Sommaire
Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin
Secrétaires :
MM. François Fortassin, Jean-François Humbert.
2. Financement de la sécurité sociale pour 2014. – Suite de la discussion d'un projet de loi
Article 12 ter (nouveau) (priorité)
M. Jean-Noël Cardoux, Mme Muguette Dini, M. Jean Desessard.
Amendements identiques nos 107 rectifié de M. Alain Milon, 146 de M. Hervé Marseille, 275 de M. Jean Desessard et 304 rectifié de M. Gilbert Barbier. – MM. Alain Milon, Gérard Roche, Mme Aline Archimbaud, MM. Gilbert Barbier, Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales ; Mmes Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé ; Catherine Procaccia, Isabelle Debré, MM. Jean Desessard, Jean-François Husson, Marc Laménie, Dominique Watrin. – Adoption, par scrutin public, des quatre amendements supprimant l'article.
Amendement n° 181 de M. Dominique Watrin. – Devenu sans objet.
Amendement n° 99 rectifié bis de Mme Catherine Procaccia. – Devenu sans objet.
Amendement n° 180 de M. Dominique Watrin. – Devenu sans objet.
Amendement n° 147 de M. Hervé Marseille. – Devenu sans objet.
Amendement n° 98 rectifié bis de Mme Catherine Procaccia. – Devenu sans objet.
Amendement n° 305 rectifié de M. Gilbert Barbier. – Devenu sans objet.
Amendement n° 4 rectifié de la commission. – Devenu sans objet.
Amendement n° 80 de Mme Muguette Dini. – Devenu sans objet.
Articles additionnels avant l'article 8
Amendement n° 63 rectifié de la commission. – M. Yves Daudigny, rapporteur général ; Mme Marisol Touraine, ministre ; M. Alain Milon. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 82 rectifié ter de M. Christophe-André Frassa. – MM. Christophe-André Frassa, Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. – Rejet.
Amendement n° 162 de M. Dominique Watrin. – Mme Isabelle Pasquet, MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Jean Desessard. – Rejet.
Amendement n° 163 de M. Dominique Watrin. – MM. Dominique Watrin, Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet.
Mme Isabelle Debré, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.
Amendements identiques nos 87 de M. Alain Milon, 145 de M. Gérard Roche, 167 de M. Dominique Watrin et 297 rectifié de M. Gilbert Barbier. – MM. Alain Milon, Gérard Roche, Mme Isabelle Pasquet, MM. Gilbert Barbier, Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Mme Catherine Procaccia, MM. René-Paul Savary, Gérard Longuet, Jean-Noël Cardoux, Philippe Bas, Mme Isabelle Pasquet, M. Jean Desessard, Mme Isabelle Debré. – Adoption, par scrutin public, des quatre amendements supprimant l'article.
Amendement n° 168 de M. Dominique Watrin. – Devenu sans objet.
Amendement n° 319 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Article additionnel après l'article 8
Amendement n° 169 de M. Dominique Watrin. – MM. Dominique Watrin, Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet.
Amendement n° 104 de M. Alain Milon. – MM. Alain Milon, Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Gérard Longuet, Jean-Noël Cardoux. – Adoption, par scrutin public, de l'amendement supprimant l'article.
Amendement n° 298 rectifié de M. Gilbert Barbier. – Devenu sans objet.
Amendement n° 88 rectifié bis de M. René-Paul Savary. – Devenu sans objet.
Amendement n° 299 de M. Gilbert Barbier. – Devenu sans objet.
Articles additionnels après l'article 9
Amendement n° 264 de M. Jean Desessard. – Mme Aline Archimbaud, MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 265 de M. Jean Desessard. – Mme Aline Archimbaud, MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet.
Amendement n° 266 de M. Jean Desessard. – Mme Aline Archimbaud, MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet.
Amendement n° 170 de M. Dominique Watrin. – Mme Laurence Cohen, MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet.
Amendement n° 171 de M. Dominique Watrin. – Mme Isabelle Pasquet, MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet.
Amendement n° 172 de M. Dominique Watrin. – MM. Dominique Watrin, Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet.
Amendement n° 173 de M. Dominique Watrin. – Mme Laurence Cohen, MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet.
Amendement n° 174 de M. Dominique Watrin. – Mme Isabelle Pasquet, MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet.
Amendement n° 175 de M. Dominique Watrin. – MM. Dominique Watrin, Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet.
Amendement n° 105 de M. Alain Milon. – MM. Alain Milon, Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Marc Laménie, Jean-Noël Cardoux, Gilbert Barbier, René-Paul Savary, Jean-Pierre Godefroy. – Adoption, par scrutin public, de l'amendement supprimant l'article.
Amendement n° 300 rectifié de M. Gilbert Barbier. – Devenu sans objet.
Amendement n° 286 rectifié de M. Jacques Mézard. – Devenu sans objet.
Article additionnel après l'article 10
Amendement n° 79 rectifié de Mme Muguette Dini. – MM. Gérard Roche, Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Jean-Pierre Godefroy, René-Paul Savary, Marc Laménie, Mme Muguette Dini, M. Jean-Claude Lenoir. – Adoption, par scrutin public, de l'amendement insérant un article additionnel.
Suspension et reprise de la séance
Amendements nos 302 rectifié et 301 rectifié de M. Gilbert Barbier. – MM. Gilbert Barbier, Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Alain Milon, Mme Laurence Cohen. – Rejet des deux amendements.
Mme Laurence Cohen.
Adoption de l'article.
4. Communication du Conseil constitutionnel
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume
5. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
6. Financement de la sécurité sociale pour 2014. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Amendement n° 176 de M. Dominique Watrin. – Mme Laurence Cohen, MM. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. – Rejet.
Amendement n° 177 de M. Dominique Watrin. – Mme Laurence Cohen, MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet.
MM. Alain Milon, Bruno Gilles, Mme Laurence Cohen, M. Yves Daudigny, rapporteur général.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 106 de M. Alain Milon et 303 de M. Gilbert Barbier. – MM. Alain Milon, Gilbert Barbier, Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet, par scrutin public, des deux amendements.
M. Bruno Gilles.
Adoption de l'article.
Article 12 ter (précédemment examiné)
Articles additionnels après l'article 12 ter
Amendement n° 278 de M. Jean Desessard. – Mme Aline Archimbaud, MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Retrait.
Amendement n° 276 de M. Jean Desessard. – Mme Aline Archimbaud, MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Mmes Isabelle Pasquet, Catherine Procaccia. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Articles additionnels après l’article 13
Amendement n° 182 de M. Dominique Watrin. – Mme Laurence Cohen, MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet.
Amendement n° 184 de M. Dominique Watrin. – Mme Isabelle Pasquet, MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué, Mme Aline Archimbaud. – Rejet.
Mme Isabelle Pasquet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 185 de M. Dominique Watrin. – MM. Dominique Watrin, Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet.
Amendement n° 64 de la commission. – MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Adoption.
Amendement n° 321 du Gouvernement. – MM. Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Yves Daudigny, rapporteur général. – Adoption.
Amendement n° 320 du Gouvernement. – MM. Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Yves Daudigny, rapporteur général. – Devenu sans objet.
Amendements identiques nos 108 rectifié de M. Alain Milon, 148 de M. Gérard Roche et 285 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Alain Milon, Gérard Roche, Gilbert Barbier, Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Mme Laurence Cohen, MM. René-Paul Savary, Marc Laménie, Alain Néri. – Adoption, par scrutin public, des trois amendements.
Amendement n° 66 de la commission. – MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Adoption.
Amendement n° 65 de la commission. – MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 15
Amendement n° 231 de Mme Aline Archimbaud. – Mme Aline Archimbaud, MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Mme Catherine Deroche, M. Jacques Mézard. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 232 de Mme Aline Archimbaud. – Mme Aline Archimbaud, MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 77 de Mme Michelle Meunier. – Mme Michelle Meunier.
Amendement n° 152 de Mme Chantal Jouanno. – M. Gérard Roche.
Amendement n° 233 de Mme Aline Archimbaud. – Mme Aline Archimbaud.
MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Jacques Mézard. – Adoption de l'amendement n° 77 insérant un article additionnel, les amendements nos 152 et 233 devenant sans objet.
Mme Aline Archimbaud, M. le président.
Amendement n° 236 rectifié de Mme Aline Archimbaud. – Mme Aline Archimbaud, MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Mme Isabelle Pasquet, MM. Marc Laménie, Jacques Mézard, Jean Desessard. – Rejet par scrutin public.
Amendements nos 234 et 274 de Mme Aline Archimbaud. – Mme Aline Archimbaud, MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Mme Catherine Deroche, MM. Dominique Watrin, Jean-Pierre Godefroy. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 235 de Mme Aline Archimbaud. – Mme Aline Archimbaud, MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Alain Milon. – Rejet.
Amendement n° 273 de Mme Aline Archimbaud. – Mme Aline Archimbaud, MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Mme Isabelle Pasquet. – Rejet.
Article 15 bis (nouveau). – Adoption
Renvoi de la suite de la discussion.
7. Nomination de membres d'une éventuelle commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin
vice-président
Secrétaires :
M. François Fortassin,
M. Jean-François Humbert.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Financement de la sécurité sociale pour 2014
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2014 (projet n°117, rapport n° 126, avis n° 127).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’examen des dispositions de la troisième partie du projet de loi, relatives aux recettes et à l’équilibre financier de la sécurité sociale pour l’exercice 2014.
TROISIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2014
Section 1
Dispositions relatives aux recettes des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement
M. le président. Je rappelle que, à la demande de la commission des affaires sociales, l’article 12 ter est appelé en priorité.
Article 12 ter (nouveau) (priorité)
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 912-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 912-1. – I. – Les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés à l’article L. 911-1 peuvent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, prévoir l’institution de garanties collectives présentant un degré élevé de solidarité et comprenant à ce titre des prestations autres que celles versées en contrepartie d’une cotisation, pouvant notamment prendre la forme d’une prise en charge gratuite de la cotisation pour certains salariés, d’une politique de prévention ou de prestations d’action sociale.
« Dans ce cas, les accords peuvent organiser la couverture des risques concernés en recommandant un ou plusieurs organismes mentionnés à l’article 1er de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ou une ou plusieurs institutions mentionnées à l’article L. 370-1 du code des assurances, sous réserve du respect des conditions définies au II du présent article.
« II. – La recommandation mentionnée au I doit être précédée d’une procédure de mise en concurrence des organismes ou institutions concernés, dans des conditions de transparence, d’impartialité et d’égalité de traitement entre les candidats et selon des modalités prévues par décret.
« Le ou les organismes ou institutions ne peuvent refuser l’adhésion d’une entreprise relevant du champ d’application de l’accord. Ils sont tenus d’appliquer un tarif unique et d’offrir des garanties identiques pour toutes les entreprises et pour tous les salariés concernés.
« III. – Les accords mentionnés au I comportent une clause fixant dans quelles conditions et selon quelle périodicité, qui ne peut excéder cinq ans, les modalités d’organisation de la recommandation sont réexaminées. La procédure prévue au premier alinéa du II est applicable à ce réexamen.
« IV. – Les accords mentionnés au I peuvent prévoir que certaines des prestations nécessitant la prise en compte d’éléments relatifs à la situation des salariés ou sans lien direct avec le contrat de travail les liant à leur employeur sont financées et gérées de façon mutualisée, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, pour l’ensemble des entreprises entrant dans leur champ d’application. » ;
2° Le dernier alinéa de l’article L. 137-15 est complété par les mots : « , sous réserve de l’application du 2° de l’article L. 137-16 » ;
3° Après le deuxième alinéa de l’article L. 137-16, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation, respectivement, au deuxième alinéa du présent article et au dernier alinéa de l’article L. 137-15, lorsque l’entreprise est couverte par un accord professionnel ou interprofessionnel comportant une clause de recommandation, dans les conditions prévues à l’article L. 912-1, mais choisit de souscrire un contrat auprès d’un autre assureur que le ou les organismes assureurs recommandés, les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de prévoyance sont assujetties au forfait social :
« 1° Au taux mentionné au premier alinéa du présent article, pour les entreprises d’au moins dix salariés ;
« 2° Au taux mentionné au deuxième alinéa, pour les entreprises de moins de dix salariés. »
II. – Le 1° du I entre en vigueur au 1er janvier 2014. Les 2° et 3° du I entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2015, pour les sommes et les contributions versées à compter de cette même date.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, sur l'article.
M. Jean-Noël Cardoux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà revenus à cette « clause de désignation » dont nous avions beaucoup parlé au printemps dernier.
Je dirai de cet article qu’il relève d’une démarche « à la Tartuffe » puisque, à travers lui, sous couvert de respecter la décision du Conseil constitutionnel sur la loi relative à la sécurisation de l’emploi, décision qui mettait en avant le principe de libre concurrence, le Gouvernement met en place une « clause de recommandation » par branche pour les adhésions obligatoires aux complémentaires santé et fait rentrer dans le droit chemin les entrepreneurs qui ne respecteraient pas cette clause en surtaxant à 8 % les contrats des entreprises de dix salariés et à 14 % celles de plus de dix salariés.
Quelle hypocrisie !
En vérité, cet article appelle de nombreuses critiques.
Sur la forme, on se demande ce qu’il vient faire dans le volet « recettes » d’un PLFSS, alors que, comme le Gouvernement l’a lui-même reconnu, cette surtaxation se veut incitative et n’a pas pour objectif de contribuer à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale. Du reste, cet article concerne non pas le régime de base de la sécurité sociale, mais des régimes complémentaires.
Il s’agit donc, ni plus ni moins, d’un cavalier, introduit par le Gouvernement sous la pression de certaines organisations syndicales. Nous avons eu l’occasion ce matin en commission de rejeter des amendements présentés sur le même fondement de recettes annexes.
Sur le fond, il s’agit d’une rupture de l’égalité des contribuables devant l’impôt, d’une atteinte à la liberté d’entreprendre et, surtout, d’une dénaturation de la liberté contractuelle.
En d’autres termes, bien qu’il fasse droit, en apparence, au principe de libre concurrence, cet article, s’il était adopté, subirait manifestement, lui aussi, la censure du Conseil constitutionnel.
J’ajoute qu’aucune motivation d’intérêt général ne justifie cet article.
Au contraire, l’argument avancé par le Gouvernement – limiter la mutualisation à des accords de branche – diminue l’efficacité du dispositif compte tenu de l’échantillon plus restreint de personnes concernées.
Cet article n’a donc aucune justification technique.
Il faudrait, au contraire, prendre en compte les mutualisations intergénérationnelles, interprofessionnelles et géographiques, qui sont à la base du fonctionnement de tout assureur santé, et laisser la libre concurrence s’instaurer. C’est cet acte de solidarité, en dehors des accords de branche, que les professionnels de l’assurance doivent mettre en œuvre, comme ils savent parfaitement le faire.
Sous prétexte de mettre en place les conditions d’une meilleure mutualisation, cet article opère en fait un retour larvé au régime des corporations !
En réalité, cette recommandation forcée aura pour résultat de faire financer indirectement les grandes entreprises par les petites, alors que les salariés de chacune de celles-ci, par définition moins nombreux, représentent évidemment une masse de consommation de soins moins importante.
En effet, si cet article est adopté, 90 % des contrats seront attribués aux instituts de prévoyance, au détriment des assureurs et des mutuelles, privant immédiatement d’emploi des milliers de personnes. Nous avons d’ailleurs vu hier devant les portes du Sénat une manifestation de salariés inquiets.
Dans ces conditions, on comprend mieux ce qui explique véritablement le retour d’une telle clause devant le législateur : c’est le lobbying des syndicats, tant salariés que patronaux, qui siègent à parité dans les institutions de prévoyance et qui veulent continuer à se partager une manne financière.
Il s’agit, par le biais des mutuelles, d’une étatisation larvée de la politique de santé !
Pour toutes les raisons que je viens d’exposer, qui sont de forme, de fond et aussi d’ordre constitutionnel, le groupe UMP présentera un amendement visant à la suppression de cet article totalement indéfendable.
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, sur l'article.
Mme Muguette Dini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous allons donc reprendre nos débats sur cette affaire de clause de recommandation et de clause de désignation.
En l’espèce, le groupe UDI-UC a toujours défendu le strict respect du texte de l’ANI – accord national interprofessionnel – du 11 janvier 2013.
Cela étant, nous devons reconnaître que, dans certains cas, la clause de désignation s’impose. En effet, la négociation collective et la gestion d’un régime de prévoyance de branche ont pu emprunter des formes très diverses. Les partenaires sociaux pouvaient soit sélectionner un contrat assuré par un ou plusieurs organismes assureurs déterminés, soit décider de la création, par la voie conventionnelle, d’un organisme assureur déterminé dont l’objet exclusif était de couvrir les salariés et anciens salariés de la branche.
Les partenaires sociaux ont eu recours à cette seconde possibilité lorsque les particularités d’une branche professionnelle les ont conduits à développer une politique sociale particulièrement affirmée en raison, surtout, de conditions de travail difficiles ou spécifiques.
Ce type d’organisme, dédié à une branche professionnelle et n’intervenant pas sur d’autres marchés, doit pouvoir continuer à exister.
Je prendrai deux exemples pour illustrer mon propos : le secteur du bâtiment et des travaux publics – BTP –, d'une part, celui des particuliers employeurs, d'autre part.
Le secteur du BTP a, depuis l’immédiat après-guerre, développé une tradition de relations paritaires fortes. Cette tradition a permis la conclusion par l’ensemble des partenaires sociaux de plusieurs accords de branche, qui, notamment de 1947 à 1968, ont créé un régime de complémentaires retraite, santé et prévoyance particulièrement performant, ainsi que les organismes chargés de les gérer. Il s’agit, depuis 1993, du groupe paritaire professionnel de protection sociale à but non lucratif : PRO BTP.
En l’état actuel du droit, toutes les entreprises du secteur du BTP sont tenues d’adhérer à PRO BTP, qui offre à leurs salariés les garanties prévues par des accords de branche étendus par arrêtés ministériels.
La création de ce dispositif répondait à trois préoccupations.
Premièrement, il s’agissait de mutualiser des risques qui, individuellement, pour certaines entreprises du secteur, notamment les plus petites, auraient été trop lourds à supporter ou à faire assurer.
Deuxièmement, le souci était de développer une politique d’action sociale forte.
Troisièmement, il fallait éviter les coûts de transaction qu’impliquait le recours à une entité extérieure à la branche.
Ainsi voulue par toute la profession, cette institution de prévoyance professionnelle a permis la mise en place d’une véritable solidarité professionnelle entre tous les salariés et une mutualisation du risque pour tout le secteur du BTP.
La suppression du droit pour les partenaires sociaux de disposer, dans une branche, d’un organisme assureur dédié, auquel les entreprises sont tenues d’adhérer pour la prévoyance dans le BTP, remet en cause la solidarité professionnelle de ce secteur. Ce sont les petites entreprises qui seront perdantes, les plus grosses ayant la capacité financière de négocier des contrats à fortes garanties auprès d’autres organismes.
En ce qui concerne les branches professionnelles des salariés du particulier employeur et des assistants maternels du particulier employeur, on retrouve cette même démarche de solidarité et de mutualisation du risque.
Les partenaires sociaux ont créé l’IRCEM en 1973, groupe de protection sociale dédié aux salariés à domicile. L’IRCEM assure et gère la retraite complémentaire et les régimes de prévoyance collective négociés par les partenaires sociaux.
Le dispositif repose sur un appel indirect des cotisations via l’URSSAF, ce qui permet la mutualisation. En effet, un salarié à domicile ou une assistante maternelle ont très souvent plusieurs employeurs.
Si ce système de désignation de l’IRCEM est remis en cause, les particuliers employeurs seront dans l’incapacité d’effectuer un choix individuel en matière de couverture prévoyance et les salariés de ce secteur risquent de ne plus être couverts en cas d’incapacité et d’invalidité.
Au passage, je me demande comment le CESU va gérer les différentes mutuelles des particuliers employeurs !
J’ai déposé un amendement n° 80, qui vise à prendre en compte la situation spécifique des deux secteurs que je viens d’évoquer ou de ceux qui présentent de semblables spécificités, tel le secteur du transport. Il est essentiel de préserver ces entités qui sont nées d’accords de branches professionnelles et qui incarnent le régime de prévoyance des salariés de ces branches.
Madame la ministre, la balle est dans votre camp : c’est à vous de trouver la solution pour que ces spécificités soient préservées.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues sénatrices et sénateurs (Exclamations amusées.),…
Mme Catherine Procaccia. Au moins, vous ne nous dites pas : « Camarades ! » (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Desessard. … Aline Archimbaud défendra tout à l'heure l’amendement de suppression de l’article 12 ter que nous aussi avons déposé.
Cet article, issu d’un amendement du Gouvernement déposé à l’Assemblée nationale, réintroduit, de fait, les clauses de désignation dont nous avons discuté lors de l’examen du projet de loi transposant l’ANI de janvier 2013.
Je souhaite m’attarder quelques instants sur un argument souvent évoqué pour justifier cette disposition : celui de la mutualisation. Il a en effet été argué à de multiples reprises, y compris par le Gouvernement, pendant la discussion du projet de loi en question, que la mutualisation des risques serait plus importante à l’échelle de la branche, ce qui justifierait la clause de désignation.
Rappelons d’abord que le simple fait de généraliser la complémentaire santé pour les salariés exclut de fait les autres. En effet, les salariés ne souscriront désormais plus de contrats individuels et les organismes d’assurance seront donc contraints de ne mutualiser leur portefeuille de contrats individuels que sur le reste de la population, qui présente statistiquement plus de risques.
Ces personnes, à savoir les inactifs, les chômeurs, les étudiants et les retraités, verront donc leurs cotisations augmenter s’ils décident de souscrire une complémentaire à titre individuel, alors même qu’ils n’ont par définition aucune entreprise pour prendre en charge une partie de leurs cotisations.
Intéressons-nous maintenant à l’effet des accords de branche. Le besoin de mutualisation en santé est très particulier et ne correspond pas aux besoins habituels connus en technique d’assurance, par exemple en matière de prévoyance : en l’espèce, le risque de décès ou celui d’invalidité, lourds à couvrir, présentent une faible occurrence, de l’ordre de 2 à 3 cas pour 1 000 personnes. En santé, ces mêmes 1 000 personnes couvertes engendreront 15 000, voire 20 000 événements de coût modéré à garantir annuellement – recours à des médecins à plusieurs reprises pendant l’année, dépenses de pharmacie, auxiliaires médicaux, etc. –, sans oublier les gros risques comme l’hospitalisation, fort heureusement beaucoup moins fréquents.
Le risque de santé est donc un risque de court terme, à montants limités et de forte fréquence. Il en résulte qu’il est aisément maîtrisable et ne nécessite que peu d’assurés pour être garanti : les actuaires estiment que le seuil à partir duquel le risque santé est mutualisé est de l’ordre de la centaine d’assurés.
C’est d’ailleurs aussi le raisonnement que tient l’administration fiscale. En effet, pour que les risques soient réellement garantis, les organismes d’assurance sont soumis à des règles prudentielles : il leur est imposé de constituer des provisions d’égalisation, c’est-à-dire des provisions faites pour assurer le bon paiement des engagements, qui sont fonction du nombre d’assurés. Le niveau des provisions demandées est, bien sûr, d’autant plus faible que les populations assurées sont importantes, c’est-à-dire que la mutualisation est jugée plus solide. Par exemple, la dernière tranche reconnue par l’administration pour un contrat prévoyance est fixée à 500 000 personnes.
Dans le domaine de la santé, en revanche, aucun seuil n’a été retenu. La qualité de la mutualisation en santé dépend non pas du nombre d’assurés, mais de leur profil. Les besoins de mutualisation en la matière ne sont que de deux ordres : d’ordre intergénérationnel – il s’agit d’assurer une solidarité entre les plus jeunes et les plus âgés – et d’ordre interprofessionnel – les risques ne doivent pas porter sur des populations homogènes, de sorte qu’ils soient répartis entre des groupes présentant des profils de consommation de soins différents.
Ces deux mutualisations, et notamment la seconde, sont en réalité bien mieux garanties par une mutualisation transversale, interbranches, que par une mutualisation de branche, le plus souvent homogène. Il existe en effet un risque systémique à concentrer les risques de branche sur un même organisme assureur, par exemple dans le cas où surviendraient des pathologies de branche, telles celles liées à l’amiante, pathologies qu’il convient évidemment de prévenir.
En outre, la mutualisation par branche génère d’importantes inégalités, les branches étant plus ou moins riches.
Cette segmentation des risques et des revenus peut même être vue comme un détournement de la mutualisation, d’autant que les branches à hauts revenus ne sont généralement pas celles qui présentent les risques les plus élevés. Les hauts revenus ne payeront donc plus les risques supérieurs des plus pauvres.
Par conséquent, il me semble que l’argument d’une meilleure mutualisation est non seulement infondé, mais socialement dangereux.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 107 rectifié est présenté par MM. Milon et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mmes Procaccia et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, M. Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Pinton, Paul et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 146 est présenté par MM. Marseille, Roche, Vanlerenberghe et Amoudry, Mmes Dini, Jouanno et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 275 est présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 304 rectifié est présenté par MM. Barbier, Mézard, Tropeano, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Vall et Vendasi.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l’amendement n° 107 rectifié.
M. Alain Milon. Notre collègue Jean-Noël Cardoux a expliqué pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 13 juin dernier, a considéré que « les clauses de désignation portent à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle, une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi de mutualisation des risques ».
Madame la ministre, le 22 octobre, à l’Assemblée nationale, vous avez déposé l’amendement visant à introduire ces clauses de recommandation après l’article 45, dans la quatrième partie du PLFSS, c'est-à-dire la partie relative aux dépenses. Le lendemain, le 23 octobre, vous avez fait rectifier l’amendement pour finalement l’insérer après l’article 12, dans la troisième partie de ce texte, relative aux recettes.
Vous avez ensuite justifié sa recevabilité en loi de financement de la sécurité sociale par le seul fait que l’un des paragraphes dudit amendement prévoit un malus fiscal pour les entreprises qui décideraient d’exercer leur liberté de choix. Puis vous avez justifié cette discrimination fiscale par votre volonté d’ « inciter les entreprises à adopter des contrats à forte valeur de solidarité ».
Vous attendez de cette mesure que les entreprises suivent massivement la recommandation des branches professionnelles. Ma question est donc très simple : à combien chiffrez-vous le rendement de cette mesure pour le budget de la sécurité sociale ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour présenter l'amendement n° 146.
M. Gérard Roche. Mme Dini a déjà exposé, au nom du groupe UDI-UC, les raisons qui nous conduisent à proposer la suppression l’article 12 ter, par lequel le Gouvernement entend réinstaurer la clause de désignation.
Pour mémoire, je rappelle que celle-ci avait été instaurée par l’article 1er de la loi de sécurisation de l’emploi, en contradiction totale avec la lettre même de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, que cette loi était pourtant censée transcrire fidèlement.
Une véritable bataille avait été menée au Sénat contre la clause de désignation. Je ne reviens pas sur toutes les raisons de fond qui justifient ce combat : reconfiguration forcée et oligopolistique de l’offre de complémentaire ; situation de conflit d’intérêts pour les partenaires sociaux, qui sont à la fois juges et parties ; méconnaissance du principe de libre concurrence ; pression à la hausse des prix au détriment des assurés et des entreprises ; augmentation des primes pour les non-salariés ; destruction d’emplois…
Lors de l’examen du projet de loi de sécurisation de l’emploi, le Sénat avait obtenu des garanties, mais celles-ci étaient largement insuffisantes puisque, comme cela était prévisible, le 13 juin 2013, le Conseil constitutionnel a censuré la clause de désignation, considérant qu’elle portait atteinte à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle.
Sortie par la porte, voilà que la clause de désignation revient par une petite fenêtre, au sein de ce PLFSS. Certes, il ne s’agit plus de santé, mais de prévoyance. Certes, il n’est plus expressément question de désignation, mais seulement de recommandation, ce qui est conforme à l’ANI. Cependant, il s’agit bien, en réalité, de créer à nouveau une véritable clause de désignation, et cela pour au moins deux raisons.
Premièrement, la branche pourra ne recommander qu’un seul opérateur, et l’on se doute que la plupart des entreprises, surtout les petites, suivront systématiquement la recommandation. En effet, les petites entreprises n’ont pas les moyens de mener une étude de marché pour la couverture prévoyance de leurs salariés ; elles ont autre chose à faire !
Deuxièmement, la recommandation se transformera d’autant plus en désignation que le choix d’un autre organisme assureur sera fiscalement sanctionné : le forfait social sur les cotisations de prévoyance passera de 8 % à 20 % pour les entreprises de plus de dix salariés, et de 0 % à 8 % pour les entreprises de moins de dix salariés. De même que l’article 1er de la loi de sécurisation de l’emploi avait été supprimé au Sénat, avant d’être finalement rétabli, puis censuré par le Conseil constitutionnel, l’article 12 ter du présent PLFSS doit aujourd'hui être supprimé.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 275.
Mme Aline Archimbaud. Dans l’accord national interprofessionnel tel qu’il avait été établi par les partenaires sociaux, la possibilité leur était laissée, au niveau de chaque branche professionnelle, de négocier nationalement avec un organisme d’assurance un contrat de complémentaire santé qui serait ensuite recommandé, c’est-à-dire proposé mais non imposé, aux entreprises de la branche.
Dans le texte du Gouvernement qui visait à transposer cet ANI, a ensuite été ajoutée une clause de désignation qui permet, au contraire, d’imposer le contrat négocié nationalement à toutes les entreprises de la branche.
Ainsi, dans le texte de transposition, trois possibilités étaient laissées à la branche : ne rien faire, recommander ou imposer. Lors de l’examen de ce texte, le Sénat s’était prononcé contre cette disposition, qui avait ensuite été rétablie par l’Assemblée nationale, avant d’être finalement censurée par le Conseil constitutionnel, lequel a, d’un même élan, également censuré des dispositions antérieures à l’ANI. Il était donc nécessaire que le législateur s’empare à nouveau de cette question.
Toutefois, nous nous interrogeons sur la manière dont on procède à ce nouvel examen.
D’abord, nous ne comprenons pas bien pourquoi cette disposition a été introduite par amendement plutôt que dans le texte initial. Il en résulte que, alors que le sujet est délicat, nous ne disposons pas d’une étude d’impact et que l’on est encore une fois fondé à s’interroger sur la constitutionnalité de ce que vous nous proposez. Si, dans cette nouvelle mouture, la désignation a disparu et que seule subsiste la recommandation, le non-respect de cette dernière entraîne une augmentation de douze points du forfait social, ce qui revient bien à faire de la recommandation une désignation.
Il y a, me semble-t-il, une certaine hypocrisie à prétendre que les entreprises conservent leur liberté de choix alors que l’on donne un prix à cette liberté.
Lors de l’examen du projet de loi transposant l’ANI, nous nous étions prononcés en défaveur des clauses de désignation. Or le dispositif que vous nous proposez maintenant est, à notre sens, pire encore puisque disparaît la possibilité de simplement recommander.
Par ailleurs, dans sa rédaction, l’article indique que les garanties collectives devront prévoir « un degré élevé de solidarité ». Si nous souscrivons évidemment à cette volonté, nous nous interrogeons sur le sens juridique de cette formule.
Pour toutes ces raisons, il nous semble que ce dispositif imprécis et potentiellement inconstitutionnel doit être retravaillé. C’est pourquoi nous vous invitons à le supprimer. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 304 rectifié.
M. Gilbert Barbier. Je ne vais pas reprendre l’ensemble de l’argumentation qui a été développée par mes collègues qui ont également défendu des amendements de suppression de cet article, mais je rappelle que la décision du Conseil constitutionnel ne faisait que conforter le vote émis par la Haute Assemblée lors de la discussion du projet de loi portant transposition de l’ANI : une majorité s’était prononcée, dans cet hémicycle, en faveur de la suppression cette clause.
Le Gouvernement reprend cette question par une voie détournée, recourant au terme « recommandation » : il est clair que l’on cherche ainsi à contourner la décision du Conseil constitutionnel pour, en fait, imposer cette désignation. En effet, cet article instaure une pénalité puisque le forfait social est plus que doublé : il passe de 8 % à 20 %... On voit mal, dans ces conditions, comment les branches pourraient choisir en toute liberté une complémentaire !
La raison essentielle de notre demande de suppression de cet article réside dans les réserves que nous inspire pareille limite apportée à la liberté d’entreprendre, à la liberté contractuelle et à la libre concurrence. Il importe de laisser à chaque entreprise la possibilité choisir son organisme assureur et, réciproquement, de donner à tous les organismes assureurs des chances égales d’emporter chaque contrat. C’est pourquoi il faut supprimer cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Depuis cinquante ans, la grande majorité des branches professionnelles a mis en place des accords de prévoyance couvrant l’ensemble des entreprises et des salariés du secteur concerné.
Afin que chacun mesure bien de quoi il s’agit précisément, je crois utile de citer quelques exemples de prestations ainsi fournies aux salariés : un capital décès pour la personne survivante, une rente d’éducation pour permettre aux enfants de continuer leurs études en cas de décès du salarié, des indemnités journalières ou des pensions venant compléter celles de la sécurité sociale en cas d’incapacité ou d’invalidité, des indemnités de fin de carrière, une assurance lors des déplacements professionnels, etc.
Ce sont donc des risques dits « lourds », qui engagent l’assureur sur plusieurs années et/ou sur des sommes importantes.
À la suite de la décision du Conseil constitutionnel, les branches ne peuvent plus imposer aux entreprises d’adhérer à de tels régimes de prévoyance. Je le regrette, mais c’est ainsi !
Le Gouvernement tente de combler le vide juridique qui résulte de cette décision. J’aimerais bien savoir ce que proposent, de leur côté, les auteurs des amendements de suppression, sinon, me semble-t-il, d’en rester là, de ne rien faire. Que va-t-il alors arriver ?
Les conséquences seront les plus importantes pour les salariés des petites entreprises et pour ceux des secteurs où les risques professionnels sont les plus grands.
MM. Jean-Noël Cardoux et Jean-François Husson. C’est faux !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les petites entreprises ne signeront pas de contrat de prévoyance, ou bien elles signeront un contrat offrant un niveau de garantie très bas. Le prix à acquitter pour obtenir un meilleur contrat serait, à l’évidence, beaucoup trop élevé pour elles. (Protestations sur les travées du groupe UMP.) C’est le fondement même de l’assurance : plus le risque est réparti, moins il coûte cher à chacun.
M. Jean-Noël Cardoux. Vous n’avez rien compris !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Quand un assureur proposera un contrat de prévoyance à une entreprise du BTP de dix salariés, quel sera le prix proposé ? Le même que pour une entreprise de 1 000 salariés ? Certainement pas ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées. – M. Jean Desessard s’exclame.)
Mes chers collègues, j’ai écouté vos arguments ; je vous prie de faire de même lorsque j’exprime les miens !
Prenons l’exemple de PRO BTP, déjà cité. Ce régime de prévoyance intégré protège les salariés en calculant leurs droits, même s’ils changent d’entreprise. Comment assurer ainsi les salariés si les entreprises ont une liberté totale de souscrire ou non un contrat de prévoyance ?
En segmentant le marché, nous diminuons la couverture des plus faibles ou des plus petites entreprises. Pensons aux salariés des particuliers employeurs : s’ils n’étaient pas couverts par une prévoyance négociée par la branche, il n’y aurait tout simplement plus de prévoyance !
Franchement, mes chers collègues, nous devons dépassionner ce débat, car cette passion vous aveugle et vous empêche de voir les véritables enjeux, qui concernent les millions de salariés bénéficiant aujourd'hui de garanties de prévoyance.
Je peux tout à fait comprendre que certains ne soient pas satisfaits sur tel ou tel point, mais, de grâce, évitons la catastrophe, gardons-nous de brûler toute la maison !
La commission des affaires sociales émet donc un avis défavorable sur les quatre amendements identiques qui viennent d’être présentés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je reprends entièrement à mon compte les excellentes explications données par M. le rapporteur général et j’émets le même avis défavorable.
De quoi parlons-nous ? Parlons-nous du dispositif qui avait été précédemment introduit dans la loi transposant l'ANI ? Ou bien d'un dispositif entièrement nouveau dans notre système juridique, qui viendrait bouleverser le contexte dans lequel nous évoluons ? Évidemment non !
L'ANI a prévu que tous les salariés – et non plus seulement ceux des grandes entreprises, pour lesquels c'était déjà le cas – pourraient bénéficier d'une couverture complémentaire santé et éventuellement de contrats de prévoyance. Pour que l'ensemble des salariés et des entreprises y accèdent à un coût abordable, il était proposé de mettre en place une clause de désignation, en vertu de laquelle la branche indiquait quel contrat devait être retenu par les entreprises de la branche considérée.
Ce dispositif est-il sorti du chapeau de ceux qui ont préparé l'ANI ou de ceux qui l’ont transposé dans la loi ? Bien sûr que non !
Mme Catherine Procaccia. Ce dispositif n’était pas celui de l'ANI !
Mme Marisol Touraine, ministre. En fait, il s'est simplement agi d'étendre un dispositif législatif codifié depuis vingt-cinq ans, introduit par Mme Simone Veil, alors ministre d'État en charge des affaires sociales.
Le Conseil constitutionnel a non seulement annulé la disposition de la loi de sécurisation de l'emploi qui venait d'être votée, mais aussi la disposition source, c'est-à-dire le premier dispositif prévoyant la mise en place d'une clause de désignation.
Ainsi, les clauses de désignation qui fonctionnaient dans un certain nombre de secteurs, notamment pour la santé et la prévoyance, se sont toutes trouvées annulées.
Ce que nous proposons, ce n’est pas de réintroduire une clause de désignation…
M. Jean-François Husson. Si ! C'est pareil !
Mme Marisol Touraine, ministre. … et de rendre obligatoire le dispositif tel qu’il existait, c'est de retrouver l'esprit qui animait Mme Veil et le législateur en 1994 en favorisant l'accès des salariés à une bonne couverture, aussi bien pour la santé que – j’y insiste – pour la prévoyance, et de permettre ainsi que des entreprises puissent être orientées vers des contrats, informées à leur sujet, afin, le cas échéant, d’en bénéficier.
En effet, une entreprise de dix salariés n’est pas une entreprise du CAC 40 qui, nous le savons bien, couvre toujours de manière satisfaisante l'ensemble de ses salariés, à la fois pour la santé et pour la prévoyance.
L'idée est donc de déboucher, au niveau de la branche, sur la recommandation d'une offre qui, pour être valable, doit comporter des garanties du type de celles qu’a évoquées M. le rapporteur général. Ainsi, il ne suffit pas de dire que l'on prendra en charge des frais dentaires ou des frais d'optique, il faut aussi proposer des mesures de solidarité, un accompagnement en termes de prévoyance : par exemple, dans le cas du décès d'un parent, un soutien pour les études d'un enfant, une meilleure prise en charge sanitaire, etc. Et, pour faciliter la lecture entre les différents contrats, on introduit une variation du forfait social.
Je répondrai maintenant à deux questions qui ont été évoquées, sinon explicitement posées.
Tout d’abord, la disposition en cause a évidemment tout à fait sa place dans un PLFSS et n’est en rien un cavalier social puisqu’elle a vocation à apporter des recettes à la sécurité sociale : il ne s'agit pas simplement de l'équilibre des régimes complémentaires.
Ensuite, monsieur Milon, quel niveau de recettes peut-on en espérer ? Nous ne le saurons véritablement que ex post, mais on peut considérer – c'est du moins notre objectif – qu’elles devraient s'élever à au moins 20 millions d'euros, voire 30 millions d'euros, dans l'hypothèse d'une adhésion satisfaisante, mais loin d'être générale.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous ne faisons pas du tout l'hypothèse d'une adhésion automatique des entreprises...
Je veux également insister sur un point déjà souligné par M. le rapporteur général : l'esprit de l'ANI était de permettre la couverture de tous les salariés de notre pays.
M. Jean-François Husson. Mais pas n’importe comment !
Mme Marisol Touraine, ministre. Les salariés des grandes entreprises étant très correctement couverts aujourd'hui, il s'agissait de permettre aux petites entreprises d'apporter à leurs salariés des garanties identiques à celles dont bénéficient les salariés des grandes entreprises. C'est l’application d’un principe d'égalité et de justice auquel nous sommes attachés.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, je vous admire pour la solidarité dont vous faites preuve à l'égard du ministre du travail, qui s’était déjà beaucoup dépensé pour faire passer ce dispositif dans le projet de loi transposant l'ANI.
La clause de désignation n’était absolument pas ce qui avait été négocié entre les partenaires sociaux et le Gouvernement. Heureusement, grâce à notre recours, cette clause a été annulée par le Conseil constitutionnel.
En vérité, les clauses de recommandation impératives que vous nous proposez aujourd'hui dans ce texte sont des clauses de désignation camouflées. Cela étant, elles ne sont pas camouflées pour tout le monde puisque, y compris dans vos rangs, on ne s’y laisse pas tromper : une sénatrice socialiste du Finistère, M. Urvoas, député socialiste du Finistère et président de la commission des lois à l’Assemblée nationale, ou encore M. Bernard Poignant disent bien que la pertinence du lien entre ce dispositif et le texte qui l'accueille n’est pas immédiate, ce qui est préjudiciable et risque d'entraîner la censure du Conseil constitutionnel. Ce sont donc des gens qui soutiennent le Gouvernement qui l’affirment eux-mêmes !
Les dispositions de cet article 12 ter sont choquantes. Selon moi, elles introduisent une discrimination fiscale et portent atteinte à la liberté contractuelle et à la liberté des entreprises.
En outre, les remarques que vous formulez, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, sur le fonctionnement de l'assurance montrent que vous n’en maîtrisez pas complètement les mécanismes, certes complexes. Vous allez compromettre la concurrence, qui permet justement de faire baisser les prix. Votre collègue M. Hamon, lorsque nous examinons le projet de loi sur la consommation, appelle à toujours plus de concurrence, souhaite que l'on puisse résilier quand on veut tous les contrats d'assurance au bout d'un an sans même envoyer une lettre recommandée, et vous, vous faites l’inverse !
En matière d'assurance, le moins que l'on puisse dire, c'est qu’il n’existe pas au Gouvernement une ligne directrice très nette !
M. Cardoux a rappelé comment fonctionne le paritarisme. Il est clair que 90 % des clauses de recommandation ou de désignation permettront aux mêmes institutions de prévoyance d'obtenir ces contrats, qui seront gérés par les syndicats.
Juste avant le texte que nous annonce le ministre du travail sur la représentation syndicale, le dialogue social et la formation professionnelle, ce dispositif n’est-il pas simplement un moyen de calmer les partenaires sociaux ? C’est une question que, en tout cas à titre personnel, je suis amenée à me poser.
J’ajoute que, comme vous l'avez vu hier, cette disposition mettrait en danger 30 000 à 40 000 emplois. Dans la situation actuelle de la France, peut-on se le permettre ? Certainement pas !
Quant aux clauses qu’évoquait M. le rapporteur général, je peux vous dire qu’un certain nombre de compagnies d'assurance – je ne les citerai pas, mais l'une des plus grandes est concernée – proposent exactement les mêmes garanties que l'organisme désigné par la convention collective nationale des transports routiers et, peut-être, à un tarif moins élevé… Vous allez donc augmenter les prix en donnant un monopole à un certain nombre d'entreprises d'assurance, et vous n’irez absolument pas dans le sens que vous recherchez. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Je n’ai pas une virgule à changer à ce qu’a excellemment dit ma collègue Catherine Procaccia !
Pour ma part, j’évoquerai seulement la taxation que vous mettez en place, madame la ministre. Vous nous avez parlé à plusieurs reprises, au cours des semaines passées, d'une taxe incitative qui n’aurait qu’un impact infime sur les comptes de la sécurité sociale. Mais aujourd'hui, vous nous dites que cette taxation apportera de vraies recettes et qu’elle a toute sa place dans ce projet de loi. J’avoue avoir un peu de mal à comprendre !
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel ayant effectivement invalidé ce dispositif, je ne vois pas pourquoi l'on essaie de rentrer par la fenêtre après que l'on a dû sortir par la porte !
Enfin, la concurrence a toujours eu, dans notre pays, un impact sur les prix. Votre collègue Benoît Hamon, comme l'a très justement fait remarquer Catherine Procaccia, nous l’a répété à l’envi, et vous venez nous dire le contraire !
Décidément, avec ce gouvernement, l'assurance du respect de la parole n’est pas au rendez-vous !
M. Jean-Claude Lenoir. Ce gouvernement manque d'assurance !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je voudrais apporter quelques précisions à la suite de votre intervention, madame la ministre.
Lors du débat sur le projet de loi transposant l'ANI, nous, écologistes, n’étions pas opposés à une recommandation de branche, conforme à ce dont les partenaires sociaux avaient débattu. Cela signifiait qu’une discussion s’engagerait entre telle branche et telle mutuelle pour définir un contrat avantageux, qui serait ensuite proposé à tous les salariés concernés.
Pour notre part, donc, si nous étions opposés à toute obligation, nous ne voyions pas d’inconvénient à une recommandation.
Vous nous dites, madame la ministre, que les entreprises sont libres. Il n’empêche que les entreprises qui n’adhéreront pas seront soumises à une taxation importante. Il s'agit donc d'une liberté surveillée, d'une liberté conditionnelle ; ce n’est pas vraiment un libre choix…
Enfin, madame la ministre, vous nous parlez d'une solidarité de branche. Soit, mais il n'y a pas de solidarité entre branches, et j’en reviens à ce que j’ai dit dans mon intervention sur l'article. Dans le cadre d'une mutualisation par branche, les branches où la plupart des salariés sont des cadres, et qui ne présentent donc pas de risques importants, ne seront pas solidaires avec le BTP, par exemple, une branche qui n’a pas du tout les mêmes caractéristiques.
En l'absence de solidarité interbranches et, aussi, de solidarité avec les gens qui ne se trouvent pas couverts par une branche – inactifs, retraités, chômeurs, etc. –, la solidarité dont vous parlez n’est donc que partielle. Elle paraît presque corporatiste…
Dans cette affaire, on peut aussi mettre en avant une valeur de proximité. Imaginons que les services d’une mutuelle ne donnent pas satisfaction. Il se peut alors que, dans un environnement rural, une petite entreprise connaisse bien, dans son village – je ne parlerai pas de village breton, car je ne veux pas en rajouter ! (Sourires.) –, le courtier de telle ou telle compagnie d’assurance ou le représentant de telle ou telle ou telle mutuelle. Eh bien, du fait cette clause de recommandation très contraignante, il ne pourra pas traiter avec ce courtier ou avec cette mutuelle. Il sera obligé, sous peine d'une taxation plus importante, de faire appel à l’organisme recommandé au niveau de la branche. Or on doit, au contraire, pour promouvoir cette valeur de proximité, permettre aux entreprises de choisir un partenaire avec lequel elles ont des relations de proximité, précisément.
Je ne dis pas qu’il faut proscrire les recommandations de branche. Une branche peut négocier un excellent contrat pour le proposer ensuite à la signature. C’est à l’obligation et non à la recommandation que nous nous opposons. Certes, ce que vous nous proposez n’est pas vraiment une obligation, mais il s’agit quand même d’une forte incitation eu égard à cette sorte de pénalité financière qui est prévue. (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)
Mme Isabelle Debré. Si, c’est une vraie obligation !
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. D’abord, madame la ministre, je dois dire que je viens d’assister, avec votre intervention, à un grand numéro de rétropédalage, eu égard à la discussion que nous avons eue dans cette enceinte au mois de février. En effet, vous nous expliquiez alors que, avec la clause de désignation, c’était le meilleur des mondes qui était promis à l’ensemble des salariés. Je me souviens surtout que vous étiez restée plutôt évasive devant certaines interrogations, notamment celles qui portaient sur les différences entre la couverture santé et la couverture prévoyance.
Vous en appelez aujourd'hui à Simone Veil, ce qui est assez piquant. Mais quand on ne sait plus à quel saint se vouer, on essaie de trouver une grande personnalité – car Mme Veil en est une – d’une sensibilité différente, ce qui vous permet de dire que, nous aussi, à une époque…
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vous citez bien Jaurès de temps en temps !
M. Jean-François Husson. Mais oui, car nous sommes fiers de ce qui a été accompli par certaines grandes personnalités. J’ajouterai même, et cela vaut pour vous comme pour nous, que, quand on se trompe, il faut avoir l’humilité de corriger son erreur, ou au moins de la reconnaître.
Quant à vos arguments, monsieur le rapporteur, ils ne tiennent pas davantage.
La complémentaire santé et la couverture prévoyance sont effectivement deux choses différentes.
En matière de santé, la mutualisation est réalisée en fonction d’un certain nombre de paramètres : en général, ce sont les personnes qui composent les collèges de salariés de l’entreprise et la dépense médicale dans le territoire donné.
À cet égard, les coûts, les honoraires pratiqués, etc. diffèrent fortement d’un territoire à l’autre : ceux pratiqués en région parisienne n’ont rien à voir avec ceux, pour prendre un exemple au hasard, qui le sont dans le département de Meurthe-et-Moselle, lesquels n’ont rien à voir avec ceux qui le sont dans le département voisin des Vosges. En effet, il y a un équilibre qui s’instaure entre une consommation médicale ou une population données et les prix pratiqués.
En recentralisant, en quelque sorte sous une forme d’économie nouvellement administrée, autour des institutions de prévoyance, comme cela a été bien souligné, vous provoquez une inflation de la dépense parce que la moyenne n’est plus assurée dans les territoires – moyenne qui équilibre des avantages et parfois des inconvénients.
J’en viens à votre deuxième volet, que vous sortez un peu comme un lapin du chapeau : la prévoyance. Une couverture prévoyance est effectivement indispensable, et c’est pourquoi nous continuons à soutenir la volonté de garantir à la fois la santé et la prévoyance pour tous et toutes, dans toutes les entreprises, quelle que soit leur taille.
D’ailleurs, en vertu de mon expérience, je m’inscris à nouveau en faux contre l’idée que c’est forcément plus cher dans les petites entreprises. Non ! Cela n’a rien de systématique, ni dans un sens ni dans l’autre. Parce que, là aussi, il existe un équilibre entre une population et la survenance ou l’absence d’un certain nombre de sinistres. C’est un peu comme en matière d’accidents du travail : quand une entreprise réalise de bons résultats, qu’elle figure au CAC 40 ou qu’elle ne compte que trois salariés, elle peut arriver à négocier de très bonnes conditions d’assurance.
Au passage, madame la ministre, nous devons nous réjouir d’avoir en France de grandes entreprises telles celles qui composent le CAC 40. Car nous avons besoin de la richesse, de la prospérité et de la croissance que nous apportent ces entreprises. « Entreprendre », ce n’est pas un gros mot ! Ce n’est pas une honte d’avoir aujourd’hui, en France, des entreprises qui rayonnent, se développent, et qui emploient de nombreux salariés ! (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Jean Desessard. À condition qu’elles paient des impôts et qu’elles ne soient pas domiciliées dans des paradis fiscaux ! (M. Alain Gournac s’exclame.)
M. Jean-François Husson. Les salariés et les entreprises ne sont pas ennemis. Les salariés, quel que soit leur statut dans l’entreprise, y travaillent parce qu’ils ont besoin de vivre, bien sûr, mais souvent aussi parce qu’ils s’y sentent bien, même si, parfois, comme dans toute société, des litiges apparaissent.
Enfin, monsieur le rapporteur général, vous nous avez mis en garde contre la passion qui, sur les bancs de l’UMP, nous aveuglerait. Eh bien, moi, la passion ne m’aveugle pas ; c’est ma raison qui me guide et qui, jointe à une certaine expérience, me conduit une fois encore à vous dire, avec une grande sérénité, que nous sommes en complet désaccord avec l’article que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. La notion de proximité a été évoquée par Jean Desessard : je crois que c’est en effet un élément très important dans ce débat et qu’il doit être pris en compte.
Plusieurs collègues ont par ailleurs évoqué le nombre d’emplois qui sont en jeu dans cette affaire ; beaucoup sont menacés, en particulier dans les territoires ruraux. À cet égard, on ne saurait ignorer les inquiétudes qui sont exprimées par les courtiers, les compagnies d’assurance et les mutuelles, ainsi, bien sûr, que par leurs salariés. Comment ne pas y être attentif quand l’emploi est la priorité numéro un ?
J’ajoute qu’il ne faut rien négliger pour soutenir les départements ruraux, et ceux d’entre nous qui en représentent ici le savent bien.
Ce sont là autant de raisons d’adopter ces amendements de suppression, qui sont simplement de bon sens. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Cet article contesté reprend l’article 1er, censuré par le Conseil constitutionnel, de la loi transposant l’ANI de janvier 2013.
Il prévoit en effet d’autoriser les branches à recommander un ou plusieurs organismes d’assurance complémentaire, le ou les organismes assureurs recommandés devant appliquer un tarif unique à toutes les entreprises et offrir des garanties identiques à toutes les entreprises et à tous les salariés, qui ne pourront refuser l’adhésion d’une entreprise de la branche.
Ces précisions posent problème puisque, pour être efficace, par nature, un contrat d’assurance complémentaire doit, selon nous, coller au plus près des besoins des salariés.
En outre, une entreprise qui choisirait de ne pas appliquer la recommandation serait assujettie à un taux de forfait social de 20 % si elle compte au moins dix salariés ou de 8 % si elle en compte moins de dix. Une telle mesure s’apparente, ni plus ni moins, à du chantage…
Mme Isabelle Debré. Absolument !
M. Dominique Watrin. … ou y ressemble fort. D’ailleurs, on peut imaginer le cas où une entreprise passerait outre, tout simplement parce que le comité d’entreprise a alerté l’employeur sur le fait que l’organisme recommandé propose un contrat moins protecteur que celui dont elle dispose déjà.
Enfin, les employeurs qui optent pour une entreprise recommandée seront exonérés de cotisations sociales. Nous ne sommes pas d’accord, car on fragilise ainsi la sécurité sociale de base au profit de la protection complémentaire, qui peut être mutualiste comme privée et commerciale.
Le comble est que le projet de loi prévoit de fiscaliser ces contrats, sachant qu’il s’agit pour les salariés d’un avantage en nature qu’il faut réintégrer dans le calcul de l’assiette de l’impôt sur le revenu.
Pour toutes ces raisons, le groupe CRC, qui avait voté contre l’article 1er de la loi transposant l’ANI, adoptera une position cohérente et votera donc les amendements de suppression. (M. Jean Desessard applaudit. – Marques de satisfaction sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. C’est décidément mal parti pour l’article 12 ter !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je souhaiterais d’abord procéder à un rappel historique, comme l’a fait Mme la ministre tout à l’heure.
C’est par le biais des conventions collectives nationales que la prévoyance collective s’est développée en France, en particulier à la suite de la convention collective nationale des cadres de 1947, qui a imposé aux entreprises la souscription de contrats couvrant les cadres contre le risque décès à hauteur de 1,5 % de leur rémunération.
Les décennies suivantes ont vu une majorité de conventions collectives nationales imposer des niveaux de couverture de prévoyance – prévoyance décès, incapacité, invalidité – à leurs entreprises adhérentes, et c’est dans les années 1990, avec l’envol des institutions de prévoyance – lois de 1989 et de 1994 – que sont apparues les clauses de désignation, qui obligent les employeurs ne disposant pas déjà d’une couverture à rejoindre un organisme désigné. La désignation concerne ou plutôt concernait généralement un à trois organismes et se fondait sur l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale.
Je tiens maintenant à insister sur le fait que la mutualisation des risques est un outil qu’il faut impérativement mettre à la disposition des partenaires sociaux, car il permet une gestion fine des risques et une baisse des coûts d’assurance. J’ajoute que la présence systématique d’une participation aux bénéfices dans les régimes mutualisés rend inutile une compétition par le prix et que, au final, le prix payé est proche du tarif d’équilibre.
Oui, les accords de branche présentent un certain nombre d’avantages ; je n’en mentionnerai que quelques-uns.
Le regroupement dans un seul cadre de l’ensemble des assurés permet, d’une part, un suivi de cette population et des actions de prévention, d’autre part et surtout, une gestion fine des invalides pour le maintien de leur revalorisation ou de leur garantie décès.
Du côté des entreprises, celles-ci ont la garantie de trouver un assureur quel que soit l’état de santé de leur effectif ; par conséquent, des entreprises dont les salariés sont plus âgés et/ou plus malades que la moyenne paient le même tarif que les autres. Il en résulte finalement des tarifs sensiblement réduits pour les TPE et les PME.
Que dire en conclusion ? Il y a eu le débat sur l’ANI, puis, quelques mois plus tard, le débat sur la loi de sécurisation de l’emploi. Ne refaisons pas le débat sur l’ANI, qui concernait les complémentaires santé ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Isabelle Debré et M. Alain Gournac. C’est vous qui l’avez voulu !
M. Jean-François Husson. C’est vous qui l’avez remis sur la table !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mesurons bien que la décision du Conseil constitutionnel couvre un champ beaucoup plus large que celui de l’ANI et de la loi de sécurisation de l’emploi… (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Écouter autrui n’est vraiment pas votre fort !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Vous ne pouvez donc pas laisser le rapporteur général parler ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous sommes en démocratie et vous avez évidemment le droit de ne pas être d’accord, mais vous pouvez laisser au moins s’exprimer une opinion contraire à la vôtre, d’autant que, en l’occurrence, vous représentez l’opinion majoritaire !
M. Jean-Claude Lenoir. Théoriquement, la majorité, c’est vous !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je disais donc que la décision du Conseil constitutionnel couvre un champ beaucoup plus large que celui de l’ANI et de la loi de sécurisation de l’emploi puisqu’elle visait en fait toutes les clauses de désignation qui existaient antérieurement à cette loi et qui étaient maintenues après elle.
Mesurons combien il est important aujourd’hui de préserver des régimes de prévoyance intégrés qui existent, qui sont performants, qui sont appréciés dans beaucoup de branches et qui servent parfaitement l’intérêt des salariés.
La solution apportée par le Gouvernement n’est peut-être pas la construction idéale, mais elle permet au moins aujourd’hui de trouver une réponse à ce problème, qui méritait, me semble-t-il, d’être abordé autrement que par le dépôt d’amendements de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 107 rectifié, 146, 275 et 304 rectifié.
J'ai été saisi de trois demandes de scrutin public, émanant, la première, du groupe UMP, la deuxième, du groupe UDI-UC et, la troisième, du groupe socialiste.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont tous deux émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 47 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 217 |
Contre | 126 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
En conséquence, l’article 12 ter est supprimé et les amendements nos 181, 99 rectifié bis, 180, 147, 98 rectifié bis, 305 rectifié, 4 rectifié et 80 n’ont plus d’objet.
Pour la bonne information du Sénat, je rappelle néanmoins les termes de ces amendements.
L'amendement n° 181, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, était ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le mot :
certains
par le mot :
les
L'amendement n° 99 rectifié bis, présenté par Mmes Procaccia, Deroche et Debré, MM. Milon, Pinton, J. Gautier, Cambon, Gilles, Savary, Cardoux, Mayet et Laménie, Mme Cayeux, M. Husson et Mmes Bruguière et Giudicelli, était ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le salarié bénéficiant à titre personnel ou en tant qu’ayant droit d’une assurance complémentaire santé à la date de signature de l’accord de branche bénéficie à sa demande d'une dispense d'affiliation.
L'amendement n° 180, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, était ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
III. – Le salarié déjà couvert par un contrat souscrit à titre individuel conserve la possibilité de refuser l’adhésion au contrat faisant suite à la clause de recommandation mentionné au I de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale tout en bénéficiant de la contrepartie mentionnée au même article.
L'amendement n° 147, présenté par MM. Marseille, Roche, Vanlerenberghe et Amoudry, Mmes Dini, Jouanno et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, était ainsi libellé :
I. - Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Dans ce cas, les accords laissent aux entreprises la liberté de retenir le ou les organismes assureurs de leur choix. Ils peuvent, s’ils le souhaitent, recommander aux entreprises de s’adresser à plusieurs organismes mentionnés à l’article 1er de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ou une ou plusieurs institutions mentionnées à l’article L. 370-1 du code des assurances, sous réserve du respect des conditions définies au II du présent article.
II. - Alinéas 10 à 13
Supprimer ces alinéas.
L'amendement n° 98 rectifié bis, présenté par Mme Procaccia, MM. Husson et Milon, Mmes Debré, Deroche et Cayeux, MM. Pinton, Gilles, Savary, Cardoux, J. Gautier, Cambon, Mayet et Laménie et Mmes Bruguière et Giudicelli, était ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
un ou plusieurs
par les mots :
au moins deux
L'amendement n° 305 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, était ainsi libellé :
Alinéas 10 à 13
Supprimer ces alinéas.
L'amendement n° 4 rectifié, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales, était ainsi libellé :
Alinéa 11
Remplacer les mots :
les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de prévoyance sont assujetties
par les mots :
la contribution de l'employeur destinée au financement des prestations complémentaires de prévoyance est assujettie
L'amendement n° 80, présenté par Mme Dini, était ainsi libellé :
Après l'alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’affiliation des salariés ou les modalités de calcul des prestations répondent à des caractéristiques déterminées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, les accords collectifs peuvent organiser la couverture de ces risques ou la constitution de ces avantages, pour l’ensemble des entreprises de la branche, auprès d’un des organismes mentionnés au deuxième alinéa du I du présent article qu’ils constituent à cet effet et dont le champ est limité aux entreprises de la branche. Le même arrêté prévoit les modalités de dispense d’adhésion des entreprises lorsque celles-ci avaient institué antérieurement à la date d’entrée en vigueur de l’accord collectif, des couvertures identiques pour chaque risque ou avantage. »
Articles additionnels avant l'article 8
M. le président. L'amendement n° 63 rectifié, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Avant l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - À la seconde phrase du septième alinéa du I de l’article 14 de la loi n° 94-628 du 25 juillet 1994 relative à l'organisation du temps de travail, aux recrutements et aux mutations dans la fonction publique, les mots : « qui ne peut excéder 1,8 p. 100, est fixé par décret » sont remplacés par les mots : « est fixé à 0,9 % ».
II - La perte de recettes résultant pour le fonds institué par l’article 14 de la loi n° 94-628 du 25 juillet 1994 relative à l'organisation du temps de travail, aux recrutements et aux mutations dans la fonction publique du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement de bon sens tend à faire passer de 1 % à 0,9 % le taux de la cotisation versée par les établissements hospitaliers au titre du financement du fonds pour l'emploi hospitalier, le FEH.
Aux termes des différents éléments financiers rendus publics par la Caisse des dépôts et consignation, les comptes du FEH sont en effet structurellement excédentaires.
Le fonds a ainsi affiché un résultat net supérieur à 30 millions d’euros par an au cours des cinq derniers exercices, pour des dépenses de l’ordre de 180 millions d’euros.
La diminution de 0,1 point proposée tend ainsi à alléger le montant de la taxe pesant sur les établissements hospitaliers au moment où leurs comptes sont particulièrement contraints.
Par ailleurs, cette diminution ne devrait pas empêcher les comptes du FEH de rester excédentaires puisqu’ils feront théoriquement ressortir, malgré cela, à la fin 2014 un résultat net proche de 14 millions d’euros et des réserves de 27 millions d’euros.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je comprends bien la préoccupation du rapporteur général qui consiste à tenter de cerner le juste niveau de la contribution des établissements hospitaliers au FEH, au titre du redressement de la CNRACL.
Vous voulez inscrire, monsieur Daudigny, ce taux de contribution dans la loi, alors qu’il est aujourd’hui fixé de manière réglementaire. Je solliciterai de vous le retrait de cet amendement, au profit d’un travail que nous devons engager en concertation avec l’ensemble des parties prenantes.
En effet, nous ne savons pas si le taux que vous proposez serait le taux idoine. Or nous devons évidemment permettre de garantir un fonds de roulement suffisant au FEH tout en réduisant le déficit prévisionnel de la CNRACL qui, aujourd’hui, reste trop important.
Néanmoins, nous avons besoin de répondre aux besoins de compétences des employeurs, ainsi qu’aux attentes des agents. Au fond, nous avons besoin de pouvoir fixer avec une certaine souplesse le niveau de cette juste contribution et de la cotisation afférente.
À défaut du retrait de cet amendement, je me verrai contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° 63 rectifié est-il maintenu ?
M. Yves Daudigny. Oui, monsieur le président. Cet amendement a été adopté par la commission et les éléments que vous venez de nous communiquer, madame la ministre, ne me permettent pas de le retirer.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Nous voterons cet amendement proposé par le rapporteur général pour deux raisons.
Premièrement, hier, nous étions contre le fait que l’on prélève de l’argent du FEH pour le donner à la CNRACL. Cela signifie en effet que le niveau des cotisations versées au fonds est trop élevé.
Deuxièmement, cette diminution d’un taux de cotisation est la seule de ce PLFSS ; tout le reste augmente ! Pour une fois que l’on nous propose une petite diminution, nous y sommes évidemment favorables. (Sourires.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 8.
L'amendement n° 82 rectifié ter, présenté par MM. Frassa, Cantegrit, Cointat, del Picchia, Duvernois et Ferrand et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Avant l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 136-6 est ainsi modifié :
a) Le I bis est abrogé ;
b) À la première phrase du premier alinéa du III, le mot : « à » est remplacé par le mot : « et » ;
2° L’article L. 136-7 est ainsi modifié :
a) Le I bis est abrogé ;
b) Le second alinéa du VI est supprimé ;
3° L’article L. 245-14 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « mentionnés aux I et II de » sont remplacés par les mots : « visés à » ;
b) La seconde phrase est supprimée ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 245-15, la deuxième occurrence du mot : « à » est remplacée par le mot : « et ».
II. – L’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale est ainsi modifiée :
1° La seconde phrase du premier alinéa du I de l’article 15 est supprimée ;
2° À la première phrase du I de l’article 16, les références : « aux I et I bis » sont remplacées par la référence : « au I ».
III. – Les 1° et 3° du I et le 1° du II s’appliquent aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2014.
IV. – Les 2° et 4° du I et le 2° du II s’appliquent aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter de la date de publication de la présente loi.
V. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I à IV ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa. L’article 29 de la loi de finances rectificative pour 2012 soumet aux prélèvements sociaux, au taux global de 15,5 %, les revenus immobiliers – revenus fonciers et plus-values immobilières – de source française perçus par les personnes physiques fiscalement domiciliées hors de France.
Les revenus fonciers sont désormais imposés aux prélèvements sociaux dus sur les revenus du patrimoine à un taux de 15,5 %, et les plus-values immobilières sont imposées aux prélèvements sociaux sur les produits de placements recouvrés à la source – notamment par l’intermédiaire des notaires –, à l’instar des personnes fiscalement domiciliées en France déjà assujetties à ces prélèvements.
Ces mesures, qui s’ajoutent aux prélèvements déjà appliqués en matière d’imposition sur le revenu, se sont traduites, pour les 60 000 contribuables concernés, par une hausse d’imposition moyenne de près de 4 200 euros.
Présentées au nom de l’universalité des prélèvements sociaux et de la cohérence de l’impôt, elles comportent toutefois nombre d’effets pervers.
Ces mesures ont tout d’abord pour conséquence de taxer les plus-values foncières à près de 50 %, ce qui rend les investissements fonciers nettement moins attractifs que d’autres placements.
Elles créent ensuite des risques de double imposition, les revenus fonciers et les plus-values immobilières faisant parfois l’objet, conformément aux conventions fiscales en vigueur, d’une taxation du pays de résidence.
Elles sont en outre contraires au principe d’équité. La précédente majorité avait repoussé l’idée d’un assujettissement des plus-values foncières des non-résidents aux cotisations sociales, au motif que ces derniers ne bénéficient pas des prestations sociales financées par la sécurité sociale.
Enfin, ces mesures ne tiennent pas compte du refus de la Cour de justice de l’Union européenne d’étendre la CSG et la CRDS aux revenus de source française dès lors que les non-résidents sont assujettis à une imposition sociale dans un autre État membre.
Après consultation des autorités françaises sur la conformité au droit européen de l’extension de la CSG et de la CRDS aux revenus immobiliers perçus par les non-résidents – procédure EU Pilot 2013/4168 –, la direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion de la Commission européenne a clôturé le dossier par un avis négatif. Une procédure d’infraction contre la France a, depuis, été ouverte.
Le présent amendement vise à revenir sur ce mécanisme injuste et à préserver le régime fiscal des expatriés.
Alors que la majorité souhaite progressivement alourdir ce régime, comme le met en évidence la proposition émise à la fin de l’année 2012 visant à exiger des Français établis hors de France le paiement du différentiel entre les impôts dont ils s’acquittent à l’étranger et ceux dont ils devraient s’acquitter en France, l’adoption de cet amendement constituerait un signal positif fort à l’intention de nos compatriotes expatriés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les auteurs de cet amendement proposent de revenir sur les dispositions de l’article 29 de la loi de finances rectificative pour 2012, soumettant aux prélèvements sociaux, au taux global de 15,5 %, les revenus immobiliers – revenus fonciers et plus-values immobilières – de source française perçus par les personnes physiques fiscalement domiciliées hors de France.
L’alignement du régime social applicable aux revenus immobiliers de source française perçus par les personnes physiques fiscalement domiciliées hors de France sur celui des personnes fiscalement domiciliées sur le territoire me paraît tout à la fois juste et équitable.
M. Christophe-André Frassa. Mais bien sûr…
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Juste en ce qu’il porte sur des revenus de nature identique, provenant de biens situés sur le territoire national ; équitable en ce qu’il concerne l’ensemble des investisseurs propriétaires de biens situés en France et domiciliés hors de France.
Cette mesure concerne ainsi près de 60 000 ménages bénéficiant en moyenne de 12 000 euros par an de revenus fonciers sur les biens situés en France au titre des loyers, qu’il s’agisse d’investisseurs étrangers sans lien particulier avec la France, d’expatriés – personnes actives ou retraités installés à l’étranger – ayant conservé des biens immobiliers en France, ou de frontaliers habitant un pays limitrophe, travaillant en France, affiliés à la sécurité sociale française et disposant d’une résidence secondaire ou d’un bien mis en location en France.
Au vu de ces différents éléments, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Je veux d’abord rappeler que la mesure prise par le Gouvernement dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2012 était une mesure d’équité puisqu’elle visait à ce que des contribuables, résidant ou non en France, soient traités de la même manière : rien ne justifie en effet que les mêmes dispositifs fiscaux ne s’appliquent pas à l’ensemble des ressortissants français, où qu’ils soient domiciliés.
Je veux enfin insister sur le fait que la mesure adoptée l’an dernier s’applique aussi dans le cadre de conventions internationales. Elle soumet donc les revenus aux prélèvements sociaux pour autant que les conventions internationales aient réservé à la France l’imposition des revenus de source immobilière, ce qui est généralement le cas en application du principe de territorialité. Il n’y a donc pas et il ne peut y avoir, contrairement à ce que vous avez indiqué, monsieur le sénateur, de double imposition.
Les arrêts que vous mentionnez en matière de droit communautaire ne s’appliquaient qu’aux revenus d’activité, ce qui est légitime : le droit communautaire vise en effet à assurer la coordination de régimes de sécurité sociale et à éviter, entre autres, le double assujettissement aux cotisations sociales des revenus du travail des travailleurs migrants ou transfrontaliers.
La même lecture ne peut s’appliquer à des revenus du patrimoine. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 août 2012, validant l’article 29 de la loi de finances rectificative pour 2012 que vous souhaitez abroger par votre amendement, précise que les prélèvements sociaux sur les revenus du capital sont des impositions de toutes natures et non des cotisations sociales. Ces prélèvements ne sont pas contributifs, n’ouvrent pas droit à des prestations sociales. Ces revenus n’étant pas imposés dans l’État de résidence du contribuable, il n’y a donc pas de double imposition, ce que le droit communautaire cherche justement à éviter. Bien au contraire, ne pas assujettir ces revenus aboutirait à une forme de double non-imposition.
M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.
M. Christophe-André Frassa. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, j’ai bien entendu vos remarques. Je pourrais presque dire que je les comprends ! Ce qui me désole, néanmoins, c’est que la France n’arrive pas à tirer les conséquences de jurisprudences européennes.
Vous évoquez, dans vos avis, la décision du Conseil constitutionnel. Pourtant, il n’aura aucune force face à une décision de la CJUE – Cour de justice de l’Union européenne. Les problématiques auxquelles vous faites référence ne tiennent pas compte, par exemple, de l’arrêt de la CJUE de 2000. Je parle d’expérience, puisque je m’étais constitué partie civile dans cette affaire !
J’ai l’impression de faire un bond de plusieurs années en arrière. En 2004, lorsque nous avions déposé une plainte contre l’État français sur l’application de la CSG et de la CRDS aux revenus du travail, on nous avait répondu que tout était parfaitement bordé, que l’administration fiscale avait évidemment longuement mûri son dispositif… Elle avait si bien fait qu’elle commet aujourd'hui la même erreur !
Je trouve un peu navrant que la CJUE soit ainsi amenée, une nouvelle fois, de faire mettre à la France un genou à terre en lui demandant de se rendre à l’évidence : pour l’Union européenne, la CSG et la CRDS sont des cotisations sociales. Seule l’administration fiscale maintient, contre vents et marées, qu’il s’agit d’impôts.
Nous attendrons donc la décision de la CJUE. C’est d’autant plus fâcheux que cela coûtera cher à l’État, qui devra rembourser les sommes indûment perçues.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 82 rectifié ter.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
M. le président. L’amendement n° 162, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le IV de l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale est abrogé.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement a pour objet de renforcer la fiscalité sociale sur les retraites chapeaux, ces mécanismes de rémunération complémentaire profitant essentiellement à une minorité de cadres dirigeants et aux salariés qui sont déjà parmi les mieux payés.
Cette mesure nous paraît d’autant plus légitime que le Conseil constitutionnel, se prononçant sur la loi de finances de 2013, a supprimé la tranche marginale de 21 %, afin de ramener la taxation marginale pesant sur les retraites chapeaux à 68,34 %. Naturellement, nous déplorons l’analyse faite par le Conseil constitutionnel, qui, répondant à une logique purement fiscale, éclipse totalement le fait qu’il s’agit d’une mesure de solidarité.
Il y a pourtant de quoi faire ! En effet, en plus des bonus, stock-options et autres actions gratuites, la moitié des patrons du CAC 40 bénéficient d’une retraite chapeau. L’année dernière, à la même époque, un grand hebdomadaire nous apprenait que ces mécanismes particuliers permettaient à ces personnes de bénéficier d’une rente moyenne de 545 000 euros, venant s’ajouter à la pension du régime obligatoire. Au final, un PDG à la retraite reçoit une pension 41 fois supérieure à celle d’un retraité français. Est-ce à dire que les cadres dirigeants produisent 41 fois plus de richesses que les salariés ? Le groupe CRC est loin d’en être convaincu.
Les entreprises en difficulté, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ne sont pas en reste, il s’en faut. Pour leur rapport sur le sauvetage – coûteux – de Dexia, les magistrats de la Cour des comptes ont épluché les rémunérations versées par la banque franco-belge, y compris après qu’elle a été renflouée à coups de fonds publics. Les résultats sont particulièrement intéressants : on y apprend que six dirigeants français de la banque, en poste jusqu’en 2008, ont perçu d’importantes retraites chapeaux. Ainsi, Pierre Richard, l’ancien patron opérationnel de Dexia, a perçu à la fois une retraite au titre de la fonction publique, une rémunération de 400 000 euros en 2006 et 2007 en tant que président du conseil d’administration et une rente de 563 750 euros au titre de sa retraite chapeau. Cette rente a été réduite de moitié, à 300 000 euros, aux termes d’un accord signé le 13 mars 2013, après que le conseil d’administration eut décidé, fin 2012, d’engager un recours contre son ancien président.
Ce seul exemple suffit à nous conforter dans l’idée qu’il serait tout à fait utile d’adopter la mesure que nous proposons avec cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à supprimer l’exonération de CSG et de cotisations sociales prévue pour les contributions des employeurs au financement des retraites chapeaux.
Les avantages donnés à une certaine catégorie de nos compatriotes par le biais des retraites chapeaux ont été largement rectifiés ces dernières années. Les retraites chapeaux relevant du code de la sécurité sociale subissent une contribution, due par l’employeur, qui a été doublée par l’article 32 de loi de finances rectificative pour 2012. Les taux sont maintenant de 24 %, 32 % et 48 %, selon la catégorie de retraites chapeaux considérée.
Une contribution additionnelle de 30 %, due par l’employeur à partir de huit plafonds de la sécurité sociale, et une contribution à la charge du bénéficiaire s’ajoutent à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales, dont les taux ont été modifiés en loi de finances pour 2012, pour aller jusqu’à 21 % de la rente.
Au total, le taux de prélèvement global est déjà très élevé ; il ne me paraît donc pas judicieux d’aller plus loin. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Les contributions spécifiques sur les retraites chapeaux à la charge de l’employeur et de leur bénéficiaire ont précisément pour objet, et pour effet, de compenser l’absence de cotisations sociales, de CSG et de CRDS, sur le financement par l’employeur de ces avantages.
En effet, la contribution de l’employeur aux retraites chapeaux ne peut pas faire l’objet d’un prélèvement à la charge du salarié, car ces avantages, au stade de leur financement par l’employeur, ne sont ni certains pour le bénéficiaire ni individualisés. Ils ne le deviennent qu’au moment du départ en retraite.
C’est pourquoi il existe une contribution spécifique sur les rentes à la charge du bénéficiaire, qui vise à rattraper l’absence de CSG sur le financement de l’employeur. Ce mécanisme exclut la possibilité d’assujettir à des prélèvements sociaux comme la CSG les sommes que l’employeur consacre à l’acquisition de garanties.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement ne peut être favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je pensais voter l’amendement présenté par Mme Pasquet, mais l’avis émis par M. le ministre me conduit à poser une question.
En effet, vous indiquez, monsieur le ministre, que les employeurs ne peuvent pas payer deux fois : ils ne peuvent être assujettis à la CSG et à d’autres prélèvements parce qu’ils le sont déjà par ailleurs. Puis-je savoir quelle solution est la plus intéressante du point de vue des finances publiques : celle qui prévaut actuellement ou celle à laquelle tend l’amendement du groupe CRC ? Il faut bien trouver un peu d’argent ! J’ai cru comprendre que nous étions en période de rigueur...
L’amendement dont nous discutons ne vise pas à frapper les moins riches : il s’attaque aux retraites chapeaux, et non pas aux retraites « planchers ».
Mme Laurence Cohen. Eh oui !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Exact !
M. Jean Desessard. S’il s’avérait que la solution proposée par le groupe CRC était plus intéressante financièrement que les dispositions actuelles, il me semble qu’elle aurait pour autre mérite de satisfaire à l’exigence de justice sociale, en ce qu’elle tendrait à aligner le régime de contributions des employeurs pour les grosses retraites sur celui des petites.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le sénateur, la surtaxe acquittée au titre des retraites chapeaux est comprise entre 7 % et 14 %. Le prélèvement au titre de la CSG n’est, lui, que de 7 %. Vous voyez que le Gouvernement n’a pas pour but d’avantager ceux qui bénéficient de ces dispositifs. (Sourires.)
M. Jean Desessard. Merci de cette précision, monsieur le ministre !
M. le président. L’amendement n° 163, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 5 du chapitre 5 du titre 4 du livre 2 du code de la sécurité sociale, est complétée par un article L. 245 ainsi rédigé :
« Art. L. 245-... – Il est institué au profit de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l’article L. 245-14 et une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l’article L. 245-15. Ces contributions additionnelles sont assises, contrôlées, recouvrées et exigibles dans les mêmes conditions et sont passibles des mêmes sanctions que celles applicables à ces prélèvements sociaux. Leur taux est fixé à 5 %. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. À la différence du Gouvernement, nous faisons le constat que notre système de protection sociale souffre moins de ses dépenses que d’une insuffisance chronique de recettes. La preuve en est que la part relative de la dépense sociale dans les dépenses totales tend à diminuer progressivement. Comme le rappelait le Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde, « la prise en charge des dépenses de soins et de médicaments par la sécurité sociale est passée de plus de 80 % à la fin des années 1970 à 75,5 % en 2009 ». Et il ajoutait : « De plus en plus de personnes sont aujourd’hui exclues de l’accès aux soins. »
Monsieur le ministre, avec l’adoption du traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG, vous avez fait vôtre le discours libéral – je dirai même ultra-libéral –, qui vise à la réduction de la dépense, et renoncé à celui qui prône l’accroissement des ressources. Désormais, le TSCG impose de rogner sur les dépenses sociales quand le déficit structurel dépasse 0,5 % du PIB.
À l’inverse, il nous semble important de renforcer le financement de la sécurité sociale et de le faire, pour reprendre une formule chère au Gouvernement, dans la justice. C’est ce que nous proposons avec cet amendement, qui tend à augmenter de cinq points le taux des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placements financiers, sous la forme d’une contribution additionnelle.
De l’aveu même de M. Bapt, se prononçant en séance publique à l’Assemblée nationale sur un amendement identique au nôtre, présenté par Jacqueline Fraysse, « le taux global des prélèvements sociaux sur les revenus du capital est actuellement de 15,5 % ». Autrement dit, contrairement à ce que l’on entend trop souvent, les prélèvements sociaux sur les revenus du capital sont nettement inférieurs à ceux qui s’appliquent aux revenus du travail.
Or nous constatons que les salariés et les retraités voient croître les prélèvements opérés sur les salaires et les pensions dans des proportions considérables : plus de 70 milliards d’euros sont ponctionnés au titre de la seule CRDS.
La crise dont nous parlons, liée au sous-financement de la protection sociale, profite d’abord et avant tout aux marchés financiers et à la spéculation. Pour ne prendre qu’un exemple, l’obligation faite à la CADES d’emprunter sur les marchés financiers constitue une manne pour les banques et les fonds spéculatifs, qui ont engrangé, en 2011, plus de 38 milliards d’euros au titre des intérêts et commissions.
Pour toutes ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à créer deux nouvelles contributions additionnelles sur les revenus du patrimoine et les produits de placements, dont le produit serait affecté à la branche maladie du régime général. Il s’agit de doubler, par ce moyen, le taux des prélèvements sociaux assis sur les revenus du patrimoine et les produits de placements.
Nous ne pouvons qu’être sensibles au produit attendu de ces taxes, qui se situerait, selon l’exposé des motifs de l’amendement, aux alentours de 5 milliards à 6 milliards d’euros en 2014. Cependant, la mesure proposée paraît excessive. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, les taux de prélèvements sociaux sur les produits d’épargne ont considérablement augmenté entre 2009 et 2012 : ils sont passés d’environ 10 % à 15,5 %.
Il m’est arrivé d’entendre des députés de votre sensibilité politique expliquer que la mesure d’harmonisation des taux de prélèvement sur l’épargne que nous avons proposée, et dont il sera sans doute question lorsque nous aborderons l’article suivant, ne se justifiait pas. Cette mesure, pourtant, ne correspond ni à une taxe nouvelle ni à une augmentation de taux sur les prélèvements sociaux au titre des produits d’épargne. La décision d’augmenter de manière significative les taux des prélèvements sociaux sur les produits d’épargne a été prise entre 2009 et 2012 et elle a donné lieu à une recette de quelque 6 milliards d’euros.
Et il ne s’agit pas simplement de produits d’épargne ou de placements de capitaux détenus par des contribuables très fortunés. De nombreux contribuables ayant de petits plans épargne logement, de petits plans d’épargne en actions ou de petits contrats d’assurance vie étaient concernés par cette augmentation massive des prélèvements sociaux sur les produits de placement.
Ce que vous proposez, c’est de les augmenter encore de manière significative. Si nous le faisions, nous toucherions indistinctement les épargnants, quels que soient leurs revenus ou leurs capacités contributives. Je ne suis pas certain qu’une telle mesure serait juste.
En revanche, je suis assuré qu’elle ne serait pas constitutionnelle. En effet, compte tenu des décisions récentes du Conseil constitutionnel sur les taux marginaux d’imposition, il y a fort à parier qu’une augmentation aussi massive du niveau des prélèvements sur l’épargne par une hausse aussi significative des taux serait condamnée par le Conseil constitutionnel.
Pour ces deux raisons, je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 163.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 8
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
A. – L’article L. 136-7 est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– la seconde occurrence des mots : « du code général des impôts » est supprimée ;
– après la référence : « III bis de l’article 125 A », est insérée la référence : « et au I de l’article 125 D » ;
– les mots : « au I du même article 125 A et ceux mentionnés au I de l’article 125-0 A » sont remplacés par les références : « au I des articles 125 A et 125-0 A » ;
b) À la première phrase du 1°, après le mot : « impôts, », sont insérés les mots : « les revenus distribués sur lesquels est opéré le prélèvement prévu à l’article 117 quater du même code, ainsi que » ;
1° bis (nouveau) Après la première occurrence du mot : « montant », la fin du premier alinéa du 1 du III bis est ainsi rédigée : « de l’assiette déterminée en application du b du même 3° est négatif, un excédent est reversé au contrat, correspondant à la contribution calculée sur la base de ce montant, sans pouvoir excéder le montant de la contribution déjà acquittée dans les conditions du a dudit 3°. » ;
2° Le second alinéa du 1 du IV est ainsi modifié :
a) La deuxième phrase est ainsi rédigée :
« Son paiement intervient le 15 octobre au plus tard pour 97 % de son montant. » ;
b) À la dernière phrase, les mots : « ces dates » sont remplacés par les mots : « cette date » ;
B. – Le premier alinéa de l’article L. 245-15 est ainsi modifié :
1° Les mots : « assujettis à la contribution prévue aux I et II de » sont remplacés par les mots : « mentionnés à » ;
2° Sont ajoutés les mots : « dont l’assiette est celle définie à ce même article » ;
C (nouveau). – Le chapitre VIII bis du titre III du livre Ier est ainsi modifié :
1° L’intitulé est complété par les mots : « et par l’administration fiscale » ;
2° Il est rétabli un article L. 138-21 ainsi rédigé :
« Art. L. 138-21. – Les contributions et prélèvements sociaux définis aux articles L. 136-7 et L. 245-15 du présent code, au 2° de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles pour son renvoi à l’article L. 245-15 du présent code, au 2° du I de l’article 1600-0 S du code général des impôts et à l’article 16 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale pour son renvoi à l’article L. 136-7 du présent code sont précomptés, déclarés et versés globalement par les établissements payeurs. »
II. – Le 2° de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« L’assiette de ces contributions additionnelles est celle définie à ces mêmes articles. » ;
2° À la deuxième phrase, le mot : « assises, » est supprimé.
III. – Le second alinéa du II de l’article 1600-0 S du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le mot : « assis, » est supprimé ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« L’assiette de ce prélèvement est celle définie à ce même article. »
III bis (nouveau). – À la fin du second alinéa du 1 du II de l’article 1678 quater du même code, la date : « 25 novembre » est remplacée par la date : « 15 octobre ».
IV. – L’article 16 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale est ainsi modifié :
1° Après le mot : « placement », la fin du I est ainsi rédigée : « mentionnés à l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, dont l’assiette est celle définie à ce même article. » ;
2° Le II est ainsi rédigé :
« II. – Les III à VI dudit article sont applicables à la contribution mentionnée au I du présent article. »
V. – Les taux mentionnés au 2° du I de l’article L. 136-8 et au I de l’article L. 245-16 du code de la sécurité sociale s’appliquent à la totalité de l’assiette définie au II de l’article L. 136-7 du même code.
VI. – A. – Les A et C du I du présent article et le 2° du IV du présent article, en tant qu’il rend le IV de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale applicable à la contribution mentionnée au I de l’article 16 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, entrent en vigueur le 1er janvier 2014.
B. – Sous réserve du A du présent VI en tant qu’il concerne le 2° du IV du présent article, le B du I et les II à V s’appliquent aux faits générateurs intervenant à compter du 26 septembre 2013, nonobstant les articles 5 et 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 (n° 97-1164 du 19 décembre 1997), l’article 19 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, l’article 72 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, l’article 28 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, l’article 6 de la loi n° 2010-1657 du 9 décembre 2010 de finances pour 2011, l’article 10 de la loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 de finances rectificative pour 2011, l’article 2 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 et l’article 3 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013.
C (nouveau). – Pour l’application du B, pour les faits générateurs intervenus entre le 26 septembre 2013 et le 30 avril 2014 inclus, les établissements payeurs procèdent à titre provisoire à la liquidation, au précompte et à la déclaration des contributions et prélèvements sociaux dus, selon les règles et sous les conditions applicables avant l’entrée en vigueur du présent article.
La différence entre le montant total dû en application du présent article et le montant liquidé et précompté à titre provisoire dans les conditions prévues au premier alinéa du présent C donne lieu à une régularisation en 2015. Cette régularisation est opérée selon les règles prévues au III de l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale et sur le même article de rôle que l’impôt sur le revenu dû au titre de 2014.
Pour l’application du présent article, les établissements payeurs informent, avant le 31 mai 2014, les personnes physiques assujetties, par écrit ou par voie dématérialisée, du caractère provisoire de la liquidation des contributions et prélèvements sociaux et des modalités de régularisation définies au deuxième alinéa. Ils indiquent sur la déclaration prévue à l’article 242 ter du code général des impôts déposée en 2015, pour les faits générateurs intervenus, d’une part, entre le 26 septembre 2013 et le 31 décembre 2013 inclus et, d’autre part, entre le 1er janvier 2014 et le 30 avril 2014 inclus, les montants de l’assiette de la contribution sociale définie au II de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale et le montant total des contributions et prélèvements déjà précomptés à titre provisoire. Pour les produits définis au b du 3° du même II, la déclaration précitée fait apparaître l’assiette déterminée selon les modalités prévues au même b, le montant des contributions et prélèvements déjà précomptés en application du a du même II et le montant des contributions et prélèvements déjà précomptés, ou le cas échéant restitués, à titre provisoire.
VII. – A. – Sont applicables à Mayotte, à compter de l’imposition des revenus perçus au cours de l’année 2013, la contribution prévue à l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale et les autres contributions et prélèvements assis, contrôlés et recouvrés selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions.
B. – Sont applicables à Mayotte, à compter du 1er janvier 2014, la contribution prévue à l’article L. 136-7 du même code et les autres contributions et prélèvements assis, contrôlés et recouvrés selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions.
C. – Le 3° du I de l’article 28-3 de l’ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l’amélioration de la santé publique, à l’assurance maladie, maternité, invalidité et décès, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte est abrogé pour les revenus perçus à compter du 1er janvier 2014.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, sur l'article.
Mme Isabelle Debré. L’article 8 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 réforme les modalités de calcul des prélèvements sociaux appliqués à certains produits de placement exonérés d’impôt sur le revenu.
Plus précisément, il est prévu que les plus-values constituées depuis 1er janvier 1997 seront soumises au taux unique de 15,5 %.
Tout d’abord, je voudrais souligner combien il me semble parfaitement inéquitable de modifier les règles du jeu en cours de route. Les Français, à l’époque, ont fait confiance à l’État pour investir à long terme. Et voilà que, une fois encore, l’État revient sur ses engagements ! Comment voulez-vous que les Français retrouvent cette confiance que le Président de la république appelle de ses vœux ?
Par voie de conséquence, les épargnants devront faire face à l’augmentation des contributions sociales dues sur les gains de leurs placements.
Sous couvert d’une mesure technique habillée de bons sentiments, le Gouvernement procède ni plus ni moins à un hold-up sur l’épargne des Français ! (M. Roland Courteau s’exclame.)
Non contents d’avoir alourdi la fiscalité de près de 60 milliards d’euros depuis le début du quinquennat, vous entendez poursuivre votre politique de prélèvements tous azimuts sans le moindre discernement, alors que les Français sont aujourd’hui victimes d’une overdose fiscale.
Certains, dans votre majorité, semblent en avoir pris conscience, mais bien tardivement. C’est ainsi que, juste après le vote à l’Assemblée nationale du taux unique de 15,5 %, applicable à la plupart des produits de placement, des voix se sont élevées dans votre propre famille politique pour demander que l’épargne populaire, c'est-à-dire le PEL –plan d’épargne logement – et l’épargne salariale, soit préservée.
Le rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale lui-même, Gérard Bapt, a opéré une volte-face en exprimant le souhait que des corrections puissent être apportées lors de l’examen du texte au Sénat.
Puis ce fut au tour du Premier ministre de vouloir faire marche arrière et de demander aux ministres de l’économie et du budget, M. Moscovici et vous-même, des améliorations s’agissant du régime des prélèvements sociaux sur les comptes et plans d’épargne logement.
Et que dire de la prochaine réforme de l’assurance vie, présentée ce mercredi en conseil des ministres ? Avec cette réforme, vous avez l’ambition d’orienter l’épargne de nos compatriotes vers les entreprises, notamment les PME et les entreprises de taille intermédiaire. Parfait ! Vous mettez en avant des incitations fiscales – d’ailleurs, elles ne sont pas encore très clairement définies, et risquent même de se révéler très décevantes – pour promouvoir ces nouveaux produits de placement.
Mais alors, pourquoi proposez-vous dans ce PLFSS d’alourdir les contributions sociales sur des supports d’épargne qui, pour certains, servent au financement de notre économie et de nos entreprises ? Comprenne qui pourra !
Bref, ce gouvernement agit, une fois encore, dans la précipitation et l’impréparation.
M. Alain Gournac. Il est brouillon !
Mme Isabelle Debré. La vérité, c’est que les Français sont éreintés et n’en peuvent plus d’être ponctionnés chaque jour davantage.
La vérité, c’est que leur pouvoir d’achat diminue de manière dramatique, 2012 ayant été, je le rappelle, l’année où le recul du pouvoir d’achat de nos concitoyens a été le plus fort depuis 1984, alors que vous étiez aux affaires à cette époque. Cruelle répétition de l’histoire ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
La vérité, c’est que ce sont toujours les mêmes qui paient le prix de votre politique : les classes populaires et les classes moyennes ! Pourtant, ce sont elles qui contribuent majoritairement à l’effort de redressement des comptes de la Nation.
Certes, conscients de la crise, les Français sont prêts à fournir d’importants efforts. Mais ils attendent en contrepartie une politique claire, équitable et stable. (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)
Quand vous déciderez-vous à engager les vraies réformes structurantes,…
M. Yannick Vaugrenard. Celles que vous n’avez pas faites ?
Mme Isabelle Debré. … celles qui consistent à réduire drastiquement les dépenses, à alléger le poids des normes et à réduire des transferts sociaux toujours plus élevés, qui sont autant de primes dédiées à l’assistanat, au lieu de choisir la facilité en ponctionnant encore une fois nos concitoyens sur leurs économies souvent acquises au prix de sacrifices ?
Les faits sont têtus. La France, dont la note vient d’être dégradée par l’agence de notation Standard & Poor’s, ne peut pas s’exonérer d’une véritable révolution quant aux méthodes et moyens de son redressement.
Vous l’avez compris, le groupe UMP s’oppose à cet article et présentera un amendement de suppression. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme ce débat va être riche, dense et interactif, je préférerais que, dès le début de notre échange, nous soyons sûrs de parler de la même chose.
Je me permets d’intervenir parce qu’un certain nombre de choses que vous avez dites, madame la sénatrice, correspondent à ce que vous croyez – je suis en effet convaincu de votre sincérité –, mais absolument pas à la réalité. Donc, je vais m’expliquer très précisément.
D’abord, la mesure que nous avons prise n’est pas du tout une mesure consistant à créer une taxe supplémentaire sur l’épargne, un nouvel impôt ou à augmenter un taux sur des produits d’épargne. Le taux, c’est vous qui l’avez augmenté, entre 2009 et 2012.
Je veux vous livrer, madame la sénatrice, des éléments extrêmement précis, qui vont vous rassurer tout à fait quant à nos intentions et vous permettre d’effectuer un petit examen rétrospectif sur les années qui viennent de s’écouler.
En 2009, les taux de prélèvement sur l’épargne sont de 10 %. Ils augmentent d’un peu plus de 1,5 % par an pendant trois ans. En 2012, ils sont de 15,5 %. Autrement dit, en trois ans, la majorité que vous souteniez a prélevé sur les épargnants français 6 milliards d’euros.
M. Roland Courteau. Ah, quand même !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Et cela sans aucune distinction de capacité contributive, c'est-à-dire sur tous les patrimoines, quels qu’ils soient.
Employant des mots choisis, madame la sénatrice, vous parlez de « hold-up » quand nous prenons une mesure d’harmonisation consistant à faire en sorte que tous les produits d’épargne se voient prélever de manière identique et conduisant à un prélèvement de 600 millions d’euros. Faut-il en conclure que, lorsque vous prélevez en trois ans 6 milliards d’euros sur les épargnants français, vous leur faites une bonne manière ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Yannick Vaugrenard. Bien envoyé !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous conviendrez que j’aie quelques difficultés à accéder à ce type de raisonnement.
Je comprends que l’on puisse s’opposer en politique et qu’il soit parfois nécessaire, pour les besoins de l’argumentation, de convoquer des mots qui blessent inutilement ou qui travestissent la réalité. Mais moi, je considère que ce qui compte, c’est la vérité.
La vérité, c’est que vous avez pris une mesure d’augmentation massive des prélèvements sociaux sur les produits d’épargne entre 2009 et 2012 – 6 milliards d’euros en plus ! – quand nous avons pris une mesure consistant à faire en sorte que tous les produits d’épargne, par souci de simplification et d’harmonisation, soient taxés de manière identique.
. Vous avez aujourd'hui des PEL, des PEA et des produits d’assurance vie qui sont d’ores et déjà taxés à 15 % à la sortie et d’autres qui ne l’étaient pas. Ce sont là des faits incontestables
Vous parlez de rétroactivité. Il n’y en a pas : cette mesure ne s’applique qu’aux contrats qui ont été dénoués après qu’elle a été annoncée.
Vous parlez de matraquage fiscal. Moi, comme ministre du budget, je ne connais que les chiffres. Je viens de vous donner les chiffres relatifs aux décisions qui ont été prises par la précédente majorité s’agissant des prélèvements sur les produits d’épargne. Mais je connais les chiffres des prélèvements globaux. Vous les connaissez vous-même également, parce que vous avez un esprit rigoureux.
M. Roland Courteau. Pas sûr ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En 2011 : 20 milliards d’euros. En 2012 : 12 milliards d’euros, auxquels l’actuelle majorité a ajouté 8 milliards d’euros en loi de finances rectificative, soit 21 milliards d’euros. Et en 2013 : 20 milliards d’euros.
Si je neutralise l’effet de la lutte contre la fraude fiscale, le budget présenté devant la représentation nationale pour 2014 ne représente que 1 milliard d’euros de prélèvements supplémentaires.
La séquence, annualité budgétaire après annualité budgétaire, c’est donc 20 milliards d’euros de prélèvements en 2011, 21 milliards d’euros en 2012, 20 milliards d’euros en 2013, 1 milliard d’euros en 2014.
Et je prends un engagement devant vous, pour peu que je dépasse la durée moyenne de vie d’un ministre du budget… (Exclamations amusées.)
M. Bruno Sido. On vous le souhaite ! (Sourires.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je crois plus prudent de me le souhaiter à moi-même, ne comptant pas vraiment sur vous pour me le souhaiter ! (Nouveaux sourires.)
Mme Isabelle Debré. Et pourquoi pas ? Nous savons ce que nous perdrions à vous voir remplacé, mais pas ce que nous y gagnerions !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pour 2015, 2016 et 2017, je prends l’engagement d’un équilibrage des budgets du pays exclusivement par des économies en dépenses, sans recours aux prélèvements obligatoires.
Mme Isabelle Debré. La pause fiscale, c’est pour quand ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mais la pause fiscale, madame la sénatrice, c’est maintenant ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
Soyons rigoureux et soyons précis : quand il y a 20 milliards d’euros de prélèvements en 2011, 21 milliards d’euros en 2012, 20 milliards d’euros en 2013, puis seulement 1 milliard d’euros en 2014 et plus rien ensuite, comment appelez-vous cela ? Une augmentation du niveau des prélèvements obligatoires ? Bien sûr que non !
Et j’aimerais exprimer un regret. Dans le contexte que connaît notre pays, et sur lequel le Président s’est exprimé au cours des dernières heures avec des mots choisis, comme il le fait d’ailleurs souvent dès lors que la République est en question, user de mots comme « hold-up » ou « escroquerie gouvernementale » – je l’ai entendu à l’Assemblée nationale – quand nous prenons simplement une mesure de simplification et d’harmonisation destinée à stabiliser le paysage pour les épargnants ne me paraît ni sage, ni conforme à la réalité, ni responsable ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 87 est présenté par M. Milon, Mmes Boog et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, M. Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet et Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 145 est présenté par MM. Roche, Vanlerenberghe et Amoudry, Mmes Dini et Jouanno, M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 167 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 297 rectifié est présenté par MM. Barbier, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l’amendement n° 87.
M. Alain Milon. Monsieur le ministre, j’ai apprécié la douce sérénité avec laquelle vous avez présenté votre manière de travailler. J’aimerais néanmoins justifier notre amendement de suppression. (Sourires.)
En revenant sur l’ancienne méthode de calcul, plus avantageuse, puisqu’elle prenait en compte le taux appliqué lors de la constitution du capital, et en taxant la totalité des acquis depuis la souscription au taux actuel de 15,5 %, le nouveau mode de calcul se traduira quand même par une hausse de 600 millions d’euros de prélèvements sur ces produits d’épargne à long terme.
M. Jean Desessard. Tant mieux !
M. Jean-Pierre Caffet. Oui, mais 600 millions contre 6 milliards !
M. Alain Milon. C’est pourquoi nous vous proposons de supprimer l’article 12.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour présenter l'amendement n° 145.
M. Gérard Roche. L’article 8 nivelle par le haut la taxation des placements de type PEA, PEL ou contrats d’assurance vie. Il abroge le calcul « au taux historique » pour que tous les placements ouverts depuis 1997 fassent l’objet du prélèvement social aujourd’hui maximal de 15,5%.
Monsieur le ministre, vous venez d’indiquer que la hausse de taxation s’appliquerait aux seuls contrats signés à partir de la publication de la loi. Mais nous avions lu qu’elle s’appliquerait de manière rétroactive à partir de 1997.
M. Alain Gournac. Ah !
M. Gérard Roche. Il s’agissait donc d’un dispositif par nature rétroactif, donc totalement inéquitable, posant ainsi un sérieux problème de sécurité juridique et de confiance légitime.
Mme Isabelle Debré. Et voilà !
M. Gérard Roche. Heureusement, après l’adoption de la mesure par l’Assemblée nationale, le Gouvernement a reculé. Finalement, le périmètre serait réduit aux seuls contrats d’assurance vie multisupports.
On peut évidemment se réjouir d’un tel retour en arrière, dont j’espère qu’il est motivé non par des considérations diverses et variées, mais par un souci éthique : on ne change pas la règle du jeu en cours de partie ! Des gens ont signé et placé leurs économies dans des PEL et des PEA en connaissant le taux de taxation qui leur serait appliqué depuis 1997, et on les informe aujourd'hui que ce sera 15,5 % !
Il me semble que votre recul est lié à des problèmes d’éthique. Mais dans ce cas, monsieur le ministre, les règles d’éthique ne se saucissonnant pas, pourquoi maintenir la mesure pour les contrats d’assurance vie multisupports ?
Mme Isabelle Debré. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour présenter l'amendement n° 167.
Mme Isabelle Pasquet. Nous souhaitons également la suppression de l’article 8, mais pas tout à fait pour les mêmes raisons que nos collègues de l’opposition.
L’article 8, qui tend à imposer les contrats d’assurance vie à un taux de prélèvements sociaux de 15,5 %, a fait l’objet d’un important travail de réécriture de la part des députés.
Il faut dire qu’il prévoyait initialement d’appliquer un tel taux à d’autres modes d’épargne particulièrement populaires, c’est-à-dire souscrits par des familles modestes, tel le plan épargne logement.
À la suite des travaux des députés, ne sont plus concernés que les contrats d’assurances vie, sans que nous soyons d’ailleurs certains que les contrats en euros, c’est-à-dire uniquement investis en fonds euros, soient réellement exclus de ce dispositif. Pourtant, ces contrats sont souscrits essentiellement par les salariés, qui refusent une épargne spéculative comme c’est le cas lorsque les contrats sont dits « multisupports », c’est-à-dire qu’ils comportent à la fois un fonds en euros et des unités de compte investies en parts de SICAV en actions ou en obligations.
J’avoue ne pas comprendre la logique qui conduit le Gouvernement à vouloir taxer ces contrats et ces supports tout en écartant les plans d’épargne en actions, qui accueillent toutes sortes de titres : actions, titres de SICAV ou d’OPCVM – organisme de placement collectif en valeurs mobilières.
On voit mal quelle logique pourrait conduire à ce que ces supports soient taxés s’ils sont adossés à une assurance vie et pourquoi ils devraient ne pas l’être s’ils sont adossés à un PEA.
Qui plus est, les contrats d’assurance vie n’abritent pas nécessairement des épargnes importantes. L’instauration d’un seuil d’application aurait été légitime, ou tout du moins la mise en place d’un taux de préplacement progressif ou proportionnel aux sommes contenues dans les contrats.
Par ailleurs, nous l’avons souligné à de multiples reprises, d’autres revenus que ceux dont il est ici question, comme les revenus financiers des entreprises, pourraient être mobilisés utilement et dans la justice, comme nous avons régulièrement proposé de le faire.
Pour toutes ces raisons, il nous semble plus prudent de proposer la suppression de cet article.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Georges Labazée. Non, ce n’est pas terrible ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 297 rectifié.
M. Gilbert Barbier. Beaucoup de choses ont été dites sur cette affaire, qui laisse l’impression d’une certaine cacophonie au sein du Gouvernement !
M. Alain Gournac. Une cacophonie totale !
M. Gilbert Barbier. C’est ce que je conclus de ces allers et retours qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale.
En ce qui nous concerne, c’est seulement hier soir que nous avons pris connaissance de la nouvelle proposition du Gouvernement, qui a déposé un amendement de dernière minute.
Ce sont essentiellement les ménages, parvenus avec beaucoup de difficulté à se constituer une petite épargne, qui seront concernés, alors que, bien entendu, les gros revenus ne seront pas visés. On touche véritablement au cœur de la société française concitoyens. Du reste, ne se rebellent-ils d’ailleurs pas contre cette pression fiscale dispendieuse pour tout le monde ? Aujourd'hui, nul ne sait où nous allons en matière de fiscalité !
Monsieur le ministre, vous avez pris l’engagement formel de ne pas dépasser l’année prochaine le seuil de 1 milliard d’euros de prélèvements supplémentaires. Une preuve de votre volonté de ne pas matraquer fiscalement nos concitoyens serait d’accepter la suppression de l’article 8.
Mme Isabelle Debré. Absolument !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les quatre amendements en discussion visent à supprimer l’article 8, qui met fin à l’application du régime des taux historiques applicables à certains produits de placement.
L’explication fournie tout à l’heure par M. le ministre était particulièrement convaincante. Qu’il me soit permis d’apporter quelques précisions.
La remise en cause du régime des taux historiques applicables aux produits de placement exonérés d’impôt sur le revenu est a priori légitime.
D’une part, ce régime conduit à appliquer, sans raison objective, deux régimes sociaux distincts à des produits financiers de même nature et partageant la même profondeur historique.
Les plus-values imposables au titre de l’impôt sur le revenu sont soumises aux prélèvements sociaux au taux en vigueur au moment de la réalisation de la plus-value, soit 15,5 % aujourd’hui, alors que les produits d’un plan d’épargne en action ou d’une assurance vie bénéficient de l’application des taux historiques.
De même, les produits de primes versées le 1er janvier 1998 sur un contrat d’assurance vie en unités de comptes sont soumis aux prélèvements sociaux aux taux en vigueur lors de leur dénouement ou de leur rachat, alors qu’un même montant versé un an plus tôt sur ce même contrat bénéficie de l’application des taux historiques.
D’autre part, cette méthode de calcul entraîne une grande complexité à chaque nouvelle évolution des prélèvements sociaux, par création ou augmentation de leurs taux, notamment pour le calcul des plus-values ou moins-values intercalaires. Elle se traduit par une lourdeur de gestion pour les établissements financiers, qui doivent conserver l’historique des produits pour chaque contrat et multiplier les lignes dans les déclarations fiscales, et suscite des incompréhensions, voire des réclamations des épargnants auprès de leur établissement gestionnaire.
Compte tenu des inquiétudes exprimées par les épargnants concernés et leurs associations, et des doutes suscités par une mesure touchant uniformément des produits aussi hétérogènes que l’assurance vie, l’épargne logement et l’épargne salariale, le Gouvernement a toutefois annoncé son intention de modifier le dispositif initial.
Il présentera ainsi un amendement destiné à sortir les PEL, les CEL, les PEA et l’épargne salariale du champ de la mesure, ce qui me paraît susceptible d’apaiser les craintes exprimées par certains.
Compte tenu de cette évolution du dispositif, j’émettrai un avis défavorable sur les amendements de suppression de l’article 8.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à la suppression de l’article 8.
Madame Pasquet, vous arguez que cet article pourrait affecter les petits contrats d’épargne. Je ne comprends pas la cohérence de votre démarche : n’avez-vous pas, il y a quelques minutes, présenté un amendement visant à augmenter de 5 % les prélèvements sociaux sur tous les produits du capital et sur tous les produits d’épargne ? Nonobstant qu’elle soit en totale contradiction avec le discours que vous venez de tenir, une telle disposition aurait eu un effet beaucoup plus abrasif que la mesure d’harmonisation que le Gouvernement présente ici.
L’augmentation de 5 % des prélèvements sociaux sur l’ensemble des produits d’épargne constituerait un prélèvement massif sur les petits contrats d’épargne que souscrivent les Français les plus modestes. C’est la raison pour laquelle je vous ai demandé tout à l’heure de retirer votre amendement. Votre demande de suppression de l’article 8 est donc totalement contradictoire avec ce que vous avez dit il y a quelques minutes sur un sujet absolument semblable.
M. Alain Gournac. C’est l’union de la gauche ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Par souci de cohérence, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer cet amendement qui est « orthogonal » de celui que vous avez présenté tout à l'heure.
Quant aux sénatrices et sénateurs de l’opposition,…
M. Jean Desessard. Le hold-up !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … je veux encore une fois bien préciser les choses pour que, malgré les clivages légitimes qui existent entre les groupes de la majorité et de l’opposition, nous ayons une approche qui soit la plus apaisée, la plus rigoureuse et la plus honnête possible.
Il ne s’agit pas d’une taxe ni d’un prélèvement supplémentaire sur l’épargne.
Prenez l’exemple très concret d’un produit d’assurance vie qui a donné lieu à des versements antérieurement à 1997 et postérieurement à 1997. Pour les versements antérieurs à 1997, au moment de la sortie du contrat, l’épargnant se verra appliquer la reconstitution des taux historiques année par année. Pour les versements postérieurs à 1997, il se verra appliquer le taux de sortie actuel des prélèvements sociaux, c'est-à-dire 15,5 %. Un certain nombre de professionnels nous indiquent que, pour les épargnants qui bénéficient pour un même contrat d’assurance de dispositifs de sortie aussi complexes, ils ont eux-mêmes du mal à reconstituer le calcul du taux de prélèvement qui leur sera appliqué.
M. Gérard Longuet. C’est la meilleure façon de faire les poches !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il s’agit donc d’une mesure de simplification, d’harmonisation, de stabilisation.
Je rappelle qu’en 2006 un de mes prédécesseurs, qui s’appelle Jean-François Copé, a pris des mesures concernant les prélèvements sur les produits d’épargne. Voilà pourquoi des Françaises et des Français qui bénéficiaient d’une franchise d’impôt à l’entrée d’un certain nombre de produits se sont trouvés massivement fiscalisés de façon rétroactive à la sortie. Le Conseil constitutionnel, qui a eu à se prononcer sur cette décision à l’époque, n’a rien trouvé à y redire en droit, non plus que, sur un plan politique, ceux qui soutenaient cet ancien ministre, lequel joue actuellement un rôle éminent comme leader de l’opposition…
Enfin, madame Debré, sachez que nous opérons une réforme de l’assurance vie extrêmement précise dans son contenu. Elle n’est ni aléatoire ni floue. Elle a été présentée ce matin en conseil des ministres et devant la commission des finances de l’Assemblée nationale. Il s’agit d’un dispositif qui incite ceux qui ont placé leurs fonds en assurance vie à s’orienter vers des placements à risque plutôt que vers des placements garantis.
Pour le faire dans des conditions fiscales qui soient avantageuses, nous mettons en place pour les fonds « euro-croissance » un dispositif dit de « fourgoussage », qui permettra aux épargnants de garder le bénéfice de l’antériorité de leurs placements sur les placements en euros garantis. Pour ceux qui passent de l’euro garanti à l’euro transmission, ils conserveront la totalité de leurs avantages fiscaux dès lors que, au-dessus de 1 million d’euros, ils passeront de l’euro garanti vers les produits à risque.
Cette réforme a fait l’objet d’une concertation approfondie. J’ai reçu ce matin les associations d’épargnants pour la leur présenter et ils l’ont accueillie très favorablement.
Si nous imposons l’assurance vie, et pas les autres produits, c’est précisément parce que nous nous situons dans une approche globale de réforme de l’assurance vie, qui repose sur trois principes très simples : la simplification, d’où découle cette mesure d’harmonisation ; la stabilisation du paysage de l’épargne, d’où découle cette réforme globale de l’assurance vie qui s’inscrit dans la durée ; l’orientation des fonds de l’assurance vie vers le logement et le financement de l’entreprise. Les entreprises ont besoin de fonds propres et nous devons les orienter vers la croissance.
M. le président. Monsieur le ministre, je déduis de vos propos que l’avis du Gouvernement sur les quatre amendements identiques est défavorable… (Sourires.)
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, vous nous présentez cette mesure comme étant une mesure de simplification et d’harmonisation pour le Gouvernement et pour les établissements bancaires ou assurantiels.
Mme Catherine Procaccia. Mais je ne vois pas quel serait l’avantage pour les épargnants, d’autant que, y compris depuis les réformes de Jean-François Copé que vous avez citées, on n’a jamais remis en cause la date de 1997.
Vous créez donc une instabilité alors que les contrats sont souscrits depuis seize ans.
Vous évoquez la nouvelle réforme. Je crois avoir lu que Mme Karine Berger, auteur du rapport sur l’épargne financière, souhaitait que la mesure ne s’inscrive pas dans le cadre d’un projet de loi de finances ou d’un projet de loi de finances rectificative, préférant une réforme globale. Par conséquent, vous ne suivez même pas les recommandations de ceux à qui vous avez confié un rapport !
Ainsi, vous proposez une nouvelle réforme de l’assurance vie au moment même où vous remettez en cause des avantages acquis depuis des années et où vous modifiez à peu près le seul système à ne pas avoir été bouleversé par les différentes lois fiscales des précédents gouvernements, qu’ils soient de droite ou de gauche.
À mon sens, monsieur le ministre, par cette mesure, vous êtes en train de plomber la future réforme !
M. Jean Desessard. Merci du conseil ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, les Français en ont assez des prélèvements, et tout à l'heure votre analyse selon laquelle les prélèvements avaient été trop importants ces dernières années montrait que vous partagiez ce constat. Vous avez, à titre d’exemple, cité le chiffre de 6 milliards d'euros, qui auraient été prélevés par la majorité précédente.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
M. René-Paul Savary. Si le diagnostic est bien établi, en revanche, nous ne souscrivons pas au traitement proposé, d’autant que vous avez maintenant pris une part significative à ces hausses de cotisations. Je vous rappelle que le projet de loi « retraites » prévoit une hausse des cotisations de retraite de 6,5 milliards d'euros ; cela fait un partout !
La hausse de la fiscalité sur certains produits de placement, dont nous discutons à cet article 8, ne rapporterait, paraît-il, que 600 millions d'euros, mais il faut aussi tenir compte de la création d’une cotisation déplafonnée pour le régime des indépendants, que l’on abordera à l’article 10, ou encore de l’élargissement de l’assiette des cotisations sociales des non-salariés agricoles, prévu à l’article 9. Quand on connaît – j’ai déjà eu l’occasion d’intervenir sur ce sujet – le ras-le-bol de nos agriculteurs, la faiblesse des retraites dont ils disposent après de nombreuses années de labeur, cet élargissement des cotisations sociales n’est pas un signe positif qu’on leur envoie.
À cela, il faut ajouter la baisse du plafond du quotient familial concernant 1,3 million de ménages pour un gain espéré de 1 milliard d’euros, la fiscalisation des contrats collectifs des complémentaires santé. On le voit bien, on est loin de la pause fiscale annoncée.
Dans une deuxième partie du quinquennat, vous vous engagez maintenant à lever le pied sur ces augmentations, mais il sera trop tard. Nous vous rejoignons dans votre volonté de pause fiscale et nous vous proposons, par la suppression de l’article 8, de joindre les actes à la parole !
M. Alain Gournac. On va vous aider !
M. René-Paul Savary. Et nous allons même plus loin, ce qui est essentiel, car nous sommes là pour faire des propositions constructives, pas nécessairement pour critiquer.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. On ne s’en était pas aperçu !
M. René-Paul Savary. Il est important de donner des signes, de montrer un cap, car les Français sont déboussolés, on le constate tous les jours, malheureusement, au travers d’événements qui sont certes peu acceptables, mais qui se produisent dans un contexte social particulièrement difficile.
Voilà ce qui nous différencie, monsieur le ministre : vous faites des promesses, nous, nous faisons aujourd'hui des actes forts en demandant la suppression de prélèvements supplémentaires ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Monsieur le ministre, en répondant à Mme Isabelle Debré, vous avez voulu donner des leçons qui ne sont pas justifiées de votre part ou plus précisément de la part du Gouvernement auquel vous appartenez. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Le besoin de pause fiscale, ce ras-le-bol, ce n’est pas l’opposition qui l’a exprimé avec force en premier, c’est votre patron, M. Moscovici, ministre de l’économie et des finances, autrement dit Bercy même.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Gérard Longuet. Et il a rencontré dans le pays un écho largement supérieur aux moyens de diffusion et de polémique que l’opposition, l’UMP en particulier, peut mettre en œuvre.
À l’appel du ministre à une pause fiscale, l’opinion a répondu par un besoin de pause fiscale. Nous sommes les témoins d’une situation conflictuelle, que le ministre de l’économie et des finances a dénoncée, que vos actions expliquent et que l’opinion tranche par un refus de votre politique.
Je ne reviendrai pas sur les mesures que vous proposez dans le projet de budget pour 2014, texte que nous examinerons le moment venu, mais nous aurons l’occasion de démontrer que c’est bien plus d’un milliard d’euros supplémentaires que vous demandez aux ménages.
Vous avez évoqué l’assiette de la taxation des contrats d’épargne de long terme au bénéfice de la sécurité sociale. Nous avons effectivement lancé cette mesure en 2010, comme vous l’avez justement dit, mais elle s’inscrivait dans une politique d’ensemble. Vous n’aviez pas le temps, dans votre réponse à Mme Debré, de rappeler toutes les mesures, notamment structurelles, que nous avons engagées pour améliorer la productivité de l’économie française, pour alléger les dépenses publiques, qui expliquent que, en effet, nous ayons, à ce moment et dans ce contexte particulier, mobiliser les produits d’épargne au service d’une politique de redressement.
Celle-ci a été jugée lors de l’élection présidentielle et des élections législatives, je n’y reviendrai pas. Mais il serait intellectuellement honnête, lorsque vous évoquez un chiffre, de le replacer dans son contexte global, au sein de l’effort de productivité et de redressement des finances publiques que nous avions mis en œuvre.
Je ferai une seconde observation, qui, à mon sens, est la plus importante : le gouvernement actuel est décourageant parce qu’il ne nous donne aucune raison d’espérer dans le succès de la France.
Vous n’allégez pas la dépense publique, contrairement à ce que vous avez annoncé. Vous n’améliorez pas la productivité et vous prenez à partie les entreprises, au motif qu’elles ne se battraient que sur le terrain de la compétitivité par les coûts, alors qu’il faudrait selon vous, et vous avez raison, approfondir la piste de la compétitivité par la qualité, par la valeur ajoutée. Mais pour dégager de la valeur ajoutée, il faut de l’épargne. Or, contrairement à ce que l’on croit, notre pays est insuffisamment producteur d’épargne.
Certes, les statistiques sont apparemment séduisantes, comme notre démographie.
M. Jean Desessard. Elle est quand même bonne !
M. Gérard Longuet. En apparence, notre démographie est bonne. En réalité, le renouvellement des générations, vieillissement mis à part, n’est pas suffisant.
Et en matière d’épargne, si l’on écarte le financement de l’État et celui du logement, le financement n’est pas suffisant pour assurer la modernisation des entreprises, grandes ou petites.
Les plus grandes d’entre elles se finançant sur le marché global, cette situation est moins grave. En revanche, les entreprises petites et moyennes sont confrontées à un véritable défi.
Comment voulez-vous susciter une confiance dans l’épargne par une mesure qui est perçue comme rétroactive ? Certes, elle n’est pas rétroactive au sens du Conseil constitutionnel, puisque seuls les contrats dénoués après l’entrée en vigueur de la disposition en cause seront frappés. Toutefois, vous reconstituez, en quelque sorte, une fiscalité qui n’a pas lieu d’être, vous revenez sur une fiscalité favorable, pour laquelle les épargnants s’étaient engagés. Monsieur le ministre, vous n’empêcherez pas les Français de considérer que les raisons pour lesquelles ils ont épargné à long terme leur sont assez largement retirées.
En réalité, vous portez un mauvais coup aux besoins de financement des entreprises, à leur modernisation. Cette mesure, que les services de Bercy – et Dieu sait si la direction de la législation fiscale a l’imagination fertile ! – vous ont suggérée, comme, je vous rassure, à tous vos prédécesseurs, vous l’avez acceptée, et c’est ce qui vous différencie d’eux. Mais en choisissant le court terme, vous compromettez le redressement nécessaire de notre économie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Monsieur le ministre, j’ai écouté attentivement la réponse que vous avez apportée à Isabelle Debré ; il n’est en effet pas facile de justifier l’injustifiable.
Depuis un certain temps, on a l’impression que le Gouvernement – pardonnez-moi cette métaphore un peu facile – est devenu un danseur de tango. Il fait un pas en avant, deux pas en arrière. Il crée une taxe, mesure les réactions de la population, revient sur sa position, donne des compensations et ne sait plus par quel bout prendre le contribuable français !
Pour ce qui concerne la taxation des produits de placement, vous nous avez proposé en dernière minute un amendement visant à exclure du champ d’application de cette mesure certains produits de placement tournés vers l’épargne économique comme l’épargne salariale ou les PEA. En revanche, restent visés les produits d’assurance vie adossés à des unités de comptes, à des supports économiques ou à des multisupports qui constituent en fait un drainage de l’épargne vers l’économie réelle du pays.
Si j’ai bien compris la logique du Gouvernement, il s’agit non pas d’une nouvelle taxe, mais de la modulation d’un taux d’une ancienne taxe. Mais comment peut-on concevoir que des épargnants qui ont eu confiance, à un certain moment, dans les produits que leur proposaient les organismes financiers se voient, au cours de l’exécution de leur plan d’assurance vie, de nouveau taxés alors qu’ils ne l’avaient pas prévu ? Il y a là un problème d’équité vis-à-vis des épargnants : en fonction de la date à laquelle ils ont effectué leurs versements et de la date à laquelle ils vont dénouer leur contrat d’assurance vie, ils ne seront pas traités de la même manière.
Comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer hier soir au cours de la discussion générale, pour rétablir une certaine confiance dans notre pays – c’est le cœur du problème –, un certain nombre de facteurs, que chacun devrait avoir à l’esprit, sont nécessaires. Deux me paraissent essentiels : la lisibilité et la stabilité. Or, par les mesures que vous vous apprêtez à prendre, vous mettez totalement à mal ces deux notions.
J’en viens à ma conclusion, qui prendra la forme d’une interrogation.
Ce matin, en conseil des ministres, ont été présentés de nouveaux produits d’épargne tournés vers l’économie. Nous verrons quelle peut en être l’efficacité, car, si j’ai bien compris, les incitations fiscales sont assez mesurées. Il paraît certes naturel de vouloir débloquer les sommes relativement dormantes et peu rémunérées qui sont investies sur les livrets A afin qu’elles puissent financer l’économie réelle. Mais comment voulez-vous que les épargnants à qui vous allez proposer ces nouveaux produits d’épargne y souscrivent ?
En effet, d’un côté, vous surtaxez les contrats en unités de compte pourtant tournés vers l’économie en maintenant un taux à 15 %, et, de l’autre – voilà bien cette politique du tango –, vous créez un autre produit afin de récupérer l’épargne et de la diriger vers les contrats productifs en matière économique. Comment voulez-vous que les épargnants aient confiance en la parole d’un gouvernement qui, juste avant de mettre en œuvre ce nouveau dispositif, vient de montrer qu’à tout moment il pouvait revenir sur les engagements qui avaient été pris pour fixer l’épargne d’une manière durable ?
Comprenne qui pourra ! C’est en tout cas la question que vous avait posée Isabelle Debré. Vous ne pouviez pas répondre à tout, mais, j’y insiste, nous sommes en train de constater que vous faites tout et son contraire ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je voudrais, à mon tour, exprimer les raisons de mon opposition à l’article 8, qui institue, sous couvert d’une réorganisation des prélèvements sur un certain nombre de produits d’épargne, un prélèvement supplémentaire.
Monsieur le ministre, nous voulons bien croire aux motivations d’ordre esthétique que vous invoquez en parlant d’« harmonisation » et de « simplification ». Il reste tout de même que le ministre chargé du budget que vous êtes n’a pas pu manquer d’être intéressé par la ressource de 600 millions d’euros que la disposition en cause apporterait. Vous ne nous ferez pas croire que telle n’a pas été votre motivation principale.
Nous nous fondons sur les travaux qui sont conduits dans notre assemblée pour apprécier votre mesure. Pour ma part, j’ai lu avec une grande attention les excellents rapports de nos collègues, notamment celui de M. Yves Daudigny.
Le régime actuel d’imposition des placements visés se révèle hétéroclite, ce que M. Daudigny n’a pas manqué de relever en précisant que ce régime « minore, pour les produits de placements concernés, le montant des prélèvements sociaux acquittés par l’épargnant. » Cela est dit élégamment, mais c’est très clair. Pour qui n’aurait pas compris – car le travail qu’effectue notre assemblée est en effet honnête et exact –, M. Daudigny explique : « En termes financiers, la mesure proposée conduira, d’après les données déclaratives relatives à 2012, à un gain total de 600 millions d’euros en 2014, qui se répartira en 450 millions d’euros pour les organismes affectataires de la sécurité sociale et 150 millions d’euros pour les fonds gérés par l’État ». Tout à l’heure, notre collègue Alain Milon, parmi d’autres, le rappelait d’ailleurs.
Mais de grâce, ne jouons pas sur les mots !
Mme Isabelle Debré. Bien sûr !
M. Philippe Bas. Il s’agit bien d’un nouveau prélèvement.
M. Alain Gournac. C’est la vérité !
M. Philippe Bas. Le petit jeu consistant à remonter à la préhistoire pour savoir qui a créé le plus d’impôts en France est parfaitement vain.
Quoi qu’il en soit, les contribuables français arrivent à saturation si bien que la nécessité d’une pause fiscale s’exprime ici et maintenant. C’est ainsi au Gouvernement en place d’assumer la responsabilité de prendre les mesures nécessaires.
Par ailleurs, le présent PLFSS, examiné une semaine après le rejet par le Sénat de la prétendue réforme des retraites, comporte de nombreuses dispositions relatives aux recettes. J’en conviens, il est inutile de nier que, auparavant, de nombreuses lois de financement de la sécurité sociale avaient déjà procédé de même.
Comme cela a été rappelé, les cotisations d’assurance vieillesse sont en augmentation, de même que les taux applicables aux prélèvements sur les contrats complémentaires qui ne seraient pas responsables. L’industrie du médicament comme les artisans et commerçants – ces derniers ont déjà supporté en 2013 une hausse des prélèvements de plus de 1,1 milliard d’euros – feront également l’objet de prélèvements supplémentaires l’année prochaine, alors même que la TVA acquittée par les artisans passera de 5,5 % à 7 %.
Alors oui, il y a des prélèvements supplémentaires !
De surcroît, plusieurs mesures vont réduire le pouvoir d’achat de nos concitoyens. L’une d’elles est vraiment sournoise, c’est le recul de la date d’indexation des pensions de retraite. Une autre est tout à fait scélérate, celle qui consiste à demander aux retraités de payer pour la dépendance pour finalement affecter les sommes récoltées au financement du Fonds de solidarité vieillesse. Et vous prenez une telle disposition pour la deuxième année consécutive ! Sincèrement, cela ne me paraît pas convenable.
Enfin, au chapitre des augmentations d’impôts, nous pouvons mentionner l’abaissement du plafond de l’avantage du quotient familial et la fiscalisation des avantages familiaux en matière de retraite.
On ne peut pas affirmer que le présent texte n’augmente pas les prélèvements tous azimuts ni que la disposition qu’il est proposé de supprimer n’est pas une mesure de rendement, destinée à améliorer les recettes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le ministre, je tiens à répondre votre interpellation, qui m’a troublée. Je ne peux pas laisser sous-entendre que le groupe CRC, à travers ses amendements, proposerait tout et son contraire.
Certes, je ne suis pas soudainement devenue une grande spécialiste des placements financiers, mais je souhaite rappeler les raisons qui nous ont conduits à déposer certains amendements – peut-être maladroitement rédigés, j’en conviens –, en fonction de notre compréhension des articles qui nous sont soumis.
Notre amendement précédent concernait les revenus du patrimoine et les produits de placement. L’article 8, qui vise les contrats d’assurance vie, propose de les taxer. Or si ce produit peut se présenter sous la forme d’obligations, toutes les obligations n’en sont pas.
Néanmoins, l’argument que j’ai exposé en présentant l’amendement de suppression de l’article 8 tient toujours : il aurait été préférable, dans le cadre de la taxation des contrats d’assurance vie, de fixer un seuil, de façon à opérer une distinction entre les foyers modestes qui privilégient ce mode de placement et les foyers plus riches qui ont les moyens de réaliser des placements plus importants.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, pouvez-vous préciser en quelques mots la notion de rétroactivité, afin de conforter l’intention du groupe écologiste de suivre le vote du groupe socialiste en faveur du texte du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Je vais essayer de faire preuve d’autant de douce sérénité que vous, monsieur le ministre ! (Sourires.)
Cependant, nous divergeons quelque peu sur la sémantique. Hier, à un collègue qui parlait de « hold-up » vous avez répondu « reroutage ». Vous pouvez le constater, je suis les débats !
Cela étant, alors que, dans mon intervention précédente, j’ai souligné le manque de clarté, vous avez fait référence dans votre réponse à un « flou ». Je n’ai jamais employé ce terme ! Puis, alors que j’ai évoqué des problèmes liés à une taxation supplémentaire, vous avez parlé de « rétroactivité ». Là encore, je n’ai jamais employé ce terme ! Je vous invite à relire mes interventions.
Pour ma part, monsieur le ministre, je vous écoute avec beaucoup d’attention ; aussi, je souhaite que vous répondiez réellement à mes propos, sans extrapoler.
En outre, selon vous, il n’y aurait pas de taxation supplémentaire. Mais les prélèvements supplémentaires s’élèvent tout de même à plus de 600 millions d’euros !
Je parlerai de façon non pas technocratique, mais pratique, pour me faire la voix d’un sentiment des Français exprimé dans les médias ou dans la rue : stop aux prélèvements fiscaux.
Je ne reprendrai pas les termes de « hold-up », puisqu’il ne vous plaît pas, ou de « reroutage ». Toutefois, il y a aujourd’hui une overdose fiscale. Vous promettez une pause fiscale depuis plusieurs mois. Dont acte ! Mais chaque semaine, un impôt ou un prélèvement supplémentaire nous sont présentés.
Je serai très claire : les Français attendent non pas l’harmonisation, la simplification, que vous évoquez, mais la stabilité, la clarté et la visibilité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. J’essaierai de répondre brièvement à la fois à ce qui a été dit et, madame Debré, à ce qui a été sous-entendu, qui, parfois, peut être plus puissant.
Au cours des différentes interventions, quatre sujets ont été abordés : le niveau des prélèvements obligatoires, la maîtrise de la dépense publique, la fiscalité de l’épargne et le financement des entreprises.
Tout d’abord, monsieur Longuet, l’Union européenne ne manque de nous rappeler de mesurer très exactement les conséquences de nos décisions en matière d’évolution des prélèvements obligatoires. En l’espèce, au titre du programme de stabilité, nous nous sommes engagés devant elle à respecter une trajectoire qui aurait dû nous conduire, en 2014, à augmenter le niveau des prélèvements obligatoires de 0,3 %, alors qu’il avait subi une hausse, au cours des années 2011, 2012 et 2013, de 0,5 %. En réalité, l’évolution des prélèvements obligatoires sera de 0,15 %, plus précisément de 0,05 %, soit 1 milliard d’euros, si je neutralise l’effet de la lutte contre la fraude fiscale.
Ces chiffres sont reconnus par le Haut Conseil des finances publiques et par l’Union européenne. Ce que j’avance est donc extrêmement précis et incontestable.
M. Gérard Longuet. On en parlera lors de l’examen du projet budget et nous examinerons les chiffres !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous avez ensuite évoqué la maîtrise de la dépense publique. Pourtant, monsieur Longuet, vous avez été membre d’un gouvernement qui pendant cinq ans a augmenté la dépense publique de 170 milliards d’euros. Ce chiffre figure dans le rapport de la Cour des comptes du mois de juillet 2012 ainsi que dans celui du Haut Conseil des finances publiques.
Voici deux autres chiffres pour vous convaincre. La dépense publique a augmenté de 2,3 % entre 2002 et 2007, et de 1,7 % entre 2007 et 2012. Dans le projet de budget qui vous sera présenté, elle évolue de 0,4 %. Par conséquent, en dix-huit mois, nous avons divisé l’augmentation de la dépense publique par cinq.
Par ailleurs, la révision générale des politiques publiques, à laquelle vous avez abondamment participé, était considérée par M. Fillon comme l’alpha et l’omega de la bonne gestion des finances publiques, devant permettre, entre 2010 et 2013, de dégager 10 milliards d’euros d’économies nettes.
Le projet de budget pour 2014 conduira, quant à lui, à réaliser 15 milliards d’euros d’économies. En un an, nous effectuons donc 5 milliards d’euros d’économies de plus que ce que vous nous proposiez de faire en trois ans. Ces économies proviennent à hauteur de 9 milliards d’euros du budget de l’État.
M. Gérard Longuet. C’est faux, vous n’économisez pas 15 milliards d’euros cette année ! Nous en parlerons au moment de l’examen du projet de loi de finances.
M. Gérard Longuet. Nous verrons les chiffres !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je vais vous détailler ces économies, monsieur Longuet, puisque vous m’interpellez.
M. Gérard Longuet. Vous abusez de votre temps de parole. Seul le ministre a le droit le parler ! Je n’ai que le droit de me taire !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué Monsieur le sénateur, je vous ai écouté sans vous interrompre. Je ne fais que vous répondre, mais avec précision.
En 2014, disais-je, nous faisons 15 milliards d’euros d’économies, dont 9 milliards d’euros sur le budget de l’État et 6 milliards d’euros sur les dépenses de la protection sociale. Le tendanciel d’augmentation des dépenses de l’État s’élevait à 7,5 milliards d’euros…
M. Alain Gournac. Ne nous prenez pas pour des imbéciles ! Les Français en ont ras-le-bol !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Comme nous réalisons 9 milliards d’euros d’économies, cela nous permet de dégager 1,5 milliard d’euros supplémentaire.
Les 9 milliards d’euros d’économies sur le budget de l’État se décomposent de la manière suivante : 3 milliards d’euros sur le fonctionnement de l’État et ses administrations centrales, 2,7 milliards d’euros sur les dotations accordées aux opérateurs de l’État, dont les dépenses de fonctionnement et de personnel ont respectivement augmenté de 15 % et de 6 % lorsque vous étiez aux responsabilités. Dans le projet de budget que je vous présenterai cette année, les premières diminuent de 4 % et nous supprimons 2 500 postes parmi les opérateurs de l’État.
M. Alain Gournac. Et les collectivités territoriales ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Par ailleurs, nous faisons 3 milliards d’euros d’économies sur les participations de l’État et les investissements.
Les 6 milliards d’euros d’économies sur les dépenses de la protection sociale…
M. Alain Gournac. Les Français ne sont pas contents !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … s’expliquent par une augmentation de 2,4 % des dépenses de l’assurance maladie au titre de l’ONDAM, contre 4 % précédemment.
M. Gérard Longuet. Oui, en jouant sur le décalage des pensions et sur la taxation des retraites !
M. Gérard Longuet. Supportés par les retraités !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … auxquels nous pouvons ajouter 500 millions d’euros d’économies en matière de gestion des organismes de sécurité sociale. Si vous y ajoutez 2 milliards d’euros d’économies réalisés sur les retraites, 800 millions d’euros résultant du décalage de la date de la revalorisation des pensions et 1 milliard d’euros étant dégagé au titre du régime des retraites complémentaires, vous obtenez quasiment les 6 milliards d’euros. Tels sont très exactement les postes d’économies.
Si vous le souhaitez, nous pouvons volontiers entrer dans le détail de chaque poste ; vous serez ainsi tout à fait rassuré, monsieur Longuet.
M. Gérard Longuet. Pas du tout !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Voilà pour ce qui concerne l’évolution dans le temps de la dépense publique et des prélèvements obligatoires.
Le troisième thème évoqué au cours des différentes interventions concerne le financement des entreprises. La réforme présentée ce matin facilite l’orientation des fonds placés en euros garantis vers l’euro-croissance et l’euro-transmission pour financer les entreprises.
Selon vous, rien n’est fait pour le financement des entreprises. Je vais vous indiquer en quelques minutes ce que prévoit le projet de loi de finances pour 2014.
Tout d’abord, nous procédons à la modification du régime des plus-values de valeurs mobilières.
M. Gérard Longuet. Forcément ! Vous inventez un truc fou, et puis vous revenez en arrière ! Ce n’est pas un succès ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Gérard Longuet. Parce que vous abusez de votre droit de parler en tant que ministre. (Brouhaha.)
M. le président. Poursuivez, monsieur le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je considère que la politique, ce n’est pas cette violence, monsieur Longuet. Nous devons pouvoir nous expliquer.
M. Gérard Longuet. Moi, je n’ai que le droit de me taire ! Cela devient insupportable !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous m’avez interpellé, je vous apporte des réponses très précises. Je le fais calmement, car la violence n’est pas mon mode d’action.
M. Gérard Longuet. Vous êtes de mauvaise foi ! Vous ne laissez pas les autres parler !
M. Gérard Longuet. Vous êtes revenus en arrière ! Ce n’est pas une mesure d’économie !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous sommes revenus en arrière par rapport à ce que vous aviez fait. Au terme de la réforme que nous avons effectuée, le dispositif est beaucoup plus avantageux que celui qui prévalait au moment où vous étiez aux responsabilités.
Il en est de même pour les jeunes entreprises innovantes : nous avons transformé le dispositif d’exonération de cotisation qui avait été modifié au détriment de l’investissement dans les entreprises par votre gouvernement.
À travers la Banque publique d’investissement, nous avons mis en place un système qui permet d’accompagner les entreprises qui investissent.
M. Gérard Longuet. Vous avez abandonné la taxation de l’excédent brut d’exploitation !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous instaurons, à travers l’assurance vie, de nouveaux moyens de financement de l’économie française.
Voilà ce que comporte le projet de loi de finances pour 2014. Nous pouvons aussi évoquer les taux réduits de TVA pour le secteur du bâtiment applicables à la construction de logements sociaux et aux petites réparations, ainsi qu’à la rénovation thermique.
Je conclus, afin de ne pas vous agacer davantage, monsieur Longuet ; ce ne serait pas convenable d’un point de vue humain. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Je tiens à dire deux choses. Tout d'abord, on peut être dans l’affrontement, dans l’opposition, parce qu’on ne pense pas la même chose, mais cela n’empêche pas la bonne foi. Les éléments que je vous ai apportés sont tout à fait vérifiables. Vous pouvez les vérifier à la fois dans les documents du Haut Conseil des finances publiques et dans les rapports de la Cour des comptes. Vous pouvez également les vérifier dans les comptes rendus des réunions de la commission des finances. (Nouvelles protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Demandez à l’opinion publique !
M. Jean-Michel Baylet. Vous devriez montrer davantage de pudeur ! Les Français vous ont dit ce qu’ils pensaient de vous en 2012 ! Ils vous l’ont dit vertement ! Un peu de mémoire ! (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Isabelle Debré. Ce n’est pas correct d’intervenir ainsi lorsqu’on vient d’arriver dans l’hémicycle !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Par ailleurs, il est tout à fait possible de se respecter les uns les autres, même lorsqu’on s’oppose. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 87, 145, 167 et 297 rectifié.
J'ai été saisi de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe UMP, la deuxième, du groupe de l'UDI-UC et, la troisième, du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 48 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l’adoption | 207 |
Contre | 138 |
Le Sénat a adopté.
M. Alain Gournac. Ça va mal !
M. le président. En conséquence, l’article 8 est supprimé et les amendements nos 168 et 319 n’ont plus d’objet.
Pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces deux amendements, qui faisaient l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 168, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Au premier alinéa de l’article L. 137-14 du code de la sécurité sociale, le taux : « 10 % » est remplacé par le taux : « 30 % ».
L'amendement n° 319, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 11 et 12
Rédiger ainsi ces alinéas :
a) Les deux premières phrases sont ainsi rédigées :
« Ce versement est égal à 90 % du produit de l’assiette de référence ainsi déterminée par le taux de la contribution fixé par l’article L. 136-8. Son paiement intervient le 15 octobre au plus tard. » ;
II. – Alinéas 14 à 16
Supprimer ces alinéas.
III. – Alinéa 20
Remplacer les mots :
sont précomptés, déclarés et versés globalement
par les mots :
sont déclarés et versés simultanément
IV. – Après l’alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les acomptes dus en application du IV de l’article L. 136-7 en ce qu’il s’applique aux contributions et prélèvements mentionnés au précédent alinéa autres que la contribution définie à l’article L. 136-7 sont déterminés sur la base de l’assiette de cette contribution et font l’objet d’un versement global. »
V. – Alinéas 21 à 28
Supprimer ces alinéas.
VI. – Alinéas 31 à 33
Rédiger ainsi ces alinéas :
1° Au II, les mots : « placements visés aux 3° à 9° du même II » sont remplacés par les mots : « placements visés aux a du 3° et 4° à 9°, et à compter du 1er janvier 1997 pour les placements visés au b du 3° du même II » ;
2° Il est ajouté un III ainsi rédigé :
« III. – Les III à VI dudit article sont applicables à la contribution mentionnée au I du présent article. »
VII. – Après l’alinéa 33
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
V. – Pour les produits définis au b du 3° du II de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale :
1° L’assiette des contributions et prélèvements sociaux définis aux articles L. 136-7 et L. 245-15 du code de la sécurité sociale, au 2° de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles pour son renvoi à l’article L. 245-15 précité, au 2° du I de l’article 1600-0 S du code général des impôts et à l’article 16 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale pour son renvoi à l’article L. 136-7 précité, est celle définie au II du même article L. 136-7 ;
VIII. – Alinéa 34
Remplacer la mention :
V. –
par la mention :
2°
IX. – Alinéa 35
Remplacer les mots :
Les A et C du I du présent article et le 2° du IV du présent article
par les mots :
Le I, le III bis et le 2° du IV du présent article
X. – Alinéa 36
Remplacer les mots :
Sous réserve du A du présent VI en tant qu’il concerne le 2° du IV du présent article, le B du I et les II à V
par les mots :
Sous réserve du A du présent VI en tant qu’il concerne le 2° du IV du présent article, le 1° du IV et le V
XI. – Alinéa 39
1° Première phrase
Remplacer les mots :
du présent article
par les mots :
des deux alinéas précédents
2° Deuxième et dernières phrases
Supprimer les mots :
les montants de l’assiette de la contribution sociale définie au II de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale et le montant total des contributions et prélèvements déjà précomptés à titre provisoire. Pour les produits définis au b du 3° du même II, la déclaration précitée fait apparaître
3° Dernière phrase
Remplacer les mots :
au même b
par les mots :
au b du 3° du II de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale
Article additionnel après l'article 8
M. le président. L'amendement n° 169, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 3 du chapitre 2 du titre 4 du livre 2 du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 242-10-… ainsi rédigé :
« Art. L. 242-10-…. – Les entreprises d’au moins vingt salariés et dont le nombre de salariés à temps partiel est au moins égal à 20 % du nombre total de salariés de l’entreprise, sont soumises à une majoration de 10 % des cotisations dues par l’employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales pour l’ensemble de leurs salariés à temps partiel. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Avec cet amendement, nous entendons relancer un débat important, que nous avons déjà eu dans cet hémicycle, mais auquel il faut sans cesse revenir : le débat sur la réduction du nombre de contrats à temps partiel. En effet, le travail à temps partiel pose la question de la précarité du travail, qui touche en particulier les femmes. En outre, les contrats à temps partiel limitent les rentrées de cotisations sociales.
Comme Laurence Cohen a eu l’occasion de le dire lors de l’examen du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, « qui dit temps partiel dit salaire partiel et pensions de retraite partielles. La précarité, marquée notamment par la flexibilité, est source de grandes inégalités dont souffrent majoritairement les femmes. » Vous le savez – je crois d’ailleurs qu’il y a convergence à gauche sur cette idée –, le temps partiel est un paramètre clé des inégalités salariales et professionnelles. Il explique un peu plus du tiers de l’écart d’environ 27 % qui existe entre les salaires des femmes et ceux des hommes.
Qui plus est, les temps partiels ne sont pas sans incidence sur les comptes sociaux – c’est le sujet qui nous occupe aujourd'hui –, puisqu’ils entraînent l’application des cotisations sociales à une base réduite de salaires. Je tiens à rappeler que, théoriquement, en droit français, la norme doit être le contrat de travail à durée indéterminée à temps plein.
Il faut rompre avec une logique qui encourage les employeurs à recruter des salariés en s’arrangeant pour qu’ils leur coûtent le moins cher possible, sans s’occuper des conséquences pour les salariés précarisés ou, par le biais des dépenses sociales et d’accompagnement, pour la collectivité. L’accroissement des marges des entreprises et l’augmentation de la rémunération des actionnaires ou titulaires de parts sociales se justifient encore moins s’ils sont réalisés au détriment de la collectivité.
J’ajoute que ce problème relève non pas de la négociation entre les partenaires sociaux, mais des prérogatives du Parlement. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à voter cet amendement précis et très simple qui vise à majorer de 10 % la part patronale des cotisations sociales due par les entreprises qui emploient plus de 20 % de leur effectif à temps partiel. C’est un moyen de lutter contre la précarité tout en augmentant de manière juste les ressources de la sécurité sociale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement tend à majorer de 10 % les cotisations d’assurance sociale employeurs des entreprises de plus de vingt salariés comptant dans leurs effectifs au moins 20 % de salariés à temps partiel. La commission émet un avis défavorable, car, dans une période de chômage élevé, il ne lui paraît pas très cohérent de pénaliser ainsi le recours au temps partiel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 169.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 9
I. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
A. – L’article L. 731-14 est ainsi modifié :
1° Après le 3°, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« 4° Pour leur montant excédant 10 % du capital social et des primes d’émission et des sommes versées en compte courant qu’ils détiennent en pleine propriété ou en usufruit :
« a) Les revenus de capitaux mobiliers définis aux articles 108 à 115 du code général des impôts perçus par le chef d’exploitation ou d’entreprise agricole, son conjoint ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou ses enfants mineurs non émancipés ainsi que les revenus mentionnés au 4° de l’article 124 du même code perçus par ces mêmes personnes ;
« b) En cas d’exploitation sous la forme d’une société passible de l’impôt sur le revenu, la part des revenus mentionnés aux 1° et 2° du présent article perçus par le conjoint ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou par les enfants mineurs non émancipés du chef d’exploitation ou d’entreprise agricole, lorsqu’ils sont associés de la société.
« Un décret en Conseil d’État précise la nature des apports retenus pour la détermination du capital social, au sens du 4° du présent article, ainsi que les modalités de prise en compte des sommes versées en compte courant. » ;
2° Au dernier alinéa, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « neuvième » ;
A bis (nouveau). – À la première phrase du deuxième alinéa et à la seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 731-15, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « neuvième » ;
A ter (nouveau). – L’article L. 731-17 est abrogé.
I bis. – Le A du I s’applique aux cotisations de sécurité sociale et contributions sociales dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2014, sous réserve des dispositions transitoires suivantes :
1° Les revenus mentionnés au 4° de l’article L. 731-14 du code rural et de la pêche maritime sont pris en compte pour 75 % de leur montant pour le calcul de l’assiette des cotisations et contributions dues au titre de l’année 2014 ;
2° Pour les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole relevant du premier alinéa de l’article L. 731-15 du même code, l’assiette des cotisations et contributions dues au titre de l’année 2014 est constituée par la moyenne des revenus professionnels mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 731-14 dudit code, à laquelle sont ajoutés 75 % des revenus mentionnés au 4° du même article perçus en 2013 ;
3° Pour les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole relevant du premier alinéa de l’article L. 731-15 du même code, l’assiette des cotisations et contributions dues au titre de l’année 2015 est constituée par la moyenne des revenus professionnels mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 731-14 dudit code, à laquelle est ajoutée la moyenne des revenus mentionnés au 4° du même article perçus en 2013 et 2014 ;
C. – (Supprimé)
II. – Le I de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, la référence : « de l’article L. 136-3 » est remplacée par les références : « des articles L. 136-3 et L. 136-4 du présent code » ;
2° À la première phrase du 1°, la référence : « de l’article L. 136-3 » est remplacée par les références : « des articles L. 136-3 et L. 136-4 ».
III. – Il est prélevé, au 1er janvier 2014, au profit du régime d’assurance vieillesse complémentaire obligatoire prévu à l’article L. 732-56 du code rural et de la pêche maritime, une somme de 160 millions d’euros sur les réserves mentionnées au 3 du III de l’article 37 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013. Le recouvrement, le contentieux et les garanties relatifs à ce prélèvement sont régis par les règles applicables en matière de taxes sur les salaires.
IV. – La Caisse nationale d’allocations familiales et les branches mentionnées aux 2° et 3° de l’article L. 722-8 du code rural et de la pêche maritime versent, en début d’exercice, au régime d’assurance vieillesse complémentaire obligatoire institué par l’article L. 732-56 du même code une quote-part des droits mentionnés au 5° de l’article L. 731-2 et au 3° de l’article L. 731-3 dudit code et à l’article 575 du code général des impôts dont ils sont attributaires, égale à la prévision annuelle du surplus de recettes résultant du présent article, dont le montant est fixé par arrêté des ministres chargés de l’agriculture, du budget et de la sécurité sociale. Les montants versés à titre prévisionnel font l’objet d’une régularisation lors du versement de l’année suivante.
M. le président. L'amendement n° 104, présenté par M. Milon, Mmes Boog et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, M. Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet et Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. L’article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 prévoit l’intégration des dividendes des associés non exploitants dans l’assiette des cotisations sociales. Sont visés les dividendes distribués aux conjoints et aux enfants mineurs ne participant pas aux travaux. Jusqu’à présent, ces gains, considérés comme des revenus du capital, échappaient aux cotisations. Cette disposition est destinée à financer les mesures de revalorisation des petites retraites agricoles votées dans le cadre de la réforme des retraites. Elle produirait un gain de 168 millions d’euros en régime de croisière.
Le candidat Hollande avait promis une revalorisation des retraites agricoles via la solidarité nationale et la baisse du nombre de retraités agricoles. Mais force est de le constater, le Gouvernement ne respecte pas cette promesse, puisque ce sont les agriculteurs, et non la solidarité nationale, qui paieront les mesures de revalorisation dont les modalités de financement sont inscrites dans le présent article.
En réintégrant dans l’assiette des prélèvements sociaux la part des dividendes excédant 10 % du capital social lorsqu’ils sont perçus par l’exploitant agricole, son conjoint ou ses enfants mineurs non émancipés, le Gouvernement utilise toujours les mêmes recettes : taxer les entreprises – en l’occurrence les sociétés agricoles –, augmenter les cotisations, et piller les réserves de la Mutualité sociale agricole, la MSA. Il est donc proposé de supprimer l’article 9.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement tend à supprimer l’article 9, qui redéfinit l’assiette des cotisations sociales des non-salariés agricoles et affecte la moitié des réserves de gestion de la MSA au financement des dépenses techniques de la retraite complémentaire obligatoire, la RCO.
Le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites prévoit la création de nouveaux droits très attendus par les agriculteurs, tels que la garantie d’une pension d’un montant minimal fixé à 75 % du SMIC pour une carrière complète, l’attribution de droits aux conjoints et aides familiaux au titre des années antérieures à la création du régime complémentaire, ou encore la suppression de la condition de durée pour bénéficier de la pension minimale.
D’une part, il ne paraît pas illogique que ces mesures, qui bénéficient à l’ensemble des non-salariés agricoles, soient financées par la redéfinition de l’assiette de leurs cotisations sociales, au nom du principe de solidarité interne à la profession.
D’autre part, la redéfinition de l’assiette proposée dans l’article 9 présente au moins deux avantages.
Premièrement, elle rétablit l’égalité devant les charges sociales dans toutes les exploitations agricoles. La dissociation actuelle entre les revenus de l’associé participant aux travaux et ceux de l’associé non participant ne se justifie par aucune réalité sociale et n’a pas à être maintenue au sein d’un même foyer fiscal. Elle masque un régime dérogatoire qui contribue à amplifier le déficit du régime.
Deuxièmement, la redéfinition de l’assiette étend aux salariés non agricoles un mode de calcul des charges sociales correspondant à celui qui a été mis en place par la précédente majorité pour les professions libérales soumises à l’impôt sur les sociétés. Ce mode de calcul a été étendu l’an dernier au régime social des indépendants, le RSI.
Enfin, il faut garder à l’esprit que ce nouveau mode de calcul ne pénalise pas les petits exploitants. L’étude d’impact rappelle en effet que le montant des bénéfices revenant aux associés non participants aux travaux – bénéfices que cet article propose de réintégrer dans l’assiette des cotisations sociales – s’est élevé à 1,77 milliard d’euros en 2011 !
Quant à la mobilisation des réserves de la MSA, je tiens à rappeler que ces réserves n’ont plus de raison d’être dans la mesure où, depuis le 1er janvier dernier, la gestion des branches agricoles est assurée non plus à partir des cotisations, mais directement par l’attribution de crédits de gestion provenant des différentes branches. L’affectation des réserves de la MSA au financement du fonds RCO me paraît donc être une mesure de bonne gestion.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je reprends à mon compte une grande partie des arguments qui viennent d’être développés par le rapporteur général.
L’article 9 finance les mesures d’amélioration des retraites des exploitants agricoles et de leurs conjoints, en luttant contre une niche sociale, ce qui est parfaitement légitime, et en fléchant une partie des réserves de la MSA vers les retraites complémentaires. Il rétablit l’égalité devant les charges sociales dans toutes les exploitations agricoles, qu’elles soient en faire-valoir direct ou sous forme sociétaire, en élargissant un dispositif mis en place par la précédente majorité pour les professions libérales et étendu l’an dernier au RSI.
Au-delà de la nécessité comptable immédiate, la situation financière délicate du régime des non-salariés agricoles doit inciter à réduire les dispositifs dérogatoires permettant d’exclure des sommes de l’assiette sociale.
Pour cette raison, je suis bien entendu défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je voudrais défendre l’amendement de mon excellent collègue Alain Milon.
Monsieur le ministre, vous organisez un rattrapage des retraites minimales des non-salariés agricoles. C’est très positif, d’autant qu’il s’agit d’un engagement du candidat François Hollande qui est mis en œuvre. Mais par qui est-il financé ? À la différence de ce que nous préconisons, vous avez choisi de faire financer cette mesure exclusivement par une profession qui a contribué puissamment au développement économique de notre pays durant les Trente Glorieuses, mais qui est passée de 30 % de la population active totale au début des années cinquante à guère plus de 3 % aujourd’hui.
Que sont devenues les familles d’agriculteurs ? Elles soutiennent les régimes de retraite du secteur privé, des salariés de l’industrie, du commerce ; les enfants d’agriculteurs exercent aussi des professions libérales ou occupent des postes dans la fonction publique. Bref, ce sont les familles d’agriculteurs qui permettent très largement d’assurer l’équilibre économique et démographique des régimes généraux.
Il n’est certes pas complètement anormal que s’exerce cette solidarité démographique, qui existe d’ailleurs depuis près de cinquante ans, c’est-à-dire depuis les grandes lois agricoles de 1962.
Par ailleurs, vous présentez comme une niche fiscale ce qui est une mesure de bon sens pour pouvoir maintenir les exploitations agricoles : le statut de l’associé non exploitant.
À quoi cela correspond-il ? Il s’agit en général d’un membre de la famille qui renonce à faire valoir ses droits de succession sur une part de l’héritage familial pour permettre à l’héritier exploitant de garder le contrôle de son activité sans avoir à racheter tout au long de sa vie professionnelle des parts aux héritiers non exploitants. Ce dispositif assure donc la continuité des exploitations par le renoncement de ces derniers à un capital en contrepartie, il est vrai, d’une forme d’avantage fiscal, lequel a une justification économique forte.
C’est la raison pour laquelle je soutiendrai naturellement l’amendement n° 104.
Pour terminer, j’en profite pour vous dire, monsieur le ministre, que nous vous entendons toujours avec plaisir. À tout prendre, nous préférons des ministres qui parlent à des ministres qui se taisent.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas ce que nous avions compris tout à l’heure !
M. Gérard Longuet. Nous avons consacré de longs moments au débat sur les retraites, en compagnie d’ailleurs de Mme David, et entendu des commentaires très lapidaires qui n’entraient pas dans le détail des explications et tenaient en un mot : « Défavorable ! »
On peut évidemment se réjouir qu’un ministre ouvre le dialogue, mais à condition que celui-ci soit équilibré. Nous aurons la chance de vous retrouver lors du débat budgétaire et j’imagine dès maintenant avec bonheur la qualité de nos échanges sur des textes que nous aurons tous préparés.
En revanche, si vous nous présentez la totalité de la politique budgétaire et fiscale du Gouvernement sans nous donner la possibilité de répondre, acceptez l’idée que nous éprouvions un sentiment de déséquilibre qui s’exprime avec le verbe, dont la force est justifiée par la légitime volonté d’un dialogue partagé et équilibré. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Georges Labazée. Vous êtes malheureux ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Je ne veux pas trop ajouter à l’excellente intervention de Gérard Longuet, mais je voudrais simplement attirer l’attention de la Haute Assemblée sur une formulation qui m’a extrêmement choqué : la répartition du résultat d’une exploitation agricole entre le chef de l’exploitation personne physique et son épouse ou ses enfants majeurs a été pompeusement appelée « dividende ».
Pour bien comprendre de quoi il s’agit, il faut connaître la réalité des petites exploitations de polyculture dans la France rurale. Bien souvent, dans ce type d’exploitation où l’on touche un peu à tout, l’activité ne suffit pas à faire vivre une famille, ou du moins est-ce extrêmement dur. L’épouse ou l’enfant majeur, qui continue d’habiter la ferme qui est en général assez vaste, sont alors contraints d’aller chercher une rémunération de salarié ailleurs pour faire vivre l’ensemble de la famille, tout en participant activement, en dehors de leurs heures de travail et pendant les week-ends, à l’exploitation de la ferme. Il est courant qu’une épouse exerçant un emploi administratif la journée arrive chez elle le soir pour se mettre devant son ordinateur et faire les comptes de la ferme. Au passage, je tiens à souligner que les agriculteurs sont des gens très efficaces et compétents en matière de gestion.
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. Jean-Noël Cardoux. Aussi, le fait de prélever des taxes sociales, doublement même, sur la part de résultat qu’un chef d’exploitation va donner à son épouse ou à son enfant majeur qui a mis la main à la pâte en plus de son activité salariée, bien au-delà des 35 heures par semaine, me semble complètement anachronique. C’est d’autant plus choquant – mais peut-être n’ai-je pas très bien compris le mécanisme du Gouvernement, ce qui est tout à fait possible –, qu’il va y avoir une double taxation. En effet, le résultat global de l’entreprise agricole est déjà assujetti aux cotisations sociales et la part prélevée sur ce résultat au profit d’un membre de la famille va être une seconde fois assujettie aux charges sociales. Il me semble donc que ce dispositif pose un problème d’équité devant les charges sociales.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 49 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l’adoption | 186 |
Contre | 138 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 9 est supprimé et les amendements nos 298 rectifié, 88 rectifié bis et 299 n’ont plus d’objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces amendements.
L'amendement n° 298 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 18
Supprimer ces alinéas.
L'amendement n° 88 rectifié bis, présenté par MM. Savary et Bécot, Mmes Boog, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. Chauveau et Cléach, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Détraigne et Dulait, Mme Férat, MM. Fontaine, B. Fournier et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, M. Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, de Legge, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia et M. de Raincourt, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 4 à 7
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
« 4° Pour leurs montants excédant 10 % du capital social et des primes d’émission et des sommes versées en compte courant qu’ils détiennent en pleine propriété ou en usufruit, les revenus de capitaux mobiliers définis par les articles 108 à 115 du code général des impôts, perçus par le chef d’exploitation ou d’entreprise agricole, son conjoint ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou ses enfants mineurs non émancipés ainsi que les revenus mentionnés au 4 de l’article 124 du même code, perçus par ces mêmes personnes.
« Un décret en Conseil d’État précise la nature des apports retenus pour la détermination du capital social au sens du 4 ci-dessus, ainsi que les modalités de prise en compte des sommes versées en compte courant. »
II. – Alinéas 8 et 9
Remplacer le mot :
neuvième
par le mot :
septième
L'amendement n° 299, présenté par M. Barbier, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le taux :
10 %
par le taux :
30 %
Articles additionnels après l'article 9
M. le président. L'amendement n° 264, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 1° de l’article L. 731-42 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « , dans la limite du plafond prévu à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, » sont supprimés.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Ce premier amendement que nous vous proposons concernant les retraites agricoles a pour objet de supprimer le plafond de cotisation maximale pour l’assurance vieillesse individuelle et agricole.
Aujourd’hui, nous faisons face à une rupture d’égalité flagrante dans les cotisations du monde agricole. En effet, un assuré social percevant un revenu annuel de 50 000 euros ne cotise que sur une assiette de 37 032 euros.
Notre proposition vise donc à rétablir la justice sociale en mettant fin au phénomène de sous-cotisation pour les hauts revenus. Dans le contexte budgétaire actuel, nous souhaitons également, par cet amendement, dégager des fonds qui permettront d’augmenter les recettes de la Mutualité sociale agricole.
Il s’agit d’une mesure de justice, puisque la distorsion est criante, comme nous le verrons lors de l’examen des amendements suivants. D’un côté, un plancher pénalise les plus petits revenus, souvent inférieurs au SMIC, mais soumis à des prélèvements du fait du mode de calcul de ce plancher. De l’autre, un plafond avantage les plus hauts revenus.
Nous soutenons évidemment la revalorisation des retraites agricoles proposée par le Gouvernement, mais cela ne peut se faire sans rétablir une forme de justice dans le financement, afin que chacun cotise en fonction de ses revenus.
Nous avions déjà déposé une série d’amendements similaires lors du débat sur les retraites, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale. On nous avait alors indiqué que le financement des mesures de justice dans le domaine agricole était assuré par un article du PLFSS. Cependant, lorsque mes collègues écologistes ont déposé de nouveau ces amendements lors de l’examen du PLFSS à l’Assemblée nationale, ceux-ci ont été balayés d’un revers de main, sans beaucoup d’explications. Nous profitons donc de cette occasion pour relancer le débat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à déplafonner les cotisations dues par les exploitants agricoles pour la couverture des dépenses de prestation de l’assurance vieillesse et de l’assurance veuvage. Un amendement similaire a déjà été présenté dans le cadre de la discussion du projet de loi de réforme des retraites.
Le plafonnement prévu à l’article L. 731-42 du code rural et de la pêche maritime ne s’applique pas à l’ensemble de l’assiette des cotisations à la charge du chef d’exploitation au titre des cotisations vieillesse et veuvage. Le 3° de ce même article prévoit en effet qu’une partie de ces cotisations est calculée sur la totalité des revenus professionnels définis aux articles L. 731-14 à L. 731-22 du même code.
Il s’agit donc non pas, à proprement parler, d’une sous-cotisation, mais de modalités de financement qui juxtaposent des cotisations plafonnées et des cotisations déplafonnées, système que l’on retrouve au niveau du régime général.
Dans ces conditions, il ne me paraît pas opportun, au moment où l’on réforme par ailleurs profondément l’assiette des cotisations sociales des sociétés agricoles, de déplafonner l’intégralité de l’assiette des cotisations à la charge des chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole.
La commission des affaires sociales a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. L’adoption de cet amendement aurait pour effet de déplafonner la cotisation vieillesse des exploitants agricoles. Or ce plafonnement s’inscrit dans le principe contributif de la retraite : au plafonnement des cotisations répond celui des prestations.
En effet, les droits à retraite de base sont acquis de manière forfaitaire. Déplafonner complètement la cotisation en cause aboutirait à faire cotiser les exploitants sur l’intégralité de leurs revenus, sans qu’ils obtiennent pour autant davantage de droits.
En outre, un plafonnement des cotisations s’applique dans les autres régimes : supprimer le plafonnement aboutirait donc à une rupture d’égalité entre cotisants.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Le groupe CRC votera cet amendement avec d’autant plus d’enthousiasme qu’il avait déposé des amendements similaires lors de l’examen de précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale. La commission des finances avait alors opposé à ces amendements l’irrecevabilité financière prévue par l’article 40 de la Constitution, au motif que cet élargissement de l’assiette de cotisations sociales entraînait l’ouverture de droits supplémentaires, et donc des dépenses supplémentaires. Je tenais à rappeler ces éléments, parce que, outre que cet article 40 est un véritable couperet à toute initiative du législateur au Sénat ou à l’Assemblée nationale, il est curieux que ce couperet soit à géométrie variable !
Quoi qu’il en soit, nous soutenons la démarche des auteurs de cet amendement, car elle assure, de fait, un financement de la protection sociale réellement proportionnel aux revenus tirés de l’exploitation, conformément à l’esprit du programme du Conseil national de la Résistance. En effet, la surcotisation des assurés les plus modestes, alors que les plus riches bénéficient d’une cotisation plafonnée, n’est absolument pas juste et cet amendement tend à redresser la situation.
M. le président. L’amendement n° 265, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 732-20 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La progression des cotisations est prévue de façon proportionnelle par décret. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement vise à limiter les effets de seuil dans le calcul des cotisations pour les retraites agricoles. En effet, alors que le système actuel comporte des paliers, nous proposons que le calcul soit proportionnel aux revenus, tout en renvoyant l’application exacte du dispositif à un décret ultérieur.
Initialement, la méthode actuelle visait à faire jouer la solidarité entre les agriculteurs, mais elle est devenue une source d’évasion fiscale, les agriculteurs ayant tendance à sous-déclarer une partie de leurs revenus pour ne cotiser qu’au niveau du début du palier.
Finalement, ce sont ceux dont le niveau de revenus est immédiatement supérieur au palier qui contribuent le plus aux retraites en fonction de leurs revenus. Je vous rappelle que la retraite moyenne d’un exploitant agricole est seulement de 800 euros par mois.
Il est donc nécessaire de s’adapter aux pratiques et de réviser, dans le sens d’une cotisation proportionnelle, cette disposition non seulement injuste, mais aussi contre-productive pour les finances publiques, et qui fait reposer l’effort sur les plus fragiles en épargnant les plus aisés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à réformer les modalités actuelles de cotisation des non-salariés agricoles, afin de supprimer l’effet de palier et de lutter contre la sous-cotisation.
Il pose une difficulté du point de vue de la forme, puisqu’il tend à remettre en cause les modalités actuelles de cotisation des non-salariés agricoles sans en avoir évalué les conséquences financières et sans en avoir discuté avec les représentants du monde agricole.
Il pose également une difficulté de fond, puisqu’il porte sur l’assurance vieillesse complémentaire facultative, dont la cotisation est déjà proportionnelle aux revenus, et non sur le régime d’assurance vieillesse obligatoire des non-salariés agricoles.
J’ajoute que l’instauration d’une proportionnalité des cotisations appartient non pas au pouvoir législatif, mais au pouvoir réglementaire.
La commission des affaires sociales a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mes arguments seront identiques à ceux de la commission.
Tout d’abord, madame la sénatrice, l’amendement que vous présentez ne permettrait pas d’atteindre l’objectif que vous vous assignez, car il aurait pour effet de réformer les cotisations de l’assurance vieillesse complémentaire facultative, qui, vous le savez, est librement souscrite.
S’agissant des cotisations sociales du régime agricole de base, elles sont déjà proportionnelles.
Pour l’ensemble de ces raisons, qui ont déjà été développées par M. le rapporteur général, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 266, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 732-59 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Les trois premiers alinéas sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« I. – Les cotisations visées à l’article L. 732-58 sont calculées sur la totalité des revenus professionnels ou de l’assiette forfaitaire obligatoire des chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole, tels que pris en compte aux articles L. 731-14 à L. 731-21. Elles sont fixées de manière progressive dans les conditions prévues au présent article :
« 1° Pour les personnes mentionnées à l’article L. 732-56 dont les revenus sont inférieurs à 1 820 fois le montant du salaire minimum de croissance en vigueur au 1er janvier de l’année précédente, le taux de prélèvement est égal à 4,5 % ;
« 2° Pour les personnes mentionnées à l’article L. 732-56 dont les revenus sont supérieurs à 1 820 fois le montant du salaire minimum de croissance en vigueur au 1er janvier de l’année précédente et inférieurs au plafond annuel prévu à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, le taux de prélèvement est égal à 6 % ;
« 3° pour les personnes mentionnées à l’article L. 732-56 dont les revenus sont supérieurs au plafond annuel prévu à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, le taux de prélèvement est égal à 9 %. » ;
2° Le quatrième alinéa est précédé de la mention :
« II. – » ;
3° Le cinquième alinéa est précédé de la mention :
« III. – » ;
4° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« IV. – En aucun cas, le revenu professionnel pris en compte pour l’attribution annuelle de points portés au compte de l’assuré, ne peut être supérieur au plafond mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement vise à limiter les surcotisations concernant les retraites agricoles des exploitants ayant de faibles revenus.
Actuellement, 74 % des cotisants agricoles perçoivent un revenu inférieur au SMIC annuel, mais doivent acquitter une cotisation minimale calculée sur le SMIC. La majorité des paysans sont donc en situation de surcotisation, et sont parfois très lourdement affectés : il convient d’y remédier. Tel est l’objet de cet amendement, qui tend à créer un système progressif de prélèvement.
Contrairement à notre amendement précédent, qui renvoyait l’application du système proposé à un décret, nous avons établi ici un dispositif qui vise un triple objectif : premièrement, supprimer l’assiette minimale du taux de cotisation, pour éviter une surcotisation aux plus modestes ; deuxièmement, tendre vers un équilibre budgétaire en réajustant les taux de cotisation pour les revenus les plus élevés ; troisièmement, enfin, plafonner l’attribution des points jusqu’à un certain revenu, car les hauts revenus sont très clairement favorisés par le système actuel puisque, soumis au même taux de cotisation, ils bénéficient de points sans aucun plafonnement.
Lors de la discussion du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites à l’Assemblée nationale, M. le rapporteur Michel Issindou avait affirmé : « Il nous semble qu’il n’y a pas lieu de bouleverser l’ensemble des assiettes sans une réflexion globale et une démarche de concertation. » Cette concertation, nous l’avions proposée en défendant un amendement qui a été rejeté lors de l’examen du projet de loi précité.
Cependant, la concertation, qui est une étape indispensable de toute décision publique, spécialement lorsqu’elle concerne des systèmes complexes comme les retraites agricoles, ne doit pas nous affranchir, en tant que parlementaires, de nos responsabilités.
Lorsque l’injustice est réelle et constatée, il est de notre devoir d’y mettre un terme, si besoin en faisant preuve d’originalité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à rendre progressives les cotisations de retraite finançant le régime de retraite complémentaire obligatoire des non-salariés.
Il s’inscrit dans la lignée de l’amendement n° 265, dans la mesure où il vise à instituer la progressivité des cotisations de retraite agricole, cette fois pour le régime de retraite complémentaire obligatoire des non-salariés.
D’une part, il conduit à ne plus distinguer les exploitants des collaborateurs familiaux, qui ne jouissent pourtant pas d’un niveau de revenu égal et qui, aujourd’hui, ne cotisent pas sur la même assiette.
D’autre part, son adoption augmenterait sensiblement le taux de cotisation, qui est à l’heure actuelle de 3 %. Je ne suis pas certain qu’il faille accroître ainsi les prélèvements pesant sur les non-salariés agricoles, alors que le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit des recettes spécifiques pour financer l’extension de la retraite complémentaire obligatoire.
Par ailleurs, comme je l’ai déjà signalé, la fixation des taux relève du pouvoir réglementaire.
La commission des affaires sociales a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le régime complémentaire obligatoire de retraite agricole est un régime contributif : les droits dépendent des cotisations versées.
Dès lors, l’existence d’une assiette minimale de cotisation, qui peut être supérieure au revenu professionnel des exploitants agricoles, est un dispositif qui protège les droits à retraite des exploitants ayant des ressources réduites, en garantissant l’acquisition d’un niveau minimal de cent points de retraite par année cotisée. Si cette assiette peut être élevée, le taux de cotisation est relativement faible – de l’ordre de 3 % – au regard de ce qui est appliqué dans les régimes de retraite complémentaire des travailleurs indépendants, où le taux est de 7 %.
Votre proposition, madame le sénateur, ne modifie pas les règles d’acquisition des points. Dès lors, la suppression de l’assiette de cotisation minimale réduirait les droits à retraite des exploitants aux revenus les plus modestes. Au contraire, en relevant les taux de cotisation pour les revenus les plus élevés, elle accroîtrait non seulement les prélèvements sur ces exploitants, mais aussi leurs droits à retraite.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 170, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 741-16 du code rural et de la pêche maritime est abrogé.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. À l’image du régime général obligatoire de base, le régime de protection sociale des salariés des professions agricoles est victime non pas d’un accroissement des dépenses sociales, mais d’une raréfaction organisée des recettes.
En effet, en vertu de l’article L. 741-16 du code rural et de la pêche maritime que notre amendement tend à abroger, les employeurs relevant du régime de protection sociale des professions agricoles sont exonérés des cotisations patronales dues au titre des assurances sociales pour les travailleurs occasionnels qu’ils emploient, c’est-à-dire, dans les faits, les jeunes âgés de moins de seize ans qui travaillent de manière ponctuelle durant les vacances scolaires ou ceux qui sont employés sous contrat pendant les vendanges.
Si, historiquement, ces exonérations sont présentées comme devant contribuer à accroître la rémunération nette du salarié, force est de constater que les résultats ne sont pas en rapport avec cet objectif.
Conscient de cette situation, le Gouvernement a, dans la loi de finances pour 2013, procédé à une mesure de rééquilibrage de ce dispositif, qui continue à exister, mais est désormais concentré sur les salaires les plus bas.
Ce faisant, comme avec les exonérations générales de cotisations sociales, notre législation incite en quelque sorte les employeurs à maintenir leurs salariés dans une situation financière précaire. Effectivement, plus les salaires sont bas, plus les exonérations de cotisations patronales sont élevées, pour un bénéfice plus que réduit, tant en matière de sécurité de l’emploi et de pouvoir d’achat que d’équilibre des comptes sociaux.
C’est pourquoi nous proposons de renforcer le financement solidaire de la Mutualité sociale agricole en supprimant ces trappes à bas salaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à supprimer le régime d’exonération des cotisations patronales bénéficiant aux employeurs relevant du régime de protection sociale des professions agricoles recourant à des travailleurs occasionnels.
Le régime des exonérations de cotisations liées à l’embauche de travailleurs occasionnels a profondément évolué depuis le 1er janvier dernier, à la suite de l’adoption de la loi de finances pour 2013.
Désormais, les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles n’ouvrent plus droit à exonération ; les exonérations sont déterminées conformément à un barème dégressif linéaire, qui limite les effets d’aubaine en se concentrant sur les bas salaires.
Ces exonérations sont dorénavant totales pour une rémunération inférieure ou égale à 1,25 SMIC mensuel, contre 2,5 SMIC auparavant ; elles sont dégressives pour une rémunération mensuelle comprise entre 1,25 SMIC mensuel et 1,5 SMIC mensuel, contre 2,5 SMIC et 3 SMIC auparavant ; enfin, elles sont nulles pour une rémunération mensuelle égale ou supérieure à 1,5 SMIC mensuel, contre 3 SMIC auparavant.
Il ne me semble pas nécessaire, pour l’instant, d’aller plus loin dans la réforme de ce dispositif.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 171, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 40 % » ;
2° Les deux derniers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« La clé de répartition du produit de cette contribution est fixée par décret. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le ministre, vous le savez, nous divergeons sur l’analyse des causes des déficits de notre système de protection sociale.
Pour vous, ils sont, d’abord et avant tout, la conséquence d’un système trop généreux. Ce raisonnement vous conduit nécessairement et mécaniquement à tout faire pour baisser les dépenses sociales dans chacune des branches : dans la branche vieillesse, en gelant les pensions et en durcissant les conditions d’accès à la retraite ; dans la branche maladie, en maintenant sous pression financière les établissements de santé et en procédant à la fermeture des petites unités ; dans la branche famille, en réduisant les prestations et en gelant les mécanismes de revalorisation de certaines prestations.
À l’inverse, le groupe CRC constate que les plans d’économies imposés à la sécurité sociale par le biais de la seule réduction de la dépense se sont tous soldés par des effets mitigés, voire contre-productifs. Ce constat nous conduit à proposer d’agir sur l’autre levier, c’est-à-dire les ressources.
En effet, de nombreux éléments de rémunération échappent aujourd’hui au financement de la sécurité sociale. Mon propos vise notamment les sommes versées au titre de l’intéressement ou de la participation, les abondements de l’employeur aux plans d’épargne d’entreprise, aux plans d’épargne interentreprises, aux plans d’épargne pour la retraite collectifs, ou encore aux rémunérations perçues, sous forme de jetons de présence, pour l’exercice de leur mandat, par les dirigeants, administrateurs et membres des conseils de surveillance des sociétés anonymes et des sociétés d’exercice libéral à forme anonyme.
Ces éléments de rémunération sont assujettis à un mécanisme particulier, que tout le monde connaît. Appelé « forfait social », il progresse, année après année, sans toutefois jamais atteindre un niveau de prélèvement comparable à celui des cotisations sociales. Les employeurs continuent donc à favoriser ces éléments de rémunération au détriment des salaires – notamment des augmentations de ceux-ci –, structurellement plus sécurisants pour les salariés que les éléments indirects de rémunération, qui sont variables et dont l’attribution peut être arbitraire.
Aussi, pour inciter les employeurs à favoriser le salaire, nous proposons de porter le forfait social à un niveau de prélèvement quasiment identique à celui des cotisations sociales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à porter de 20 % à 40 % le taux du forfait social.
Créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 – sous l’égide du gouvernement Fillon –, le forfait social est passé, en quatre ans, de 2 % à 20 %. C’est dire que son taux a été multiplié par dix. La mesure proposée paraît donc excessive.
C’est la raison pour laquelle j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. En effet, le taux du forfait social a déjà été plus que doublé lors de l’examen de la loi de finances rectificative pour 2012. Le niveau actuel de 20 % est approprié car, à la différence des cotisations, le forfait social ne permet pas d’acquérir des droits contributifs.
M. le président. L'amendement n° 172, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le 5° bis de l’article L. 213-1, il est inséré un 5° ter ainsi rédigé :
« 5° ter Le recouvrement de la contribution mentionnée à l’article L. 245-17 ; »
2° Le chapitre 5 du titre 4 du livre 2 est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Contribution des revenus financiers des sociétés financières et non financières
« Art. L. 245-17. – Les revenus financiers des prestataires de service visés au livre V du code monétaire et financier entendus comme la somme des dividendes bruts et des intérêts nets reçus, sont assujettis à une contribution d’assurance vieillesse dont le taux est égal à la somme des taux de cotisation salariale et patronale d’assurance vieillesse assises sur les rémunérations ou gains perçus par les travailleurs salariés ou assimilés mentionnés à l’article L. 241-3 du présent code.
« Les revenus financiers des sociétés tenues à l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés conformément à l’article L. 123-1 du code de commerce, à l’exclusion des prestataires visés au premier alinéa du présent article, entendus comme la somme des dividendes bruts et assimilés et des intérêts bruts perçus, sont assujettis à une contribution d’assurance vieillesse dont le taux est égal à la somme des taux de cotisations salariale et patronale d’assurance vieillesse assises sur les rémunérations ou gains perçus par les travailleurs salariés ou assimilés mentionnés à l’article L. 241-3 du présent code.
« Les contributions prévues au présent article ne sont pas déductibles de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.
« Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes caisses d’assurance vieillesse. »
II. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. À l’occasion de l’examen par le Sénat de la réforme des retraites, nous souhaitions proposer, par voie d’amendement, de substituer à l’article 2 du projet de loi en question portant allongement de la durée de cotisations, une mesure qui nous semblait plus juste et qui aurait aussi rapporté plus de ressources à la branche vieillesse. Je veux parler de notre proposition d’assujettir les revenus financiers des sociétés financières et non financières des entreprises à une contribution d’assurance vieillesse.
Puisque le débat a été engagé voilà quelques instants, soyons clairs : nous ne parlons en l’espèce ni de l’épargne des particuliers ni des revenus des petites entreprises ; nous visons bien les revenus des grands groupes financiers et non financiers.
L’adoption d’un amendement de suppression de l’article 2 du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites nous a empêchés de défendre notre proposition, que nous vous soumettons de nouveau, mes chers collègues, car elle nous semble opportune. C’est un fait, la répartition des richesses entre capital et travail n’a cessé d’évoluer au détriment de la rémunération des salariés et, donc, par un effet mécanique, au détriment du financement de notre système de protection sociale.
Ainsi, la part de richesses qui a bénéficié au capital, sous la forme de versement de dividendes, par exemple, a augmenté par rapport à celle qui a profité aux salaires. De fait, 10 % du PIB est passé de l’un à l’autre, au détriment du travail.
Dans le même temps, les revenus financiers des grandes entreprises n’ont cessé de s’élever. Leur appliquer les taux des cotisations patronales rapporterait plus de 30 milliards d'euros au régime général.
Mme la ministre de la santé s’était opposée à l’amendement que nous avions déposé sur le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites au motif qu’il n’était pas un amendement « à trois francs six sous », pour reprendre son expression. Elle souhaitait, par conséquent, se donner le temps de la réflexion.
Bien évidemment, j’ai pris acte de sa réponse, considérée comme positive. Je me dois néanmoins de le préciser, c’est aussi par voie d’amendement que le Gouvernement a fait adopter le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont le coût est quasiment aussi important que la somme ici en jeu !
Quoi qu’il en soit, nous reprenons cette proposition qui permettrait de rééquilibrer les efforts nécessaires au financement de notre système de sécurité sociale en mettant à contribution les revenus financiers de ces grands groupes financiers et non financiers au même niveau que les salaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à assujettir les revenus financiers des sociétés financières et non financières à une contribution d’assurance vieillesse. Le taux serait égal à la somme des taux de cotisation d’assurance vieillesse patronale et salariale du secteur privé.
Les auteurs de cet amendement attendent de cette mesure un produit évalué à 30 milliards d’euros. Cela permettrait d’apporter au rééquilibrage des comptes de notre protection sociale une bouffée d’oxygène certaine.
Toutefois, le poids que ferait peser cette contribution d’assurance vieillesse sur l’ensemble des sociétés domiciliées en France ne me semble pas tout à fait cohérent avec le nécessaire besoin de compétitivité de l’activité économique. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Cet amendement relève d’une réflexion plus large sur la réforme du financement de la protection sociale, réflexion actuellement menée par le Haut Conseil du financement de la protection sociale. L’incidence de la mesure proposée, beaucoup trop brutale pour les entreprises, serait de l’ordre de 30 milliards d’euros.
À titre subsidiaire, tel qu’il est actuellement rédigé, il est probable que cet amendement n’est pas conforme au droit communautaire. En effet, son adoption provoquerait la taxation des dividendes intragroupes.
Pour ces raisons, tant juridique qu’économique, le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 173, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le 5° bis de l’article L. 213-1, sont insérés un 5° ter et un 5° quater ainsi rédigés :
« 5° ter Le recouvrement de la contribution mentionnée à l’article L. 242-7-2 du présent code ;
« 5° quater Le contrôle et le contentieux du recouvrement prévu aux 1°, 2°, 3°, 5°, 5° bis et 5° ter ; »
2° Après la section 1 du chapitre 1er du titre 4 du livre 2, il est rétabli une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Cotisations assises sur la masse salariale
« Art. L. 242-7-2. – I. – Pour l’application du présent article :
« La répartition des richesses des sociétés à l’échelle nationale est définie annuellement par le calcul du ratio Rn de la masse salariale augmentée des dépenses de formation sur la valeur ajoutée augmentée des produits financiers au sens de l’article L. 245-16 de l’ensemble des sociétés ayant leur siège sur le territoire français ;
« La répartition des richesses des sociétés à l’échelle des sections du niveau 1 de la nomenclature des activités françaises de l’Institut national de la statistique et des études économiques en vigueur est définie annuellement par le calcul du ratio Rs, correspondant au ratio moyen Re de l’ensemble des sociétés qui composent la section ;
« La répartition des richesses d’une société est définie annuellement par le calcul du ratio Re de la masse salariale augmentée des dépenses de formation sur la valeur ajoutée augmentée des produits financiers au sens de l’article L. 245-16 de la société ;
« Les ratios Rn et Re de l’année précédant la promulgation de la loi n° …du … garantissant l’avenir et la justice du système de retraites servent de référence pour le calcul des taux de variation annuels de Rn, et Re exprimés en %.
« II. – Les sociétés immatriculées au registre du commerce et des sociétés conformément à l’article L. 123-1 du code de commerce s’acquittent annuellement, selon les modalités définies au présent article, d’une cotisation additionnelle d’assurance vieillesse calculée en fonction de l’écart entre le ratio Re et le ratio Rs d’une part, et d’une cotisation additionnelle d’assurance vieillesse calculée en fonction de l’écart entre les taux de variation de Re et de Rn d’autre part.
« Les sociétés dont le ratio Re est supérieur ou égal au ratio Rs de la section de laquelle elles relèvent, ou dont le taux de variation annuel du ratio Re est positif ou nul et supérieur au taux de variation annuel du ratio Rn, restent assujetties aux taux de cotisation d’assurance vieillesse de droit commun.
« Les sociétés dont le niveau annuel de Re est inférieur au niveau annuel de Rs de la section dont elles relèvent s’acquittent d’une cotisation additionnelle d’assurance vieillesse assise sur la totalité de leur masse salariale dont le taux est égal à l’écart entre Rs et Re.
« Les sociétés dont le taux de variation annuel du ratio Re est positif ou nul mais inférieur au taux de variation du ratio Rn, ou négatif, s’acquittent d’une cotisation additionnelle d’assurance vieillesse assise sur la totalité de sa masse salariale, dont le taux est égal à l’écart entre les taux de variation Rn et Re.
« Les cotisations additionnelles mentionnées au présent article sont cumulatives.
« Les cotisations prévues au présent article ne sont pas déductibles de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.
« Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes caisses d’assurance vieillesse. »
II. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Avec cet amendement, nous continuons à défendre, au sein de cet hémicycle, des propositions concrètes destinées à assurer l’avenir de notre système de protection sociale, des propositions que nous voudrions partager au moins avec l’ensemble de la gauche, mais, je l’avoue, l’exercice est compliqué !
Nous proposons d’instaurer une modulation, que l’on pourrait qualifier d’« intelligente », des cotisations sociales en fonction de la politique salariale des entreprises. Nous avions déjà présenté un amendement similaire lors de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 et pour 2013. Le rapporteur général était convenu que la proposition ne manquait pas d’intérêt, mais il lui semblait préférable d’attendre que le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie ait remis son rapport avant d’envisager cette mesure. Soit !
Mais pendant ce temps, la sécurité sociale souffre de déficits, que nos concitoyennes et concitoyens subissent eux aussi ! Et l’étau financier qui l’enserre rend impossible l’amélioration des conditions d’accès aux soins de nos concitoyens. Cette situation justifie, selon le Gouvernement, la prise de mesures, en matière de retraites, particulièrement injustes à notre sens, mesures qui ne pourraient pas être imposées de cette façon si les comptes sociaux se trouvaient à l’équilibre !
On ne peut plus attendre ! Le moment est donc venu, mes chers collègues, d’adopter cet amendement, dont les mécanismes sont fort simples derrière une apparente complexité. Les entreprises qui augmenteraient la part des salaires et favoriseraient l’emploi et la formation verraient leurs cotisations allégées, alors que celles qui, à l’inverse, privilégieraient la rentabilité financière, devraient supporter des cotisations alourdies.
Je pense que cette modulation contribuerait à faire pression sur les logiques financières des entreprises. Dans le même temps, elle dégagerait des moyens nouveaux pour la protection sociale. Une telle disposition récompenserait, en quelque sorte, les entreprises vertueuses.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les auteurs de cet amendement proposent une modulation des cotisations patronales d’assurance vieillesse en fonction des choix opérés par les entreprises en matière de répartition des richesses. Cela vient d’être dit, la même proposition a déjà été défendue lors des derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.
Elle porte sur les modalités de financement de la protection sociale, c’est-à-dire sur la définition éventuelle d’une autre assiette que celle qui existe aujourd’hui.
Il s’agit de créer, pour les entreprises, des cotisations sociales additionnelles selon qu’elles respectent ou non deux ratios, d’une part, un ratio de répartition des richesses de l’entreprise par rapport à l’évolution moyenne du ratio de répartition des richesses à l’échelle nationale et, d’autre part, un ratio de répartition des richesses de l’entreprise par rapport au ratio moyen de répartition des richesses du secteur dont elle relève.
Cet amendement contribue sans aucun doute au nécessaire débat sur les modalités de financement de notre protection sociale. Des solutions nouvelles devront probablement être proposées, mais elles supposeront des choix et des arbitrages.
L’adoption de l’amendement n° 173 reviendrait à opérer un choix, à mon sens, prématuré. En effet, les éléments de nature à arrêter une décision parfaitement incontestable ne sont pas disponibles ; je pense, notamment, à l’indispensable étude d’impact qui permettrait de connaître les entreprises qui paieraient des cotisations élevées, celles qui acquitteraient de moindres cotisations, ainsi que d’en déterminer les proportions.
On peut s’interroger sur le dispositif proposé. Permet-il de mesurer correctement la diversité des situations dans lesquelles se trouvent les secteurs, les entreprises implantées sur notre territoire ?
Je confirme la proposition d’attendre les conclusions que le Haut Conseil du financement de la protection sociale produira avant d’accepter une réforme d’une aussi grande ampleur et dont nous ne connaissons pas les conséquences précises.
Pour toutes ces raisons, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 173.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement non pas parce que la réflexion qu’il engage sur le système de protection sociale n’est pas intéressante, mais parce qu’elle a une dimension tectonique, structurelle. De surcroît, elle implique une expertise dont nous ne disposons pas.
De plus, l’adoption de cet amendement aurait des effets collatéraux qui ne sont pas mesurés aussi précisément que cela serait souhaitable.
La réflexion sur ce sujet se déroule actuellement au sein du Haut Conseil du financement de la protection sociale et doit se poursuivre. Cependant, en l’attente de son résultat et en l’absence d’étude d’impact et d’éléments d’évaluation plus précis, le Gouvernement ne peut pas, sans prendre un risque sérieux – y compris pour les équilibres de notre système de protection sociale – émettre un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 174, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le VII de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À la première phrase, le pourcentage : « 10 % » est remplacé par le pourcentage : « 50 % » ;
2° À la seconde phrase, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « deuxième ».
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Comme vous le savez, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe CRC est particulièrement attaché au mécanisme de financement de la sécurité sociale qui doit, théoriquement, reposer sur les cotisations sociales. Celles-ci représentent, en réalité, une ponction sur les richesses créées par les salariés. Parce qu’elles sont mutualisées entre tous les travailleurs, elles constituent un salaire socialisé, garantissant le financement de notre régime de protection sociale selon une règle claire : chacun cotise selon ses moyens et perçoit selon ses besoins.
Pourtant, sous l’impulsion des logiques libérales de réduction du coût du travail, les gouvernements successifs ont mis en place ou maintenu des mécanismes d’exonérations de cotisations sociales, c’est-à-dire de réduction du salaire socialisé. Cette dernière ne profite qu’aux plus riches, qui se partagent ainsi une part plus large de bénéfices.
Disons-le clairement, celles et ceux qui réduisent les cotisations sociales baissent les salaires pour augmenter les revenus des actionnaires. Ils diminuent également le pouvoir d’achat des salariés, puisque l’État compense en partie ces exonérations par des prélèvements fiscaux qui sont majoritairement supportés par les ménages, c’est-à-dire les salariés eux-mêmes !
Alors que certains, à droite, dénoncent le coût du travail, souhaitant que les employeurs ne participent plus au financement de la sécurité sociale, nous avons voulu, quant à nous, contraindre le capital à financer la sécurité sociale. Ces exonérations agissent comme de véritables « trappes à bas salaires » et incitent les employeurs à sous-rémunérer les salariés : moins ces derniers sont payés, plus les employeurs bénéficient d’exonérations. C’est exactement l’inverse de ce qu’il faudrait faire pour inciter les employeurs à investir dans l’emploi de qualité et dans la formation !
Pour toutes ces raisons, nous proposons de réduire, jusqu’à extinction, les exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises qui ne respecteraient pas l’obligation d’engager une négociation sociale annuelle sur les salaires et l’organisation du travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement tend à réduire, puis à supprimer, les exonérations de cotisations sociales patronales, dès lors que l’entreprise ne respecte pas l’obligation d’engager une négociation sociale annuelle sur les salaires et l’organisation du travail.
L’avis de la commission est défavorable, compte tenu du caractère brutal des pénalités proposées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. La loi prévoit déjà la suppression totale des allégements de cotisations en cas de non-respect de l’obligation d’engager une négociation sur les salaires pendant trois années consécutives. Cette pénalité est pleinement efficace, comme le montre d’ailleurs son faible rendement, qui est de l’ordre de 3 millions d’euros.
Il est inutile, selon le Gouvernement, de modifier ces règles et de prendre le risque de porter atteinte au principe de proportionnalité, qui doit toujours s’appliquer en matière de sanctions si l’on veut respecter les principes de droit qui ont prévalu jusqu’à présent.
Pour cette raison, je ne suis pas favorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 175, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter du 1er janvier 2014, les exonérations de cotisations sociales mentionnées à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale sont réduites de 20 %. Cette réduction est appliquée chaque 1er janvier jusqu’à extinction du dispositif.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement – nous en présentons de similaires depuis plusieurs années – vise à réduire progressivement les exonérations de cotisations mentionnées à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale à raison de 20 % par an, jusqu’à extinction complète de ce dispositif. Il s’agit, vous l’avez compris, des « exonérations Fillon », du nom du ministre qui les a instaurées.
Je le rappelle, ces dernières sont présentées comme des mesures incitatives à l’emploi. Nous contestons bien entendu cette idée, et je précise volontiers que la Cour des comptes les a qualifiées, à de très nombreuses reprises, de « trappes à bas salaires ». Effectivement, les entreprises qui voudraient réduire le montant total de leurs cotisations patronales sont incitées à contenir les rémunérations de leurs salariés, puisque plus les salaires sont faibles, moins les employeurs cotisent ! Comment espérer, dans ces conditions, que les salariés puissent obtenir par la voie de négociations de véritables revalorisations salariales ?
Ces exonérations sont régulièrement présentées comme une mesure destinée à favoriser l’emploi des salariés peu qualifiés, en diminuant le coût du travail. On ne connaît que trop cet argument : en France, le coût du travail serait trop important et il faudrait le réduire pour relancer l’emploi.
Nous considérons, au contraire, que ces exonérations plongent les salariés les plus modestes dans un cercle vicieux. Aujourd’hui, 10 millions de salariés voient leurs salaires gelés à un niveau inférieur au seuil à partir duquel l’exonération disparaît. Ne pas abroger ce dispositif revient, au final, à leur interdire toute progression de salaire.
De plus, on le sait, le coût de ces exonérations est énorme pour les comptes sociaux : ce sont plus de 20 milliards d’euros qui font défaut, alors qu’ils pourraient, par exemple, permettre de financer la prise en charge de la dépendance, de supprimer les franchises médicales, voire de rembourser une partie de la dette sociale et arracher ainsi notre régime de protection sociale des griffes des spéculateurs entre lesquelles il se trouve, précisément en raison de son financement défaillant.
Vous trouvez qu’il y a trop de cotisations. Or celles-ci sont, je le rappelle, à l’origine même de notre système de protection sociale et de la politique salariale telle qu’elle a été voulue dès le début.
C’est donc pour garantir sur le long terme le financement de notre système de protection sociale et les besoins nouveaux liés au développement de notre société que nous vous proposons cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement tend à réduire annuellement de 20 %, à compter du 1er janvier 2014, les exonérations de cotisations sociales mentionnées à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, jusqu’à extinction totale du dispositif.
L’avis de la commission est défavorable, pour les raisons évoquées précédemment.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 175.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 10
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au 8° de l’article L. 613-1, la référence : « VII de l’article 151 septies » est remplacée par la référence : « 2 du IV de l’article 155 » ;
2° L’article L. 633-10 est ainsi modifié :
a) À la fin de la première phrase du premier alinéa, les mots : « , dans la limite d’un plafond, dans des conditions déterminées par décret » sont supprimés ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Ces cotisations sont assises pour partie sur le revenu d’activité dans la limite du plafond mentionné au premier alinéa de l’article L. 241-3 et pour partie sur la totalité du revenu d’activité. Les taux des cotisations sont fixés par décret. La somme de ces taux est égale à la somme des taux fixés en application des deuxième et avant-dernier alinéas du même article L. 241-3. » ;
c) Les troisième et dernier alinéas sont supprimés.
II. – Le I s’applique aux cotisations dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2014.
M. le président. L’amendement n° 105, présenté par M. Milon, Mmes Boog et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, M. Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet et Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. En plus de la cotisation vieillesse de base plafonnée, qui augmentera de 0,1 point en 2014, les artisans, commerçants et indépendants seront soumis à une nouvelle cotisation sur l’ensemble de leurs revenus d’activité. Le Gouvernement entend faire porter la hausse de la cotisation vieillesse décidée lors de la réforme des retraites sur cette nouvelle cotisation, la portant ainsi à 0,3 % en 2014.
Cette hausse devrait être progressive, sur quatre ans : 0,15 point pour les actifs en 2014, puis 0,05 point les années suivantes.
Elle affectera une nouvelle fois le pouvoir d’achat des travailleurs indépendants, lourdement mis à contribution depuis un an. En effet, je le rappelle, le Gouvernement avait déjà procédé l’année dernière à une augmentation des cotisations sociales du régime social des indépendants à hauteur de 1,5 milliard d’euros. À l’heure où l’économie française traverse une période difficile et où il importe de ne pas décourager l’initiative entrepreneuriale, essentielle pour soutenir la croissance et maintenir les emplois dans notre pays, cette nouvelle hausse de prélèvements est, selon nous, particulièrement inopportune.
Nous nous sommes opposés au projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites – nous n’étions pas les seuls ! –, en dénonçant notamment la hausse des cotisations qui renchérit le coût du travail. Pour la même raison, nous demandons la suppression de l’article 10.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à supprimer l’article 10 déplafonnant une partie des cotisations retraite des commerçants et des artisans.
Je tiens à rappeler, à titre liminaire, que ce déplafonnement est en phase non seulement avec la réforme des retraites, mais aussi avec les mesures prises l’an dernier dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale concernant les cotisations maladie des affiliés au RSI.
Je souhaite par ailleurs préciser que ce déplafonnement, compte tenu de ses modalités de mise en œuvre, ne visera qu’une minorité seulement des commerçants et des artisans, pour un montant de cotisations supplémentaires limité.
En effet, il ne s’appliquera qu’aux commerçants et artisans dont le niveau de salaire annuel atteint au minimum 37 000 euros, soit un salaire mensuel d’un peu moins de 3 000 euros. Les petits artisans et commerçants percevant le SMIC ne seront donc pas appelés à contribuer.
Selon l’étude d’impact du projet de loi, cette mesure ne devrait toucher que 24 % des artisans et 22 % des commerçants.
Le déplafonnement devrait par ailleurs entraîner pour ceux-ci en 2014 une hausse de cotisation de 37 euros pour un revenu annuel égal à 50 000 euros, de 187 euros pour un revenu annuel égal à 100 000 euros, de 1 387 euros pour un revenu annuel égal à 500 000 euros, et de 2 887 euros pour un revenu annuel égal à 1 000 000 euros.
Au vu de ces différents éléments, la commission des affaires sociales émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mon argumentation sera la même que celle du rapporteur général.
Si nous ne procédons pas à ce déplafonnement, les commerçants et les artisans les plus riches, ou les moins en difficulté, c’est-à-dire ceux dont le niveau de rémunération est supérieur à 37 032 euros, se verront exemptés de l’effort demandé à l’ensemble des Français pour contribuer au rétablissement des régimes de retraite.
Permettez-moi de vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, de quelle manière le dispositif fonctionnera : sera appliquée une augmentation de 0,3 % des cotisations pour les commerçants qui sont leur propre employeur, 0,15 % au titre de leur cotisation salarié, et 0,15 % au titre de leur cotisation employeur. Seules seraient déplafonnées les cotisations employeur situées au-dessus de ce qu’ils perçoivent actuellement, et simplement pour ceux dont les rémunérations sont les plus élevées.
Si cette disposition n’était pas adoptée et si l’article 10 était supprimé, un dispositif injuste serait mis en place.
Par ailleurs, comme vous le savez, la cotisation employeur est compensée par une diminution à due concurrence de la cotisation famille qui, elle, est déplafonnée.
Pour des raisons de cohérence globale, le Gouvernement ne souhaite ne pas retenir cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je soutiendrai cet amendement de suppression de l’article 10, même si je respecte la position de M. le rapporteur général et de M. le ministre.
Comme l’a dit M. Milon, la situation des artisans, commerçants et indépendants est de plus en plus difficile, car ils doivent faire face à une rude concurrence et à des charges de plus en plus lourdes, raison pour laquelle nombre d’artisans ne trouvent pas de successeurs. Et voilà qu’ils doivent subir une augmentation de leurs cotisations !
Le rapporteur général a indiqué que cette mesure ne toucherait que 24 % des artisans et 22 % des commerçants. Certes, mais elle s’ajoute, hélas, à bien d’autres charges et taxes, ce qui représente des sacrifices supplémentaires pour ces personnes qui ne comptent pas leur temps et travaillent souvent sept jours sur sept.
Nous comprenons bien, à l’heure où nous examinons le volet recettes, qu’il n’est pas simple d’équilibrer les comptes de la Nation, mais au vu des arguments de M. Milon, je ne peux, je le répète, que soutenir son amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. En écoutant M. le rapporteur général, j’ai failli renoncer à prendre la parole. Afin de nous rassurer, il nous a en effet promis que cette mesure ne s’appliquerait qu’aux riches, c’est-à-dire les indépendants dont le revenu mensuel s’élève au moins à 3 000 euros. (Sourires sur les travées de l'UMP.) Ces propos font penser à ceux du candidat à la présidence de la République qui avait fixé la barre au-delà de laquelle on est riche à 4 000 euros par mois.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je n’ai pas parlé de riches !
M. Jean-Noël Cardoux. Je le dis sous la forme d’une plaisanterie, mais nous sommes bien en pleine incohérence.
Vous avez aussi rappelé, monsieur le rapporteur général, les mesures prises l’année dernière, comme s’il s’agissait d’un trésor de guerre que vous aviez dégagé. Or elles ont tout de même contribué à alourdir les cotisations sociales et fiscales des travailleurs indépendants de plus de 1 milliard d’euros, avec le déplafonnement des cotisations maladie, la suppression de l’abattement forfaitaire de 10 % et la taxation pour les petites sociétés de ce que vous appelez des « dividendes ». Excusez du peu… Et vous en remettez une couche cette année !
Je ne ferai pas un inventaire à la Prévert : j’aurais peur d’oublier un certain nombre d’éléments et ce serait par trop fastidieux pour vous, mes chers collègues. Vous connaissez en effet la plupart de ces mesures, quand vous ne les avez pas votées. J’ajouterai, pour l’anecdote, que la fameuse augmentation de 0,15 % des cotisations de retraite sera compensée par une réduction des cotisations familiales.
S’agissant de la loi de sécurisation de l’emploi, il faut savoir que la mutuelle obligatoire représente une charge très élevée pour les entreprises de deux ou trois salariés et les entreprises indépendantes.
Quant au « compte pénibilité », que l’Assemblée nationale ne manquera pas de rétablir, il sera un vrai casse-tête pour les petites entreprises : incapables de le gérer, elles devront acquitter, par voie de conséquence, des frais de fonctionnement supplémentaires.
Autre mesure compensatrice inutilisable, le fameux crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi est si complexe que les indépendants ou les entreprises comptant un ou deux salariés ne sont pas en mesure d’y recourir efficacement. Au vu du rendement attendu, nombre de petites entreprises préfèrent jeter l’éponge et y renoncer.
Je souligne également – nous allons débattre de ce sujet lors de l’examen du projet de loi de finances – que l’augmentation annoncée de 10 % de la TVA, en particulier pour les entreprises du bâtiment, conduira à la catastrophe la plupart des petits artisans indépendants.
Tout le monde sait bien de surcroît que cette hausse favorisera du même coup le travail au noir, tant il est vrai que trop d’impôt tue l’impôt. Le fameux adage fera une nouvelle fois la démonstration de sa pertinence !
Cerise sur le gâteau, le dysfonctionnement récurrent du régime social des indépendants, dont nous aurons l’occasion de reparler dans le cadre de ce débat, conduit certaines professions artisanales ou libérales à surprovisionner leurs cotisations, ce qui entraîne des dépôts de bilan, les entreprises se trouvant dès lors totalement asphyxiées.
Cela fait beaucoup ! Et avec l’article 10, sous couvert d’équité, on en rajoute encore une couche !
La coïncidence de nos débats avec l’action lancée par l’UPA, l’Union professionnelle artisanale, ces derniers jours est parlante. Tous les professionnels du secteur nous lancent une supplique, un cri d’alarme : « Pitié, cessez de nous asphyxier, nous voulons vivre ! »
Pour conclure, je livrerai la traduction objective de ma pensée sur ce qui se passe actuellement : les indépendants sont les laissés-pour-compte d’une politique gouvernementale incohérente contribuant à détruire l’initiative individuelle et l’esprit entrepreneurial dans notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Pour ma part, j’ai déposé l’amendement n° 300 rectifié et la majorité des membres de mon groupe a déposé l’amendement n° 286 rectifié, dont les objets sont finalement assez proches de la suppression totale de l’article 10.
L’assiette des cotisations d’assurance vieillesse est actuellement plafonnée. Elle est très large, puisqu’elle repose sur le bénéfice industriel et commercial de l’entreprise. Le déplafonnement prévu fragilisera une nouvelle fois les travailleurs indépendants. Monsieur le ministre, vous visez les plus riches, dites-vous ; j’ai peur qu’un certain nombre d’artisans et de commerçants, qui sont déjà très fortement mis à contribution, n’apprécient pas d’être rangés dans cette catégorie…
Vous allez alourdir les charges de petites entreprises particulièrement malmenées par la crise, au risque de mettre en péril leur existence.
Selon la Banque de France, les faillites d’entreprises de moins de 11 salariés ont augmenté de 4,3 % entre le mois d’août 2012 et le mois d’août 2013, pour frôler sur les douze derniers mois un nombre proche de 54 000 ! Dans le contexte économique incertain que nous connaissons, cette mesure serait difficilement supportable pour la grande majorité des entreprises qui constituent, ne l’oublions pas, un considérable vivier d’emplois.
Pour cette raison, la majorité des membres du groupe du RDSE votera cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. À l’heure où nous parlons, selon les informations dont nous disposons, les artisans sont dans la rue et entament la deuxième étape du processus. Ils revendiquent leur opposition à l’augmentation de TVA qui leur pend au nez au 1er janvier prochain, alors même qu’ils sont confrontés à des difficultés terribles.
Vous avez réussi à rassembler l’ensemble des fédérations – l’UMIH, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, la CAPEB, la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, l’UPA – qui représentent des millions de petites entreprises et plus encore de salariés. Que disent leurs représentants ? « Notre profession perd un emploi chaque demi-heure », déclarait dans un article de presse le président de la CAPEB. A-t-on les moyens de se le permettre ?
Monsieur le ministre, au nom de la justice, il serait important de déplafonner. Je peux être sensible à cet argument, mais, comme l’écotaxe, cette mesure tombe au mauvais moment ! Ces entreprises n’en peuvent plus. Il est évident que, au nom de la justice, on souhaiterait apporter un certain nombre d’améliorations, mais une décision incomprise ne sera pas acceptée.
À force de taxer ces métiers, il ne faut pas s’étonner de s’exposer à des revendications et à des tensions.
À l’occasion des cérémonies du 11 novembre, nous avons tous discuté avec nos concitoyens dans nos territoires. Le ras-le-bol fiscal, on ne l’a pas inventé !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Mais vous l’alimentez !
M. René-Paul Savary. Ils n’en peuvent plus et nous demandent de faire quelque chose. Le pays est en grande difficulté, les gens sont prêts à descendre dans la rue.
Dans une petite commune rurale, une entreprise de maçonnerie qui emploie dix personnes cessera bientôt son activité, parce que son dirigeant en a assez. Les employés, qui le savent depuis longtemps, ne veulent pourtant pas la reprendre ! La disposition relative au rachat d’une entreprise par les salariés que défend Benoît Hamon ne suffira pas. En l’espèce, ils sont effrayés par les contraintes, les normes, l’équipement, les cotisations, le chiffre d’affaires à générer pour s’en sortir sans même avoir la certitude de dégager des bénéfices ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Et vous en rajoutez encore !
Cette mesure va à l’encontre de l’emploi. Elle relancera le travail au noir, nos concitoyens le savent, et favorisera également le recours à la main-d’œuvre étrangère,…
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Vous ne vous y êtes pas opposés jusqu’à présent !
M. René-Paul Savary. … qui s’est maintenant bien organisée et qui profite de ces difficultés. Les entrepreneurs sont malheureusement régulièrement contraints de solliciter cette main-d’œuvre étrangère, compte tenu des charges sociales que l’on leur impose.
Nous sommes à un moment crucial pour notre économie.
Dois-je rappeler que vous avez également refiscalisé les heures supplémentaires, si bien que nos concitoyens n’ont plus envie de travailler davantage, puisque les contraintes fiscales sont fortes ?
Aujourd’hui, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Monsieur le ministre, permettez-nous d’insister, car la situation est grave !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je comprends les inquiétudes qui sont exprimées. Le Gouvernement est tout à fait conscient de la situation difficile que traversent les artisans et les commerçants. Ceux-ci constituent un ensemble d’acteurs très enracinés sur nos territoires, qui ne délocalisent pas leur activité ; ils représentent le secteur des métiers, un savoir-faire, une compétence, un amour du travail bien fait. En outre, ils entretiennent une relation très forte avec les collectivités locales dans lesquelles ils exercent leur activité et avec les habitants, en particulier dans les territoires ruraux.
Nous savons le rôle que joue le secteur du commerce et de l’artisanat dans notre pays en termes de développement économique. Il est d’ailleurs celui qui crée le plus d’emplois non délocalisables.
J’ai rencontré à plusieurs reprises au cours des dernières semaines les responsables de l’UPA, de la CAPEB et de la FFB, la Fédération française du bâtiment, pour engager avec eux un dialogue sur les problèmes qu’ils rencontrent.
Sur ces sujets qui concernent une population qui souffre depuis très longtemps de la crise, il faut éviter de mettre de l’huile sur le feu,...
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Exactement !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … d’exacerber les antagonismes et d’oublier d’énumérer toutes les difficultés auxquelles elle est confrontée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le premier sujet dont les acteurs de ce secteur me parlent, c’est la concurrence des auto-entrepreneurs, qu’ils estiment déloyale. Vous n’en avez pas dit un mot. Sur ce point, nous cherchons des voies d’apaisement.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Oui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le deuxième sujet de préoccupation, c’est le plan de charges. C'est la raison pour laquelle nous avons inscrit dans le projet de loi de finances pour 2014 un très grand nombre de dispositions de nature à favoriser le secteur de l’artisanat et du bâtiment. Je pense au taux réduit de la TVA sur le logement social et les petites réparations ou à celui sur la rénovation thermique.
Hier – vous n’en avez pas fait état, alors que vous en avez eu connaissance –, deux communiqués de la FFB et de la CAPEB ont indiqué qu’un travail est en cours, ce dont ces organisations se réjouissent, lequel doit aller à son terme et permettre de prendre en compte plus largement les mesures attendues par ces professionnels dans les dispositions relatives à la TVA que nous avons arrêtées. Je tiens ces communiqués à votre disposition et vous les transmettrai.
Sur la simplification, autre sujet important, les attentes sont fortes. Comme vous l’avez souligné avec raison, il n’y a pas que les prélèvements obligatoires, il y a aussi le temps passé en démarches multiples. Nous avons aussi engagé un travail et manifesté notre disponibilité pour instaurer une relation de confiance afin d’alléger un certain nombre de formalités et d’éviter que « l’impôt papier » ne vienne alourdir les difficultés existantes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme je l’ai dit dans une autre assemblée, en matière fiscale, ce n’est pas la dernière tranche de fromage qui fait le taux de cholestérol,...
M. René-Paul Savary. Si, c’est celle-là !
M. Alain Milon. Ce n’est pas une bonne métaphore ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. ... c’est une succession de mauvaises habitudes.
Nous avons donc intérêt à rechercher l’apaisement au lieu d’encourager le poujadisme fiscal.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Oui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Si l’on fait une photographie honnête de l’évolution des prélèvements obligatoires au cours des dernières années, on s’aperçoit qu’il y en a pour tout le monde !
En tant que républicains soucieux de la vérité, et nous sommes un certain nombre dans cet hémicycle, nous serions bien inspirés d’être précis et rigoureux au lieu d’inciter par nos discours à des formes de révolte qui n’ont rien à voir avec la République et qui peuvent même la mettre en danger.
C’est ce que nous faisons dans le cadre des relations de travail continues et quasi quotidiennes que nous entretenons avec les commerçants et les artisans. Je suis convaincu que nous trouverons des solutions qui seront de nature, dans le droit fil des mesures que nous avons déjà prises, à répondre à leurs difficultés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Mon collègue René-Paul Savary a fait la démonstration que nous avions voté la semaine dernière un très bon dispositif relatif à l’économie sociale et solidaire. Quand le texte sera définitivement adopté et promulgué, puisque nous n’en sommes qu’à la première lecture, les salariés de l’entreprise qu’il a prise en exemple pourront bénéficier du dispositif de la SCOP d’amorçage.
M. René-Paul Savary. Ils n’en veulent pas !
Mme Chantal Jouanno. Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. Faire un procès d’intention à un projet de loi que nous venons de voter bien avant qu’il ne soit opérationnel ne me semble pas tout à fait correct. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 105.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe UMP, la seconde, du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 50 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 186 |
Contre | 158 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l'article 10 est supprimé et les amendements nos 300 rectifié et 286 rectifié n’ont plus d’objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces deux amendements, qui faisaient l’objet d’une discussion commune :
L'amendement n° 300 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 8
Supprimer ces alinéas.
L'amendement n° 286 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 6
Supprimer ces alinéas.
Article additionnel après l'article 10
M. le président. L'amendement n° 79 rectifié, présenté par Mme Dini et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase du I bis de l’article L. 241–10 du code de la sécurité sociale, les mots : « par décret » sont remplacés par les mots : « à 1,5 euros ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. L’objet de cet amendement, proposé par Mme Dini, est de doubler la déduction forfaitaire des cotisations patronales pour chaque heure de travail effectuée par un salarié à domicile. En effet, la déduction forfaitaire de 0,75 euro, entrée en vigueur le 1er janvier 2013, n’a pas compensé l’augmentation du coût de l’emploi résultant de la suppression du forfait.
L’amendement prévoit de doubler cet abattement forfaitaire, pour le porter à 1,5 euro.
Il vise aussi à remédier à une double erreur : d’une part, la suppression de la déduction forfaitaire de 15 points des cotisations patronales pour les employeurs qui déclarent leurs salariés au réel – je reconnais toutefois que cette suppression n’est pas imputable à ce gouvernement – ; d’autre part, la suppression de la possibilité pour un particulier employeur de cotiser sur une assiette forfaitaire pour l’emploi d’un salarié domicile.
Après la mise en place, au 1er janvier 2006, de la déduction forfaitaire de 15 points, les heures déclarées avaient progressé de 13,7 % entre 2005 et 2010, soit 26 millions d’heures déclarées en plus. Autrement dit, en cinq ans, 16 500 emplois équivalents temps plein ont été créés ou déclarés par les particuliers employeurs.
Depuis la suppression de ce dispositif de réduction au 1er janvier 2011, on observe l’effet inverse : une dégradation accélérée de l’emploi domicile ou, tout au moins, de l’emploi déclaré, et, par conséquent, des charges payées.
Le nombre d’heures déclarées a fortement diminué, de 4,9 % en 2011 et de 4,5 % en 2012.
Concrètement, cela représente, en 2012, la destruction nette de 6 900 emplois en équivalents temps plein, la baisse de 11 millions des heures déclarées, la perte de 70 millions d’euros de salaires nets, l’alourdissement de 12 % du coût de l’emploi à domicile.
Toujours en 2012, pour la première fois depuis la mise en place de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, en 2004, l’activité de garde d’enfants à domicile, en termes d’heures rémunérées, s’est contractée de 1,1 %. L’activité des assistants maternels est aussi pour la première fois en perte de vitesse en 2012. Le nombre d’heures déclarées n’augmente que de 2 %, après une progression en moyenne annuelle de 3,6 % en 2011, 4,6 % en 2010 et 4,9 % en 2009. Cela peut être dû, pour une part, à la perte d’emploi de l’un des membres du couple, qui, de ce fait, peut se charger de la garde de l’enfant.
Si nous voulons stopper cette hémorragie d’heures travaillées chez les particuliers employeurs, il faut porter à 1,5 euro la déduction forfaitaire sur chaque heure travaillée. On enverra ainsi un signe de confiance à nos concitoyens sur leur capacité à créer de l’emploi et à agir pour plus de cohésion sociale et de solidarité locale. Il s’agit aussi, par cette disposition, de renforcer le pouvoir d’achat des particuliers employeurs, qui se révèle être également du pouvoir d’emplois, du pouvoir d’emplois déclarés. (Mme Chantal Jouanno applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement prévoit de doubler le montant de la déduction forfaitaire accordée aux particuliers employeurs sur la cotisation patronale due au titre des assurances maladie, maternité, invalidité et décès.
Les chiffres du premier trimestre 2013 en matière d’emploi déclaré à domicile sont en effet inquiétants, avec une baisse de 7,9 % du volume horaire déclaré entre le premier trimestre 2012 et le premier trimestre 2013.
Lors de son audition devant notre commission, le directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, nous a indiqué que cette évolution n’était pas uniquement liée à la suppression de l’abattement de 15 points de cotisations dont bénéficiaient les employeurs, puis à la disparition, depuis le 1er janvier dernier, du régime de la déclaration au forfait.
Il avançait trois explications complémentaires pour expliquer ce phénomène : premièrement, un moindre recours, du fait de la crise, aux services de gens de maison ; deuxièmement, un recours accru aux offres de prestations de services des entreprises et associations du secteur ; enfin, troisièmement, la sous-déclaration.
Compte tenu de l’ampleur du recul et de la nécessité de se donner les moyens de l’enrayer, la commission a toutefois émis un avis de sagesse sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. L’amendement n° 79 rectifié prévoit de doubler la déduction forfaitaire pour l’emploi d’un salarié à domicile, qui passerait de 0,75 euro par heure de travail effectuée à 1,5 euro.
Cet amendement aurait pour conséquence de doubler le coût de cette déduction forfaitaire, qui atteindrait alors 400 millions d’euros.
Or je rappelle que cette déduction se cumule déjà avec un très grand nombre de dispositifs, notamment le crédit d’impôt sur le revenu.
Par ailleurs, votre amendement est présenté comme une réponse à la diminution de l’emploi dans le secteur.
Je tiens à cet égard à rappeler que l’emploi dans ce secteur a connu une inflexion dès 2008 et, pour la première fois, une baisse en 2011. Son évolution est avant tout liée au contexte économique. De même, les chiffres du premier trimestre 2013, qui ont donné lieu à des commentaires alarmistes, doivent être nuancés, d’autant qu’ils ne tiennent pas compte de l’emploi à domicile via des prestataires, structurellement plus dynamiques, et que le deuxième trimestre a mis en évidence une stabilisation.
Il n’est donc absolument pas acquis que la suppression de l’assiette forfaitaire, assortie de la mise en place d’une déduction forfaitaire de 75 centimes d’euro, ait impacté négativement l’emploi à domicile et qu’il faille y remédier, qui plus est en alourdissant des dépenses dont nous nous soucions tous de la maîtrise.
Pour l’ensemble de ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Une fois n’est pas coutume, je ne partage pas l’analyse du ministre M. Cazeneuve.
Mme Chantal Jouanno. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. L’an passé, j’avais essayé de convaincre le Gouvernement que la mesure de suppression du forfait n’était certainement pas la mieux adaptée.
La suppression de l’abattement de 15 points date de 2011, la suppression du forfait, de l’an dernier. Ces deux mesures conjuguées ont incontestablement un impact sur les emplois à domicile, pour deux raisons simples.
Premièrement, les personnes qui bénéficiaient de l’abattement de 15 % déclaraient au réel, ce qui était une bonne chose.
Deuxièmement, le forfait présentait l’avantage de permettre à des personnes de payer plus cher leurs employés et de les déclarer au forfait, c’est-à-dire au SMIC, avec un petit avantage à la clé.
La suppression conjuguée de ces deux dispositifs explique en partie selon moi la situation que nous connaissons actuellement.
L’an passé, j’avais déposé un amendement sans réussir à convaincre. Je n’ai pas changé d’avis cette année et je soutiendrai l’amendement de Mme Dini.
J’insiste sur le fait que l’on risque de revenir à la situation qui existait avant la création du CESU, lequel a précisément été conçu pour éviter le travail dissimulé,…
Mme Catherine Procaccia. Vous avez complètement raison !
M. Jean-Pierre Godefroy. … en d’autres termes le travail au noir, qui le plus souvent est d’ailleurs un travail « gris ».
En effet, le risque est aujourd’hui de voir les particuliers employeurs ne déclarer qu’un nombre réduit d’heures, ce qui se retournera immanquablement contre les salariés, qui auront moins de cotisations pour leurs droits sociaux.
M. Michel Savin. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce problème des heures non déclarées n’est pas mince, d’autant qu’il paraît évident que celles-ci ne seront pas payées au même tarif que les heures déclarées. Une transaction s’opérera afin que la personne accepte un salaire plus bas.
J’avais proposé l’an passé de rehausser le forfait de 15 %. Cette mesure aurait permis d’augmenter un peu les salaires de base et les cotisations sociales des salariés, tout en maintenant le forfait.
Il y a donc un vrai problème, qui n’est pas seulement dû à la crise.
Je voudrais insister encore sur les conséquences vraisemblables de cette mesure sur le premier trimestre de l’année prochaine. En effet, les personnes qui ont reçu leur feuille d’imposition se sont récemment aperçues de l’impact de cette disposition, dont les effets se prolongeront toute l’année pour celles qui sont mensualisées.
Il s’agit donc d’une mesure dissuasive, dont nous allons immanquablement ressentir l’impact au premier trimestre 2014. C’est en tout cas ma conviction.
J’insiste aussi sur le fait que les associations ne peuvent pas se substituer à ce type de contrats. Leur champ d’action est différent.
De surcroît, le plus souvent, ces employés naviguent d’un domicile à l’autre, d’un emploi à l’autre. Ils sont dans une situation complexe, qui risque de le devenir plus encore. Si l’un de leurs employeurs diminue leur nombre d’heures, ils ne retrouvent pas nécessairement l’équivalent ailleurs, et il est très difficile dans nos territoires de « recaser » ces personnes sur des emplois pour lesquels elles ne sont pas qualifiées.
Nous devons agir pour protéger ces emplois locaux, non délocalisables.
La suggestion de relever le plafond à 1,5 euro est sans doute une proposition d’appel, qui reprend celle qu’a émise la fédération des particuliers employeurs, la FEPEM.
Quoi qu’il en soit, nous devons réexaminer la question, d’autant que l’an passé, lorsque nous avions voté la suppression du forfait, le Gouvernement nous avait promis un rapport l’année suivante pour faire le point sur la situation. Nous l’attendons toujours !
Pour toutes ces raisons, à titre personnel, je soutiendrai l’amendement de Mme Dini. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Chantal Jouanno applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Après la remarque que vous avez faite tout à l’heure, monsieur Godefroy, peut-être pourrons-nous nous rejoindre sur la distinction à opérer entre transmission d’entreprise et cessation d’activité.
En tout cas, je vous rejoins bien volontiers sur l’analyse que vous venez de faire concernant les emplois aidés.
M. Charles Revet. C’est très bien !
M. René-Paul Savary. Car avec ces mesures, nous en venons à dissuader les gens d’aller plus loin dans l’emploi de personnes à domicile. Cela devient vraiment préoccupant, particulièrement pour les gardes à domicile, où toute charge supplémentaire induit un renchérissement du coût de l’heure, et dans le cadre des forfaits de l’APA pour les personnes âgées ou des prestations de compensation des handicaps pour les personnes dépendantes. La compensation de la dépendance se fait alors à travers des aides dites « humaines ». Or, plus le coût du travail est élevé, moins le nombre d’heures attribuées est important, car les finances publiques ne sont pas multipliables à l’infini. Le coût de cette aide humaine ne doit en effet pas dépasser le montant du forfait.
J’en viens à mon tour au sujet de l’auto-entrepreneur, qui a été abordé par M. le ministre.
On le voit, un certain nombre de personnes ont adopté le statut d’auto-entrepreneur pour proposer des services à domicile, par exemple de jardinage. M. le ministre l’a justement dit, l’employeur peut ainsi bénéficier d’un crédit d’impôt. En fin d’année, les classes moyennes sont tout à fait disposées à recourir à des employés, car elles savent que cela leur ouvrira un crédit d’impôt. Mais elles ne trouvent personne, car les auto-entrepreneurs ont d’ores et déjà réalisé leur chiffre d’affaires et ne veulent pas travailler davantage, sauf à ne pas être déclarés.
Avec ces dispositifs, on en arrive non pas à soutenir l’emploi à domicile, mais à dissuader les employeurs d’employer ces personnes ! Pourtant, ils permettaient à ces salariés, lesquels fournissent une main-d’œuvre qui n’est pas forcément qualifiée, d’avoir des revenus supplémentaires, et aux classes moyennes, déjà largement assommées, d’obtenir des déductions fiscales.
Au final, ces mesures deviennent contre-productives. C'est la raison pour laquelle il est important de les modifier. Au travers de l’amendement proposé par Muguette Dini, nous faisons un pas permettant de redevenir incitatifs, au lieu d’être dissuasifs. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP. – Mme Chantal Jouanno applaudit également.)
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je soutiendrai cet amendement très intéressant proposé par Muguette Dini car il a le mérite de soulever des problèmes essentiels. Les chiffres évoqués lors de sa présentation nous interpellent : la baisse du nombre d’emplois, qui affecte autant le secteur urbain que le milieu rural, serait de 10 %, ce qui concerne de nombreux employeurs et employés.
On parle souvent du maintien à domicile des personnes âgées. Notre collègue Jean-Pierre Godefroy a évoqué les qualités humaines, point important, des employés qui s’occupent de ces personnes âgées. De ce point de vue, leur rôle est irremplaçable. On peut aussi aborder la question de la précarité, parce qu’il n’est malheureusement pas toujours facile de travailler pour plusieurs personnes. Il faut que s’établisse une relation de confiance entre l’employeur et l’employé. Enfin, M. le ministre a rappelé le dispositif du crédit d’impôt qui est également favorable aux salariés.
Par ailleurs, le statut de l’auto-entrepreneur a été évoqué. Nos collègues de la commission de contrôle de l’application de lois, Mme Dini et M. Kaltenbach, ont réalisé un rapport intéressant sur la question. Même s’il est décrié, ce statut, qui a certes des limites, présente aussi des avantages. Les choses ne sont pas si simples.
Je le redis, cet amendement pose un problème bien réel, qui nous concerne tous. Je le voterai donc.
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote.
Mme Muguette Dini. Mes collègues de tous bords ont très bien expliqué les raisons pour lesquelles il faut absolument revenir sur les dispositions adoptées auparavant.
Dans cette histoire, il y a d’un côté l’humain, de l’autre les chiffres.
Quand on parle des particuliers employeurs, on a l’impression qu’il s’agit de gens riches qui ont du personnel de service. Or, mes chers collègues, ces personnes s’organisent en général autrement !
Les particuliers employeurs sont des personnes qui ont besoin d’une aide pour garder les enfants, pour entretenir la maison parce que le couple est très occupé à l’extérieur, pour s’occuper de leurs parents… Tous les parents âgés ne sont certes pas dépendants ou malades, mais nombre d’entre eux ont besoin d’être aidés matériellement pour les petites tâches de la vie quotidienne (M. Gérard Longuet opine.), sans même parler des personnes handicapées qui en ont un besoin absolu !
Ces employeurs ont des employés à temps plus ou moins partiel, et ces derniers ont eux-mêmes plusieurs employeurs.
Que se passe-t-il très concrètement depuis que les deux mesures ont été prises ?
Un ménage consacre une certaine somme de son budget à l’aide à domicile. Comme il ne peut pas dépasser cette somme, il va diminuer le nombre d’heures déclarées. Ainsi, il peut continuer à donner le même montant à son employé, auquel il n’est pas question de baisser son salaire, car il ne gagne déjà pas beaucoup. Le reste de ses heures est payé au noir. Ainsi, l’employé touche la même somme et le ménage ne paye pas plus de charges.
Cela signifie qu’il y a moins de rentrées de charges. Entre le premier trimestre de 2012 et le premier trimestre de 2013, il y a ainsi eu une perte de 26 500 équivalents temps plein. C'est considérable ! Ces emplois n’ont pas généré de charges.
Par ailleurs, certaines cotisations ont augmenté ; je pense aux 0,5 % d’augmentation sur les retraites. Là encore, comme on ne va pas payer moins son employé, on va bien sûr prendre à sa charge ce surcoût. Mais pour éviter de payer plus, on déclarera encore une heure de moins…
Tout cela est source de travail au noir, alors que nous avions réussi à atténuer très considérablement ce phénomène, en faisant appel au sens des responsabilités des employeurs, qui préfèrent que leurs employés soient déclarés, et grâce au refus de ces derniers de travailler au noir, afin de pouvoir toucher une retraite.
Actuellement, le seul point sur lequel la situation a changé pour les employés du particulier employeur, c'est la retraite. Sinon, pour le reste – je pense notamment à la sécurité sociale –, ils ont les mêmes droits.
En diminuant, avec les mesures que nous adoptons, le nombre d’heures déclarées, on est en train de baisser la pension de retraite de ces personnes. Voilà ce que je voudrais vous faire comprendre !
Il ne faut pas oublier non plus qu’une grande partie de ces employés, qui sont pleins de bonne volonté, n’ont pas d’autre qualification : ils ne peuvent donc pas faire autre chose. La Fédération des particuliers employeurs propose des formations afin que ces personnes puissent éventuellement travailler pour une association.
Monsieur le ministre, je vous rappelle que, sans formation, il n’est pas envisageable de travailler dans une association.
Nombre de ces personnes ne sont pas formées. Si certaines ne veulent pas suivre de formation, d’autres le souhaitent afin de pouvoir accéder à un autre poste, plus stable. Et le besoin d’aides à la personne ne va pas aller en diminuant, compte tenu du vieillissement de la population !
Ne déstabilisons pas un système qui fonctionne bien ! Quand on perd 26 500 équivalents temps plein, on perd aussi les charges afférentes, ce qui ne présente aucun intérêt…
Je vous engage donc, mes chers collègues, à voter mon amendement ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. J’ai quelques scrupules à prendre de nouveau la parole, mais je l’avais demandée avant que Mme Dini s’exprime, ce qu’elle a fait dans des termes bien choisis qui montrent qu’elle connaît bien le dossier. Je le connais moi aussi assez bien, pour des raisons personnelles.
Je tiens à le dire ici, les associations qui gèrent des personnels intervenant à domicile lancent un cri d’alarme.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Jean-Claude Lenoir. Deux coups sévères viennent d’être portés contre ses emplois à domicile, pourtant essentiels au maintien des personnes chez elles aussi bien en territoire urbain qu’en milieu rural.
Le premier coup vient de l’ANI, l’accord national interprofessionnel, qui a été validé.
Nous avons questionné le Gouvernement sur le problème qui est posé à ces personnels compte tenu des règles qui ont été négociées au plan national et qui figurent dans l’ANI, pour ce qui est du temps de travail et de l’amplitude. Elles empêchent les personnels d’intervenir le matin pour soigner une personne âgée et de revenir un peu plus tard : il faut raccourcir le délai entre les interventions.
Sur le temps de travail minimum, de nombreuses personnes souhaitent travailler à temps partiel ; Jean-Pierre Godefroy, dont les excellents propos ont montré qu’il connaît également bien la question, pourra le confirmer. Or il est devenu aujourd'hui extrêmement difficile de travailler ainsi.
J’ai interrogé personnellement, comme d’autres l’ont fait, le ministre du travail, Michel Sapin. Il m’a répondu qu’il était effectivement conscient du problème et qu’il envisageait des solutions alternatives, ou en tout cas compensatoires. Je l’ai revu dans un cadre plus privé il y a quelques semaines ; il m’a alors confirmé que le sujet était difficile – j’en conviens – et qu’il était en train d’envisager malgré tout de prendre un décret. Plus récemment, il m’a dit : « Cela va sans doute être difficile ; il faudra sans doute en passer par la loi. – Quand ? – Au début de l’année prochaine. »
Le problème se pose, monsieur le ministre, au 1er janvier 2014. Des milliers d’emplois sont menacés et certaines personnes bénéficiant de cette assistance risquent de se voir privées des soins qui leur sont apportés dans le cadre de l’intervention à domicile.
Le second coup est donc porté là. Je n’ai pas besoin d’argumenter plus longuement : mes collègues l’ont fait. En somme, monsieur le ministre, les personnes âgées risquent de ne plus pouvoir bénéficier d’interventions à domicile fournies par un secteur essentiel au maintien des personnes âgées, qui leur permet de ne pas aller en maison de retraite, et dans certains cas d’être hospitalisées à domicile, ce qui fonctionne de mieux en mieux.
Reste enfin un problème important que ma collègue Mme Dini a posé, celui de la professionnalisation de ces emplois. Celle-ci implique des conventions collectives qui ont évidemment un coût pour l’employeur, pour l’association ou très directement pour la personne qui emploie. Tout cela produit, monsieur le ministre – je le dis avec beaucoup d’insistance –, de graves menaces sur des milliers d’emplois dont on sait qu’ils sont importants pour la vitalisation du milieu rural.
J’appuie sans réserve avec mes collègues l’amendement de Mme Dini.
Je demande à M. le ministre, qui, je le sais, est parfaitement à l’écoute des parlementaires, quelles que soient leur formation politique (M. le ministre opine.) ou leur région d’origine (M. le ministre sourit.), de transmettre cette requête à laquelle je tiens beaucoup. (Mme Colette Mélot applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'UDI-UC.
Je rappelle que la commission s’en est remise à la sagesse du Sénat et que le Gouvernement a émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 51 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 171 |
Pour l’adoption | 171 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.
Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Article 11
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 161-45 est ainsi modifié :
a) Le 4° de l’article L. 161-45 est ainsi rédigé :
« 4° Des produits divers, des dons et legs ; »
b) Les 4° bis, 5° et 6° sont abrogés ;
2° Le IV bis de l’article L. 165-11 est abrogé ;
3° L’article L. 241-2 est ainsi modifié :
a) Il est rétabli un 6° ainsi rédigé :
« 6° Les contributions prévues aux articles L. 245-1, L. 245-5-1 et L. 245-6 ; »
b) Au 7°, les mots : « 1600-0 N, 1600-0 O, 1600-0 R et 1635 bis AE du code général des impôts et les droits perçus au titre » sont remplacés par les mots : « 1600-0 O et 1600-0 R du code général des impôts et les droits perçus au titre des articles 1635 bis AE, 1635 bis AF, 1635 bis AG et 1635 bis AH du même code et » ;
4° Aux articles L. 245-1 et L. 245-5-1, les mots : « et de la Haute Autorité de santé » sont supprimés.
II. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Les articles L. 5123-5 et L. 5211-5-1 sont abrogés ;
2° (nouveau) À l’article L. 5522-1, les mots : « , à l’exception de l’article L. 5211-5-1, » sont supprimés.
III. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° La section V quinquies du chapitre III du titre III de la deuxième partie du livre Ier du code général des impôts est complétée par des articles 1635 bis AF à 1635 bis AH ainsi rédigés :
« Art. 1635 bis AF. – I. – Est subordonné au paiement d’un droit perçu au profit de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés le dépôt de toute demande d’inscription, de renouvellement d’inscription ou de modification d’inscription d’un médicament mentionné à l’article L. 5121-8 du code de la santé publique sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables mentionnée au premier alinéa de l’article L. 162-17 du code de la sécurité sociale ou sur la liste des médicaments pris en charge et utilisés par les collectivités publiques, dans les conditions mentionnées aux articles L. 5123-2 à L. 5123-5 du code de la santé publique.
« II. – Le montant de ce droit est fixé, dans la limite de 5 600 €, par arrêté des ministres chargés du budget, de la santé et de la sécurité sociale. Le montant du droit perçu à l’occasion d’une demande de renouvellement d’inscription ou de modification d’inscription est fixé, dans les mêmes conditions, dans les limites respectives de 60 % et de 20 % du droit perçu pour une demande d’inscription.
« III. – Le versement du droit est accompagné d’une déclaration conforme au modèle prescrit par l’administration. Ce droit est recouvré et contrôlé selon les mêmes garanties et sanctions qu’en matière de droits d’enregistrement.
« Art. 1635 bis AG. – I. – Est subordonné au paiement d’un droit perçu au profit de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés le dépôt de toute demande d’inscription, de renouvellement d’inscription ou de modification d’inscription d’un produit de santé sur la liste prévue au I de l’article L. 165-11 du code la sécurité sociale.
« II. – Le montant de ce droit est fixé, dans la limite de 5 600 €, par arrêté des ministres chargés du budget, de la santé et de la sécurité sociale.
« III. – Le versement du droit est accompagné d’une déclaration conforme au modèle prescrit par l’administration. Ce droit est recouvré selon les mêmes garanties et sanctions qu’en matière de droits d’enregistrement.
« Art. 1635 bis AH. – I. – Est subordonné au paiement d’un droit perçu au profit de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés le dépôt de toute demande d’inscription d’un dispositif médical à usage individuel sur la liste prévue à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale.
« II. – Le montant de ce droit est fixé, dans la limite de 5 600 €, par arrêté des ministres chargés du budget, de la santé et de la sécurité sociale.
« III. – Le versement du droit est accompagné d’une déclaration conforme au modèle prescrit par l’administration. Ce droit est recouvré et contrôlé selon les mêmes garanties et sanctions qu’en matière de droits d’enregistrement. » ;
2° Au III bis de l’article 1647, les mots : « 1600-0 N, 1600-0 O, 1600-0 P et 1600-0 R et sur celui des droits mentionnés à l’article 1635 bis AE » sont remplacés par les mots : « 1600-0 O, 1600-0 P et 1600-0 R et sur celui des droits mentionnés aux articles 1635 bis AE, 1635 bis AF, 1635 bis AG et 1635 bis AH ».
IV. – L’intitulé du 8° du VII de la section 2 du chapitre III du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales est complété par les mots : « et Haute Autorité de santé ».
V. – L’article L. 166 D du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du premier alinéa est supprimée ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« L’administration chargée du recouvrement des droits prévus aux articles 1635 bis AF à 1635 bis AH du code général des impôts et la Haute Autorité de santé mentionnée à l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale se transmettent, spontanément ou sur demande, les informations relatives aux droits prévus aux mêmes articles 1635 bis AF à 1635 bis AH.
« Les destinataires des informations transmises sont astreints, pour les données dont ils ont à connaître en application du présent article, au secret professionnel sous les sanctions prévues à l’article 226-13 du code pénal. »
M. le président. L'amendement n° 302 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
I. – Après l'alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...) Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° Une dotation des régimes obligatoires d'assurance maladie au titre de la procédure prévue par les articles L. 6113–3, L. 6113–4 et L. 6322–1 du code de la santé publique, dont le montant est fixé chaque année par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, versée et répartie dans des conditions fixées par décret. » ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte pour l’organisme concerné résultant du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L'amendement n° 301 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 10
Remplacer les références :
des articles 1635 bis AE, 1635 bis AF, 1635 bis AG et 1635 bis AH
par la référence :
de l’article 1635 bis AE
II. – Alinéas 17, 20 et 23
Supprimer les mots :
perçu au profit de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés
La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter ces deux amendements.
M. Gilbert Barbier. Nous abordons un chapitre un peu particulier, celui du financement de la Haute Autorité de santé.
M. Charles Revet. Sur ce point, du travail reste à accomplir !
M. Gilbert Barbier. Depuis quelques années, un travail d'éclaircissement du financement des agences et des divers organismes a été entrepris. Ainsi, le financement de l'ANSM, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, ne dépend plus, à ce jour, des laboratoires pharmaceutiques.
Le financement de la Haute Autorité de santé, l’HAS, restait encore relativement complexe puisqu'elle bénéficiait d'une part de la contribution des industries pharmaceutiques sur le médicament, à hauteur de 10 % de la taxation sur la promotion des médicaments, la CNAM en percevant 90 %. Pour les dispositifs de santé, la HAS en percevait 44 % et la CNAM, 56 %.
Sans doute dans un souci de simplification, l'article 11 prévoit que ce que percevait la HAS de la part de l'industrie pharmaceutique soit perçu par la Caisse nationale de l’assurance maladie, qui reverserait ensuite cette part à la HAS, accompagnée d'un versement complémentaire au titre des services que cette dernière rend à la demande de la CNAM.
Les amendements que je présente tendent à faire en sorte que la Haute Autorité de santé, qui est un organisme public, ne dépende plus, d'une manière ou d'une autre, d’un financement par l'industrie pharmaceutique.
C’est l’État qui devrait financer cette Haute Autorité. Cela éviterait toute confusion.
Le fait que la CNAM perçoive la redevance sur les médicaments pour la reverser ensuite à la Haute Autorité de santé est un peu complexe. En effet, dans le trajet des autorisations de mise sur le marché du médicament, la CNAM a son rôle à jouer pour l'autorisation de remboursement.
Je souhaiterais que l’on puisse éclaircir totalement ce système de financement de la Haute Autorité de santé, qui est amené à donner des protocoles de traitement et d'évaluation, afin qu’elle ne reste plus dépendante de l’industrie du médicament par le biais de la CNAM. Ce serait plus simple pour tout le monde.
Ces amendements tendent à affecter au budget de l’État ce qui est versé actuellement par l’industrie du médicament et que l'article 11 propose de verser à la CNAM, l’État financerait alors en totalité cette Haute Autorité de santé.
J’ajoute que l'adoption de ces amendements, qui simplifierait le financement de la Haute Autorité de santé, ne devrait pas engendrer de dépenses supplémentaires. Mais elle lèverait toute suspicion à son égard dans ses relations avec l'industrie pharmaceutique et les fabricants de produits de santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L'amendement a pour objet d'affecter à l’État, et non à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, des droits précédemment perçus par la HAS et payés par l’industrie du médicament ou les fabricants de dispositifs médicaux.
On pourrait estimer qu’il s’agit d'un simple problème de tuyauterie, mais le sujet est sérieux ; du reste, cette importante question avait déjà été abordée lors de la réforme du financement de l’Agence nationale de sécurité du médicament. Il est incontestable que les attitudes ont changé et que la perception de droits par une agence sur l’activité d’une industrie à la régulation de laquelle cette agence participe est perçue comme susceptible de créer des liens d’intérêt.
Il est donc souhaitable de couper tout lien entre les agences sanitaires et l’industrie du médicament et des dispositifs médicaux. C’est ce qui est proposé à l’article 11 pour la Haute Autorité de santé. Sur ce point, nous pouvons, je le pense, tous tomber d’accord.
L’amendement de MM. Barbier et Mézard prévoit d’aller plus loin en affectant à l’État les droits actuellement perçus par la Haute Autorité de santé dans l’optique de supprimer tout lien entre la Caisse nationale de l'assurance maladie et l’industrie.
Or, deux points doivent être pris en compte. D’une part, les droits en question sont assis non sur une activité de la CNAM, mais sur celle de la HAS, il n’est donc pas possible à la Caisse d’agir délibérément sur le volume d’activité pour faire varier le montant des droits perçus. D’autre part, ces droits représentent, au regard du budget de la Caisse nationale de l'assurance maladie, des montants relativement modestes.
La part propre des droits perçus au titre de l’activité de la HAS est de 3,6 millions d’euros en 2012 et les parts de contributions affectées représentent 35 millions d’euros à la même date. À titre de comparaison, les recettes de la CNAM pour 2014 représentent 163,7 milliards d’euros... On peut donc considérer que les sommes en questions seront noyées dans la masse.
Pour ces raisons, et surtout parce qu’une modification du dispositif prévu par l’article 11 risquerait de déstabiliser le financement de la Haute Autorité de santé, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. La Haute Autorité de santé est financée à la fois par l’État et par la Caisse nationale de l'assurance maladie. Ce montage présente une certaine cohérence, puisque la Caisse nationale de l'assurance maladie peut faire appel à la Haute Autorité de santé – ce qui n’est pas le cas s’agissant de ses relations avec l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Par ailleurs, il est tout à fait logique que l’État participe au financement de la Haute Autorité de santé.
Pour ces raisons, nous ne sommes pas favorables à cet amendement, qui, comme l'a dit le rapporteur, déstabiliserait profondément le financement et le fonctionnement de la Haute Autorité de santé.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Je voudrais rappeler à l'ensemble de nos collègues que la majorité précédente avait entrepris la même démarche pour le financement de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l'ANSM, dans le cadre du dispositif général relatif à la réforme du médicament et, dans la perspective de renforcer l'indépendance de cette agence, la loi de financement de la sécurité sociale du 21 décembre 2011 avait transféré la perception des taxes et des redevances touchant les laboratoires pharmaceutiques à l’État, et en avait affecté les recettes à la CNAM.
La mise en œuvre de cette réforme conduisant à rompre le lien financier entre l'ANSM et les industries concernées a permis de garantir l'indépendance de l'Agence. Ses missions et son organisation ont par ailleurs été modifiées dans le cadre de la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des autres produits de santé.
En ce qui concerne la Haute Autorité de santé, tout le monde admet qu’elle est une autorité publique, indépendante et reconnue, qui contribue à la qualité de notre système de santé. Comme le souligne le rapport de M. Daudigny, il est avéré que le rendement des prélèvements effectués sur les industries de produits de santé est aléatoire, et que les ressources de la HAS le sont donc aussi.
Par ailleurs, le Conseil des prélèvements obligatoires, dans son rapport de juillet 2013, souligne que la taxe relative à la promotion des médicaments est particulièrement sujette à contentieux étant donné l'imprécision de son assiette.
Il aurait donc été utile de mener une réflexion sur l'intérêt d'une telle taxe. Mais, comme nous sommes convaincus que la fin de la fiscalité affectée aux agences est un facteur de plus grande lisibilité et de meilleure maîtrise des finances publiques, nous voterons l'article.
Quant aux amendements présentés par Gilbert Barbier, j’indique qu’à l'époque, pour l'ANSM, une grande discussion avait porté, de même, sur la question de savoir s'il fallait reverser les cotisations de l'industrie pharmaceutique à la CNAM, ou à l’État. Nous avons décidé de les reverser à la CNAM en nous disant que si nous les reversions à l’État, l'Agence ne retrouverait pas forcément l'intégralité de ces recettes, car il se servirait au passage. Pour la même raison, aujourd'hui, je préférerais que la CNAM continue à percevoir les droits en question.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Les membres du groupe CRC et moi-même estimons que l'amendement de M. Barbier est intéressant. Je l’avoue, je n’ai pas bien saisi la réponse de M. le ministre. Je ne vois toujours pas pourquoi la Haute Autorité serait financée de cette manière, donc par la sécurité sociale, exception faite, évidemment, de la part de sa mission qui relève de l'évaluation et, plus précisément, de la commission de la transparence, qui fixe le prix du médicament et par conséquent son niveau de remboursement par la sécurité sociale.
Pour le reste, l'amendement de M. Barbier me semble aller dans le bon sens et je ne comprends pas que les réponses de M. le rapporteur et du Gouvernement ne prennent pas en compte la problématique abordée.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Je voudrais rappeler un certain nombre d'éléments concernant l'article 11. Comme nous le savons toutes et tous, à la suite du scandale du Mediatior, beaucoup de parlementaires, de journalistes et de médecins s'étaient émus du fait que le financement de la Haute Autorité de santé – on en revient à la problématique de l'amendement – repose sur un certain nombre de taxes prélevées sur les exploitants de spécialités pharmaceutiques.
Je veux rappeler ici tout le travail qui a été produit dans un rapport du Sénat sur la réforme du système du médicament, notamment par notre ancien collègue François Autain. Ce dernier présidait la mission commune d’information sur le Mediator – mission instituée après que le groupe CRC a décidé d'utiliser son droit de tirage –, au nom de laquelle le rapport précité a été fait.
Ce rapport proposait de créer un fonds financé par l’industrie et exclusivement dédié au fonctionnement de la sécurité sanitaire des médicaments : formation, information, etc. Ce fonds public était destiné à assurer le financement de l'AFSSAPS – l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé –, l’information des médecins et des actions de bon usage du médicament pilotées par la HAS, la prise en charge des actuels délégués de l’assurance maladie, le financement des subventions versées à certaines associations de patients ou de victimes ou même à certaines sociétés savantes, le développement professionnel continu des médecins et la mise en place de l’unité de pharmacologie clinique.
Le rapport proposait aussi qu’une partie du produit de la taxe soit rétrocédée à la CNAM, comme c’est aujourd’hui le cas pour les taxes existantes.
Le rapport précisait : « Cette proposition permettrait de mettre fin à l’instabilité du financement des agences. Ainsi, les taxes et redevances représentent en 2011 la totalité des ressources de l’AFSSAPS qui ne bénéficie plus cette année d’aucune dotation budgétaire. Ce fonds public du médicament serait géré par un conseil d’administration formé de représentants des ministères et des organismes d’assurance maladie obligatoire et complémentaire, afin d’assurer, pour chaque agence, un socle de ressources égal à celui dont elle disposait l’année précédant la création du fonds ».
L'esprit de cette proposition se retrouve pour partie dans l'article 11, mais aussi, pour ce qui concerne la fusion de toutes les taxes en une seule, à l’article 12.
C’est la raison pour laquelle nous voterons l’article 11.
3
Dépôt d'un document
M. le président. M. le président du Sénat a reçu, en application de l’article 53 de la loi n° 86–1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) de France Médias Monde pour la période 2013–2015.
Acte est donné du dépôt de ce document.
Il a été transmis à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, à la commission des finances, ainsi qu’à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
4
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 13 novembre 2013, qu’en application de l’article 61–1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 497 du code de procédure pénale et l’arrêt de la Cour de cassation du 16 juillet 2010 (exercice du droit d’appel) (2013–363 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Didier Guillaume.)
PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 actuellement en cours d’examen.
Cette liste a été affichée conformément à l’article 12, alinéa 4 du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
6
Financement de la sécurité sociale pour 2014
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2014.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 12.
Article 12
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 238 bis GC est ainsi rédigé :
« Art. 238 bis GC. – Les contributions dues par les entreprises assurant l’exploitation d’une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques sont exclues des charges déductibles pour l’assiette de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés conformément au IX de l’article L. 245-6 du code de la sécurité sociale. » ;
2° L’article 1600-0 N est abrogé. La taxe mentionnée à cet article demeure cependant exigible pour toutes les ventes de médicaments et de produits de santé réalisées jusqu’au 31 décembre 2013 ;
3° L’article 1600-0 Q est ainsi modifié :
a) Aux premier et second alinéas du I et au II, la référence : « 1600-0 N, » est supprimée ;
b) Au second alinéa du III, les mots : « de manière séparée » et les mots : « afférente aux ventes de médicaments et produits de santé mentionnés au II de l’article 1600-0 N et celle » sont supprimés ;
c) (nouveau) Il est ajouté un IV ainsi rédigé :
« IV. – Lorsque le montant des taxes mentionnées aux articles 1600-0 O et 1600-0 P est inférieur ou égal à 300 €, les redevables sont dispensés du paiement de la taxe ainsi que du dépôt de la déclaration mentionnée au I. » ;
4° (Supprimé)
II. – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 166 D du livre des procédures fiscales, les mots : « des taxes prévues aux articles 1600-0 N et » sont remplacés par les mots : « de la taxe prévue à l’article ».
III. – L’article L. 5121-18 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « des taxes prévues aux articles 1600-0 N et 1600-0 O du code général des impôts » sont remplacés par les mots : « de la contribution prévue au I de l’article L. 245-6 du code de la sécurité sociale et de la taxe prévue à l’article 1600-0 O du code général des impôts » et, après les mots : « ces taxes », sont insérés les mots : « ou contributions » ;
2° (nouveau). – Le second alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les ventes des médicaments exclus de l’assiette de la contribution prévue à l’article L. 245-6 du code de la sécurité sociale en application du III du même article doivent également faire l’objet de la déclaration prévue au premier alinéa du présent article par la personne qui assure en France l’exploitation, au sens de l’article L. 5124-1 du présent code, de ces médicaments.
« Toute personne qui assure en France l’exploitation, au sens du même article L. 5124-1, et la vente en France d’un médicament ayant fait l’objet d’une autorisation temporaire d’utilisation mentionnée au 1° du I de l’article L. 5121-12 est également tenue d’adresser à l’agence et au comité la déclaration des ventes réalisées pour ce médicament prévue au premier alinéa du présent article. »
IV. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Au 2° du II de l’article L. 245-2, après la référence : « L. 162-16 du présent code », sont insérés les mots : « ou celles pour lesquelles, en l’absence de tarif forfaitaire de responsabilité, le prix de vente au public des spécialités de référence définies au a du 5° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique est identique à celui des autres spécialités appartenant au même groupe générique » ;
3° À la fin de l’intitulé de la section 2 bis du chapitre V du titre IV du livre II, les mots : « prises en charge par l’assurance maladie » sont supprimés ;
4° L’article L. 245-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 245-6. – I. – Il est institué une contribution des entreprises assurant l’exploitation en France, au sens de l’article L. 5124-1 du code de la santé publique, d’une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques.
« II. – La contribution prévue au I du présent article est assise sur le chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer au cours d’une année civile au titre des médicaments bénéficiant :
« 1° D’un enregistrement, au sens des articles L. 5121-13 et L. 5121-14-1 du code de la santé publique ;
« 2° D’une autorisation de mise sur le marché, au sens de l’article L. 5121-8 du même code, délivrée par l’agence mentionnée à l’article L. 5311-1 dudit code ;
« 3° D’une autorisation de mise sur le marché délivrée par l’Union européenne, au sens du titre II du règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments ;
« 4° D’une autorisation d’importation parallèle, en application de l’article L. 5124-13 du même code.
« III. – Sont exclus de l’assiette prévue au II du présent article :
« 1° Les spécialités génériques définies à l’article L. 5121-1 du code de la santé publique, hormis celles qui sont remboursées sur la base d’un tarif fixé en application de l’article L. 162-16 du présent code ou celles pour lesquelles, en l’absence de tarif forfaitaire de responsabilité, le prix de vente au public des spécialités de référence définies au a du 5° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique est identique à celui des autres spécialités appartenant au même groupe générique ;
« 2° Les médicaments orphelins désignés comme tels en application du règlement (CE) n° 141/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1999, concernant les médicaments orphelins, dans la limite de l’indication ou des indications au titre de laquelle ou desquelles la désignation comme médicament orphelin a été accordée par la Commission européenne et sous réserve que le chiffre d’affaires remboursable ne soit pas supérieur à 20 millions d’euros.
« IV. – Le chiffre d’affaires servant d’assiette à la contribution prévue au I du présent article s’entend déduction faite des remises accordées par les entreprises et des ventes ou reventes à destination de l’étranger. Les revendeurs indiquent à l’exploitant de l’autorisation de mise sur le marché les quantités revendues ou destinées à être revendues en dehors du territoire national pour une liste de produits fixée par arrêté et dans des conditions définies par une convention tripartite passée entre l’État, un ou plusieurs syndicats ou organisations représentant les entreprises fabriquant ou exploitant des médicaments et un ou plusieurs syndicats ou organisations représentant les grossistes-répartiteurs.
« V. – Le taux de la contribution prévue au I du présent article est fixé à 0,17 %.
« VI. – Une contribution additionnelle à la contribution prévue au I est instituée pour les seules entreprises assurant l’exploitation en France, au sens de l’article L. 5124-1 du code de la santé publique, d’une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement par les caisses d’assurance maladie en application des deux premiers alinéas de l’article L. 162-17 du présent code ou des spécialités inscrites sur la liste des médicaments agréés à l’usage des collectivités.
« VII. – La contribution additionnelle prévue au VI du présent article est assise sur le chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer au cours d’une année civile au titre des spécialités pharmaceutiques répondant aux conditions prévues aux II, III et IV du présent article et inscrites sur les listes mentionnées aux deux premiers alinéas de l’article L. 162-17 du présent code ou sur la liste mentionnée à l’article L. 5123-2 du code de la santé publique.
« VIII. – Le taux de la contribution additionnelle prévue au VI du présent article est de 1,6 %.
« IX. – Les contributions prévues aux I et VI sont exclues des charges déductibles pour l’assiette de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés.
« X. – Les contributions prévues aux I et VI sont instituées au profit de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés. Elles sont versées de manière provisionnelle le 1er juin de l’année au titre de laquelle elles sont dues, pour un montant correspondant à 95 % du produit du chiffre d’affaires défini pour chacune d’elles et réalisé au cours de l’année civile précédente par leur taux respectif. Une régularisation intervient au 1er mars de l’année suivant celle au titre de laquelle les contributions sont dues.
« XI. – Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État. »
V. – Le 4° du IV du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2014.
M. le président. L'amendement n° 176, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet article a pour objet de fusionner la taxe sur le chiffre d’affaires des laboratoires et la taxe sur les premières ventes de médicaments.
Cette fusion s’opère par la suppression de la taxe sur les premières ventes de médicaments et par l’élargissement de la contribution sur le chiffre d’affaires avec la mise en place d’une contribution de base et d’une contribution additionnelle.
Nos collègues de droite, tout du moins à l’Assemblée nationale, se sont insurgés contre cette mesure en évoquant, tout comme l’ont déploré certaines entreprises du médicament, une perte de 16 millions d’euros.
Pour ma part, je veux simplement rappeler que les entreprises du médicament bénéficieront largement du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, mis en avant par le Gouvernement. Pour ne prendre qu’un exemple, Sanofi percevra à lui seul 40 millions d’euros tandis que des sites ferment et que des emplois sont ainsi supprimés d’un trait de plume.
Je crois que la santé financière des entreprises du médicament d’une manière générale est loin d’être inquiétante, avec des profits et des dividendes dont se réjouissent les actionnaires, quand les salariés, eux, se révoltent face à leurs emplois supprimés.
Dans cet article 12, le Gouvernement affirme que cette mesure est neutre financièrement pour les laboratoires afin de respecter l’engagement qu’il a pris le 5 juillet dernier devant le Conseil stratégique des industries de santé, le CSIS.
Mais d’après l’étude d’impact jointe à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, il semble que cette disposition fera perdre 10 millions d’euros par an à l’assurance maladie dès 2014, recettes qui sont destinées, je le rappelle, à la CNAMTS.
En effet, le rendement de la taxe sur les premières ventes de médicaments s’élevait à 43 millions d’euros, et malgré une évolution du taux de la taxe sur le chiffre d’affaires la perte de recettes est importante.
Cette fusion ne nous semble donc pas au final une bonne opération pour notre système de protection sociale. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet article 12, qui entraînera un manque à gagner important. Je tiens d’ailleurs à souligner que nous proposons cette suppression en raison non pas de la mesure en elle-même, mais de ce manque à gagner.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’objet de l’amendement est donc la suppression de la fusion de la contribution sur le chiffre d’affaires des laboratoires pharmaceutiques et de la taxe sur les premières ventes de médicaments.
Cet article 12 vise à simplifier et à clarifier la taxation du chiffre d’affaires des laboratoires pharmaceutiques. Il s’agit d’un effort bienvenu dans une matière caractérisée par sa particulière complexité, ainsi que l’a mis en évidence un rapport d’octobre 2012 de l’IGF, l’Inspection générale des finances, et de l’IGAS, l’inspection générale des affaires sociales.
Les modalités de cette fusion ont été déterminées de manière à garantir la neutralité de la mesure pour les laboratoires pharmaceutiques comme pour les finances publiques.
Si la répartition du produit de la nouvelle taxe entre l’État et l’assurance maladie se trouve réaménagée à la marge, il ne s’agit pas ici de faire bénéficier les laboratoires pharmaceutiques d’un quelconque allégement ou d’une quelconque augmentation de charges.
Au vu de ces éléments, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord vous rassurer quant à l’impact financier de la mesure de simplification prévue à l’article 12.
En effet, il est bien prévu, comme vous le souhaitez, que la fusion des taxes envisagée par cet article soit neutre pour les finances publiques comme pour les industriels, conformément à l’engagement pris lors des travaux du CSIS.
Ainsi, le taux de la contribution de base, qui remplace la taxe sur les premières ventes de médicaments, a été calculé en tenant compte du fait que les industriels devront payer plus d’impôt sur les sociétés, la nouvelle taxe n’étant pas déductible de l’impôt sur les sociétés, contrairement à la situation actuelle.
Il y aura donc effectivement un moindre rendement de la taxe, à hauteur d’environ 10 millions d’euros, retranscrit dans le présent PLFSS, mais il sera totalement compensé par un gain équivalent dans le budget de l’État sous la forme de recettes supplémentaires d’impôt sur les sociétés qui ne sont pas retranscrites dans le PLFSS.
Comme vous le voyez, les industriels ne paieront ni plus ni moins qu’aujourd’hui et par conséquent je vous invite à retirer votre amendement, madame la sénatrice.
M. le président. Madame Cohen, l'amendement n° 176 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 177, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 31, première phrase
Supprimer les mots :
et des ventes ou reventes à destination de l’étranger
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, il s’agit ici d’un amendement de repli, puisque notre amendement de suppression n’a pas été adopté.
À l’occasion de l’examen par les députés de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, le député UMP Yves Bur avait introduit, par voie d’amendement, une disposition tendant à réduire l’assiette de la taxe sur le chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique en excluant de celui-ci les médicaments qui ont fait l’objet d’une vente ou d’une revente à l’étranger.
Dès 2010, avec nos collègues Guy Fischer et François Autain, nous nous étions opposés à cette mesure, dont le seul objet était de réduire le rendement de la taxe sur le chiffre d’affaires en réduisant artificiellement ce dernier. Car, ne nous y trompons pas, les médicaments dont il est question ici participent bel et bien à l’accroissement du chiffre d’affaires et donc à la valeur des dividendes qui sont versés.
Comme nous venons de le préciser, la fusion des deux taxes opérée dans cet article semble être réalisée au détriment des comptes sociaux, puisque l’étude d’impact fait clairement apparaître un manque à gagner de 10 millions d’euros.
Dans le même temps, tout le monde le sait, la fixation du taux, identique à celui l’année dernière, n’aura qu’une portée limitée puisque la grande majorité des entreprises exploitantes ont conclu des accords avec le Comité économique des produits de santé.
Au final, contrairement à ce qu’elle prétend, l’industrie pharmaceutique demeure particulièrement épargnée dans ce PLFSS pour 2014, alors même qu’elle a largement profité du CICE.
C’est pourquoi nous proposons de réintroduire les médicaments destinés à la vente ou à la revente à l’étranger dans la définition du chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique soumis à la nouvelle taxe créée à cet article 12.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement a pour objet d’intégrer les ventes de médicaments à l’étranger dans l’assiette de la contribution sur le chiffre d’affaires des laboratoires pharmaceutiques. Or le dispositif proposé à l’article 12 constitue une simplification qui est neutre pour les industriels comme pour les finances publiques, conformément aux préconisations arrêtées dans le cadre du Conseil stratégique des industries de santé.
Il ne paraît pas opportun de remettre en cause cet équilibre. Aussi, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même avis, monsieur le président. Il me semble qu’un minimum d’explications est ici nécessaire.
La taxe sur le chiffre d’affaires réalisé par l’industrie pharmaceutique n’a pas vocation à affaiblir ce secteur d’activité, qui, vous le savez tous, est très pourvoyeur d’emplois et qui est l’un des secteurs industriels développant beaucoup d’activités de recherche et de transfert de technologie.
Cette taxe est en fait la contrepartie, d’une part, de la prise en charge par l’assurance maladie d’une fraction importante de ce chiffre d’affaires et, d’autre part, des coûts liés aux autorisations de mise sur le marché qui sont garantes de la sécurité sanitaire.
Ainsi, taxer le chiffre d’affaires réalisé à l’exportation ne répondrait pas aux objectifs poursuivis et ne ferait qu’affaiblir notre industrie à l’échelle internationale à l’heure où le Gouvernement souhaite, au contraire, améliorer sa compétitivité.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote sur l’article.
M. Alain Milon. Comme cela a été dit, l’article 12 prévoit de fusionner la taxe sur le chiffre d’affaires des laboratoires pharmaceutiques et la taxe sur les premières ventes de médicaments.
Lors de la tenue du Conseil stratégique des industries de santé, le Premier ministre s’est engagé – M. le ministre l’a rappelé – à ce que le rendement de la fusion des deux taxes soit constant et que celle-ci n’occasionne pas de contribution supplémentaire pour les laboratoires.
Or, contrairement à ce qui a été affirmé, cette fusion entraîne une hausse de la fiscalité de 16 millions d’euros pour les industries pharmaceutiques.
En augmentant une nouvelle fois les prélèvements à tour de bras et de manière insidieuse, comme vous le faites avec cet article 12, vous fragilisez la capacité d’innovation et de recherche de ces entreprises.
Je vous rappelle que les laboratoires pharmaceutiques constituent l’un des fleurons de notre industrie. L’industrie pharmaceutique française emploie directement 100 000 personnes pour un chiffre d’affaires total de 50 milliards d’euros. Elle représente 4,8 % du marché mondial du médicament et contribue de manière très positive à la balance commerciale du pays. C’est donc un secteur qu’il faudrait encourager, plutôt que de l’entraver à nouveau.
Alors que les laboratoires français sont aujourd’hui confrontés à une concurrence exacerbée, il serait grand temps de cesser de se servir des entreprises pharmaceutiques comme d’une variable d’ajustement.
Heureusement qu’un amendement du rapporteur Gérard Bapt a été adopté à l’Assemblée nationale afin de ramener le taux de contribution de base de 0,2 % à 0,17 %. Cela démontre qu’il reste encore un minimum de bon sens chez certains parlementaires socialistes. (M. Pierre Bernard-Reymond sourit.) Il n’en demeure pas moins que vos choix fiscaux ont quelque chose de punitif.
Comprenez-nous bien : nous ne sommes pas opposés, évidemment, à la fusion des deux taxes, mais à la condition qu’elle ne serve pas de prétexte pour alourdir subrepticement la pression fiscale sur ce secteur. Notre groupe s’abstiendra donc sur cet article.
M. le président. La parole est à M. Bruno Gilles, pour explication de vote.
M. Bruno Gilles. Monsieur le ministre, dans la lignée de ce que vient de dire mon collègue, je voudrais simplement rappeler que le cabinet Landwell a réalisé en 2012 une étude fiscale afin de comparer la charge globale d’impôts, charges générales et sectorielles, qui pèse sur les laboratoires pharmaceutiques français et dans les autres pays européens.
Cette étude a été remise à jour au début du second semestre 2013 afin de tenir compte des réformes fiscales intervenues depuis 2012 dans chacun des pays concernés. Les sept pays européens étudiés sont, outre la France, l’Italie, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Suisse, l’Espagne et l’Irlande, sur la base des règles fiscales applicables en 2013 dans chacun des pays concernés.
Il ressort de l’ensemble de cette étude que les charges pesant sur les laboratoires pharmaceutiques en France sont toujours les plus élevées d’Europe. (M. Alain Néri s’exclame.) L’écart se creuse même avec d’autres pays, notamment avec la Grande-Bretagne, l’Irlande et la Suisse.
Je ne vais pas rappeler ce que vient de dire le sénateur Alain Milon, mais cette non-déductibilité des nouvelles taxes est injuste – le principe d’une taxe étant d’ailleurs sa déductibilité de l’impôt sur les sociétés –, elle va diminuer encore plus l’attractivité fiscale de la France, cette attractivité jouant pourtant un rôle déterminant en matière d’investissement.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur cet article.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je serai brève, étant déjà intervenue et ayant développé nos arguments pour défendre nos deux amendements.
Si je considère que la dynamique enclenchée par cet article va dans le bon sens, et à cet égard j’ai rappelé brièvement l’historique de nos débats sur le sujet ainsi que l’engagement important de certains collègues comme Guy Fischer et François Autain, là encore je trouve qu’on reste au milieu du gué.
En effet, notre lecture de cet article, en l’état, c’est qu’en gros, malheureusement, on fait un cadeau de 10 millions d’euros à l’industrie pharmaceutique au détriment de la Caisse nationale de l’assurance maladie, déséquilibre que notre amendement de repli visait justement à corriger.
Donc, une nouvelle fois, les cadeaux vont du côté de ceux qui possèdent déjà beaucoup. Personnellement, je ne vais pas pleurer sur le sort de Sanofi, sur les profits qui sont engrangés alors que des salariés perdent leur emploi.
La mesure proposée va donc dans le bon sens, mais pas jusqu’au bout. Aussi, nous voterons contre.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous entendons des affirmations contradictoires. Aussi, je tiens à préciser, une fois pour toutes, que le texte qui nous est parvenu de l’Assemblée nationale porte des modifications qui vont dans le sens de la simplification – et nous demandons toutes et tous ici la simplification des processus –, simplification qui est neutre pour les laboratoires, lesquels n’en tireront aucun bénéfice.
Il s’agit simplement d’un écart de répartition entre l’État et l’assurance maladie, qui porte sur 10 millions d’euros et qui ne grève pas les finances publiques, sans aucun avantage particulier pour les laboratoires. C’est bien sur ce point-là que nous votons aujourd’hui.
M. le président. Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
Article 12 bis (nouveau)
L’article L. 138-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;
b) À la seconde phrase, le mot : « seconde » est remplacé par le mot « deuxième » ;
c) Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées :
« Une troisième part est constituée, pour les spécialités autres que celles mentionnées aux deux dernières phrases du premier alinéa de l’article L. 138-9, de la fraction du chiffre d’affaires hors taxes réalisée par l’entreprise au cours de l’année civile correspondant au montant de la marge rétrocédé aux pharmacies mentionnées au premier alinéa de l’article L. 138-1. Ce montant est égal à la différence entre la marge maximum mentionnée au deuxième alinéa du même article et la marge effectivement appliquée par l’entreprise. » ;
2° Le troisième alinéa est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Le montant de la contribution est calculé en appliquant :
« a) Un taux de 1,75 % à la première part ;
« b) Un taux de 2,25 % à la deuxième part, y compris lorsqu’elle est négative ;
« c) Un taux de 20 % à la troisième part.
« Le montant cumulé résultant des opérations effectuées sur les deux premières parts de l’assiette de la contribution, conformément aux a et b, ne peut ni excéder 2,55 %, ni être inférieur à 1,25 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé par l’entreprise au cours de l’année civile. » ;
3° Après la dernière occurrence du mot : « première », la fin de la première phrase de l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigée : « et de la troisième parts. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 106 est présenté par M. Milon, Mmes Boog et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, M. Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet et Pinton, Mme Procaccia et M. Savary.
L'amendement n° 303 est présenté par M. Barbier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l’amendement n° 106.
M. Alain Milon. Les ventes en gros des laboratoires vers les pharmaciens, appelées ventes directes, se sont stabilisées depuis plus de deux ans et représentent 21 % du marché de la distribution pharmaceutique en valeur.
Cette part des ventes directes varie significativement selon le type de médicament : la part des ventes directes de médicaments de marque, prescrits et remboursables – les princeps – est en décroissance depuis deux ans et représente 12 % de ce marché, lui aussi en décroissance ; la part des ventes directes de médicaments génériques est également en décroissance et représente 35 % de ce marché en forte croissance ; enfin, la part des ventes directes des médicaments non remboursés est stabilisée et représente environ 79 % de ce marché.
Les ventes directes consistent à échanger une remise concédée par le laboratoire au pharmacien contre un approvisionnement en volume de ce même pharmacien.
Je rappelle que les ventes directes ont deux fonctions principales : d’une part, elles permettent aux laboratoires pharmaceutiques de connaître les pharmaciens et de leur délivrer des services utiles dans le cadre de la relation pharmacien-patients – information et formation des équipes officinales, mission de dépistage, de prévention ou de suivi du bon usage – ; d’autre part, elles servent à assurer le rôle de canal de distribution alternatif en cas de rupture d’approvisionnement du canal grossiste.
Ces ruptures, qui résultent de l’exportation par les grossistes des médicaments destinés initialement au marché français, posent actuellement un problème de santé publique compromettant le bon accès du patient au médicament.
Nous pensons que cet article ne doit pas être adopté, pour les raisons suivantes.
Tout d’abord, il limite la régulation des dépenses de santé en interdisant la concurrence sur les coûts des traitements par les pharmaciens.
Il met ensuite en péril un pan entier de la distribution des produits de santé en la concentrant entre les mains des grossistes-répartiteurs.
Il contraint encore les pharmaciens à payer des frais de livraisons injustifiés aux grossistes, dans la mesure où ils ne pourront plus mettre ces derniers en concurrence avec les distributeurs.
Il provoque, enfin, une distorsion concurrentielle entre les deux canaux de distribution.
Le dispositif que vous voulez mettre en place s’apparente à une aide d’État en faveur des grossistes-répartiteurs, puisqu’il a pour objet de favoriser un canal de distribution plutôt qu’un autre. Il est donc contraire au droit communautaire.
En outre, les ruptures d’approvisionnement seront non seulement plus difficiles à prévenir, le grossiste ayant le champ libre pour développer les exports parallèles, mais aussi impossibles à corriger, le canal de distribution alternatif ayant disparu. Cela va donc pénaliser les patients.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP vous propose, mes chers collègues, de voter cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l’amendement n° 303.
M. Gilbert Barbier. Alain Milon vient de parfaitement détailler les raisons pour lesquelles nous avons déposé ces amendements de suppression.
L’article 12 bis, introduit par un amendement du Gouvernement adopté par l’Assemblée nationale, vise à instaurer une troisième tranche dans l’assiette de la contribution sur le chiffre d’affaires due par les grossistes-répartiteurs et les laboratoires pratiquant la vente en gros.
Alain Milon a très bien expliqué le problème posé par cet article : nous courons de plus en plus de risques de défauts d’approvisionnement sur un nombre de médicaments de plus en plus grand. Chacun doit avoir sa part, et je crains que cet article ne déséquilibre quelque peu l’approvisionnement des pharmacies d’officine.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’article 12 bis crée, à rendement constant, une nouvelle tranche de la taxe sur la distribution en gros de médicaments, assise sur la vente directe des entreprises aux officines.
La vente directe de médicaments des entreprises aux officines s’est développée au cours des dernières années au détriment des grossistes-répartiteurs.
Ces derniers sont investis par le code de la santé publique – je tiens à insister sur ce point – d’obligations de service public : desservir l’ensemble des officines sur leur territoire de références, stocker 90 % des références pharmaceutiques, disposer d’un stock permanent équivalent à deux semaines de consommation et livrer les officines en vingt-quatre heures.
Compte tenu de ces obligations de service public, il est conforme avec le droit communautaire que ce mode de distribution soit privilégié par l’État. L’autre possibilité est de ne pas faire de distinction entre les modes de distribution, mais de prévoir une rémunération des grossistes-répartiteurs du fait de leurs obligations de service public.
Or la vente directe par les entreprises aux officines a des effets néfastes sur la concurrence, comme l’indique l’évaluation réalisée par l’Autorité de la concurrence sur la distribution du médicament délivré en ville, rendue publique en juillet dernier. Dès lors, ce mode de distribution fait, selon nous, légitimement l’objet d’une taxation.
La commission est donc défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je voudrais dire quelques mots sur ces amendements à l’égard desquels je partage l’avis défavorable de la commission.
À entendre les parlementaires ayant présenté ces amendements, le dispositif de l’article 12 bis serait contraire au droit communautaire, car source d’une inégalité de traitement entre les grossistes-répartiteurs et les laboratoires pharmaceutiques assurant eux-mêmes la distribution de leurs produits.
Cette affirmation ne nous semble pas exacte. La réforme que nous proposons traite de manière totalement identique l’ensemble des distributeurs de médicaments ou officines. L’assiette et le taux de la taxe sont définis de la même manière pour tous.
Cette réforme n’entraînera pas de hausse des prélèvements obligatoires, puisque en contrepartie de la création d’une nouvelle tranche de taxation le taux général du prélèvement sera diminué.
Au final, nous rendons ce prélèvement plus intelligent, plus efficient, plus juste, car il portera davantage là où les marges commerciales sont les plus importantes.
Pour cette raison, le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 106 et 303.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 52 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l’adoption | 170 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Bruno Gilles, pour explication de vote sur l'article.
M. Bruno Gilles. L’article 12 bis, inséré par un amendement gouvernemental à l’Assemblée nationale, a pour objet de créer une troisième tranche de la taxe sur le chiffre d’affaires de la vente en gros, assise sur le montant de la marge rétrocédée par les industriels aux pharmacies d’officine.
Cette nouvelle taxe correspond pour nous à un transfert de la taxation des grossistes-répartiteurs vers les industriels.
Toute nouvelle taxe sur les industries du médicament, faut-il le redire, contribuera à aggraver le cas des entreprises françaises du médicament au profit des firmes hors de nos frontières et handicaper les investissements de ces mêmes entreprises françaises et étrangères en France, nuisant ainsi à la recherche et à l’innovation et, par conséquent, à la sécurité sanitaire de nos compatriotes.
Les entreprises du médicament ne peuvent plus être les variables d’ajustement des économies réalisées dans le secteur de la santé. Pour nous, et cela a été dit – on a tenté d’y répondre –, ce dispositif s’apparente à une aide d’État en faveur des grossistes-répartiteurs, puisqu’il a pour objet de favoriser un canal de distribution plutôt qu’un autre. Il est donc contraire, toujours pour nous, au regard du droit communautaire.
Pour toutes ces raisons, il est donc proposé la suppression de cet article et nous voterons donc contre.
M. le président. Je mets aux voix l'article 12 bis.
(L'article 12 bis est adopté.)
Article 12 ter (précédemment examiné)
M. le président. Je rappelle que l’article 12 ter, appelé par priorité, a été examiné en début d’après-midi.
Articles additionnels après l'article 12 ter
M. le président. L'amendement n° 278, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 12 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi rédigé :
« I. – Le taux des contributions sociales mentionnées aux articles L. 136-1, L. 136 -2, L. 136-6, L. 136-7 et L. 136-7-1 est fixé à :
« 1° 0 % pour les revenus bruts annuels inférieurs à 4 907 € ;
« 2° 3,8 % pour les revenus bruts annuels compris entre 4 907 € et 13 324 € ;
« 3° 5,5 % pour les revenus bruts annuels compris entre 13 324 € et 19 287 € ;
« 4° 7,5 % pour les revenus bruts annuels compris entre 19 287 € et 29 817 € ;
« 5° 9 % pour les revenus bruts annuels supérieurs à 29 817 €. » ;
2° Les II et III sont abrogés.
II. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – L’affectation des produits des contributions visées aux articles L. 136-1, L. 136–2, L. 136-6, L. 136-7 et L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale n’est pas modifiée par le nouveau calcul de ces contributions prévu au I.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement tend à proposer la mise en place d’une CSG progressive.
La CSG actuelle est un impôt injuste, car proportionnel et s’appliquant à tous de la même manière, quels que soient les revenus.
Cet amendement, qui fait écho à une initiative commune entre socialistes et écologistes à l’Assemblée nationale, vise à appliquer un barème progressif à l’ensemble des revenus assujettis à la CSG, sans distinction entre retraités et actifs, ni entre revenus du capital et revenus du travail.
Cinq taux de CSG viendraient s’appliquer aux revenus en fonction de paliers définis sur la base du revenu médian.
Cette réforme, qui se ferait à recettes constantes, ne modifie en rien le niveau et l’affectation des produits de la CSG aux différents organismes de protection sociale. Ainsi, l’impact financier pour le financement des services publics est nul.
Avec cette mesure, 50 % des Français verraient leur CSG baisser. Des gains de pouvoir d’achat substantiels seraient ainsi directement visibles sur la feuille de paie : 30 euros par mois pour un célibataire au SMIC, et 75 euros par mois pour un couple marié, rémunéré au SMIC, avec deux enfants à charge.
Pour les revenus d’activité et les pensions, le système actuel de prélèvement à la source est maintenu. Il suffit que les employeurs et les organismes versant les pensions appliquent le barème aux salaires ou aux pensions bruts versés. Pour celles et ceux qui bénéficient d’une baisse du taux de CSG, le gain de pouvoir d’achat se manifeste directement sur la fiche de paie.
Pour les revenus du patrimoine, le système actuel est maintenu : l’administration fiscale applique le nouveau barème sur la base des revenus du patrimoine déclarés par les individus sur leur feuille d’impôt.
Au-delà des avantages en matière de pouvoir d’achat, il s’agit surtout d’une mesure de justice fiscale. La CSG actuelle, par sa proportionnalité pure, contribue au fait que l’ensemble des prélèvements soient globalement dégressifs et que le poids de l’impôt soit bien plus léger à supporter lorsqu’on est riche. C’est aussi une manière de rappeler que l’impôt n’est pas qu’un simple instrument de financement, c’est aussi et surtout un outil de lutte contre les inégalités, un outil de justice.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à appliquer un barème progressif – entre 3,8 % et 9 % – à l’ensemble des revenus assujettis à la CSG.
La question de la progressivité de la CSG est récurrente. Elle a été récemment relancée par le dernier rapport de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, dans lequel la Cour propose notamment l’alignement du taux de CSG des pensions de retraite sur celui des salaires, mais aussi par un certain nombre de parlementaires, lors des discussions sur la première partie du projet de loi de finances pour 2014 à l’Assemblée nationale.
Cette question se heurte pour le moment à l’absence d’évaluation des conséquences qu’une telle évolution entraînerait sur les différentes catégories de population, en particulier sur les classes moyennes. Dans l’attente d’une telle évaluation, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. L’amendement que vous proposez, madame la sénatrice, est intéressant. Il tend à faire en sorte que l’impôt trouve sa dimension redistributive. En cela, il s’inscrit dans la volonté de voir la réforme fiscale engagée l’an dernier – nouvelles mesures sur l’impôt sur la fortune, plus grande progressivité de l’impôt sur le revenu avec la création de la tranche à 45 %, barémisation de l’imposition des revenus du capital – se poursuivre par une réforme renforçant la progressivité de l’impôt.
Comme vous le savez, le rendement de la CSG a été de près de 90 milliards d’euros cette année. Vous n’ignorez pas non plus que l’institution de la CSG a été dictée par la volonté d’assurer un financement pérenne et stable de notre système de protection sociale, qui puisse garantir la solidité du modèle social français.
Au-delà du risque de déstabilisation et de transfert, en l’absence d’étude d’impact approfondie sur le sujet, le problème posé par cet amendement, madame la sénatrice, est que son adoption pourrait conduire à des effets de seuil extrêmement perturbateurs pour ceux qui s’acquittent de la CSG en France. En outre, il ne faudrait pas qu’elle conduise un certain nombre de Français dont les revenus sont modestes à voir le niveau de la CSG augmenter de façon significative.
Nous avons rencontré des députés ayant présenté un amendement similaire au vôtre à l’Assemblée nationale. Nous leur avons fait part des conséquences que pourrait avoir l’institution d’une CSG progressive sur le montant payé par des Français dont les revenus sont modestes, ou moyens.
C’est la raison pour laquelle je vous propose, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer cet amendement, qui mérite des investigations plus approfondies. En contrepartie, je m’engage, comme je l’ai fait à l’Assemblée nationale, à poursuivre la discussion avec les sénateurs et députés qui ont souhaité déposer cet amendement, dans le cadre de la préparation du prochain projet de loi de finances, afin que nous puissions réfléchir ensemble aux mesures de nature à renforcer la progressivité de l’impôt.
M. le président. Madame Archimbaud, l’amendement n° 278 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Compte tenu de l’engagement pris à l’instant par M. le ministre, si une étude d’impact est réalisée notamment pour maîtriser les effets de seuil qu’entraînerait une telle mesure, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 278 est retiré.
L’amendement n° 276, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 12 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au II bis de l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale, le mot : « huit » est remplacé par le mot : « cinq ».
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Le présent amendement vise à réduire le plafond à partir duquel les employeurs sont soumis à une contribution additionnelle sur les pensions versées. En d’autres termes, il s’agit de réguler le dispositif des retraites chapeaux, qui procurent un avantage considérable aux plus aisés des retraités.
Avec le dispositif actuel, seules les pensions versées dépassant huit fois le plafond de la sécurité sociale sont soumises à la contribution additionnelle de 30 %, à la charge de l’employeur. Pour information, ce plafond devrait être fixé à 37 548 euros par an pour 2014. Cela signifie que seules les rentes dépassant 300 384 euros par an, soit plus de 25 000 euros par mois, seront concernées.
Nous estimons que ce seuil est inadapté. Nous proposons donc de l’abaisser à cinq fois le plafond de la sécurité sociale.
Contrairement à ce que certains orateurs ont pu prétendre à l’Assemblée nationale, il ne s’agit pas d’une mesure d’affichage extravagante. Je tiens à vous rappeler, mes chers collègues, que le Sénat, grâce à un amendement déposé par le groupe CRC, a adopté une mesure similaire lors de l’examen du PLFSS 2012, en novembre 2011. (Mme Catherine Procaccia s’exclame.) Cet amendement était même beaucoup plus sévère, puisque le seuil était abaissé à seulement trois fois le plafond de la sécurité sociale.
Nous vous présentons ici une mesure de compromis, fidèle aux valeurs de gauche qui prévalaient alors. C’est dans cet esprit que nous avons déposé le présent amendement, afin de renforcer la participation des retraites des plus aisés à l’effort de solidarité nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement tend à rendre la contribution additionnelle de 30 % sur les retraites chapeaux à la charge des employeurs exigible dès lors que les rentes servies aux retraités au titre de l’article L. 137–11 du code de la sécurité sociale excèdent cinq fois le plafond annuel défini à l’article L. 241–3 du même code.
Je ne me battrai pas pour la paternité de cette mesure, mais je rappelle que j’avais sous-amendé l’amendement du groupe CRC auquel Mme Archimbaud fait allusion.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le Sénat avait alors adopté, à l’occasion de la discussion du PLFSS pour 2012, le seuil d’exigibilité que vous mentionnez, ma chère collègue.
Mme Laurence Cohen. Toute la gauche était unie !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. En cohérence avec ce choix, j’ai proposé à la commission, qui l’a accepté, d’émettre sur cet amendement un avis favorable. (M. Michel Le Scouarnec marque sa satisfaction.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, les retraites chapeaux, leur nom le suggère, représentent un troisième, voire un quatrième étage de retraite. Il est juste que les rémunérations souvent très élevées que permet de percevoir ce dispositif soient amplement mises à contribution pour financer le système de protection sociale.
Conscient de cela, le Gouvernement a, comme vous le savez, pris des dispositions extrêmement importantes et ambitieuses l’an dernier, qui ont conduit au doublement de la contribution employeur appliquée à ces retraites chapeaux.
Nous proposons donc de voir l’effet, probablement très important, de l’augmentation très significative des prélèvements que nous avons décidée récemment, avant de prendre une nouvelle mesure.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe CRC votera avec grand plaisir cet amendement, qui a été très bien défendu par Mme Archimbaud. Il est en effet similaire à un amendement que nous avions déposé lors de l’examen du PLFSS pour 2012, et qui avait été adopté par le Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Nous parlons des retraites chapeaux et des petites retraites, mais il ne faut pas oublier le troisième étage : les retraites d’entreprises. Un certain nombre d’entreprises avaient prévu, il y a vingt ou trente ans, que leurs cadres, mais aussi leurs agents de maîtrise, puissent disposer d’un certain niveau de retraite.
En 2010, le Sénat avait adopté un amendement tendant à ne pas exagérément taxer ces retraites, dont le montant se situe au niveau du SMIC. Je n’appelle pas cela des retraites très confortables ! Il ne faut donc pas les confondre avec les retraites chapeaux, qui, elles, sont excessives.
Par conséquent, je ne voterai pas cet amendement et, pour une fois, je suivrai l’avis de M. le ministre. (Sourires.)
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Tout est possible au Sénat !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12 ter.
Article 13
Pour le calcul des contributions dues au titre de l’année 2014 en application de l’article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, le taux K est fixé à 0,4 %. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 13
M. le président. L’amendement n° 182, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le septième alinéa de l’article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant des remises effectuées par les entreprises qui exploitent une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques remboursables conformément à l’article L. 162-18 sont rendues publiques. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Alors que, pour réduire la dépense liée à la consommation de médicaments, les gouvernements précédents faisaient le choix de sanctionner les patients en déremboursant certains médicaments, votre gouvernement, monsieur le ministre, semble avoir retenu une option différente : celle de baisser leur prix. Cela nous paraît aller dans le bon sens : l’industrie pharmaceutique – faut-il le rappeler ? – a cela de particulier qu’elle tire une partie importante de ses ressources de la vente de médicaments, qui donne lieu à une prise en charge par la sécurité sociale.
Malgré cela, le prix des médicaments en France demeure important. Pour une même spécialité, il est parfois plus important que dans certains pays voisins. Un alignement des prix des médicaments vendus en France sur ceux de ces pays pourrait générer 10 milliards d’euros d’économie.
Avant d’en venir à l’objet précis du présent amendement, je voudrais vous donner quelques exemples, mes chers collègues, cités il y a peu dans un grand quotidien national. En 2012, plus de 2,5 millions de boîtes de Plavix, un antiagrégant plaquettaire qui empêche la formation de caillots dans les artères, ont été vendues, à 37 euros l’unité. La facture, pour l’assurance maladie, s’élève à plus de 100 millions d’euros. Au prix en vigueur en Italie, 58 millions d’euros auraient pu être économisés ! Je ne parle même pas du générique de ce médicament, le Clopidogrel, qui coûte 26 euros en France, 18 euros en Italie, et un peu plus de 2 euros en Grande-Bretagne. Le Copegus, quant à lui, un traitement contre l’hépatite C, est vendu 570 euros en France, contre – la différence est énorme – 31 euros en Italie, soit 18 fois plus cher !
Démonstration est, je crois, faite que des marges d’économie sont encore possibles.
Pourtant, les choses avancent lentement de ce côté-là. C’est étonnant, puisque la fixation du prix des médicaments fait l’objet d’une procédure précise en France. En effet, je vous rappelle qu’il y a un Comité économique des produits de santé, le CEPS. Il conclut avec l’exploitant une convention qui traite tout à la fois du prix et de la fiscalité applicable à ce dernier. Ces conventions permettent aux entreprises pharmaceutiques de ne pas se voir appliquer le taux K, autrement appelé « clause de sauvegarde ». Mais ces entreprises s’engagent par avance à s’acquitter d’une taxe négociée sur le volume de vente d’un produit, appelée remise. Le CEPS, quant à lui, s’engage à ce que le montant total payé par les entreprises au titre de la convention ne soit pas supérieur à la clause de sauvegarde.
En 2007, sur 178 laboratoires ayant commercialisé des médicaments remboursables en officine, 174 ont conclu une convention avec le CEPS. Pourtant, malgré le nombre pléthorique des conventions, qui couvre quasiment tous les médicaments commercialisés, les prix peinent à baisser. Afin de mesurer l’efficacité de telles mesures, et donc au final de notre politique de fixation des prix, nous proposons de rendre public le montant des remboursements versés par l’industrie en raison de ces conventions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à rendre public le montant des remises dont bénéficie l’assurance maladie de la part des entreprises pharmaceutiques dans le cadre conventionnel.
Cette information est déjà contenue dans le rapport public annuel du CEPS. Les remises en question s’élèvent ainsi à 459 millions d’euros en 2012.
Cet amendement étant satisfait en pratique, il me semble inutile d’alourdir le code de la sécurité sociale.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 182 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 184, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 5122-10 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 5122-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5122-10-1. – Toute promotion auprès des personnes habilitées à prescrire est interdite pour les statines, les inhibiteurs de la pompe à protons, les antibiotiques, les antihypertenseurs et les antidépresseurs.
« Pour chacune de ces classes, la Haute Autorité de santé met à la disposition des prescripteurs des recommandations régulièrement actualisées sur la bonne utilisation des spécialités qui les composent. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le ministre, vous devriez normalement émettre un avis favorable sur cet amendement, qui s’inspire largement d’un amendement déposé par Mme Marisol Touraine, alors députée, lors de l’examen du texte sur la sécurisation du médicament. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
En effet, comme il était mentionné dans l’objet de cet amendement, la situation pour les cinq classes où coexistent des médicaments génériqués et des médicaments non génériqués est particulièrement aberrante. En effet, au sein des classes évoquées dans cet amendement, seuls les médicaments non génériques sont promus, alors que, pour les autres spécialités pharmaceutiques, dès lors que cette spécialité est génériquée, la spécialité d’origine, le princeps, n’est plus promue.
Il en résulte que, pour ces classes de médicaments, seuls les produits non génériquables sont donc promus et gagnent en parts de marché, ce qui contraint les délégués de l’assurance maladie à se mobiliser pour éviter une telle situation. C’est coûteux et absurde.
Aussi, nous proposons d’instaurer un choc de simplification en la matière : interdire la promotion de ces classes de produits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement soulève un problème important, celui de la multiplicité de références dans certaines classes de médicaments : les statines, que l’on évoque souvent, les inhibiteurs de la pompe à protons, les antibiotiques, les antihypertenseurs et les antidépresseurs. L’autorisation de mise sur le marché de médicaments équivalents à ceux qui existent entraîne une telle situation sans amélioration sensible du service médical rendu.
Les auteurs de l’amendement proposent une solution viable : la mise au point de recommandations précises de bonnes pratiques par la Haute Autorité de santé. Cette solution, qui doit être développée, figure déjà parmi les missions de la Haute Autorité.
Il est aussi proposé dans l’amendement d’interdire la publicité sur ces classes de médicaments. En l’état, une telle disposition me paraît contraire au droit de la concurrence. Cependant, elle a, c’est vrai, le mérite de rappeler un point important.
Nous partageons le même souci, mais la solution envisagée est inapplicable en l’état, notamment s’agissant de la publicité.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Pasquet, l’amendement n° 184 est-il maintenu ?
Mme Isabelle Pasquet. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Je voterai cet amendement, car l’enjeu est, me semble-t-il, énorme : défendre les médicaments génériques. Nous savons ce que cela représente financièrement dans notre pays.
Nous devons prendre ce type de mesures. Il faut qu’un tel dispositif puisse s’appliquer.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 184.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 14
Le II quinquies de l’article 4 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « 2018 de la branche mentionnée au 3° » sont remplacés par les mots : « 2017 des branches mentionnées aux 1°, 3° et 4° » et, après les mots : « même code », sont insérés les mots : « , déduction faite de la part des déficits de l’exercice 2011 couverte en application du II quater du présent article » ;
2° Les deux dernières phrases du premier alinéa sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :
« Les versements, dont les dates et montants sont fixés par décret et qui peuvent faire l’objet d’acomptes provisionnels, interviennent au plus tard le 30 juin de chaque année à compter de 2012. » ;
3° Le second alinéa est ainsi rédigé :
« Dans le cas où le montant des déficits mentionnés au premier alinéa du présent II quinquies excède les plafonds qui y sont cités, les transferts sont affectés, par priorité, à la couverture des déficits de la branche mentionnée au 3° de l’article L. 200-2 dudit code, puis de ceux du fonds mentionné à l’article L. 135-1 du même code, puis des déficits les plus anciens de la branche mentionnée au 1° de l’article L. 200-2 dudit code et, enfin, des déficits de la branche mentionnée au 4° du même article. »
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. Cet article vise à intégrer les déficits de la CNAM, la Caisse nationale de l’assurance maladie, et de la CNAF, la Caisse nationale des allocations familiales, dans le champ des reprises de la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale.
Les taux d’emprunts de la CADES sont actuellement de 3,56 % sur les marchés financiers. Dès lors, la dette de la branche famille est en réalité soumise à la spéculation, et les groupes financiers, dont certains bénéficient des mesures d’allégement des cotisations sociales sur cette branche, profitent de la situation. Ils sont donc deux fois gagnants.
Ne serait-il pas possible d’envisager de remplacer l’emprunt sur les marchés financiers par d’autres formes d’emprunt, auprès soit de la Caisse des dépôts et consignations, soit de la Banque de France, voire de la BCE ?
Enfin, comment ne pas rappeler que cette situation, à cause de laquelle le coût de la dette ne cesse de croître – ce sera pire maintenant que nous sommes passés à AA, au lieu de AA+, selon les agences de notation –, est la conséquence d’une politique de sous-financement de la branche en raison des exonérations de cotisations patronales ?
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur l’article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 14.
(L'article 14 est adopté.)
Article 15
I. – Après la référence : « L. 651-2-1 », la fin du 4° de l’article L. 135-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigée : « , les produits financiers mentionnés à ce même alinéa, ainsi que le reliquat du produit au titre des exercices antérieurs à 2011, dans des conditions fixées par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget ; ».
II. – Au premier alinéa du I de l’article L. 137-13 et au premier alinéa de l’article L. 137-14 du même code, les mots : « des régimes obligatoires d’assurance maladie dont relèvent les bénéficiaires » sont remplacés par les mots : « de la Caisse nationale des allocations familiales ».
III. – (Supprimé)
III bis (nouveau). – Au premier alinéa de l’article L. 137-14 du même code, les mots : « définis aux 6 et 6 bis de l’article 200 A » sont remplacés par les mots : « mentionnés au I des articles 80 bis et 80 quaterdecies ».
IV. – À la fin de la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 137-18 du même code, les mots : « aux régimes obligatoires d’assurance maladie dont ils relèvent » sont remplacés par les mots : « à la Caisse nationale des allocations familiales ».
V. – Au premier alinéa de l’article L. 137-19 du même code, les mots : « de l’assurance maladie des travailleurs salariés » sont remplacés par les mots : « des allocations familiales ».
VI. – Le deuxième alinéa de l’article L. 137-24 du même code est ainsi rédigé :
« Le surplus du produit de ces prélèvements est affecté à la Caisse nationale des allocations familiales. »
VII. – Au premier alinéa de l’article L. 139-1 du même code, les références : « et des articles L. 137-20, L. 137-21 et L. 137-22 » sont supprimées.
VIII. – Au 9° de l’article L. 731-2 du code rural et de la pêche maritime, la référence : « 1010, » est supprimée.
IX. – L’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le 1° est ainsi modifié :
a) À la fin du deuxième alinéa, le taux : « 56,8 % » est remplacé par le taux : « 53,5 % » ;
b) À la fin du troisième alinéa, le taux : « 27,1 % » est remplacé par le taux : « 27,5 % » ;
c) À la fin du dernier alinéa, le taux : « 16,1 % » est remplacé par le taux : « 19 % » ;
2° Le 7° est ainsi modifié :
a) À la fin du a, le taux : « 68,14 % » est remplacé par le taux : « 60 % » ;
b) (nouveau) À la fin du b, le taux : « 7,27 % » est remplacé par le taux : « 8,97 % » ;
c) À la fin du c, le taux : « 9,46 % » est remplacé par le taux : « 17,6 % » ;
d) (nouveau) Au début du e, les mots : « Aux branches mentionnées aux 1° et » sont remplacés par les mots : « À la branche mentionnée au » et le taux : « 9,18 % » est remplacé par le taux : « 7,48 % » ;
3° Il est rétabli un 2° ainsi rédigé :
« 2° Le produit de la taxe mentionnée à l’article 1010 du code général des impôts est affecté à la branche mentionnée au 4° de l’article L. 200-2 du présent code ; »
4° Il est rétabli un 4° ainsi rédigé :
« 4° Le produit de la taxe mentionnée au 2° bis de l’article 1001 du code général des impôts est affecté, par parts égales, à la Caisse nationale des allocations familiales et à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés ; »
5° Il est rétabli un 5° ainsi rédigé :
« 5° Le produit des contributions mentionnées aux articles L. 137-13, L. 137-14, L. 137-18, L. 137-19 et L. 137-24 est affecté à la branche mentionnée au 4° de l’article L. 200-2 ; ».
X. – Le tableau du dernier alinéa de l’article L. 137-16 du même code est ainsi rédigé :
« |
Pour les rémunérations ou gains soumis à la contribution au taux de 20 % |
Pour les rémunérations ou gains soumis à la contribution au taux de 8 % |
||
Caisse nationale d’assurance vieillesse |
16 points |
6,4 points |
||
Fonds mentionné à l’article L. 135-1 |
4 points |
1,6 point |
||
dont section mentionnée à l’article L. 135-3-1 |
0,5 point |
0,5 point |
» |
X bis (nouveau). – Le 4° de l’article L. 241-2 du même code est abrogé.
XI. – L’article L. 245-16 du même code est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa du II est supprimé ;
2° À l’avant-dernier alinéa, le taux : « 2,75 % » est remplacé par le taux : « 1,15 % » ;
3° Le dernier alinéa est supprimé ;
4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« – une part correspondant à un taux de 2,05 % à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés. »
XII. – L’article L. 136-8 du même code est ainsi modifié :
1° Le IV est ainsi modifié :
a) Après les mots : « à un taux », la fin du 1° est ainsi rédigée : « de 0,87 % ; »
b) Après les mots : « à un taux », la fin du 2° est ainsi rédigée : « de 0,85 % ; »
c) Le 4° est ainsi modifié :
– au a, les mots : « Sous réserve des dispositions du g, » sont supprimés et le taux : « 5,25 % » est remplacé par le taux : « 5,20 % » ;
– au b, le taux : « 4,85 % » est remplacé par le taux : « 4,80 % » ;
– au c, le taux : « 5,95 % » est remplacé par le taux : « 5,90 % » ;
– au d, le taux : « 3,95 % » est remplacé par le taux : « 3,90 % » ;
– au e, le taux : « 4,35 % » est remplacé par le taux : « 4,30 % » ;
– le g est abrogé ;
2° Il est ajouté un VI ainsi rédigé :
« VI. – 1. L’Agence centrale des organismes de sécurité sociale est chargée de centraliser et de répartir le produit de la contribution mentionnée au présent chapitre, dans les conditions prévues au présent article.
« 2. Il en est de même pour les produits recouvrés simultanément aux contributions mentionnées aux articles L. 136-6 et L. 136-7. »
XIII. – Le III de l’article 17 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « l’année 2013 » sont remplacés par les mots : « les années 2013 et 2014 » ;
1° bis (nouveau) Le début du 1° est ainsi rédigé : « 1° Pour l’année 2013, le... (le reste sans changement). » ;
2° Le 2° est ainsi modifié :
a) Après le mot : « sociale, », sont insérés les mots : « pour l’année 2013, » ;
b) Sont ajoutés les mots : « ; pour l’année 2014, le taux : “0,85 %” est remplacé par le taux : “0,892 %” et, à la fin du 3° du même IV, le taux : “0,1 %” est remplacé par le taux : “0,058 %” » ;
3° (nouveau) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« 3° Pour l’année 2014, le produit de la contribution instituée au I du présent article est affecté pour une part de 80,38 % à la section mentionnée au II de l’article L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles, pour une part de 4,24 % à la section mentionnée au IV du même article et pour une part de 15,39 % à la section mentionnée au V bis dudit article. »
XIV. – L’article L. 241-6 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Les 4° et 5° sont abrogés ;
2° et 3° (Supprimés)
XV. – Après la première phrase du dernier alinéa du VI de l’article 22 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Il est réparti entre les différents attributaires des contributions et prélèvements mentionnés dans le tableau au prorata de leur part respective dans ces prélèvements en 2011. Pour les exercices ultérieurs, il peut être imputé sur l’ensemble des contributions et prélèvements mentionnés dont ces organismes sont affectataires. »
XVI. – Le présent article s’applique aux produits assis sur les opérations dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2014, à l’exception des dispositions relatives aux contributions sur les revenus du patrimoine qui s’appliquent aux revenus perçus en 2013 et assujettis en 2014.
Pour 2015 et les années suivantes, le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 avril 2014, un rapport sur les réformes envisageables du financement de la protection sociale au regard des objectifs de pérennité de notre système de protection sociale, de performance économique, sociale et environnementale du système productif français et de justice et de progressivité des prélèvements sociaux comme fiscaux.
M. le président. L'amendement n° 185, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéas 12 à 15
Supprimer ces alinéas.
III. – Alinéa 28, tableau, deuxième et troisième lignes des deux dernières colonnes
Rédiger ainsi ces lignes :
14 points |
5,75 points |
6 points 0,5 point |
2,2 points 0,5 point |
IV – Pour compenser la perte de recettes résultant des I à III ci-dessus, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
... – La perte de recettes résultant pour le fonds mentionné à l'article L. 135–1 du code de la sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Avec cet article 15 se poursuit le débat entamé lors de la réforme des retraites, plus précisément sur l’augmentation des cotisations sociales.
En effet, le Gouvernement a fait le choix de faire supporter l’essentiel du financement sur les salariés en prenant grand soin d’épargner le patronat, qui, en harmonie totale avec la Commission européenne, fait pression pour réduire le coût du travail. Pour ce faire, vous opérez une baisse de 0,15 % de cotisations patronales sur la branche famille, ce qui vous contraint à opérer dans l’article un transfert de 2,19 milliards d’euros de la CNAM vers la branche famille.
Le mécanisme aboutit, comme l’a d’ailleurs précisé notre rapporteur sur la branche famille, à complexifier le financement de la branche et à le rendre incertain. Rien ne nous garantit non plus que les gouvernements suivants maintiendront cette compensation.
Par ailleurs, et nous tenons à le rappeler, nous sommes par principe opposés aux mécanismes d’exonérations de cotisations, même lorsqu’elles sont intégralement compensées, dans la mesure où cela tend à conforter le patronat dans son discours erroné sur le coût du travail.
On le sait, le MEDEF fait de plus en plus pression en faveur d’un désengagement total des employeurs du financement de la branche famille, qu’il considère comme une branche de la sécurité sociale sans lien direct avec les salariés et le monde du travail.
Nous contestons totalement cette analyse. C’est pourquoi nous proposons, au travers de cet amendement, d’augmenter de 1 milliard d’euros les cotisations patronales retraite, afin que les employeurs contribuent à égalité avec les salariés au financement de la réforme des retraites.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. D’après son objet, cet amendement vise à faire contribuer également employeurs et salariés à la réforme des retraites. Dans les faits, il tend à modifier trois paramètres.
D’abord, le produit de la taxe sur les sociétés soumises à une taxe annuelle à la CNAM à raison des véhicules de tourisme serait maintenu.
Ensuite, l’affectation du produit de certaines taxes entre les différentes branches du régime général resterait inchangée.
Enfin, la répartition du produit du forfait social entre la CNAV et le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, serait modifiée.
Il ne m’apparaît pas que de telles mesures permettent d’atteindre l’objectif visé. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous avons pris un certain nombre de dispositions pour diminuer le coût du travail. Nous considérons que le renforcement de la compétitivité de nos entreprises repose sur deux piliers : d’une part, la diminution du coût du travail, qui explique la mise en place du crédit d’impôt compétitivité emploi, et, d’autre part, la volonté que nous avons d’accompagner la montée en gamme des produits de nos industries ; c’est la compétitivité produit, c’est le pari fait de l’innovation, du transfert de technologies dans nos filières d’excellence.
Nous n’avons pas souhaité que la réforme des retraites vienne remettre en cause ce que nous avons engagé au titre du crédit d’impôt compétitivité emploi.
C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de compenser l’augmentation des cotisations retraite par une diminution des cotisations famille. Le taux de la cotisation famille, qui est actuellement de 5,40 %, devrait être ramené par décret à 5,25 % en 2014, soit une baisse de 0,15 point.
L’adoption d’un tel amendement ne ferait pas obstacle à la baisse des cotisations famille, mais elle priverait en revanche la branche famille de recettes dont celle-ci a besoin, entravant l’effort de rétablissement de ses comptes.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 64, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 26
Après le mot :
et
insérer les mots :
au deuxième alinéa de l’article
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à rectifier une erreur de référence.
La rédaction actuelle de l’alinéa 26 supprime une partie du produit des prélèvements sur les jeux, concours et paris affecté à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 321, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 26
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
6° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« L’Agence centrale des organismes de sécurité sociale est chargée de centraliser et de répartir entre leurs affectataires le produit des taxes et des impôts mentionnés au présent article. La répartition entre les affectataires est effectuée en appliquant les fractions définies au présent article pour leur valeur en vigueur à la date du fait générateur de ces taxes et impôts. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il s’agit d’un amendement technique qui ne présente pas d’enjeu particulier sur le fond.
La mesure est destinée à sécuriser la répartition et la comptabilisation des recettes fiscales affectées à la sécurité sociale, en réponse notamment à des observations qui ont été récemment formulées par la Cour des comptes. Elle confirme l’application du principe des droits constatés ; ce sont les clés en vigueur à la date du fait générateur des impôts et taxes qui s’appliquent, et non celles en vigueur au moment de leur encaissement.
Ces dispositions clarifient les règles à appliquer en cas de changement de clés de répartition des recettes entre affectataires.
C’est donc un amendement technique de clarification.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Comme M. le ministre vient de l’indiquer, cet amendement a pour objet de préciser les règles de répartition des recettes centralisées par l’ACOSS.
La répartition des recettes se fera désormais selon le principe des droits constatés, afin de faciliter le travail de certification des comptes des organismes de sécurité sociale réalisé par la Cour des comptes.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 320, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 49
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 3. Pour l’application du présent VI, le montant global des contributions et prélèvements sociaux mentionnés à l’article L. 138–21 qui est reversé par l’État à l’Agence est réparti entre les affectataires de ces contributions et prélèvements au prorata des taux des contributions et prélèvements qui leur sont affectés à la date de leur fait générateur. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il s’agissait d’un amendement de coordination. Toutefois, du fait de l’adoption des amendements de suppression de l’article 8, cet amendement n’a plus d’objet.
M. le président. L’amendement n° 320 n’a effectivement plus d’objet.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 108 rectifié est présenté par M. Milon, Mmes Boog et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, M. Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet et Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 148 est présenté par M. Roche, Mme Létard, MM. Vanlerenberghe et Amoudry, Mmes Dini et Jouanno, M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 285 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 50 à 57
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l'amendement n° 108 rectifié.
M. Alain Milon. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 50 à 57 de l’article 15 et prévoit un régime de compensation. L’article 15 a pour objet de procéder à un vaste mouvement de transfert de recettes. Notre amendement s’attache plus particulièrement à la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie.
Cette contribution instituée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a vocation, par un prélèvement de 0,3 % sur les pensions de retraite, à venir alimenter la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, pour abonder le financement des mesures d’amélioration des aides à l’autonomie. L’amendement n° 108 rectifié tend à supprimer le XIII de cet article qui, pour la deuxième année consécutive, prévoit de reverser le produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, au FSV, le fonds de solidarité vieillesse.
L’ensemble des professionnels du secteur estime qu’il s’agit d’un détournement. Nous sommes de cet avis. Les députés socialistes ont d’ailleurs pris conscience du problème puisqu’ils ont fait adopter un amendement visant à restituer à la CNSA 100 millions d’euros ; nous considérons qu’ils ne sont pas allés jusqu’au bout de leur démarche et nous proposons d’affecter l’intégralité des 645 millions d’euros à la CNSA, afin de financer des mesures concernant la perte d’autonomie, notamment la revalorisation des emplois à domicile, le financement des missions de prévention, l’aide au retour après hospitalisation, etc.
Il va de soi qu’amorcer la réforme sur l’adaptation de la société au vieillissement est encore plus essentiel au moment où les finances publiques sont si tendues et que le besoin de réforme est incontournable. Dans les circonstances actuelles, les réorientations budgétaires sont, selon nous, inacceptables et ne sauraient se traduire au passage par des « économies » sur les prestations et services apportés aux personnes.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour présenter l'amendement n° 148.
M. Gérard Roche. Cet amendement, que j’avais évoqué dans la discussion générale, est identique à celui que vient de présenter notre collègue Alain Milon. Il concerne la CASA, ce prélèvement de 0,3 % sur les pensions des retraités dont sont exonérées les petites retraites puisque ne sont pas assujettis à cette contribution les retraités qui ne paient pas la contribution sociale généralisée, la CSG.
Je me plais à rappeler avec malice qu’il s’agit d’un dispositif très proche de celui prévu dans la proposition de loi tendant à élargir la contribution de solidarité pour l’autonomie aux travailleurs non salariés et aux retraités et à compenser aux départements la moitié de leurs dépenses d’allocation personnalisée d’autonomie, dont je suis l’auteur, que le Sénat a adoptée le 25 octobre 2012, sans aucune suite, bien sûr…
La CASA devrait donc être consacrée à la compensation aux départements de la prise en charge de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, d’autant que les conseils généraux ont de plus en plus de mal à y faire face. Or la situation ne s’améliore pas, d’après mes collègues présidents de conseils généraux, dans les propositions de budget pour 2014.
Au lieu de cela, la compensation de l’APA au département, qui passe par la CNSA, a été amputée d’une fraction de CSG à due concurrence du produit de la CASA, au profit du FSV. C'est-à-dire que la CASA a été versée à la CNSA parce qu’on ne pouvait pas l’attribuer directement au FSV, puis on a versé le même montant de CSG au FSV.
Nous demandons tout simplement que le fruit de la CASA, qui cette année s’élèvera à environ 640 millions d’euros, soit totalement versé à la CNSA et qu’il soit attribué aux départements pour la compensation de l’APA. Il est important de sortir les départements, en particuliers ceux qui sont les plus en difficulté, de l’impasse financière dans laquelle ils se trouvent. Comment allons-nous continuer à financer l’APA sans autres financements ? C’est une question que nous nous posons.
Voilà pourquoi nous demandons formellement que le produit de la CASA soit bien dévolu aux mesures concernant la perte d’autonomie pour lesquelles cette contribution a été créée.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 285 rectifié.
M. Gilbert Barbier. Cet amendement est similaire aux deux précédents. L’article 15 tend à modifier l’affectation du produit de certaines recettes en maintenant une année de plus le reversement du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie au fonds de solidarité vieillesse.
L’année dernière, vous avez souhaité déroger à l’affectation initiale de la CASA ; vous avez alloué en 2013 le produit de cette contribution au FSV – qui finance le minimum vieillesse – dont la situation financière est particulièrement dégradée, notamment en raison de la hausse des dépenses de prise en charge des cotisations des chômeurs.
Le Sénat s’était élevé contre ce détournement du produit de la CASA, qui aurait dû être – je le répète – affecté à la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie. Le Gouvernement nous avait alors assuré qu’il s’agissait d’une mesure exceptionnelle pour 2013, mais vous nous proposez de la reconduire en 2014.
Les personnes dépendantes, leurs familles aidantes, les associations ne comprennent pas votre choix alors que la dépendance devait être l’un des chantiers prioritaires du quinquennat.
Certes, l’Assemblée nationale a décidé d’attribuer une partie du produit de la CASA à la prise en charge de l’autonomie, soit environ 100 millions d’euros, mais c’est bien peu comparé aux 600 millions d’euros que la CASA devrait rapporter en 2014 !
Aussi, nous proposons de supprimer le paragraphe XIII de cet article pour qu’enfin le produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie soit affecté à la perte d’autonomie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces trois amendements identiques tendent à affecter l’intégralité du produit de la CASA à la CNSA afin de financer des mesures concernant la perte d’autonomie.
Faut-il le rappeler, le Gouvernement a décidé, après des années d’inaction en ce domaine – je le dis tout bas pour ne pas susciter trop de réactions… –, de répondre aux attentes des Français en lançant une réforme ambitieuse en matière de prise en charge de la perte d’autonomie.
Comme nous l’a indiqué Michèle Delaunay lors de son audition par la commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, cette réforme prendra la forme d’une loi d’orientation et de programmation sur l’adaptation de la société au vieillissement, qui sera présentée au Parlement dès le printemps prochain.
Le financement de cette réforme sera assuré par la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, créée l’an dernier, dont le produit a jusqu’ici été affecté au FSV.
Si le texte initial du projet de loi prévoyait de reconduire cette affectation pour 2014, nos collègues députés ont décidé, avec l’avis favorable du Gouvernement, de « rapatrier » 100 millions d’euros sur la section 5 bis de la CNSA pour 2014.
Cette somme sera consacrée au financement d’actions concrètes en faveur des Françaises et des Français en perte d’autonomie ; je pense à l’aide à domicile ou à la modernisation des établissements qui accueillent les personnes âgées dépendantes.
Il s’agit, selon moi, d’un compromis acceptable – il s’agit bien d’un compromis – permettant de financer des mesures en direction des personnes âgées dans l’attente du vote de la loi d’orientation et de programmation sur le vieillissement de la société.
En ce qui concerne le financement des trois allocations – le revenu de solidarité active, le RSA, l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et la prestation de compensation du handicap , la PCH –, des discussions sont toujours en cours entre l’Assemblée des départements de France, les parlementaires et le Gouvernement pour mettre sur pied un dispositif qui pourrait être voté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014. Ce dispositif permettrait de rééquilibrer de façon sensible le financement de ces trois allocations entre l’État et les départements. Mais c’est un autre débat, sur lequel nous ne disposons pas encore de tous les éléments d’appréciation.
En tout état de cause, la commission est défavorable aux trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je souhaite profiter de l’occasion qui m’est offerte ici pour apporter un certain nombre de précisions sur l’action que le Gouvernement entend mener.
D’abord, l’empressement de l’opposition à vouloir mettre en place rapidement des mesures en faveur de la dépendance contraste singulièrement avec l’immobilisme dont elle a fait preuve au cours des années précédentes ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il en va de même sur beaucoup d’autres sujets : on demande au Gouvernement d’agir vite pour prendre des dispositions que l’on a soi-même longtemps promises, mais jamais mises en œuvre !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est exact !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. On reproche au Gouvernement, qui est en place depuis dix-huit mois, de ne pas en faire suffisamment et de ne pas aller assez vite, et ce avec d’autant plus d’entrain qu’on désire faire oublier tout ce que l’on n’a pas fait pendant dix ans ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Je souhaite apporter aux sénatrices et aux sénateurs de l’opposition toute garantie sur la détermination qui est la nôtre d’agir en faveur de la prise en charge de la perte d’autonomie. Le Premier ministre a annoncé un projet de loi pour 2014. Non seulement il y aura bien une future loi pour cette date, mais le Gouvernement a été mobilisé, notamment le ministre du budget que je suis, pour que ces engagements ne soient pas, comme d’autres par le passé, purement déclaratoires sans aucune transcription opérationnelle, c'est-à-dire sans aucun financement, mais que nous puissions créer les conditions de la mise en œuvre concrète d’actions parce qu’elles seront financées.
M. Gilbert Barbier. Par un nouvel impôt ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Précisément non ! C’est la raison pour laquelle je ne peux accepter ces amendements identiques. Nous avons l’intention de financer cette politique non par un nouvel impôt, mais par une gestion extraordinairement rigoureuse des finances publiques. Voilà pourquoi nous n’engagerons pas de dépenses nouvelles aussi longtemps que nous n’aurons pas en face une action programmée, coordonnée, maîtrisée et déclinée selon un calendrier précis.
M. René-Paul Savary. On croit rêver !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Par conséquent, nous avons décidé cette année de ne pas augmenter le déficit des comptes sociaux en affectant le produit de la CASA à la CNSA dès lors que le texte spécifiquement consacré à la dépendance n’aura pas été adopté. Néanmoins, nous voulons témoigner de la volonté qui est la nôtre d’agir concrètement lorsque la future loi sera votée en 2014. Comment ? En prévoyant une première enveloppe de 100 millions d’euros qui sera allouée à la CNSA pour lui permettre d’engager un ensemble d’actions en faveur des personnes âgées dépendantes au sein, notamment, des établissements d’accueil, qui ont besoin aujourd'hui d’investissements complémentaires.
L’an dernier, les réserves de la CNSA ont pu également être mobilisées à cet effet, comme vous le savez. Notre volonté est de profiter de l’amendement qui a été adopté à l’Assemblée nationale, avec l’accord du Gouvernement, pour enclencher fortement cette dynamique.
En 2014, un texte sera soumis à la délibération de nos assemblées. Il définira des objectifs, des moyens budgétaires. Il définira aussi – c’est très important si nous voulons faire beaucoup en créant les conditions d’une gestion efficace, c'est-à-dire en faisant en sorte que la mauvaise dépense publique ne chasse pas la bonne et que chaque euro dépensé soit un euro utile – une juste articulation entre l’ensemble des acteurs concourant à la mise en œuvre des politiques en faveur de la dépendance, qu’il s’agisse de l’État, des différentes caisses ou des collectivités territoriales, au premier rang desquelles se trouvent les départements.
Dans la mesure où 2014 sera une année d’amorçage, nous pourrions mobiliser cette enveloppe de 100 millions d’euros dans le sens indiqué par le rapporteur général à l’instant. L’an prochain, à l’occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, nous pourrons envisager une perspective d’affectation complète de la CASA aux politiques de dépendance.
Bref, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, nous aurons fait en vingt mois ce que vous n’avez pas réussi à faire en dix ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Monsieur le ministre, j’ai écouté avec beaucoup d’attention vos propos et ceux du rapporteur général de la commission des affaires sociales sur la future loi relative à la prise en charge de la perte d’autonomie.
J’ajouterai simplement une précision. Il s’est passé deux ans entre l’annonce par le président Sarkozy d’un texte sur l’autonomie et l’élection de François Hollande. Il est vrai qu’en deux ans cette loi n’a pas été présentée. Depuis, nous n’avons pas eu l’occasion d’agir en ce sens puisque nous ne sommes plus au pouvoir. Or il s’est passé dix-huit mois entre le moment où le président Hollande a été élu et où il a annoncé une loi sur l’autonomie, et maintenant. Il vous reste donc exactement six mois avant de passer le seuil des deux ans. Nous verrons bien dans six mois si cette loi est votée avant les deux ans, puisque c’est ce que vous nous reprochez ! Mais je ne suis pas sûr qu’en 2014 vous puissiez nous présenter ce genre de loi parce que je ne suis pas certain que vous serez toujours là ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Laissez-moi terminer, je ne le dis pas que pour vous, je le dis aussi pour nous.
Pour conclure, bien évidemment, monsieur le ministre, vous avez raison d’insister là où ça fait mal, car nous avons très probablement raté ce que nous avons appelé la rupture dans la mesure où nous avons été battus aux dernières élections présidentielles. Néanmoins, je ne suis pas sûr, en voyant l’état actuel de la France et de degré d’énervement des Français, que vous soyez en train de réussir le changement ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Comme vous le savez, nous avions voté contre l’introduction de la CASA l’année dernière, ce qui justifiait d'ailleurs, pour une part, notre rejet du PLFSS pour 2013.
Toutefois, les amendements identiques présentés tant par nos collègues de droite que du centre soulèvent une vraie question, qui est celle du détournement de cette taxe de son objectif premier, à savoir le financement de la prise en charge de la perte d’autonomie.
Ces amendements ont le mérite de mettre en lumière ce que nous disions alors : le financement de la perte d’autonomie n’est qu’un prétexte destiné à justifier l’instauration d’une taxe sur les retraites.
En même temps, ces amendements auraient pour effet d’assurer un financement de la CNSA et de la perte d’autonomie en opposition avec le financement que nous proposons, qui doit reposer sur la taxation des revenus financiers.
En tout état de cause, leur adoption rendrait inutile un débat approfondi sur cette question de la perte d’autonomie, lequel nous semble indispensable.
C’est pourquoi nous ne voterons pas ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je souhaite répondre à M. Milon sur plusieurs points.
Monsieur le sénateur, d’abord, vous avez laissé entendre que nous ne serions plus là en 2014 pour défendre le projet de loi sur l’autonomie. Je préfère penser que cette remarque m’était personnellement adressée. Il vaut d'ailleurs mieux pour ce texte que ce ne soit pas moi qui le défende : je ne suis pas ministre des affaires sociales et si le ministre du budget se met à présenter tous les projets de loi qui mobilisent de l’argent public, il y a peu de chance que ces lois soient à la hauteur de vos ambitions…
Par ailleurs, au regard de la longévité moyenne des ministres du budget, si je suis toujours au Gouvernement en 2014, 2015 ou 2016, cela signifiera que j’ai battu bien des records, ce qui me ferait plaisir, mais ne serait pas nécessairement de votre goût.
J’évoquerai un troisième point dont je voudrais m’assurer qu’il ne correspondait pas à votre pensée.
Nous avons été élus pour cinq ans, monsieur le sénateur.
M. Claude Bérit-Débat. Eh oui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. J’ai entendu un certain nombre de parlementaires et de représentants de l’opposition expliquer, quasiment dès notre arrivée, que nous n’étions pas légitimes et que nous devions partir avant même d’avoir commencé à exercer le pouvoir.
M. Claude Dilain. C’est cela !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Si tel était le fond de votre pensée, cela me poserait un problème, car la République, c’est le respect de la légitimité de ceux qui ont été élus pour une durée qui est définie par nos institutions.
M. Gilbert Barbier. Tout à fait !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. J’ajoute que nous avons été beaucoup plus souvent et beaucoup plus longtemps que vous dans l’opposition. Nous nous sommes opposés pour faire prévaloir ce à quoi nous croyions, mais jamais nous n’avons remis en cause la légitimité de ceux qui avaient été élus. Pourquoi ? Parce que c’est cela, la République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Donc, si tel était bien le sens de votre propos, je vous dirais simplement, sans agressivité aucune, que de tels propos, dont on observe d'ailleurs la généralisation, ne sont pas acceptables car ils sont contraires – contraventionnels, dirais-je même – aux principes et aux valeurs de la République.
Enfin, monsieur le sénateur, vous avez indiqué que M. Sarkozy s’était engagé à faire une loi sur l’autonomie deux ans après son arrivée et que nous étions aujourd'hui dans la même situation. C’est vrai, mais quand M. Sarkozy annonçait, deux ans après son élection, qu’il ferait cette loi, ses amis et lui-même gouvernaient déjà depuis huit ans, ce qui n’est pas notre cas. Je rappelle que le gouvernement de la précédente majorité n’a pas commencé avec l’élection de Nicolas Sarkozy mais avec celle de Jacques Chirac en 2002 et que la précédente majorité a gouverné pendant dix ans, alors que nous gouvernons depuis dix-huit mois. Et il faudrait qu’en dix-huit mois nous ayons fait tout ce que vous n’avez pas fait pendant dix ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je suis troublé par vos propos, monsieur le ministre. Je pense que le Gouvernement devrait faire preuve d’un peu d’humilité dans ce débat…
M. Jean-Pierre Godefroy. L’opposition également !
M. René-Paul Savary. … et face à la préoccupation des personnes âgées.
On se rappelle les bonnes intentions et les ambitions de certains de vos prédécesseurs qui n’ont pu les mettre en œuvre faute de moyens.
Je n’ai pas l’impression, monsieur le ministre, que vous vous donniez les moyens de répondre de façon ambitieuse aux difficultés des personnes âgées. Vous auriez pu commencer à donner des signes, notamment par des économies budgétaires et par l’inscription, à travers la CASA, dont c’est véritablement la vocation, d’un certain nombre de crédits, en vue de la préparation de ce projet de loi sur l’autonomie.
Vous parlez de pause fiscale, ce qui signifie que vous ne recourrez à aucun prélèvement supplémentaire pour financer ce projet de loi. Mais comment pourrez-vous mieux prendre en charge la perte d’autonomie des personnes âgées sans y mettre les moyens nécessaires, c'est-à-dire sans augmenter encore les prélèvements ?
Sans doute serez-vous amené à modérer vos propos, en tout cas, l’histoire nous le dira.
J’en viens à la CASA, qui a pour vocation de financer la dépendance des personnes en situation de handicap ou des personnes âgées, pour la partie médico-sociale et non pour la partie sanitaire. Il y a là – je ne parlerai pas de détournement de fonds ni de hold-up, qui sont des mots prohibés ici – à tout le moins un « reroutage » de crédits vers le budget de la sécurité sociale, alors qu’ils étaient au départ consacrés au financement du médico-social.
Puis vous avez abordé, monsieur le ministre, la compensation des départements. C’est l’objet de l’article 26 du projet de loi de finances qui permettra aux départements de percevoir 827 millions d'euros supplémentaires. Très bien ! D’un côté, on leur octroie 827 millions d’euros et, de l’autre, on leur prélève 476 millions d’euros correspondant aux frais de gestion des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO. L’article 25, quant à lui, vise à transférer sur les régions les frais de gestion des taxes d’habitation – si, bien sûr, le PLF est voté – et, en contrepartie, on leur soustrait également un certain nombre de prélèvements, de mémoire pour 181 millions d'euros.
Par ailleurs, les présidents de conseils généraux ont la possibilité d’augmenter les DMTO, le plafond maximum passant de 3,8 % à 4,5 %, afin de compenser le financement des allocations de solidarité, qui sont des allocations de solidarité nationale, pour lesquelles les départements, avec l’aide de l’ADF, avaient revendiqué des recettes nationales. Or, en l’espèce, il s’agit de recettes locales. Non seulement les recettes ne seront pas systématiquement augmentées mais, en fait, vous allez opérer des prélèvements sur les DMTO actuels dans l’ensemble des départements pour faire de la péréquation. C’est le principe du « donne-moi ta montre, je te donnerai l’heure ».
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est odieux !
M. René-Paul Savary. J’espère, monsieur le ministre, que vous pourrez nous apporter quelques explications sur ce sujet.
Donc, si le taux retenu est de 0,7 %, près d’un milliard d’euros sera redistribué, mais s’il est de 0,35 %, la moitié de cette somme sera redistribuée. Il n’empêche que cela ne suffira pas à financer le reste à charge des allocations de solidarité, car je vous rappelle qu’il manque sept milliards d’euros. C’est, certes, un effort supplémentaire, mais qui ne sera pas suffisant pour l’ensemble des départements concernés.
Les engagements qui avaient été annoncés lors des différentes réunions ne sont pas entièrement tenus. Là aussi, monsieur le ministre, je pense qu’il faut faire preuve d’une certaine humilité.
N’oublions pas que la CNSA – où les recettes de la CASA doivent atterrir – doit participer également à la compensation du handicap et au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH. Il manque énormément d’argent pour le fonctionnement de ces MDPH étant donné que les départements en sont devenus les principaux financeurs à la place de la CNSA.
Véritablement, le compte n’y est pas. C’est la raison pour laquelle ces amendements sont particulièrement judicieux. Il s’agit de faire en sorte que les prélèvements opérés en faveur de la dépendance soient bien affectés aux personnes qui doivent en être l’objet. C’est un juste retour de ce qui avait été prévu. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur Savary, vous avez évoqué un grand nombre de questions très importantes, qui concernent à la fois les finances des départements, leur capacité à faire face à leurs dépenses obligatoires et nos intentions par rapport à la dépendance.
Vous parlez d’humilité ; vous avez raison, c’est une grande vertu. Compte tenu des difficultés auxquelles vous avez été confrontés dans la mise en œuvre de la politique de la dépendance, l’humilité justifierait que vous soyez moins directif et moins pressant quant à ce que nous devons faire et que nous n’avons pas encore fait depuis le peu de temps que nous sommes là.
Ces difficultés sont réelles : elles s’expliquent par des raisons budgétaires mais également par des raisons d’organisation. C’est pourquoi je suggère, en vertu de cette même humilité, aux auteurs de ces amendements de les retirer. Ce serait une excellente manière de la mettre en œuvre en disant : « Nous n’avons pas réussi, nous savons à quel point c’est difficile, et nous vous invitons à agir avec humilité et sans approche politicienne. »
Par ailleurs, vous avez posé une question extrêmement importante et judicieuse, qui a trait aux conditions financières que nous ménageons aux départements afin de leur permettre de financer leurs dépenses obligatoires. Vous considérez à juste raison que, de la résolution de ce problème, dépendra en partie la capacité de ces collectivités locales à mener, aux côtés de l’État, une bonne politique en faveur de la dépendance.
Là encore, qu’avons-nous trouvé ? Toutes tendances politiques confondues, les départements nous ont dit que leurs dépenses obligatoires évoluaient beaucoup plus vite que leurs recettes. Ces dépenses obligatoires sont de trois types : la PCH, le RSA, l’APA. Outre que les dotations de l’État évoluent beaucoup moins vite que leurs dépenses obligatoires, les recettes fiscales qu’ils perçoivent sont très volatiles. Si les DMTO sont extraordinairement dynamiques lors d’une période de prospérité, ils sont très déprimés en période de crise. Ainsi, certains départements qui avaient vu leurs DMTO exploser lorsque l’expansion était là ont ensuite assisté à leur effondrement.
En outre, il existe des différences importantes entre les départements. Ceux qui n’ont jamais perçu de DMTO étaient favorables à ce qu’on leur substitue des DMTO d’une autre nature tandis que certains départements qui se souvenaient de l’âge d’or des DMTO souhaitaient simplement que l’on compense la perte de ceux-ci.
Qu’avons-nous fait ? Nous avons décidé de donner aux départements 827 millions d’euros de recettes dynamiques émanant de frais de gestion adossés à la perception d’un certain nombre de taxes locales. Cet apport aux départements de près d’un milliard d’euros représente donc une compensation dont les départements n’avaient jamais disposé jusqu’à présent. De plus, nous leur ouvrons la possibilité d’augmenter le taux des DMTO, qui pourront passer de 3,8 % à 4,5 %.
La péréquation dont vous parlez, monsieur le sénateur, qui conduirait à prélever sur cette part de DMTO afin d’assurer la péréquation entre les départements en fonction de leurs richesses et de leurs charges, est une demande qui a été formulée par les départements après la signature du pacte de confiance.
Nous travaillons sur cette demande avec les départements pour faire en sorte qu’ils soient entendus et que, malgré la signature du pacte, nous puissions aller au-delà en faisant valoir que cette demande émane non pas du Gouvernement mais des départements eux-mêmes. Les départements avec lesquels nous avons travaillé – étaient présents autour de la table des présidents de conseils généraux de toutes sensibilités – ont reconnu, lors de la signature du pacte, qu’un tel effort en faveur des départements était sans précédent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur Savary, ces dernières semaines, vous nous aviez habitués à des propos plus pertinents, plus modérés et plus en phase avec la réalité de la situation.
Qu’en est-il exactement des départements ?
Nous le savons tous, au cours des cinq dernières années, les élus des départements ont été, selon la meilleure appréciation possible, ignorés par le Gouvernement. Ils ont souvent été mis en accusation, quelquefois même méprisés. Par ailleurs, plusieurs dispositions ont été prises pour fragiliser les institutions départementales, préparant sans aucun doute leur affaiblissement et, à moyen terme, leur disparition complète.
Il suffit d’ailleurs d’écouter aujourd’hui les déclarations de certains leaders de l’UMP appelant de leurs vœux, à leur retour au pouvoir, la fusion de l’échelon départemental et de l’échelon régional, c’est-à-dire la disparition du département.
Je dois reconnaître les efforts sincères et réels d’élus de l’UMP, présidents de conseil général, sénateurs – M. Roche en particulier –, mais les actions qu’ils ont menées pendant ces cinq années n’ont pas été couronnées de succès. Nous pouvons tous le regretter.
Qu’en est-il, aujourd’hui ? Quelques mois après son élection, le Président de la République a reçu de façon solennelle à l’Élysée les représentants des régions puis les représentants des départements, au sein d’une délégation pluraliste. L’acte fut certes symbolique mais marquant, car il participait à la reconnaissance, au plus haut niveau de l’État, de l’importance de cet échelon d’administration.
À l’issue de cette rencontre et de la signature, par le Premier ministre et le président de l’Assemblée des départements de France, l’ADF, du pacte de confiance et de responsabilité entre l’État et les collectivités locales, une négociation a été engagée. Initiée en janvier 2013, elle s’est terminée en juillet 2013 par une réunion organisée à Matignon. Elle a d’ailleurs été saluée par tous les participants, toutes sensibilités confondues – il suffit de se reporter aux déclarations de l’époque –, comme un moment fort de convergence entre le Gouvernement et les départements.
Je ne détaillerai pas à nouveau les dispositions qui ont été prises. Le versement de 827 millions d’euros en direction des départements dans le cadre de la péréquation est acquis.
Un autre sujet fait toujours l’objet de discussions, à savoir la demande, formulée par l’ADF, d’un relèvement de la part prélevée sur les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, dans tous les départements. Une telle mesure permettrait d’alimenter un autre fonds de péréquation, participant au rééquilibrage, demandé depuis une dizaine d’années, du financement des trois allocations versées par les départements.
L’idéal serait à mon sens que ce prélèvement s’établisse à 0,7 % afin de correspondre à l’augmentation prévue des droits de mutation à titre onéreux de 3,8 % à 4,5 %. Chaque département serait ensuite libre, s’il le souhaite ou s’il le peut, d’augmenter ou non ses propres droits de mutation. Le prélèvement serait donc obligatoire sur l’ensemble des départements et permettrait d’alimenter le fonds.
En effet, si ce prélèvement n’est pas généralisé, les départements les plus en difficulté se trouveront dans l’obligation d’augmenter leurs droits de mutation à titre onéreux de 3,8 % à 4,5 %, alors que les sommes perçues resteront insuffisantes. Les départements qui se trouvent en meilleure posture seront quant à eux fortement incités à ne pas augmenter leurs droits de mutations. N’en ayant pas besoin pour eux-mêmes, ils n’auront pas la volonté de créer une taxe nouvelle sur leur territoire pour alimenter d’autres départements.
Telle est la stricte description de la situation telle qu’elle se présente depuis un an. Elle n’est certainement pas parfaite et tout n’est pas encore gagné. Néanmoins, reconnaissons le chemin parcouru, les acquis et les espoirs suscités par la discussion qui est actuellement engagée entre les représentants des départements et le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Les départements sont en charge de deux missions dans le secteur social : une mission d’action sociale financée sur leurs ressources propres, et une mission de versement de prestations sociales – l’APA, le RSA et la PCH. Alors que cette dernière devrait s’appuyer sur la solidarité nationale, ce sont les départements qui l’assument en grande partie sur leurs budgets.
L’allocation personnalisée d’autonomie coûte 5 milliards d’euros. Elle est aujourd’hui compensée par l’État à hauteur de 27 %, soit 1,5 milliard d’euros. Étant versée au nom de la solidarité nationale, nous demandions, avec mes collègues présidents de conseils généraux de gauche, qu’elle soit compensée à 100 %. Imaginez que l’on demande aux communes de payer les allocations familiales : les maires seraient-ils contents ? Les conseillers généraux ont le droit de ne pas en être satisfaits.
Compte tenu des difficultés actuelles, nous avons admis que si les allocations versées étaient compensées par l’État à hauteur de 50 %, les départements, mêmes les plus pauvres, sortiraient la tête de l’eau. Nous y avons travaillé tous ensemble, avec l’ADF, pour progresser.
Je prends acte des avancées, monsieur le ministre. Nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises, notamment lors des réunions à Matignon. Je vous remercie notamment d’avoir acté le versement de 827 millions d’euros en direction des départements, initialement utilisés pour gérer notre impôt sur le foncier bâti.
Nous obtenons ces 827 millions d’euros, mais cette avancée est à moduler car la dotation générale de fonctionnement des départements va quant à elle diminuer d’environ 400 millions d’euros. Les collectivités doivent participer à l’effort général, j’en conviens volontiers, mais cette mesure limite l’effet de cette dotation de 827 millions d’euros.
Par ailleurs, lors de la réunion du 16 juillet dernier, nous avions évoqué la possibilité d’une augmentation de 0,7 % des DMTO sur l’ensemble des départements, les fonds ainsi récoltés faisant ensuite l’objet d’une juste péréquation entre les départements.
Aujourd’hui, les orientations évoluent et notre ami Claudy Lebreton semble avaler quelques couleuvres. En effet, la péréquation se ferait désormais à partir d’un prélèvement sur les dotations actuelles des droits de mutation à titre onéreux, les départements qui le souhaitent étant autorisés à les augmenter de 0,7 %.
On a argué que cette augmentation n’était pas un impôt mais une taxe. Certes, mais je préfère l’impôt, car en s’appliquant à des revenus, il est plus juste qu’une taxe, qui est un prélèvement indirect, socialement beaucoup plus lourd.
De plus, nous ne savons pas sur quels critères vont se répartir les sommes au nom de la péréquation. Je veux bien vous faire confiance. Néanmoins, malgré un combat auprès de mes collègues présidents de conseils généraux de gauche, je me souviens avoir vécu comme un coup de couteau et une trahison le partage des 85 millions d’euros de la deuxième tranche du fonds de secours. Vous êtes habile, monsieur le ministre. Toutefois, il vous faudra vous contorsionner pour m’expliquer comment la Corrèze a pu obtenir 13 millions d’euros alors que mon département de la Haute-Loire n’a reçu aucune dotation ! Vous comprendrez, dans ces conditions, que les termes de la péréquation constituent une sacrée inquiétude.
Il faut aller de l’avant. Toutefois, j’aurais préféré que nous en restions à l’idée initiale, validée par les représentants des conseils généraux de droite et de gauche comme par le Gouvernement, consistant à augmenter les droits de mutation à titre onéreux de 0,7 % pour tous les départements avant de les redistribuer, à laquelle Bercy s’est, je crois, opposée.
Nous allons accepter tout cela ! Je voudrais néanmoins conclure sur une remarque que je suis d’autant plus à l’aise de formuler que j’étais auprès de mes collègues, lorsque l’ADF était dans l’opposition, pour dénoncer un certain nombre de choses.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est juste !
M. Gérard Roche. Il est vrai que des discussions ont eu lieu et que nous avons été reçus, mais les chiffres montrent qu’entre les dotations reçues par mon département en 2011, sous la présidence de M. Sarkozy, avec le fonds de secours et la péréquation sur les DMTO, et celles reçues en 2014, 4 millions d’euros manquent. Je souhaite à tout le moins les récupérer et aller bien plus loin.
Pour cela, vous aurez besoin des 600 millions d’euros de la CASA, c’est pourquoi nous maintiendrons cet amendement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je soutiendrai les trois amendements. Toutefois, je souhaiterais apporter mon témoignage, en tant que conseiller général des Ardennes.
J’ai été quelque peu déçu par l’intervention de M. le ministre arguant que, en dix ans, rien n’avait été fait en matière de dépendance. Pourtant, peu de temps après mon arrivée au Sénat, en août 2007, nous avions posé au Gouvernement, en la personne de Mme Létard, une question sur le cinquième risque. J’avais reçu une réponse d’attente. Nous avons ensuite connu une crise économique sans précédent, imposant d’autres mesures. Quels que soient le Président de la République, le Gouvernement, ne jetons la pierre à personne, car n’oublions pas que nous sommes toutes et tous, en tant qu’élus, de passage.
Par ailleurs, chaque mois de novembre, année après année, au moment de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, défilent les amendements, les commentaires qui dépassent quelquefois la pensée. Il convient aussi de relativiser. Un gouvernement, quel qu’il soit, doit gérer les comptes publics, le rapporteur général l’a souligné.
Pour en revenir à l’allocation personnalisée d’autonomie, en tant que conseiller général d’un département, les Ardennes, marqué comme beaucoup d’autres par les difficultés économiques, je confirme l’existence d’un décalage entre les montants versés et la compensation. Dans les Ardennes, entre 2002 et 2012, l’APA n’a été compensée qu’à hauteur de 32 %, ce qui laisse un important déficit à combler.
Or il faut bien convenir que les départements ne peuvent plus guère que s’appuyer sur la fiscalité sur le foncier bâti… Dans le même temps, en toute objectivité, nous devons également reconnaître que l’État est le plus gros contributeur du budget de l’ensemble des collectivités territoriales. Nous devons faire preuve de pédagogie et le rappeler régulièrement.
La dépendance est un véritable sujet de société, compte tenu de la démographie de notre pays. Si nous pouvons nous féliciter de l’augmentation de l’espérance de vie, n’oublions pas que cela a un coût.
Je soutiendrai ces amendements, néanmoins sachons rester humbles certes, mais aussi modestes, et sachons nous remettre en question.
M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. Nous devrions examiner l’opportunité de créer une nouvelle aide visant à lutter contre l’amnésie généralisée qui semble atteindre, comme une épidémie, nos collègues de droite. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Sur le problème de la dépendance, je vais devoir vous rappeler non pas à l’humilité ni à la modestie, mais à la vérité !
M. Jean-Noël Cardoux. Votre vérité !
M. Alain Néri. Le premier gouvernement à se préoccuper de la dépendance a été celui de Pierre Bérégovoy,…
Mme Colette Giudicelli. Ah ! ils vont parler de Mitterrand !
M. Alain Néri. … qui a créé une aide financière de l’État destinée aux familles afin que nos anciens puissent finir leur vie dans de meilleures conditions.
Vous nous avez dit que c’était totalement insuffisant, et qu’on allait voir ce qu’on allait voir à votre retour aux responsabilités. Mais, quand vous êtes revenus aux responsabilités, on n’a pas vu grand-chose. Vous avez seulement mis en place, peu de temps avant la fin de la législature, la prestation spécifique dépendance, la PSD, en oubliant d'ailleurs de la financer, de sorte que nous avons dû la financer nous-mêmes lorsque nous sommes revenus aux responsabilités. Comme la PSD était totalement insuffisante,…
Mme Colette Giudicelli. Vous êtes très désagréable !
M. Alain Néri. … Paulette Guinchard-Kunstler a créé l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, qui est une allocation universelle.
M. René-Paul Savary. Avec l’argent des autres !
M. Christian Cambon. Elle n’est pas financée !
M. Alain Néri. Ainsi, partout en France, la même allocation est versée aux personnes qui souffrent du même handicap et ont les mêmes ressources. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Veuillez laisser parler l’orateur, mes chers collègues.
M. Alain Néri. Nous avions prévu le financement de l’APA. Nous avions dit très clairement qu’il serait réparti à parts égales entre l’État et les départements.
M. Jean-Noël Cardoux. C’est l’hôpital qui se moque de la charité !
M. Alain Néri. Chers collègues de l’opposition, nous verrons si, comme vous l’avez affirmé, vous redevenez majoritaires.
M. Jean-Noël Cardoux. Nous le serons plus tôt que vous ne le pensez !
M. Alain Néri. Ne vendez pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué !
Qu’est-il arrivé ? La part de l’État est passée de 50 % à 27 % ; ce n’est pas moi qui le dis, c’est Gérard Roche. Et cela s’est produit sous le gouvernement de François Fillon, alors que Nicolas Sarkozy était Président de la République. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)
Il y a une grande différence entre vous et nous. Pour notre part, nous souhaitons une allocation personnalisée d’autonomie qui soit universelle, en attendant peut-être de créer, quand nous en aurons les moyens, un cinquième risque de la sécurité sociale. Vous estimez en revanche, comme d’autres, dont le délégué général du groupe Malakoff Médéric, un dénommé Guillaume Sarkozy (Ah ! sur les travées de l'UMP.), que l’APA doit être prise en charge non par l’État ou les départements, mais par une assurance. Si on va dans votre sens, ceux qui ont de l’argent pourront se payer une assurance et ainsi finir leur vie dans la dignité, tandis que les plus modestes mourront dans les conditions les plus difficiles. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Quand on veut donner des leçons d’égalité, il faut faire attention ! Dans ce domaine, nous devons rendre hommage à l’action du Gouvernement. M. le ministre vient de nous dire que la part de l’État ne pourrait certes pas remonter d’un coup jusqu’à 50 %, mais des négociations sont en cours – M. le rapporteur général nous l’a indiqué – entre le Gouvernement, les élus départementaux et les parlementaires pour trouver un financement qui permette aux départements de récupérer des marges de manœuvre.
Chers collègues de l’opposition, faites preuve non pas d’humilité, mais de modestie et surtout de mémoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 108 rectifié, 148 et 285 rectifié.
J'ai été saisi de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe socialiste, la deuxième, du groupe UMP et, la troisième, du groupe de l'UDI-UC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 53 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l’adoption | 186 |
Contre | 138 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
L'amendement n° 66, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 61
Remplacer les mots
est insérée une phrase ainsi rédigée :
par les mots :
sont insérées deux phrases ainsi rédigées
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à corriger une erreur matérielle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 65, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 64
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à supprimer le rapport demandé par l’Assemblée nationale au Gouvernement sur le financement de la protection sociale. En effet, comme cela a déjà été souligné à plusieurs reprises, le Haut Conseil du financement de la protection sociale est d’ores et déjà chargé d’établir un état des lieux du système de financement de la protection sociale et de formuler des propositions d’évolution de ce dernier.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Cet amendement me met en difficulté. Nous avons accepté un amendement du député Jean-Marc Germain, qui souhaitait que l’Assemblée nationale s’intéresse à la question du financement de la protection sociale et formule des propositions dans le cadre d’un rapport. Même si, comme vous l’avez indiqué, le Haut Conseil du financement de la protection sociale travaille déjà sur le sujet, il est très difficile pour un membre du Gouvernement qui a longtemps été parlementaire de s’opposer à ce que les parlementaires se saisissent de leurs prérogatives de proposition et de contrôle.
Il n’y a pas d’antinomie entre les travaux du Parlement, dont plusieurs membres sont fortement impliqués dans les questions sociales, et ceux du Haut Conseil du financement de la protection sociale. C'est la raison pour laquelle j’avais émis un avis favorable sur l’amendement de Jean-Marc Germain. Il m’est difficile de ne pas confirmer cet avis aujourd'hui. Je n’ai pas changé d’avis sur le rôle du Parlement.
Monsieur le rapporteur général, je vous propose de retirer votre amendement. Beaucoup de réflexion nuit moins qu’une absence totale de réflexion. Dès lors que le Parlement décide souverainement de se saisir du sujet, conformément à son rôle de proposition et d’orientation, je ne vois aucune raison de m’opposer à sa décision.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° 65 est-il maintenu ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas un rapport parlementaire, mais un rapport gouvernemental, qui est demandé. Cependant, pour être agréable à M. le ministre, et en espérant son soutien dans les futures négociations sur le financement des trois allocations, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 65 est retiré.
Je mets aux voix l'article 15, modifié.
(L'article 15 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 15
M. le président. L'amendement n° 231, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À l’article L. 3261-2 du code du travail, le mot : « ou » est remplacé par le mot : « et ».
II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement vise à permettre aux employeurs de prendre en charge à la fois un abonnement aux transports en commun et un abonnement à un système de vélo en libre-service.
Mes chers collègues, je compte sur votre écoute et votre intérêt pour cet amendement, ainsi que pour l’amendement n° 232, que je présenterai ensuite. Je rappelle que ces deux amendements, fruits d’un large consensus, ont été adoptés l’année dernière par le Sénat. Deux amendements identiques avaient même été déposés par notre collègue du groupe UMP Fabienne Keller, qui est membre du club des parlementaires pour le vélo.
Les amendements nos 231 et 232 partent tous deux du principe que le vélo, seul mode de déplacement à ne pas polluer, est également le seul à ne pas bénéficier d’incitations dans le monde de l’entreprise, contrairement à la voiture individuelle et aux transports en commun. Or la pratique du vélo, en plus d’être neutre pour l’environnement, est excellente pour la santé à de nombreux égards.
Plusieurs experts de l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité s’accordent ainsi pour conclure qu’une activité physique régulière modérée peut permettre d’économiser jusqu’à 1 000 euros par an et par habitant, dont environ 200 euros grâce à la diminution du nombre de maladies cardiovasculaires. Un rapport de l’Académie de médecine paru l’année dernière recommande également la pratique régulière du sport, qui a des effets bénéfiques à court terme sur le sommeil et le stress. Rappelons également que, selon l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, la sédentarité est responsable d’un décès sur dix, et que, selon une étude publiée en 2007, un sport d’intensité modérée pratiqué au moins trois heures par semaine réduit le risque de mortalité d’environ 30 %.
Pour toutes ces raisons, nous ne comprenons pas que l’employeur puisse prendre en charge un abonnement aux transports en commun mais pas un abonnement à un système public de location de vélos. Cet amendement vise donc à permettre à l’employeur de rembourser à la fois l’un et l’autre. Je compte sur votre soutien, mes chers collègues, dans la mesure où, l’an dernier, cet amendement a fait l’objet d’un très large consensus et a été voté par notre assemblée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’intention de cet amendement est louable, compte tenu des effets avérés de la pratique régulière du vélo sur la santé. Cependant, dans la mesure où la disposition prévue par cet amendement représenterait une charge supplémentaire pour l’employeur, ainsi que, puisqu’il y a exonération de cotisations sociales, une perte de recettes supplémentaire pour la sécurité sociale, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame la sénatrice, je partage absolument votre opinion quant aux vertus de la pratique de la bicyclette sur le métabolisme, la santé et la longévité, soulignées par de nombreuses études. La pratique de la bicyclette devrait donc être grandement encouragée.
Malheureusement, je ne peux être favorable à votre amendement, pour les raisons que vient d’exposer le rapporteur général. En effet, la disposition que vous proposez ferait peser des charges nouvelles sur les entreprises, dans un contexte de compétitivité difficile, qui nous a d'ailleurs conduits à prendre un certain nombre de mesures.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Comme l’ont dit M. le rapporteur général et M. le ministre, cet amendement, même si l’on comprend son objectif qui est d’inciter à la pratique du vélo, fera peser des charges supplémentaires sur les entreprises qui croulent déjà sous les nouvelles taxes et impositions que le Gouvernement leur inflige. Le groupe UMP votera donc contre cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. Je suis très étonnée des positions exprimées, et ce pour deux raisons.
D’une part, un amendement identique a été voté l’année dernière dans un consensus très large.
D’autre part, au cours de la discussion générale, nous avons tous dit qu’il était temps de passer à des politiques de prévention. Nous avons là une occasion simple d’encourager un mode de transport en plein développement, qui permettra de surcroît à la sécurité sociale de faire des économies, car nos concitoyens seront en meilleure santé. Or la diminution des dettes de notre système de protection sociale est bien le sujet de notre débat d’aujourd’hui !
Aussi, je ne comprends pas pourquoi cet amendement de bon sens ne pourrait pas être adopté.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Nous ne voterons pas cet amendement qui a pour objet de cumuler la prise en charge par l’employeur d’un abonnement aux transports en commun et d’un abonnement à un système public de location de vélos, car imposer une charge nouvelle aux entreprises n’est pas sérieux. De plus, malheureusement, ces systèmes de location de vélos n’existent pas partout. J’en profite pour dire qu’il appartient aux pouvoirs publics de développer ce mode de transport qui avait reculé pendant des décennies, ce qui est bien dommage.
Néanmoins, nous ne pouvons pas alourdir la charge de nos entreprises, même si c’est de manière modérée, car les petits ruisseaux font les grandes rivières.
Enfin, madame Archimbaud, j’ajoute qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. On a d’ailleurs pu voir récemment sur l’écotaxe que certains changeaient d’avis très rapidement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 231.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 54 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Pour l’adoption | 33 |
Contre | 282 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 232, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 3261-3 du code du travail, il est inséré un article L. 3261-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 3261-3-…. – L’employeur peut prendre en charge, dans les conditions prévues à l’article L. 3261-4, tout ou une partie des frais engagés par ses salariés se déplaçant à vélo entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail, sous la forme d’une indemnité kilométrique vélo, dont le montant est fixé par décret.
« Le bénéfice de cette prise en charge peut être cumulé avec celle prévue à l’article L. 3261-2, sous certaines conditions fixées par décret, ainsi qu’au remboursement de l’abonnement transport lorsqu’il s’agit d’un trajet de rabattement vers une gare ou station ou lorsque le salarié réside hors du périmètre de transport urbain. »
II. – Après l’article L. 131-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 131-4-… ainsi rédigé :
« Art. L. 131-4-…. – La participation de l’employeur aux frais de déplacements de ses salariés entre leur domicile et le lieu de travail réalisés à vélo est exonérée de cotisations sociales, dans la limite d’un montant défini par décret. »
III. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement est un peu différent du précédent. Il a pour objet d’instaurer une réduction de cotisations sociales à hauteur de 25 % du prix d’achat de la flotte de vélos pour les employeurs qui en mettraient une à disposition de leurs salariés. Je souligne qu’il s’agit d’une possibilité et non d’une obligation imposée aux entreprises.
Cette mesure représenterait un faible coût pour l’État, s’agissant d’un manque à gagner et non d’une dépense supplémentaire. De plus, elle serait compensée par les économies réalisées en dépenses de santé, grâce notamment à la baisse de la pollution et des nuisances sonores, ainsi qu’en maintenance des voiries.
Un tel dispositif a déjà fait ses preuves en Grande-Bretagne. Mis en place voilà dix ans, il touche près de 400 000 salariés. Il a de surcroît permis la création d’emploi en développant l’industrie du vélo, puisque les trois quarts des usagers affirment avoir acheté un vélo à la suite de ce programme. Il a également eu un impact important du point de vue environnemental : on estime qu’il a permis d’économiser 133 000 tonnes de CO2.
Tels sont les enjeux de notre proposition. Je rappelle de plus qu’un amendement identique été adopté l’année dernière par cette même assemblée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission des affaires sociales a estimé qu’un tel amendement trouverait plus logiquement sa place dans le futur projet de loi de santé publique qui devrait être discuté par le Parlement dans le courant de l’année 2014.
Dans l’attente, nous avons donné un avis défavorable sur l’amendement n° 232.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 232.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 55 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l’adoption | 12 |
Contre | 334 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 77, présenté par Mme Meunier et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après la section 2 du chapitre II du titre VI du livre II de la troisième partie du code du travail, il est inséré une section … ainsi rédigée :
« Section 2 bis
« Prise en charge des frais de transport partagés
« Art. L. 3261-2-... – L’employeur prend en charge, sur pièce justificative, dans une proportion et des conditions déterminées par voie réglementaire, les frais de déplacements entre la résidence habituelle et le lieu de travail accomplis, en tant que passagers covoiturants, par ceux de ses salariés :
« 1° Dont le lieu de travail n’est pas accessible depuis la résidence habituelle par une liaison valable définie par décret en utilisant un mode collectif de transport ;
« 2° Ou pour lesquels l’utilisation d’un véhicule personnel est rendue indispensable par des conditions d’horaires de travail particuliers ne permettant pas d’emprunter un mode collectif de transport. »
II. – La perte de recettes pour l’État résultant du I est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A au code général des impôts.
III. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. La question de l’obligation de l’employeur de prendre en charge les frais de déplacement domicile-travail de ses salariés en transport collectif à hauteur de 50 % a été abordée dans le PLFSS pour 2009.
Cet amendement, quant à lui, a pour objet de prévoir une obligation de prise en charge pour les transports partagés, que l’on appelle aussi le covoiturage. Ses nombreux effets incitatifs attendus sont décrits dans l’exposé de ses motifs.
En plus des bénéfices écologiques, économiques et donc, au final, en termes de santé publique, cette prise en charge par l’employeur à hauteur de 50 % du covoiturage présente un intérêt pour les collectivités territoriales, notamment les départements. Ces derniers devront tout de même procéder à l’aménagement de bon nombre de stations et de parkings relais pour le covoiturage, lequel représente une troisième voie entre le transport collectif et le tout-voiture.
M. le président. L’amendement n° 152, présenté par Mmes Jouanno et Létard, MM. Roche, Vanlerenberghe et Amoudry, Mme Dini, M. Marseille et les membres du groupe Union des démocrates et indépendants-UC, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après la section 2 du chapitre 1er du titre VI du livre II de la troisième partie du code du travail, il est inséré une section ainsi rédigée :
« Section …
« Prise en charge des frais de transport partagés
« Art. L. 3261-2-…. - L’employeur prend en charge, sur pièces justificatives, dans une proportion de 33 % et dans les limites d’exonérations de charges et de cotisations sociales mentionnées au b du 19 ° ter de l’article 81 du code général des impôts, les frais de déplacements entre la résidence habituelle et le lieu de travail accomplis, en tant que passagers covoiturants, par ceux de ses salariés :
« 1° Dont le lieu de travail n’est pas accessible depuis la résidence habituelle, par une liaison valable définie par décret, en utilisant un mode collectif de transport ;
« 2° Pour lesquels l’utilisation d’un véhicule personnel est rendue indispensable en raison d’horaires de travail particuliers ne permettant pas d’emprunter un mode collectif de transport. »
II. - La perte de recettes pour l’État résultant du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A au code général des impôts.
III. - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. Cet amendement, porté par Mme Jouanno, a pour objet de promouvoir le covoiturage. Pour ce faire, il crée un mécanisme de prise en charge obligatoire, par l’employeur, du transport partagé en covoiturage.
Le mécanisme institué est doublement limité : quant à son montant, d’une part, puisque l’employeur ne prendrait en charge, sur pièces justificatives, que 33 % des frais engendrés et dans la limite de 200 euros par an ; quant à la nature des bénéficiaires, d’autre part, puisque seuls seraient éligibles à cette prise en charge les salariés dont le lieu de travail n’est pas accessible depuis la résidence habituelle par les transports collectifs et ceux pour lesquels l’utilisation d’un véhicule personnel est rendue indispensable en raison d’horaires de travail particuliers ne permettant pas d’emprunter les transports collectifs.
Ces dispositions rappellent celles qui s’appliquent déjà aux transports en commun. Ainsi limité, le dispositif ne serait pas dispendieux et contribuerait à rendre notre économie plus durable.
M. le président. L’amendement n° 233, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après la section 2 du chapitre 1er du titre VI du livre II de la troisième partie du code du travail, il est inséré une section … ainsi rédigée :
« Section …
« Prise en charge des frais de transports partagés
« Art. L. 3261-2-…. - L’employeur prend en charge, sur pièce justificative, dans une proportion et des conditions déterminées par voie réglementaire, les frais de déplacements entre la résidence habituelle et le lieu de travail accomplis, en tant que passagers covoiturants, par ceux de ses salariés :
« 1° Dont le lieu de travail n’est pas accessible depuis la résidence habituelle par une liaison valable définie par décret en utilisant un mode collectif de transport ;
« 2° Pour lesquels l’utilisation d’un véhicule personnel est rendue indispensable en raison d’horaires de travail particuliers ne permettant pas d’emprunter un mode collectif de transport.
« Le bénéfice de cette prise en charge ne peut être cumulé avec celle prévue à l’article L. 3261–2. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A au code général des impôts.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement va dans le même sens que les deux précédents. Il tend également à régler la question de la prise en charge des frais de transports partagés, mieux connus sous le nom de « covoiturage ».
Il convient en effet d’encourager des comportements plus respectueux de l’environnement et d’accompagner une tendance sociétale qui, notamment en raison des difficultés liées à la baisse du pouvoir d’achat, voit se développer chez nos concitoyens la consommation collaborative centrée sur le partage de l’usage plutôt que sur la possession individuelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces trois amendements nos 77, 152 et 233 tendent à mettre à la charge de l’employeur les frais de déplacements des salariés entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail, accomplis en tant que passagers covoiturants.
Au regard des effets attendus d’une telle disposition sur le développement de la pratique régulière du covoiturage et des garde-fous entourant le dispositif proposé, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ces amendements visent à imposer aux entreprises une nouvelle obligation de prise en charge des dépenses de covoiturage en faveur des salariés qui ne seraient pas en mesure d’utiliser les transports en commun pour effectuer le trajet entre leur domicile et leur travail.
Dans la mesure où ces dépenses ne sont actuellement remboursées qu’en matière fiscale, lorsque les salariés déclarent leurs frais professionnels « au réel », l’adoption de l’un ou l’autre de ces amendements occasionnerait un surcoût pour les entreprises, dans un contexte économique encore incertain.
De plus, ces amendements créent de facto une nouvelle niche sociale, provoquant donc une perte de recettes pour la sécurité sociale.
Par ailleurs, ces amendements seraient en pratique très complexes à mettre en œuvre et sources de nombreux contentieux, car il serait particulièrement délicat pour l’employeur d’identifier les situations dans lesquelles le lieu de travail n’est pas accessible depuis le domicile par des transports en commun ou celles dans lesquelles l’utilisation d’un véhicule personnel est rendue indispensable par des horaires de travail particuliers.
Enfin, ces amendements encouragent l’utilisation de véhicules individuels, fût-elle partagée, ce qui rompt avec la logique actuelle qui tend à encourager l’utilisation et le développement des transports en commun.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. L’intention des auteurs de ces amendements est certainement tout à fait louable, mais il me paraît nécessaire d’évaluer comment une telle mesure pourrait être appliquée en pratique.
Il faut se mettre à la place de l’entreprise qui devra mettre en œuvre ce dispositif : « L’employeur prend en charge, sur pièces justificatives, » – en matière de covoiturage, il va être difficile de trouver des pièces justificatives ! – « dans une proportion de 33 % et dans les limites d’exonération de charges et de cotisations sociales […] les frais de déplacement entre la résidence habituelle et le lieu de travail accomplis, en tant que passagers covoiturants, par ceux de ses salariés […] dont le lieu de travail n’est pas accessible depuis la résidence habituelle, par une liaison valable définie par décret, un utilisant un mode collectif de transport » !
Autant nos collectivités doivent faire le maximum d’efforts pour développer le covoiturage – je préside une collectivité qui le fait depuis des années, en aménageant des sites et des installations –, autant la démarche adoptée par les auteurs de ces amendements ne me paraît pas raisonnable, car elle repose sur un processus beaucoup trop compliqué.
Nous ne pourrons donc pas voter ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 77.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 15, et les amendements nos 152 et 233 n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 236 rectifié, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le III de la section III du chapitre III du titre IV de la première partie du livre premier du code général des impôts est complété par un article 1010 ter ainsi rédigé :
« Art. 1010 ter. – I. – Il est institué une taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules dont le moteur fonctionne au gazole.
« La délivrance des certificats prévus aux articles 1599 septdecies et 1599 octodecies ne donne pas lieu au paiement de cette taxe.
« II. – Le tarif de cette taxe est fixé à 500 € pour l’année 2014.
« III. – La taxe est due sur les certificats d’immatriculation délivrés à partir du 1er juillet 2014. La taxe est recouvrée comme un droit de timbre. »
II. – Après le h de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Le produit de la taxe mentionnée à l’article 1010 ter du code général des impôts est affecté à la branche mentionnée au 1° de l’article L. 200-2 du présent code. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Les deux tiers environ du parc automobile français fonctionnent au gazole, encore appelé diesel. Les moteurs diesel émettent de grandes quantités de particules fines, qui pénètrent plus facilement dans l’appareil respiratoire et sont à l’origine de cancers, de maladies respiratoires ou dégénératives. Un rapport de l’Organisation mondiale de la santé rendu en juin 2012 a montré que ces particules fines sont cancérogènes.
Du point de vue financier, les conséquences de cette situation sont importantes pour nos finances publiques. Le Commissariat général au développement durable a récemment évalué le coût sanitaire et social des pathologies respiratoires et cardiovasculaires liées à la pollution de l’air en France à 20 milliards d’euros ou 30 milliards d’euros par an, sans compter les milliards d’euros de manque à gagner fiscal sur le diesel.
À ces arguments sanitaires et financiers nous est souvent opposé un argument social et économique.
Or, du point de vue social, notre démarche est très prudente, puisque cet amendement tend à créer une taxe sur les voitures diesel neuves qui seront immatriculées après le 1er juillet 2014. Nous évitons ainsi l’écueil consistant à piéger des gens qui ne disposent pas de moyens de substitution lorsqu’ils possèdent déjà une voiture diesel et que l’on ne peut punir d’avoir acheté un véhicule diesel alors que l’État les y avait fiscalement et commercialement incités. Il faut parfois reconnaître ses erreurs et ne pas en faire peser les conséquences sur les contribuables.
Du point de vue économique, enfin, le développement massif du diesel en France a contribué à créer une industrie automobile française très isolée, en Europe et dans le monde, et donc faible à l’exportation. Si nous voulons conserver une chance de sauver la filière automobile française, il faut impérativement l’aider à sortir de cet isolement et à profiter de l’occasion offerte par la transition écologique pour se réinventer. C’est là que réside notre véritable potentiel de compétitivité économique, qui ne sera pas rétablie en se lançant dans une course perdue d’avance à la baisse du coût du travail.
Pour ces raisons sanitaires, financières et économiques, il nous semble important d’adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les auteurs de cet amendement proposent de créer une taxe sur les immatriculations de voitures neuves fonctionnant au gazole livrées après le 1er juillet 2014. Leurs motivations peuvent être comprises et partagées.
De nombreux travaux récents, en premier lieu le rapport de Louis Gallois, ont admis qu’il faudrait aller vers une économie moins « diésélisée ». Dans le cadre de la transition écologique, nous devons travailler à mettre fin à cette particularité française, qui représente un coût pour les finances publiques et une source d’inquiétude pour la santé publique.
Cela étant dit, dans un contexte de hausse du prix du baril, le pouvoir d’achat des ménages profite de la fiscalité sur le diesel. Par ailleurs, notre filière automobile, dont nous connaissons les difficultés, s’est structurée autour du diesel.
Il convient donc, au nom du pouvoir d’achat des ménages, des finances publiques de l’État et du soutien à la filière industrielle française, de « donner du temps au temps » pour réaliser cette transition en douceur.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Archimbaud, l’amendement n° 236 rectifié est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Tous les amendements déposés par le groupe écologiste dont nous discutons actuellement visent à lutter contre les pollutions, d’une manière générale.
Les précédents amendements nous posaient un problème dans la mesure où, pour lutter contre ces pollutions, ils tendaient à créer de nouvelles exonérations de cotisations sociales, contribuant ainsi à affaiblir notre système de protection sociale en réduisant ses ressources.
En revanche, le présent amendement et les suivants recourent à la taxation d’un certain nombre d’activités ou d’énergies polluantes. Cette solution ne nous paraît pas non plus satisfaisante, dans la mesure où la sécurité sociale serait de plus en plus financée par des taxes, ce qui ne contribue pas à la pérennité de notre système de protection sociale.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons contre l’amendement n° 236 rectifié et les suivants.
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.
Mme Aline Archimbaud. J’estime qu’il est de notre responsabilité de parlementaires d’alerter le public. En effet, quand autant d’études convergentes montrent les dangers sanitaires que représentent les particules fines, si nous, parlementaires, ne donnons pas l’alerte – et je ne vois pas comment nous pourrions le faire autrement qu’à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale –, nous engageons notre responsabilité.
D’autres scandales sanitaires ont eu lieu dans le passé et tous leurs dégâts n’ont pas encore été réparés – je pense notamment à l’amiante. Si les parlementaires, qui sont porteurs de l’intérêt général, n’alertent pas l’opinion, ils engagent leur responsabilité. C’est la raison pour laquelle, malgré l’heure tardive, je maintiens cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je ne voterai pas cet amendement, mais je reconnais que nous avons affaire à un réel problème de société.
On peut chercher à lutter contre la pollution en taxant les véhicules diesel, mais notre industrie automobile connaît déjà des difficultés très importantes. Tous ceux d’entre nous qui viennent de régions où cette activité est présente peuvent en témoigner. Je n’évoque pas non plus les problèmes liés à la concurrence étrangère.
Il n’en reste pas moins qu’il est important de lutter contre la pollution. Nous sommes nombreux à soutenir l’utilisation des transports en commun, du vélo… ou même la marche à pied ! Malheureusement, l’utilisation des véhicules automobiles est encore trop largement privilégiée.
Puisqu’on parle de taxation, rappelons qu’il a existé, voilà quelques années, un impôt – dont certains doivent se souvenir même s’il a été supprimé : je veux parler de la vignette automobile. Certes, il est exclu de revenir en arrière et de la rétablir, mais il n’en demeure pas moins que cette vignette auto constituait une recette pour les départements. Les personnes les plus modestes n’étaient pas forcément pénalisées, car la taxe était très faible pour les voitures les plus anciennes et les moins puissantes.
Cet amendement du groupe écologiste pose un sujet de société qui nous interpelle réellement dans le cadre du développement durable. Nous n’avons malheureusement pas beaucoup de solutions. En effet, nous le savons, il ne suffit pas d’encourager les transports en commun. Tout le monde ne joue pas forcément le jeu ! Les embouteillages et la pollution continuent. Oui, ce sont des problèmes de société ; oui, il faut également intégrer le poids de la construction automobile en termes d’emplois. Nous sommes en présence d’un réel dilemme. La situation n’est pas simple.
M. Jean-Pierre Caffet. C’est clair, rien n’est simple, monsieur Laménie ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je suis d’accord avec M. Laménie, ce n’est pas simple, mais je crois que l’amendement est une mauvaise réponse à ce qui peut être une bonne question.
S’il y a un réel problème de santé, et il semble que tel puisse être le cas, il importe que les pouvoirs publics prennent des dispositions pour obliger, non pas d’un seul coup mais progressivement, les constructeurs à prendre de nouvelles mesures nécessaires afin de faire avancer les choses.
En tout cas, pénaliser les victimes potentielles ne me paraît pas être la bonne solution. Je ne pense pas qu’une taxe de 500 euros permettra de régler quoi que ce soit. Je le répète, c’est une mauvaise réponse à ce qui est vraisemblablement une bonne question. C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Parmi les arguments des opposants à cette taxe, il en est un que je ne vais pas nier, c’est la création d’emplois ! À cette réserve près qu’elle n’aura pas lieu dans la construction automobile puisque, de toute façon, personne ne va acheter ces voitures diesel dont la filière est condamnée, mais dans le secteur médical, parce que le diesel est nocif pour la santé et que les gens vont être malades ! Il faut y réfléchir, se demander s’il ne serait pas intéressant de développer de la sorte une économie de réparation en encourageant les accidents pour stimuler l’emploi chez les garagistes !
Pour en revenir au diesel, la filière est condamnée, il n’y aura donc pas de création d’emplois !
Sur le deuxième point, monsieur Mézard, vous n’avez pas lu le texte : nous ne visons pas les propriétaires actuels de voitures diesel, mais les nouvelles immatriculations ! Nous lançons un signal aux constructeurs pour les dissuader de poursuivre dans cette voie, au risque de s’exposer à des taxations plus lourdes.
Si vous voulez d’ores et déjà un montant plus lourd, pourquoi ne le proposez-vous pas ? L’an dernier, un collègue socialiste a dit que si c’était vraiment grave, il fallait faire quelque chose. C’est grave, nous le savons ! Depuis l’an dernier, des études le montrent, notamment celle de l’OMS. Et depuis l’an dernier, on n’a rien fait ! Bien sûr, je conçois que l’évolution reste du domaine de l’esprit et ne se traduise pas dans les actes. Pourtant, il y a une marge entre ne rien faire et proposer une taxe de 500 euros. Avec cet amendement, nous faisons un geste destiné aux constructeurs. Je veux bien rectifier l’amendement et porter la taxe à 5 000 euros, mais vous allez me dire que je vais trop loin, trop vite et que j’oublie l’emploi !
Là, il y a un vrai signe, et nous faisons en sorte qu’il soit mesuré. Il concerne non les victimes, mais les constructeurs, que nous dissuadons de continuer dans cette filière en leur annonçant notre détermination à prendre à l’avenir des mesures plus contraignantes.
Vous ne voulez pas donner de signe ? Eh bien, soit, allez-y ! Ne faites rien ! Nous pensons, nous, qu’il vaut mieux préparer les gens plutôt que de devoir prendre une mesure radicale face à l’aggravation de la mortalité et des problèmes de santé.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 236 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe écologiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 56 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l’adoption | 12 |
Contre | 334 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 234, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La section VI du chapitre premier du titre III de la première partie du livre premier du code général des impôts est complétée par un article 520 D ainsi rédigé :
« Art. 520 D. – I. – Il est institué une contribution additionnelle à la taxe spéciale prévue à l’article 1 609 vicies sur les huiles de palme, de palmiste et de coprah destinées à l’alimentation humaine, en l’état ou après incorporation dans tous produits.
« II. – Le taux de la taxe additionnelle est fixé à 300 € la tonne. Ce tarif est relevé au 1er janvier de chaque année, à compter du 1er janvier 2015, dans une proportion égale au taux de croissance de l’indice des prix à la consommation hors tabac de l’avant-dernière année. Les montants obtenus sont arrondis, s’il y a lieu, à la dizaine d’euros supérieure.
« III. – 1. La contribution est due à raison des huiles mentionnées au I ou des produits alimentaires les incorporant par leurs fabricants établis en France, leurs importateurs et les personnes qui en réalisent en France des acquisitions intracommunautaires, sur toutes les quantités livrées ou incorporées à titre onéreux ou gratuit.
« 2. Sont également redevables de la contribution les personnes qui, dans le cadre de leur activité commerciale, incorporent, pour les produits destinés à l’alimentation de leurs clients, les huiles mentionnées au I.
« IV. – Pour les produits alimentaires, la taxation est effectuée selon la quantité entrant dans leur composition.
« V. – Les expéditions vers un autre État membre de l’Union européenne ou un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ainsi que les exportations vers un pays tiers sont exonérées de la contribution lorsqu’elles sont réalisées directement par les personnes mentionnées au 1 du III.
« Les personnes qui acquièrent auprès d’un redevable de la contribution, qui reçoivent en provenance d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou qui importent en provenance de pays tiers des huiles mentionnées au I ou des produits alimentaires incorporant ces huiles qu’elles destinent à une livraison vers un autre État membre de l’Union européenne ou un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou à une exportation vers un pays tiers acquièrent, reçoivent ou importent ces huiles ou les produits alimentaires incorporant ces huiles en franchise de la contribution.
« Pour bénéficier du deuxième alinéa du présent V, les intéressés doivent adresser au fournisseur, lorsqu’il est situé en France, et, dans tous les cas, au service des douanes dont ils dépendent une attestation certifiant que les huiles ou les produits alimentaires incorporant ces huiles sont destinées à faire l’objet d’une livraison ou d’une exportation mentionnées au même alinéa. Cette attestation comporte l’engagement d’acquitter la contribution au cas où l’huile ou le produit alimentaire ne recevrait pas la destination qui a motivé la franchise. Une copie de l’attestation est conservée à l’appui de la comptabilité des intéressés.
« VI. – La contribution mentionnée au I est acquittée auprès de l’administration des douanes. Elle est recouvrée et contrôlée selon les règles, sanctions, garanties et privilèges applicables au droit spécifique mentionné à l’article 520 A. Le droit de reprise de l’administration s’exerce dans les mêmes délais. ».
II. – L’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le produit de la taxe mentionnée à l’article 520 D du code général des impôts est affecté à la branche mentionnée au 1° de l’article L. 200-2 du présent code. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Le Sénat a adopté, l’année dernière, le même amendement visant à proposer une taxation modérée de l’huile de palme pour les industriels.
L’huile de palme est l’huile végétale la plus consommée au monde. Présente en France dans plus de 5 000 produits alimentaires, elle est privilégiée par les industriels pour une simple raison, son faible coût de production. C’est aussi l’une des huiles les moins taxées en France, or son usage pose des problèmes sanitaires et environnementaux reconnus.
Si l’huile de palme n’est pas un poison, sa consommation massive et régulière accroît nettement les risques sanitaires, notamment de maladies cardiovasculaires. Il existe de surcroît une surconsommation qui se fait souvent plus ou moins à l’insu du consommateur, car il ne détaille pas nécessairement toutes les étiquettes des produits qu’il achète.
De toute façon, dans bien des cas, l’huile de palme est simplement désignée sous la mention « huile végétale ». Cette surconsommation, parfois involontaire, est dangereuse pour la santé, alors que l’on pourrait tout à fait utiliser d’autres huiles disponibles comportant moins de graisses saturées. Si ce n’est pas le cas, c’est tout simplement parce que cette huile est moins chère. Or il se trouve, je le répète, de façon d'ailleurs inexplicable, que c’est aujourd'hui l’une des moins taxées en France !
Dans les pays où cette huile est fabriquée, il se pose souvent un problème de développement économique local. La culture industrielle du palmier à huile pour le compte de très grandes sociétés internationales accapare de plus en plus de territoires, provoquant des défrichements massifs au détriment des équilibres biologiques et des cultures vivrières pour les populations locales. Elle provoque une déforestation extrêmement préoccupante que dénoncent de très nombreuses ONG.
Nous ne pouvons pas être indifférents aux conséquences économiques et sanitaires de l’utilisation massive de l’huile de palme, d’autant que cette utilisation tient notamment au fait qu’elle est bien moins taxée que d’autres actuellement disponibles.
Si l’on souhaite inciter les industriels à substituer d’autres matières grasses à l’huile de palme, il convient d’atténuer progressivement, par une taxe additionnelle modérée – vous prendrez connaissance du montant –, son avantage concurrentiel. Ce dernier repose exclusivement sur le fait que le coût qu’elle occasionne est, en fait, externalisé et supporté par notre société.
Nous avions exposé ce raisonnement l’année dernière. M. le rapporteur général nous avait fortement soutenus et l’amendement avait donc été adopté. Le choix fait par le Sénat en novembre 2012 avait soulevé un débat intéressant et, on peut le dire, quelques remous ! Nous avons tous reçu un certain nombre de courriers écrits ou électroniques d’industriels nous expliquant la supposée innocuité sanitaire et environnementale de l’huile de palme.
Par la suite, ces entreprises ont lancé une importante offensive dans l’espace public. Elles ont dépensé des sommes manifestement importantes en publicité et en lobbying. On a même enregistré la naissance d’une Alliance française pour l’huile de palme supposée durable !
Voilà les enjeux. Nous le redisons, nous ne comprendrions pas que notre assemblée change de position, alors qu’elle s’est honorée, lors d’autres débats, à montrer sa capacité à prendre de la hauteur et à lancer l’alerte quand c’est nécessaire.
Le texte de cet amendement est exactement le même que celui qui avait été adopté par le Sénat l’année dernière. Tout à l’heure, il a été fait allusion à la nécessité pour les parlementaires de refuser d’être sous l’influence des groupes de pression. Je pense que, là, nous avons l’occasion de montrer notre cohérence et notre esprit de responsabilité.
M. le président. L'amendement n° 274, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La section VI du chapitre premier du titre III de la première partie du livre premier du code général des impôts est complétée par un article 520 D ainsi rédigé :
« Art. 520 D. – I. – Il est institué une contribution additionnelle à la taxe spéciale prévue à l’article 1 609 vicies sur les huiles de palme, de palmiste et de coprah destinées à l’alimentation humaine, en l’état ou après incorporation dans tout produit.
« II. – Le taux de la taxe additionnelle est fixé à 300 € la tonne. Ce tarif est relevé au 1er janvier de chaque année, à compter du 1er janvier 2015, dans une proportion égale au taux de croissance de l’indice des prix à la consommation hors tabac de l’avant-dernière année. Les montants obtenus sont arrondis, s’il y a lieu, à la dizaine d’euros supérieure.
« III. – 1. La contribution est due à raison des huiles mentionnées au I ou des produits alimentaires les incorporant par leurs fabricants établis en France, leurs importateurs et les personnes qui en réalisent en France des acquisitions intracommunautaires, sur toutes les quantités livrées ou incorporées à titre onéreux ou gratuit.
« 2. Sont également redevables de la contribution les personnes qui, dans le cadre de leur activité commerciale, incorporent, pour les produits destinés à l’alimentation de leurs clients, les huiles mentionnées au I.
« IV. – Pour les produits alimentaires, la taxation est effectuée selon la quantité entrant dans leur composition.
« V. – Le taux de la taxe additionnelle est réduit de moitié, selon des modalités définies par décret, lorsque le redevable fait la preuve que le produit taxé répond à des critères de durabilité environnementale définis par décret.
« VI. – Les expéditions vers un autre État membre de l’Union européenne ou un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ainsi que les exportations vers un pays tiers sont exonérées de la contribution lorsqu’elles sont réalisées directement par les personnes mentionnées au 1 du III.
« Les personnes qui acquièrent auprès d’un redevable de la contribution, qui reçoivent en provenance d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou qui importent en provenance de pays tiers des huiles mentionnées au I ou des produits alimentaires incorporant ces huiles qu’elles destinent à une livraison vers un autre État membre de l’Union européenne ou un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou à une exportation vers un pays tiers acquièrent, reçoivent ou importent ces huiles ou les produits alimentaires incorporant ces huiles en franchise de la contribution.
« Pour bénéficier du deuxième alinéa du présent V, les intéressés doivent adresser au fournisseur, lorsqu’il est situé en France, et, dans tous les cas, au service des douanes dont ils dépendent une attestation certifiant que les huiles ou les produits alimentaires incorporant ces huiles sont destinées à faire l’objet d’une livraison ou d’une exportation mentionnées au même alinéa. Cette attestation comporte l’engagement d’acquitter la contribution au cas où l’huile ou le produit alimentaire ne recevrait pas la destination qui a motivé la franchise. Une copie de l’attestation est conservée à l’appui de la comptabilité des intéressés.
« VII. – La contribution mentionnée au I est acquittée auprès de l’administration des douanes. Elle est recouvrée et contrôlée selon les règles, sanctions, garanties et privilèges applicables au droit spécifique mentionné à l’article 520 A. Le droit de reprise de l’administration s’exerce dans les mêmes délais. »
II. – Après le h de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le produit de la taxe mentionnée à l’article 520 D du code général des impôts est affecté à la branche mentionnée au 1° de l’article L. 200-2 du présent code. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Cet amendement procède de la même logique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces amendements tendent à créer une contribution additionnelle à la taxe spéciale prévue à l’article 1 609 vicies du code général des impôts sur les huiles de palme, de palmiste et de coprah.
Il s’agit là, chacun le comprendra, d’un sujet qui me tient à cœur. Les propositions que j’avais faites à cet égard par voie d’amendement, voilà un an, sont d’ailleurs toujours d’actualité.
J’avais ainsi établi un lien entre les acides gras saturés, en particulier ceux contenus dans les huiles de palme, de palmiste et de coprah, et la santé publique. Ceux qui n’en seraient pas convaincus peuvent consulter des ouvrages scientifiques sur la question : c’est de notoriété publique !
J’avais également proposé d’inciter les industriels à ne pas utiliser d’huile de palme pour la fabrication de leurs produits alimentaires, qu’il s’agisse de produits sucrés, salés, pour apéritifs, de plats principaux ou de desserts, et que ceux-ci soient destinés à des consommateurs jeunes, adultes ou âgés.
Cet amendement avait été adopté très largement.
Je n’ai pas déposé un tel amendement cette fois-ci, pour deux raisons.
Tout d’abord, des travaux sont en cours sur le sujet de la fiscalité comportementale dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS. Les conclusions de ces travaux, menés conjointement par Mme Catherine Deroche et moi-même, ne sont pas encore rendues.
Ensuite, de telles propositions trouveraient mieux leur place dans le cadre de la loi de santé publique annoncée par Mme la ministre des affaires sociales et de la santé pour 2014.
La commission a néanmoins décidé, sur ma proposition, de s’en remettre à la sagesse du Sénat. Je précise qu’à titre personnel, par souci de cohérence avec la position que j’avais prise l’an passé, je voterai l’amendement n° 234.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. M. Daudigny a rappelé que nous menions ensemble, dans le cadre de la MECSS, une mission d’étude sur la fiscalité comportementale.
Il est vrai que, l’an dernier, mon groupe s’était clairement opposé à l’amendement relatif à l’huile de palme, arguant du fait que ce n’est pas l’instauration d’une taxation isolée qui permettra de réduire la surconsommation de certains produits.
On l’a dit, l’huile de palme n’est ni un produit toxique ni un poison. Il ne convient donc pas de l’interdire. En revanche, la surconsommation d’acides gras saturés peut produire des effets néfastes pour la santé, mais c’est aussi le cas pour de nombreux produits alimentaires.
Nous ferons état dans notre rapport de l’incidence de la fiscalité comportementale sur la consommation alimentaire, et donc sur la santé publique. Ce n’est pas un sujet simple.
Mon groupe maintient donc sa position de l’an passé en s’opposant à cet amendement, qui ne s’inscrit pas dans le contexte général de la santé publique et des comportements excessifs. Une taxation peut-elle suffire, d’ailleurs, à infléchir de telles pratiques ?
Concernant le problème environnemental posé par la plantation des palmiers à huile, je précise que la plupart des industriels utilisent de l’huile de palme provenant de forêts certifiées. Ils ont d’ailleurs accompli un effort considérable en s’engageant dans une démarche respectueuse de l’environnement, alors même que nombre d’entre eux ne disposent pas actuellement de produits de substitution.
Nous ne voterons donc pas cet amendement. Quant au rapport de la MECSS sur cette question, il sera présenté ultérieurement.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Nous considérons que la consommation d’huile de palme entraîne d’importants effets sur la santé des consommateurs, notamment pour ce qui concerne les maladies cardiovasculaires.
En outre, la production d’huile de palme est à l’origine de phénomènes, que l’on ne saurait ignorer, de déforestation massive et de destruction de l’habitat de certains grands singes.
Toutefois, cet amendement tend à renforcer un système de financement de la sécurité sociale assuré, de plus en plus, par des taxes comportementales au détriment de la cotisation sociale. En outre, le fait que l’entreprise exploitante paie une taxe ne règle en rien le problème de l’incidence écologique que je viens d’évoquer.
La vraie solution, en réalité, serait d’interdire et non de taxer. Il conviendrait alors d’étudier le sujet et d’envisager dans quelles conditions cette piste pourrait être mise en œuvre.
Le groupe CRC reconnaît l’importance de ce sujet et entend le signal que veut donner le groupe écologiste au travers de cet amendement. Toutefois, nous voterons contre la solution qu’il propose.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je suivrai la position de Mme Deroche, pour une raison simple.
Je partage pleinement le point de vue de M. Watrin sur la déforestation. Cela étant dit, puisque M. Daudigny et Mme Deroche étudient actuellement cette question au sein de la MECSS, je propose que nous attendions la remise de leur rapport.
Il m’est arrivé de rédiger des rapports sur plusieurs sujets. Lorsque l’on est chargé de ce type de travaux, à la demande d’une commission, il est assez désagréable de constater que des amendements sont présentés sur la même question avant que les conclusions des travaux ne soient rendues.
Pour ces raisons, je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 234.
M. le président. L’amendement n° 235, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au chapitre III du titre III de la première partie du livre premier du code général des impôts, il est rétabli une section 1 dans la rédaction suivante :
« Section 1
« Taxe spéciale sur les édulcorants de synthèse
« Art. 554 B. – I. – Il est institué une taxe spéciale sur l’aspartame, codé E951 dans la classification européenne des additifs alimentaires, effectivement destiné, en l’état ou après incorporation dans tous produits, à l’alimentation humaine.
« II. – Le taux de la taxe additionnelle est fixé par kilogramme à 30 euros en 2014. Ce tarif est relevé au 1er janvier de chaque année à compter du 1er janvier 2015. À cet effet, les taux de la taxe sont révisés chaque année au mois de décembre, par arrêté du ministre chargé du budget publié au Journal officiel, en fonction de l’évolution prévisionnelle en moyenne annuelle pour l’année suivante des prix à la consommation de tous les ménages hors les prix du tabac. Les évolutions prévisionnelles prises en compte sont celles qui figurent au rapport économique, social et financier annexé au dernier projet de loi de finances.
« III. – 1. La contribution est due à raison de l’aspartame alimentaire ou des produits alimentaires en incorporant par leurs fabricants établis en France, leurs importateurs et les personnes qui en réalisent en France des acquisitions intracommunautaires, sur toutes les quantités livrées ou incorporées à titre onéreux ou gratuit.
« 2. Sont également redevables de la contribution les personnes qui, dans le cadre de leur activité commerciale, incorporent, pour les produits destinés à l’alimentation de leurs clients, de l’aspartame.
« IV. – Pour les produits alimentaires, la taxation est effectuée selon la quantité d’aspartame entrant dans leur composition.
« V. – L’aspartame ou les produits alimentaires en incorporant exportés de France continentale et de Corse, qui font l’objet d’une livraison exonérée en vertu du I de l’article 262 ter ou d’une livraison dans un lieu situé dans un autre État membre de l’Union européenne en application de l’article 258 A, ne sont pas soumis à la taxe spéciale.
« VI. – La taxe spéciale est établie et recouvrée selon les modalités, ainsi que sous les sûretés, garanties et sanctions applicables aux taxes sur le chiffre d’affaires.
« Sont toutefois fixées par décret les mesures particulières et prescriptions d’ordre comptable notamment, nécessaires pour que la taxe spéciale ne frappe que l’aspartame effectivement destiné à l’alimentation humaine, pour qu’elle ne soit perçue qu’une seule fois, et pour qu’elle ne soit pas supportée en cas d’exportation, de livraison exonérée en vertu du I de l’article 262 ter ou de livraison dans un lieu situé dans un autre État membre de l’Union européenne en application de l’article 258 A. »
II. – Après le h de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Le produit de la taxe mentionnée à l’article 554 B du code général des impôts est affecté à la branche mentionnée au 1° de l’article L. 200-2 du présent code. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Il s’agit encore d’un amendement adopté l’année dernière par le Sénat. Présent dans des milliers de produits alimentaires de consommation courante, l’aspartame est l’édulcorant intense le plus utilisé au monde. Dès son apparition dans les années soixante aux États-Unis, des doutes sont apparus sur sa nocivité, et sa mise sur le marché par le laboratoire Searle a été d’emblée entachée de manipulations et de conflits d’intérêts.
Plusieurs procès ont permis de révéler, à l’époque, que les études présentées sur ce sujet étaient frauduleuses. En effet, l’autorisation de mise sur le marché a été délivrée en 1974, alors que Donald Rumsfeld était secrétaire général de la Maison Blanche. Un an après, en 1975, cette autorisation était retirée par l’administration américaine, qui ouvrait une enquête pénale contre Searle pour falsification de tests de toxicité.
En 1977, Donald Rumsfeld prenait la direction de Searle, tandis que le procureur chargé de l’enquête démissionnait pour être, lui aussi, embauché par l’entreprise. Finalement, en 1983, l’autorisation de commercialisation est rétablie, juste après la nomination d’un nouveau directeur par le président Reagan.
En 1985, la firme Monsanto rachetait cette entreprise.
Comme le montrent deux études scientifiques récentes réalisées à une échelle importante, il existe aujourd’hui de très fortes présomptions que la consommation d’aspartame entraîne un risque accru de survenue de différents cancers. Pour les femmes enceintes, il est d’ores et déjà démontré qu’il augmente, même consommé à faible dose, les risques de naissance avant terme.
Cet amendement tend donc à créer une taxe additionnelle sur l’aspartame. Notre objectif est d’inciter les industriels à substituer progressivement à l’aspartame d’autres édulcorants, naturels ou de synthèse, sur lesquels ne pèsent pas de suspicions d’ordre sanitaire.
Il s’agit, en prenant cette mesure de prévention, de réfléchir à ce que coûtent les problèmes de santé occasionnés par l’aspartame. Je pense, par exemple, aux naissances prématurées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’aspartame est au cœur d’une controverse scientifique qui devrait trouver son épilogue dans les mois à venir.
D’une part, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, a mis en place un groupe de travail chargé d’évaluer les bénéfices et les risques nutritionnels de l’ensemble des édulcorants intenses, qui doit achever ses travaux en décembre 2013.
D’autre part, elle a estimé nécessaire de poursuivre l’évaluation et a demandé à l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA, d’anticiper l’échéance de la réévaluation de la dose journalière admissible, ou DJA, de l’aspartame, initialement prévue pour 2020 par la réglementation européenne.
Le comité d’experts relatif aux additifs alimentaires et aux nutriments de l’Autorité européenne de sécurité des aliments a par ailleurs rendu un avis provisoire relatif à la sécurité d’emploi de l’aspartame, qui a été mis en consultation publique le 8 janvier 2013.
Les experts scientifiques de l’EFSA, en se fondant sur une analyse large des informations disponibles sur l’aspartame et ses produits de décomposition, ont conclu dans cet avis préliminaire que ceux-ci ne posaient pas de problème de toxicité pour les consommateurs aux niveaux actuels d’exposition.
Dans l’attente des conclusions de l’ensemble de ces travaux, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Cet amendement, on l’a dit, a déjà été proposé l’an passé, et nous avions alors voté contre.
Ce projet de taxation vise à instaurer une taxe de rendement sans aucune justification, qui, par ailleurs, remet en cause l’avis et les travaux en cours des autorités sanitaires.
L’aspartame figure parmi les additifs alimentaires les plus étudiés scientifiquement au monde. Aujourd’hui, son innocuité semble établie. Sa sécurité, comme celle des autres édulcorants, est régulièrement évaluée et reconnue par les agences sanitaires : en France, par l’ANSES ; en Europe, par l’EFSA ; au niveau international, par le comité mixte d’experts FAO/OMS sur les additifs alimentaires.
En 2011, la sécurité de l’aspartame a été de nouveau confirmée par les autorités sanitaires française et européenne, dans le cadre d’une réévaluation de tous les additifs alimentaires. L’agence européenne, l’EFSA, poursuit aujourd’hui une réévaluation complète de l’aspartame et la publication de son avis est prévue pour mai 2013, comme l’a indiqué M. le rapporteur général.
Concernant la question spécifique de la consommation d’aspartame par les femmes enceintes, l’ANSES a récemment entrepris une revue de toutes les données disponibles sur la question et a publié, en juin 2012, une note d’étape selon laquelle « les données disponibles ne permettent pas de conclure à un effet préjudiciable des édulcorants intenses pendant la grossesse, que ce soit sur la santé de la mère, les paramètres obstétricaux, ou la santé du nouveau-né ».
Le groupe de travail de l’ANSES poursuit aujourd’hui son évaluation des bénéfices et des risques nutritionnels de la consommation des édulcorants intenses par la population générale.
Par ailleurs, les liens évoqués dans l’objet de l’amendement entre la consommation d’aspartame et l’apparition de cancers n’ont jamais été établis. Les autorités de santé ont estimé que les études qui avaient essayé d’établir un lien possible n’avaient pas de fondements scientifiques suffisants. Cette conclusion ressort d’une publication de l’EFSA de février 2011, que vous pouvez retrouver sur le site internet de cette agence.
Le projet de taxation de cet ingrédient est également contradictoire avec les objectifs de santé publique en matière de lutte contre les maladies chroniques, telles que l’obésité ou le diabète.
De nombreux travaux scientifiques ont en effet démontré que les édulcorants intenses, l’aspartame en particulier, pouvaient répondre à certaines problématiques de santé actuelles en aidant les diabétiques, en limitant les apports caloriques et en contribuant à une bonne hygiène bucco-dentaire.
L’aspartame contribue à réduire les apports en sucres et en calories des produits dans lesquels il est utilisé. La prévalence du surpoids et de l’obésité en France s’élève aujourd’hui à 46,4 % des adultes, c'est-à-dire des personnes de plus de dix-huit ans, et représente un coût annuel estimé par la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, à 10 milliards d’euros pour l’assurance maladie.
En France, quelque 3 millions de diabétiques sont astreints à un contrôle alimentaire strict, limitant la consommation de produits sucrés. Pour 2,5 millions d’entre eux, les édulcorants, notamment l’aspartame, sont une aide précieuse dans la gestion de leur pathologie.
L’objectif de substitution d’autres catégories d’édulcorants de synthèse à l’usage de l’aspartame ne tient pas compte des possibilités d’utilisation des édulcorants par les industriels. Les édulcorants ont en effet des propriétés organoleptiques et technologiques spécifiques ; ils sont utilisés de manière différenciée en fonction de la nature des produits. Ainsi, il est aujourd’hui impossible de proposer des boissons ou des gommes à mâcher uniquement édulcorées à la stevia qui soient acceptables par les consommateurs.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 273, présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre III du titre III de la première partie du livre premier du code général des impôts est complété par une section ainsi rédigée :
« Section…
« Taxe spéciale sur les dispositifs médicaux
« Art. 564. – I. – Il est institué une taxe spéciale sur le mercure effectivement destiné au soin dentaire après incorporation dans un amalgame.
« II. – Le taux de la taxe est fixé par gramme de mercure à 32 € en 2014. Ce tarif est relevé au 1er janvier de chaque année à compter du 1er janvier 2015. À cet effet, les taux de la taxe sont révisés chaque année au mois de décembre, par arrêté du ministre chargé du budget publié au Journal officiel, en fonction de l’évolution prévisionnelle en moyenne annuelle pour l’année suivante des prix à la consommation de tous les ménages hors les prix du tabac. Les évolutions prévisionnelles prises en compte sont celles qui figurent au rapport économique, social et financier annexé au dernier projet de loi de finances.
« III. – Est redevable de la contribution le praticien qui pose un amalgame à un patient. La contribution est due à raison de la masse de mercure présente dans l’amalgame posé.
« IV. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret. »
II. – Après le h de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Le produit de la taxe mentionnée à l’article 564 du code général des impôts est affecté à la branche mentionnée au 1° de l’article L. 200-2 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Le mercure, métal lourd, est l’un des éléments non radioactifs les plus toxiques pour les êtres vivants : c’est un neurotoxique, un immunotoxique et un reprotoxique. Sa concentration dans les océans, en augmentation, devient véritablement inquiétante, à tel point qu’une consommation importante de certains poissons, notamment les poissons d’élevage, peut se révéler dangereuse.
Preuve du caractère extrêmement préoccupant de cette pollution, la convention de Minamata sur le mercure, signée au mois d’octobre dernier, est à ce jour la seule réglementation internationale concernant une substance particulière. Cette convention, qui vise à réduire la production, l’utilisation et le rejet dans l’environnement du mercure, invite en particulier à réduire fortement l’usage du mercure dans le cadre des soins dentaires.
Les amalgames dentaires, dont les dentistes se servent pour obturer des cavités creusées dans les dents, sont en effet composés pour moitié de mercure. Cela pose deux problèmes : d’une part, le mercure présent de nombreuses années dans la bouche du patient a tendance à migrer dans le corps, notamment dans le cerveau, d’autre part, le mercure finit le plus souvent par se retrouver dans l’environnement.
Il existe pourtant de nombreux produits de substitution : résines, céramiques, ciments verres ionomères... La plupart des pays européens ont interdit le mercure dentaire, comme la Suède, ou ne l’utilisent presque plus, comme l’Allemagne ou l’Italie. En France, en revanche, la consommation est extrêmement élevée : elle représente aujourd’hui le tiers de la consommation européenne !
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement pose une question importante de santé publique, celle de l’usage du mercure dans les amalgames dentaires. La toxicité du mercure est établie de façon formelle. La question des amalgames dentaires est cependant très technique. C'est la raison pour laquelle je vous propose que nous nous en remettions à l’avis du Gouvernement, qui pourra nous fournir une explication détaillée, notamment sur l’avancée des travaux à l’échelon européen.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame la sénatrice, nous nous sommes engagés à réduire l’utilisation des amalgames dentaires pour une meilleure protection de l’environnement. Le recours à ces produits a d’ailleurs déjà diminué.
Le Comident, l’union des industries du monde dentaire, ainsi que les fabricants présents en France ont été interrogé par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Il résulte de cette enquête que la vente de capsules prédosées d’amalgame a diminué de 38 % entre 2007 et 2011. Parallèlement, l’utilisation de produits de substitution a augmenté sur la même période, passant de plus 9 % à 91 %, selon le conditionnement.
Ce basculement dans la pratique tend à remplacer l’amalgame par des produits ou des techniques différents de ceux qui étaient utilisés jusqu’à présent. Le taux de restauration faite à l’amalgame au mercure est d’ailleurs passé de 52 % en 2003 à 25 % en 2011. Il est évident, et cela rejoint la préoccupation que vous avez exprimée, madame la sénatrice, qu’il faut poursuivre résolument dans cette direction.
L’Association dentaire française est en train de prendre cet engagement via une convention avec l’État qui devrait être signée à la fin de cette année pour une durée de trois ans et qui prévoit la poursuite d’un certain nombre d’actions : l’installation obligatoire d’un séparateur d’amalgames contenant du mercure pour récupérer ce produit dans les cabinets dentaires, la promotion de solutions de substitution aux obturations contenant de l’amalgame au mercure, la promotion de la non-utilisation de ces amalgames dans les dents de lait, l’information des patients sur l’existence de solutions de substitution.
Le ministère des affaires sociales et de la santé a également demandé au Conseil national de l’ordre des médecins et à l’Ordre national des chirurgiens-dentistes de réduire l’utilisation de ces amalgames et de ne pas les utiliser pour les dents de lait.
Je rappelle enfin que la convention de Minamata sur le mercure a prévu l’éviction totale de ce métal à l’horizon 2020.
Dans ces conditions, alors qu’une dynamique est clairement engagée avec les professionnels, il ne paraît pas utile d’instaurer une telle taxe. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Les auteurs de cet amendement proposent de taxer fortement l’utilisation du mercure dans les amalgames dentaires, de telle sorte qu’elle devienne tellement coûteuse que cela conduise les professionnels à y renoncer. Par conséquent, l’adoption de cette mesure ne rapporterait aucune ressource fiscale supplémentaire.
Il est vrai que l’utilisation du mercure peut poser problème. D’un point de vue sanitaire, il y a débat, mais en aucun cas d’un point de vue écologique. Selon l’association Non au mercure dentaire, le mercure dentaire représente chaque année en Europe 19 tonnes de rejets dans l’air, 3 tonnes dans l’eau et plus de 20 tonnes dans les sols. En outre, la France consomme le tiers du mercure dentaire en Europe.
Pour autant, cette mesure pourrait sanctionner les populations les plus modestes. En effet, cet amalgame est souvent irremplaçable, si ce n’est par des actes prothétiques, appelés inlays ou onlays, que la nomenclature de la sécurité sociale ne reconnaît pas et qui ne sont donc pas à la portée des couches les plus désargentées. L’amalgame reste donc un produit pour les pays pauvres et les pauvres de nos pays développés.
Plutôt qu’un amendement visant à créer une taxe qui pénaliserait au premier chef les plus démunis afin de favoriser des matériaux de substitution, composites qui, contrairement à l’amalgame, peuvent se révéler dangereux pour la vitalité pulpaire, il vaudrait mieux adopter un amendement tendant à inscrire les inlays et onlays en métal et en céramique, dans la nomenclature opposable avec un remboursement de la sécurité sociale.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 273.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 15 bis (nouveau)
Après l’article 520 A du code général des impôts, il est inséré un article 520 B ainsi rédigé :
« Art. 520 B. – I. – Il est institué une contribution perçue sur les boissons énergisantes consistant en un mélange d’ingrédients et contenant un seuil minimal de 220 milligrammes de caféine pour 1 000 millilitres ou un seuil minimal de 300 milligrammes de taurine pour 1 000 millilitres, destinées à la consommation humaine :
« 1° Relevant des codes NC 2009 et NC 2202 du tarif des douanes ;
« 2° Contenant des sucres ajoutés ;
« 3° Conditionnées dans des récipients destinés à la vente au détail, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un professionnel.
« II. – Le taux de la contribution est fixé à 100 € par hectolitre.
« Ce tarif est relevé au 1er janvier de chaque année à compter du 1er janvier 2014, dans une proportion égale au taux de croissance de l’indice des prix à la consommation hors tabac de l’avant-dernière année. Il est exprimé avec deux chiffres significatifs après la virgule, le deuxième chiffre étant augmenté d’une unité si le chiffre suivant est égal ou supérieur à cinq. Il est constaté par arrêté du ministre chargé du budget, publié au Journal Officiel.
« III. – 1. La contribution est due à raison des boissons mentionnées au I par leurs fabricants établis en France, leurs importateurs et les personnes qui réalisent en France des acquisitions intracommunautaires, sur toutes les quantités livrées à titre onéreux ou gratuit.
« 2. Sont également redevables de la contribution les personnes qui, dans le cadre de leur activité commerciale, fournissent à titre onéreux ou gratuit à leurs clients des boissons consommables en l’état mentionnées au I dont elles ont préalablement assemblé les différents composants présentés dans des récipients non destinés à la vente au détail.
« IV. – Les expéditions vers un autre État membre de l’Union européenne ou un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ainsi que les exportations vers un pays tiers sont exonérées de la contribution lorsqu’elles sont réalisées directement par les personnes mentionnées au 1 du III.
« Les personnes qui acquièrent auprès d’un redevable de la contribution, qui reçoivent en provenance d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, ou qui importent en provenance de pays tiers des boissons mentionnées au I qu’elles destinent à une livraison vers un autre État membre de l’Union européenne ou un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, ou à une exportation vers un pays tiers acquièrent, reçoivent ou importent ces boissons en franchise de la contribution.
« Pour bénéficier des dispositions du deuxième alinéa du présent IV, les intéressés doivent adresser au fournisseur, lorsqu’il est situé en France, et dans tous les cas au service des douanes dont ils dépendent, une attestation certifiant que les boissons sont destinées à faire l’objet d’une livraison ou d’une exportation mentionnée au même alinéa. Cette attestation comporte l’engagement d’acquitter la contribution au cas où la boisson ne recevrait pas la destination qui a motivé la franchise. Une copie de l’attestation est conservée à l’appui de la comptabilité des intéressés.
« V. – La contribution mentionnée au I est acquittée auprès de l’administration des douanes. Elle est recouvrée et contrôlée selon les règles, sanctions, garanties et privilèges applicables au droit spécifique mentionné à l’article 520 A. Le droit de reprise de l’administration s’exerce dans les mêmes délais.
« VI. – Le produit de la contribution mentionnée au I est affecté à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés. » – (Adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, il reste 181 amendements à examiner sur ce texte.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
Nomination de membres d'une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été affichée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jacky Le Menn, Yves Daudigny, Jean-Pierre Caffet, Mme Laurence Cohen, M. Jean-Noël Cardoux, Mme Isabelle Debré, Muguette Dini.
Suppléants : Mme Aline Archimbaud, MM. Gilbert Barbier, Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Alain Milon, René-Paul Savary, René Teulade.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
8
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 14 novembre 2013 :
À neuf heures quarante :
1. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2014 (n° 117, 2013-2014) ;
Rapport de MM. Yves Daudigny, Georges Labazée, Mmes Isabelle Pasquet, Christiane Demontès et M. Jean-Pierre Godefroy, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 126, 2013-2014) ;
Avis de M. Jean-Pierre Caffet, fait au nom de la commission des finances (n° 127, 2013-2014).
À quinze heures :
2. Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze et le soir :
3. Suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 14 novembre 2013, à zéro heure quarante.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART