... qui a été réformée en 2007 sans être supprimée. Son coût de gestion dépasse son produit, qui est de 500 000 euros. La Cour invite les pouvoirs publics à supprimer les taxes obsolètes. Le retard d’informatisation des douanes est significatif : la Cour estime que 40 millions d'euros pourraient être économisés chaque année. Faut-il d’ailleurs que le ministère des finances conserve en son sein deux réseaux comptables de recouvrement des recettes fiscales ? La Cour pense que non.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. La Cour recommande également la mise en place de l’autoliquidation de la TVA à l’importation, pour répondre à un enjeu important de compétitivité des plateformes portuaires et aéroportuaires du territoire.
Vous le constatez à travers cet exemple, la mise en œuvre d’économies n’est pas contradictoire avec l’amélioration de la qualité du service public, la simplification et le redressement de la compétitivité de notre économie, bien au contraire. C’est un constat que la Cour fait régulièrement et qui va souvent à l’encontre des idées reçues.
La Cour conçoit son rôle avant tout comme un aiguillon pour la modernisation des administrations. Pour cela, il est normal qu’elle souligne les insuffisances et les dérives – je le fais –, mais il est important aussi qu’elle souligne les progrès constatés, qu’elle valorise ce que l’administration sait faire et bien faire, qu’elle encourage les réformes ainsi que les décideurs et les gestionnaires qui les conduisent.
Le service civique doit répondre à une ambition forte : offrir dans trois ans à 100 000 jeunes par an l’opportunité de s’engager pour un projet d’intérêt général. Il en est encore à un premier stade de développement, avec 20 000 contrats par an, dont les premiers résultats sont encourageants. La poursuite du développement du service civique suppose toutefois de former les tuteurs, de maîtriser le coût pour l’État et de veiller à ce que les contrats ne se substituent pas à des emplois salariés.
Le rapport illustre les cas, nombreux, où les exemples vertueux ne sont pas sans lien – nous nous en réjouissons – avec des travaux précédents de la Cour. Vous le savez, celle-ci est attentive aux suites concrètes données à ses recommandations. Elle répond ainsi à une prescription que vous-mêmes avez inscrite dans la loi. Le nombre de recommandations partiellement ou totalement mises en œuvre progresse, passant de 560 en 2011 à 1 033 en 2013, soit un quasi-doublement. Si le taux de recommandations suivies affiche un tassement, passant de 72 % à 62 %, ce résultat est imputable au caractère très récent de nombreuses recommandations et au choix de la Cour d’être sensiblement plus restrictive pour considérer qu’une recommandation est partiellement suivie.
Le rapport illustre des situations où les recommandations de la Cour ont été suivies. La gestion des amendes de circulation et de stationnement routiers, dont le produit est de 1,6 milliard d’euros, s’est améliorée avec le développement des procès-verbaux électroniques, plus fiables, moins coûteux et laissant moins de prise à des possibilités d’« indulgence », qui sont en rapide régression. La généralisation des PV électroniques doit être menée à son terme. Le redressement d’un régime de retraite complémentaire pour les enseignants du privé récemment mis en place avait été demandé par la Cour ; il a été engagé rapidement.
Dans d’autres cas, les évolutions engagées sont trop lentes. C’est pourquoi la Cour « insiste ». C’est le cas par exemple de l’adoption internationale ou de l’accueil téléphonique de l’enfance en danger, encore très peu performant. Si Pôle emploi a fait de sensibles efforts pour lutter contre la fraude aux cotisations et aux indemnisations chômage, beaucoup reste à faire pour mieux cibler les contrôles, utiliser les données disponibles et rendre les sanctions plus rapides et plus efficaces.
Ce n’est pas parce qu’une appréciation positive est formulée sur une politique publique qu’il faut se désintéresser de son avenir. Toutes sont soumises à des environnements changeants, et certaines doivent être confortées pour préparer leur avenir. La Cour souligne l’importance des décisions à prendre concernant le transport spatial. Elle a examiné le recours aux partenariats public-privé pour le financement des investissements hospitaliers. La précipitation dans laquelle ces contrats ont été lancés explique une partie des dérives constatées, qu’il s’agisse des coûts ou de la qualité des réalisations, en particulier pour l’hôpital sud-francilien à Évry. La Cour formule des recommandations tirées de l’expérience passée, pour que les hôpitaux aient recours à ces partenariats à meilleur escient et dans des conditions financières beaucoup mieux maîtrisées.
Les économies n’ont pas pour seule vocation de participer au redressement des comptes ; elles permettent aussi de dégager des marges de manœuvre pour que les pouvoirs publics puissent investir dans des dépenses porteuses de croissance future et de donner à des services publics essentiels les moyens adéquats pour fonctionner de manière satisfaisante. La Cour constate que ce n’est pas toujours le cas, faute de définir des priorités ou de faire des choix.
L’enquête sur la santé des détenus montre que, en dépit des efforts des vingt dernières années, les importants besoins de soins de cette population en croissance continue sont encore très mal pris en charge, alors qu’elle se caractérise par une prévalence beaucoup plus forte des maladies psychiatriques et infectieuses que dans la population générale. Sur un autre sujet, la sécurité sanitaire des aliments, la Cour relève que le ministère de l’agriculture exerce de moins en moins ses missions de contrôle, particulièrement sur les produits phytosanitaires utilisés dans la culture et sur les établissements de transformation de denrées animales.
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. La diminution des effectifs dans les services déconcentrés n’est pas pour rien dans cet affaiblissement. Alors que de nombreuses non-conformités sont détectées, les suites données aux contrôles sont rares et peu contraignantes : 16 % seulement des contrôles ayant détecté des anomalies moyennes ou majeures ont débouché sur davantage qu’un simple avertissement. Ces deux exemples figurent pourtant au cœur des missions régaliennes de l’État.
Pour éviter que des situations de ce type ne se multiplient, la Cour invite les pouvoirs publics à recourir bien moins systématiquement à la réduction uniforme des dépenses dans l’ensemble des services, selon la méthode dite du « rabot ». Largement utilisée jusqu’ici, parce qu’elle était efficace – il faut en convenir – pour produire rapidement des économies importantes, elle présente l’inconvénient d’affecter sans discernement les services les plus utiles et performants. Dans un nombre croissant de services de l’État, en particulier déconcentrés, elle conduit l’État à ne plus exercer certaines missions prévues par la loi, notamment les contrôles. C’est pourquoi, au rabot, la Cour recommande de substituer des réformes ciblées sur les politiques les moins performantes, en s’appuyant sur les évaluations disponibles et en recentrant les politiques et les dispositifs publics sur les objectifs et les publics prioritaires.
En conclusion, je veux insister sur la dimension positive et constructive de ce rapport, malgré l’éclairage que nous dirigeons sur quelques dysfonctionnements ou dérapages. Oui, les administrations peuvent largement progresser pour être plus efficaces dans l’exercice de leurs missions. Oui, il est possible de ralentir sensiblement la croissance des dépenses publiques pour entamer au plus vite le désendettement du pays. Oui, cette démarche est une opportunité sans précédent et, d’une certaine manière, une chance historique pour moderniser nos administrations, toutes nos administrations, petites ou grandes, et redonner confiance dans les services publics. Oui, ces évolutions peuvent permettre, sans retarder le retour à l’équilibre structurel des comptes, de redonner des marges de manœuvre pour fixer de nouvelles priorités dans l’action publique, pour stimuler la croissance, pour répondre à des besoins en évolution constante ou pour alléger la pression fiscale.
Cela suppose d’engager rapidement les réformes utiles qui ont été régulièrement repoussées. Cela suppose qu’aucun acteur public ne s’exonère d’un nécessaire questionnement sur son utilité et son efficacité. Cela suppose de s’intéresser bien davantage aux résultats des politiques publiques, à leur impact concret, qu’à l’importance des moyens qui leur sont confiés. Cela suppose de tenir bon face aux inévitables résistances qui se manifestent et de dépasser, par la pédagogie, les frilosités, les corporatismes et les conformismes. Les évolutions peuvent déranger des habitudes, remettre en cause des rentes de situation ou priver d’aides publiques certains qui ne devaient pas en bénéficier. On a coutume de dire que derrière chaque niche fiscale se cache un chien, mais, derrière chaque euro mal dépensé ou gaspillé, on trouve toujours des intérêts particuliers. Or l’intérêt général, qui n’est jamais la somme des intérêts particuliers, doit toujours prévaloir.
Cette invitation aux réformes, au redressement des comptes, à la modernisation publique n’a qu’un but, qui est la raison d’être des juridictions financières : éclairer les décideurs, les élus que vous êtes, mais aussi les citoyens, et leur donner les moyens d’adapter les services publics aux enjeux de demain.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous souhaite bonne lecture du rapport. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. Monsieur le Premier président, le Sénat vous donne acte du dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes.
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le Premier président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais remercier M. Migaud de la présentation qu’il vient de faire du rapport public annuel de la Cour des comptes. Depuis 1832, année de naissance de Jules Ferry et de Gustave Eiffel, la présentation de ce rapport contribue à permettre à nos concitoyens d’apprécier le bon emploi des deniers publics par l’ensemble des administrations. C’est à juste titre que la presse s’en fait l’écho, en mettant en exergue les défaillances, les recommandations formulées et, plus rarement, les progrès réalisés – pourtant, ils sont nombreux.
Cette remise du rapport présente un caractère solennel – l’exemplaire superbement relié qui a été remis à M. le président du Sénat appelle assurément une dédicace (Sourires.) –, mais elle s’inscrit dans un cycle de rencontres régulières, notamment dans le cadre de la commission des finances. À cet égard, les importants travaux produits par la Cour des comptes sur le projet de loi de règlement et, plus récemment, la création du Haut Conseil des finances publiques ont augmenté les occasions qui nous sont données de vous entendre, monsieur le Premier président.
La mission de contrôle des finances publiques exercée par la Cour des comptes est partagée avec le Parlement, en particulier ses commissions en charge des finances. Le contrôle budgétaire est en effet au cœur des activités des rapporteurs spéciaux ; la commission des finances a d’ailleurs rendu public, mercredi dernier, son programme de contrôle pour cette année.
Dans le cadre de sa mission d’assistance au Parlement et au Gouvernement, la Cour des comptes transmet au Parlement l’ensemble de ses travaux et mène régulièrement des enquêtes, à la demande des commissions chargées des finances et des affaires sociales. Pour la commission des finances, ce sont ainsi cinq enquêtes qui sont réalisées chaque année et qui donnent lieu à une audition pour suites à donner, en présence des magistrats instructeurs de la Cour des comptes et des administrations concernées. Cette procédure éprouvée permet de renforcer la portée des contrôles.
Pour les prochains mois, nous sommes d’ores et déjà convenus, avec la Cour des comptes, de la remise en juin 2014 de deux enquêtes portant, respectivement, sur les contrats de projet État-région et sur l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine. La commission des finances s’intéresse aussi tout particulièrement aux politiques transversales : nous avons ainsi demandé une « enquête 58-2°» portant sur le recours par l’État aux consultants extérieurs.
Notre travail conjoint peut être fructueux. À titre d’exemple, s’il a été mis fin, dans une assez large mesure, à la sous-budgétisation des frais de justice, c’est sous les efforts conjoints et l’effet des observations réitérées de la commission des finances et de la Cour des comptes. Bref, c’est bien dans le cadre d’une « coproduction » du contrôle budgétaire que le Parlement et la Cour des comptes obtiennent des résultats concrets pour améliorer la performance de l’action publique.
J’en viens à présent au contenu du rapport public annuel. Compte tenu de la proximité des élections municipales, la présente édition consacre une moindre place aux finances locales que les précédents millésimes ; nous ne pouvons, en tant que représentants des territoires, que nous féliciter d’une telle retenue, qui évite que des contrôles puissent être instrumentalisés dans le cadre des campagnes électorales à venir.
Quatre politiques publiques ont été particulièrement étudiées : l’agriculture ; la défense et l’espace ; l’éducation et la jeunesse ; la santé et la cohésion sociale.
Je ne dresserai pas l’inventaire des nombreux sujets abordés ; je limiterai mon propos à quelques thématiques, reprenant notamment des préoccupations récentes ou récurrentes de la commission des finances.
À propos de la fiscalité liée au handicap, la Cour met en exergue les difficultés d’évaluation des dépenses fiscales. Nous savons que la question des dépenses fiscales constitue un enjeu essentiel, puisque celles-ci représentent au total près de 70 milliards d’euros dans un budget annuel. Ces travaux rejoignent donc pleinement notre préoccupation d’une meilleure évaluation du coût et de l’efficacité des dépenses fiscales dans leur contribution à la mise en œuvre des différentes politiques publiques.
En matière de politique éducative, comment ne pas partager le constat de la Cour des comptes selon lequel les internats d’excellence ne répondent pas à une définition assez rigoureuse et à des critères d’évaluation suffisamment robustes ? La notion nouvelle d’internat de la réussite dans le deuxième programme d’investissements d’avenir vise à répondre aux insuffisances des internats d’excellence. Ce sera, pour la commission des finances du Sénat, un sujet de vigilance dans notre suivi attentif de l’ensemble des opérations financées dans ce cadre.
Enfin, plusieurs sujets portent sur des questions sur lesquelles la commission des finances s’est penchée au cours des derniers mois.
Concernant les développements de la Cour des comptes sur les missions fiscales des douanes, je rappellerai les travaux de nos collègues Philippe Dallier et Albéric de Montgolfier sur les questions posées à l’administration des douanes par le développement du commerce en ligne en matière de lutte contre la fraude fiscale. Nos collègues devraient prolonger ces travaux cette année en regardant les problématiques posées par ce développement à l’administration fiscale.
Par ailleurs, s’agissant des suites données aux observations de la Cour, je relèverai notamment les développements sur la gestion des déchets ménagers, qui font écho au récent rapport de nos collègues Jean Germain et Pierre Jarlier sur le bilan et les perspectives d’évolution de la redevance et de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.
Vous avez évoqué, monsieur le Premier président, la partie relative à la SOVAFIM. À ce sujet, notre collègue Philippe Dominati a produit un rapport sur le pilotage du projet de centre du Gouvernement dans lequel il s’interrogeait déjà sur le rôle de cette société et soulignait le caractère « acrobatique » de la solution juridique et financière retenue. Concernant toujours les services du Premier ministre, notre collègue pourra également utilement exploiter le présent rapport dans le cadre du contrôle qu’il prévoit d’effectuer sur la direction de l’information légale et administrative.
Enfin, s’agissant de l’examen des partenariats public-privé du plan Hôpital 2007, la Cour des comptes confirme la nécessité d’une grande prudence, que la commission des finances a toujours recommandée sur ce type de projets. En particulier, la question de l’expertise et de l’instruction, par les services de l’État, de contrats complexes mérite d’être creusée. La commission d’enquête constituée sur l’initiative du groupe socialiste sur les modalités du montage juridique et financier et l’environnement du contrat retenu in fine pour la mise en œuvre de l’écotaxe poids lourds, qui a d’ailleurs entendu la Cour des comptes cet après-midi même, sera sans doute une occasion de le faire de manière encore plus détaillée sur des projets spécifiques.
En conclusion, mes chers collègues, je dirai que les recommandations de la Cour des comptes sont des plus utiles, dans un contexte où le Gouvernement entend désormais faire porter principalement l’effort de rétablissement des comptes publics par des économies sur les dépenses, qui devront représenter plus de 50 milliards d’euros au cours de la période 2015-2017. La Cour nous livre en effet des pistes de réflexion précieuses pour relever ce défi.
Je note que la Cour estime qu’« un tel effort apparaît possible sans remettre en cause la qualité des services publics et l’efficacité de la redistribution. Il exige toutefois de mettre en œuvre, dans l’ensemble des administrations publiques, une démarche ambitieuse de recherche d’économies impliquant des réorganisations, des simplifications des procédures, des remises en cause des interventions les moins efficaces et des redéploiements de moyens vers les objectifs prioritaires ».
Voilà un message d’espoir en même temps qu’un programme de travail que chacun sait particulièrement ambitieux et exigeant ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est une dure mission que de prendre la parole après l’excellent discours de M. Migaud et la non moins excellente intervention du rapporteur général de la commission des finances. En tant que présidente de la commission des affaires sociales, j’aurai toutefois une vision moins financière du rapport de la Cour des comptes et mes conclusions ne seront sans doute pas tout à fait les mêmes.
Le dépôt en séance publique du rapport annuel de la Cour des comptes témoigne de manière solennelle, chaque début d’année, du rôle joué par la Cour des comptes dans l’information du Parlement. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le Premier président, ce rôle se décline en bien d’autres occasions, au travers de l’ensemble des rapports publics financiers ou thématiques, des enquêtes réalisées à la demande des commissions des finances ou des affaires sociales, ou des référés qui leur sont communiqués.
Rendu public ce matin, le rapport annuel est, comme à l’accoutumée, le fruit d’un travail considérable. Il comporte toujours, pour les élus que nous sommes, de multiples sources d’intérêt dans tous les domaines de l’action publique, nationale ou locale, comme nous venons une nouvelle fois de le constater. Cela est particulièrement vrai pour les membres de la commission des affaires sociales, commission dont le champ de compétence intègre une dimension financière de manière beaucoup plus visible depuis l’instauration des lois de financement de la sécurité sociale.
Les finances sociales représentent en effet, chacun le sait, près de la moitié des comptes publics. C’est dire si nous sommes attentives et attentifs aux analyses régulièrement effectuées par la Cour en la matière. Veillons toutefois à ne pas ignorer la spécificité des finances sociales. Celles-ci sont alimentées à près de 90 % par des contributions sur les revenus d’activité ou de remplacement des assurés sociaux. Cette fraction socialisée de leur revenu leur ouvre, en contrepartie, des droits qui leur permettent de faire face aux aléas de la maladie, aux charges familiales ou à la vieillesse.
Il est bon de garder cette réalité à l’esprit, car elle montre les limites d’une analyse purement comptable des dépenses sociales.
Le rapport public fait le point, comme chaque année, sur la situation d’ensemble des finances publiques. J’ai bien noté les observations de la Cour sur l’écart constaté, en 2013, entre prévisions et réalisations, et sur les incertitudes qui affectent les objectifs de réduction des déficits en 2014.
Vous soulignez que cette situation est moins liée aux dépenses, qui ont fortement ralenti ces dernières années, qu’à un essoufflement sans précédent des recettes, dans un contexte de croissance à l’arrêt et de dégradation de la situation de l’emploi. Dans ces conditions, est-il juste, comme semble le préconiser la Cour, d’engager une nouvelle réduction massive des dépenses publiques ?
Permettez-moi de penser que si la Cour est pleinement dans son rôle lorsqu’elle dresse un diagnostic précis et incontestable de nos comptes publics, c’est aux représentants élus de déterminer, démocratiquement, les orientations de la politique budgétaire. Vous l’avez d'ailleurs vous-même souligné, monsieur le Premier président, un tel débat ne peut être escamoté ou simplement considéré comme tranché une fois pour toutes par les avis de la Commission européenne ou de collèges d’experts, qu’ils soient nationaux ou internationaux.
Je ne peux qu’exprimer ma très vive inquiétude face à la perspective de réduction de dépenses cumulées de 50 milliards d’euros sur trois ans, d’autant que ces réductions pourraient être plus importantes encore, précise la Cour, si la croissance devait être revue à la baisse, comme ce fut le cas toutes ces dernières années.
Cela démontre à mes yeux que la réduction des déficits ne peut tenir lieu de politique économique. En France, comme ailleurs en Europe, l’austérité entretient la récession. Elle pèse sur l’activité et la consommation tout en pénalisant davantage les plus fragiles de nos concitoyennes et de nos concitoyens.
Au final, l’horizon du retour à l’équilibre est sans cesse repoussé du fait même de l’impact dépressif des mesures censées y contribuer. On mesure, dans le domaine social, les conséquences négatives de ce cercle vicieux, alors que les besoins de la population restent considérables, notamment ceux qui sont liés à la santé et au vieillissement, et que les prestations sociales forment une part importante du pouvoir d’achat.
J’en viens aux observations regroupées dans le rapport public annuel. Plusieurs d’entre elles touchent au domaine social, qu’il s’agisse de suites données à de précédents rapports ou de sujets abordés pour la première fois cette année.
J’évoquerai d’abord celles qui concernent le recours aux partenariats public-privé pour financer les investissements hospitaliers. La Cour souligne que ces procédures ont été engagées de manière précipitée, dans des conditions généralement déséquilibrées et désavantageuses pour les établissements. Nous ne sommes pas véritablement étonnés par ce constat, qui doit cependant nous alerter sur les conséquences des contraintes excessives imposées à l’investissement public lorsqu’elles ont pour effet de recourir à des solutions finalement moins efficaces et plus coûteuses.
La Cour s’est aussi intéressée à la santé des détenus ; elle note dans ce domaine de nombreuses fragilités et insuffisances. Ici encore, les restrictions budgétaires risquent de contrarier la nécessité d’accélérer la modernisation des locaux des unités sanitaires implantées dans les prisons, soulignée par la Cour, ou le développement des unités hospitalières spécialement aménagées pour les détenus souffrant de troubles mentaux.
Je me félicite que la Cour ait consacré une insertion au suivi de l’enquête qu’elle avait réalisée en 2005 sur l’indemnisation des victimes de l’amiante, à la demande de notre commission des affaires sociales. C’est en effet un sujet sur lequel un groupe de sénateurs de la commission, sous la conduite d’Aline Archimbaud, continue à travailler.
La Cour note le caractère peu satisfaisant du système de cessation anticipée d’activité, qui repose sur une adhésion par établissement. Néanmoins, le premier souci de la commission des affaires sociales est de permettre à tous ceux qui ont été exposés à l’amiante de faire valoir leurs droits à ce dispositif. C’est pour cette raison que nous souhaitons, depuis plusieurs années, compléter le dispositif existant par un accès individuel fondé sur le parcours professionnel de chacune et de chacun.
Il y a incontestablement des cas où tous les personnels d’un site ont été exposés à l’amiante, ouvriers, assistantes et cadres. Je ne pense pas que l’on puisse avoir d’a priori sur cette question ; il faut examiner les situations au cas par cas. Toutefois, comme le note la Cour, et je partage ce constat, le système actuel laisse de côté nombre des personnes exposées. Nous espérons que le Gouvernement agira enfin pour mettre un terme à cette situation.
La Cour se penche également sur le fonctionnement du FIVA, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante. Parmi vos recommandations, la possibilité de faire directement bénéficier la victime des conséquences de la faute inexcusable de l’employeur et le fait de lier l’appréciation de la pathologie à l’évaluation réalisée par la sécurité sociale rejoignent les demandes des associations de victimes et sont de nature à faciliter l’indemnisation rapide des personnes souffrant des pathologies les plus graves.
La commission des affaires sociales est attachée, elle aussi, au bon fonctionnement du FIVA qu’elle suit avec attention. Il doit être clair pour chacune et chacun que ce fonds doit d’abord agir dans l’intérêt des victimes et non en fonction de considérations financières.
Un autre point du rapport, celui relatif au groupement d’intérêt public « Enfance en danger », rejoint les préoccupations de notre commission, qui a confié à Muguette Dini et Michelle Meunier un travail sur le thème de la protection de l’enfance.
D’autres sujets ne manqueront pas de retenir notre attention, qu’il s’agisse de la fiscalité liée au handicap, de la lutte contre la fraude à Pôle emploi, des réformes apportées au régime additionnel de la CIPAV, la fameuse caisse de retraite de diverses professions libérales, sur laquelle vous portez des appréciations extrêmement sévères, notamment dans la gestion de ses réserves, dans la conduite de son informatisation et dans le service – « déplorable », avez-vous dit à l’instant – qu’elle apporte à ses affiliés.
Je conclurai en rappelant que les relations que la commission des affaires sociales entretient avec la Cour des comptes se sont densifiées ces dernières années. Vous avez eu la gentillesse de le signaler, monsieur le Premier président, ce dont je vous remercie. Vous êtes venu, à plusieurs reprises, présenter en commission différents documents, parmi lesquels le rapport sur la certification des comptes de la sécurité sociale et le rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.
Vous nous avez également remis deux enquêtes en 2013 pour la réalisation desquelles j’avais sollicité votre concours.
La première était relative à la biologie médicale, secteur dont la réforme a fait l’objet d’importants débats au Parlement en début d’année et dont le point central réside dans l’obligation d’accréditation des laboratoires.
La seconde portait sur l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, qui se trouve aujourd’hui dans une situation considérablement fragilisée du fait d’une ouverture brutale à la concurrence des activités de formation. À l’occasion de la présentation de cette enquête par la présidente de la cinquième chambre, nous avons organisé avec la direction de l’AFPA et le ministère du travail une table ronde particulièrement utile, alors que notre assemblée va examiner dans quelques jours le projet de loi sur la formation professionnelle.
Nous attendons, en 2014, deux nouvelles enquêtes : la première, sur les relations entre l’assurance maladie et les professions de santé ; la seconde, sur les maternités.
Vous l’aurez compris, monsieur le président, monsieur le Premier président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le travail de qualité effectué par la Cour des comptes rejoint nombre des préoccupations de notre commission des affaires sociales, même si nos appréciations ne convergent pas toujours. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous en avons terminé avec la présentation du rapport de la Cour des comptes.
Huissiers, veuillez reconduire M. le Premier président de la Cour des comptes.
(M. le Premier président de la Cour des comptes est reconduit selon le cérémonial d’usage.)
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 12 février 2014 :
De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
1. Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à reconnaître le vote blanc aux élections (n° 180, 2013-2014) ;
Rapport de M. François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois (n° 338, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 339, 2013-2014).
2. Proposition de loi relative à l’accueil et à la prise en charge des mineurs isolés étrangers (n° 154, 2013-2014) ;
Rapport de M. René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois (n° 340, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 341, 2013-2014).
À dix-huit heures trente et le soir :
3. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (n° 334, 2013-2014) ;
Rapport de M. Claude Dilain, rapporteur pour le Sénat (n° 333, 2013-2014).
4. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la consommation (n° 348, 2013-2014) ;
Rapport de MM. Martial Bourquin et Alain Fauconnier, rapporteurs pour le Sénat (n° 347, 2013-2014)
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART