Sommaire
Présidence de M. Jean-Claude Carle
Secrétaires :
MM. Hubert Falco, Gérard Le Cam.
2. Souhaits de bienvenue à une délégation du Sénat du Cambodge
3. Financement de la sécurité sociale pour 2014. – Discussion d'un projet de loi
Discussion générale : Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé ; M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget ; Mmes Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie ; Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille ; MM. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales ; Georges Labazée, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social ; Mmes Isabelle Pasquet, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille ; Christiane Demontès, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse ; MM. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles ; Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
M. Gilbert Barbier, Mme Aline Archimbaud, MM. Alain Milon, Gérard Roche, Mme Catherine Génisson, M. Dominique Watrin, Mme Michelle Meunier, MM. Robert Tropeano, Gérard Dériot, Mme Laurence Cohen, M. Ronan Kerdraon.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
M. Jean-Noël Cardoux, Mme Jacqueline Alquier, M. René-Paul Savary, Mme Laurence Rossignol, MM. Gérard Larcher, Pierre Charon, Serge Dassault, Philippe Bas.
Mme Marisol Touraine, ministre.
M. Gilbert Barbier, Mme Laurence Rossignol.
Clôture de la discussion générale.
MM. Alain Milon, Roland Courteau, Dominique Watrin.
Adoption de l'article.
Mme Isabelle Pasquet.
Adoption de l’ensemble de l'article et de l’annexe A.
Adoption de l’ensemble de la première partie du projet de loi.
M. Alain Milon.
Amendement n° 144 de M. Gérard Roche. – MM. Gérard Roche, Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué ; Claude Domeizel, Mme Laurence Cohen, MM. Alain Milon, Jean-Pierre Caffet. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 159 de M. Dominique Watrin. – Mme Laurence Cohen.
Amendement n° 62 de la commission. – M. Yves Daudigny, rapporteur général.
MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Bernard Cazeneuve, ministre délégué. – Rejet de l’amendement n° 159 ; adoption de l’amendement n° 62.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 156 de M. Gérard Roche, 160 de M. Dominique Watrin et 294 rectifié bis de M. Jacques Mézard. – MM. Gérard Roche, Dominique Watrin, Jean-Claude Requier, Yves Daudigny, rapporteur général ; Mme Marisol Touraine, ministre ; MM. Alain Milon, René-Paul Savary. – Adoption, par scrutin public, des trois amendements supprimant l'article.
Amendement n° 161 de M. Dominique Watrin. – Devenu sans objet.
Amendements nos 1 à 3 de la commission. – Devenus sans objet.
Mme Laurence Cohen.
Adoption de l'article.
Amendement n° 322 du Gouvernement. – Mme Marisol Touraine, ministre ; MM. Yves Daudigny, rapporteur général ; Alain Milon, Dominique Watrin, Marc Laménie. – Rejet.
Rejet de l’article.
Mme Isabelle Pasquet, M. Alain Milon.
Amendement n° 323 du Gouvernement. – Mme Marisol Touraine, ministre ; MM. Yves Daudigny, rapporteur général. – Rejet.
Rejet de l’article.
Rejet de l’ensemble de la deuxième partie du projet de loi.
Demande de priorité de l’article 12 ter. – Mmes la présidente de la commission, Marisol Touraine, ministre. – La priorité est de droit.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Carle
vice-président
Secrétaires :
M. Hubert Falco,
M. Gérard Le Cam.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Souhaits de bienvenue à une délégation du Sénat du Cambodge
M. le président. Mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, il m’est particulièrement agréable de saluer, en votre nom, la présence dans notre tribune d’honneur d’une délégation du Sénat du royaume du Cambodge, conduite par M. Chea Cheth, président de la commission des finances. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mmes et M. les ministres se lèvent.)
Au sein de cette délégation, je veux aussi saluer la présence de M. Yang Sem, président de la commission des droits de l’homme de cette assemblée.
Cette délégation vient, durant trois jours, dans le cadre du programme annuel de coopération conclu entre nos deux assemblées, étudier la déontologie parlementaire et notamment le travail de notre comité de déontologie, présidé par notre collègue Catherine Tasca. Elle rencontrera également notre collègue questeur, Alain Anziani.
Elle est accueillie par Vincent Eblé, président du groupe d’amitié France-Cambodge.
Nous formons tous le vœu que cette visite soit profitable à l’ensemble de la délégation et nous lui souhaitons la plus cordiale bienvenue. (Applaudissements.)
3
Financement de la sécurité sociale pour 2014
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2014 (projet n°117, rapport n° 126, avis n° 127).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai le sentiment de ne pas vous quitter. (Sourires.) Il y a quelques jours encore, nous étions rassemblés ici pour un autre débat, portant sur l’avenir et la justice de notre système de retraites,…
M. Jean-Claude Lenoir. Ce débat s’est mal terminé !
M. Jean-Claude Lenoir. C’est bien parti !
Mme Marisol Touraine, ministre. … puisque nous allons débattre de l’avenir de notre protection sociale et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je veux indiquer le choix opéré par le Gouvernement depuis un an, celui de maintenir un haut niveau de protection sociale pour nos concitoyens. Nous affirmons résolument ce choix, y compris dans la situation économique et financière difficile que nous connaissons. Cela ne signifie pas que des réformes de fond ne soient pas nécessaires ; au contraire, ce sont elles que le Gouvernement engage.
Alors que des voix s’élèvent appelant à la remise en question de notre modèle social, il paraît nécessaire d’affirmer avec force, à cette tribune, la volonté du Gouvernement de maintenir et de renforcer les droits sociaux. En effet, renoncer à notre modèle social reviendrait à renvoyer chacune et chacun à sa responsabilité individuelle, autrement dit permettre à ceux qui en ont les moyens de s’assurer individuellement et abandonner les autres. Ce choix n’est pas celui du Gouvernement ; il ne s’y résout pas et ne le fera pas.
C’est la raison pour laquelle nous avons dès notre arrivée aux responsabilités pris des mesures importantes afin de redresser les comptes sociaux, condition nécessaire pour le maintien de politiques sociales fortes.
Grâce au travail engagé dès l’été 2012, le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, a progressivement baissé. Établi à 21 milliards d’euros lors de notre arrivée au Gouvernement, il sera de 16 milliards d’euros pour l’année 2013. En outre, l’objectif que nous fixons pour 2014 est ambitieux : ramener le déficit à hauteur de 12,8 milliards d’euros.
Ces résultats, nous les obtenons dans le cadre d’une maîtrise des dépenses assumée. Elle s’est traduite pour l’année 2013 par des dépenses d’assurance maladie inférieures à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, et ce malgré un contexte sanitaire difficile. Vous le savez, la pandémie grippale que nous avons connue a été parmi les plus rudes des dernières années, représentant un surcoût important pour les finances publiques.
Pourtant, notre politique de maîtrise des dépenses d’assurance maladie ne s’accompagne d’aucun déremboursement. C’est l’un des choix que nous faisons.
C’est dans ce même esprit de maîtrise des comptes, d’affirmation de politiques structurelles et de volonté de ne pas faire porter aux assurés la charge des économies à engager que nous abordons ce nouveau projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Face aux inquiétudes de nos concitoyens, nous voulons renforcer les piliers de la protection sociale. Grâce à des politiques de fond, à des politiques structurelles, il s’agit d’affirmer des priorités et d’afficher les objectifs auxquels nous devons nous tenir.
Le présent texte tire à l’évidence les conséquences de la réforme garantissant l’avenir et la justice de notre système de retraites. Le débat étant encore frais à nos esprits, je ne reviens pas sur les grandes orientations de cette loi. Je ne doute pas que l’Assemblée nationale nous permettra d’avancer sur la voie de l’adoption de cette réforme décisive pour les années à venir. Évidemment, nous trouvons dans les comptes sociaux la traduction concrète des choix opérés par le Gouvernement en la matière.
Par ailleurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale concrétise nos orientations et notre action en direction des familles, Dominique Bertinotti y reviendra dans un instant.
Nous assumons notre volonté d’adapter notre politique familiale aux évolutions de la société. C’est ainsi que nous proposons la modulation de certaines prestations tout en affirmant qu’une politique familiale ne peut aujourd’hui se limiter à l’appréciation du niveau des prestations versées aux familles. Une politique familiale réside aussi dans la possibilité donnée aux familles de mieux concilier la vie professionnelle et la vie familiale. C’est ainsi que, d’ici à 2017, 275 000 places d’accueil pour les enfants de moins de trois ans seront créées. Il s’agit d’un engagement fort et d’un choix structurant pour nos politiques.
Dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous marquons également un soutien net en faveur des personnes âgées et handicapées. Michèle Delaunay puis Marie-Arlette Carlotti auront l’occasion d’y revenir ultérieurement.
L’ONDAM médico-social évoluera de 3 %. Concrètement, 130 millions d’euros de crédits supplémentaires seront consacrés à la médicalisation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD.
De même, nous mettrons en œuvre nos engagements au titre du plan Alzheimer, en poursuivant sa déclinaison.
Avec Michèle Delaunay, nous porterons dans les prochains mois un projet de loi d’orientation et de programmation pour adapter notre société au vieillissement de la population. L’un des grands enjeux de ce texte est de retarder le plus possible la perte d’autonomie et de permettre aux personnes âgées perdant progressivement leur autonomie d’être mieux accompagnées et mieux intégrées.
Les premières mesures de cette loi seront applicables dès le 1er janvier 2015. Sans attendre, 100 millions d’euros issus de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, permettront, dès 2014, de soutenir la politique en faveur des personnes âgées. Je sais que cette évolution et cet engagement du Gouvernement ont été suivis avec attention par la commission des affaires sociales et, à n’en pas douter, par l’ensemble de la Haute Assemblée.
Poursuivre l’effort sur le secteur médico-social, c’est aussi renforcer le soutien aux personnes en situation de handicap. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale nous permettra de financer la première annuité du plan autisme. En outre, plus de 150 millions d’euros seront consacrés à la création de places dans les établissements et les services pour personnes handicapées.
Enfin, le projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue la première étape, décisive, de la mise en œuvre de la stratégie nationale de santé, dont le principal objectif est la réduction des inégalités en matière de santé.
C’est dans le cadre de cette approche globale que nous avons construit l’ONDAM pour 2014. Cet objectif national des dépenses d’assurance maladie progressera en 2014 de 2,4 %, ce qui représente un effort exigeant pour la politique que nous menons. Plus de 2,4 milliards d’euros d’économies seront ainsi opérés, auxquels s’ajoutera l’impact des dépenses non réalisées en 2013. Tous les secteurs de l’offre de santé, sans exception, participeront à la maîtrise de la dépense.
Toutefois, comme l’an dernier, aucun déremboursement, aucune franchise nouvelle ni aucun transfert vers les organismes complémentaires n’interviendront. Il s’agit d’une volonté de notre part et d’une priorité que nous affichons.
L’assurance maladie, je veux le dire ici avec force, doit rester le pilier fondamental de la prise en charge des dépenses de santé. Depuis 2004, nous assistons à un effritement de cette prise en charge, avec un report sur les organismes complémentaires. J’ai donc pris l’engagement d’enrayer cette tendance et, dès l’année prochaine, un bilan annuel sur la part des dépenses prises en charge par l’assurance maladie sera remis au Parlement.
Dès maintenant, avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, nous posons les premiers jalons de la stratégie nationale de santé. Ce texte tend d’abord à prolonger et à amplifier le combat pour l’accès aux soins et pour l’égalité de cet accès.
À cet égard, il est nécessaire de franchir une nouvelle étape dans la généralisation de la complémentaire santé. La priorité est, avant tout, de simplifier les procédures pour lutter contre le non-recours à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS. Par ailleurs, l’accès à la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, sera facilité pour les étudiants en situation de précarité ou d’isolement familial. Le texte prévoit également le renouvellement automatique du droit à l’ACS pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA.
Cette mesure, ainsi que l’accès facilité au dispositif de couverture maladie universelle pour certains étudiants et la mise en place d’un appel d’offres national pour arrêter, dès l’année prochaine, les contrats vers lesquels seront orientées les personnes éligibles à l’ACS sont autant de dispositions visant à lutter contre le non-recours à ce droit. C’est une avancée importante et, je veux le souligner, cohérente avec les propositions formulées par Mme Archimbaud, que je tiens à saluer ici, dans le rapport qu’elle a remis au Gouvernement.
Avec ce projet de loi, nous ouvrons un autre grand chantier, celui qui concerne l’amélioration des contrats proposés aux bénéficiaires de l’ACS. Nous voulons favoriser le recours à des contrats dits « responsables et solidaires », en permettant une meilleure identification des critères correspondants à ce label. L’Assemblée nationale a souhaité soutenir cette démarche en prévoyant une différenciation plus forte, en termes de taxation, entre les contrats responsables et ceux qui ne le sont pas. Il s’agit là, me semble-t-il, d’une initiative positive.
Par ailleurs, nous avons à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel en matière de protection complémentaire collective de branche : les branches pourront donc recommander des organismes dans le cadre de contrats offrant un haut niveau de solidarité, qui feront l’objet d’incitations par le biais du forfait social.
Enfin, des avancées significatives sont prévues en matière d’accès à l’optique pour l’ensemble des bénéficiaires de l’ACS.
La prochaine étape pour lever les barrières financières entravant l’accès aux soins relève d’une ambition plus grande encore : nous généraliserons le tiers payant pour l’ensemble des soins de ville avant 2017, cette mesure étant ouverte, dès 2014, aux bénéficiaires de l’ACS. Je ne doute pas que nous aurons l’occasion d’aborder cette question au cours de nos débats.
Au-delà de la réduction des inégalités en matière d’accès aux soins de santé, nous engageons, avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, la refondation de notre organisation des soins. Il s’agit là du deuxième pilier de la stratégie nationale de santé.
Ce que j’ai appelé la « révolution du premier recours » en référence à la formule employée par les Canadiens – eux parlent de « virage ambulatoire » – en sera la pierre angulaire. Nous prolongerons donc d’une année les expérimentations des nouveaux modes de rémunération, tout en étendant ce dispositif à 150 nouvelles équipes. Les centres de santé ont suscité de nombreux débats, tant à l’Assemblée nationale qu’au sein de la commission des affaires sociales du Sénat. Ils seront pleinement concernés par le développement des nouveaux modes de rémunération.
En parallèle, le texte tend à initier la réforme du financement des hôpitaux, en prenant mieux en compte la situation des établissements isolés. Une dégressivité tarifaire sera également mise en place de manière ponctuelle pour réguler les effets parfois inflationnistes de la tarification à l’activité. Autre nouveauté, nous expérimenterons le financement au parcours pour la prise en charge de l’insuffisance rénale chronique et le traitement du cancer par radiothérapie.
Enfin, pour parvenir à un pilotage financier plus adapté aux réalités de terrain, les agences régionales de santé seront autorisées à procéder à des transferts entre enveloppes – c’est ce qu’on appelle la fongibilité, un terme que seules les personnes travaillant au quotidien sur ces questions peuvent comprendre – dans le cadre qui aura été fixé par le Parlement.
La stratégie nationale de santé investit aussi largement le champ de la santé publique. C’est ainsi que, dans le cadre de ce texte, deux objectifs majeurs sont fixés : la lutte contre le tabagisme et l’accès à la contraception.
S’agissant du premier objectif, il ne fait aucun doute que la situation la plus préoccupante est celle des jeunes fumeurs. Je propose donc de mettre en place une aide au sevrage tabagique pour les jeunes adultes, avec une prise en charge renforcée des substituts nicotiniques. Cela signifie très concrètement un triplement de cette prise en charge.
S’agissant du second objectif, nous prolongeons les mesures prises l’année dernière, qui ont déjà permis d’améliorer l’accès à la contraception des jeunes femmes, en particulier des mineures. Nous poursuivons dans cette voie en instaurant le tiers payant pour les actes associés à la prescription de contraception pour les mineures.
Enfin, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale vise à renforcer l’efficience de notre politique du médicament.
Une politique du médicament efficace, c’est une politique qui refuse la course en avant pour soutenir le « bon usage » des produits de santé, d’abord en luttant contre leur surconsommation, ensuite en permettant leur utilisation correcte. Dans ce cadre, je souhaite que nous expérimentions la dispensation à l’unité par les pharmacies d’officine, en commençant, par exemple, par certains antibiotiques. Par la suite, la mise en place d’un répertoire des médicaments biosimilaires devra permettre le développement du recours à ces médicaments, dans un cadre sécurisé qui n’existe pas aujourd’hui.
Une politique du médicament efficace, c’est aussi une politique qui favorise la diffusion de l’innovation. Nous avons eu l’occasion de discuter récemment de ce sujet lors du débat organisé par M. Gilbert Barbier et son groupe. Nous constatons que certaines procédures sont trop longues. Il convient donc de réduire leur délai pour permettre une prise de décision rapide, dans un contexte sécurisé. C’est le sens des engagements que le Gouvernement a pris dans le cadre du Conseil stratégique des industries de santé, qui trouvent une traduction concrète dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous maintenons avec ce texte le cap fixé depuis le début du quinquennat, celui du redressement de nos comptes et d’une transformation en profondeur de notre modèle social. Cette constance dans nos choix est aussi une condition nécessaire pour rétablir la confiance des Français dans le pacte social et retrouver le sens du progrès. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais en quelques mots compléter l’intervention que Mme la ministre des affaires sociales et de la santé vient de faire. J’essaierai dans ce cadre de mettre l’accent sur quelques aspects budgétaires et fiscaux qui sont complémentaires des questions évoquées à l’instant, ce qui me permettra, je l’espère, d’apporter toute information utile à votre assemblée concernant le contenu de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Le premier point sur lequel je voudrais insister est la démarche de redressement des comptes publics que nous mettons en œuvre depuis maintenant plus de dix-huit mois. Non seulement cette démarche nous engage devant le pays et devant les institutions de l’Union européenne, puisque nous avons des objectifs à remplir en la matière au titre du pacte de stabilité et de croissance, mais elle est essentielle au regard de la préservation de nos services publics, de leur montée en gamme et de la consolidation du modèle social français.
En effet, si nous ne parvenons pas à faire en sorte que, sur chaque sujet, la bonne dépense publique chasse la mauvaise, nous serons en difficulté pour maintenir la qualité de notre système de protection sociale et de nos services publics. Or, parce que ce patrimoine est celui de tous ceux qui n’en ont pas, il nous faut le préserver avec une très grande vigilance.
Ce redressement des comptes publics commence à donner des résultats. Il m’arrive d’entendre que l’existence d’un décalage entre les objectifs de déficits nominaux que nous nous sommes assignés et ceux qui sont réellement constatés en fin d’année est le signe d’un dérapage dans ce domaine. Non, les déficits sont bien en diminution et, pour être extrêmement précis, je voudrais vous donner la séquence des déficits constatés depuis 2012. Celle-ci montre bien que la trajectoire est tenue et les objectifs respectés, même si, pour des raisons tenant à l’absence de croissance, le redressement de nos comptes est moins rapide que nous aurions pu le souhaiter.
Lorsque nous sommes arrivés en situation de responsabilité, le déficit nominal représentait 5,3 % du produit intérieur brut, ou PIB, pour l’année 2011. En 2012, après que des mesures ont été prises en loi de finances rectificative, il atteignait 4,8 % du PIB.
Certes, il aurait dû atteindre le niveau de 4,5 % du PIB, mais nous avons dû, en fin de gestion de l’exercice 2012, absorber la dette de Dexia, la banque étant confrontée à de sérieuses difficultés. Nous avons également dû contribuer au rétablissement du budget de l’Union européenne, à la suite d’une décision prise par le précédent gouvernement en novembre 2010, en lien avec d’autres gouvernements européens, et contingentant les crédits de paiement alloués à l’Union européenne pour lui permettre d’atteindre ses objectifs budgétaires.
Ce sont là les deux principales raisons qui expliquent le décalage entre le déficit constaté de 4,8 % et l’objectif de 4,5 %. Ainsi, vous pouvez le constater, la plus grande partie de ce décalage est imputable à des décisions prises avant notre arrivée au pouvoir, décisions que nous avons dû éponger en prenant des dispositions en loi de finances rectificatives pour des montants significatifs.
En 2013, le déficit nominal atteindra 4,1 % du PIB et, en 2014, 3,6 %. Nous serons donc passés, en quelques années, d’un taux de 5,3 % à un taux de 3,6 %, quand la moyenne des déficits nominaux enregistrés au cours du précédent quinquennat dépassait 5 % du PIB. Cela confirme bien que le déficit nominal diminue et que les efforts auxquels les Français sont appelés commencent à porter leurs fruits.
Les comptes sociaux n’échappent pas à cette tendance. Ainsi, je voudrais rappeler, à la suite de Mme la ministre, quelle est la séquence des chiffres dans ce domaine. L’année précédant notre arrivée au pouvoir, les comptes sociaux ont enregistré un déficit de 20,8 milliards d’euros. Si nous n’avions pas pris de dispositions en 2012, le déficit aurait été supérieur à 21 milliards d’euros. En réalité, il a atteint 17,5 milliards d’euros en 2012. En 2013, il sera de 16,2 milliards d’euros et, si nous tenons nos objectifs en 2014, le budget que nous vous présentons permettra d’afficher un déficit de 12,8 milliards d’euros.
En l’espace de dix-huit mois, au travers des efforts que nous aurons accomplis et de la volonté de maîtrise des comptes publics et des comptes sociaux dont nous aurons témoigné, nous aurons réduit le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse de 8 milliards d’euros. Si cette tendance se maintient, le déficit sera de 4 milliards d’euros à la fin du quinquennat, ce qui signifie que nous aurons, en l’espace de quatre ans et demi, divisé par cinq le déficit des comptes sociaux.
Je rappelle ces chiffres, car il arrive que, dans l’espace public, le vacarme ou le tohu-bohu médiatique aidant, on ait le sentiment que les difficultés de l’économie empêchent la maîtrise des comptes sociaux. Il n’en est rien, aussi bien pour les déficits nominaux que pour l’évolution des déficits du régime général et du fonds de solidarité vieillesse.
Comme Marisol Touraine l’a rappelé à l’instant, cette maîtrise des comptes n’est pas le but de notre stratégie ; elle n’est qu’un moyen. En effet, si nous voulons maîtriser les comptes sociaux et si nous nous attachons au respect de cette trajectoire des finances publiques, c’est parce que nous savons que, sans cela, le modèle social français se trouvera remis en cause dans ses équilibres, son identité, sa structure même. Nous devons prendre des dispositions au niveau de la gestion de ce modèle pour en assurer la pérennité.
Je veux d'ailleurs faire écho à un certain nombre de documents de la Cour des comptes, dont les commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat évoquent très souvent le contenu. La Cour des comptes prévoyait, sur la période 2011-2018, une augmentation de 70 milliards d'euros du déficit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, et du fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et une augmentation de 72 milliards d'euros du déficit des branches maladie et famille. En réalité, compte tenu de l’effort de maîtrise que nous réalisons, le déficit total de ces branches s’établira à 82 milliards d'euros au lieu de 142 milliards d’euros, ce qui signifie que nous évitons une dégradation de l’ordre de 60 milliards d'euros des comptes sociaux et, par conséquent, de la dette sociale. Ces chiffres permettent de bien mesurer l’effort que nous réalisons pour tenir rigoureusement le budget et maîtriser la dépense sociale.
Je voudrais insister également – ce sera mon dernier point pour ce qui concerne les aspects budgétaires et comptables – sur le fait que nos efforts de maîtrise des déficits, et notamment du déficit de la branche vieillesse, nous permettront, grâce au dispositif de reprise de la dette par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, mis en place en 2010, avec un niveau annuel de 10 milliards d'euros et un plafond de 62 milliards d'euros sur la période 2012-2018, de reprendre une partie de la dette des branches famille et maladie en 2014, pour un montant de 4 milliards d'euros. Nous pourrons ainsi contenir la dette des comptes sociaux sans prendre de mesure générale de prélèvement.
Voilà ce que je voulais vous dire au sujet de l’évolution des déficits et de la maîtrise des dépenses et des comptes.
J’en viens aux mesures de prélèvement inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, qui sont destinées, d'une part, à assurer le rééquilibrage de comptes qui nous ont été laissés dans une situation de déficit préoccupante, et, d'autre part, à financer de nouvelles orientations politiques répondant à un objectif de justice. Je prendrai des exemples précis en vous expliquant les raisons de nos décisions.
S'agissant des retraites, l’augmentation de la cotisation et la fiscalisation des majorations de pension permettront le rééquilibrage de notre régime, ce qui est la garantie de sa pérennité. Nous avons également la volonté – les articles 9 et 10 du projet de loi en témoignent – de financer les engagements pris pour le régime des indépendants, mais aussi le régime agricole, à travers la mise en sommeil d’un certain nombre de pratiques d’optimisation dans les exploitations agricoles. Là encore, nous poursuivons un objectif de solidarité et de justice.
S'agissant de la branche famille, les mesures relatives au quotient familial doivent dégager un milliard d'euros d’économies. Ces mesures de quotient seront financées essentiellement par les 13 % de familles françaises dont la capacité contributive est la plus importante. Elles permettront de diminuer le déficit de la branche famille, qui atteignait 2,5 milliards d'euros lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, mais également de financer des politiques nouvelles. Ces politiques nouvelles, dont le financement proviendra aussi des 200 millions d'euros d’économies prévues par le budget 2014, qui devraient monter en puissance pour atteindre 800 millions d'euros à l’horizon 2017, sont notamment la création de 270 000 places d’accueil pour les jeunes enfants et l’augmentation du complément familial et de l’allocation de soutien familial, dans le cadre du plan pauvreté pour les familles les plus en difficulté.
La fiscalisation de la contribution des entreprises aux contrats collectifs de complémentaire santé traduit la volonté du Gouvernement de généraliser ces contrats collectifs, conformément aux termes de l’accord national interprofessionnel. C’est donc une mesure de justice. De la même manière, nous avons décidé d’augmenter le plafond de la couverture maladie universelle, la CMU, afin de permettre à 750 000 familles d’avoir accès à ce service auquel elles n’avaient pas accès jusqu’à présent.
Je voudrais enfin dire quelques mots d’une mesure qui a fait débat au cours des dernières semaines, et dont on ne comprendrait pas que je la passe sous silence, à savoir la simplification et l’harmonisation des prélèvements sociaux sur les produits d’épargne. Contrairement à ce qui a pu être dit, parfois sans que la rigueur ait été convoquée, cette mesure n’est pas une taxe nouvelle. Les prélèvements sociaux sur les produits d’épargne s’établissaient déjà à 15,5 %. Il n’a donc pas été décidé de créer de nouveaux prélèvements sociaux sur les produits d’épargne.
Une grande partie des produits d’épargne était déjà soumise à des prélèvements sociaux de 15,5 % à la sortie des fonds : je pense notamment aux plans épargne logement, les PEL, ouverts à partir de 2011 ou ayant une durée de vie de plus de dix ans, et aux produits d’assurance vie pour les versements intervenus après 1997. Le système en vigueur était confus et prévoyait, du fait de la superposition de dispositifs hérités de l’histoire, des niveaux de taxation différents pour des produits de même nature.
Il est faux de dire qu’une taxe nouvelle de 15,5 % applicable aux produits d’épargne au moment de la sortie des fonds a été décidée par le Gouvernement. Le taux des prélèvements sociaux sur les produits d’épargne, comme d'ailleurs sur d’autres plus-values, était déjà de 15,5 %. Il a été décidé non pas de créer ce prélèvement mais, par souci d’harmonisation, d’appliquer les prélèvements existants à l’ensemble des produits d’épargne identiques.
Il n’a pas non plus été décidé d’augmenter le taux des prélèvements sociaux.
M. Gilbert Barbier. Heureusement !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce taux a été augmenté de façon très significative par nos prédécesseurs.
Mme Christiane Demontès. Absolument !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Dans le tumulte des débats parlementaires à l’Assemblée nationale, qui ont eu un certain retentissement médiatique, on a oublié de préciser que le taux des prélèvements sociaux sur les produits d’épargne était passé de 10 % à 15,5 % entre 2009 et 2012, ce qui représente un prélèvement de 6 milliards d'euros en trois ans sur les épargnants, quel que soit le niveau de leur épargne. Je le répète, nous n’avons pas proposé d’augmenter le taux de prélèvement sur l’épargne ; nous avons simplement souhaité que tous les produits de même catégorie se voient appliquer les mêmes prélèvements sociaux à la sortie.
Cela a suscité des interrogations. Nous avons donc décidé, parce que nous sommes soucieux de favoriser l’apaisement et d’initier la concertation, d’exclure du dispositif tous les produits d’épargne à l’exception de l’assurance vie.
Si nous avons traité différemment l’assurance vie, c’est pour des raisons qui tiennent à la spécificité de ce produit, mais aussi et surtout parce que nous avons l’intention, à la faveur du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du prochain projet de loi de finances rectificative, de présenter un dispositif global de réforme de l’assurance vie destiné à faire en sorte qu’une partie des avoirs actuellement placés sur ces contrats soit orientée vers le financement du logement et des entreprises. Nous agissons dans l’intérêt du monde de l’entreprise et de la politique du logement.
Mme Chantal Jouanno. C’est nouveau, ça !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous agissons également en accord avec le monde de l’assurance, que nous avons consulté pour nous assurer que la réforme produise tous ses effets et permette la relance de l’activité économique et de la croissance.
Avant de conclure, je voudrais insister sur un dernier point : l’importance des économies de dépenses inscrites dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour un montant de 4,5 milliards d'euros. Celles-ci concernent d'abord l’ONDAM. Les efforts que nous réalisons pour maîtriser la dépense depuis notre arrivée aux responsabilités portent leurs fruits, puisque, en 2012, l’objectif fixé par la précédente majorité a été dépassé d’un milliard d'euros. Lors de la dernière commission des comptes de la sécurité sociale, nous avons constaté, Marisol Touraine et moi-même, que l’objectif devrait être dépassé d’au moins 600 millions d'euros en 2013. Cela nous permettra de maintenir la progression de l’ONDAM à 2,4 %, contre 4 % en moyenne au cours des dix dernières années. Nous économiserons ainsi à peu près 3 milliards d'euros sur les dépenses d’assurance maladie en 2014, sans remettre en cause les remboursements ni la qualité des prestations.
À ces 3 milliards d'euros d’économies sur les dépenses d’assurance maladie s’ajoutent 800 millions d'euros d’économies résultant du report de l’indexation des retraites au mois d’octobre, et 500 millions d'euros d’économies résultant de la modernisation des caisses de sécurité sociale, notamment des politiques de dématérialisation et de numérisation. Nous entendons poursuivre cet effort d’économies en matière de dépenses, parce que c’est une manière d’éviter que la mauvaise dépense publique ne chasse la bonne, ce qui permettra de ne pas solliciter davantage les prélèvements obligatoires au cours des prochaines années pour équilibrer nos comptes.
Voilà ce que je voulais vous dire au sujet de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Je forme le vœu que, dans cette assemblée, dont chaque membre étudie ces questions avec beaucoup de compétence et de méticulosité, nous puissions avoir un débat riche…
Mme Chantal Jouanno. Vous n’écoutez jamais ce que dit le Sénat !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … qui permette d’aller au bout des interrogations, de conforter les politiques publiques et de renforcer nos politiques de solidarité, pour faire en sorte que le modèle social français monte en gamme et se trouve consolidé dans les années à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée.
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 est marqué par la volonté de tenir les engagements du Gouvernement pour accompagner le renforcement du secteur de l’âge, mais aussi du handicap, dans une année marquée par une pression sans précédent sur les comptes sociaux.
Nous avons dû faire des choix. Ces choix sont tournés vers la consolidation des politiques engagées, qui ne peuvent être fragilisées. Avec un taux de progression de 3 %, contre 2,4 % pour l’ONDAM général, l’ONDAM médico-social continue de progresser plus fortement que les autres enveloppes – soins de ville et hôpital –, mais contribue toutefois à l’effort d’économies demandé à tous dans la mesure où les besoins sont encore très dynamiques.
Un effort est également réalisé pour maintenir un niveau de dépenses suffisant en opérant un prélèvement sur les réserves de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, qui sont mises à contribution afin de construire l’objectif général de dépenses, à hauteur de 70 millions d’euros. Au total, le niveau de dépenses autorisé pour le secteur des personnes âgées en 2014 sera de 8,6 milliards d’euros, l’ONDAM médico-social s’établissant quant à lui à 17,6 milliards d’euros.
Pour les établissements et les services, cela se traduira par un taux moyen de reconduction des budgets en augmentation de 1 % – 1,1 % pour la masse salariale et 0,55 % pour l’impact prix – en 2014. Cela leur permettra notamment de couvrir les effets du glissement vieillesse technicité, le fameux GVT, ou encore de financer des mesures catégorielles. Ce taux de reconduction est fixé de manière à ne pas fragiliser la base financière des établissements et des services, qui repose largement sur la masse salariale.
Ce niveau de dépenses pour les personnes âgées va permettre également de poursuivre notre politique de médicalisation des EHPAD, qui est pour nous une priorité.
Une somme de 140 millions d’euros y sera consacrée, dont 10 millions d’euros pour financer la réouverture attendue du tarif global en EHPAD, lequel constitue un moyen d’améliorer les parcours de santé des résidents, comme le prévoit également – Mme Touraine vient de le rappeler – la stratégie nationale de santé.
Les travaux conduits récemment par l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, démontrent les progrès que nous pouvons faire en matière de qualité et d’efficience si nous prenons cette voie. Les conditions et les critères sont en cours de formalisation, car tous les établissements ne seront pas concernés par cette première vague de réouverture.
Enfin, comme le Président de la République s’y était engagé,…
M. Jean-Claude Lenoir. Ah, cela change tout !
M. Alain Gournac. Tout va bien !
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. … les travaux d’élaboration d’un nouveau plan Alzheimer, élargi aux maladies neurodégénératives, ont débuté.
M. Jean-Claude Lenoir. On n’a pas oublié ! (Sourires.)
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. C’est une bonne chose !
Afin d’éviter les effets de rupture, les mesures du plan précédent arrivées à échéance mais qui n’ont pas toutes été déployées pourront continuer à être mises en œuvre. Il est en effet prévu un financement de mesures nouvelles à hauteur de 15 millions d’euros.
Au-delà de cet objectif de continuité, cinquante nouvelles maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer, les fameuses MAIA, pourront être autorisées en 2014. Celles-ci contribuent à l’amélioration de la qualité des réponses apportées aux personnes âgées sur nos territoires. Elles permettent une meilleure intégration des réponses et des acteurs de la chaîne du soin et de l’accompagnement, ce que l’on appelle le « travail ensemble ». Or nous le savons, l’interdisciplinarité, quand il s’agit d’intervenir dans un parcours de vie, est indispensable.
Concernant l’investissement nécessaire dans un secteur en évolution constante, caractérisé par des besoins importants de remise à niveau des bâtis, je souhaite également souligner que l’objectif global de dépenses intègre l’affectation de 2 % de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, au financement du plan d’aide à l’investissement.
Vous le savez, la cause de l’âge est l’un des défis majeurs de ce début du XXIe siècle, après avoir été le progrès majeur du XXe siècle. C’est pour répondre à cet enjeu que nous soumettrons à la discussion et au vote du Parlement un projet de loi d’orientation et de programmation dite d’adaptation de la société au défi de l’avancée en âge. Les premières mesures entreront en vigueur au 1er janvier 2015, comme le Gouvernement s’y est engagé, en autorisant une pleine affectation de la CASA au financement des mesures de ce projet de loi majeur. L’annonce de Jean-Marc Ayrault du 14 octobre dernier nous permet aujourd’hui d’engager un travail de partage et de concertation sur une réforme de société trop longtemps attendue.
Dans ce contexte, l’Assemblée nationale a voté, avec l’accord du Gouvernement, la possibilité d’anticiper le vote effectif de la loi d’orientation et de programmation dès 2014 en mobilisant 100 millions d’euros de crédits issus de la CASA au service de la politique de l’âge. Comme le Premier ministre l’a rappelé, nous inscrirons dans la loi l’ensemble de cette politique que nous défendons depuis notre arrivée au Gouvernement.
Pour ce faire, nous procéderons en deux temps. La concertation sera tout d’abord conduite pour être en cohérence avec les étapes de mise en œuvre, c’est-à-dire qu’elle portera sur le cadre global de la réforme d’adaptation de la société au vieillissement ainsi que sur les mesures venant conforter une politique pour le domicile. Puis, à partir du début d’année prochaine, un travail de concertation sera mené sur les mesures relatives à l’accompagnement en établissement.
Je veux préciser devant vous les trois piliers de la loi que nous vous soumettrons prochainement.
Elle sera tout d’abord fondée sur l’anticipation, ce qui permettra de mettre en place une véritable politique de prévention. En effet, vous le savez, il est possible aujourd’hui de retarder et d’atténuer la perte d’autonomie.
Ensuite, nous mettrons en place un volet « adaptation », parce qu’il s’agit de préparer notre société à tous les défis de la longévité. C’est l’affaire de la société tout entière. Les quinquagénaires d’aujourd’hui auront quatre-vingts ans en 2040 et les mesures que nous prendrons devront leur fournir un cadre pour vivre leur vieillesse dans un logement adapté, dans un cadre de vie sécurisé et accessible, entourés des technologies susceptibles de faciliter leur vie quotidienne, et accompagnés par de vraies solidarités, à la fois locale et familiale. Il importe aussi de dire qu’une telle politique encourage le développement d’une nouvelle filière économique, la silver économie, créatrice d’innovation, d’emplois et de croissance.
Enfin, le troisième pilier, c’est l’accompagnement pour améliorer la vie des personnes âgées et répondre à l’inquiétude des familles face à la dépendance. La perte d’autonomie est un moment souvent très difficile qui peut mettre en grande difficulté la cohésion des familles et qui marque le début d’un processus long fait de plusieurs étapes, qui peuvent être autant de moments de choix, d’incertitudes et d’angoisses.
Ce projet doit répondre à toutes ces questions, à tous ces défis. Dans le même temps, s’agissant de sa mise en œuvre, il est de la responsabilité du Gouvernement de veiller aux capacités actuelles de nos finances publiques, faute de quoi nous ne serions pas crédibles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale que vous allez examiner aujourd’hui traduit le choix du Gouvernement d’avoir une politique familiale volontariste, seule à même de promouvoir toutes les familles dans le respect de leur diversité.
Comme nous célébrons cette année les soixante-dix ans de la création du Conseil national de la résistance, il m’est apparu éclairant de citer de brefs extraits des mémoires, rédigées en 1962, de Pierre Laroque, grand artisan de la sécurité sociale : « Pour une politique sociale de la famille, il faut donc aujourd’hui beaucoup d’ambition [...] car elle doit tendre à aider toutes les familles, quelle que soit leur diversité, à remplir le mieux possible, dans tous les domaines, leur rôle social ».
C’est bien dans cet esprit que nous devons débattre aujourd’hui de notre politique familiale. Aussi, nous sommes tous d’accord pour lui donner les moyens de continuer à aider toutes les familles. Nous nous accordons aussi, sans doute à l’unanimité de cet hémicycle, à reconnaître les atouts de notre politique familiale, enviée dans nombre de pays : elle contribue au dynamisme de notre démographie ; elle est généreuse envers la petite enfance ; elle permet aux femmes de concilier vie familiale et vie professionnelle.
Mais s’accorder sur ces atouts ne doit pas nous conduire à l’immobilisme ; au contraire, ce constat doit nous pousser à agir. Quand le déficit de la branche famille s’élève à plus de 2,6 milliards d’euros, quand la pauvreté touche un enfant sur cinq, quand un enfant issu d’une famille aisée bénéficie davantage de la politique familiale qu’un enfant issu d’une famille pauvre, quand l’offre d’accueil des moins de trois ans varie de un à neuf selon les départements, quand 92 % des enfants issus de familles pauvres sont gardés par leurs parents, nous ne pouvons pas nous laisser gagner par l’immobilisme !
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Agir, ce n’est pas remettre en cause les atouts de notre politique familiale. Agir, au contraire, c’est la pérenniser et l’adapter aux nouvelles attentes de nos concitoyens, dans un souci d’efficacité et de justice.
La véritable promotion des familles exige de porter un regard lucide sur la correction des lacunes de notre politique familiale : ne pas laisser le déficit se creuser, le nombre d’enfants pauvres augmenter, les inégalités en termes d’accueil du jeune enfant s’amplifier.
Oui, le Gouvernement a fait le choix d’agir, avec une politique familiale volontariste et des objectifs clairs : garantir la pérennité de la politique familiale ; continuer à aider toutes les familles en préservant le principe d’universalité ; assurer plus de justice en rendant notre politique familiale plus redistributive et en développant les services aux enfants et aux familles ; faire reculer la pauvreté des enfants ; lutter contre les inégalités territoriales ; favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes.
Nous avons déjà agi dans plusieurs directions. Nous avons tout d’abord fixé un objectif de création de 275 000 solutions d’accueil pour les enfants âgés de moins de trois ans.
M. Christian Cambon. À la charge des maires !
M. Alain Gournac. Effectivement, ce sont les maires qui paient !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Avec la Caisse nationale des allocations familiales, messieurs les sénateurs.
Nous avons également mobilisé un budget sans précédent pour financer cette ambition pour la petite enfance. Je vous rappelle que le montant du fonds national d’action sociale passera de 4,6 milliards d’euros en 2012 à 6,6 milliards d’euros en 2017.
MM. Christian Cambon et Alain Gournac. Nous n’avons rien vu !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Pour la petite enfance, cela représente un budget global de 2013 à 2017 de 16 milliards d’euros, alors que, sur la période de 2009 à 2012, seuls 8 milliards d’euros y étaient consacrés.
Par ailleurs, au travers de la nouvelle convention d’objectifs et de gestion signée entre l’État et la CNAF, nous encourageons la politique de soutien aux parents, rompant ainsi avec la stigmatisation dont ils ont trop longtemps fait l’objet.
MM. Roland Courteau et René Teulade. Très bien !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. C’est pourquoi nous avons multiplié par deux le budget de soutien à la parentalité, lequel passe de 50 millions d’euros à 100 millions d’euros.
Enfin, nous contribuons à la mise en œuvre des nouveaux temps éducatifs, les CAF versant une aide de 54 euros par enfant et par an pour les accueils déclarés.
Pour agir efficacement, et au plus près des attentes de nos concitoyens, nous suivons une méthode nouvelle. Ainsi, des schémas territoriaux permettront de lutter contre les inégalités territoriales en matière d’accès aux services aux familles grâce à un pilotage de la politique plus lisible et des aides mieux ciblées.
Avec le PLFSS pour 2014, nous poursuivons notre action en mettant en place davantage de mécanismes de solidarité en faveur des familles modestes. Comme cela a été rappelé, la revalorisation de 50 % du complément familial concernera 1,5 million d’enfants, tandis que celle de l’allocation de soutien familial touchera 3 millions de familles monoparentales. Voilà des actions très concrètes pour réduire la pauvreté des enfants, qui se concentre dans les familles monoparentales et les familles nombreuses.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. J’ajoute qu’à l’occasion de la discussion du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes au Sénat, j’ai pu reprendre l’idée, évoquée lors de la discussion du PLFSS pour 2013, d’un développement du tiers payant pour les familles modestes qui ont recours à une assistante maternelle. Vous avez d’ailleurs très largement voté cette mesure.
Cette politique de justice et de développement des services aux familles justifie l’abaissement de l’avantage fiscal procuré par le quotient familial. Faut-il rappeler que 88 % des familles ne sont pas concernées par cette mesure et que seules 12 % d’entre elles seront touchées ?
Enfin, je tiens à rassurer toutes celles et tous ceux qui s’interrogent sur le financement de la branche famille : les recettes liées à la baisse de l’avantage fiscal procuré par le quotient familial seront intégralement affectées à la branche famille. La baisse de la cotisation patronale famille sera compensée par le budget de l’État.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 et la réforme de la politique familiale qu’il comporte sont des actes forts en faveur de la promotion des familles, de toutes les familles. En effet, la meilleure façon de valoriser les familles consiste à leur offrir de nouveaux services, de nouveaux repères, à prendre en compte leurs nouveaux besoins et à y répondre, au lieu de se contenter simplement d’une politique de prestations financières. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 nous donne aujourd’hui l’occasion de dresser un premier bilan de l’action menée par la nouvelle majorité en matière de finances sociales.
Dix-huit mois se sont en effet écoulés depuis l’élection présidentielle et la nomination d’un nouveau Gouvernement ; dix-huit mois qui nous ont permis de définir, dans le dialogue et la concertation, les contours des réformes structurelles nécessaires au redressement de nos comptes publics ; dix-huit mois qui nous ont permis de rompre avec cinq ans de dérives, en proposant aux Français une gestion responsable de nos comptes sociaux. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Vous allez voir en mars !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Quelle situation avons-nous en effet trouvée en mai 2012 ? Des déficits de 22,5 milliards d’euros pour le fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et l’ensemble des régimes de base obligatoire et de 17,4 milliards d’euros pour le régime général ! Telle est la vérité !
M. Jacky Le Menn. Eh oui !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Un nouveau dérapage des déficits était annoncé par la commission des comptes de la sécurité sociale au titre de la première moitié de l’année 2012 ! Cette dégradation des comptes, sans atteindre les records établis en 2010, apparaissait suffisamment prononcée pour remettre en question l’existence même de notre système de protection sociale.
M. Roland Courteau. Voilà l’héritage !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Certes, je l’ai déjà rappelé lors de la dernière réunion de la commission des affaires sociales, l’équilibre comptable ne doit pas constituer une fin en soi. En période de crise, notre système de protection sociale doit bien évidemment jouer son rôle « d’amortisseur ».
Cependant, comment pourrait-il le faire, lorsque son niveau de déficit est tel que la soutenabilité des politiques qu’il est censé mettre en œuvre peut être remise en cause ? Comment pourrait-il le faire lorsque le fameux « trou de la sécu » se creuse au point de faire douter nos compatriotes de la crédibilité des droits que la sécurité sociale est censée leur garantir ? Tel est le constat qui a conduit le Gouvernement à placer le redressement de nos comptes sociaux en tête de ses priorités.
Au regard de ce lourd passif hérité de la gestion précédente, dans quelle situation sommes-nous un an et demi plus tard ? Nous ne sommes pas encore sortis de la zone rouge, loin s’en faut,…
M. Christian Cambon. Ça, c’est sûr !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … mais la tendance affichée nous permet d’espérer un retour vers des soldes plus conformes aux principes d’une bonne gestion des ressources publiques.
D’une part, les efforts réalisés pour inverser la tendance de 2012 ont porté leurs fruits. La suppression des niches fiscales et le relèvement des taxes sur le capital voté dans le cadre de la loi de finances rectificative du 16 août 2012 ont permis de respecter les prévisions fixées par le précédent gouvernement.
D’autre part, les mesures prises dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 nous permettent d’afficher, pour l’année en cours, une nouvelle réduction des déficits sociaux, en dépit d’un contexte économique dégradé.
Mercredi dernier, notre collègue Alain Milon me reprochait – mais peut-être n’était-ce pas un reproche – de déployer beaucoup d’efforts pour convaincre les membres de la commission des affaires sociales des progrès accomplis en matière de déficits. Pourtant, les résultats sont là ! En deux ans, le déficit des régimes obligatoires a été réduit de 5,5 milliards d’euros.
M. Alain Gournac. Avec 4 milliards d’euros d’impôts en plus !
Mme Patricia Schillinger. Décidés par qui ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le déficit du régime général a diminué de 3,9 milliards d’euros. Les efforts demandés à nos compatriotes n’ont donc pas été vains ! L’ajustement est sans doute douloureux, mais il permet d’endiguer la dérive des comptes face à la crise. Il peut provoquer des mécontentements, mais il permet d’améliorer l’équité de notre système de protection sociale. Cette politique sera d’ailleurs poursuivie en 2014.
M. Roland Courteau. C’est l’intérêt général !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Plus de 8 milliards d’euros sont en effet attendus des mesures inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et dans le projet de loi de finances pour 2014, afin de rapprocher les comptes du régime général de leur niveau d’avant la crise. Des économies de plus de 4 milliards d’euros seront ainsi réalisées – Mmes les ministres et M. le ministre les ont détaillées –, grâce à la mise en œuvre de la réforme des retraites, de la réforme de la politique familiale et de la stratégie nationale de santé.
Nous nous inscrivons donc dans une dynamique positive entretenue par la montée en puissance des réformes qui devraient permettre, à l’horizon de 2017, de tendre vers l’équilibre des comptes sociaux.
Mme Isabelle Debré. Croyez-vous vraiment ce que vous dites ?
M. Roland Courteau. Ça vous gêne qu’on réussisse ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Si tel est le cas, nous aurions, en l’espace d’une législature, divisé le déficit de la sécurité sociale par plus de quatre ! Et nous aurions fait la preuve, si besoin était, qu’une politique de gauche peut faire rimer justice sociale et saine gestion des comptes publics. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
S’agissant de la gestion de la dette sociale, j’avais regretté l’absence, l’an dernier, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, de dispositions relatives au transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, des déficits des branches famille et maladie. En effet, en dépit de conditions de marché tout à fait exceptionnelles, il ne me semblait pas de bonne pratique de laisser l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, gérer en trésorerie des déficits aussi élevés.
L’article 14 de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 réussit à répondre à cette préoccupation en élargissant le dispositif de reprise de dette mis en place par l’article 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.
Cet élargissement, qui ne modifie ni le montant maximal des transferts ni la durée d’amortissement de la dette sociale, permettra de tirer parti du rééquilibrage progressif des comptes de la branche vieillesse résultant des mesures adoptées dans le cadre de la réforme des retraites. Il permettra de reprendre près de 30 milliards d’euros entre 2013 et 2017 et d’éviter d’avoir à recourir à une mesure globale, synonyme d’augmentation du taux de la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS, ou d’affectation de nouvelles ressources à la CADES.
Telles sont, mes chers collègues, les principales considérations que je souhaitais livrer au Sénat sur les recettes et l’équilibre. Vous l’avez compris, nous respectons, cette année encore, les engagements pris devant nos concitoyens. Nous rendons à notre système de protection sociale les marges de manœuvre financières dont il a besoin. Nous garantissons aux plus vulnérables les moyens d’accéder aux services qui leur sont nécessaires.
La commission a d’ailleurs adopté en ce sens un amendement fixant le taux de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance à 3,5 % pour les contrats réservés aux bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, ou ACS. Ce taux réduit, applicable aux contrats sélectionnés à l’issue de la procédure de mise en concurrence prévue par l’article 45 de ce projet de loi, devrait avoir un double effet : inciter les assureurs à proposer des garanties de qualité à moindre coût et encourager les bénéficiaires de l’ACS à souscrire à ces contrats, diminuant ainsi le taux de non-recours à une complémentaire santé. J’espère, mesdames les ministres, monsieur le ministre, que cette initiative recevra votre assentiment.
M. Christian Cambon. C’est inconstitutionnel !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. J’en viens maintenant à la partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale relative à l’assurance maladie.
Le Premier ministre a annoncé, en février dernier, la mise en place d’une stratégie nationale de santé que vous avez détaillée le 23 septembre, madame la ministre. Sans revenir précisément sur ses différents points, je souhaite surtout saluer la méthode : cette stratégie embrasse, dans son ensemble, notre système de santé et vise à le transformer de manière globale, durable et pérenne pour l’adapter aux changements profonds que nous connaissons tous.
Certains jugeront sans doute que cette stratégie n’a rien de spectaculaire, mais elle représente la seule voie efficace et pertinente. Réorienter notre système vers la prévention, l’accompagnement global des patients, un décloisonnement des prises en charge, une meilleure coopération entre les professionnels, une véritable collaboration entre le sanitaire, le social et le médico-social, ne peut se faire en un jour, au risque de casser tout simplement les outils construits pas à pas au fil des décennies.
La concertation et une mise en œuvre planifiée dans le temps sont les conditions du caractère durable de toute réforme d’ampleur. C’est dans cet esprit que s’inscrit le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Il contient de nombreuses mesures, que je regrouperai en quatre axes : mieux organiser les soins primaires, faciliter l’accès aux soins et aux droits, aménager le financement des établissements de santé, améliorer le circuit du médicament.
Mieux organiser les soins primaires représente naturellement une priorité pour notre système de santé. Celle-ci passe par le renforcement de la prise en charge de proximité autour du médecin traitant. Pour cela, nous allons prolonger d’une année l’expérimentation relative aux nouveaux modes de rémunération, mais je souhaite que les partenaires conventionnels démarrent au plus tôt les négociations pour proposer un dispositif pérenne de financement des équipes de soins et de coordination. Il est essentiel de définir clairement des rémunérations qui soient complémentaires du paiement à l’acte.
Ces rémunérations différentes constituent l’un des éléments dans la mise en place de parcours de santé. À cet égard, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ouvre la voie à deux expérimentations, l’une sur l’insuffisance rénale chronique, ou IRC, l’autre sur le traitement du cancer par radiothérapie externe. L’expérimentation portant sur le traitement de l’IRC me semble particulièrement prometteuse, car la prise en charge de cette pathologie repose nécessairement sur un ensemble varié d’acteurs. L’étude d’impact précise d’ailleurs que le promoteur du projet pourrait être chargé de la répartition des crédits entre les différents partenaires ; il s’agit d’une évolution très intéressante et particulièrement innovante en termes de décloisonnement. Madame la ministre, peut-être pourrez-vous nous apporter quelques précisions sur ce point ?
Par ailleurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 met finalement en place les premiers éléments d’un cadre financier pour la télémédecine, ce qui me semble également extrêmement important pour nos territoires.
Madame la ministre, l’Assemblée nationale a inséré une disposition pour conforter les centres de santé, dont la fragilité financière a été reconnue par le récent rapport de l’IGAS, lequel met en avant, dans le même temps, leur grande utilité sociale et sanitaire. Notre commission a souhaité aller plus loin sur ce sujet pour simplifier la gestion des centres et renforcer encore leur place dans le système de santé. Pouvez-vous nous indiquer plus généralement quelles sont les intentions du Gouvernement pour mieux assurer la place des centres de santé dans notre système de prise en charge ?
Faciliter l’accès aux soins et aux droits constitue, à mon sens, le deuxième axe de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Parmi les différentes mesures, je n’évoquerai que celles relatives à la couverture complémentaire en santé. Elles sont structurelles : elles visent à aider les bénéficiaires de l’ACS à choisir un contrat dont le rapport qualité-prix aura été validé par les pouvoirs publics et, surtout, à mettre un frein à la surenchère que nous avons constatée dans le remboursement de certains frais. On ne rend service ni aux Français ni au système de soins lui-même en solvabilisant de manière excessive certaines dépenses.
En prévoyant que, pour bénéficier d’un taux réduit de taxe spéciale sur les conventions d’assurance, TSCA, les contrats complémentaires ne devront pas prendre en charge des honoraires et des frais au-delà d’un certain seuil, tout en les obligeant à rembourser le ticket modérateur, nous contribuons positivement à la régulation des dépenses qui restent à la charge de nos concitoyens. Et je ne peux que m’en féliciter !
Par ailleurs, notre commission a souhaité aller plus loin que ce qu’avait proposé l’Assemblée nationale pour faciliter l’accès à la CMU-C et à l’ACS. En nous inspirant du dispositif qui lie le RSA-socle à la CMU-C, nous avons prévu que les allocataires du minimum vieillesse ou les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, sont réputés satisfaire les conditions pour bénéficier de l’ACS. Cette mesure de simplification, tant pour les demandeurs que pour les personnels des caisses, me semble lever un verrou important, alors même que l’ACS connaît un taux de non-recours très élevé.
Madame la ministre, entendez-vous reprendre cette mesure ? Sur un plan plus général, quelles sont vos intentions afin de lutter contre le véritable parcours du combattant que traversent les plus démunis dans l’accès à leurs droits ?
Le troisième thème que je souhaite aborder concerne le financement des établissements de santé. Je serai bref sur ce point. Je ne peux, en effet, que me féliciter en constatant la reprise de deux mesures proposées l’année dernière dans le rapport de la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, dont les éminents rapporteurs étaient, rappelons-le, Jacky Le Menn et Alain Milon
Nous avions souligné le fait que les principes mêmes de la tarification à l’activité pouvaient mettre en difficulté certains établissements isolés dont les coûts fixes ne permettent pas de s’aligner sur les coûts moyens calculés à l’échelon national pour l’élaboration des tarifs. Nous avions aussi mis en avant le risque inflationniste de la tarification à l’activité, la T2A. C’est la raison pour laquelle la minoration des tarifs au-delà d’un certain seuil d’activité peut constituer un outil permettant aux finances publiques de bénéficier d’une part des économies d’échelle que certaines prestations génèrent.
Pour autant, la communauté hospitalière montre des signes d’inquiétude quant aux modalités d’application de la mesure proposée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pouvez-vous, madame la ministre, nous apporter des précisions sur les activités qui seront concernées par la dégressivité des tarifs ?
Quatrième axe de travail : améliorer le circuit du médicament. Dans ce domaine aussi, le texte contient plusieurs mesures que je ne détaillerai pas : la refonte des taxes pharmaceutiques, la prise en charge des patients traités avec un médicament ayant bénéficié d’une autorisation temporaire d’utilisation, l’expérimentation de la délivrance à l’unité, la diffusion des médicaments biosimilaires.
Je souhaite insister sur la proposition de l’Assemblée nationale d’augmenter le montant des remises sur les génériques au-delà du taux actuel de 17 %. Certes, la situation n’est guère satisfaisante aujourd’hui, puisque plusieurs études constatent un détournement de ce seuil.
Si la mesure proposée à l’Assemblée consiste uniquement à « légaliser » les ristournes qui dépassent le seuil de 17 %, pourquoi pas ? Toutefois, comment être certain que les coopérations commerciales disparaîtront réellement ? Surtout, aucune étude ou évaluation n’a pu être fournie sur l’impact d’un relèvement de seuil qui ne serait accompagné parallèlement d’aucune autre mesure, que ce soit en termes d’approvisionnement et de production industrielle ou de « partage des gains » pour l’assurance maladie.
C’est la raison pour laquelle notre commission a proposé, à ce stade, d’en rester au texte initial du Gouvernement, qui met en place un dispositif de déclaration permettant de diminuer les prix publics des médicaments.
Je saisis l’occasion de ce sujet pour soulever une question que l’on retrouve à plusieurs reprises dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je l’ai dit, nous avons tous été alertés sur les éventuelles conséquences de la fixation d’un plafond de prise en charge par les contrats complémentaires.
Que ce soit pour les médicaments, les lunettes, les prothèses dentaires, les appareils d’audioprothèse, quelle est la répartition optimale des marges entre les différents acteurs de la chaîne de soins ? Quel niveau de transparence doit s’appliquer sur les prix, alors même que la collectivité, sécurité sociale ou couverture complémentaire, en solvabilise une large part ? Le consommateur doit-il savoir à quel prix le chirurgien-dentiste a acheté une prothèse, combien l’opticien a payé les verres, quel est le coût d’achat par le pharmacien du médicament ? Doit-il connaître le prix du dispositif médical mis en place par un professionnel ?
Nous avions déjà eu ce débat, passionné, au sujet des prothèses dentaires. Je crois qu’il se pose aujourd’hui de la même manière et avec la même acuité pour l’optique, voire le médicament.
Il me semble donc, madame la ministre, qu’il serait particulièrement intéressant de lancer une mission sur ce sujet en vue de déterminer comment rétribuer de manière juste l’ensemble des acteurs, du fabricant au revendeur final, à la fois pour favoriser la production dans notre pays et pour ne pas peser trop lourdement sur les finances de nos concitoyens et sur les comptes publics.
La transparence dans la formation des prix et des marges peut constituer, à mon sens, une porte d’entrée intéressante pour éclairer cette question. Cependant, nous voyons bien que nous devrons revenir sur ces sujets.
En conclusion, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a comme priorité la consolidation de la solidarité nationale, qui constitue la base de notre protection sociale. Redressement durable des comptes, sans pour autant créer d’effet déflationniste, réformes de l’assurance vieillesse et de la politique familiale, stratégie nationale de santé fondée sur la proximité et la prévention, tels sont les éléments déterminants de ce texte que la commission des affaires sociales du Sénat a approuvé et vous demande d’adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée, rapporteur.
M. Georges Labazée, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, en tant que rapporteur du volet médico-social du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, je tiens à saluer la progression des crédits qui seront alloués à ce secteur en 2014.
Avec une hausse de 3 %, l’ONDAM médico-social connaît une progression, certes moins marquée que les années précédentes, mais plus dynamique que celle de l’ONDAM dans son ensemble. Si l’on ajoute à cette enveloppe les ressources propres que mobilisera la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, 18,8 milliards d’euros seront consacrés l’année prochaine au financement des établissements et services médico-sociaux ; 9,5 milliards d’euros seront dédiés au secteur des personnes handicapées et 9,3 milliards d’euros à celui des personnes âgées. L’objectif global de dépenses, l’OGD, sera, en outre, abondé par un prélèvement de 70 millions d’euros effectué sur les réserves de la CNSA.
Ces crédits supplémentaires permettront de renforcer les moyens existants dans les établissements et services médico-sociaux, de remplir les objectifs de créations de places fixés par les différents plans gouvernementaux et de poursuivre la médicalisation des EHPAD.
Sur ce point, il faut noter qu’à la fin de l’année 2012 31 % des établissements, soit 26 % des places, n’étaient pas encore passés à un mode de tarification défini en fonction du GIR moyen pondéré soins. Des efforts substantiels devront donc encore être réalisés dans les années à venir pour achever ce processus.
En 2014, 15 millions d’euros vont être plus spécifiquement consacrés à l’achèvement du plan Alzheimer. Le rapport d’évaluation publié au mois de juin dernier constitue une base de travail solide pour conforter et améliorer les structures créées dans le cadre du plan. Je pense, en particulier, aux maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer, les fameuses MAIA. Comme s’y est engagé le Président de la République, le plan doit être étendu à l’ensemble des maladies neurodégénératives. Je formule le souhait que la dynamique engagée avec le premier plan puisse être maintenue, voire amplifiée rapidement dans les années à venir.
Au cours des années passées, les rapporteurs pour le secteur médico-social ont fréquemment regretté la sous-consommation de l’OGD personnes âgées, qui a été de 189 millions d’euros en 2012 et devrait encore s’élever à 150 millions d’euros en 2013.
Le directeur de la CNSA, que nous avons rencontré lors des auditions, me l’a assuré, ce problème sera bientôt derrière nous grâce au resserrement du calendrier budgétaire et aux améliorations apportées au suivi des crédits, ainsi qu’à leurs modalités d’allocation pour les créations de places. Ainsi, les annonces de tarifications seront rapidement avancées du mois de juin au mois de mars, ce qui permettra une meilleure gestion. Je veillerai, en tout cas, à ce que les enveloppes sur lesquelles le Parlement se prononce chaque année puissent être effectivement consommées dans des conditions satisfaisantes.
À ce titre, il m’a semblé nécessaire d’améliorer le degré d’information dont dispose la représentation nationale quant au financement des établissements et services médico-sociaux. Le Gouvernement a l’obligation de transmettre au Parlement, chaque année avant le 15 septembre, un rapport sur le financement des établissements de santé qui, lorsqu’il est communiqué dans les temps, constitue un support utile à l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Rien n’existe dans le secteur médico-social, alors même que les règles de financement y sont à la fois hétérogènes et complexes.
Sur mon initiative, la commission a donc adopté un amendement tendant à introduire dans le code de l’action sociale et des familles un article qui constituera le pendant, pour les établissements et services financés par l’ONDAM médico-social, des dispositions du code de la sécurité sociale relatives au rapport annuel sur le financement des établissements de santé.
En début de navette, un seul article du projet de loi était consacré au secteur médico-social. Il s’agit, comme chaque année depuis la loi de financement pour 2011, d’affecter une partie du produit de la contribution de solidarité pour l’autonomie au financement du plan d’aide à l’investissement, le PAI. Pour 2014, ce sont 2 % qui doivent y être consacrés, soit un peu moins de 50 millions d’euros.
Chaque année, les crédits alloués au PAI sont gelés au titre des mesures de régulation de l’ONDAM. Ils sont ensuite abondés en cours d’exercice budgétaire à partir des réserves de la CNSA. Si la meilleure consommation de l’OGD se confirme dans les années à venir, les ressources de la CNSA ne permettront bientôt plus de compenser ces mesures de gel.
Or, grâce au PAI, la CNSA apporte un soutien indispensable pour le financement des investissements réalisés par les structures médico-sociales. En effet, ces crédits sécurisent l’accès à l’emprunt et contribuent à limiter le poids de l’investissement dans les tarifs appliqués par les établissements. Il s’ensuit donc nécessairement un allégement du prix de journée.
En outre, les besoins de modernisation et de remise aux normes, déjà importants, sont appelés à augmenter fortement dans les années à venir en raison du vieillissement du parc. Nous pouvons estimer, en tenant compte des situations différentes selon les départements, qu’il est actuellement obligatoire de rénover environ 40 % du parc des EHPAD ou, pour le dire plus communément, des maisons de retraite. Cela représente des sommes très importantes que les départements ne peuvent assumer à eux seuls.
La commission a donc adopté, sur ma proposition, un amendement visant à mieux identifier et sécuriser les crédits destinés au PAI au sein du budget de la CNSA. Au moins 2 % du produit de la CSA lui sera désormais affecté de façon pérenne au sein d’une nouvelle section dédiée à l’investissement.
L’Assemblée nationale a introduit un article additionnel qui a pour objet de mettre fin à l’expérimentation de la modulation du forfait soins dans les EHPAD en fonction d’indicateurs de qualité et d’efficience.
Dès l’examen du projet de loi de financement pour 2012, qui créait cette expérimentation, notre collègue Ronan Kerdraon avait demandé sa suppression, soulignant les incertitudes qui caractérisent la tarification des EHPAD, et la jugeant par conséquent prématurée.
Au nom de la commission des affaires sociales, je me félicite de cette convergence de vues entre nos deux assemblées, en regrettant cependant les blocages qui continuent d’empêcher toute clarification du système de financement des EHPAD. Je pense en particulier à la tarification à la ressource, prévue par la loi de financement pour 2009, mais qui n’est toujours pas entrée en vigueur, faute de décret. Un tel manque de visibilité est regrettable, d’autant plus qu’un nombre non négligeable d’établissements seront amenés à renouveler leurs conventions tripartites dans les prochaines années.
Une refonte de la tarification des établissements pour personnes handicapées vient d’être engagée dans le cadre de la modernisation de l’action publique, et nous nous en réjouissons, madame la ministre. Il s’agit d’un processus ambitieux qui a vocation à se dérouler sur plusieurs années. Je souhaite vivement qu’il puisse être une source d’inspiration pour réfléchir à des évolutions claires et consensuelles dans le secteur des personnes âgées.
Telles sont, mesdames les ministres, mes chers collègues, les principales observations que je souhaitais formuler sur le volet médico-social de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
À l’heure où l’effort de redressement de nos comptes sociaux doit être partagé par tous, le soutien à l’autonomie des personnes âgées et handicapées demeure une priorité du Gouvernement. J’en suis heureux. Je le suis d’autant plus que, depuis l’intervention, le 14 octobre dernier, du Premier ministre, dont vous avez confirmé les propos à la tribune, madame la ministre, nous connaissons les contours et le calendrier de la future réforme sur l’adaptation de la société au vieillissement.
Son premier volet, qui doit être adopté d’ici à la fin de l’année prochaine, sera centré sur la prise en charge au domicile. La réforme de l’allocation personnalisée d’autonomie en constituera l’un des points majeurs. Dans un contexte où plus du quart des plans d’aide élaborés pour les bénéficiaires de l’APA à domicile sont aujourd’hui saturés, elle devra permettre de mieux prendre en compte les besoins des personnes les plus dépendantes.
Cette réforme sera également indissociable d’une réflexion sur le financement de l’APA, qui repose aujourd’hui trop largement sur les départements : depuis 2002, date à laquelle la part de l’État et celle des départements étaient égales, donc de 50 % chacune, la part de l’État est passée à 28 % et celle des départements à 72 %.
Je sais que le Gouvernement travaille à soutenir les départements pour le financement des différentes allocations individuelles de solidarité ; nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen du projet de loi de finances. Il est indispensable, à ce titre, que des garanties puissent être apportées aux départements quant à un partage équitable du financement de l’APA dans les années à venir.
Le second volet de cette réforme, qui sera mis en œuvre ultérieurement, portera sur la prise en charge en établissement et devra notamment traiter de la grave question du reste à charge acquitté par les résidents. Sur ce point, il me semble essentiel de travailler, sur la base d’un diagnostic étayé des différents coûts que supportent les personnes hébergées en établissement, à la refonte de dispositifs d’aides qui sont aujourd’hui insuffisamment coordonnés et trop peu redistributifs.
Nous le savons, cette réforme ne pourra être réellement ambitieuse qu’à la condition de s’appuyer sur des financements suffisants. Le Premier ministre nous l’a assuré, et vous nous l’avez également confirmé, madame la ministre, le produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, lui sera entièrement consacré à partir de 2015. C’est heureux. Mais j’aurais été davantage satisfait si, comme cela avait été prévu initialement par le Gouvernement, la CASA avait été mise en réserve dès 2013 au sein d’une section dédiée du budget de la CNSA. De cette façon, nous aurions été en mesure de mobiliser, dès le début de l’année 2015, un peu plus de 1 milliard d’euros.
Or la CASA a été entièrement redirigée en 2013 pour alimenter le Fonds de solidarité vieillesse. Cette mesure, qui devait n’être qu’exceptionnelle, sera reconduite en 2014, même si – vous l’avez annoncé –, grâce à un amendement adopté par l’Assemblée nationale, 100 millions d’euros restent affectés à la CNSA. Il me semble qu’il aurait été plus lisible et plus compréhensible pour nos concitoyens que cette contribution, qui pèse sur les retraités, ait eu dès l’origine une vocation clairement assumée.
Je reste cependant optimiste. Depuis plusieurs années, sur l’ensemble des travées de cet hémicycle, nous attendons cette réforme de l’adaptation de la société au vieillissement. Aujourd’hui, nous avons des certitudes. Un cap clair a été fixé. La concertation va être engagée dans les prochains jours. Je souhaite qu’elle puisse aboutir rapidement et que 2014 soit une année porteuse d’un espoir renouvelé pour les personnes en situation de perte d’autonomie, pour leurs proches, ainsi que pour l’ensemble des professionnels qui les accompagnent chaque jour. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, rapporteur.
Mme Isabelle Pasquet, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en 2013, pour la sixième année consécutive, la branche famille afficherait un niveau élevé de déficit : 2,8 milliards d’euros. Ce triste record – le dernier remontait à 2010 – s’explique par un ralentissement marqué des recettes, lui-même imputable à la mauvaise conjoncture économique.
Cette dégradation est toutefois moins importante que celle qui était initialement prévue, grâce au milliard d’euros de recettes supplémentaires affecté à la branche par la loi de finances rectificative d’août 2012 et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. Ce que j’avais alors qualifié de « bouffée d’oxygène » a mis fin à une fragilisation sans précédent des recettes de la branche opérée sous le précédent quinquennat, dont le transfert, en 2011, de 0,28 point de CSG vers la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, a été la mesure la plus emblématique.
Je souligne, à ce sujet, que le rendement des trois taxes affectées à la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, en contrepartie de cette perte de CSG, ne cesse de diminuer d’année en année.
Malgré les efforts entrepris l’année dernière en recettes, le déficit de la branche continuerait de se creuser en 2014, pour atteindre 3,3 milliards d’euros. Pour éviter ce dérapage, le présent projet de loi de financement prévoit un nouveau transfert de recettes à la branche famille pour un montant de 1 milliard d’euros, qui permettrait de ramener le déficit à 2,3 milliards d’euros.
Ce milliard d’euros supplémentaire provient de l’affectation à la CNAF du gain financier attendu de la baisse du plafond du quotient familial de 2 000 à 1 500 euros par demi-part, mesure prévue à l’article 3 du projet de loi de finances pour 2014. Environ 1,3 million de foyers fiscaux seront concernés par cet abaissement du plafond, soit 12 % des ménages avec enfants.
La CNAF se voit également attribuer la compensation de la perte de 0,15 point de cotisations patronales « famille », soit 1,16 milliard d’euros, destinée à assurer la neutralité de l’augmentation des cotisations patronales « vieillesse » sur le coût du travail.
La rétrocession à la branche famille des économies escomptées de la réforme du quotient familial et la compensation de la diminution des cotisations patronales famille, pour un montant total d’environ 2,19 milliards d’euros, reposent sur un schéma de financement pour le moins complexe.
Le dispositif retenu comprend en effet deux étapes : tout d’abord, un transfert de recettes du budget de l’État vers la sécurité sociale, au moyen d’un accroissement de la fraction du produit de la TVA affectée à la CNAM ; ensuite, l’attribution à la CNAF d’un panier de recettes en provenance de la CNAM composé de divers impôts et taxes.
Bien sûr, on ne peut que partager l’objectif du Gouvernement de redressement des comptes de la branche famille. Je considère cependant que les modifications apportées par le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 en matière de recettes remettent profondément en cause son financement solidaire, qui repose historiquement sur les cotisations sociales. L’affectation du produit de l’abaissement du plafond du quotient familial et, surtout, le remplacement d’une part des cotisations patronales « famille » par des impôts et taxes, sont, à mes yeux, révélateurs d’un basculement vers un financement fiscalisé dont les premiers contributeurs sont les ménages.
Je crains par ailleurs que ce nouveau montage financier, outre le fait qu’il complexifie encore un peu plus la structure de financement de la branche, n’offre pas les garanties suffisantes quant à son financement pérenne.
Enfin, il est particulièrement regrettable que la recette supplémentaire occasionnée par la fiscalisation de la majoration de pension pour trois enfants et plus – mesure prévue à l’article 6 du projet de loi de finances – soit affectée au financement de la réforme des retraites plutôt qu’à la branche famille, alors que c’est cette branche qui supporte la charge de cette prestation pour le compte du Fonds de solidarité vieillesse depuis 2009 ! Cette injustice s’ajoute à celle qui consiste à élargir l’assiette de l’impôt sur le revenu des familles, et donc à diminuer leur pouvoir d’achat, déjà largement impacté par les effets de la crise.
Les mesures relatives à la famille inscrites en dépenses sont, quant à elles, la traduction législative des annonces faites par le Premier ministre le 3 juin dernier, à l’occasion de la « rénovation de la politique familiale ». Deux objectifs étaient annoncés : l’amélioration du caractère redistributif du système actuel en ciblant certaines prestations sur les familles qui en ont le plus besoin ; la participation au redressement financier de la branche en lui faisant réaliser des économies.
L’intention est louable, mais ces objectifs remettent en cause le principe, auquel je suis profondément attachée, d’universalité des prestations familiales. En outre, ils s’inscrivent clairement dans une logique d’austérité que je ne peux cautionner.
La première mesure consiste en une majoration du complément familial de 50 % sur cinq ans pour les familles vivant sous le seuil de pauvreté, conformément à l’engagement pris dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Cette majoration, qui devrait bénéficier à 400 000 familles, va de pair avec celle qui est annoncée de l’allocation de soutien familial de 25 % à l’horizon de 2018.
La deuxième mesure est la modulation du montant de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, selon le niveau de ressources des familles : ses bénéficiaires, définis comme les plus aisés, verront son montant diminuer de moitié, tandis que ses bénéficiaires les plus modestes continueront de la percevoir à taux plein. Ce sont 10 % des familles éligibles, soit 180 000 d’entre elles, qui percevront désormais l’allocation de base à taux partiel.
La troisième mesure concerne la majoration du complément de libre choix d’activité, le CLCA, qui, on le sait, est favorable aux familles dites « les plus aisées ».
Afin que tous les allocataires, quel que soit le niveau de leurs ressources, perçoivent un montant de CLCA identique, il est proposé de supprimer cette majoration.
La quatrième mesure consiste en un mécanisme de plafonnement des tarifs pratiqués par les microcrèches. Il ressort en effet d’une enquête réalisée par la CNAF en 2012 que certaines de ces structures abusent de la liberté tarifaire dont elles bénéficient. Le dispositif prévu, qui repose sur le complément de mode de garde versé aux familles utilisatrices, conduirait à une limitation des tarifs facturés, donc à une diminution du reste à charge des familles.
Trois autres dispositions relèvent, à mon sens, de la rigueur budgétaire, ni plus ni moins.
Il en est ainsi de la non-revalorisation du montant de l’allocation de base de la PAJE jusqu’à ce que le montant du complément familial, régulièrement revalorisé selon les règles de droit commun, atteigne le même niveau. Le rattrapage entre ces prestations étant prévu pour 2020, cela signifie que le montant de l’allocation de base n’évoluera pas pendant six années consécutives !
À ce gel s’ajoute celui des montants des primes à la naissance et à l’adoption.
L’allocation de logement familiale subira le même sort l’année prochaine, de même que l’allocation de logement sociale et l’aide personnalisée au logement.
Dans le contexte économique et social que nous connaissons, ces mesures vont pénaliser encore un peu plus les familles les plus fragiles. C’est d’autant plus incompréhensible, madame la ministre, que vous admettez vous-même dans l’étude d’impact que l’augmentation des aides au logement est liée à la mauvaise conjoncture économique et à la hausse du chômage. En somme, plus il y a de besoins, plus on contracte les budgets !
Je conclurai sur la nouvelle convention d’objectifs et de gestion qui a été signée entre la CNAF et l’État le 16 juillet dernier, après plus d’un an et demi de négociations longues et difficiles, et sur laquelle j’ai pu m’entretenir avec les représentants syndicaux des salariés des CAF.
Les deux premières orientations stratégiques retenues – le développement des services aux familles et l’amélioration de l’accès aux droits – me semblent pertinentes. Elles s’accompagnent d’ailleurs d’une augmentation significative des crédits du Fonds national d’action sociale sur la période 2013-2017.
En revanche, le troisième axe, qui vise « un choc de production », selon les termes mêmes de la convention, ne résoudra en rien la profonde crise que traversent les CAF depuis deux ans maintenant. Au contraire, il risque de l’aggraver, en raison des économies de gestion qu’il prévoit.
Alors que la convention d’objectifs et de gestion repose sur un renforcement des moyens humains des caisses sur les deux premières années à hauteur de 700 équivalents temps plein, il est acté que les effectifs du réseau devront diminuer de 1 000 équivalents temps plein en cinq ans. Autrement dit, on reprend d’une main ce que l’on donne de l’autre !
En résumé, madame la ministre, je crains que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ne soit un pas de plus vers la remise en question de la branche famille, et ce malgré vos déclarations.
L’approche que vous avez de la redistribution pose plusieurs problèmes.
D’abord, plus on soumet les prestations à condition de ressource, plus on s’éloigne de l’universalité, sans compter que les dossiers vont voir leur traitement se complexifier. Cela va à l’encontre du « choc de simplification » réclamé par le Président de la République et c’est contraire aux économies de gestion demandées aux CAF.
Ensuite, on prend aux uns pour donner aux autres, aux classes moyennes pour donner aux plus modestes,…
Mme Michelle Meunier. Ce n’est pas vrai !
Mme Isabelle Pasquet, rapporteur pour la famille. … voire à personne, dans certains cas ! Il serait plus pertinent, pour combler les inégalités, d’engager une grande réforme de la fiscalité pour rendre l’impôt plus juste et plus progressif qu’il ne l’est aujourd’hui.
Enfin, le budget de la branche famille sert largement la politique de lutte contre la pauvreté. Loin de moi l’idée qu’elle ne doit pas y contribuer, mais ce n’est pas sa vocation première. En outre, recentrer les prestations sur les ménages les plus modestes au détriment des autres risque de renforcer la stigmatisation des plus démunis. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Tout cela pose la question du financement de la branche famille. Si on la détourne de sa vocation première, on est amené à se demander qui la finance et comment. À ce titre, je rappelle que les prestations familiales font partie du salaire socialisé. En conséquence, toute remise en cause des cotisations sociales, tout gel ou toute baisse, équivaut à une baisse des salaires, donc à une perte de pouvoir d’achat.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris : ces doutes et ces craintes m’amènent à émettre un avis défavorable sur ce PLFSS. Cet avis est d’ailleurs partagé par une majorité d’organismes sociaux, associations et syndicats. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. André Dulait applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, rapporteur.
Mme Christiane Demontès, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, en ce qui concerne la branche vieillesse, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 s’inscrit bien entendu dans le prolongement du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites en cours d’examen au Parlement. La semaine dernière, à cette même heure, nous étions toujours en train d’en discuter ici même !
Vous le savez, ce projet de loi s’articule autour de trois axes principaux : d’abord, le redressement des comptes des régimes de retraite à court terme et la correction de la trajectoire financière de long terme ; ensuite, la priorité accordée à l’équité, qui exige de mieux prendre en compte les évolutions sociales et la diversité des parcours professionnels dans l’acquisition des droits à la retraite, notamment pour les femmes et les plus jeunes de nos concitoyens ; enfin, le renforcement du droit à l’information des assurés et l’amélioration de la coordination entre les régimes.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ne comporte pas de mesures de fond ou de dépenses nouvelles concernant la branche vieillesse, mais il traduit l’équilibre financier de la réforme et accompagne les mesures d’équité dont nous avons débattu.
Nos discussions relatives au projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites ayant été longues et nourries, je me limiterai à rappeler en quelques mots la contribution de cette réforme à l’amélioration de la situation financière de l’assurance vieillesse.
L’effort de redressement de notre système de retraites a été engagé dès l’été 2012, avec les mesures de recettes prévues par le décret du 2 juillet 2012 et par la loi de finances rectificative du 16 août 2012. Cette année, ces mesures ont joué sur une année pleine. Conjuguées aux dispositions inscrites dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 et la loi de finances pour 2013, elles ont largement contribué à la réduction des déficits.
Au total, le déficit de l’ensemble de la branche vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse sera réduit de plus d’un tiers entre 2012 et 2013, passant de 10,2 milliards d’euros à 6,8 milliards d’euros.
Les mesures de financement contenues dans le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites prolongent ces efforts.
J’ai déjà eu l’occasion de souligner que ces mesures mettaient à contribution l’ensemble de nos concitoyens – actifs, employeurs et retraités –- sur la base d’efforts modérés et équitablement répartis et dans des conditions d’anticipation raisonnables.
Vous le savez, le ministre chargé du budget le rappelait à l’instant, à court terme, la contribution des actifs et des employeurs se traduira par une hausse progressive de 0,3 point en quatre ans des cotisations d’assurance vieillesse.
S’agissant des retraités, la date de revalorisation des pensions de retraite sera reportée de six mois, mais cette mesure ne s’appliquera ni à l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, ni aux rentes liées aux accidents du travail et maladies professionnelles, dont mon collègue Jean-Pierre Godefroy parlera.
La réforme des retraites prévoit également des économies de gestion des régimes de retraite. À cet égard, les objectifs précis assignés à la Caisse nationale d’assurance vieillesse et à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales feront l’objet des prochaines conventions d’objectifs et de gestion qui seront signées avec l’État.
L’impact total des mesures de financement contenues dans la réforme s’élèvera ainsi à 4,1 milliards d’euros en 2014. Le déficit de la branche vieillesse de l’ensemble des régimes de base devrait être ramené à 1,6 milliard d’euros en 2014.
En ce qui concerne le déficit de la branche vieillesse du seul régime général, il devrait atteindre 1,2 milliard d’euros, contre 3,7 milliards d’euros s’il n’y avait pas eu de réforme.
Sur la trajectoire du retour à l’équilibre des régimes de base à l’horizon 2020, la résorption du déficit de la branche vieillesse du régime général est envisagée pour 2016.
Je tiens à souligner que la troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, relative aux recettes et à l’équilibre financier, comporte trois articles qui font directement écho au projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.
Afin de financer les mesures d’équité en faveur des petites pensions agricoles, l’article 9 augmente les recettes de la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles par la suppression d’une niche sociale.
L’article 10 crée une cotisation vieillesse déplafonnée au Régime social des indépendants, le RSI, pour permettre une hausse des cotisations dans des termes identiques pour l’ensemble des régimes de base.
L’article 16 prévoit, lui, les conditions dans lesquelles l’État compensera les exonérations de cotisations vieillesse des apprentis, qui pourront désormais valider l’ensemble de leurs trimestres d’apprentissage au titre de la retraite.
Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 poursuit résolument le redressement des comptes amorcé en 2012. Il répond ainsi à la double exigence de financement et de justice inscrite au cœur de la réforme en cours d’examen. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général devrait clore l’année 2013 avec un excédent de 300 millions d’euros, excédent que l’on devrait constater à nouveau en 2014, mais pour moins de 70 millions d’euros.
La situation de la branche est donc fragile, d’autant qu’elle doit rembourser une dette de plus de 2 milliards d’euros actuellement portée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS. Cela nous incite à une vigilance particulière sur les moyens dont la branche AT-MP dispose et sur les charges qu’elle supporte.
L’essentiel des charges est lié aux dépenses de réparation des trois types de sinistres que couvre la branche : les accidents du travail, les accidents de trajet et les maladies professionnelles.
On peut noter avec satisfaction que le nombre d’accidents du travail en 2012 a atteint un niveau historiquement bas, avec moins de 950 000 sinistres recensés. Cette baisse est réelle, car elle se traduit par une baisse tant de l’indice de fréquence – 35 accidents pour 1 000 salariés – que de la gravité.
On peut cependant regretter, comme l’année dernière, que les statistiques présentées par la Direction de la sécurité sociale ne couvrent que les salariés du régime général et laissent dans l’ombre la situation des agriculteurs, exploitants et salariés, ainsi que des agents de la fonction publique. Le regroupement des données des régimes de sécurité sociale pour construire des indicateurs de surveillance communs reste lettre morte, faute de financement de la part de l’assurance maladie. Pourriez-vous, madame la ministre, inciter la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAM-TS, à boucler le tour de table mis en place par l’Institut de veille sanitaire ?
Les accidents de trajet connaissent une baisse significative en 2012, mais restent supérieurs en nombre à ce qu’ils étaient en 2008. Il me semble qu’une analyse plus détaillée des causes de ces accidents est nécessaire. Les explications actuellement proposées, à savoir l’influence du climat sur l’évolution de la sinistralité, sont peu satisfaisantes, surtout quand on prend en compte le fait que le trajet est un facteur de stress en lien direct avec les risques psychosociaux.
Enfin, le nombre de maladies professionnelles baisse également par rapport au pic atteint en 2011, mais sans retrouver le niveau de 2010. Le nombre de personnes atteintes de maladies professionnelles progresse de 5 % en moyenne chaque année depuis 2007 et une part croissante d’entre elles souffre de polypathologies.
Si l’on prend en compte le fait qu’une partie de la diminution de la sinistralité en 2012 est imputable à la conjoncture économique et à la faible croissance de la masse salariale, la situation du monde du travail au regard des trois risques accident du travail, accident de trajet et maladie professionnelle, paraît fragile. Il faut d’ailleurs noter que la France est toujours au-dessus de la moyenne européenne.
Cela ne doit pas aboutir à minimiser les progrès déjà accomplis, notamment pour la prévention des accidents du travail dans les branches les plus accidentogènes, comme le bâtiment. Toutefois, ce diagnostic doit nous amener à soutenir la volonté commune – j’insiste sur ce point – des partenaires sociaux à rompre avec la logique de simple réparation des dommages, pour nous engager pleinement dans une optique de prévention tendant à faire disparaître les risques ou, au moins, à protéger le mieux possible les salariés.
La signature, prévue à la fin de ce mois, de la nouvelle convention d’objectifs et de gestion de la branche AT-MP pour la période 2014-2017 doit marquer cette réorientation, qui n’est en fait qu’un retour aux principes de la loi du 30 octobre 1946 intégrant à la sécurité sociale le régime fondé en 1898.
Dès lors, les réductions d’effectifs prévues dans les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, les CARSAT, et à l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, l’INRS, créé en 1947, ne peuvent que nous inquiéter. S’il est nécessaire de dégager des marges de productivité, il ne peut être question de réduire les postes affectés aux actions de prévention et à la recherche. Pouvez-vous nous préciser, madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ?
La faiblesse des marges de manœuvre financières de la branche risque de limiter sa capacité à mettre en œuvre, à budget constant, ses actions de prévention. Or une augmentation des cotisations patronales n’est pas ou n’est plus envisageable à court et moyen terme. En effet, le compte de pénibilité, s’il est adopté par l’Assemblée nationale, créera, parallèlement à la branche AT-MP, un nouveau dispositif, avec un mode de financement très similaire.
Vous avez indiqué, madame la ministre, lors de votre audition à l’Assemblée nationale, que le compte de prévention de la pénibilité impacterait la branche AT-MP. Pourriez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?
La fragilité financière de la branche impose d’expliquer l’augmentation importante de la dotation de la branche au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA – 435 millions d’euros cette année, contre 115 millions d’euros l’année dernière et 320 millions d’euros en moyenne sur les années précédentes.
Il ne fait aucun doute que le FIVA a besoin des sommes qui lui sont affectées. L’évolution de ses charges, telle qu’elle avait été présentée en 2012, s’est révélée largement sous-estimée, au point que le conseil d’administration du fonds a dû voter en octobre dernier un budget complémentaire d’urgence de 100 millions d’euros, puisés dans son fonds de roulement. Celui-ci atteint désormais moins de la moitié de la réserve prudentielle.
Si les charges du FIVA augmentent, c’est principalement parce que les dossiers des victimes et de leurs ayants droit sont réglés plus rapidement, et c’est là un point positif. Il ne saurait donc être question de réduire la dotation de la branche AT-MP.
Néanmoins, madame la ministre, l’absence totale de dotation de l’État au FIVA en 2014 ne nous paraît pas acceptable. Si elle pouvait, à la rigueur, se justifier l’année dernière, le contexte financier du Fonds a, on l’a vu, complètement changé. Dès lors, l’absence de dotation, qui est contraire au texte constitutif du FIVA, et qui revêt de surcroît une forte dimension symbolique, du fait de la double responsabilité de l’État dans l’affaire de l’amiante, en tant qu’employeur et en tant que régulateur, ne peut être cautionnée. J’estime qu’elle fait courir un risque non négligeable d’insuffisance de la dotation budgétaire globale du FIVA en 2014.
Je me concerterai donc avec le rapporteur de la mission « Santé » et les membres du groupe de suivi du rapport de notre commission sur l’amiante pour envisager un amendement au projet de loi de finances.
S’agissant du fonctionnement du FIVA, un autre problème, d’ordre administratif celui-là, me semble devoir trouver une solution. Le Fonds partage son agent comptable avec l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, l’ONIAM, ce qui limite la capacité de règlement des dossiers. Peut-être, madame la ministre, serait-il opportun d’envisager l’affectation au FIVA d’un équivalent temps plein entier. Les conséquences pratiques d’un tel changement seraient certainement dans l’intérêt des victimes.
Je souhaite également, madame la ministre, vous poser de nouveau la question de l’ouverture d’une nouvelle voie d’accès personnelle à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, l’ACAATA. Celle-ci serait fondée sur les expositions subies, et non plus seulement sur les pathologies déclarées ou le fait d’avoir été employé dans l’un des établissements présents sur la liste prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 prévoyait la remise d’un nouveau rapport sur cette question, rapport qui devait, dans notre esprit, entraîner un engagement du Gouvernement sur ce sujet très sensible pour les salariés exposés à l’amiante et non reconnus à ce jour. Or nous attendons encore ce rapport.
J’en viens maintenant à l’examen des dispositions relatives à la branche AT-MP dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.
Après passage à l’Assemblée nationale, le PLFSS comporte, outre les dispositions relatives aux contributions et aux objectifs de dépenses, les deux articles 53 et 53 bis, qui présentent un intérêt incontestable.
L’article 53 met le droit positif en conformité avec la jurisprudence constitutionnelle, en permettant aux marins d’obtenir réparation de la faute inexcusable de leur employeur dans les mêmes conditions que les victimes relevant du régime général. Lors de l’examen du PLFSS pour 2012, nous avions déposé un amendement tendant aux mêmes fins, mais limité dans sa rédaction en raison de l’article 40 de la Constitution. Nous ne pouvons donc que nous féliciter que le Gouvernement ait décidé de prendre cette mesure. Ce n’est que justice, le métier de marin étant particulièrement accidentogène.
L’article 53 bis est issu d’un amendement du Gouvernement adopté par l’Assemblée nationale. Il met fin à une iniquité, en supprimant l’obligation pour les non-salariés agricoles d’avoir un taux d’incapacité de 100 % pour pouvoir prétendre à la prestation complémentaire pour recours à tierce personne.
Même si la branche AT-MP est engagée dans une dynamique favorable, je rappelle que trois points suscitent notre inquiétude : le risque de briser dans son élan la démarche de prévention, les voies d’accès à l’ACAATA et, surtout, la nécessité d’une dotation de l’État au FIVA. Dans le rapport que nous avions, Gérard Dériot et moi-même, remis en 2005 au nom de la mission commune d’information sur le drame de l’amiante, présidée par notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, nous avions estimé que la participation de l’État aurait dû être fixée autour de 30 %.
Si la branche AT-MP, mes chers collègues, est financièrement modeste – 13 milliards d’euros –, elle concerne des millions de travailleurs. Je vous remercie donc de l’attention que vous voudrez bien lui accorder, sachant que la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur le rapport que je viens de vous présenter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 représente un pas supplémentaire en direction de l’équilibre des comptes sociaux.
En ce sens, il s’inscrit dans la continuité de la loi de financement pour 2013, ainsi que dans la stratégie globale de redressement des finances publiques mise en œuvre par le Gouvernement.
Cela dit, sur d’autres aspects, ce projet de loi de financement se distingue des textes des années précédentes : il contient peu de mesures de recettes nouvelles et il doit se lire en lien étroit avec d’autres textes participant à la mise en œuvre des réformes structurelles engagées dans le champ social en 2013 ; je pense en particulier à la réforme des retraites et à la réforme de la politique familiale.
Ces deux aspects du texte méritent toute notre attention. Avant d’en dégager le sens, je souhaiterais revenir brièvement sur la situation des comptes sociaux.
Les années 2002-2012 nous ont laissé un héritage particulièrement lourd (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) : 160 milliards d’euros de déficits sociaux ont été cumulés au cours de cette période. Dès l’été 2012, le Gouvernement a proposé au Parlement environ 1,5 milliard d’euros de recettes complémentaires, principalement affectées à la branche vieillesse. Ce fut un choix rendu nécessaire par les limites du financement de la réforme des retraites de 2010, qui n’a pas produit les effets escomptés.
Mme Christiane Demontès. Eh non !
M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. C’est en partie grâce à ces mesures que, en dépit d’une croissance nulle en 2012, le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse s’est globalement amélioré de 3,4 milliards d’euros par rapport à 2011. Mais il faut reconnaître qu’il a atteint le montant significatif de 19,2 milliards d’euros, soit 0,9 % du produit intérieur brut.
En 2013, le même déficit global, dans le même champ, c’est-à-dire en incluant les régimes obligatoires de base et le FSV, devrait encore se réduire pour atteindre 17 milliards d’euros. Certes, cette amélioration du solde de la sécurité sociale, de l’ordre de 2 milliards d’euros, est moins importante que prévu, puisque la loi de financement pour 2013 prévoyait initialement une baisse du déficit global de près de 4 milliards d’euros.
Cet écart s’explique principalement par le moindre dynamisme des recettes, sous l’effet de la dégradation de la conjoncture. À l’occasion de la présentation du programme de stabilité pour la période 2013-2017, le Gouvernement a d’ailleurs revu, pour 2013, les hypothèses de croissance du PIB – de 0,8 % à 0,1 % – et de progression de la masse salariale – de 2,3 % à 1,3 %.
C’est sur la base de ces nouvelles hypothèses que la commission des comptes de la sécurité sociale avait annoncé, en juin 2013, un coup d’arrêt dans la réduction des déficits. Mais, finalement, le regain de croissance de 0,5 % enregistré au deuxième trimestre 2013 a permis de renouer avec le rééquilibrage des comptes.
Dans ce contexte de début de reprise de la croissance, que prévoit le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ?
Je ne reviendrai pas longuement sur les hypothèses macroéconomiques retenues par le Gouvernement – 0,9 % de croissance du PIB, 2,2 % de progression de la masse salariale. Permettez-moi simplement de rappeler que, lors de son audition par la commission des finances le 9 octobre dernier, le président du Haut Conseil des finances publiques a qualifié cette prévision de croissance pour 2014 de « réaliste et crédible ».
Au total, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 prévoit un effort considérable, d’environ 9 milliards d’euros, par rapport à la trajectoire d’évolution tendancielle des régimes de base et du FSV. Le déficit prévisionnel s’établirait ainsi à 13,2 milliards d’euros.
Cette amélioration concerne surtout le régime général. Pour la première fois depuis la crise de 2008, le déficit du régime général devrait passer sous la barre des 10 milliards d’euros l’année prochaine.
Par rapport à 2013, le déficit de l’ensemble des régimes de base et du FSV serait réduit de 4 milliards d’euros, ce qui correspond à un peu plus de 0,2 point de PIB.
Comment se décompose l’effort proposé pour 2014 ?
Tout comme en 2013, il concerne à la fois la mobilisation de ressources, à hauteur de 5,7 milliards d’euros, et des efforts en dépenses, de l’ordre de 3,2 milliards d’euros. Toutefois, je souhaiterais souligner quelques spécificités du projet de loi de financement de cette année.
Tout d’abord, il contient un nombre très restreint de mesures de recettes nouvelles propres à la sécurité sociale. Je citerai notamment la réforme des modalités d’application des prélèvements sociaux sur les produits de placement, dont le Gouvernement a annoncé qu’il resserrait le périmètre sur les seuls contrats d’assurance vie. D’autres mesures de recettes, concernant les exploitants agricoles, d’une part, et les assurés du Régime social des indépendants, d’autre part, sont des conséquences directes de la réforme des retraites et n’ont qu’un faible impact sur le champ de la sécurité sociale.
Ainsi, le PLFSS pour 2014 ne participe que très faiblement à la hausse des prélèvements obligatoires, ce qui est cohérent avec l’engagement du Gouvernement de poursuivre le redressement des comptes en limitant les hausses de contribution sur les ménages et les entreprises.
Ensuite, les objectifs de dépenses et de recettes du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 traduisent pour une large part des mesures de réformes structurelles engagées plus tôt dans l’année. Ce texte doit donc se lire de façon croisée avec le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, le projet de loi de finances pour 2014 et les mesures réglementaires annoncées par le Gouvernement pour analyser l’évolution des ressources des différentes branches.
En ce qui concerne la branche vieillesse, l’amélioration du solde sera ainsi rendue possible par la hausse progressive du taux des cotisations vieillesse, déplafonnées jusqu’en 2017, mesure annoncée dans le cadre de la réforme des retraites.
La branche famille bénéficiera, quant à elle, du rendement d’impôt sur le revenu supplémentaire généré par la révision du quotient familial. Cette mesure participe à la réforme de la politique familiale annoncée par le Gouvernement en juin dernier pour un meilleur ciblage des aides sur les familles défavorisées. Le projet de loi de finances pour 2014 prévoit de reverser ce gain à la Caisse nationale d’assurance maladie, qui le transférera ensuite à la Caisse nationale d’allocations familiales.
Enfin, pour la branche maladie, il est également prévu de reverser à la CNAM le gain de la suppression, inscrite dans le projet de loi de finances, de l’avantage fiscal dont bénéficient les salariés sur la participation de l’employeur aux contrats de complémentaire santé.
Comme pour le rendement de l’abaissement du plafond du quotient familial, le transfert du produit de cette nouvelle recette se fera par le biais d’une hausse de la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale. Les 960 millions d’euros que rapportera cette mesure permettront de financer l’élargissement de l’accès à la couverture maladie universelle complémentaire et à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, conformément à l’engagement du Gouvernement d’améliorer l’accès aux soins des personnes les plus fragiles.
En ce qui concerne l’effort en dépenses proposé pour l’année prochaine, celui-ci s’élèverait à un peu plus de 3 milliards d’euros. Là encore, la réforme des retraites, en particulier le report de la date de revalorisation des pensions, constituera une contribution importante au rééquilibrage des comptes sociaux.
Toutefois, comme les années précédentes, les économies prévues s’inscrivent pour une large part dans la réalisation de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM. Pour respecter le taux d’évolution fixé à 2,4 %, il sera en effet nécessaire de réaliser 2,4 milliards d’euros d’économies. Les baisses de tarifs de médicaments et de dispositifs médicaux ainsi que la maîtrise médicalisée des dépenses contribueront principalement à cet effort.
Au-delà de 2014, quelle sera la trajectoire d’évolution des comptes sociaux ?
Les réformes engagées au cours des derniers mois dans les domaines de la politique familiale, de l’assurance vieillesse et de la santé devraient permettre de ramener le déficit du régime général à un niveau relativement proche de l’équilibre en 2017, avec, simplement, un déficit résiduel de 2 milliards d’euros.
En effet, la réforme de la politique familiale représenterait un effort de 1,7 milliard d’euros en 2017, tandis que l’impact des mesures de redressement prévues par la réforme des retraites atteindrait 8,1 milliards d’euros en 2020.
Quant à la stratégie nationale de santé, dont le présent projet de loi constitue la première traduction législative, elle devrait conduire à une amélioration à la fois de la qualité et de l’efficience de notre système de soins. L’action au niveau des déterminants des dépenses de santé sera cruciale pour réduire significativement les charges de l’assurance maladie au cours des prochaines années. À cet égard, les objectifs présentés dans la stratégie nationale de santé, concernant l’organisation des soins notamment, constituent, me semble-t-il, une base de travail particulièrement féconde pour refonder en profondeur notre système de santé.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale va donc dans le bon sens. Il permet de poursuivre le mouvement de réduction des déficits de notre sécurité sociale et participe ainsi à la pérennisation de notre système de protection sociale. Car rien ne serait pire que de laisser filer les déficits, comme ce fut le cas durant les dix dernières années !
Une telle politique minerait la confiance de nos concitoyens dans notre système de protection sociale et conduirait sans nul doute les générations futures à s’en détourner, pour s’orienter vers des solutions d’assurance individuelle.
Dans le même temps, la contribution de ce projet de loi au rééquilibrage des comptes se fait sans aucune atteinte aux droits actuels des assurés sociaux, contrairement à ce qui s’est systématiquement passé entre 2008 et 2011.
Enfin, comme je l’ai déjà souligné, ce texte ouvre de nouvelles perspectives en matière de stratégie de politique de santé.
C’est pour l’ensemble de ces raisons que la commission des finances a émis un avis favorable à l’adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie, tout d’abord, de bien vouloir excuser mon retard, mais j’ai été retenue à l'Assemblée nationale par un impératif. Je tiens à vous remercier, monsieur le président, d’avoir adapté, en conséquence, le déroulement du début de la discussion générale.
M. le président. Je vous en prie, madame la ministre.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Je vous remercie tous de votre compréhension, de votre patience et de votre indulgence. (Sourires.)
Monsieur Daudigny, je regrette de ne pas avoir entendu le début de votre intervention, d’autant que je connais la qualité des travaux de la commission des affaires sociales et, d’une manière générale, de ceux de la Haute Assemblée.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 que nous présentons aujourd’hui poursuit, dans un double objectif, la maîtrise des dépenses dans la justice sociale, dont nous tenons le cap.
Cet effort de redressement est indispensable. Alors que le déficit cumulé de la sécurité sociale entre 2002 et 2012 s’élevait à 160 milliards d’euros, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur pour avis, le déficit a été ramené de 17,5 milliards d’euros en 2012 à 13 milliards d’euros en 2014.
Dans ce contexte budgétaire extrêmement contraint, le taux de progression de l’ONDAM médico-social consacré à l’accueil des personnes en situation de handicap, soit 3,1 %, reste supérieur à celui de l’ONDAM général. C’est un marqueur fort que nous avons voulu maintenir.
En effet, nous avons fait du handicap une priorité depuis 2012. Il est très clair que le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale est parfaitement cohérent avec ce choix politique, ce choix de société que nous avons fait.
Certes, des économies sont réalisées, mais elles ne portent jamais, j’y insiste, sur les plus fragiles.
Nous poursuivons le rattrapage de l’offre médico-sociale, en augmentant l’ONDAM médico-social pour les personnes handicapées de plus de 275 millions d’euros par rapport à l’année dernière.
L’objectif général de dépenses dans le champ du handicap augmente même de 3,45 %, soit 300 millions d’euros par rapport à 2013.
Derrière ces chiffres, ce sont des avancées concrètes pour les personnes en situation de handicap et pour leurs familles qui méritent d’être soulignées.
L’objectif général de dépenses permet déjà de financer 80 000 places pour adultes et plus de 150 000 places pour enfants dans le secteur médico-social.
De plus, 207 millions d’euros supplémentaires seront consacrés à la création de places, soit 57 millions d’euros de plus que l’année dernière. Cela se traduira concrètement par la création de 16 000 nouvelles places d’ici à 2016, avec un rythme de 3 000 à 4 000 places par an, selon, bien entendu, les appels à projets, et ce rythme sera tenu ! Nous maintenons cet objectif et ce cap.
Enfin, 50 millions d’euros seront dédiés à l’aide à l’investissement pour les établissements médico-sociaux.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 atteste également les premières réalisations du troisième plan Autisme.
Vous le savez, nous en avons beaucoup parlé avec vous, notamment au sein de la commission des affaires sociales, un effort financier inédit est consenti pour l’accompagnement des personnes autistes et de leur famille.
En la matière, ce texte consacre 7,5 millions d’euros au renforcement des centres d’action médico-sociale précoce, ainsi qu’au développement des unités d’enseignement scolaire, dont nous assurons un complément de financement, car celles-ci sont majoritairement financées via une ligne budgétaire du ministère de l’éducation nationale.
Grâce au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, des enfants autistes pourront être accueillis dès l’année prochaine au sein même d’écoles maternelles ordinaires, avec, à leurs côtés, un maître et une équipe médico-sociale. C’est une avancée importante, sur laquelle j’appelle votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, car il s’agit là du démarrage du troisième plan Autisme, tant attendu et sur lequel nous avons tant travaillé.
Dès cette année, nous avançons également sur le diagnostic et l’orientation précoces, mais aussi, comme je le disais à l’instant, sur l’inclusion des enfants autistes à l’école maternelle grâce aux équipes polyvalentes que nous finançons.
Vous le savez, les prochains projets de loi de financement de la sécurité sociale verront régulièrement une montée en puissance de ce troisième plan.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 donne donc clairement la priorité au handicap. Il est parfaitement cohérent avec les décisions du Comité interministériel du handicap, réuni par le Premier ministre le 25 septembre dernier, pour la première fois depuis sa création… en 2009 !
Ce comité interministériel a notamment décidé d’accompagner la consolidation des places existantes – c’est ce que nous faisons ! –, de créer des places nouvelles – c’est encore ce que nous faisons ! – et de mieux appréhender les besoins en la matière – nous y travaillons.
Oui, monsieur Labazée, la tarification des établissements médico-sociaux sera réformée dans le cadre du Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique. Je vous informe de la mise en place d’un groupe de travail, qui s’attellera à la tâche dans les tout prochains jours, en vue de formuler des propositions.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la construction d’une société inclusive est aujourd’hui une réalité qui prend corps, accompagnée par l’ensemble du Gouvernement, et au plus haut niveau. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale en est la preuve. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après avoir entendu les onze intervenants qui se sont succédé à la tribune, comment ne pas être convaincu que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 est parfait ? (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous n’avons pas dit qu’il était parfait ! Nous avons dit qu’il était très bon !
Mme Catherine Procaccia. Cela commence bien !
M. Gilbert Barbier. Avant d’aborder cette discussion, je me suis reporté aux débats de l’an dernier sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et j’ai relu avec intérêt les propos du ministre, M. Cahuzac. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
« Le redressement des finances publiques est, disait-il, une nécessité […] d’abord parce que la France a donné sa parole et qu’un grand pays doit respecter ses engagements, ensuite car notre pays se doit de rétablir sa souveraineté, qui a été au moins en partie aliénée au profit d’institutions financières et d’agences de notation. » Il poursuivait en évoquant le devoir moral vis-à-vis des générations futures.
Or, au moment même où je lisais ces lignes, est tombée la nouvelle de la dégradation de la note de la France par l’une de ces agences. Comment ne pas en déduire que l’effort de redressement de nos finances, en l’espèce des finances sociales, n’a pas été à la hauteur des promesses ?
Je me suis demandé en quoi le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 se différenciait du précédent. À l’évidence, il est de la même trempe : même politique de petits ajustements, même refus des réformes structurelles, même recours à de nouveaux prélèvements sur toutes les catégories de nos concitoyens !
Vous nous parlez de réformes d’ampleur sur toutes les branches et de votre souci – je cite là l’annexe B du projet de loi – de modérer la pression fiscalo-sociale sur les entreprises et les ménages.
Doit-on voir dans le énième épisode du feuilleton des retraites que vous nous avez présenté la semaine dernière une réforme d’ampleur ? La lamentable conclusion de ce débat au Sénat prouve le contraire. Vous refusez une réforme systémique, qui serait pourtant la seule à ouvrir des perspectives durables, vous contentant de réduire temporairement les déficits de cette branche. Sans doute avez-vous évité les cortèges de mécontents, mais on est loin du compte !
Par ailleurs, peut-on parler de modération de la pression fiscale quand vous taxez tour à tour les retraités, en reportant de six mois la revalorisation des retraites ; les actifs, en augmentant les cotisations vieillesse ; les familles, en modulant la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, en fonction des revenus et en abaissant le quotient familial ; les épargnants, en augmentant les prélèvements sociaux sur les produits de placement ? Pour ce qui concerne ces prélèvements, nous sommes dans le flou, car nous n’avons toujours pas eu connaissance du fameux amendement que le Gouvernement doit nous présenter en commission…
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous en disposerons ce soir en commission !
M. Gilbert Barbier. Peut-être ce soir, alors !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est sûr !
M. Gilbert Barbier. Si nous avions pu en prendre connaissance avant le début de cette discussion générale, cela aurait peut-être évité certains propos désagréables…
M. Georges Labazée. Modifiez votre discours !
M. Gilbert Barbier. Nous verrons bien ce soir !
Mais, comme si cela ne suffisait pas, le Gouvernement s’acharne sur le monde du travail. Tout le monde y passe : les professions libérales, les exploitants agricoles, les artisans et les commerçants. On voudrait décourager les entrepreneurs que l’on ne s’y prendrait pas autrement !
À l’heure où l’économie française traverse une période difficile, il faudrait, au contraire, encourager les PME et alléger leurs charges, car elles sont essentielles au soutien de la croissance et au maintien des emplois dans notre pays.
Franchement, madame la ministre des affaires sociales, je ne vois rien, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui reflète la volonté d’assumer vos responsabilités que vous affichiez en arrivant au pouvoir.
Augmenter les recettes ne fait pas une politique !
Sans réformes structurelles, sans véritables économies sur les dépenses, comment pourrions-nous maintenir le déficit en dessous de 3 % en 2015 ? Malgré les assurances du Gouvernement, l’engagement paraît d’ores et déjà difficile à tenir ; les premiers résultats de l’année 2013 risquent de démontrer la fragilité des prévisions de l’exécutif.
Hormis de nouvelles recettes, madame la ministre, que proposez-vous ici ?
Cette année, contrairement à l’année dernière, vous prévoyez les modalités d’une reprise par la CADES d’une partie des déficits des branches maladie et famille. Cette disposition contribuera, certes, à alléger la contrainte financière pesant sur l’ACOSS, mais elle n’évitera pas, malheureusement, une nouvelle augmentation du plafond d’avances de l’Agence.
Prenons garde : les taux d’intérêt auxquels se refinancent les organismes publics, aujourd’hui attractifs, ne le seront pas forcément demain, surtout après la dégradation de la note de la France. Personnellement, je pense qu’il aurait été plus réaliste de transférer l’ensemble des déficits de ces deux branches à la CADES, en relevant à due concurrence la CRDS.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vous ne l’avez pas fait non plus !
M. Gilbert Barbier. Monsieur le rapporteur général, je l’ai proposé chaque année, avec M. Vasselle.
M. Jacky Le Menn. Peut-être, mais la mesure n’a jamais été votée !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Les amendements ont toujours été retirés !
M. Gilbert Barbier. Mais je ne vais pas bouder ce qui peut apparaître comme l’une des rares dispositions positives du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Jean-Pierre Caffet. Tout de même !
M. Gilbert Barbier. Je parle du transfert à la CADES, même partiel, de la dette des branches maladie et famille.
Le Gouvernement propose également un mécanisme dérogatoire pour le financement des activités isolées réalisées au sein d’établissements de santé situés dans des zones à faible densité de population. Cette disposition n’a de sens que si elle s’inscrit dans le cadre d’une véritable refonte de l’offre hospitalière dans les territoires.
L’objectif ne doit pas être de maintenir artificiellement des hôpitaux de petite taille ayant une faible activité, ou des activités qui ne correspondent ni aux besoins de santé de la population ni, surtout, aux exigences de qualité et de sécurité. Au contraire, il faut rechercher une complémentarité entre les établissements existants, ce qui suppose une restructuration plus contrainte ; je pense en particulier aux plateaux techniques, qui sont non seulement dispendieux, mais quelquefois très insuffisants sur le plan de la qualité.
Je constate que cette question est taboue, quoique nous en ayons déjà beaucoup débattu. Pourtant, aujourd’hui, nos concitoyens veulent l’excellence et la spécialisation plutôt que la proximité : ils n’hésitent pas à parcourir quelques kilomètres pour se faire soigner dans les meilleures conditions.
Que dire, ensuite, de la mise en œuvre de tarifs dégressifs dans les établissements de santé en fonction du volume de l’activité de soins ? Que la T2A présente peut-être des défauts, notamment celui d’être inflationniste, c’est une chose ; mais le système proposé par le Gouvernement, complexe, ne prend pas en compte certaines situations. Je pense notamment à l’établissement qui serait seul à pratiquer certains actes sur un territoire donné ou à certains établissements spécialisés dans des domaines où la demande de soins est en forte progression.
Vous reportez une nouvelle fois la facturation individuelle des séjours hospitaliers, au seul motif que certains établissements sont incapables d’adapter leur système d’information. Pourtant, ce dispositif va dans le sens de la transparence et de la rationalisation des finances sociales.
Quant au médicament, autre cible habituelle d’économies, il subit une cure d’amaigrissement de 1 milliard d’euros en dépenses. J’y suis évidemment favorable, ayant souvent dénoncé une consommation excessive à un prix exorbitant. Reste que le Gouvernement prévoit de réaliser la plus grande part des économies, à hauteur de 700 millions d’euros environ, sur les médicaments princeps. Ce choix découragera d’investir dans notre pays les entreprises innovantes, créatrices d’emplois dans la recherche et le développement. Ce secteur a pourtant été récemment reconnu comme un secteur d’avenir !
Les dispositions relatives au médicament m’inspirent deux autres réserves.
S’agissant de la délivrance à l’unité, s’il faut évidemment lutter contre le gaspillage et contre l’automédication, l’expérimentation lancée par le Gouvernement pour la classe des antibiotiques a été décidée sans réelle concertation avec les professionnels concernés, et soulève de nombreuses questions que l’étude d’impact n’aborde pas. En particulier, qu’en est-il de l’information et de la traçabilité, de la responsabilité des pharmaciens, des économies potentielles ou encore des conséquences pour l’activité de l’industrie pharmaceutique ?
Ma dernière réserve porte sur la promotion des médicaments biosimilaires. Contrairement à ce qui existe pour les génériques chimiques, l’autorisation de mise sur le marché de ces médicaments est délivrée sur le fondement d’une similarité des résultats thérapeutiques, et non pas uniquement sur le fondement de la bioéquivalence. Je ne suis donc pas convaincu que la substitution par le pharmacien, prévue à l’article 38 du projet de loi de financement de la sécurité sociale sur le modèle de la procédure en vigueur pour les génériques chimiques, soit très adaptée.
Je pense que cette décision mériterait un peu plus de réflexion. Les médicaments biologiques sont notamment prescrits dans le cadre de pathologies lourdes, par des médecins qui connaissent avec précision le profil de leurs patients, selon un protocole de soins technique et spécifique. La substitution par le pharmacien devrait être encadrée et adaptée aux diverses classes de médicaments biosimilaires. Il est dommageable pour la sécurité du patient de mêler tous les biosimilaires dans le même système ; de grâce, agissons avec prudence, surtout concernant un secteur en pleine évolution !
En conclusion, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 est bien loin de ce que le Gouvernement nous annonçait, madame la ministre. La diminution de la croissance des dépenses – cet oxymore est la manière la plus adaptée de décrire la réalité – devrait non pas porter sur l’objectif de dépenses pour 2013, mais prendre en compte le montant des exécutions prévisibles, inférieur de 500 millions d’euros ; on aurait aimé entendre M. le rapporteur pour avis de la commission des finances présenter ce calcul.
J’ai espoir que le Sénat ne sera pas renvoyé dans ses buts comme lors de l’examen du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, et qu’il pourra être entendu sur certains points ! (Applaudissements sur quelques travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, si la France a pu, mieux que d’autres pays, encaisser le choc causé par la crise en 2008 et en 2009, c’est grâce à ses amortisseurs sociaux, qui ont stabilisé un peu la situation et offert une relative protection contre la crise. Il faut s’en souvenir au moment où nous entamons l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, dans une situation économique et sociale très difficile.
Il faut également en avoir conscience, ce sont les mêmes personnes qui sont les plus exposées à tous les risques - chômage, maladie, accidents du travail - et ce sont encore les mêmes qui, lorsque ces risques se réalisent, sont les moins bien armées pour y faire face.
D’où l’importance de l’engagement, réaffirmé par Mme la ministre des affaires sociales il y a quelques instants, de maintenir le cap de la solidarité nationale et de garder comme premier objectif la lutte contre les inégalités en matière de santé et contre toutes les injustices sociales en général.
Nous soutiendrons nombre d’articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, en particulier ceux qui touchent à l’offre de soins de premier recours, à la promotion des génériques, au recours à l’expérimentation pour tester de nouvelles méthodes et à l’élargissement de l’expérience concernant les nouveaux modes de rémunération.
Seulement, madame la ministre, si nous souscrivons aux objectifs du Gouvernement dans ces domaines, nous pensons qu’il est possible d’aller plus loin, et dès ce projet de loi de financement. Bien sûr, nous attendons le projet de loi de réforme du système de santé, prévu pour 2014, suivant les objectifs de la stratégie nationale de santé présentés en septembre dernier ; mais pourquoi ne pas mettre en œuvre dès à présent des mesures urgentes, attendues par beaucoup et qui sont à notre portée ? (Mme la présidente de la commission des affaires sociales acquiesce.)
Les sénateurs écologistes ont déposé une cinquantaine d’amendements visant à répondre à plusieurs de ces urgences, d’une manière – j’insiste sur ce point – qui est à notre portée. Nous sommes en outre convaincus qu’ils peuvent enclencher une dynamique très positive.
Dans un rapport remis au Premier ministre en septembre dernier, j’ai présenté quarante propositions « pour un choc de solidarité » en matière d’accès aux droits sociaux – aide médicale de l’État, CMU complémentaire, aide à l’acquisition d’une complémentaire santé –, mais aussi en matière d’accès aux soins et à la santé. Ces propositions, mesdames les ministres, sont « libres de droits », selon l’expression consacrée ; elles n’ont pas vocation à rester les conclusions d’un énième rapport, sagement remisé dans un tiroir !
Mes chers collègues, vous pouvez compter sur ma ténacité…
Mme Catherine Génisson. Bravo !
Mme Aline Archimbaud. … pour travailler à leur mise en œuvre, non seulement dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, de la préparation de la prochaine stratégie nationale de santé et de la mise en œuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté, mais aussi via diverses mesures réglementaires, tout à fait possibles, ou, plus directement, par décision interne de la Caisse nationale d’assurance maladie.
Du reste, l’application de certaines de ces propositions est déjà engagée, notamment par la CNAM, qui cherche à simplifier certaines démarches de ses usagers. La réflexion se poursuit à propos d’autres propositions, s’agissant notamment des indemnités journalières des travailleurs précaires, sur lesquelles mon attention a été attirée, en avril dernier, par une motion émanant des présidents de six caisses primaires d’assurance maladie de la région Nord – Pas-de-Calais.
D’un côté, la réglementation, ancienne, exige des salariés souhaitant bénéficier d’indemnités journalières en cas d’arrêt de travail ou de congé de maternité de justifier de 200 heures de travail au cours des trois mois civils ou des 90 jours précédant l’arrêt, un aménagement étant prévu en cas d’activité saisonnière ou discontinue.
De l’autre, le marché du travail est frappé par la montée de la précarité : de fait, on assiste à une multiplication des situations de travail à temps très partiel contraint, de contrats à durée déterminée très courts, de cumuls d’emplois, d’alternances entre périodes de chômage et périodes de travail et autres ruptures.
Il en résulte une augmentation des décisions de rejet des demandes d’indemnités journalières. Sans doute, ces situations restent minoritaires en proportion ; mais chaque refus est un déni de droit, car les personnes visées ont cotisé. Sans compter que ces rejets aggravent de façon brutale, parfois dramatique, la situation des personnes concernées.
Il est urgent que la réglementation soit réformée pour tenir compte de la précarisation croissante du marché du travail. Nos collègues de l’Assemblée nationale ont adopté un amendement qui prévoit la remise d’un rapport sur le sujet : ce n’est qu’un début, mais déjà un signal favorable.
Plusieurs autres propositions figurant dans mon rapport ont trait à la simplification de l’accès aux droits. Leur mise en œuvre profiterait non seulement aux bénéficiaires des aides sociales, qui attendent souvent pendant de nombreux mois l’ouverture de leurs droits, mais aussi aux travailleurs sociaux et aux personnels des caisses primaires d’assurance maladie, inutilement surchargés par le contrôle de dossiers fastidieux et complexes.
Pourquoi les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, qui remplissent par définition tous les critères d’accès à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS, doivent-ils remplir un deuxième dossier complexe, et renouveler cette démarche tous les ans ? Comment s’étonner, avec une telle procédure, que plus de 70 % des personnes éligibles à l’ACS n’y aient pas recours ?
Pour remédier à ce problème, les députés écologistes et le rapporteur de l’Assemblée nationale pour la branche santé ont fait adopter un amendement grâce auquel les bénéficiaires de l’ASPA qui auront rempli une première fois le dossier pour l’ACS et qui auront obtenu cette aide la conserveront tant qu’ils bénéficieront de l’ASPA. Cette mesure, que je préconisais, simplifiera la vie de toutes et tous.
Néanmoins, il est possible et nécessaire d’aller plus loin, en instaurant une automaticité réelle entre l’ACS et l’ASPA, et même entre l’ACS et l’allocation aux adultes handicapés, ainsi que, selon le même principe et pour les mêmes raisons, entre le RSA socle et la CMU complémentaire. Ainsi, l’obligation de remplir à chaque fois un nouveau dossier serait supprimée, une obligation chronophage et qui, de surcroît, est à une véritable trappe à non-recours, ce qui a des conséquences sur le recours aux soins, sur l’état de santé général de notre population, et par conséquent aussi sur nos finances publiques, puisque les personnes qui ne sont pas soignées à temps doivent recevoir des soins plus lourds. C’est le sens de trois des amendements qui ont été déposés par les sénateurs de mon groupe.
Mais poussons plus loin : plutôt que de demander aux candidats à la CMU complémentaire ou à l’ACS de justifier de toutes leurs ressources sur douze mois glissants, ce qui peut exiger de produire des pièces très nombreuses, surtout pour ceux qui cumulent plusieurs emplois à temps partiel, il serait préférable de prendre en compte uniquement le revenu fiscal de référence : tel est l’objet d’un autre de nos amendements, auquel M. le rapporteur général a fait référence.
Tout récemment, le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, le SGMAP, a publié une étude évaluant les gisements d’économies dits « moins de maladie ». Selon cette étude, très sérieuse, il apparaît qu’en diminuant le taux de renoncements aux soins, l’État augmente certes les dépenses relatives aux consultations médicales, mais diminue fortement les coûts liés aux hospitalisations d’urgence et aux traitements lourds de certaines pathologies, qui nous coûtent des sommes colossales.
Dans un scénario prudent, et toujours selon cette étude, le recours à la CMU complémentaire permet une économie de 1 000 euros par an et par foyer, alors que l’utilisation de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé représente une économie de 300 euros par an et par foyer. Ce n’est qu’un exemple, mais la question posée concerne l’ensemble de nos concitoyens, et pas seulement les plus modestes : l’accès réel à la prévention dans toute la société ne pourrait-il constituer à moyen terme une source importante de réduction des dépenses ? Nous sommes bien au cœur du sujet débattu aujourd'hui.
L’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé souffre d’un déficit de notoriété et d’un manque d’attractivité, cela a été dit à cette tribune, notamment par Mme la ministre. Le taux de non-recours en la matière avoisine ainsi les 70 %. Outre le reste à charge que l’ACS laisse subsister, le risque est élevé de devoir se contenter d’un contrat très souvent doté de garanties insuffisantes, se traduisant par un reste à charge sur les prestations elles-mêmes. Nos concitoyens se perdent dans un maquis d’offres souvent opaques, et pour des prestations très décevantes quand ils doivent y avoir recours.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement a souhaité réfléchir à un encadrement plus strict des contrats d’assurance complémentaire de santé individuels auxquels les bénéficiaires de l’ACS pourraient souscrire. C’est l’objet de l’article 45, dont je salue les objectifs courageux, mais que je ne peux m’empêcher de trouver inquiétant à certains égards, car il risque de favoriser l’émergence d’un oligopole régulé sur le marché de la complémentaire santé. Par ailleurs, il offre peu de visibilité aux parlementaires sur la qualité du panier de soins, question pourtant fondamentale.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est essentiel !
Mme Aline Archimbaud. Enfin, il est probable que la mesure, une fois adoptée, sera à l’origine d’un nouveau parcours du combattant pour les bénéficiaires, lesquels, peu informés de la date de renouvellement tacite de leur contrat de complémentaire santé, perdraient le bénéfice de l’aide.
Mes collègues écologistes et moi-même avons donc déposé plusieurs amendements pour éviter de tels écueils.
J’évoquerai plus rapidement les autres mesures proposées par notre groupe sous forme d’amendements. Elles concernent le relèvement du seuil de la CMU complémentaire au niveau de l’AAH et de l’ASPA ; la généralisation du tiers payant intégral pour la médecine de ville, à l’exclusion des dépassements d’honoraires, ou encore la fusion de l’AME et de la CMU. Nous proposerons également la mise en place d’une commission départementale d’accès aux soins et d’autres mesures destinées à encourager l’innovation sociale.
Par ailleurs, notre groupe a déposé plusieurs amendements qui vont dans le sens de la défense de l’hôpital public. Ils prévoient notamment l’abrogation de la convergence tarifaire entre le public et le privé, l’éligibilité des établissements et services sociaux et médico-sociaux aux financements par les missions d’intérêt général, ou encore l’encadrement de l’activité libérale exercée au sein des établissements publics de santé.
Pour ce qui concerne l’industrie du médicament, nous demanderons, relayant les préoccupations déjà évoquées par plusieurs de mes collègues, le déremboursement des médicaments sans plus-value thérapeutique, ces « mee too », qui n’apportent rien en termes de progrès médical, coûtent cher à la sécurité sociale et représentent un moyen, pour certains laboratoires pharmaceutiques, de contourner scandaleusement la législation sur les médicaments génériques.
S’agissant de la branche accidents du travail – maladies professionnelles, je partage les préoccupations et l’indignation de mon collègue Jean-Pierre Godefroy au sujet du désengagement de l’État du FIVA. Cette question fait consensus au sein du comité de suivi sur l’amiante de la commission des affaires sociales. Je défendrai également des amendements dans ce domaine.
Concernant la branche famille, mon collègue Jean Desessard proposera un amendement visant à supprimer l’article 56 de ce texte, qui prévoit d’ajouter un nouveau seuil pour déterminer le niveau de prestation de la PAJE, la prestation d’accueil du jeune enfant. Cet article a été présenté comme un dispositif en faveur des revenus les plus modestes. En réalité, il s’agit simplement d’un levier financier pour réaliser des économies, et les ménages les plus modestes ne seront pas touchés par cette mesure, ni positivement ni négativement. Nous avons donc déposé un amendement pour tenter d’améliorer la situation.
Enfin, nous présenterons un certain nombre d’amendements relatifs aux recettes. Ils visent entre autres à rendre plus juste le système de cotisations pour les retraites agricoles, à supprimer les clauses de désignation, à rendre la CSG progressive, à faire prendre en charge les frais de covoiturage par l’employeur au même titre que les frais de transport en commun, ou encore à taxer les nouvelles immatriculations de voitures diesel.
Certains amendements éveilleront des souvenirs, mes chers collègues, comme celui qui vise à augmenter la taxation des retraites chapeaux, que la majorité sénatoriale avait adopté en décembre 2011.
M. Jean Desessard. Très bien !
Mme Aline Archimbaud. Je pense également aux quatre amendements adoptés dans cet hémicycle l’année passée, tendant notamment à permettre la prise en charge cumulative, par l’employeur, d’un abonnement aux transports en commun et d’un abonnement à un service de location de vélos, ou à taxer, modérément, l’huile de palme et l’aspartame.
M. André Gattolin. Absolument !
M. Jean Desessard. Cela avait été voté !
Mme Aline Archimbaud. Pour conclure, car mon temps de parole s’écoule,…
M. Gérard Longuet. Eh oui !
Mme Aline Archimbaud. … les écologistes souhaitent bien sûr que des solutions soient mises en œuvre pour réduire les déficits des comptes sociaux. Oui, il faut réduire ces déficits qui pèsent sur notre pays et sont dangereux pour l’avenir ! Mais comment ? Par quels moyens ?
Selon nous, il faut d’abord cesser de poser cette question uniquement en termes comptables, en envisageant le court terme. Cela peut donner l’apparence de l’objectivité et l’illusion de la compétence gestionnaire. Mais la vraie solution pour diminuer durablement la dette implique, selon nous, une réforme profonde du système de santé lui-même. Dès ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, il convient de définir quelques priorités : investir réellement dans la prévention, pour toute la société ; réduire les coûts exorbitants des excès de certaines firmes pharmaceutiques et du système qui les finance ; combattre les dépassements d’honoraires excessifs ; essaimer les pratiques innovantes qui font leurs preuves sur le terrain, et faire reculer le non-recours aux droits sociaux, CMU complémentaire, ACS et AME.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, il nous faut lutter contre les grandes inégalités d’accès aux soins et à la santé et, plus généralement, contre les renoncements aux soins, qui nous coûtent très cher. Cela concerne toute la société, et non pas uniquement les plus modestes d’entre nous. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Milon. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en tant que treizième orateur inscrit dans cette discussion générale, je ferai bien volontiers miens un certain nombre des propos de Gilbert Barbier. Pourtant nous ne nous sommes pas concertés ! (Sourires.)
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 proposé par le Gouvernement est, à l’image du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, bien léger : peu de mesures structurantes et beaucoup de hausses de prélèvements et de taxes. Vous utilisez les mêmes recettes que l’an dernier ! Ce faisant, vous compromettez le redressement de la sécurité sociale entrepris par la majorité précédente.
En effet, malgré la crise économique qui menaçait le financement de la sécurité sociale, le gouvernement précédent avait mené des réformes qui maintenaient le niveau de protection sociale, tout en entamant le redressement des comptes sociaux. Depuis trois ans, l’ONDAM a été scrupuleusement respecté. Quant à la réforme des retraites de 2010, elle permettait d’économiser 30 milliards d’euros d’ici à 2018.
De telles réformes sont attendues par les Français.
Il ressort d’une étude menée par l’IFOP en octobre 2013 que 71 % des Français, soit une large majorité, estiment que l’argent public consacré chaque année au financement de la sécurité sociale est utilisé de manière inefficace. En réalité, cette enquête traduit bien l’ambivalence de nos compatriotes au sujet de leur protection sociale : ils sont à la fois attachés à la pérennité du système et inquiets de la manière dont sont gérés les fonds qu’y consacrent ménages, entreprises et contribuables.
Dans ce contexte, le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui nous est présenté aujourd’hui n’est pas à la hauteur des enjeux. Il se résume à de timides économies sur l’ONDAM et de nouveaux prélèvements qui frapperont les retraités, les familles et les entreprises. Bel exemple, alors que le Gouvernement prétend prendre en compte le ras-le-bol fiscal !
En outre, la prévision de croissance retenue pour le financement de la sécurité sociale me semble irréaliste. Non seulement le Gouvernement se fonde sur des hypothèses de croissance plus que hasardeuses,…
M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. Ce n’est pas vrai !
M. Alain Milon. … mais il les compromet lui-même en alourdissant toujours davantage les prélèvements sur les ménages et les charges des entreprises. Pour 2014, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit une hausse des prélèvements de plus de 2 milliards d’euros, qui s’ajoutent aux 12 milliards d’euros prévus dans le projet de loi de finances.
Pour tous les Français concernés, il n’y a aucune pause fiscale, pas même un ralentissement, après deux années d’explosion des impôts ! Le Gouvernement fait semblant de se soumettre au principe de réalité et de se rendre compte que la taxation à outrance a ses limites en termes de recettes et d’acceptation sociale, tout en persistant dans le matraquage fiscal.
Comme s’il ne vous suffisait pas d’accabler les créateurs d’emplois, vous touchez aux fondements mêmes de notre politique familiale, en ne cessant d’oppresser fiscalement les familles : pour 280 000 d’entre elles, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale se traduira par une diminution de 92 euros par mois du complément familial, soit un manque à gagner de plus de 1 100 euros par an !
M. Gérard Longuet. Exactement !
M. Alain Milon. Sans compter que cette mesure s’ajoute à la baisse du plafond du quotient familial et à la fiscalisation des majorations des pensions pour les parents de familles nombreuses.
Un tel acharnement devient insupportable pour les familles. Au lieu de vous attaquer aux déficits abyssaux de l’assurance vieillesse et de l’assurance maladie, vous préférez mener une non-réforme des retraites et vous acharner sur les retraités, les entreprises et les familles. En les assommant ainsi, vous compromettez l’avenir de la France, sans même avoir la garantie de parvenir à engendrer des recettes supplémentaires. Cette politique coûtera cher au pays.
J’en viens aux recettes.
Tout d’abord, sous couvert d’harmonisation et d’équité, vous aviez initialement prévu d’augmenter, à hauteur de 450 millions d’euros pour 2014, les prélèvements sociaux sur les produits de placement tels que l’assurance vie, l’épargne-logement ou les plans d’épargne en actions. Devant le mécontentement des associations d’épargnants, les critiques de l’opposition et, certainement, les doutes de quelques députés socialistes, vous avez dû faire marche arrière.
Quant à l’élargissement de l’assiette des prélèvements sociaux s’appliquant aux exploitants agricoles et au déplafonnement de l’assiette des cotisations d’assurance vieillesse de base des artisans et commerçants affiliés au Régime social des indépendants, ils participent de la même logique : toujours plus de prélèvements !
Ensuite, pour la deuxième année consécutive, vous prévoyez de reverser le produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, au Fonds de solidarité vieillesse, le FSV. Nous considérons qu’il s’agit d’un détournement pur et simple des fonds dédiés à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA. Les députés socialistes ont pris conscience du problème, puisqu’ils ont fait adopter un amendement visant à restituer à la CNSA 100 millions d’euros. Mais nous considérons qu’ils ne sont pas allés jusqu’au bout de la démarche et nous proposerons d’affecter à la CNSA l’intégralité des 645 millions d’euros qui lui reviennent, afin de financer des mesures concernant la perte d’autonomie.
Dans le contexte de crise que nous connaissons, ce détournement de plus de 1 milliard d’euros depuis 2013 nous fait douter de la volonté du Gouvernement de mener à bien une réforme de la perte d’autonomie qui soit à la hauteur des enjeux démographiques et financiers liés au vieillissement de la population.
Enfin, après un débat houleux à l’Assemblée nationale, vous avez fait adopter un amendement dont l’objet est d’introduire de façon détournée l’équivalent des « clauses de désignation » auxquelles nous nous étions opposés avec succès. Le Conseil constitutionnel nous a confortés dans nos arguments par deux décisions en date respectivement du 13 juin et du 18 octobre 2013.
Ce nouvel article 12 ter prévoit de taxer les entreprises qui n’iraient pas vers l’organisme recommandé par leur branche en augmentant fortement le montant du forfait social sur les contributions des employeurs, lequel passerait de 8 % à 20 % pour les entreprises de plus de dix salariés, soit une hausse de 250 % !
Nous y reviendrons lors de l’examen des articles, mais sachez d’ores et déjà que, pour nous, cette mesure est une discrimination fiscale qui porte atteinte à la liberté contractuelle.
Mme Isabelle Debré. Tout à fait !
M. Alain Milon. En outre, une telle disposition n’a pas sa place dans ce texte.
Notre collègue Jean-Noël Cardoux y reviendra.
Qui plus est, vous prévoyez dans le projet de loi de finances pour 2014 la suppression de l’exonération fiscale du salarié sur la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé.
Le matraquage fiscal, c’est bien pour maintenant !
S’agissant des dépenses, comme je l’ai dit, votre projet manque là encore de mesures structurantes.
En ce qui concerne la branche maladie, vous proposez de modifier les règles de la tarification hospitalière, avec deux mesures : le financement dérogatoire des hôpitaux ayant une faible activité et la dégressivité tarifaire.
Or ces mesures ne s’inscrivent pas dans une réflexion globale sur le système sanitaire français. La tarification hospitalière doit être revue, j’en suis évidemment convaincu. Mais s’attaquer à ce problème en le considérant par le petit bout de la lorgnette, au fil des lois de financement de la sécurité sociale, ne suffit pas à faire une réforme d’ensemble.
M. Gilbert Barbier. Tout à fait !
M. Alain Milon. Pourquoi ne pas créer une nouvelle tarification des soins qui prendrait en compte la qualité, les honoraires et le parcours intégré ? Nous savons très bien que la tarification à l’acte n’intègre pas l’ensemble des coûts médicaux.
Nous parlons souvent de proximité en matière d’offre de soins, mais personne ne s’intéresse aux délais d’attente, qui sont devenus la première cause d’inégalité d’accès aux soins pour les Français. Pourquoi ne pas rendre publics ces délais et créer un délai opposable qui serait un engagement des établissements de santé ?
À travers ces deux exemples, je veux insister sur le fait qu’il est nécessaire de faire évoluer la tarification afin d’intégrer des enjeux majeurs pour l’avenir du système hospitalier : la qualité et la notion de parcours de soins.
De ce point de vue, la mise en œuvre de tarifs dégressifs de remboursement en fonction du nombre d’actes réalisés est une fausse bonne idée. Elle constitue une nouvelle régulation par les volumes qui risque, dans les faits, de fortement pénaliser les établissements choisis par les patients pour la qualité de leurs médecins et de leurs plateaux techniques. Au final, les patients seront les premières victimes, puisqu’ils verront leurs interventions repoussées, voire déprogrammées, pour éviter que l’établissement ne dépasse son volume d’actes.
Enfin, la solidité juridique du dispositif de dégressivité tarifaire semble contestable. En effet, pour un même acte, chaque hôpital sera contraint d’appliquer des tarifs différents, ce qui semble contraire au principe d’égalité devant la loi.
La MECSS, dans le rapport auquel faisait référence M. le rapporteur général, préconise cette solution, mais dans le cadre de tarifs fixés de manière pluriannuelle, ce que ne prévoit pas ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En matière d’offre, il serait nécessaire de faire évoluer les prises en charge hospitalières en développant en particulier les hôtels hospitaliers. Ce dispositif s’inscrit dans la lignée du programme national de gestion des lits d’aval que vous avez annoncé, madame la ministre, en avril dernier. En effet, la question des lits d’aval est un problème récurrent aux urgences. La création d’hébergements non médicalisés en complément de l’hospitalisation conventionnelle pourrait faciliter la libération des lits nécessaires à l’accueil des urgences.
Je pourrais multiplier les développements sur ce point, mais permettez-moi juste de regretter, madame la ministre, qu’une réflexion en matière d’organisation et d’offre hospitalière manque dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Gérard Longuet. Totalement !
M. Alain Milon. J’en viens aux mesures concernant le médicament.
L’article 39 prévoit d’empêcher des patients sans alternative thérapeutique de bénéficier du système des autorisations temporaires d’utilisation, les ATU. En effet, les patients dont l’indication de traitement n’est pas incluse dans les ATU initiales ne pourront bénéficier de la procédure dérogatoire. Ils ne seront donc pas éligibles au remboursement – et donc à la prescription – d’une molécule innovante pourvue d’une autorisation de mise sur le marché tant que le prix de ce médicament n’aura pas été officialisé.
Or le périmètre d’indication de l’ATU est plus restreint que celui qui a été obtenu lors de l’AMM. Cette mesure sera donc source d’une régression majeure dans l’accès aux traitements les plus innovants pour les patients atteints de pathologies graves. Il est scandaleux de limiter l’accès aux traitements pour tous ces patients.
Toujours concernant les médicaments, vous mettez en œuvre à l’article 38 la promotion des médicaments biologiques similaires en autorisant notamment la « substitution » en initiation de traitement par le pharmacien.
Le rôle du pharmacien d’officine sera complexe, notamment en cas de renouvellement d’ordonnance. Le dossier pharmaceutique ne couvrant pas la moitié des Français, comment le pharmacien pourra-t-il savoir quel traitement un patient a pris ces dernières années et si le biosimilaire qu’il lui donne n’aura pas d’effet secondaire ? Le dispositif est construit autour du concept en vigueur pour le générique, alors qu’un biosimilaire n’est pas un générique.
Pour le reste, je souscris aux propos de notre collègue Gilbert Barbier.
Vous l’aurez compris, nous ne sommes absolument pas convaincus par cette disposition, qui semble avoir été prise dans la précipitation et dont les conséquences n’ont pas été mesurées.
J’en viens à l’article 28, qui prévoit la création d’un collège des financeurs chargé d’évaluer les modèles économiques des coopérations soumises par les professionnels de santé dans le cadre prévu par l’article 51 de la loi HPST.
Notre collègue Catherine Génisson et moi-même avons été chargés par la commission des affaires sociales d’un rapport d’information sur les coopérations entre professionnels de santé. Nos travaux m’ont amené à déposer un amendement visant à proposer une nouvelle rédaction de cet article, amendement identique en tout point à celui qu’a déposé Catherine Génisson.
En effet, il est incontestable que permettre un financement dérogatoire pour les coopérations entre professionnels de santé favorisera leur mise en œuvre. Néanmoins, ajouter au système déjà complexe prévu par la loi une étape supplémentaire risquerait de décourager les professionnels, alors que leur premier objectif est de soigner et qu’ils ne parviennent à se mettre en adéquation avec les obligations administratives nécessaires que grâce à l’appui des agences régionales de santé.
Pour éviter que le collège des financeurs ne devienne un nouveau verrou bloquant les initiatives de terrain, nous proposons d’en faire une force de proposition en créant les modèles médico-économiques que les professionnels pourront reprendre dans l’élaboration de leurs projets.
En conclusion, madame la ministre, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale révèle un manque de vision, comme dans tant d’autres domaines de l’action gouvernementale. Il consiste presque uniquement à assommer de nouveaux prélèvements les retraités, les agriculteurs, les indépendants, les familles, et j’en oublie sans doute.
Il est un chiffon rouge agité devant les Français en cette période de ras-le-bol fiscal,…
Mme Isabelle Debré. Un de plus !
M. Alain Milon. … alors que la situation peut dégénérer à tout moment. Pour toutes ces raisons, nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les critiques que nous avons émises au sujet de la réforme des retraites sont hélas ! également valables pour le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Certes, les soldes généraux qu’il présente semblent s’améliorer. Sur le fondement de ce constat, chacun a pu apprécier les efforts déployés par notre rapporteur général, Yves Daudigny, pour nous rassurer. J’en profite pour saluer d’emblée l’excellence de son travail, ainsi que de celui des autres rapporteurs.
Mais parlons des déficits.
Malgré vos efforts, monsieur le rapporteur général, vous ne nous avez pas rassurés : si le reflux des déficits est continu, son rythme s’est ralenti.
L’historique est connu : la crise de 2008 s’est répercutée moins de deux ans plus tard sur les comptes de la sécurité sociale, provoquant un dérapage sans précédent, près de 30 milliards d’euros de déficit en 2010 pour l’ensemble des régimes et le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV.
Depuis lors, les déficits sociaux se réduisent. Le reflux est donc engagé depuis 2011. L’actuelle majorité affiche sa volonté de poursuivre ce mouvement. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
Cependant, alors qu’entre 2010 et 2011, le solde de l’ensemble des régimes et du FSV s’était amélioré de plus de 7 milliards d’euros, entre 2012 et 2013, il ne se redresserait que de 1,8 milliard d’euros. Le ralentissement est donc net, et c’est ce qui nous inquiète.
Quant au niveau du déficit, chacun dans cet hémicycle le reconnaît, il n’y a pas de quoi pavoiser : il passerait de 19,2 milliards d’euros en 2012 à 17 milliards d’euros en 2013.
On est, certes, loin des 30 milliards d’euros de 2010, mais loin aussi du niveau de 2008, avant la crise, quand le déficit, déjà inquiétant, s’élevait à 11,2 milliards d’euros.
Le tableau se noircit encore un peu plus lorsque l’on s’interroge sur les fondamentaux du redressement.
En l’absence de réformes structurelles, la conjoncture y est pour beaucoup. Cependant, les projections proposées nous paraissent à la fois timides et peu crédibles.
L’abandon d’un calendrier précis de retour à l’équilibre est désormais sanctionné. Le déficit demeure le seul horizon de la protection sociale. Il se réduirait à 5,3 milliards d’euros en 2017.
Et encore ces projections sont-elles fondées sur des hypothèses particulièrement optimistes. C’est en cela que le parallèle avec la réforme des retraites s’impose.
Le Gouvernement mise sur une reprise de la croissance de 0,9 % en 2014, et de 1,7 % en 2015. Vous réinventez presque les trente glorieuses !
Par ailleurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale est fondé sur un retour très rapide au rythme de croissance moyen de la masse salariale constaté entre 1998 et 2007, soit 2,2 % en 2014, puis 3,5 % en 2015 et 4 % en 2016.
Dernier signe d’inquiétude, et non des moindres, l’annexe B du texte annonce la réouverture de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES.
À la suite de la loi organique du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale et à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, elle ne devait plus être ouverte. On avait alors dérogé, en principe pour la dernière fois, à la règle de non-allongement de la durée d’amortissement de la dette sociale. Alors que les missions de la CADES devaient initialement prendre fin avec le retour à l’équilibre en 2020, cette date avait été reportée à 2025. À ce titre, la Caisse ne devait prendre en charge, après 2011, que les déficits de la branche vieillesse et du FSV jusqu’à 2018, pour un montant plafonné à 62 milliards d’euros.
Aujourd’hui, le Gouvernement s’appuie sur la réforme des retraites pour transférer à la CADES les déficits accumulés et futurs des branches santé et famille.
À l’horizon 2017, en tenant compte des déficits cumulés de ces deux branches en 2012 et 2013, ce sont près de 44 milliards d’euros de déficit qui seraient ainsi transférés, et ce grâce aux économies réalisées par la réforme des retraites, sans avoir à modifier le plafond de dette transférable ni à revenir sur la durée de vie de la Caisse.
Le problème, c’est que nous ne croyons que très partiellement aux vertus, même comptables, de cette réforme des retraites. Nous l’avons déjà abondamment dit, je n’y reviendrai donc pas, mais, en matière de retraites, le compte n’y sera probablement pas !
Dans ces conditions, transférer les dettes des branches familles et santé à la CADES sans, tôt ou tard, modifier ses paramètres de plafond et de calendrier nous semble relativement peu crédible.
Nous craignons fortement que la CADES n’ait pas de beaux jours devant elle. Nous sommes dans la logique intenable du report de nos impérities gestionnaires sur les générations futures.
Venons-en maintenant aux mesures nouvelles de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Son impact financier serait de 8,2 milliards d’euros, dont la moitié en recettes nouvelles.
Taxation des produits de placement, élargissement de l’assiette des revenus agricoles, déplafonnement partiel des cotisations vieillesse des artisans et commerçants, création d’une contribution sur les boissons énergisantes, majoration de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, etc. : visiblement, la pause fiscale n’est pas d’actualité en matière sociale ! (Marques d’approbation sur certaines travées de l’UMP.)
Mais la nature même de ces recettes est problématique. Certaines d’entre elles sont purement et simplement détournées de leur objet.
Ainsi, l’article 3 prévoit de prélever 200 millions d’euros sur le Fonds pour l’emploi hospitalier, le FEH, au profit de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL.
Or le FEH finance l’aménagement du temps de travail des agents hospitaliers. Rien à voir avec la retraite ! Il s’agit donc d’un petit hold-up purement comptable au détriment de l’aménagement du temps de travail du personnel hospitalier.
Toujours au chapitre des détournements, plus grave encore pour nous est l’article 15, qui proroge le mécanisme de confiscation de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, mécanisme que nous avions déjà combattu en 2012.
Comme son nom l’indique, la CASA, créée l’année dernière, a pour vocation de financer l’autonomie. Ce dispositif, soit dit en passant, est très proche de la proposition de loi tendant à élargir la journée de solidarité, dont je suis l’auteur et que le Sénat a adoptée le 25 octobre 2012.
Or, dès sa naissance, la CASA a été détournée. Elle aurait dû être consacrée à compenser la prise en charge par les départements de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, d’autant plus que l’on sait que les conseils généraux ont de plus en plus de mal à y faire face. Au lieu de cela, la compensation des départements pour leur prise en charge de l’APA, qui passe par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, a été amputée d’une fraction de CSG, à due concurrence du produit de la CASA au profit du FSV !
Pour justifier cette situation, on allègue que la réforme de la dépendance est encore à venir, comme si aucun dispositif de prise en charge de la dépendance n’existait auparavant et comme si l’APA était correctement financée !
Dès l’origine, ce système était inacceptable, alors même qu’il ne devait durer qu’une année. Voici que le présent texte le prolonge d’un an. C’est inadmissible !
La seule amélioration vient de ce que l’Assemblée nationale a obtenu que le produit de la CASA affecté à la CNSA ne soit pas amputé de 130 millions d’euros, sur les 645 millions d’euros qu’elle devrait rapporter, mais c’est évidemment très insuffisant. Nous demandons la suppression de ce dispositif, quitte à ce que le FSV soit équilibré différemment, comme le Gouvernement s’y était d’ailleurs engagé l’année dernière.
Au palmarès des recettes problématiques, la taxation des produits de placement refondue par l’article 8 figure en bonne place. On le sait, cet article « nivelle par le haut » la taxation des placements de type PEA, PEL ou contrats d’assurance vie. Il abroge le calcul « au taux historique » pour que tous les placements ouverts depuis 1997 fassent l’objet d’un prélèvement social identique, aujourd’hui maximal, de 15,5 %.
Il s’agit d’un dispositif par nature rétroactif, qui est donc totalement inéquitable et pose un sérieux problème de sécurité juridique et de confiance légitime.
Heureusement, après l’adoption de l’article 8 par l’Assemblée nationale, le Gouvernement a reculé. Finalement, le périmètre serait réduit aux seuls contrats d’assurance vie multisupports. C’est encore trop : nous souhaitons que la disposition soit purement et simplement abandonnée !
Toujours en matière de recettes, j’en arrive maintenant à ce qui pourrait être la particularité de ce PLFSS : l’importance des recettes de transfert.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit 3 milliards d’euros de recettes de transfert de l’État par l’affectation à la sécurité sociale d’une fraction supplémentaire de TVA via le PLF. Les recettes nouvelles s’élèvent en fait à 2 milliards d’euros seulement, puisque le dernier milliard contrebalance la baisse de la cotisation au titre de la branche famille décidée en compensation de l’augmentation de la cotisation retraite.
Il s’agira donc de 2 milliards d’euros : l’un, au titre de la soumission à l’impôt sur le revenu de la contribution de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé, qui ira à la branche santé ; l’autre, au titre de la baisse du quotient familial, qui ira, lui, à la branche famille.
Ces 2 milliards d’euros représentent tout de même la moitié des recettes nouvelles du présent PLFSS ! C’est considérable. C’est en outre symptomatique d’un mouvement de fond que connaît notre système de protection sociale : celui de la fiscalisation. Le mouvement sera encore accentué l’année prochaine par l’arrivée à maturité de la fiscalisation de la majoration de pension pour enfants prévue par la réforme des retraites, qui bénéficiera à la branche vieillesse.
Que le financement de la protection sociale se fiscalise est, selon nous, à la fois inévitable et, pour partie, souhaitable. Cela se comprend très bien sur le plan des principes. Le risque vieillesse, à l’exception de son socle de solidarité, et les accidents du travail et maladies professionnelles, demeurent assurantiels. Ils doivent donc continuer d’être financés par les cotisations. En revanche, les branches santé et famille sont aujourd’hui universelles. Elles devraient donc principalement être financées par la solidarité, ce qui en outre présenterait l’immense avantage d’alléger le coût du travail.
M. Gilbert Barbier. Très bien !
M. Gérard Roche. Tout cela correspond toutefois à une véritable réforme structurelle, à une remise à plat financière du système, et ce n’est – hélas ! – pas ce qui est proposé aujourd’hui. Certes, la fiscalisation progresse, mais elle est menée à petits pas ; ni assumée ni ordonnée, elle est cachée et incohérente. Nous le regrettons vivement.
Vous l’aurez compris, madame la ministre, mes chers collègues, toutes ces considérations suffisent à elles seules à nous dissuader de voter les recettes du présent PLFSS. Toutefois, s’il nous fallait une raison supplémentaire de les rejeter, nous n’aurions pas à chercher bien loin : l’article 12 ter, introduit à l’Assemblée nationale, nous la servirait sur un plateau !
Voici que revient la clause de désignation !
M. Gérard Longuet. Eh oui !
M. Gérard Roche. Après la bataille parlementaire qu’elle a suscitée lors de l’examen de l’article 1er de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, et après sa censure par le Conseil constitutionnel, le 13 juin dernier, le Gouvernement ne désarme pas.
Mme Isabelle Debré. C’est incroyable !
M. Gérard Roche. Certes, il ne s’agit aujourd'hui que des régimes de prévoyance ; certes, il n’est plus question que de recommandation. Cependant, de fait, il s’agit bien d’une désignation déguisée. La branche pourra ne recommander qu’un seul opérateur et, dans ce cas, on se doute bien que la plupart des entreprises, surtout les petites, suivront systématiquement la recommandation. Et elles auront bien raison de le faire, puisque, si elles ne le font pas, elles seront fiscalement sanctionnées ! En effet, en cas de choix d’un autre organisme, le forfait social sur les cotisations de prévoyance passera de 8 % à 20 % pour les entreprises de dix salariés et plus et de 0 à 8 % pour les entreprises de moins de dix salariés.
Il y a là une certaine hypocrisie, et nous la condamnons.
Mais je voudrais tout de même dire un mot des dépenses.
En matière de santé, elles nous semblent incontestablement aller dans le bon sens. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe socialiste.) Nous ne pouvons que nous réjouir de voir l’ONDAM respecté pour la quatrième année consécutive, alors qu’avant 2010 il ne l’avait été qu’une fois depuis sa création en 1996.
Mme Christiane Demontès. Très bien !
M. Gérard Roche. L’ONDAM fixé cette année est très volontariste, mais, compte tenu de la situation, il faut bien l’être.
Nous devons aussi saluer les mesures d’économies.
M. Jacky Le Menn. Très bien !
M. Gérard Roche. Sur les soins de ville, nous récoltons les dividendes de la loi du 29 décembre 2011 sur la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, et ne pouvons qu’approuver la maîtrise médicalisée des prescriptions. N’oublions pas, cependant, que la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale a jugé en 2012 que 28 % des prescriptions étaient « superflues ».
En matière hospitalière, à la suite du rapport d’Yves Cannac d’avril 2006 pour l’Observatoire de la dépense publique, nous n’avons cessé de répéter que d’importantes économies d’efficience pouvaient être réalisées, notamment des économies d’échelle par la constitution de centrales d’achat. Le Gouvernement semble vouloir s’engager dans cette voie. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
Sans vouloir prolonger mon propos, en ce qui concerne la tarification hospitalière, je souscris tout à fait à ce qui a été dit par Alain Milon.
Les priorités identifiées, telles que la coordination des services aux patients au sein des maisons et centres de santé, la mise en place de nouveaux modes de rémunération, l’assouplissement de la tarification à l’activité, ou T2A, la rénovation du circuit du médicament, nous semblent parfaitement correspondre aux besoins les plus urgents du système de santé.
Madame la ministre, je sais que les parcours de santé sont l’une de vos priorités. Maisle tout n’est pas d’identifier des priorités : encore faut-il se doter effectivement des moyens de la mission. Or, tel n’est, hélas, pas le cas du parcours de santé qui, d’un bout à l’autre, souffre de manques criants. Autrement dit, on engage les gens sur une route dont certains tronçons ne sont pas encore créés. Du début à la fin, le parcours de santé est en pointillé. Et nous aurions justement attendu du PLFSS qu’il remplisse les blancs…
Au départ, le trou est béant, c’est celui de la désertification médicale. Vaste problème, que l’on pourrait cependant commencer à résoudre en ayant le courage d’utiliser le conventionnement pour flécher les installations de médecins vers les zones sous-dotées, comme on le fait d’ailleurs pour les infirmières, et comme le préconisait dans son excellent rapport notre collègue Hervé Maurey.
Les trous dans le parcours de santé ne sont pas uniquement spatiaux, ils sont aussi temporels. Comment accepter que, dans les contrats d’astreinte de garde des médecins, qui coûtent 700 millions d’euros par an, ainsi que nous l’a confirmé M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, demeure la notion de « nuit profonde » qui leur permet de ne pas assurer de permanence entre minuit et six heures du matin ? Cette notion est absolument irrecevable et doit être supprimée. Actuellement, mes chers collègues, il n’y a pas de garde entre minuit et six heures dans la plupart des territoires de France !
La sortie de l’hôpital constitue une autre rupture dans le parcours de soin: Le nombre de lits en soins de suite et de réadaptation est insuffisant. Par conséquent, après un accident de santé, la majorité des patients rentrent chez eux de façon un peu précoce, ce qui entraîne une chute de la qualité des soins, et, s’ils sont âgés, ils doivent aller en EHPAD. Or, après une hospitalisation trop brève, la qualité des soins ne peut être au rendez-vous en EHPAD. En outre, ces établissements sont de moins en moins accessibles au plus grand nombre, notamment du fait du niveau du « reste à charge » qui ne cesse de grimper avec l’incorporation du coût des investissements immobiliers et médicaux au prix de journée.
Nous sommes face à un vrai problème de financement de l’investissement médico-social du fait du désengagement de l’État, via la CNSA, et du désengagement consécutif des collectivités. Pour y remédier, la collégialité des investisseurs doit être restaurée. Je me souviens avec émotion de l’époque où les maisons de retraite étaient financées par des contrats État-région, auxquels s’adjoignaient les départements et souvent les communes. Nous avions ainsi une programmation sur quatre ans et des aides à l’investissement qui étaient tout à fait intéressantes et permettaient de modérer l’élévation des prix de journée.
En ce qui concerne les mesures de dépenses proposées pour les autres branches, je ne reviendrai pas longuement sur la branche vieillesse : vous connaissez notre position. Il est nécessaire de passer d’une réforme paramétrique à une réforme systémique qui institue un système unique, universel et par points.
La situation de la branche famille nous semble aussi quelque peu préoccupante pour le moment, ou plus précisément la politique familiale. Réduction du congé parental, baisse du quotient familial, fiscalisation de la majoration de pension pour enfants, tout porte à croire que la politique familiale est dans le collimateur du Gouvernement.
Certes, nous ne pouvons qu’appuyer la majoration du complément familial pour les familles vivant sous le seuil de pauvreté, ainsi que la revalorisation de 25 % de l’allocation de soutien familial. Certes, la modulation de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, peut se justifier, ainsi que la suppression de la majoration du complément de libre choix d’activité. Mais tout cela ne fait pas une politique familiale.
Concernant le médico-social, c’est tout le problème de la compensation de l’APA qui est posé. Je pourrais m’y attarder, mais vous savez tous ce que j’ai à dire sur le sujet. Je ne manquerai cependant pas de saluer l’émergence significative du plan Autisme.
En ce qui concerne la branche accidents du travail-maladies professionnelles, je ne dirai pas mieux que Jean-Pierre Godefroy, pour qui l’absence totale de dotation de l’État au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, en 2014, est inacceptable.
Vous l’aurez compris, madame la ministre, mes chers collègues, nous pensons qu’un autre projet de loi de financement de la sécurité sociale était possible, un PLFSS qui ne prenne pas l’eau, car nous sommes tous dans le même bateau, plus précisément dans la même galère ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Longuet. C’est vrai, il y en a qui rament !
Mme Isabelle Debré. Ou qui font du pédalo !
M. Gérard Roche. Et si nous savons tous où il faut aller, nous divergeons en revanche sur le cap à prendre ! (Rires sur les mêmes travées.)
À l’heure où il est de plus en plus question d’union nationale, nous aurions aimé que vos propositions coordonnent les rameurs, madame la ministre !
M. Gérard Longuet. Mais certains rament plus fort que d’autres !
M. Gérard Roche. Peut-être ai-je été un peu long, et je vous prie de m’en excuser, mais j’ai au fond de la gorge le goût amer d’un nouveau rendez-vous manqué ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre rapporteur général et notre rapporteur pour avis ont largement commenté les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre financier de notre protection sociale pour 2014, et mis en évidence la détermination du Gouvernement, singulièrement la vôtre, madame la ministre, non seulement à redresser nos comptes sociaux, dans un contexte économique et social contraignant, mais aussi à conforter un financement solidaire indispensable à l’équilibre de notre système social. C’est là une condition obligatoire pour que ce droit premier, l’égalité d’accès à des soins de qualité, reste réalité pour nos concitoyens, quand, aujourd'hui, notre système de santé, certes très performant, se caractérise aussi par d’importantes inégalités sociales et territoriales.
J’axerai mon intervention sur vos propositions pour la branche maladie, madame la ministre, qui s’inscrivent dans les priorités définies dans votre programme de stratégie nationale de santé, prologue à la réforme de santé annoncée pour 2014, réforme que nous attendons avec impatience, étant donné que nous sommes tous d’accord pour affirmer l’importance des réformes structurelles.
L’imagination, l’innovation, la mobilisation des équipes professionnelles doivent être garantes de la qualité de l’offre de soins due à nos concitoyens. L’exigence qualitative est la meilleure des garanties pour une maîtrise acceptée des dépenses de santé.
Organiser les soins autour des patients et en garantir l’égal accès implique que l’amélioration des soins de premier recours soit une priorité, dans un contexte où la progression de l’espérance de vie, mais aussi le développement des maladies chroniques, sont à confronter aux inégalités territoriales au regard notamment de la démographie médicale.
Aussi l’exercice professionnel doit-il être revisité en permettant en particulier les coopérations. L’article 28 permet de les développer dans le secteur libéral, mettant en place un collège des financeurs pour répondre aux questions de modalité de financement, qui sont souvent un obstacle à la concrétisation des initiatives.
Alain Milon et moi-même travaillons à l’élaboration d’un rapport souhaité par la commission des affaires sociales sur les coopérations interprofessionnelles prévues à l’article 61 de la loi HPST. Le sujet concerne aussi bien le secteur hospitalier que le système libéral et pose des problèmes d’application dans ces deux secteurs.
Sa mise en place repose sur une double exigence : l’optimisation de la qualité des soins pour les patients, la meilleure qualité d’exercice pour les professionnels. Nous proposons une réécriture de l’article 28 en ce qui concerne le secteur libéral : nous soutenons la volonté de trouver des solutions au financement de ces coopérations, mais nous souhaitons que les dispositions proposées ne soient pas d’une complexité telle qu’ils en arrivent à être dissuasifs, ainsi que l’a montré mon collègue Alain Milon. .
Ces coopérations professionnelles doivent pouvoir aboutir à des évolutions et des promotions dans les métiers de santé, voire à la définition de nouveaux métiers de santé. Cela supposera sans doute, étant donné les progrès de la médecine, une évolution de l’enseignement, sans oublier que la médecine est avant tout une science humaine.
Je me félicite de l’introduction par l’Assemblée nationale de l’article 27 bis, relatif aux centres de santé, acteurs très présents, notamment, auprès des publics précaires ; nous soutiendrons l’amendement de M. le rapporteur général tendant à en conforter la stabilité.
Les soins de premier recours peuvent être améliorés grâce au développement de la télémédecine, qui fait l’objet de l’article 29. La télémédecine est intéressante dès lors que l’on s’assure de l’existence et de la qualité des récepteurs d’informations.
Madame la ministre, en proposant des expérimentations sur le parcours de soins, vous facilitez la vie médicale des patients.
L’article 34 tend à prévoir des expérimentations concernant le parcours de soins et la prise en charge des personnes atteintes d’insuffisance rénale chronique, ainsi que le traitement du cancer par radiothérapie.
S’agissant de l’insuffisance rénale chronique, il est proposé d’expérimenter des projets pilotes mettant en œuvre de nouvelles modalités de financement destinées à fluidifier et à optimiser le parcours de soins, avec l’objectif de réduire le nombre de nouveaux cas d’insuffisance rénale chronique terminale en préservant la fonction rénale, de limiter le nombre de dialyses en urgence, de mieux prendre en charge les phases d’aggravation et de développer les prises en charge de proximité : dialyse en milieu médicalisé et auto-dialyse à domicile, par exemple.
De nombreux acteurs interviennent dans cette expérimentation concernant l’insuffisance rénale chronique. À ce propos, je voudrais savoir si l’on demande leur consentement aux patients concernés : cela me semble très important, eu égard à la lourdeur des traitements.
Concernant la radiothérapie, l’expérimentation portera dans un premier temps sur les cancers du sein et de la prostate.
Avant d’aborder la problématique des établissements de santé, je souhaite évoquer l’article 31, portant sur les transports sanitaires.
L’expérimentation concerne les transports sanitaires prescrits à l’hôpital, à l’exclusion des transports urgents. Menée à l’échelon des ARS et des organismes locaux de sécurité sociale, elle s’appuiera sur une convention qui donnera lieu à consultation des organismes professionnels sur la base du volontariat. En cas de constatation d’une réduction des dépenses de transports au cours de l’expérimentation, le directeur de l’ARS pourra allouer une dotation d’intéressement à l’établissement de santé concerné. Je présenterai un amendement tendant à étendre ce dispositif aux sociétés de transport, dès lors qu’elles formulent des propositions en matière de mutualisation de moyens ou d’amélioration de leur flotte. Cela rendrait l’expérimentation plus dynamique. Par ailleurs, je proposerai la suppression du dispositif établi en 2013, qui s’est révélé difficilement applicable.
La place des établissements de santé dans l’organisation de notre système de santé est déterminante. « Refonder la tarification hospitalière au service du patient » : tel était le titre du rapport d’information rédigé par nos collègues Jacky Le Menn et Alain Milon au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales et adopté à l’unanimité des membres de la commission des affaires sociales. Vous aviez d’ailleurs repris l’une de ses propositions, madame la ministre, consistant à supprimer la convergence tarifaire entre établissements publics et établissements privés.
Pour 2014, l’article 33 tend à prévoir des modalités dérogatoires de financement pour les établissements qui répondent à des critères d’isolement géographique, sous réserve que les prestations d’hospitalisation assurées par ces établissements et leur situation financière le justifient. Cette mesure permettra de soutenir des activités de soins essentielles pour les populations concernées, tout en respectant les exigences de sécurité.
Par ailleurs, aux termes de l’article 33, au-delà d’un certain taux d’évolution ou volume d’activité d’une prestation d’hospitalisation, le tarif national applicable à la prestation concernée pourra être dégressif pour la part d’activité de l’établissement excédant ce seuil.
Monsieur le rapporteur général, vous avez fait preuve de beaucoup de persuasion pour convaincre du bien-fondé de cette disposition, qui prête à débat. Pourtant, quand nos collègues députés ont autorisé la prise en compte, pour l’application de ce dispositif, du taux d’évolution ou du volume d’activité d’une prestation d’hospitalisation résultant d’une création ou d’un regroupement d’activités, force est de constater que vous-même avez préconisé de manier avec précaution cet outil, dont vous reconnaissez néanmoins la possible utilité. En particulier, vous avez beaucoup insisté sur le fait que la dégressivité ne pouvait être liée en elle-même à la pertinence des soins, qui doit s’analyser dès le premier acte, et non à partir d’un certain seuil.
M. Gilbert Barbier. Très bien !
Mme Catherine Génisson. Cette approche est bonne. En effet, la dégressivité doit être maniée avec beaucoup de précautions.
Dans le secteur chirurgical notamment, des référentiels de bonnes pratiques ont permis de définir des seuils d’activité permettant l’exécution des actes. Dès lors, on a concentré l’activité des chirurgiens sur une gamme d’actes en général moins étendue, mais avec une plus grande exigence en termes de qualité de pratique et une incidence financière positive. S’il est vrai que les coûts financiers d’un établissement en mesure d’amortir ceux-ci sur une base plus large peuvent être légèrement inférieurs à la moyenne, il faut rester vigilant sur l’exigence de qualité, ainsi que sur la nécessaire réponse à la demande.
M. Gilbert Barbier. Très bien !
Mme Catherine Génisson. L’extension des référentiels de bonnes pratiques effectuée par la Haute Autorité de santé semble une bonne réponse quand, par ailleurs, tant l’assurance maladie que l’ARS peuvent intervenir, respectivement sur l’utilisation inadaptée de cotations d’actes et sur l’exécution inappropriée d’actes, et réorienter l’activité des établissements de santé. En ce qui me concerne, je déposerai un amendement visant à exclure les centres de cancérologie du champ de ce dispositif.
La politique du médicament est l’un des piliers de notre protection sociale. La sécurité des patients doit être au cœur des dispositifs mis en place quand elle doit être assurée au meilleur coût.
Pour les soins de ville, ce double objectif se traduit par l’expérimentation de la délivrance à l’unité des antibiotiques, la définition de règles encadrant la prescription de médicaments bio-similaires et une réforme des modalités de prise en charge des médicaments faisant l’objet d’une autorisation temporaire d’utilisation.
L’évaluation de ces expérimentations est obligatoire eu égard à l’existence d’un certain nombre de problématiques. Je m’attarderai quelques instants sur l’article 40, tendant à encadrer la prescription des génériques.
L’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à ce que le pourcentage maximal de ristournes et d’avantages consenti aux pharmaciens au titre de la politique de promotion des génériques soit porté à 50 %, alors qu’il est aujourd’hui de 17 %, taux d’ailleurs souvent largement dépassé.
Monsieur le rapporteur général, nous soutiendrons votre amendement tendant à supprimer cette disposition, ainsi que celui dont l’objet est de reprendre une proposition de la Haute Autorité de santé, qui travaille sur une refonte du service médical rendu, en fusionnant les actuels SMR – service médical rendu – et ASMR – amélioration du service médical rendu – en un indice synthétique unique.
Les pharmaciens jouent un rôle fondamental dans l’éducation sanitaire et la responsabilisation de nos concitoyens. Nous devons avoir un débat de fond et une très large concertation sur la reconnaissance de leur participation active à la mise en œuvre de notre politique de santé publique. Les négociations sur le pourcentage total de ristournes et d’avantages consenti aux pharmaciens sont aujourd’hui bloquées : réglons ce problème, même si faire passer le taux de 17 % à 50 % me semble excessif.
Les complémentaires santé constituent le dernier pilier de la branche maladie dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.
Depuis 2011, l’assurance maladie prend globalement en charge 75,5 % des dépenses de santé, avec des écarts très importants s’agissant des affections de longue durée et des dépenses d’hospitalisation, par rapport aux soins courants dispensés en ville.
Couvrant 13,7 % des dépenses de santé, les complémentaires santé tiennent une place essentielle pour assurer l’égalité d’accès aux soins.
Le texte tend à poursuivre la généralisation de l’accès à une couverture complémentaire de qualité. M. le rapporteur général ayant largement décrit ce dispositif, je n’y reviendrai pas. J’évoquerai néanmoins les dispositions concernant les contrats solidaires et responsables, pour vous donner acte des propositions que vous formulez, madame la ministre, en soulignant qu’il s’agit d’un débat hautement politique, auquel chacun d’entre nous doit pouvoir participer activement.
Je me félicite que nos collègues de l’Assemblée nationale aient repris une proposition de notre collègue Aline Archimbaud figurant dans le rapport qu’elle a remis au Premier ministre, intitulé « L’accès aux soins des plus démunis », en permettant le renouvellement automatique du droit à l’accès à la complémentaire santé pour les bénéficiaires du minimum vieillesse. Nous vous soutiendrons, monsieur le rapporteur général, dans votre volonté d’aller plus loin dans la simplification administrative.
En conclusion, je veux vous assurer, madame la ministre, du soutien constructif de notre groupe. Nous sommes conscients que la poursuite de la réforme structurelle de l’organisation de notre système de santé prolongera nos propositions concernant l’architecture et la gouvernance de notre protection sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, il y a un an, je regrettais, depuis cette tribune, que le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale d’un gouvernement de gauche ne marque pas de rupture suffisante avec ceux des gouvernements précédents.
Aujourd’hui, avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen, je voudrais que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ne soit pas celui d’un peu plus de désespérance.
Devant l’explosion du chômage et de la précarité, l’accroissement des inégalités salariales, sociales, territoriales et sanitaires, nous avons collectivement une exigence : assurer à toutes et à tous un haut niveau de protection sociale.
Cet objectif ambitieux demeure inatteignable en l’état. Comment pourrait-il en être autrement quand ce PLFSS est écrit à l’encre de l’austérité, sous l’influence du pacte de stabilité et de croissance européen, aux termes duquel les besoins des citoyens en matière de santé et de protection sociale comptent moins que la réduction aveugle des déficits publics et l’abaissement du coût du travail ?
Madame la ministre, l’étude d’impact jointe à votre projet de loi s’inscrit dans cette perspective : il y est rappelé à plusieurs reprises que les mesures proposées n’auront pas pour effet d’augmenter le coût du travail. En intégrant le discours du MEDEF, de la droite et des libéraux sur la nécessité d’accroître la compétitivité des entreprises, vous vous engagez dans une impasse ; cela n’est pas sans avoir d’importantes conséquences économiques, sociales et sanitaires.
La réforme des retraites que vous avez engagée, dans la foulée de celle qui a été mise en œuvre par MM. Woerth et Sarkozy, en est l’exemple le plus frappant. Votre refus d’élargir l’assiette des cotisations sociales des entreprises à leurs revenus financiers vous conduit à allonger la durée de cotisation des salariés, et donc à multiplier les futures décotes, tout en gelant pendant six mois les pensions de retraite de prétendus privilégiés, gagnant plus de 780 euros par mois…
Quant à la hausse de la part patronale des cotisations sociales, elle a été jugée non conforme aux promesses faites par la France devant la Commission européenne. Cette dernière s’est instituée en véritable gardienne du dogme libéral de la baisse du coût du travail, qui fait pourtant tant de mal, on le sait, aux peuples européens.
C’est pourquoi, immédiatement après avoir décidé cette hausse des cotisations versées par les entreprises au titre de l’assurance vieillesse, le Gouvernement annonçait une réduction globale des cotisations patronales. Sans grande surprise, c’est sur la branche famille, véritable variable d’ajustement budgétaire depuis une décennie, que s’est porté votre choix.
Mme Isabelle Debré. Absolument !
M. Dominique Watrin. Les salariés, eux, verront à l’inverse leurs cotisations augmenter, sans autre contrepartie que l’obligation de travailler plus longtemps, s’ils le peuvent !
Si je m’attarde autant sur le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, alors même que nous venons d’en discuter, c’est que les mesures proposées par le Gouvernement pèseront lourd dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La hausse des cotisations sociales devrait rapporter l’année prochaine 1,7 milliard d’euros de ressources supplémentaires, soit environ 40 % des 4,2 milliards d’euros de recettes nouvelles attendus.
Le gel des pensions engendrera quant à lui, en 2014, 800 millions d’euros d’économies, réalisées aux dépens des retraités, soit près de 20 % des mesures d’économies du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Telle n’est pas, madame la ministre, l’idée que nous nous faisons du « redressement dans la justice » que vous nous promettiez. Dans la version que vous nous présentez, le budget de la sécurité sociale pour 2014 s’apparente plus à un exercice comptable qu’à la traduction d’ambitions fortes.
J’en veux pour preuve l’ONDAM, dont la progression est inférieure à celle, déjà insuffisante, qui avait été votée lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. Avec l’augmentation de 2,3 % prévue pour l’année prochaine, on peine à voir comment les établissements publics de santé pourront faire face. Sous l’effet de l’inflation, de la hausse de la TVA et de celle de la masse salariale, les dépenses des hôpitaux devraient en effet augmenter naturellement de plus de 3 %.
Si je me réjouis que votre projet de loi de financement de la sécurité sociale n’ait pas, comme l’année dernière, introduit de mécanisme de responsabilisation des patients, c’est-à-dire, en fait, des baisses de remboursements, chères à la droite, je ne peux que regretter votre choix de réduire le champ de la protection sociale aux risques les plus graves, les plus coûteux, en confiant aux organismes complémentaires la mission d’assurer le reste des remboursements.
Le président de la Mutualité française, qui s’est prononcé contre l’adoption du présent texte, l’a d’ailleurs clairement démontré : en dehors de la prise en charge des pathologies les plus lourdes, la sécurité sociale ne rembourse plus, aujourd’hui, que 50 % des dépenses de santé. Certes, le niveau global de remboursement des patients reste stable, mais, en contrepartie, ces derniers voient chaque année augmenter le montant de leurs cotisations à des organismes complémentaires. Je note par ailleurs que le projet de loi de finances pour 2014 prévoit de soumettre à l’impôt sur le revenu les salariés bénéficiant de contrats mutualistes souscrits par les employeurs, alors que ceux-ci se voient attribuer, depuis l’entrée en vigueur de l’accord national interprofessionnel, une exonération de cotisations sociales : ce que vous avez donné aux employeurs il y a quelques mois, vous le reprenez aujourd’hui aux salariés !
En outre, je tiens à exprimer notre perplexité devant les mesures que vous proposez concernant le bénéfice de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS. L’accès à celle-ci est certes élargi aux personnes âgées disposant de faibles ressources, mais, plutôt que de renforcer la CMU et la CMU-C en modifiant les critères d’attribution de l’ACS, en instaurant une forme de régulation des organismes complémentaires par la concurrence, ne croyez-vous pas qu’il aurait été à la fois plus simple et plus juste de prévoir avant tout, pour ces publics, une réelle prise en charge à 100 % par la sécurité sociale ? Cette réorientation aurait été un acte fort de réaffirmation de la sécurité sociale comme socle intangible de notre système de protection sociale.
Concernant le champ médico-social, force est de constater que les attentes des différents acteurs seront une nouvelle fois déçues.
L’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux, l’UNIOPSS, souligne elle-même l’insuffisance du taux d’évolution de l’ONDAM médico-social, qui s’élève à 3 %, contre 4 % l’an passé. Concrètement, les établissements médico-sociaux auront du mal à faire face à l’inflation et à l’augmentation de la TVA. Nous craignons que les salariés n’en fassent les frais, en jouant de nouveau le rôle de variable d’ajustement au regard de l’équilibre financier de ces établissements. Or la dévalorisation du travail au sein de ces derniers, comme dans les services médico-sociaux ou d’aide à domicile, se traduit toujours par une baisse de la qualité du service rendu aux usagers.
De plus, nous le savons tous, d’immenses progrès restent à accomplir au titre de la médicalisation des EHPAD ou pour une meilleure prise en charge des malades d’Alzheimer et de leurs familles. Sans moyens suffisants, ces besoins ne seront satisfaits qu’au compte-goutte.
D’une manière générale, je regrette que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale n’esquisse pas plus que le précédent un financement pérenne et solidaire, pour une meilleure prise en charge de la perte d’autonomie. Les fruits de la taxe injuste sur les revenus des retraités que vous avez instituée l’année dernière seront une nouvelle fois détournés de leur objet : sur les 700 millions d’euros collectés, près de 600 millions d’euros n’iront pas à l’accompagnement de la perte d’autonomie. Les retraités soumis à la CASA, à qui vous expliquez le sacrifice requis par cette exigence de solidarité, apprécieront !
Madame la ministre, vous venez certes d’annoncer, avec Mme Delaunay, les objectifs prioritaires et le calendrier de mise en œuvre de la future loi dite d’adaptation de la société au vieillissement. Je serais tenté de dire « enfin », tant la responsabilité de la droite est immense,…
M. René-Paul Savary. C’est faux !
M. Dominique Watrin. … elle qui n’a cessé de reporter aux calendes grecques la mise en œuvre de la promesse d’une grande loi d’accompagnement de la perte d’autonomie faite par Nicolas Sarkozy lui-même. C’est la vérité, monsieur Savary ! Vous n’avez rien fait !
Mme Christiane Demontès. Absolument !
M. Dominique Watrin. Il n’en reste pas moins que les objectifs affichés semblent plus modestes que prévu. Surtout, aucune traduction budgétaire ne serait possible avant 2015.
Pourtant, nous le constatons tous sur le terrain, il est urgent de revaloriser l’APA et d’augmenter la valeur du point de la convention collective. L’emploi dans le secteur de l’aide à la personne, pour peu qu’il soit qualifié et correctement rémunéré, peut être une chance pour notre pays. Selon l’Association des directeurs au service des personnes âgées, l’AD-PA, ce sont près de 25 000 emplois qui pourraient être créés dans ce domaine. Ce chiffre confirme que la solidarité, c’est aussi du développement territorial.
Quant à la branche famille – dont le déficit est estimé à 3 milliards d’euros pour 2014 –, elle verra cette année encore sa part de financement assurée par l’impôt croître de manière importante. Il s’agit là de la branche la plus fiscalisée de la sécurité sociale. Il faut dire que les revendications historiques du MEDEF sont claires : réduire à néant le financement socialisé de cette branche en le remplaçant par des taxes, des prélèvements et des impôts de toute nature. On comprend la stratégie du MEDEF : pousser toujours plus loin cette logique, pour qu’en définitive le maintien de cette branche dans la sécurité sociale n’ait plus aucun sens au regard de la structure de son financement.
C’est pourquoi nous contestons l’abaissement du plafond du quotient familial prévu à l’article 3 du projet de loi de finances pour 2014, mesure qui répond plus à une logique d’économies qu’à une logique de justice. À nos yeux, la branche famille n’est pas censée, en tant que telle, jouer un rôle redistributif. Le haut niveau de natalité de notre pays est une chance. La politique familiale ne doit distinguer entre les enfants nés en France ni en fonction de leur origine ni selon la richesse de leurs parents. Nous estimons en outre que si une redistribution des revenus doit être opérée, c’est d’une véritable réforme fiscale que nous avons besoin ! Pour notre part, nous serions prêts à accompagner une telle démarche, ambitieuse, pour autant que le Gouvernement soit prêt à la mettre en œuvre… Or aujourd’hui, l’abaissement du quotient familial et la modulation de l’allocation de base de la PAJE selon le niveau de ressources des parents touchent non seulement les familles riches, mais aussi les foyers aux revenus moyens.
De la même manière, nous sommes opposés à la baisse des cotisations patronales au titre de la branche famille. Non seulement cette faveur est injuste au regard des efforts demandés aux salariés, mais elle engendre de l’instabilité pour la branche. Ma collègue Isabelle Pasquet l’a déjà montré.
De plus, les mécanismes choisis complexifient grandement le financement et la gestion de la branche famille, alors même que l’on parle ici de simplification. L’instauration de ces mesures aboutit au gel du montant des composantes de la PAJE et des allocations de logement, qui touchera toutes les familles : je le répète, il ne s’agit pas des seules familles riches !
Faute de temps, je passerai rapidement sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles, me bornant à m’associer aux propos de M. Godefroy : l’État n’a pas à se désengager du financement du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, étant donné qu’il assume, à cet égard, une double responsabilité.
Madame la ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 souffre à nos yeux d’une réelle insuffisance. La sécurité sociale sera, l’an prochain plus encore que cette année, victime des choix du Gouvernement en matière de financement. Ce n’est pas à la Commission européenne de dicter ses impératifs et de peser en faveur d’une harmonisation par le bas des différents systèmes de protection sociale.
Notre pays doit rester fidèle au programme du Conseil national de la Résistance et à l’œuvre fondatrice d’Ambroise Croizat. Notre système de protection sociale a prouvé, en 2008 et en 2009, qu’il pouvait être un formidable amortisseur de crise.
Toute mesure de restriction des prestations familiales ou d’austérité imposée à l’hôpital, tout retard pris dans la correction des inégalités sociales et territoriales de santé ou dans l’accompagnement de la perte d’autonomie sont des reculs qui nous plongent chaque année un peu plus dans la crise. C’est pourquoi nous aurions souhaité que ce PLFSS donne un nouveau souffle à notre sécurité sociale, et qu’il relève d’une tout autre ambition ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 visait à répondre à une urgence : endiguer la dérive des déficits mettant en péril notre système de protection sociale et, partant, notre modèle social tout entier.
Depuis, grâce aux efforts de chacun, le déficit a pu être atténué, dans un contexte pourtant difficile, et même très difficile. L’objectif d’atteindre, cette année, un niveau proche de celui que connaissait notre pays avant la crise économique et sociale de 2008 est toujours d’actualité, et c’est tant mieux !
Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale poursuit, prolonge, renforce cette stratégie de redressement, en l’appuyant sur des réformes structurelles engagées par le Gouvernement en vue de moderniser notre système de protection sociale tout en favorisant la croissance et l’emploi. Il mettra notamment en œuvre la réforme des retraites et celle de la sécurisation de l’emploi, ainsi que la stratégie nationale de santé, que Mme la ministre nous a récemment présentée.
Il s’agit également de traduire les mesures annoncées en juin dernier par le Premier ministre pour assurer la pérennité de la branche famille et rendre notre politique familiale plus juste. C’est sur ce point que je centrerai mon propos.
Mme Bertinotti l’a rappelé au début de nos débats, la politique familiale française est un grand atout pour notre pays. Toutefois, le déficit de la branche famille de la sécurité sociale, creusé – faut-il le rappeler ? – sous la précédente mandature, s’élève à 2,5 milliards d’euros : cette situation compromet gravement la pérennité des interventions.
Par ailleurs, certains dispositifs sont mal ciblés, mal adaptés aux besoins actuels des familles et ne répondent pas à l’impératif de justice sociale qui doit être le nôtre.
Dès lors, il convient de réagir et de proposer, dès cette année, une réforme de bon sens, garantissant l’avenir de notre système de protection sociale, assurant plus de justice entre les familles et créant de nouveaux dispositifs, adaptés aux réalités d’aujourd’hui et aux besoins des Françaises et des Français.
Commençons par le redressement des comptes sociaux, qui, nous le savons bien, est une impérieuse nécessité.
Pour un effort d’économie de 8,5 milliards d’euros concernant l’ensemble de la sécurité sociale, la politique familiale contribuera à hauteur de 200 millions d’euros en 2014. En 2017, au terme de la montée en charge des mesures introduites par le présent projet de loi, elle y participera à hauteur de 760 millions d’euros, notamment par la modulation du montant de la PAJE et par la suppression de la majoration du complément de libre choix d’activité, le CLCA ; j’y reviendrai.
Parallèlement, la branche famille recevra des recettes supplémentaires, supérieures à 1 milliard d’euros.
Cet apport de nouvelles ressources provient de l’affectation intégrale à la branche famille du produit de la baisse du plafond de l’avantage fiscal découlant de la présence d’enfants au foyer. En effet, le plafond du quotient familial –mécanisme qui permet aux ménages imposables d’obtenir une réduction d’impôt en fonction de leurs revenus et du nombre d’enfants à charge – sera ramené de 2 000 à 1 500 euros par demi-part.
Soyons précis, car ce sujet le mérite : la perte de l’avantage fiscal n’interviendra qu’à partir de 5 850 euros de revenus mensuels pour un foyer comptant deux enfants. Concrètement, 13 % des foyers fiscaux seront touchés par cette mesure, alors que le quotient familial concerne, lui, près de la moitié des foyers fiscaux, soit 18 millions de personnes. Le quotient familial n’est donc pas supprimé ; c’est l’avantage fiscal en découlant qui est plafonné.
Au-delà des recettes supplémentaires – non négligeables, on en conviendra – qu’apporte cette mesure, il s’agit d’un acte de justice sociale et fiscale. Rappelons-le, un tiers de cette dépense fiscale profite aujourd’hui aux 10 % des Français les plus riches.
Au titre des recettes nouvelles, ajoutons que la baisse de la cotisation patronale à la branche famille prévue par la réforme des retraites sera intégralement compensée à la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF.
Venons-en à présent aux dépenses relatives à la branche famille.
Qu’il s’agisse de mesures d’économies ou de solidarité, le but est toujours d’améliorer concrètement notre système redistributif, en ciblant les familles qui en ont le plus besoin et en augmentant le montant des allocations qui leur sont versées.
Nous y parviendrons d’abord par l’augmentation du complément familial pour les familles nombreuses vivant sous le seuil de pauvreté. Le complément familial qui leur est versé sera ainsi majoré de 50 %, au-delà de l’inflation, à l’horizon 2018. La première revalorisation aura lieu au 1er avril de l’année prochaine et, à terme, 385 000 familles en bénéficieront.
En outre, est prévue une augmentation de 25 % de l’allocation de soutien familial à l’horizon 2018. De nature réglementaire, cette disposition annoncée par le Gouvernement n’est bien sûr pas incluse dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais elle est loin d’être négligeable !
J’en viens maintenant à deux mesures présentées comme étant des mesures d’économie, qui visent à recentrer sur les familles modestes des prestations sous conditions de ressources, marquant ainsi notre souci de justice.
Il s’agit tout d’abord du recentrage de la prestation d’accueil du jeune enfant. Le montant de l’allocation de base sera modulé selon le niveau de ressources des familles, pour les enfants nés à partir du 1er avril 2014. Les conditions d’attribution de l’allocation de base de la PAJE ne sont pas modifiées, mais son montant – 184 euros par mois – sera divisé par deux pour les ménages les plus favorisés. Le Haut Conseil de la famille estime que quelque 10 % des bénéficiaires actuels seront concernés.
Il s’agit ensuite de la suppression de la majoration du montant du complément de libre choix d’activité, le CLCA, pour les familles les plus aisées. À l’heure actuelle, en effet, les familles ne remplissant pas les conditions de revenu ouvrant l’accès à l’allocation de base de la PAJE reçoivent tout de même son équivalent par le biais de la majoration du CLCA. Celui-ci sera désormais identique pour toutes les familles.
Cette mesure vient compléter le dispositif que nous avons adopté en septembre dernier, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes. Rappelons que le congé parental est une possibilité offerte aux deux parents, dont les bénéficiaires sont à 96 % des femmes. S’ensuit pour elles un retrait du marché de l’emploi qui leur est souvent préjudiciable et dont découlent des inégalités professionnelles et salariales.
La modification du CLCA permettra d’accroître le niveau d’emploi des femmes en limitant leur temps de retrait de la sphère professionnelle, de favoriser un meilleur partage des responsabilités au sein du couple et de contribuer au développement de l’offre d’accueil de la petite enfance, sans lequel l’investissement des femmes sur le marché de l’emploi est difficile, voire impossible.
À cet égard, la convention d’objectifs et de gestion de la Caisse nationale d’allocations familiales signée en juillet dernier, qui prévoit notamment le développement des services aux familles et l’amélioration de l’accès de celles-ci aux droits, traduit la volonté du Gouvernement de développer les modes de garde pour les jeunes enfants. Ainsi, près de 275 000 nouvelles solutions d’accueil sont prévues.
Depuis le temps que ce sujet est sur le tapis – ou plutôt sous le tapis, là où l’avait glissé l’ancienne majorité –, nous ne pouvons que nous réjouir de le voir enfin traité !
Réponses nouvelles aux besoins des familles, soutien à la parentalité, solidarités accrues envers les plus fragiles et les plus démunis : ces éléments, madame la ministre, conjugués à l’indispensable redressement des comptes sociaux, nous ont convaincus, mes collègues socialistes et moi-même, que le présent texte est un bon projet de loi de financement de la sécurité sociale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après avoir connu un déficit abyssal mettant en péril l’ensemble de notre système de protection sociale, le financement de la sécurité sociale pour 2014 constitue une nouvelle étape du rétablissement des comptes sociaux de la France, déjà amorcé l’année dernière.
Toutefois, malgré ces premiers résultats, le déficit reste encore trop important. Alors que plus de huit Français sur dix se déclaraient récemment inquiets de la capacité de la France à financer son système de sécurité sociale, il est plus que jamais nécessaire de réaffirmer à quel point celui-ci est un puissant facteur de cohésion sociale. La Cour des comptes l’a rappelé dans son dernier rapport : « préserver la sécurité sociale, revenir rapidement à l’équilibre des comptes sociaux, faire reculer la dette pour ne pas la faire porter par une génération supplémentaire, est une priorité ».
Nous ne pourrons tenir cet engagement qu’en engageant une réforme structurelle de la protection sociale et de son financement. Le 8 février dernier, à Grenoble, lors de la présentation de la stratégie nationale de santé, le Premier ministre déclarait : « Il faut engager sans tarder une réforme de fond, une réforme structurelle de notre système de santé. » Malheureusement, on ne peut que constater que, cette année encore, les mesures structurelles manquent.
En prendre est pourtant aujourd’hui une impérieuse nécessité ! Madame la ministre, le 23 septembre dernier, en présentant la feuille de route de la stratégie nationale de santé, vous avez reconnu que l’on ne pouvait se contenter d’ajustements ponctuels et que la France devait se doter d’une stratégie de santé globale pour les années qui viennent. Nous devons prendre en charge certains risques qui sont aujourd’hui insuffisamment couverts, comme la dépendance. Il nous faut absolument infléchir durablement l’évolution tendancielle des dépenses, en particulier de celles de la branche maladie. À défaut, le déficit chronique de l’assurance maladie remettra en question, à plus ou moins long terme, notre protection sociale. La santé de tous est un bien précieux et il nous appartient d’agir sans attendre pour assurer la pérennité d’un système de santé solidaire et égalitaire.
Madame la ministre, votre projet de loi comporte, certes, de bonnes dispositions. Je pense notamment aux expérimentations portant sur le déploiement de la télémédecine, engagé par la loi HPST. Nous le savons bien, la télémédecine, sans être une solution miracle, peut sans conteste apporter une réponse à l’absence de médecins dans des zones sous-médicalisées. Elle restaure le lien entre patients et soignants et permet de réintroduire une certaine égalité territoriale entre les Français. Un patient victime d’un accident vasculaire cérébral, par exemple, doit pouvoir être pris en charge de la même façon en zone urbaine ou en zone rurale. Dans ce type de situation, la télémédecine peut sauver des vies ! Je regrette toutefois que, quatre ans après le vote de la loi HPST, nous n’en soyons toujours qu’au stade des expérimentations : nous avons pris beaucoup de retard. Pourtant, des expériences ont déjà été menées avec succès sur notre territoire : je pense par exemple au robot d’échographie à distance mis au point il y a plusieurs années par le professeur Arbeille.
Je me félicite également des mesures concernant le renforcement de l’aide au sevrage tabagique. C’est une avancée très positive, mais peut-être aurions-nous pu, là encore, aller plus loin, en envisageant le remboursement intégral, préconisé par la Haute Autorité de santé depuis 2005. Eu égard à son impact économique, une telle mesure serait particulièrement efficace. La consommation de tabac est en effet responsable à hauteur de plus de 10 % de la mortalité prématurée annuelle, et plus de 3 % du budget de l’assurance maladie sert à couvrir les dépenses liées au traitement des trois principales affections de longue durée dont elle favorise l’apparition. Le Royaume-Uni et le Québec ont mis en place cette disposition avec succès.
Nous saluons en outre les nouvelles mesures relatives à la contraception des mineurs. Appliquer le tiers payant aux consultations et aux examens préalables à la prescription de la contraception chez les mineures de plus de 15 ans est une très bonne idée. Nous ne pouvons qu’être favorables à ce dispositif, qui prolonge les efforts de lutte contre la survenue de grossesses non désirées chez les adolescentes.
Parmi les mesures importantes, madame la ministre, figure l’économie de 800 millions d’euros engendrée par le report de la revalorisation des pensions de retraite, que mon groupe, comme beaucoup d’autres ici, avait rejeté lors de l’examen du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.
Quant à votre choix de reconduire le mécanisme d’affectation de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, au Fonds de solidarité vieillesse, nous ne pouvons l’accepter. Nous avons eu un long débat sur ce sujet l’année dernière. Vous vous étiez alors engagée, madame la ministre, à ce que, après 2013, cette contribution finance la future réforme de la dépendance. Son affectation au Fonds de solidarité vieillesse ne devait être qu’exceptionnelle.
Par ailleurs, madame la ministre, vous avez choisi de réintroduire, par voie d’amendement devant l’Assemblée nationale, une disposition de la loi sur la sécurisation de l’emploi que le Conseil constitutionnel avait censurée. Le nouvel article 12 ter donne la possibilité aux partenaires sociaux de recommander un ou plusieurs organismes assureurs par branche professionnelle.
Vous affirmez que les entreprises auront le choix de leur assureur, mais si elles ne choisissent pas l’un de ceux que recommande la branche, leur forfait social sera majoré. Ajoutons que la branche pourra n’en recommander qu’un : dans ces conditions, peut-on réellement parler de liberté ? Lors de l’examen du projet de loi sur la sécurisation de l’emploi, nous avions proposé que les accords ne puissent emporter la recommandation d’un organisme unique.
Enfin, j’évoquerai une question d’actualité, concernant la cigarette électronique. Une majorité de députés européens viennent de refuser de la considérer comme un médicament : quelle est votre position ? Envisagez-vous, au moins, d’accorder un statut pharmaceutique aux cigarettes électroniques contenant de la nicotine ? Cela permettrait d’instaurer une classification unique, et donc une réglementation comparable, pour l’ensemble des produits délivrant de la nicotine en vue de la réduction ou de l’arrêt du tabagisme.
Pour conclure, madame la ministre, le groupe RDSE sera particulièrement attentif au débat qui va s’ouvrir et à la discussion des amendements. Nous souhaitons que les différents groupes politiques du Sénat parviennent à s’entendre pour participer au redressement du financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Dériot. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous voici réunis pour débattre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, dans un contexte économique et social qui ne cesse de se dégrader.
Cette lente et inexorable détérioration, qu’accompagnent la course folle du chômage et l’explosion des prélèvements, provoque sur le terrain beaucoup d’inquiétude, d’incompréhension, mais aussi de colère et de désespérance.
Ce contexte nous incite à une grande humilité. Reconnaissons que, au cours de la précédente législature, humilité et sens de la mesure ont trop souvent manqué à l’opposition d’alors.
M. Jean-François Husson. Eh oui !
M. Gérard Dériot. À l’époque, beaucoup niaient la nécessité des réformes et promettaient de trouver des solutions miracles, une fois arrivés au pouvoir. « Le changement », ce devait être « maintenant » : ce slogan n’a même pas deux ans et il a eu le triste destin d’une feuille morte balayée par la bourrasque…
Mme Isabelle Debré. Eh oui !
M. Gérard Dériot. En 2013, la dégradation de la conjoncture et son incidence sur l’évolution des ressources ont donné un coup d’arrêt à l’amélioration de la situation financière de la sécurité sociale. Elles sont bien loin, les promesses entendues hier d’équilibrer les comptes en deux ans : il n’y a malheureusement pas eu de solution miracle ! Les déficits continuent de s’accumuler et pèsent comme une épée de Damoclès sur les générations futures.
Je ne développerai pas davantage l’analyse générale de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, mes amis, au premier rang desquels Alain Milon, l’ayant très bien fait tout à l'heure. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Excellemment !
M. Gérard Dériot. Je centrerai mon propos sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles, à laquelle je demeure très attentif.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
M. Gérard Dériot. Je le disais à l’instant, la situation requiert de l’humilité, mais aussi de l’honnêteté. C’est pourquoi je n’hésiterai pas à faire miennes un certain nombre de remarques du rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, notre collègue Jean-Pierre Godefroy.
Je voudrais d’abord me réjouir du taux historiquement bas d’accidents du travail : trente-cinq accidents du travail avec arrêt pour 1 000 salariés. Il diminue depuis sept ans au rythme annuel de 3,3 %.
Au-delà de la légitime réparation, l’action de la branche en faveur de la prévention est donc bénéfique et permet de promouvoir dans le tissu économique les pratiques adaptées, en encourageant, par exemple, l’employeur à mieux s’équiper ou à revoir l’organisation du travail.
Cette prise de conscience limite, pour des millions de salariés, d’ouvriers, d’artisans, d’employés et de techniciens, les risques liés à une chute ou à un incident sur un équipement professionnel, à des postures pénibles, à des accidents de trajet. Ces actions de prévention sont essentielles, et c’est l’honneur de l’ensemble des partenaires sociaux de l’avoir bien compris et de s’être largement investis.
Toute réduction des marges de manœuvre financières de la branche viendrait donc compromettre ces actions indispensables de prévention. Or, il est à craindre que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ne marque un désengagement coupable de l’État.
En effet, le retour à l’équilibre de la branche est extrêmement fragile. Les efforts engagés ces dernières années pour rétablir la situation et rembourser la dette de 2 milliards d’euros causée par la crise de 2009 pourraient être mis à mal si les excédents prévus ne sont plus au rendez-vous. Sur ce sujet comme sur d’autres, l’action publique gagnerait à être un minimum pérenne.
Or, s’agissant des recettes, j’approuve la sagesse du rapporteur, qui a souligné l’impossibilité d’augmenter aujourd’hui les cotisations patronales, tout en regrettant que cette sagesse ne soit pas partagée au plus haut niveau de l’État !
Au-delà de la conjoncture, les marges de manœuvre de la branche sont menacées, par exemple, par l’absence de dotation de l’État au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante en 2014.
En 2001, le législateur avait prévu un financement annuel du FIVA, par le biais non seulement d’un transfert de la branche AT-MP, voté chaque année en loi de financement de la sécurité sociale, mais également d’une dotation annuelle de l’État inscrite en loi de finances.
Bien que le financement de l’indemnisation rapide et intégrale des dommages effroyables causés par l’amiante soit pleinement légitime, l’État ne prévoit, pour la deuxième année consécutive, aucune dotation pour ce fonds, alors que la dotation de la branche AT-MP fait plus que tripler.
Je partage pleinement le mécontentement du rapporteur devant le caractère inacceptable de cette décision. Elle est tout à fait choquante au regard de la part de responsabilité de l’État dans le scandale de l’amiante. Je le rappelle, l’État est responsable à la fois au titre de son action régalienne et comme employeur.
En outre, nos inquiétudes sur le devenir de la branche sont renforcées par la mise en place prochaine du compte de prévention de la pénibilité, actuellement examinée par l’Assemblée nationale dans le cadre de la discussion du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites. Quelle sera son incidence sur le fonctionnement des services de la branche AT-MP dans les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, les CARSAT ? Dans quelle mesure la mise en place du compte de prévention de la pénibilité affectera-t-elle la branche ? Quels pourraient être les contours de l’avenant à la prochaine convention d’objectifs et de gestion liant la branche AT-MP à la tutelle que vous avez, madame la ministre, déjà annoncé ?
Il ne faudrait pas que la création de ce compte de prévention de la pénibilité vienne paralyser la branche AT-MP et l’empêche d’exercer son cœur de métier, à savoir prévenir, réparer et tarifer les risques professionnels. À l’heure où les réformes importantes engagées ces dernières années portent leurs fruits pour simplifier la tarification du risque aux entreprises et améliorer la politique de prévention, la branche AT-MP ne doit pas être abandonnée.
Telles sont les quelques remarques que je voulais faire sur le volet AT-MP du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale contraint limite considérablement la portée des quelques mesures positives figurant dans son volet relatif aux dépenses et ne permet pas de relever les défis qui s’imposent à nous en matière de santé.
Ainsi, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 demeure marqué par l’absence de mesures fortes pour favoriser l’accès aux soins, telles que la suppression des franchises médicales ou la réduction de la fiscalité pesant sur les contrats d’assurance complémentaire dits responsables.
Quant aux expérimentations portant sur les nouveaux modes de soins, force est de constater qu’elles ressemblent plus à une nouvelle version du secteur optionnel qu’à la création d’outils innovants rompant avec la tarification à l’activité. Ces expérimentations sont financées par les mutuelles à hauteur de 150 millions d’euros, ce qui se traduira inévitablement par une hausse des tarifs des complémentaires.
Tout cela risque de rendre encore plus difficile l’accès aux soins pour celles et ceux qui sont trop « aisés » pour bénéficier de l’ACS et de la CMU, mais trop pauvres pour souscrire à une mutuelle complémentaire.
Dans ce contexte, les mesures prévues dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne peuvent que nous inquiéter, madame la ministre.
Ainsi, l’ONDAM hospitalier est une nouvelle fois en diminution. Il s’agit d’une baisse historique : c’est ce qu’a souligné M. Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget, comme s’il fallait se féliciter que le Gouvernement applique une telle austérité aux hôpitaux ! Comment caractériser autrement un PLFSS qui entérine un nouvel effort de plus de 440 millions d’euros au détriment des hôpitaux ? Ceux-ci doivent déjà faire face aux contraintes économiques accumulées depuis des années, et singulièrement durant cet exercice. Nous pourrions toutes et tous, ici, donner des exemples illustrant mes propos : manque notoire de personnel, y compris dans des services de pédiatrie, contraignant parfois les familles à prendre le relais, manque criant de matériel – dans certains établissements, cela va jusqu’aux compresses ou aux antiseptiques de type alcool à 90 °ou à 70° –, sans parler des nombreux établissements ou services qui ferment, fusionnent ou se restructurent, éloignant toujours un peu plus les professionnels de santé des populations. Cela rend plus que jamais d’actualité la proposition de loi que j’ai déposée, avec le groupe CRC, visant à instaurer un moratoire des fermetures ou des regroupements de services et d’établissements de santé.
Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, j’avais salué le fait que, contrairement aux gouvernements de droite, vous ayez pris la décision de ne plus appliquer le gel des missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation, les MIGAC.
Toutefois, je m’étais immédiatement inquiétée de la campagne de fixation des tarifs qui allait être menée. Les faits me donnent aujourd’hui raison, et croyez bien que je le regrette. En effet, cette campagne 2013 est sans aucun doute la plus dure que les établissements publics de santé aient eu à connaître. Il s’agit d’une baisse jamais vue jusqu’alors et profondément inégalitaire, puisqu’elle a été trois fois plus importante pour les établissements publics que pour les cliniques commerciales, alors même que les prix ne sont toujours pas uniformisés. En effet, faut-il le rappeler, les prix pratiqués dans les hôpitaux comprennent l’ensemble des prestations, alors que les tarifs des établissements privés commerciaux n’incluent pas la rémunération des médecins ni même certains actes, notamment les actes de biologie. Très concrètement, cette baisse tarifaire de 0,84 % correspond à un effet brut de baisse de ressources d’environ 300 millions d’euros pour le secteur public et para-public.
Si je pense nécessaire, madame la ministre, de réformer la tarification à l’activité afin de parer au danger inflationniste que nous avions pointé dès son instauration, je refuse que cela se fasse au détriment des populations, des territoires et des personnels. La régulation prix-volume telle que vous la menez et la campagne tarifaire dont je viens de parler vous permettent en réalité de poursuivre la convergence tarifaire entre le public et le privé, à laquelle le PLFSS pour 2013 avait pourtant mis fin.
Pour toutes ces raisons, comme l’a souligné Dominique Watrin, nous ne pouvons soutenir les objectifs de recettes et de dépenses affichés dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je veux le répéter ici, rien n’est écrit d’avance. J’ai entendu certains de nos collègues, lors des questions cribles consacrées aux médicaments, indiquer qu’ils espéraient pouvoir enfin examiner la partie du PLFSS relative aux dépenses. Je les rassure : nous aussi, nous aimerions l’examiner. Mais pour cela, il faudrait changer de cap et prendre en compte de nouveaux financements, afin d’alimenter plus généreusement les recettes. C’est ce que nous avons tenté de faire au travers de nos amendements, en évitant le couperet de l’article 40 de la Constitution.
L’adoption de nos amendements changerait la physionomie de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et apporterait une bouffée d’oxygène salutaire. J’espère qu’il en sera ainsi, mais j’avoue en douter quelque peu. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans un contexte économique et social particulièrement difficile, le Gouvernement affiche l’ambition d’assurer la pérennité de notre système de protection sociale : je m’en félicite.
Je tiens en particulier à souligner que, pour la deuxième année consécutive, le secteur médico-social est l’une de ses priorités.
En effet, l’ONDAM médico-social connaît de nouveau, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, une progression plus soutenue que celle de l’ONDAM dans son ensemble. Il devrait s’établir, pour l’année prochaine, à 17,6 milliards d’euros. Le secteur est donc préservé.
Le taux de croissance de l’ONDAM médico-social se maintient à un niveau satisfaisant, de l’ordre de 3 %. Ce taux est supérieur de 0,6 point à celui de l’ONDAM général, qui couvre essentiellement les dépenses de santé et qui est de l’ordre de 2,4 %.
D’emblée, je veux saluer la mise en œuvre du troisième plan Autisme, qui est tout à votre honneur, madame la ministre, et à celui du Gouvernement.
M. Claude Domeizel. Très bien !
M. Ronan Kerdraon. Le budget consacré aux personnes âgées s’élèvera à 9,3 milliards d’euros, contre 8,39 milliards d’euros l’année dernière. Les personnes handicapées font également l’objet d’une attention particulière, le budget qui leur est dédié passant de 8,72 milliards d’euros en 2013 à quelque 9,5 milliards d’euros. À cet égard, je rappelle, mes chers collègues, les dispositions du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites concernant les personnes handicapées et – j’insiste sur ce point – leurs aidants ou accompagnants.
Si l’on ajoute à cette enveloppe les ressources propres que mobilisera la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, et qui contribuent à former l’objectif global de dépenses, ce sont en tout 18,8 milliards d’euros qui seront consacrés l’année prochaine au financement des établissements et services médico-sociaux. La hausse atteint 3,2 %, soit 584 millions d’euros : cela permettra de financer des créations de places, de revaloriser de 1 % les moyens dévolus aux places et aux services existants et de mettre en œuvre les engagements du plan Alzheimer, ainsi que ceux concernant la médicalisation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD.
Ce sont 15 millions d’euros qui seront destinés à l’achèvement du plan Alzheimer, dont je tiens à souligner l’élargissement du périmètre à l’ensemble des maladies neuro-dégénératives.
Pour 2014, les crédits dévolus à ce secteur permettront tout d’abord de poursuivre un certain nombre de chantiers d’envergure. Ainsi, le plan d’aide à l’investissement engagé pour accompagner la rénovation des établissements sera à nouveau abondé. L’article 47 du projet de loi prévoit de déléguer aux agences régionales de santé la compétence en matière de gestion de ces enveloppes. Il s’agit d’une avancée très positive, qui permettra d’assouplir le fonctionnement du dispositif et de répondre aux attentes les plus fortes de nos territoires.
S’agissant spécifiquement des personnes âgées en perte d’autonomie, je relève les progrès du plan de médicalisation des établissements d’hébergement. Il faudra certainement envisager de dresser un bilan en fin d’année, dans le cadre de la loi de programmation, afin d’ajuster son financement en améliorant son efficacité.
Je dois néanmoins formuler un regret concernant la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA. Cette contribution avait été créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 afin d’alimenter le budget de la CNSA. Or, pour la seconde année, elle va alimenter le Fonds de solidarité vieillesse, même si nos collègues de l’Assemblée nationale ont adopté un amendement judicieux, tendant à affecter 100 millions d’euros à la CNSA. En 2015, en revanche, elle reviendra intégralement à la CNSA : sans mauvais jeu de mots, c’est un retour à la casa…
M. Georges Labazée. Oui, en espagnol !
M. Ronan Kerdraon. C’est une bonne nouvelle !
Parallèlement, le développement de l’offre dans le cadre du plan Solidarité grand âge se poursuit. Il faut aujourd’hui mettre l’accent sur les structures de répit, avec les places d’hébergement temporaire et d’accueil de jour. Elles sont particulièrement précieuses aux aidants.
À ce stade de mon propos, je tiens à saluer l’annonce du projet de loi d’orientation et de programmation portant sur l’adaptation de notre société au vieillissement. Prévu pour 2014, ce texte viendra concrétiser un engagement fort du Président de la République.
Fondée sur trois rapports remis au Premier ministre le 11 mars dernier par le docteur Aquino, Mme Martine Pinville, députée de la Charente, et M. Luc Broussy, le projet de loi d’orientation et de programmation promis s’appuiera sur trois piliers : l’anticipation, l’adaptation et l’accompagnement, ce que l’on appelle le « AAA+ » ; les agences de notation n’ont rien inventé !
Je veux souligner le choix fait de ne pas envisager la question du vieillissement à travers le seul prisme de la dépendance. Vouloir légiférer sur ce seul sujet aurait été méconnaître l’ensemble des défis qui se posent à notre société en matière de vieillissement. Ce projet de loi est aussi bien social qu’économique : comme l’a rappelé le Premier ministre, le vieillissement représente un levier formidable en termes d’emploi, de développement industriel et de croissance.
Un premier progrès a été réalisé dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 : les moyens existants dans les établissements et services médico-sociaux seront renforcés. Ainsi, 130 millions d’euros seront dédiés à la médicalisation des EHPAD, dont 10 millions d’euros qui viendront financer la réouverture du tarif global en EHPAD.
Cette disposition va dans le bon sens, mais sans doute faut-il aller plus loin. Les EHPAD sont à 69 % financés sur la base du groupe iso-ressources moyen pondéré soins, le GMPS. Or l’état des lieux de ces établissements montre qu’ils accueillent une population de moins en moins autonome et dont les besoins en soins augmentent. La CNSA apporte d’ailleurs la précision suivante : « Techniquement, cela se traduit ces cinq dernières années par une augmentation des composantes du GMPS : le GIR moyen pondéré (GMP) et le pathos moyen pondéré (PMP). Le GMP est passé de 677 à 717, signe que la dépendance des résidents s’accroît, et le PMP de 181 à 198, signe que la charge en soins s’alourdit. »
Aussi l’effectif de personnels de soins en EHPAD doit-il être à la hauteur du nombre de patients, sachant que les professionnels concernés sont très majoritairement des aides-soignants, des aides médico-psychologiques et des infirmiers.
J’attire également votre attention, mes chers collègues, sur la nécessité qu’il y a, selon moi, à clarifier la gouvernance des EHPAD.
Au sein du secteur médico-social, des marges de manœuvre existent pour faire encore mieux travailler entre eux les intervenants auprès des personnes âgées dépendantes. Une clarification de la tarification des EHPAD est donc attendue. Dans le cadre de la modernisation de l’action publique, une refonte de la tarification des établissements accueillant des personnes handicapées vient d’être engagée : je souhaite qu’il en aille de même pour ceux hébergeant des personnes âgées.
Ma seconde préoccupation porte, comme les années précédentes, sur la sous-consommation chronique de l’objectif global de dépenses, qui concerne essentiellement le secteur des personnes âgées. Les améliorations apportées au calendrier de la procédure budgétaire devraient contribuer à limiter cette sous-consommation dans les années à venir, et je partage totalement ce qu’a écrit Georges Labazée sur le sujet.
La stratégie nationale de santé et la mise en œuvre de ses premières mesures représentent un autre grand projet de l’année 2014. Le remboursement des actes en lien avec la prescription d’un contraceptif aux mineures de plus de 15 ans est, en particulier, une excellente chose.
Par ailleurs, la santé des étudiants étant un sujet qui me tient particulièrement à cœur, je présenterai des amendements visant à améliorer leur protection sociale.
Les jeunes sont certes moins malades que le reste de la population, mais ce fait ne doit en aucun cas constituer une excuse à la dégradation des services sanitaires et sociaux qui leur sont dédiés.
L’aménagement des critères d’accès à l’ACS et à la CMU-C permettrait aux jeunes précaires, boursiers ou sans emploi d’obtenir ces aides.
Depuis des années, le niveau de vie des jeunes recule sous les effets de la crise. Ainsi, la part d’étudiants vivant sous le seuil de pauvreté est de 20,3 %, contre 14,3 % pour la population générale. La dégradation de leurs conditions de vie a des effets notables sur leur santé : le renoncement aux soins par les jeunes est devenu, depuis plusieurs années, une triste réalité. Ainsi, en 2011, 34 % des étudiants ont renoncé à des soins, contre 25 % en 2005.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et la future loi de santé publique constituent à mon sens de réelles occasions de traduire nos propositions en actes.
Mon premier amendement tend à créer un article additionnel après l’article 44. Comme énoncé dans la stratégie nationale de santé, le tiers payant devra être généralisé d’ici à 2017 pour faciliter l’accès aux soins de ville. Dans une optique de montée en charge progressive du dispositif, et afin de lutter contre le renoncement aux soins par les jeunes, je propose de les faire bénéficier du tiers payant dès 2014. Je rappelle que, en 2012, le Gouvernement avait suggéré de lancer, à partir de 2013, des expérimentations de tiers payant généralisé pour les jeunes dans trois villes universitaires.
Le second amendement vise, à l’article 45 du projet de loi, à expliciter la notion d’« étudiants précaires et isolés ». Conformément aux dispositions de l’article L. 821-1 du code de l’éducation, la collectivité nationale accorde aux étudiants des prestations qui sont dispensées notamment par le réseau des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les CROUS. Elle privilégie l’aide servie à l’étudiant sous condition de ressources, afin de réduire les inégalités sociales. En termes de complémentaire santé, les étudiants sont statistiquement trois fois moins couverts que la population générale : 19 % d’entre eux ne sont pas affiliés à une complémentaire santé.
Pour conclure, madame la ministre, je veux vous dire combien nous partageons vos ambitions ; pour atteindre vos objectifs, vous pouvez compter sur le soutien de l’ensemble du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Je voudrais rappeler que la commission des affaires sociales se réunira à la suspension de la séance afin de poursuivre l’examen des amendements.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2014.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après l’exposé magistral d’Alain Milon, qui a développé l’analyse du groupe UMP sur ce PLFSS, je me bornerai à évoquer les entreprises, en une période où la situation économique de notre pays est – c’est le moins que l’on puisse dire – très inquiétante.
En moins de huit jours, plusieurs plans sociaux ont été annoncés par de grandes entreprises : Fagor, le Crédit immobilier de France, Alstom, Alcatel, La Redoute… Plus de 6 000 emplois seront ainsi supprimés à court terme. En outre, un cri d’alarme a été lancé par les petites entreprises, réunies au sein de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises, la CGPME, de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB, et de l’Union professionnelle artisanale, l’UPA. Ces PME et ces artisans et commerçants indépendants représentent 1,3 million d’entreprises, soit 37 % du total des entreprises de notre pays, 380 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 150 000 emplois offerts chaque année.
Malgré cette situation, le Gouvernement persévère avec constance, et même avec entêtement, dans la voie de l’augmentation des charges. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale en est l’illustration.
Ainsi, l’article 8 prévoit la taxation rétroactive des produits de placement adossés à l’activité, ce qui ruinera la confiance des petits épargnants et détournera l’épargne du financement du secteur productif.
L’article 9 prévoit le financement du complément de retraite des agriculteurs par un prélèvement sur les distributions – pompeusement appelées dividendes –, même opérées par les travailleurs individuels à l’égard de leurs conjoints et enfants, alors que le Président de la République avait promis de recourir à la solidarité nationale.
L’article 15 ter prévoit une augmentation de 9 % à 14 % du taux de taxation sur les contrats d’assurance complémentaire santé qualifiés de « non responsables ».
L’article 10 prévoit le déplafonnement des cotisations d’assurance vieillesse des travailleurs indépendants. Cette disposition vient s’ajouter aux mesures adoptées l’année dernière – suppression de l’abattement de 10 % et déplafonnement de la cotisation maladie –, qui représentaient déjà une charge d’un milliard d'euros, sans parler des dysfonctionnements du régime social des indépendants, le RSI.
L’augmentation de 0,15 % du taux de la cotisation patronale au titre des retraites est compensée par une réduction équivalente de leur cotisation au titre des allocations familiales. Cette décision illustre la démarche, presque érigée en système, du Gouvernement : un pas en avant, un pas en arrière. Elle contribuera surtout au démantèlement de la politique familiale qui a fait la force de notre pays au cours des dernières années.
J’en viens enfin au fameux article 12 ter, que plusieurs orateurs ont déjà évoqué. Cet article invraisemblable, occultant la récente décision du Conseil constitutionnel, prévoit de surtaxer de 8 % ou de 14 %, selon la taille de l’entreprise, les contrats d’assurance complémentaire santé qui ne suivraient pas la recommandation qu’il formule. Nous reviendrons sur l’effet pervers de cette mesure, mais elle vise manifestement à contourner une décision de la plus haute juridiction de notre pays, sous couvert, prétendument, d’ouvrir la concurrence, alors que les entreprises qui ne suivront pas la recommandation seront surtaxées.
Cette avalanche de mesures, qu’il conviendrait de chiffrer, manifeste clairement que ce sont une fois de plus les entreprises, et surtout les petites entreprises – j’insiste sur le déplafonnement des cotisations des petits commerçants et des artisans –, qui sont touchées. Cela annonce un ralentissement de l’activité économique et une augmentation des dépôts de bilan.
Cela fait beaucoup pour un seul texte, et reflète une absence totale de cohérence, de lisibilité et de stabilité fiscale. Or chacun sait, ou devrait savoir, que ces trois éléments sont incontournables pour que les entreprises innovent, investissent et créent des emplois. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant qu’une agence de notation ait dégradé de nouveau la note de la France.
En conclusion, mes chers collègues, malgré les annonces du Gouvernement, la reprise d’une croissance forte n’est pas pour demain : il s’agit d’un vœu pieux, qui relève de la méthode Coué. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je consacrerai mon intervention à la branche AT-MP, dont le budget pour 2014 se situe dans le prolongement de ceux des années passées, sans réforme spécifique.
Le budget de la branche AT-MP s’inscrit dans un contexte de diminution du nombre de sinistres à traiter, mais, dans la mesure où cette diminution est à mettre en lien avec une régression de l’activité industrielle depuis 2008, ce n’est pas forcément un motif de satisfaction. Le nombre d’accidents de trajet a diminué en 2012, après une hausse continue pendant cinq ans. Les maladies professionnelles connaissent quant à elles une évolution plus contrastée : une hausse entre 2006 et 2011, puis une baisse en 2012.
Pour la deuxième année consécutive, il est prévu que les comptes de la branche AT-MP soient à l’équilibre. Rappelons toutefois que, encore excédentaires en 2008, à hauteur de 241 millions d’euros, ils ont enregistré des déficits considérables entre 2009 et 2012 : leur déficit cumulé s’élève à 1,834 milliard d’euros. Depuis 2013, ils sont en voie de redressement, avec un excédent de 290 millions d’euros en 2013 et une prévision de 68 millions d’euros d’excédent pour 2014.
Il faut noter que ce redressement est passé par une hausse de 0,05 % des cotisations – qui sont exclusivement à la charge des employeurs – en 2013. Il convient aussi de rappeler que la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de la branche AT-MP en 2011 et en 2012, en raison de difficultés persistantes, « notamment en ce qui concerne les insuffisances du contrôle interne quant aux ressources issues des cotisations des employeurs ». La situation est donc contrastée, même si elle est globalement positive.
La branche AT-MP pèse d’un poids modeste dans l’ensemble des dépenses des régimes de base de la sécurité sociale, mais elle reste cependant un des piliers de notre système de protection sociale, et sa relative bonne santé actuelle ne doit pas occulter les problèmes qui risquent de la mettre à mal demain. Elle doit faire face à deux enjeux principaux, au titre desquels des réformes importantes ont été engagées ces dernières années, produisant déjà des effets positifs. Ces réformes doivent se poursuivre, sans être entravées par de nouvelles charges dont l’impact n’est pas suffisamment pris en compte, voire mesuré. Des évaluations sont en cours et des groupes travaillent sur les orientations à approfondir, notamment en matière d’harmonisation des appréciations entre médecins et tribunaux pour la prise en compte des risques socioprofessionnels.
Les missions fondamentales de la branche restent l’amélioration de la prévention et l’adéquation de la réparation. La prévention vise à faire diminuer la fréquence et la gravité des sinistres d’origine professionnelle : elle est cruciale dans un contexte où, pour le seul régime général, 1 100 000 accidents du travail et maladies professionnelles ont été reconnus en 2012, près de 70 % d’entre eux ayant donné lieu à un arrêt de travail. Les outils de la prévention, qui doivent encore être améliorés, se déclinent au travers de l’élaboration de normes de sécurité, du contrôle de leur respect et de la mise en œuvre d’incitations financières au développement d’actions de prévention par les employeurs.
La prochaine convention d’objectifs et de gestion pour la période 2014-2017 poursuivra la mise en œuvre des actions engagées, sur la base d’une meilleure articulation des opérateurs nationaux, régionaux et départementaux. Elle devrait également prolonger l’amélioration de la prise en compte de l’historique individuel de la sinistralité de chaque entreprise et des investissements visant à améliorer la sécurité des travailleurs, afin d’adapter la tarification des cotisations aux efforts consentis.
Cependant, la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, autre mission fondamentale à développer, voit son champ s’élargir, ce qui alourdit la charge financière supportée par la branche. Celle-ci a déjà dû assumer la montée en régime des prestations liées aux pathologies découlant de l’exposition des travailleurs à l’amiante, qui ont encore représenté près de 19 % de ses charges en 2012.
Rappelons pour mémoire que, en 2001, le financement du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante prévoyait une dotation annuelle de l’État. Cependant, pour la deuxième année consécutive, l’État ne débloque aucune dotation pour ce fonds, alors que la dotation de la branche AT-MP a quasiment triplé. En effet, à la fin de l’année 2012, le Gouvernement, notant que le fonds de roulement du FIVA était de 350 millions d’euros, pour un montant de dépenses estimé de 390 millions d’euros, a supprimé sa dotation. On prévoyait alors que le fonds de roulement serait encore de 142 millions d’euros à la fin de 2013 ; mais ce n’est pas le cas. Le FIVA dispose aujourd’hui de soixante-quinze équivalents temps plein, ce qui ne semble toujours pas suffisant, malgré les efforts réalisés, et même si le nombre de victimes a énormément diminué.
L’excédent de 60 millions d'euros envisagé pour la fin de l’année 2014 semble très hypothétique. Cette situation inquiète fortement les acteurs de la branche, qui affirment qu’ils n’accepteront pas un tel budget. Il serait sans doute souhaitable qu’une participation de l’État, même symbolique, vienne témoigner de son engagement dans ce dossier. Il me semble que cela relève d’une obligation morale.
La branche AT-MP doit parallèlement faire face à la progression rapide de maladies professionnelles comme les troubles musculo-squelettiques, qui représentent près de 80 % des maladies conduisant à un arrêt de travail. En outre, la réforme des retraites de 2010 a institué un dispositif de retraite anticipée dès 60 ans pour les personnes victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle entraînant une incapacité d’au moins 10 % ; cette charge repose elle aussi sur la branche AT-MP.
Aujourd’hui, c’est le compte de prévention de la pénibilité prévu par le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites qui risque d’avoir une forte incidence sur le fonctionnement des services, d’autant qu’il n’a pas été pris en compte dans les priorités définies par la convention d’objectifs et de gestion. Il y a encore trop de flou et d’incertitudes, ce qui alimente les interrogations et les inquiétudes sur la répartition entre les services et la définition des moyens de la mise en œuvre du compte de prévention de la pénibilité. Cette charge supplémentaire ne doit pas nuire aux missions de prévention qui ont permis une réduction régulière du nombre des accidents du travail depuis dix ans, ni aux actions visant à la réinsertion professionnelle, pour lesquelles des projets sont en cours.
Malgré toutes ces charges supplémentaires, la branche AT-MP reste légèrement excédentaire, à hauteur de 100 millions d’euros, mais des inquiétudes se profilent quant au maintien de sa viabilité financière. Des progrès sont toutefois à relever : je pense en particulier aux économies de gestion qui seront réalisées grâce à l’unification de la gestion des régimes maladie et accidents du travail des non-salariés agricoles au sein de la Mutualité sociale agricole, la MSA, et à la reprise par la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, de la gestion des dettes et créances internationales d’assurance maladie. Cependant, il ne faudra pas tarder à affecter les moyens nécessaires à ces transferts.
Des économies de gestion découleront également de la modernisation du fonctionnement de la branche et des procédures, permettant de simplifier la vie des assurés et des employeurs, ainsi que de la montée en charge de la dématérialisation des documents administratifs et des mutualisations de moyens. L’ensemble de ces mesures devraient permettre d’économiser 200 millions d’euros sur les dépenses de gestion en 2014.
Je relèverai également le vote, par nos collègues députés, d’un amendement tendant à instaurer davantage d’égalité et de justice, pour le bénéfice de l’accompagnement d’une tierce personne dans la vie quotidienne, par l’alignement du taux d’incapacité requis pour les non-salariés agricoles sur celui en vigueur pour les salariés.
Comme l’a indiqué Jean-Pierre Godefroy, nous présenterons, pour compléter le travail réalisé à l’Assemblée nationale, un amendement dont l’objet est de maintenir la garantie complémentaire de santé des personnes titulaires de l’ACAATA, l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, après la rupture de leur contrat de travail avec l’employeur, afin, là aussi, de prendre en compte de la manière la plus juste une réalité où une difficulté s’ajoute parfois à une autre.
Voilà, madame la ministre, chers collègues, ce que l’on peut dire sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Bien qu’elle soit bénéficiaire, des réponses précises sont nécessaires pour assurer sa pérennité et le maintien de ses missions fondamentales, la prévention des risques socioprofessionnels en particulier. Bien entendu, notre groupe votera ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. René-Paul Savary. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur le volet médico-social de ce PLFSS qui se caractérise principalement par l’absence de propositions visant à clarifier les relations entre partenaires, par exemple entre l’État, les caisses d’assurance maladie et les conseils généraux.
Cela est particulièrement flagrant, me semble-t-il, en ce qui concerne la politique de la famille et celle de la dépendance.
S’agissant de la politique de la famille, nous présenterons des amendements à l’article 45. Vous voyez, madame la ministre, que nous avons des propositions à faire ! (M. Roland Courteau rit.)
Il est temps de clarifier les rapports entre caisses d’assurance maladie et conseils généraux, notamment en ce qui concerne la protection maternelle et infantile, la PMI.
À ce sujet, les caisses d’assurance maladie doivent prendre en compte, dans leurs nomenclatures, les actes médicaux et paramédicaux réalisés par les professionnels de santé de la PMI. Par exemple, est-il normal que le renouvellement de la contraception ou les vaccins ne soient pas pris en charge au même taux que lorsqu’ils sont prescrits dans le cadre de la médecine de ville ou à l’hôpital ? Des dépenses sanitaires sont ainsi mises à la charge des conseils généraux.
Un autre exemple, qui illustre bien l’absence de clarification des relations entre partenaires, nous est donné par le Fonds national de financement de la protection de l’enfance.
Je tiens à rappeler une fois encore – il est parfois important de rabâcher si l’on veut arriver à ses fins – que les étrangers mineurs isolés représentent une charge annuelle de l’ordre de 250 millions d’euros pour les conseils généraux et que l’immigration s’accroît significativement. Or cette problématique relève d’une politique d’État plus que d’une politique familiale : j’en veux pour preuve que c’est Mme la garde des sceaux qui mène la négociation avec les départements.
On estime à 8 000 le nombre de mineurs étrangers isolés résidant en France actuellement, le flux des entrées étant de 4 000 par an. Nous sommes bien loin des 1 500 mineurs qui ont été proposés à la répartition entre les départements… C’est à l’État qu’incombe, nous semble-t-il, d’assurer la prise en charge de ces jeunes, en s’appuyant sur les conseils généraux, et non l’inverse. Je soutiendrai l’intéressante proposition de loi que M. Arthuis présentera bientôt sur le sujet.
En ce qui concerne la prise en charge des personnes dépendantes, le groupe UMP fera également des propositions au travers d’un certain nombre d’amendements.
La contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, est davantage destinée, comme son nom l’indique, au financement du volet médico-social de la prise en charge de la dépendance qu’à celui de son volet sanitaire. De même, le rôle des caisses d’assurance maladie est de prendre en charge les dépenses de santé, alors qu’il revient aux conseils généraux, par le biais de l’APA, d’assumer les dépenses liées à la prise en charge de la dépendance.
Comme Alain Milon l’a déjà annoncé, notre groupe présentera un amendement visant à ce que le produit de la CASA soit affecté à l’aide pour l’autonomie en totalité, par le biais de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Il y en a assez des détournements de fonds aux dépens des conseils généraux !
Madame la ministre, nous ferons également un certain nombre de propositions en matière de coordination de la dépense publique. Afin de mieux maîtriser l’évolution de la masse salariale dans les établissements médico-sociaux, nous soutiendrons des amendements visant à accorder aux articles du code de l’action sociale et de la famille la primauté sur les articles concernant la procédure d’agrément des conventions collectives.
Par ailleurs, l’APA est devenue trop lourde pour les budgets des départements. Il sera donc proposé de maintenir en 2014 les montants de l’objectif global des dépenses prévu par le Gouvernement, pour mieux compenser les dépenses des départements au titre de l’APA. À ce sujet, soulignons que les dispositions du projet de loi de finances sont particulièrement décevantes s’agissant de la compensation des dépenses de solidarité. Je ne suis pas sûr que les engagements qui ont été pris soient véritablement tenus.
Nous ferons enfin des propositions d’économies, au travers de deux amendements importants. Le premier a pour objet la mutualisation des appels à projets dans le cadre de la transformation pour extension des capacités des établissements médico-sociaux. Le second vise à réaliser des économies en permettant à plusieurs services complémentaires gérés par le même organisme de procéder à une évaluation externe commune.
En conclusion, voici ce qui, à mon sens, caractérise ce PLFSS pour 2014, comme d’ailleurs celui de l’an dernier : toujours plus de prélèvements et pas plus de services rendus, aucune clarification de la répartition des compétences et des coûts, pas de volonté de rechercher des économies pourtant indispensables afin de pouvoir élaborer la loi sur l’autonomie. Le réalisme budgétaire devrait l’emporter sur l’idéalisme !
Plutôt que de critiquer, tirons les leçons des initiatives avortées ou mal perçues, telle la réforme de la prise en charge de la dépendance abandonnée voilà quelques années ou celle des retraites, rejetée voilà seulement quelques semaines.
Pour être clair, madame la ministre, l’absence de prévisions budgétaires pour la future loi sur l’autonomie fait redouter un jugement sans appel par le Sénat, à l’instar de celui que nous avons porté sur la réforme du système de retraites, rejetée par 346 voix contre zéro ! Les bonnes intentions ne suffisent pas toujours, et le PLFSS pour 2014 va subir une sanction émanant de tous les bords. Or, quand une loi n’est pas acceptée par les sénateurs, elle a toutes les chances de ne pas l’être par les citoyens, et a fortiori par les contribuables ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’avais eu l’occasion, au cours du débat sur le projet de loi relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes, de m’inquiéter de la détérioration des conditions d’accès à l’IVG et de la persistance, voire de la résurgence, d’un climat hostile à l’IVG dans des milieux intégristes parfois présents au sein des services hospitaliers. Je vise là non pas les patientes ou leurs maris, mais les équipes médicales.
Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a remis la semaine dernière à Mme Vallaud-Belkacem un rapport relatif à l’accès à l’IVG dans les territoires, qui identifie une série d’obstacles et formule plusieurs propositions.
J’évoquerai tout d’abord ce qui relève en quelque sorte de la dissuasion.
La loi Veil évoque l’état de « détresse » de la femme qui demande une IVG. Elle impose un délai de réflexion de sept jours et accorde aux personnels médicaux une « clause de conscience » spécifique à l’IVG, alors que la possibilité de recourir à une telle clause existe déjà pour tous les personnels soignants et pour l’ensemble des actes médicaux.
On peut comprendre que, au moment de l’adoption de la loi Veil, pour laquelle, rappelons-le, le vote des parlementaires de gauche avait été déterminant, la ministre, n’ayant pas le soutien de sa majorité, ait dû faire quelques concessions.
Aujourd’hui, ces concessions n’ont plus lieu d’être. Le consensus politique a progressé,…
M. Philippe Bas. Je ne sais pas si l’on peut parler de consensus…
Mme Laurence Rossignol. … les passions, si l’on excepte des groupuscules certes hyperactifs, mais fort marginaux, se sont apaisées.
M. Jean-Claude Lenoir. Au Sénat en particulier !
Mme Laurence Rossignol. L’approche culpabilisante de l’IVG doit donc disparaître : personne ne peut juger si une femme qui demande une IVG est en état de détresse. Il n’y a pas davantage d’assignation à la souffrance des femmes qui avortent : pour certaines, c’est une douleur, pour d’autres non. Rien, si ce n’est la volonté de provoquer et d’entretenir la culpabilité, ne justifie que cette notion de « détresse » reste inscrite dans la loi.
De même, les femmes qui avortent sont maîtres de leur choix, et le délai de réflexion de sept jours est une disposition spécifique et infantilisante. La double clause de conscience n’a désormais pas davantage de justification.
Le rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes identifie, dans certains territoires, un parcours d’accès à l’IVG difficile, pouvant déboucher sur des dépassements de délai et une obligation de pratiquer l’IVG à l’étranger.
L’offre de soins, qui s’est dégradée sous le double effet de la fermeture de 130 centres IVG au cours des dix dernières années…
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est dramatique !
Mme Laurence Rossignol. … et du vieillissement de la population médicale, en outre moins militante, ne garantit aujourd’hui à toutes les femmes qui en ont besoin ni un accès rapide et de proximité à l’IVG, ni le choix de la méthode d’IVG et d’anesthésie, ni la gratuité et la confidentialité.
Parmi les recommandations du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, j’en ai retenu quelques-unes, madame la ministre, qui relèvent directement de votre compétence et de l’organisation de l’offre de soins.
Pour contourner les problèmes de démographie médicale ou de résistance idéologique, il est temps de permettre à des personnels non-médecins de délivrer la première attestation. J’ajouterai que l’on pourrait, comme elles-mêmes le suggèrent d’ailleurs, ouvrir aux sages-femmes le droit de pratiquer l’IVG médicamenteuse.
Deux autres propositions me semblent devoir également être soutenues.
Il s’agit, tout d’abord, de faire respecter l’article R. 2212-4 du code de la santé publique, qui impose la pratique de l’IVG à tous les établissements disposant d’un service de gynécologie ou de chirurgie. En complément, il importe d’attribuer à l’activité IVG les moyens financiers nécessaires. Recourir à la procédure contractuelle nous permettrait d’avancer en la matière.
Ensuite, la réflexion doit continuer sur les questions soit de revalorisation du forfait, soit de déforfaitisation de l’acte d’IVG. Je ne trancherai pas ce débat.
Madame la ministre, mes chers collègues, l’IVG est somme toute un événement assez courant dans la vie d’une femme, puisqu’elle concerne une femme sur trois à un moment donné de sa vie, sans distinction d’âge, de milieu social ou d’opinions philosophiques. Néanmoins, elle demeure toujours un droit à part. Quarante ans après la loi Veil, il est temps que l’IVG soit juste un droit garanti à toutes les femmes. Déculpabiliser les femmes, dédramatiser les choix, démarginaliser la pratique médicale : voilà ce qu’il reste encore à faire. Je souhaite, avec beaucoup de mes collègues, que ces points soient abordés prochainement dans un projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Gilbert Barbier. Combien en avez-vous pratiqué, d’IVG ?
Mme Laurence Rossignol. Cette question n’a pas sa place dans ce débat ! Ne m’interpellez pas à ce sujet, cela ne vous regarde pas ! Une telle question est totalement déplacée dans cet hémicycle ! C’est scandaleux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Cela mériterait un rappel au règlement !
Un sénateur du groupe UMP. Il faut garder ses nerfs !
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a cinq ans, je présentais, à la demande du Président de la République Nicolas Sarkozy, un rapport sur les missions de l’hôpital public, fruit d’une vaste concertation. Notre objectif était de garantir à tous les Français un service de santé de qualité, offrant en toute sécurité des soins accessibles à tous.
De longs débats ont ensuite été nécessaires pour adopter la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, dont Alain Milon a été le rapporteur au Sénat. L’objectif qui était alors le nôtre demeure aujourd’hui : donner un cap et un sens à la politique hospitalière et lui offrir une ambition.
Cette ambition, ce cap, cette vision sont-ils aujourd’hui au rendez-vous ? Permettez-moi d’en douter, madame la ministre. Je constate en effet, avec beaucoup d’autres, qu’il s’agisse des représentants des professionnels de santé, des différentes fédérations ou encore du monde libéral, industriel, mutualiste et assurantiel, que les mesures inscrites dans ce texte sont en décalage par rapport aux objectifs visés. Quelques illustrations suffisent à s’en convaincre.
J’évoquerai tout d’abord l’évolution de la tarification à l’activité. Le Gouvernement nous dit que le système de tarification n’est pas adapté à la coopération des établissements et des professionnels de santé, pas plus qu’au travail en réseau et en filières. Je peux souscrire à ce constat, mais où est la réforme ambitieuse du modèle de tarification que nous évoquions ici il y a un an ?
Ce projet de loi se limite en fait à des mesures ponctuelles, complexes, souvent technocratiques et parfois très idéologiques, à l’image du dispositif relatif à la dégressivité tarifaire. Comme le démontraient encore récemment nos collègues Milon et Le Menn, le véritable enjeu est de construire un modèle de financement pluriannuel de prises en charge coordonnées à l’échelle d’un territoire. Je milite pour que des expérimentations soient menées à une échelle suffisante, sur une ou plusieurs interrégions.
L’investissement est une question majeure, car investir, c’est préparer l’avenir. Aujourd’hui, le choix qui est fait est celui du gel des investissements hospitaliers, puisque les sommes mises sur la table ne suffiront pas au renouvellement courant des bâtiments et des matériels. Surtout, madame la ministre, je voudrais savoir pourquoi le Gouvernement a choisi de centraliser les décisions d’investissement et de les confier à des instances bureaucratiques qui nous font revenir des décennies en arrière, comme le comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins, hors la présence des élus des territoires et des hospitaliers !
De tels choix ne me paraissent pas de bon augure, d’autant que cette situation financière et patrimoniale est aggravée par les choix idéologiques faits par le Gouvernement au travers de la loi Duflot, véritable OPA sur le patrimoine des hôpitaux. D’ailleurs, un hôpital est-il un établissement public local ou national ? Le rapport Pêcheur semble considérer qu’un hôpital est un établissement public national, alors que telle n’était pas l’intention du législateur.
M. Jean-Claude Lenoir. Exactement !
M. Gérard Larcher. Mes chers collègues, nous ne pouvons pas, ici au Sénat, chambre représentant les territoires, faire l’économie d’un débat sur le statut des établissements publics de santé : sont-ils locaux, territoriaux ou nationaux ? C’est un sujet majeur, parce que nous avons le sentiment que, de texte en texte, c’est le territoire que l’on abandonne progressivement, dans le cadre d’une forme de recentralisation qui m’apparaît extrêmement dangereuse ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous y êtes pour quelque chose ! Qui a fait la loi HPST ?
M. Gérard Larcher. La loi HPST n’a jamais disposé que les établissements publics de santé sont nationaux ! J’en sais quelque chose, pour avoir contribué à l’élaboration de ce texte.
Au-delà de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, la question que je soulève aujourd’hui est celle de la cohérence et de l’ambition de la politique hospitalière et médico-sociale du Gouvernement.
Je voudrais souligner l’oubli, dans ce texte, du secteur de la santé mentale, que l’on traite, en quelque sorte, comme l’ancien hôpital général ! Il nous faut, mes chers collègues, nous interroger tous sur la situation de la santé mentale dans notre pays.
M. Philippe Bas. Très bien !
M. Gérard Larcher. Notre système de santé me paraît devoir aujourd’hui reposer plutôt sur la confiance que sur la méfiance. Or j’ai bien le sentiment que c’est la méfiance qui prévaut. Voilà pourquoi je réclame le droit à l’expérimentation, mais aussi une réflexion sur les agences régionales de santé, afin qu’elles ne soient pas une instance bureaucratique de plus, mais qu’elles jouent véritablement un rôle de régulateur et de facilitateur, en s’occupant de l’essentiel.
Enfin, je voudrais attirer votre attention, madame la ministre, sur la situation des établissements de santé ultramarins. Pour avoir exercé jadis des responsabilités nationales dans le domaine hospitalier, je dois vous dire que ces établissements et leurs spécificités me paraissent aujourd’hui négligés, alors même qu’ils remplissent une mission essentielle dans nos départements et collectivités d’outre-mer. Voilà pourquoi je souhaite qu’une cellule interministérielle dédiée au suivi de ces établissements soit mise en place.
Dans son rapport intitulé « Innovation 2030 », Anne Lauvergeon écrivait que la santé serait au cœur des innovations de demain, sous réserve que ce secteur soit suffisamment valorisé et qu’une politique cohérente en matière de recherche et de soutien aux innovations soit menée. Tout cela me paraît beaucoup plus important que de relancer les « guéguerres » permanentes entre secteur public et secteur privé. Ce qui compte, c’est de répondre d’une manière financièrement soutenable aux besoins de santé des Françaises et des Français. Tel est l’enjeu, me semble-t-il, d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. –M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Charon.
M. Pierre Charon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 est, lui aussi, symptomatique de la politique d’un gouvernement socialiste à la française : les entreprises et les contribuables sont plumés, les épargnants et les investisseurs dépouillés !
Pour redresser les comptes sociaux, le Gouvernement a, une fois encore, choisi d’alourdir la fiscalité, alors que nous devrions concentrer nos efforts sur une baisse de la dépense publique, poursuivre des réformes de structures pour enrayer la spirale infernale de la dette.
Le mécontentement des Français gronde : fermetures d’usines, chômage, hausse de la fiscalité… L’exécutif a mis en œuvre, depuis juin 2012, plus de quatre-vingts mesures fiscales et sociales, ce qui s’apparente à un matraquage et contribue à une exaspération devant laquelle vous ne pouvez plus rester inertes. Perte de confiance et angoisse légitime des familles s’accentuent, donnant le sentiment aux Français, mais aussi à nos voisins européens, que nous habitons un bateau ivre.
Cherchant à gratter partout, vous avez décidé et fait adopter des mesures fiscales rétroactives jusqu’en 1997, dans un premier temps, au taux unique de 15,5 % sur tous les produits d’épargne : PEA, PEL, épargne salariale, assurance vie… De quoi semer un trouble durable chez les épargnants !
Devant la fronde, après vous être obstinés en séance publique à alourdir les prélèvements sociaux sur les produits des placements, vous avez reculé, pour annoncer que seuls l’assurance vie et ses contrats multi-supports prisés par 7 millions d’épargnants seront concernés par le projet. Mais c’est encore trop ! Comble de l’insupportable, curieusement, vous avez annoncé à la va-vite que la mesure s’appliquerait avant même d’avoir été votée, à compter du mois de septembre dernier, pour éviter tout comportement d’optimisation fiscale anticipatif.
Nous contestons cette mesure pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, du point de vue de sa lisibilité, son aspect rétroactif a pour désastreuse conséquence la rupture du pacte de confiance entre gouvernants et administrés. Elle ancre l’idée d’une instabilité fiscale et laisse planer, comme l’épée de Damoclès qu’évoquait notre collègue Gérard Dériot, la possibilité d’augmenter rétroactivement, à tout moment, les prélèvements sociaux. Trop de Français quittent la France – ils sont déjà 35 000 dans ce cas –, lassés par cette fiscalité confiscatoire et entravés dans leur liberté d’entreprendre.
Ensuite, cette mesure met à mal la pédagogie de vos prédécesseurs, visant à faire de l’assurance vie une source de financement pour l’amélioration des retraites, d’une part, et, d’autre part, une réserve de capitaux pour les entreprises françaises. Elle donne le signal d’un sacrifice de l’épargne à long terme au profit de l’épargne à court terme.
Il y a là une incohérence sur laquelle vous ne pouvez fermer les yeux : un privilège serait accordé aux contrats mono-support, dont la contribution au financement des fonds propres des entreprises françaises sera de plus en plus faible, au détriment des contrats multi-supports, investis en partie en fonds d’actions, à la veille de la création d’un nouveau contrat « Euro-croissance » destiné à orienter l’épargne vers le financement en fonds propres des entreprises. L’instabilité fiscale et juridique, ainsi que la perception que peuvent avoir les épargnants de ces mesures spoliatrices, ne peuvent que fragiliser son démarrage.
Enfin, à l’inégalité de traitement entre les contribuables créée par la rétroactivité fiscale de cette mesure s’ajoute une iniquité entre détenteurs de contrats mono-support et détenteurs de contrats multi-supports investis en fonds garantis : pour un investissement sur un même fonds, les uns verront s’appliquer les prélèvements sociaux au fil de l’eau, au taux de chaque année, les autres au moment du retrait ou au décès, au dernier taux connu, dont on peut parier qu’il sera toujours plus élevé…
De telles dispositions ne peuvent rétablir la confiance ni rassurer les investisseurs qui se détournent de notre pays ; elles asphyxient notre économie. Ce sont des mesures incompréhensibles, en parfaite contradiction avec les engagements pris, par le Premier ministre lui-même, en faveur des placements dirigés vers le financement des entreprises, le renforcement de la compétitivité, l’investissement et le développement durable.
Débattre du projet de loi de financement de la sécurité sociale est une prérogative majeure du Parlement. Nous devrions prendre nos responsabilités pour permettre à la solidarité nationale de s’exercer, tout en sauvegardant les équilibres financiers.
En réalité, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale allonge la liste des nouvelles charges fiscales, cède à la facilité en faisant peser la majorité des mesures d’économie sur le médicament, qui ne représente que 15 % des dépenses de santé. En revanche, les réformes de structures se font encore attendre, qu’il s’agisse de la carte hospitalière, de l’offre de soins, de la spécialisation des établissements, de la question des déserts médicaux… Bref, ce texte n’est pas à la hauteur, tant s’en faut ! C’est la raison pour laquelle nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Serge Dassault. Madame la ministre, je crois que je vais vous faire plaisir ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
Je vous propose en effet de combler le déficit de la sécurité sociale, qui s’élève à 10 milliards d’euros dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, grâce au dispositif d’une proposition de loi que j’ai déposée sur le bureau du Sénat. Ce dispositif ne s’applique qu’aux entreprises marchandes, car il repose sur le chiffre d’affaires. Sa mise en œuvre permettrait de supprimer les charges relatives à l’assurance maladie et à la famille assises sur les salaires, en les faisant supporter par les frais généraux des entreprises marchandes. Ce seraient toujours les entreprises qui paieraient, c’est-à-dire qu’il n’y aurait pas de participation de l’État, ni des contribuables, ni des consommateurs via la TVA.
Cela permettrait de réduire de 55 % les charges assises sur les salaires, celles-ci ne servant plus qu’à financer l’assurance chômage et les retraites, et d’améliorer notablement la compétitivité de nos entreprises.
Comment fonctionnera le système ? Je propose que chaque entreprise paie ses charges maladie et famille en frais généraux, et non sur les salaires. Ces charges seraient calculées en fonction d’un coefficient d’activité favorisant les entreprises de main-d’œuvre, et donc l’emploi, qui s’appliquerait au chiffre d’affaires, moins la masse salariale payée en France.
Sur le plan national, la totalité des dépenses maladie et famille représentent 217 milliards d’euros. En décidant de majorer légèrement le coefficient, on pourrait donc augmenter le résultat de 10 milliards d’euros, le portant à 227 milliards d’euros, ce qui supprimerait totalement le déficit de la sécurité sociale.
Grâce à ce coefficient, plus une entreprise aura de salariés, moins elle paiera de charges. On favorisera ainsi les entreprises de main-d’œuvre, c’est-à-dire l’emploi, et on pénalisera les entreprises de services qui réalisent un gros chiffre d’affaires avec peu de personnel et toutes les entreprises qui importent ou qui délocalisent, payant les salaires hors de France. Le budget de la sécurité sociale serait ainsi en équilibre.
On créerait certes à la charge des entreprises marchandes un nouvel impôt (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.) mais avec une assiette très large et un faible coefficient, dont une légère augmentation amènerait un produit fiscal important. Ce nouvel impôt, du genre TVA, serait lié non à la consommation, mais à la production. Il pourrait aussi être utilisé comme un nouveau droit de douane, car il taxerait toutes les importations et toutes les délocalisations.
Cette opération fait l’objet d’une proposition de loi que j’ai déposée sur le bureau du Sénat et qui vous sera soumise en début d’année prochaine. Elle est actuellement examinée par une commission d’études créée à cet effet, composée de sénateurs, pour étudier ses conséquences dans divers secteurs d’activité de haute valeur ajoutée. En effet, un effort de compétitivité en direction des personnels peut amener une augmentation des charges. Dans ce cas, on pourra adapter, si nécessaire, ce coefficient d’activité à des productions à forte valeur ajoutée.
Voilà, madame la ministre, ce que je voulais vous dire afin de vous informer de l’intérêt de cette proposition de loi pour l’équilibre des dépenses de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Philippe Bas. Madame la ministre, tout comme Serge Dassault, je voudrais me montrer agréable. (Sourires.) Je commencerai donc mon propos par des remarques qui recueilleront, je l’espère, l’unanimité.
L’exercice des lois de financement de la sécurité sociale est souvent décevant, ce qui n’est pas si mal finalement. Cela signifie que notre système de protection sociale, dont on répète assez souvent – à juste titre – qu’il est au cœur du pacte républicain, va plutôt mieux qu’il n’est convenu de le dire : nos indicateurs de santé sont parmi les meilleurs au monde ; avec plus de 800 000 naissances chaque année, notre taux de natalité est l’un des meilleurs d’Europe ; quant au revenu moyen de nos retraités – ce qui ne doit pas dissimuler des écarts parfois très importants –, il est très proche de celui des actifs.
Cela mérite d’être souligné : nous avons une bonne sécurité sociale ! Je le dis d’autant plus que sa gestion est bien meilleure que celle de l’État. En effet, les déficits de la sécurité sociale sont très faibles : ils représentent 15 % des déficits publics, contre 85 % qui sont imputables à l’État. Sans négliger le nécessaire redressement des comptes de la sécurité sociale, il est donc juste de dire que l’effort de réduction des déficits que nous devons collectivement accomplir doit d’abord et avant tout porter sur la dépense publique de l’État. Évidemment, cela ne vous exonère pas de votre responsabilité en matière de réduction des déficits.
Cela étant, il n’est pas mauvais de souligner les désaccords qui existent entre le Gouvernement et nous. Les assumer, c’est une question d’hygiène de la démocratie !
Le cœur de notre désaccord, c’est l’impôt. Pour votre part, vous êtes assez à l’aise avec l’impôt pourvu que vous puissiez dire qu’il est juste. Nous, nous sommes généralement assez mal à l’aise avec l’impôt dès lors qu’il pénalise l’activité et l’emploi. Or tel est le cas de bon nombre des prélèvements que vous prévoyez dans ce texte ou dans d’autres, notamment dans le projet de loi de finances pour 2014. Comment pourriez-vous vous prévaloir de ce que vous faites pour les artisans, quand on parle tant de la nécessité d’améliorer la compétitivité ? Quant à l’industrie pharmaceutique, elle n’est tout de même pas une vache à lait ! Pourtant, au fil des années, je vois s’alourdir encore les prélèvements qui pèsent sur elle.
Outre un désaccord sur vos choix, nous avons un désaccord fondamental sur vos non-choix. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme l’ont rappelé beaucoup de mes collègues avant moi, comporte trop de non-choix. Certes, il porte la trace de cette réforme cosmétique des retraites dont nous avons récemment débattu avant de la rejeter à l’unanimité – d’ailleurs, on ne peut même pas parler de réforme tant le projet de loi manquait de substance –, mais l’indispensable réforme de la prise en charge de la dépendance est renvoyée aux calendes grecques.
Mme Catherine Génisson. Parlons-en !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vous avez donné l’exemple !
M. Philippe Bas. Nous désapprouvons également le manque de réflexion sur une réforme structurelle de l’assurance maladie, qui serait pourtant bien nécessaire, notamment pour combattre les déserts médicaux.
Nous ne saurions non plus approuver le démantèlement méthodique de notre politique familiale, qui concerne à la fois le quotient familial et les prestations. Je citerai, à titre d’exemple, la mesure proposée en vue de fiscaliser les avantages familiaux de retraite. Pour nous, elle est inacceptable, car les parents de familles nombreuses n’ont pas les mêmes moyens que les autres pour se constituer un patrimoine alors même que leurs enfants vont contribuer à la retraite de tous. C’est une mesure de justice que vous avez remise en cause, ce qui nous paraît un véritable franchissement de ligne rouge.
Je relève aussi un certain nombre d’insuffisances graves. Dans le secteur médico-social, je n’ai jamais vu de chiffres aussi bas. Pourtant, les besoins de nos personnes handicapées et de nos personnes âgées, ce qui nous ramène à la dépendance, sont souvent criants. Les finances de nos départements, aujourd’hui exsangues, ne peuvent pas compenser le déclin de l’effort de la puissance publique sur le financement médico-social. Être passé, comme vous le faites pour 2014, à un ONDAM médico-social de 2,9 % dans le secteur personnes âgées et de 3,1 % dans le secteur personnes handicapées, ce n’est tout simplement pas bien. Si l’UNIOPSS l’a dénoncé avec tant de vigueur, ce n’est pas sans raison ! Vous auriez intérêt à revoir en toute conscience cet aspect de votre texte.
J’en viens enfin, et ce n’est pas un aspect secondaire, à la question de la loyauté vis-à-vis des Français. Pour ma part, je crois vraiment que la dimension morale doit être prise en compte.
D’abord, vous nous aviez annoncé l’année dernière, vous et le Président de la République, que les prélèvements obligatoires n’augmenteraient plus. Or ils augmentent !
Ensuite, non contents de prononcer la taxation rétroactive de l’épargne, vous réalisez un tour de passe-passe sur la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie : vous demandez aux Français retraités de l’argent pour l’autonomie, argent que vous reversez au Fonds de solidarité vieillesse, qui doit être financé par l’impôt, pour payer des cotisations de retraite des chômeurs. C’est tout bonnement scandaleux ! Vous devez l’entendre, car c’est ce qui se dit sur le terrain. Les Français ne peuvent pas l’admettre !
Après avoir évoqué la fiscalisation des avantages familiaux de retraite, je parlerai du forfait social, qui sera augmenté si les recommandations sur le choix d’un assureur complémentaire dans le cadre d’un accord de travail ne sont pas respectées. Cette mesure, qui bafoue une décision du Conseil constitutionnel, n’est pas acceptable.
Monsieur le ministre, madame la ministre, malgré toute la bonne volonté du monde et au nom de l’amour que je porte à notre sécurité sociale, je considère que ce texte, qui ne fait pas un grand tort à notre sécurité sociale, comporte des mesures totalement inacceptables. Je le répète, nous sommes en désaccord sur l’augmentation des prélèvements obligatoires et sur un certain nombre de vos choix ou de vos non-choix. Nous portons donc une appréciation très négative sur votre texte, insuffisant pour répondre à de vrais besoins. Nous pensons également que vous manquez de loyauté à l’égard des Français en proposant un certain nombre de dispositions qui relèvent de véritables tours de passe-passe ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi avant tout de saluer la qualité du travail de l’ensemble des rapporteurs, en particulier l’investissement de M. le rapporteur général, Yves Daudigny. Je voudrais lui adresser un remerciement particulier, ainsi qu’au rapporteur pour avis Jean-Pierre Caffet, pour avoir rappelé que la priorité de ce texte est la consolidation de la solidarité nationale et le redressement durable de nos comptes.
Sur les travées de l’opposition, j’entends – à l’instant M. Bas, précédemment MM. Milon et Cardoux – que nous ne faisons que demander des efforts et procéder à de nouveaux prélèvements, passant sous silence les 4 milliards d’euros d’économies, qui constituent une étape très significative dans le redressement de nos comptes sociaux.
Vos leçons de finances publiques ou de morale – pour reprendre le terme de M. Bas – eussent été plus convaincantes, si, au cours des dernières années, vous nous aviez montré le chemin !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Eh oui !
Mme Marisol Touraine, ministre. Nous vous entendons dire à longueur de débat que vous avez été confrontés à la crise. Je vous rappelle que la crise n’a pas dominé l’ensemble des années 2000.
M. Philippe Bas. Notre manque de vertu autoriserait votre vice ?
Mme Marisol Touraine, ministre Vous avez gaspillé, comme aucun gouvernement, toutes les chances offertes par la croissance au cours des années 2000. On constate que le déficit de la sécurité sociale s’est accru à partir de 2003-2004, à une période où, de crise, il n’était pas question !
Il faut rappeler que l’effort engagé par ce gouvernement pour le rétablissement de nos comptes est très important. Il passe, comme l’ont rappelé M. le rapporteur général et de nombreux intervenants sur les travées de la majorité, par des économies significatives. D’ailleurs, M. Roche l’a lui-même reconnu, l’ONDAM est tenu et respecté, ce qui est le signe d’une politique volontariste.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Marisol Touraine, ministre. J’ai entendu les suggestions de M. Dassault. Je veux lui dire que la volonté du Gouvernement est de rétablir l’équilibre de nos comptes sociaux afin d’assurer la pérennité de notre protection sociale. Nous ne pourrons pas continuer à financer les besoins sociaux si ces derniers venaient à peser trop lourdement sur les entreprises et le coût du travail. Reste que nous affichons nos priorités et que nous ne renonçons pas à nos engagements.
Je salue à nouveau Mme Demontès, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse, dont le travail prolonge celui, intense, qu’elle a accompli à l’occasion de l’examen du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.
Madame Pasquet, nous avons la volonté commune de renforcer, de maintenir et de moderniser notre politique familiale. De ce point de vue, vous avez reconnu que nous prenions en compte l’évolution des attentes, notamment au travers de la création de places. Cependant, nous avons à résoudre la question des déficits, comme vous l’avez vous-même indiqué. Nous le faisons en demandant aux familles un effort mesuré, qui ne remet pas en question l’équilibre de la branche famille.
En revanche, nous avons un désaccord sur le financement de cette branche, qui, selon vous, devrait être exclusivement assuré par les revenus du travail. Nous considérons, pour notre part, que la politique familiale relève aussi de la solidarité nationale ; il n’est donc pas anormal que le budget de l’État y contribue.
Mme Meunier s’est inscrite dans cette perspective lorsqu’elle a souligné l’engagement du Gouvernement de redresser la branche famille en faisant appel à un effort mesuré de la part des familles les plus aisées.
Plusieurs intervenants ont traité de la branche AT-MP, avec des approches différentes.
Madame Alquier, vous avez souligné de façon très juste l’importance de cette branche, que l’on a tendance à sous-estimer. C’est en effet la plus petite, même s’il s’agit de la branche historique de la sécurité sociale. Vous avez indiqué que nous nous engagions dans la voie d’un équilibre dont vous avez souhaité, comme le Gouvernement, qu’il soit durable. Le rétablissement de cet équilibre est lié à la diminution du nombre d’accidents du travail, qui n’est pas simplement conjoncturelle. Nous avons bon espoir que cette baisse soit un phénomène structurel, qui nous permettra d’envisager l’avenir de façon positive.
Monsieur Godefroy, vous avez évoqué, tout comme M. Dériot, la question de la dotation du FIVA. Je tiens à souligner à cette occasion mon engagement, qui est aussi celui du Gouvernement, en faveur des victimes de l’amiante. Comme vous l’avez souligné, l’évolution des dépenses de ce fonds résulte avant tout d’un traitement plus rapide des demandes, que j’ai souhaité et dont je me réjouis.
Je comprends votre préoccupation concernant la participation de l’État. Je peux vous assurer que celui-ci ne se dérobera pas à ses responsabilités, si cette contribution s’avérait nécessaire. Il ne s’agit donc pas d’un retrait de la part de l’État, mais bien d’une juste appréciation de l’équilibre de cette branche.
Monsieur Labazée, vous avez indiqué que la préservation de l’ONDAM médico-social permettra de soutenir le secteur. Vous avez aussi évoqué les progrès réalisés dans le calendrier de la campagne tarifaire ; là encore, je m’en réjouis. Surtout, vous avez salué les perspectives ouvertes par la future réforme de l’autonomie, qui permettra des avancées fondamentales pour les personnes dépendantes et leurs proches.
Comme vous, je considère que nous n’avons pas de leçons à recevoir de la part de l’opposition : elle nous réclame aujourd’hui un projet de loi sur l’autonomie dont elle nous a annoncé la présentation pendant cinq ans, sans que cela soit jamais suivi d’effet. C’était l’arlésienne du précédent quinquennat !
M. Philippe Bas. Vous n’êtes pas obligés de nous imiter !
Mme Marisol Touraine, ministre. Vous avez donc raison de souligner que ce gouvernement, quant à lui, prend des engagements.
Ce débat nous donne l’occasion d’indiquer quelles sont nos priorités. Parmi celles-ci figure la prise en compte des maladies neurodégénératives, comme la maladie d’Alzheimer, un sujet dont M. Kerdraon a souligné toute l’importance. Je tiens à vous rassurer, monsieur Labazée, les crédits sont d’ores et déjà parfaitement identifiés dans les comptes de la CNSA.
Concernant la politique de santé et la branche maladie, M. Daudigny et Mme Génisson ont évoqué la forte convergence qui existe entre les propositions contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et la stratégie nationale de santé.
Ce texte opère des choix et fixe des priorités. D’aucuns peuvent ne pas les partager, mais ils sont identifiés et justifient que nous accordions des financements pour certaines orientations.
Priorité est ainsi donnée à la politique de prévention au travers d’une série de mesures. Nous considérons en effet que nous devons faire évoluer notre politique de santé vers une meilleure prise en compte de la prévention.
Priorité est également donnée à la politique de réorganisation de notre système de soins en faveur de la proximité et du premier recours, comme l’ont souligné Mme Génisson, M. Tropeano et M. Milon. Même si ce dernier ne partage pas forcément les options que nous présentons, il considère lui aussi que cette réorganisation est nécessaire.
Priorité est donnée, enfin, à l’accès aux soins et à la lutte contre les inégalités. Mme Archimbaud est revenue sur ce sujet, dans le prolongement de son rapport. Ce fil conducteur de la politique que nous menons justifie les mesures que nous proposons en termes d’accès à des complémentaires santé.
Monsieur Watrin, nous pouvons avoir des accords sur certaines mesures de ce texte et des désaccords fondamentaux sur la question du financement. Mais, de grâce, n’érigez pas entre nous de faux sujets de désaccord ! Vous dites que nous encourageons la prise en charge par les organismes complémentaires au détriment de l’assurance maladie obligatoire. Vous ne trouverez rien dans ce projet de loi qui justifie un tel discours. Au contraire, toute la politique de ce gouvernement a précisément pour objet de renforcer le socle de l’assurance maladie obligatoire et de réguler les organismes complémentaires.
J’ai entendu diverses interventions sur le financement de nos hôpitaux.
Vous savez fort bien, monsieur Larcher, que les investissements inconsidérés réalisés au cours des années passées ont creusé la dette des établissements hospitaliers. Dire qu’il faut investir, c’est une chose, mais encore faut-il que les investissements se traduisent par une charge soutenable pour les hôpitaux. Et je ne dirai rien des monceaux d’engagements pris par le précédent gouvernement en faveur d’investissements qui n’ont jamais reçu un kopeck – ou plutôt un euro – de financement !
Nous avons donc mis en place une politique permettant de déterminer les priorités en matière d’investissements hospitaliers. Ces priorités, elles, sont financées ! Il s’agit non pas d’engager une démarche technocratique, mais tout simplement de garantir que les investissements hospitaliers qui sont annoncés verront bien le jour. Ce qui compte en effet pour nos concitoyens, ce n’est pas que le directeur d’un hôpital brandisse une lettre du ministre s’engageant à verser de l’argent pour son établissement, mais que les hôpitaux fonctionnement mieux et qu’ils répondent à leurs besoins au quotidien.
C’est aussi pour cette raison, madame Cohen, que nous engageons la réforme de la tarification, laquelle a pour objectif non pas de fragiliser l’hôpital public – selon nous, elle n’aura évidemment pas cet effet –, mais au contraire de le conforter dans ses missions en identifiant plus précisément les besoins de financement et de répondre aux situations particulières, notamment celles des établissements isolés.
J’en viens à la politique du médicament, sujet sur lequel nous avons eu un long échange voilà quelques semaines sur votre initiative, monsieur Barbier.
Les mesures qui sont présentées dans ce texte n’ont absolument pas pour objet de compromettre l’innovation ; je le dis à M. Charon, il s’agit de garantir un juste financement des médicaments, de concentrer l’investissement en matière d’innovation dans les secteurs qui le requièrent et de permettre une bonne régulation de la politique du médicament.
Je vous remercie, monsieur Tropeano, de votre soutien à notre politique de santé publique en faveur du sevrage tabagique. Vous avez souhaité que nous allions plus loin. J’en suis d’accord. Nous devons poursuivre ce travail en faisant le bilan des mesures déjà prises et en menant des expérimentations.
Pour conclure, je voudrais aborder la question fondamentale du droit à l’IVG que Mme Rossignol a évoquée. Ce droit ne doit pas être banalisé. Aucun droit d’ailleurs ne peut l’être. C’est pourquoi je veux le dire très fermement : ce droit existe et il doit être défendu par tous dans notre pays. Personne n’a à rendre des comptes sur sa vie privée et ses choix personnels pour pouvoir défendre à la tribune le droit à l’IVG ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Gilbert Barbier. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
Mme Marisol Touraine, ministre. J’espère, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il y a aussi des hommes pour défendre ce droit !
À quelqu’un qui vient affirmer qu’il faut garantir concrètement, au quotidien, l’effectivité de ce droit, on ne demande pas, pour preuve de sa sincérité, combien de fois elle a demandé à bénéficier de ce droit à titre personnel. C’est une mise en cause de la démocratie et de nos débats ! (M. Roland Courteau opine.)
M. Claude Domeizel. Oui, c’est scandaleux !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il faut des excuses !
Mme Marisol Touraine, ministre. Dans ce texte, il y a des dispositions relatives, non pas à l’IVG, mais à la contraception. C’est la précédente loi de financement de la sécurité sociale qui prévoyait des dispositions tendant à augmenter les tarifs des actes d’IVG.
Quoi qu’il en soit, nous devons veiller ensemble à garantir l’effectivité de ces droits ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Je ne voudrais pas qu’il y ait de méprise. Je n’ai pas demandé à Mme Rossignol si elle avait eu recours à une IVG. J’ai simplement dit qu’il fallait savoir de quoi l’on parle.
J’ai un petit avantage dans cette affaire : je n’étais pas député en 1974, mais j’ai voté la loi de 1979. Je pense que Mme Veil est une femme courageuse qui a assumé ses responsabilités.
Alors que j’appartenais à la majorité, j’ai pratiqué plus de 300 IVG dans mon hôpital de Dole, ce qui n’était pas facile à une époque où ce genre d’activité vous mettait au ban de la société. Voilà ce que je voulais vous dire, madame Rossignol !
Si vous remettez en cause le délai de sept jours, c’est parce que vous n’avez pas la pratique de cet examen. Il n’est pas possible de pratiquer une IVG chirurgicale sans avoir effectué un minimum d’examens préalables, notamment afin de connaître les antécédents de la patiente.
À l’époque, on pratiquait cette intervention sous anesthésie générale ; je pense qu’il en est toujours ainsi. Cela suppose une consultation d’anesthésie. Vous ne pouvez donc pas pratiquer une IVG du jour au lendemain ! En tout cas, ce n’est pas ainsi que cela se passe dans les hôpitaux. C’était le cas, en revanche, quand les femmes avortaient sur un coin de table, avant que Mme Veil ait eu le grand courage de présenter sa loi.
Avant de réviser ce délai, il faut réfléchir aux problèmes non seulement éthiques mais aussi pratiques de l’IVG. Par expérience – et j’avais à l’époque contre moi nombre de gens de ma sensibilité politique –, je peux vous dire que cet acte n’est jamais facile à pratiquer pour un médecin. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur Barbier, la question que vous m’aviez posée était ambiguë. Je vous donne acte qu’en me demandant combien d’IVG j’avais pratiquées dans ma vie vous visiez la pratique médicale que j’aurais eue dans ce domaine. N’étant pas médecin, je n’ai évidemment pratiqué aucune IVG.
Cela étant, vous laissez entendre, mon cher collègue, que, pour parler de l’IVG et avoir un point de vue sur la question, il faut être médecin. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Sur ce sujet, j’ai un avis de femme, de citoyenne, d’être humain attaché aux libertés individuelles et aux droits des femmes à disposer de leur corps.
Quand au délai de sept jours, ce n’est pas un délai médical : c’est un délai de réflexion spécifique à l’IVG. C’est cela que j’ai contesté. (M. Jean-Pierre Godefroy et Mme Gisèle Printz applaudissent.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Nous allons examiner la première partie du projet de loi concernant les dispositions relatives à l’exercice 2012.
PREMIÈRE PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2012
Article 1er
Au titre de l’exercice 2012, sont approuvés :
1° Le tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :
(En milliards d’euros) |
||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
||
Maladie |
178,8 |
184,7 |
-5,9 |
|
Vieillesse |
203,4 |
209,5 |
-6,1 |
|
Famille |
54,1 |
56,6 |
-2,5 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
13,1 |
13,7 |
-0,6 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
436,3 |
451,4 |
-15,1 |
; |
2° Le tableau d’équilibre, par branche, du régime général de sécurité sociale :
(En milliards d’euros) |
||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
||
Maladie |
154,9 |
160,8 |
-5,9 |
|
Vieillesse |
105,4 |
110,2 |
-4,8 |
|
Famille |
53,8 |
56,3 |
-2,5 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
11,5 |
11,7 |
-0,2 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
314,0 |
327,3 |
-13,3 |
; |
3° Le tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :
(En milliards d’euros) |
||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
||
Fonds de solidarité vieillesse |
14,7 |
18,9 |
-4,1 |
; |
4° Les dépenses constatées relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, s’élevant à 170,1 milliards d’euros ;
5° Les recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites, lesquelles sont nulles ;
6° Les recettes mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse, s’élevant à 0,4 milliard d’euros ;
7° Le montant de la dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, s’élevant à 11,9 milliards d’euros.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, sur l'article.
M. Alain Milon. Mon intervention vaudra également pour l’article 2.
Comme à chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale, conformément à la loi organique du 2 août 2005, nous examinons les comptes du dernier exercice clos.
Pour 2012, le régime général affiche un déficit global de 13,3 milliards d’euros, en diminution de 4,1 milliards d'euros par rapport à l’exercice précédent dont le déficit atteignait 17,4 milliards d’euros. La réduction du déficit ainsi opérée entre 2011 et 2012 est surtout visible dans la branche maladie, ce déficit étant passé de 8,6 milliards d'euros à 5,9 milliards d’euros. Ce résultat est à mettre au crédit des efforts considérables assumés aussi bien sur le volet de la médecine ambulatoire que sur celui du médicament.
En outre, nous constatons que l’ONDAM a été respecté ces trois dernières années, notamment grâce à l’action de la précédente majorité. Les derniers efforts sont à signaler, mais n’oublions pas le rôle de notre majorité : elle a réussi à inciter l’ensemble du corps médical à respecter l’ONDAM. Nous devons aujourd’hui saluer leur responsabilité.
Reste que nous devons consentir encore plus d’efforts afin de maîtriser nos comptes sociaux et de réduire ce déficit, qui reste l’un des plus élevés d’Europe.
L’exercice 2012 retrace aussi les mesures prises par la nouvelle majorité, notamment dans le cadre de la loi de finances rectificative. Je pense à la hausse de 0,2 point du taux des cotisations vieillesse, qui pèse 150 millions d’euros sur les deux derniers mois de 2012. Je pense également à la hausse de 8 % à 20 % du taux du forfait social sur la branche vieillesse et le FSV. Je pense encore à la suppression de l’exonération des heures supplémentaires et complémentaires.
Nous ne soutenons pas cette politique qui consiste à alourdir le coût du travail et à augmenter les prélèvements tous azimuts. C'est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons sur les articles 1er et 2.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Si, depuis 2012, nous avons cherché à endiguer les dérives qui menaçaient le fonctionnement de notre protection sociale, j’apprécie que, désormais, nous puissions nous engager dans des réformes structurelles qui poursuivront son redressement. Moderniser ce système qui nous est si cher, en assurer la pérennité sans léser le périmètre de la protection sociale, telle est, selon nous, la seule voie qui vaille.
Au cours des dix-huit derniers mois, avec le Gouvernement, malgré la crise et son impact sur la conjoncture économique, les mesures nécessaires à l’inversion et à la diminution des déficits sociaux ont été prises. Madame la ministre, je tiens à vous féliciter de poursuivre dans cette voie et de mener un travail responsable. En effet, la responsabilité, ce n’est pas forcément de faire ce qui est populaire, c’est de faire ce qui est juste pour l’intérêt général.
Bref, les résultats sont d’autant plus remarquables qu’ils interviennent, je le répète, dans un contexte économique difficile.
Force est de constater que ces mesures justes et nécessaires n’ont pas été prises à l’époque. Nous le déplorons, parce que nous en subissons aujourd’hui les conséquences... Toutefois, nous ne fuirons pas nos responsabilités…
M. Pierre Charon. Vous aimeriez bien !
M. Roland Courteau. … et nous assumerons pleinement cette tâche qui nous incombe désormais. C’est pourquoi, grâce à l’ensemble des réformes engagées, nous pourrons voir à l’horizon de 2017 se profiler une trajectoire crédible de retour à l’équilibre des comptes sociaux.
Il est évident que cette bataille n’est pas aisée. Elle nécessite du courage et des efforts, mais elle en vaut la peine. Ce qui se joue ici, c’est le sauvetage de notre modèle social, un modèle fondateur de notre pacte républicain.
Aussi, bénéficiant des effets financiers des mesures structurelles que vous avez mises en place jusqu’à présent, madame la ministre, le déficit de l’ensemble des régimes de base et du FSV est fixé à 13,2 milliards d’euros pour 2014. Celui du régime général repasserait sous la barre des 10 milliards d'euros pour avoisiner le seuil de 9,6 milliards d'euros et revenir ainsi au niveau que nous avons connu avant la crise. C’est plus qu’encourageant, et cela justifie et légitime la politique que vous conduisez et que nous soutenons.
Les réformes engagées jusqu’à présent par le Gouvernement vont permettre d’adapter notre système à la réalité de la société. Nous ne pouvons plus nous permettre d’attendre ; nous ne pouvons plus laisser filer les déficits en espérant que, un jour, les choses s’arrangeront d’elles-mêmes. Non, il faut agir ! Il faut du courage et de la volonté ; vous en avez, madame la ministre, et nous vous soutiendrons dans cette entreprise.
Les comptes de la branche vieillesse se redressent, parce que des mesures ont été prises en ce sens. Si le déficit passe de 4,8 milliards d'euros en 2012 à 3,3 milliards d'euros aujourd'hui, ce n’est pas par magie : c’est grâce aux mesures adoptées l’année dernière, à savoir la hausse du forfait social et des prélèvements sur les revenus du capital.
En 2014, le déficit continuera à se résorber, pour atteindre 1,3 milliard d’euros, grâce aux mesures proposées dans la réforme.
Enfin, l’augmentation nécessaire, mais modérée, de la durée de cotisation après 2020 permettra à la branche de retrouver l’équilibre à long terme. Désormais, cet équilibre sera assuré en cas de variations conjoncturelles grâce au recours au Fonds de réserve pour les retraites, qui retrouve ainsi sa vocation originelle : soutenir les régimes après 2020.
Nous ne stigmatisons personne, car l’effort devra être partagé : jeunes, plus âgés, employés, employeurs, entreprises. La protection sociale et les retraites sont l’affaire de tous !
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. L’examen par le Sénat des premiers articles des projets de loi de financement de la sécurité sociale est un exercice des plus intéressants. Ces articles concernent traditionnellement les dispositions relatives aux exercices précédents, et c’est pour nous l’occasion de mesurer les effets réels des lois de financement de la sécurité sociale adoptées.
Ainsi, à l’occasion de l’examen de cet article 1er, il nous est proposé d’approuver les tableaux d’équilibre par branche du dernier exercice clos des régimes obligatoires de base de sécurité sociale. Nous prenons acte du fait qu’en 2012 le déficit du régime général a baissé, de l’ordre de 4 milliards d’euros par rapport à 2011. Pour autant, les déficits restent importants et continuent à hypothéquer l’avenir de notre protection sociale. Nous sommes donc, tout comme vous, sensibles à la résorption des déficits sociaux.
Reste que nous ne pouvons pas adhérer aux orientations de la droite mises en œuvre dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, puisque la réduction des déficits s’est opérée quasi exclusivement sur le compte des assurés. D’ailleurs, force est de constater que ces solutions sont mauvaises, puisque, même si les déficits baissent, passant de 25 milliards d'euros en 2010 à 19 milliards d'euros en 2011, puis à 15 milliards d'euros en 2012, le rythme de résorption décélère d’année en année. Nous y voyons la démonstration de ce que nous ne cessons de rappeler depuis plusieurs années : les mesures de réduction des dépenses adoptées sont insuffisantes et inefficaces pour renouer durablement avec l’équilibre. En outre, certaines d’entre elles sont tout simplement injustes. Je pense par exemple aux franchises médicales qui s’appliquent à tous, notamment aux victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles.
De la même manière, nous ne pouvons que regretter la réduction du déficit de la branche vieillesse, ramené de 6 milliards d’euros en 2011 à 4,8 milliards d’euros en 2012. Elle n’est que le fruit de mesures injustes imposées aux salariés par la réforme Woerth-Sarkozy, telles que le report de l’âge légal de départ à la retraite ou celui de la date de revalorisation des pensions.
Enfin, je veux dire mon inquiétude quant à la situation du Fonds de solidarité vieillesse. Déficitaire depuis 2009, le FSV a connu en 2012 une aggravation notable de son déficit : environ 4 milliards d’euros, contre 3,4 milliards d'euros en 2011. Cet accroissement des déficits résulte principalement de l’augmentation de la prise en charge du minimum contributif qu’il finance, puisque son coût est passé de 3,5 milliards d’euros en 2011 à 3,9 milliards d'euros en 2012.
Tout cela traduit le creusement des inégalités sociales. Et la stagnation des salaires et des pensions a entraîné l’explosion du nombre de travailleurs pauvres !
Les conséquences de ces politiques, nous les mesurons à l’aune du nombre de retraités qui, au final, ne disposent plus pour survivre que du minimum contributif.
Face à un tel constat, nous appelons à des réformes courageuses en matière de répartition des richesses et, bien sûr, nous ne voterons ni l'article 1er ni l'article 2.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2 et annexe A
Est approuvé le rapport figurant en annexe A à la présente loi présentant un tableau, établi au 31 décembre 2012, retraçant la situation patrimoniale des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit et décrivant les mesures prévues pour la couverture des déficits, tels qu’ils sont constatés dans les tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2012 figurant à l’article 1er.
ANNEXE A
Rapport retraçant la situation patrimoniale, au 31 décembre 2012, des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit et décrivant les mesures prévues pour la couverture des déficits constatés pour l’exercice 2012
I. – Situation patrimoniale de la sécurité sociale au 31 décembre 2012
(En milliards d’euros) |
|||||
Actif |
2012 |
2011 |
Passif |
2012 |
2011 |
Immobilisations |
6,8 |
6,8 |
Capitaux propres |
-107,2 |
-100,6 |
Immobilisations non financières |
4,1 |
4,0 |
Dotations |
32,8 |
32,9 |
Régime général |
0,5 |
0,5 |
|||
Prêts, dépôts de garantie et autres |
1,8 |
1,9 |
Autres régimes |
4,0 |
3,8 |
Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) |
0,2 |
0,2 |
|||
Fonds de réserve pour les retraites (FRR) |
28,1 |
28,3 |
|||
Avances, prêts accordés à des organismes de la sphère sociale (unions pour la gestion des établissements des caisses d’assurance maladie, unions immobilières des organismes de sécurité sociale) |
0,9 |
0,9 |
Réserves |
9,1 |
11,3 |
Régime général |
2,5 |
2,6 |
|||
Autres régimes |
5,7 |
6,3 |
|||
FRR |
0,9 |
2,4 |
|||
Report à nouveau |
-145,8 |
-134,6 |
|||
Régime général |
4,1 |
-4,9 |
|||
Autres régimes |
-1,5 |
-0,1 |
|||
CADES |
-148,3 |
-139,4 |
|||
Résultat de l’exercice |
-5,9 |
-10,7 |
|||
|
Régime général |
-13,3 |
-17,4 |
||
|
Autres régimes |
-1,7 |
-1,9 |
||
|
Fonds de solidarité vieillesse (FSV) |
-4,1 |
-3,4 |
||
|
CADES |
11,9 |
11,7 |
||
|
FRR |
1,3 |
0,3 |
||
|
Autres |
2,5 |
0,6 |
||
FRR |
2,4 |
0,5 |
|||
|
Régime général / autres régimes |
0,1 |
0,1 |
||
|
Provisions pour risques et charges |
19,9 |
17,9 |
||
Actif financier |
57,7 |
58,9 |
Passif financier |
173,9 |
170,1 |
Valeurs mobilières et titres de placement |
46,8 |
45,1 |
Dettes représentées par un titre (obligations, billets de trésorerie, euro-papiers commerciaux) |
162,3 |
162,6 |
Autres régimes |
7,3 |
6,9 |
|||
CADES |
5,6 |
5,3 |
Régime général |
16,9 |
5,6 |
FRR |
33,8 |
32,9 |
CADES |
145,4 |
156,9 |
Encours bancaire |
10,4 |
13,7 |
Dettes à l’égard d’établissements de crédits |
7,4 |
3,7 |
Régime général |
2,6 |
1,3 |
Régime général (y compris prêts Caisse des dépôts et consignations) |
4,0 |
1,4 |
Autres régimes |
1,5 |
1,2 |
Autres régimes (y compris prêts Caisse des dépôts et consignations) |
2,3 |
1,3 |
FSV |
0,8 |
0,3 |
CADES |
1,0 |
1,0 |
CADES |
3,0 |
8,4 |
Dépôts |
2,2 |
0,2 |
FRR |
2,4 |
2,3 |
Régime général |
2,2 |
0,2 |
Créances nettes au titre des instruments financiers |
0,6 |
0,1 |
Dettes nettes au titre des instruments financiers |
0,0 |
0,1 |
CADES |
0,2 |
0,1 |
FRR |
0,0 |
0,1 |
FRR |
0,3 |
0,0 |
Autres |
2,1 |
3,5 |
|
Autres régimes |
0,1 |
0,1 |
||
|
CADES |
2,0 |
3,4 |
||
Actif circulant |
64,0 |
65,4 |
Passif circulant |
42,0 |
43,7 |
Créances sur prestations |
7,4 |
7,3 |
Dettes et charges à payer (CAP) à l’égard des bénéficiaires |
19,8 |
22,3 |
Créances de cotisations, contributions sociales et d’impôts de sécurité sociale |
9,4 |
7,9 |
|||
Produits à recevoir de cotisations, contributions sociales et impôts de sécurité sociale |
35,4 |
35,5 |
Dettes à l’égard des cotisants |
1,3 |
1,2 |
Créances sur l’État et autres entités publiques |
8,4 |
8,9 |
Dettes et CAP à l’égard de l’État et autres entités publiques |
8,5 |
9,7 |
Produits à recevoir de l’État |
0,6 |
0,4 |
|||
Autres actifs (débiteurs divers, comptes d’attente et de régularisation) |
2,9 |
5,5 |
Autres passifs (créditeurs divers, comptes d’attente et de régularisation), dont soulte des industries électriques et gazières |
12,4 |
10,5 |
Total de l’actif |
128,5 |
131,0 |
Total du passif |
128,5 |
131,0 |
Sur le champ de l’ensemble des régimes de base, du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) et du Fonds de réserve pour les retraites (FRR), le passif net (ou « dette ») de la sécurité sociale, mesuré par ses capitaux propres négatifs, s’élevait à 107,2 milliards d’euros au 31 décembre 2012, soit l’équivalent de 5,3 points de produit intérieur brut (PIB) (+0,3 point par rapport à 2011). Ce passif net a augmenté de 6,6 milliards d’euros par rapport à celui constaté au 31 décembre 2011 (100,6 milliards d’euros) en raison essentiellement des déficits des régimes et du FSV pour l’année 2012 (soit 19,1 milliards d’euros), minorés de l’amortissement de la dette portée par la CADES (11,9 milliards d’euros), dont une partie (2,1 milliards d’euros) correspond à la mobilisation des réserves du FRR.
Compte tenu des sommes placées ou détenues en trésorerie (57,7 milliards d’euros, dont environ 63 % par le FRR et 15 % par la CADES dans le cadre de sa stratégie d’endettement à fin 2012), du besoin en fonds de roulement lié aux actifs et passifs circulants (22,0 milliards d’euros) ainsi que des immobilisations et provisions, l’endettement financier s’élevait à 173,9 milliards d’euros au 31 décembre 2012 (contre 170,1 milliards d’euros au 31 décembre 2011).
L’ensemble de ces éléments sont détaillés en annexe 9 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.
II. – Couverture des déficits constatés sur l’exercice 2012
Les comptes du régime général ont été déficitaires de 13,3 milliards d’euros en 2012. La branche Maladie a ainsi enregistré un déficit de 5,9 milliards d’euros, la branche Vieillesse un déficit de 4,8 milliards d’euros, la branche Famille un déficit de 2,5 milliards d’euros et la branche Accidents du travail - maladies professionnelles (AT-MP) un déficit de 0,2 milliard d’euros. Par ailleurs, le FSV a enregistré un déficit de 4,1 milliards d’euros.
Dans le cadre fixé par la loi organique n° 2010-1380 du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale, la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011 a organisé le transfert à la CADES, dès l’année 2011, des déficits 2011 des branches Maladie et Famille du régime général et, au cours de l’année 2012, des déficits 2011 de la branche Vieillesse du régime général et du FSV. Conformément aux dispositions organiques, la caisse a été affectataire de ressources lui permettant de financer ces sommes.
La plupart des régimes de base autres que le régime général présentent par construction des résultats annuels équilibrés ou très proches de l’équilibre. Il en est ainsi des régimes intégrés financièrement au régime général (régimes agricoles hors branche Retraite du régime des exploitants, régimes maladie des militaires, des ministres des cultes et des marins), des régimes de retraite équilibrés par des subventions de l’État (SNCF, RATP, régimes des mines et des marins), des régimes d’employeurs (fonction publique de l’État), équilibrés par ces derniers, et enfin du régime social des indépendants, dont les déficits sont couverts par une affectation à due proportion du produit de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés.
Cependant, plusieurs régimes ne bénéficiant par de tels mécanismes d’équilibrage ont enregistré en 2012 des résultats déficitaires.
S’agissant de la branche Retraite du régime des exploitants agricoles, dont les déficits 2009 et 2010 avaient été repris par la CADES, le déficit s’est élevé à 1,0 milliard d’euros (contre 1,2 milliard d’euros en 2011). La Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) finance ces déficits par le recours à des emprunts bancaires.
Concernant la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), devenue structurellement déficitaire en 2010, le déficit s’est sensiblement réduit en 2012 (14 millions d’euros, après 0,4 milliard d’euros en 2011 et 0,5 milliard d’euros en 2010) compte tenu du prélèvement exceptionnel de 450 millions d’euros sur les réserves du fonds de l’allocation temporaire d’invalidité des agents des collectivités locales et de 240 millions d’euros sur les réserves du Fonds de compensation des cessations progressives d’activité prévu par la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013. Afin de rétablir l’équilibre financier du régime, la loi a également prévu une augmentation des taux de cotisations en 2013 et 2014.
Le déficit du régime des mines s’est élevé à 39 millions d’euros en 2012, après 186 millions d’euros en 2011, sous l’effet de la poursuite du programme de cessions immobilières engagé par la caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines. Il a été couvert dans le cadre d’emprunts à court terme effectués auprès de la Caisse des dépôts et consignations et de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale.
S’agissant de la Caisse nationale des industries électriques et gazières, le déficit s’est élevé à 91 millions d’euros en 2012 (après 46 millions d’euros en 2011). Compte tenu de l’épuisement des réserves antérieurement constituées, une augmentation des ressources du régime est intervenue en 2013 dans le cadre de la loi de financement pour cette même année.
Le déficit du régime vieillesse de base des professions libérales est passé de 74 millions d’euros en 2011 à 103 millions d’euros en 2012 ; en réponse à ce déséquilibre, une hausse des taux de cotisation en 2013, puis en 2014, a été prévue.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. À l’occasion de l’examen de cet article, je tiens à vous faire part de mon inquiétude sur une situation qui à mon sens est une anomalie.
L’annexe A jointe au projet de loi nous permet de prendre conscience qu’une partie du déficit du régime général de 2011 n’a pas été transférée à la CADES. Il faut dire que, pour ce faire, le Gouvernement aurait dû, en application de la loi organique, prendre soit la décision de prolonger la durée de vie de la CADES, donc repousser la date à partir de laquelle les déficits devraient être résorbés, soit transférer à la CADES une source supplémentaire de financement.
C’est donc l’ACOSS qui a été contrainte de supporter une partie de cette dette, ce qui a conduit le Gouvernement à porter son plafond d’emprunt à 22 milliards d'euros pour l’exercice 2012. Pourtant, ce n’est pas le rôle de l’ACOSS. Elle n’est théoriquement chargée que des financements à court terme. Aussi, madame la ministre, monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser les conditions dans lesquelles cette opération de financement de la dette à moyen terme a été menée et nous indiquer les taux qui ont été appliqués à l’ACOSS par rapport à ceux des financements à court terme ?
Je veux également évoquer la situation de la branche retraite des exploitants agricoles. Celle-ci est structurellement déficitaire ; or personne ne semble se soucier réellement des causes qui expliquent ce constat.
En 2012, son déficit s’établissait à 1 milliard d’euros, contraignant la Mutualité sociale agricole à financer ses besoins de trésorerie dans la limite de 2,9 milliards d'euros. Si la branche retraite des exploitants agricoles est dans une telle situation, c’est en raison de l’assiette de cotisations appliquée. Je rappelle que les exploitants agricoles peuvent déduire de cette assiette les investissements qu’ils réalisent.
Si nous comprenons la volonté du législateur de favoriser l’investissement agricole, nous ne pouvons pas admettre que cela se fasse au détriment de la protection sociale obligatoire de base. Cela doit relever d’une politique fiscale qui mérite sans doute des adaptations, mais certainement pas une dérogation aux principes de financement de la sécurité sociale agricole.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 et l’annexe A.
(L'article 2 et l’annexe A sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.
(La première partie du projet de loi est adoptée.)
M. le président. Nous allons examiner la deuxième partie du projet de loi concernant les dispositions relatives à l’exercice 2013.
DEUXIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2013
Article 3
À titre exceptionnel, il est prélevé, au 31 décembre 2013 au plus tard, au profit de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, une somme de 200 millions d’euros sur les réserves, constatées au 31 décembre 2012, du fonds pour l’emploi hospitalier institué par l’article 14 de la loi n° 94-628 du 25 juillet 1994 relative à l’organisation du temps de travail, aux recrutements et aux mutations dans la fonction publique. Le recouvrement, le contentieux et les garanties relatifs à ce prélèvement sont régis par les règles applicables en matière de taxes sur les salaires.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, sur l'article.
M. Alain Milon. Cet article vise à transférer 80 % des excédents du Fonds pour l’emploi hospitalier vers la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.
Dans l’étude d’impact, le Gouvernement indique que la CNRACL devra de nouveau recourir, dans la limite du plafond d’emprunt fixé par le PLFSS pour 2014, à des financements pour assurer ses besoins de trésorerie en 2014, qui atteindront jusqu’à 800 millions d’euros en février prochain. Pour minorer le montant des emprunts que devra contracter la Caisse des dépôts et consignations, gestionnaire du régime, le Gouvernement propose d’utiliser une partie des excédents du FEH.
Après l’augmentation des cotisations employeurs des hôpitaux et des collectivités locales pour rééquilibrer les comptes de leurs caisses de retraite, qui a pénalisé leurs budgets, déjà sous tension, vous proposez de détourner les ressources du FEH pour renflouer la CNRACL. Or je rappelle que les déficits des hôpitaux ne sont toujours pas résorbés, notamment dans les plus gros établissements. Selon les chiffres consolidés et définitifs de la Fédération hospitalière de France, les hôpitaux publics français ont affiché un déficit de 150 millions d’euros en 2012.
Le Fonds pour l’emploi hospitalier a été créé par la loi du 25 juillet 1994 relative à l’organisation du temps de travail, aux recrutements et aux mutations dans la fonction publique pour financer certaines indemnités allouées aux agents des hôpitaux. Il contribue au financement des droits à congés acquis au titre de la réduction du temps de travail. Il est alimenté par une contribution à la charge des établissements, équivalant à 1 % de la masse salariale des établissements hospitaliers publics, ce qui est substantiel.
Aujourd’hui, le Gouvernement entend dépouiller le FEH pour financer la CNRACL, qui souffre de problèmes chroniques de trésorerie et qui a elle-même été plusieurs fois mise à contribution par le passé. Une ponction de 200 millions d’euros est donc envisagée, et ce alors qu’il existe des besoins dans les hôpitaux, le FEH finançant, comme je l’ai déjà évoqué, les recrutements et les mutations dans les services hospitaliers.
Je m’éloigne du sujet de cet article 3 quelques instants pour dire que, en matière de ressources humaines dans les hôpitaux, il aurait été plus sage, selon nous, d’épargner à l’hôpital la remise en cause du jour de carence et de consacrer les sommes économisées aux bas salaires et aux évolutions de carrière.
Nous ne sommes donc absolument pas favorables à cet article. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 144, présenté par MM. Roche, Vanlerenberghe et Amoudry, Mmes Dini et Jouanno, M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. Cet article vise à effectuer une ponction injustifiée sur le Fonds pour l’emploi hospitalier, qui finance l’aménagement du temps de travail des personnels hospitaliers, au profit de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, qui assure le risque vieillesse.
Le FEH est alimenté par une contribution de 1 % de la masse salariale à la charge des employeurs hospitaliers pour prendre en charge les surcoûts au titre du temps partiel, de la cessation anticipée d’activité, du compte épargne-temps et des 35 heures. Rien à voir avec la retraite ! Il s’agit donc d’une mesure purement comptable.
Le FEH dispose de 233 millions d’euros de réserves, et la CNRACL aura l’année prochaine un besoin de trésorerie de 800 millions d’euros. J’y vois un petit hold-up au détriment de l’aménagement du temps de travail du personnel. Nous ne pensons pas que ce type de disposition soit de nature à assurer la pérennité et l’équité du système de retraites. C’est pourquoi nous demandons sa suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’article 3, que cet amendement vise à supprimer, propose une mesure de bonne gestion des comptes sociaux : transférer 200 millions d’euros d’un fonds structurellement excédentaire – plus de 35 millions d’euros par an au cours des quatre dernières années – vers une caisse de retraite structurellement déficitaire. En outre, ce transfert s’effectuera entre deux entités ayant les mêmes bénéficiaires, à savoir les personnels des collectivités locales et des établissements hospitaliers.
Pour mémoire, le Fonds pour l’emploi hospitalier finance non seulement les surcoûts financiers liés aux temps partiels, aux formations et aux comptes épargne-temps des personnels hospitaliers, mais aussi ceux qui sont liés à la cessation progressive d’activité des agents titulaires des collectivités locales.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il ne s’agit pas d’un hold-up, mais d’un « reroutage ». (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
Mme Isabelle Debré. Chacun sa sémantique !
M. Gérard Larcher. On l’a fait avant vous !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le transfert de 200 millions d’euros du FEH au profit de la CNRACL permettra de garantir un fonds de roulement suffisant pour le FEH, tout en réduisant le déficit prévisionnel de la Caisse à 220 millions d’euros, contre 420 millions d’euros si nous ne faisions rien.
Comme vous le savez, le Gouvernement a pris des mesures extrêmement fortes de redressement du régime : outre une affectation exceptionnelle des réserves d’autres fonds, des mesures pérennes ont été décidées, comme le relèvement de la contribution employeur de 1,45 % en 2013 et de 1,35 % en 2014. Les dispositions adoptées dans le cadre du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites – décalage de la date de revalorisation, hausse des cotisations des agents et des employeurs – contribueront également à améliorer la situation de la CNRACL.
Les déficits de cette caisse la contraignent à recourir à des financements extérieurs pour faire face à des besoins de trésorerie qui restent importants à chaque fin de mois, notamment en raison du décalage entre la date de versement des pensions, servies trois jours avant la fin du mois, et la date de recouvrement des cotisations, le 5 du mois suivant. C’est la raison pour laquelle il a été prévu un transfert exceptionnel de 200 millions d’euros depuis le Fonds pour l’emploi hospitalier, qui permettra d’alléger les besoins de trésorerie auxquels la Caisse devra faire face en fin d’année.
Le rejet de cette mesure de « reroutage » aurait des conséquences extrêmement néfastes sur le déficit de la CNRACL, mesdames, messieurs les sénateurs, ce qui risquerait de vous contrarier grandement, voire de vous faire de la peine. (Sourires.) C’est la raison pour laquelle je ne peux pas émettre un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Si la CNRACL, qui regroupe à la fois les fonctionnaires territoriaux et les fonctionnaires hospitaliers, présente un déficit structurel, c’est d’abord parce que, depuis 1974, on la ponctionne de sommes importantes : 65 milliards d’euros au total !
En 2013, nous nous sommes aperçus que le Fonds de compensation de la cessation progressive d’activité disposait de 400 millions d’euros de réserves qui ne servaient à rien. En raison d’une identité de périmètre avec la CNRACL, même s’il n’existe pas de lien direct entre ces deux organismes, les ressources de ce fonds ont été transférées à la Caisse.
Une opération identique a été réalisée avec le Fonds d’allocation temporaire d’invalidité des agents des collectivités locales, dont l’excédent a été partiellement transféré à la CNRACL. Parallèlement, le taux de cotisation de l’allocation temporaire d’invalidité a été diminué pour les collectivités locales et augmenté pour la CNRACL, ce qui a représenté en définitive une opération blanche pour les collectivités locales.
Le problème vient du fait que ces mesures ne concernaient que les collectivités locales, et non les hôpitaux. Il était donc normal de rétablir une situation identique pour tous et de supprimer les différences de traitement. Aucun fonds de compensation de la cessation progressive d’activité n’existant pour les personnels hospitaliers, ces dépenses sont pour l’instant supportées par le FEH. C’est donc sur ce fonds, qui représente en quelque sorte le parallèle du fonds de compensation pour les personnels hospitaliers, qu’il fallait intervenir.
Si ces 200 millions d’euros ne sont pas transférés à la CNRACL, cette dernière sera peut-être obligée d’augmenter ses taux pour compenser le manque à gagner. Or il serait tout de même anormal de devoir augmenter le taux de cotisation des collectivités locales au motif que les établissements hospitaliers n’ont pas un dispositif identique en matière de cessation progressive d’activité. C’est la raison pour laquelle il faut maintenir l’article 3, en retenant peut-être l’aménagement proposé par la commission.
Mme Catherine Génisson. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Notre groupe votera contre cet amendement de suppression, pour deux raisons.
Premièrement, si la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales est en déficit, c’est en partie à cause de la façon dont la droite a géré les affaires par le passé (Exclamations sur les travées de l'UMP.), notamment avec l’application de la RGPP et la casse, de longue date, de l’emploi public.
Deuxièmement, nous pensons qu’il est tout à fait possible d’envisager un autre financement que le prélèvement opéré sur le FEH. Tel sera l’objet de l’amendement n° 159.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Je vous remercie d’avoir rectifié le tir, monsieur le ministre. C’est vrai que le mot « hold-up » était un peu fort et que le terme de « reroutage », qui veut dire la même chose dans un langage postal, est meilleur. (Sourires sur les travées de l'UMP.) Néanmoins, cela ne nous empêchera pas de voter pour l’amendement de M. Roche.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. J’ai l’impression de revivre la discussion du PLFSS pour 2013, le premier de l’actuel gouvernement.
Le Gouvernement avait alors pris des dispositions, notamment au moyen d’augmentations de cotisations sociales, pour équilibrer des régimes de retraite qui étaient particulièrement déficitaires – je pense à la CNRACL ou au régime social des indépendants. Ces organismes risquaient de se retrouver en cessation de paiement, c’est-à-dire dans l’incapacité de payer les pensions à la fin de l’année 2013.
Après un débat nourri, je me souviens que les groupes de l’opposition sénatoriale ont refusé d’équilibrer ces régimes, quelles que soient les mesures que proposait le Gouvernement. Nous sommes exactement dans la même situation un an après.
Nous avons un régime, celui des collectivités locales, qui est structurellement déficitaire, notamment en raison du rapport démographique particulièrement défavorable de la CNRACL (M. Claude Domeizel marque son étonnement.) et des séquelles de la décentralisation de 2004. Or l’opposition sénatoriale continue à nous dire qu’il ne faut pas équilibrer ce régime, alors même que le Gouvernement a été obligé de relever la contribution employeur à hauteur de 1,45 % en 2013 et qu’il l’augmentera à hauteur de 1,35 % en 2014, ainsi que le ministre chargé du budget vient de le rappeler. Jusqu’où faut-il aller ? Proposez-vous de relever de nouveau les cotisations sociales employeurs ? Si tel est votre choix, dites-le nous clairement ! Il existe pourtant une solution pour améliorer l’équilibre de ce régime : mobiliser une trésorerie dormante, celle du FEH !
J’ai lu avec attention le rapport de notre collègue Yves Daudigny, qui retrace, sur cinq ans, les réserves en fin d’exercice du FEH. Je les résume à grands traits : 2010, 160 millions d’euros ; 2011, 198 millions ; 2012, 233 millions ; 2013, 271 millions ; 2014, 310 millions. Voilà autant de centaines de millions qui, depuis 2010, ne trouvent aucune affectation et ne sont pas utilisées par le FEH, quelle que soit, par ailleurs, l’utilité de ce fonds !
C’est pourquoi il est, me semble-t-il, de bonne politique de mobiliser une trésorerie qui dort et ne sert rigoureusement à rien pour contribuer à équilibrer un régime, qui, sans cette mesure, risque de ne pas pouvoir verser ses pensions de retraite en 2014. Je le répète, nous avons déjà eu ce débat l’an dernier.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous devons repousser cet amendement de suppression de l’article 3.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 144.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'UDI-UC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 45 :
Nombre de votants | 348 |
Nombre de suffrages exprimés | 348 |
Pour l’adoption | 172 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 159, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le taux de la contribution, mentionnée à l’article 5 du décret n° 2007-173 du 7 février 2007 relatif à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales est majoré pour les employeurs qui n’auraient pas mis en œuvre le processus de titularisation prévue dans la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.
Un décret précise le taux de cette contribution, les conditions de son application notamment le seuil à partir duquel elle est prélevée ainsi que les conditions dans lesquelles le bénéfice de cette contribution est destiné à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement tend à réécrire l’article 3, qui vise à opérer une ponction de 200 millions d’euros sur le Fonds pour l’emploi hospitalier au profit de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.
Le Gouvernement juge opportun de réaliser ce prélèvement au double motif que le fonds sur lequel il s’opère serait excédentaire et que les établissements publics sont contributeurs, de la même manière qu’ils contribuent au financement de la CNRACL. Pour notre part, nous contestons cette analyse et considérons que cette ponction est injuste et plutôt inefficace.
Tout d’abord, le rôle du FEH n’est pas de financer la CNRACL. Il finance les indemnités exceptionnelles de mobilité accordées aux fonctionnaires ou aux contractuels concernés par une opération de restructuration entraînant un changement de travail ou encore, pour ne prendre que cet exemple, les congés de formation professionnelle des agents de la catégorie C. Missions, vous en conviendrez, mes chers collègues, qui sont importantes.
Si ce fonds est excédentaire, il nous semble plus opportun de revoir les conditions dans lesquelles les crédits dont il dispose peuvent être employés, plutôt que de le ponctionner, ou celles dans lesquelles les établissements de santé contribuent à abonder un fonds qui n’a pas d’utilité. Compte tenu de la situation des hôpitaux, le débat mérite, reconnaissez-le, d’être engagé.
Ensuite, la CNRACL n’est pas structurellement déficitaire. Elle serait même excédentaire si elle ne contribuait pas à financer d’autres régimes de retraite,…
M. Claude Domeizel. Bien sûr !
Mme Laurence Cohen. … qui sont, eux, pour le coup, structurellement déficitaires, tels que celui des non-salariés agricoles. Celles et ceux qui ne cessent de stigmatiser les fonctionnaires et prônent une harmonisation par le bas en sont donc pour leurs frais.
Enfin – tel est le sens de notre amendement –, le financement de la CNRACL doit reposer, comme les cotisations sociales dans le secteur privé, sur la masse salariale, qui ne cesse de se réduire en raison des politiques de destruction d’emplois publics menées depuis de nombreuses années.
Afin de mettre un terme à cette situation et de rendre ainsi inutile la ponction que le Gouvernement envisage de mettre en place au travers de cet article, nous proposons une autre rédaction de l’article 3, en prévoyant de majorer la contribution des employeurs publics qui ne respectent pas l’obligation de titularisation et favorisent, par conséquent, le recrutement de contractuels, là où l’embauche de titulaires serait possible et souhaitable.
M. le président. L'amendement n° 62, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Première phrase
Supprimer les mots :
, constatées au 31 décembre 2012,
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° 62 et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 159.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’amendement n° 62 vise à apporter une simplification rédactionnelle : le montant du prélèvement effectué sur les réserves du FEH étant exprimé en euros et non en pourcentage, il est inutile de préciser la date à laquelle les réserves ont été constatées.
Quant à l’amendement n° 159, il prévoit, afin de résorber le déficit de la CNRACL, de remplacer le transfert proposé par l’article 3 par une hausse de la contribution des employeurs publics – collectivités locales et hôpitaux – ne respectant pas le processus de titularisation prévu dans la loi Sauvadet du 12 mars 2012.
Cette loi, qui a largement été enrichie par les travaux du Sénat, en particulier par les dispositions introduites sur l’initiative de Mme la rapporteur de la commission des lois, Mme Tasca, est actuellement mise en œuvre dans les différentes fonctions publiques. Il ne me semble donc pas opportun de prévoir de sanction pour l’application d’un texte qui va dans le bon sens et que les administrations centrales, les collectivités locales et les hôpitaux sont en train de s’approprier.
Je propose aux auteurs de l’amendement de rediscuter de la mise en place d’une telle mesure à l’issue de la période de quatre ans fixée par l’accord du 31 mars 2011 pour la mise en œuvre du quinzième plan de résorption de la précarité dans les administrations de l’État, des collectivités locales et des établissements sociaux et de santé.
En attendant, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 62. En revanche, il est défavorable à l’amendement n° 159 pour les raisons que vient d’exposer M. le rapporteur général.
La mise en place d’une majoration de cotisation vieillesse à la charge des employeurs qui n’auraient pas mis en œuvre le processus de titularisation prévu par la loi du 12 mars 2012 ne peut être retenue, car cela reviendrait à instaurer un dispositif de sanction étranger à l’objet de la cotisation vieillesse elle-même. En outre, ce dispositif ne concernerait que les seuls employeurs de la fonction publique territoriale et hospitalière.
Une telle mesure s’impose d’autant moins que le Gouvernement sera, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, très attentif et vigilant à ce que les établissements de santé des collectivités territoriales s’acquittent de leur obligation de mise en place d’un programme d’accès à l’emploi titulaire et développent une politique active de titularisation.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
I. – A. – Il est institué une participation à la prise en charge des modes de rémunération mentionnés au 13° de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale par les mutuelles régies par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies par le livre IX du code de la sécurité sociale ou par le livre VII du code rural et de la pêche maritime et les entreprises régies par le code des assurances. Son produit est affecté à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés.
La participation est due par chaque organisme, mentionné au premier alinéa, en activité au 31 décembre de l’année au titre de laquelle elle est perçue.
Elle est égale au produit d’un forfait annuel par le nombre d’assurés et d’ayants droit couverts par l’organisme, à l’exclusion des bénéficiaires de la couverture complémentaire mentionnée à l’article L. 861-1 du code de la sécurité sociale, au 31 décembre de l’année précédant celle au titre de laquelle elle est perçue et pour lesquels ce dernier a pris en charge, au cours de cette même année, au moins une fois, en tout ou partie, la participation de l’assuré due au titre d’une consultation ou d’une visite du médecin traitant au sens de l’article L. 162-5-3 du même code.
Le montant du forfait annuel est fixé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. Il est égal au résultat de la division d’un montant de 150 millions d’euros par le nombre d’assurés et d’ayants droit remplissant les conditions définies au troisième alinéa du présent A, sans pouvoir excéder la limite de 5 €. Le résultat obtenu est arrondi au centime d’euro le plus proche.
Les modalités d’échange des données nécessaires à la détermination du montant du forfait annuel, notamment les effectifs des assurés et des ayants droit remplissant les conditions définies au même troisième alinéa, sont déterminées par décret en Conseil d’État.
B. – Par dérogation au A, pour le calcul de la participation due au titre de l’année 2013, le forfait annuel par assuré ou ayant droit est fixé à 2,5 €.
II. – La participation est recouvrée par l’organisme désigné pour le recouvrement de la taxe mentionnée à l’article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, concomitamment au recouvrement de cette même taxe, sous réserve d’aménagements prévus, le cas échéant, par décret en Conseil d’État. Elle est contrôlée selon les règles, garanties et sanctions prévues pour ladite taxe.
III. – La participation mentionnée au I est due pour chacune des années 2013 à 2015.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 156 est présenté par MM. Roche, Vanlerenberghe et Amoudry, Mmes Dini et Jouanno, M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 160 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 294 rectifié bis est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Roche, pour présenter l’amendement n° 156.
M. Gérard Roche. Cet amendement vise à supprimer l’article 4, qui institue une taxation sur les complémentaires, méconnaissant fondamentalement l’engagement pris par l’UNOCAM, l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire, lors de la signature de l’avenant n° 8 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie.
Aux termes de cet avenant, l’UNOCAM participe au développement des nouveaux modes de rémunération, en complétant, à hauteur de 150 millions d’euros, le financement mis en place par l’assurance maladie obligatoire. Or les modalités de financement du dispositif prévu à l’article 4 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 dénaturent les engagements pris.
Le dispositif prévu à cet article s’apparente à un prélèvement global effectué sur les organismes complémentaires au bénéfice de la CNAM. Il s’agit en effet d’une taxe et non du financement d’une prestation de soins. Par cette taxation, je le répète, vous méconnaissez fondamentalement l’engagement pris par l’UNOCAM au moment de la signature de l’avenant n° 8. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l'amendement n° 160.
M. Dominique Watrin. L’article 4 a pour objet d’accroître la participation des organismes de protection complémentaire au financement du forfait médecin traitant. Cette mesure est présentée comme la suite de la signature de l’avenant n° 8 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie, signée le 26 juillet 2011.
Comme vous le savez, nous sommes plus que réservés à l’égard de cet avenant : non seulement il revient à légaliser les dépassements d’honoraires, mais il pourrait même inciter les médecins conventionnés de secteur 1 à pratiquer des dépassements, puisque ceux-ci sont pris en charge, en quelque sorte, par les organismes complémentaires d’assurance maladie. Or cette prise en charge n’est pas sans conséquence sur les tarifs des contrats, qui vont nécessairement augmenter.
Pour notre part, nous aurions préféré un mécanisme plus solidaire : une revalorisation de la consultation par la sécurité sociale et le financement par ce moyen des nouveaux modes de rémunération. Ce qui serait possible si des mesures efficaces étaient prises pour équilibrer les comptes.
Quant aux nouveaux modes de rémunération envisagés, ils ressemblent davantage à un complément au paiement à l’acte qu’à la réelle alternative au financement forfaitaire que nous appelons de nos vœux et que propose aussi le syndicat de la médecine générale.
Enfin, les modalités d’application du prélèvement opéré sur les organismes complémentaires s’apparentent davantage à une nouvelle taxe qu’à une véritable contribution en faveur du développement de nouveaux modes de rémunération. On peut même se demander si les organismes complémentaires ne sont pas transformés en collecteurs d’impôt.
Je vous rappelle que la Mutualité française, qui s’est prononcée contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale dans chacune des instances officielles où elle siège, s’est déclarée particulièrement défavorable à ce dispositif.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons la suppression de l’article 4.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° 294 rectifié bis.
M. Jean-Claude Requier. L’article 4 instaure une participation des organismes complémentaires d’assurance maladie à la prise en charge des nouveaux modes de rémunération des médecins libéraux, notamment du forfait médecin traitant, en conformité avec l’avenant n° 8 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie.
Le 25 octobre 2012, l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire a signé cet avenant, dont l’article 7 dispose que « les organismes complémentaires souhaitent participer » au « développement des nouveaux modes de rémunération en complétant le financement mis en place par l’assurance maladie obligatoire à hauteur de 150 millions d’euros, notamment par le développement de forfaits pour les médecins traitants ».
Or cet engagement de l’UNOCAM est dénaturé par le dispositif prévu à l’article 4 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui risque en outre d’entraîner le blocage des futures négociations conventionnelles.
Sur la forme, en effet, cet article permet à l’assurance maladie de disposer autoritairement des fonds librement consentis par les opérateurs complémentaires, sans concertation avec eux. Sur le fond, le dispositif proposé s’apparente à une nouvelle taxation des complémentaires, alors qu’il s’agissait initialement de financer une prestation de soins.
C’est pourquoi nous invitons le Sénat à supprimer l’article 4.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces trois amendements identiques tendent à supprimer l’article 4 relatif à la participation des organismes complémentaires au financement du forfait médecin traitant.
Que les modalités de cette participation ne soient pas pleinement satisfaisantes, on peut en convenir ; mais, en pratique, personne ne propose une autre méthode. Au demeurant, je tiens à souligner que les OCAM se sont bel et bien engagés à verser 150 millions d’euros au titre de cette participation – personne ne peut le contester.
Depuis la création de la sécurité sociale, les organismes complémentaires prennent en charge, totalement ou partiellement, le ticket modérateur. Dans les faits, toutefois, ce système ne s’applique qu’au paiement à l’acte. Or il n’est pas tout à fait logique que les OCAM financent le ticket modérateur correspondant aux actes et ne contribuent en rien aux rémunérations liées à des objectifs de santé publique, d’autant que ces rémunérations prennent une part croissante.
Supprimer l’article 4 sans proposer d’autre solution aggraverait le déficit de l’assurance maladie de 450 millions d’euros sur la période 2013-2015, ce qui ne me paraît pas très judicieux.
Enfin, il faut garder à l’esprit que ce dispositif s’appliquera de façon transitoire, dans l’attente d’une procédure pérenne ; l’amendement n° 1, que j’ai déposé au nom de la commission des affaires sociales, vise à insister sur ce caractère temporaire.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Lors de la négociation de l’avenant n° 8 visant à encadrer les dépassements d’honoraires, contrairement à ce que j’ai entendu, les organismes complémentaires se sont engagés à apporter une contribution financière de 150 millions d’euros. Le débat portait sur la manière de déterminer le versement de cette somme, destinée à la prise en charge du forfait de 5 euros versé annuellement aux médecins traitants. Je signale que ces forfaits ont commencé à être versés aux médecins traitants en juillet dernier, alors même que la contribution des organismes complémentaires n’avait pas encore été apportée.
Le problème consiste à assurer l’identification de la contribution des organismes complémentaires par les professionnels de santé et par les patients. En d’autres termes, comment les patients peuvent-ils savoir que les organismes complémentaires contribuent à une prise en charge améliorée ?
Pour assurer cette traçabilité, il est nécessaire de mettre en place le tiers payant ; je ne doute pas que nous en débattrons. En attendant, la seule solution pour maintenir les versements aux professionnels de santé consiste à instaurer un financement forfaitaire global. Dans l’esprit du Gouvernement, il s’agit d’un dispositif temporaire, transitoire, qui a vocation à s’éteindre dès que le tiers payant permettra l’identification de la contribution des complémentaires.
Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. L’article 4 organise l’application de l’article 7 de l’avenant n° 8 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie.
On a rappelé que cet avenant comporte l’engagement des organismes complémentaires de participer, à hauteur de 150 millions d’euros, au développement des nouveaux modes de rémunération des médecins traitants, en complément du financement mis en place par l’assurance maladie obligatoire. Ce dispositif vise à pallier, de manière transitoire, l’absence actuelle d’un mécanisme de tiers payant intégral.
Comme Mme la ministre l’a souligné, le tiers payant permettra aux organismes complémentaires, à l’avenir, de verser directement leur participation aux médecins traitants. Lorsque ce dispositif aura été mis en place, cette participation prendra la forme du remboursement, par chaque organisme concerné, de la somme avancée par l’assurance maladie pour le financement du forfait versé au médecin traitant.
Compte tenu de sa complexité, il ne semble pas inutile de revenir sur l’architecture d’un dispositif qui a été pensé, disons-le franchement, dans la précipitation. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’avenant du 25 octobre 2012 n’a trouvé aucune application à ce jour. Le plus regrettable, c’est que, depuis un an, aucune précision n’a été apportée sur les modalités concrètes de son application. Dans le flou, certains parlent de forfait, d’autres de prélèvement ; peut-être cela dépend-il, en fin de compte, du point de vue dont on se place.
Madame la ministre, en défendant le dispositif prévu à l’article 4, vous donnez aux organismes complémentaires le sentiment que vous transformez l’engagement volontaire qu’ils ont consenti, à hauteur de 150 millions d’euros, en une taxe versée aveuglément à l’assurance maladie. Il est trop facile d’instrumentaliser la rémunération des médecins traitants pour nous obliger à voter un dispositif qui va asphyxier les organismes complémentaires et déresponsabiliser les assurés, avant qu’eux-mêmes ne doivent finalement en supporter le coût.
Pour toutes ces raisons, nous voterons les amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Le rôle, particulièrement important, du médecin traitant doit être envisagé dans le cadre du parcours de santé que nous appelons tous de nos vœux.
En ce qui concerne la limitation des dépassements d’honoraires, qui est l’un des objectifs de la convention nationale, il faut relativiser la situation : c’est parce que les médecins, notamment les médecins spécialistes, n’ont bénéficié d’aucune augmentation depuis des années que les dépassements ont été autorisés, pour compenser le manque à gagner flagrant des praticiens.
Que l’accès à la médecine spécialisée soit amélioré, nous le souhaitons tous. Seulement voilà : tant qu’on n’augmentera pas davantage le numerus clausus, certains territoires – toujours les mêmes : les plus défavorisés et les plus reculés – continueront de souffrir d’un manque dramatique de médecins spécialisés. De fait, le déficit structurel qui existe dans certaines spécialités, comme la gynécologie et l’anesthésie-réanimation, met en cause la bonne marche d’un certain nombre de services. Madame la ministre, j’insiste sur ce point, pour améliorer l’accès à la médecine spécialisée, il faudra revenir sur le numerus clausus.
Les contrats d’accès aux soins doivent permettre, par la définition de protocoles de soins, d’assurer à tous les malades les meilleures chances de guérir et de bénéficier de mesures de prévention bien établies. Le principe en est intéressant, mais, si l’on veut continuer d’avoir des médecins généralistes sur tout le territoire, il ne faut pas que ce dispositif devienne une contrainte supplémentaire. En effet, à force de créer des contraintes, on décourage les bonnes volontés, au point même que les problèmes de rémunération deviennent secondaires.
Si toutes ces mesures visent à responsabiliser les praticiens, il me semble, madame la ministre, qu’elles vont à l’encontre de votre volonté de généraliser le tiers payant.
Je pense qu’il est tout à fait important de responsabiliser aussi les usagers. Nous connaissons les difficultés des services d’urgence, surchargés pour des pathologies qui ne relèvent pas toujours directement de la médecine d’urgence. Les statistiques publiées sous les différents gouvernements montrent que certains patients y ont recours parce qu’ils sont pressés et parce que le tiers payant s’y applique. Le service étant gratuit, on n’a aucune gêne à se déplacer pour se faire soigner ! Mes chers collègues, nous devons être attentifs à ce problème.
Il faut se préoccuper aussi de la surconsommation des médicaments, dont nous avons déjà débattu. Lorsque j’exerçais le formidable métier de médecin de famille, j’ouvrais régulièrement les armoires des gens avant de renouveler les ordonnances : on découvre parfois des stocks impressionnants ! Comme les gens ne paient pas, ils ignorent le prix des médicaments ; quand on leur révèle la valeur de ce qu’ils ont en stock, ils sont parfois surpris.
Je pense qu’il faut responsabiliser les usagers en plus de responsabiliser les médecins, si l’on veut garantir une médecine de qualité à un coût supportable par la société.
En ce qui me concerne, je voterai donc les amendements de suppression.
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’annonce par les groupes politiques de la suppression de cet article était prévisible, mais elle me paraît un fait étrange.
J’ai sous les yeux l’avenant n° 8 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 26 juillet 2011. Permettez-moi de vous donner lecture de l’alinéa 4 de l’article 7 : « Les organismes complémentaires souhaitent participer » au « développement des nouveaux modes de rémunération en complétant le financement mis en place par l’assurance maladie obligatoire à hauteur de 150 millions d’euros, notamment par le développement de forfaits pour les médecins traitants ».
Mes chers collègues, j’en appelle à votre esprit de responsabilité : songez que la suppression de l’article 4, en privant l’assurance maladie de cette ressource, creusera son déficit de 450 millions d’euros au cours des trois années à venir. On pouvait discuter des modalités d’application de ce dispositif – j’avais moi-même présenté plusieurs amendements visant à les modifier –, mais je ne comprends pas qu’on en vienne à supprimer l’article dans sa totalité.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 156, 160 et 294 rectifié bis.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 46 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l’adoption | 208 |
Contre | 138 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 4 est supprimé et les amendements nos 161, 1, 2 et 3 n’ont plus d’objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, j’en rappelle les termes :
L'amendement n° 161, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, était ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au 2°, les mots : « excédant le tact et la mesure » sont supprimés ;
2° Le 3° est abrogé ;
3° Le huitième alinéa est ainsi rédigé :
« - une pénalité financière égale à dix fois le montant des dépassements pour les cas mentionnés aux 2° et 4° ; ».
II. – L’article L. 1111-3 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la troisième phrase du premier alinéa, les mots : « et, le cas échéant, en application du deuxième alinéa du présent article, le montant du dépassement facturé » sont supprimés ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Si le professionnel prescrit un acte à réaliser lors d’une consultation ultérieure, il est tenu de remettre à son patient une information écrite préalable précisant le tarif des actes effectués. » ;
3° À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « , y compris les dépassements qu’il facture » sont supprimés.
L'amendement n° 1, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales, était ainsi libellé :
Alinéa 1
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
I. – A. – Dans l’attente de la mise en place de la dispense d’avance de frais portant à la fois sur la part obligatoire et sur la part complémentaire, il est institué une participation à la prise en charge des modes de rémunération mentionnés au 17° de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale…
L'amendement n° 2, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales, était ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Après le mot :
perçue
supprimer la fin de cet alinéa.
II. – En conséquence,
1° Alinéa 4, deuxième phrase
Remplacer les mots :
remplissant les conditions définies
par le mot :
mentionnés
2° Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
Les organismes mentionnés au premier alinéa transmettent le nombre des assurés et ayants droit mentionnés au troisième alinéa dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.
L'amendement n° 3, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales, était ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Lorsque les caisses d’assurance maladie informent les médecins du versement d’une rémunération mentionnée au premier alinéa, elles leur font part de la participation prévue au présent A.
Article 5
I. – L’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires restitue aux régimes obligatoires d’assurance maladie, avant le 31 décembre 2013, une fraction des dotations qui lui ont été attribuées au titre des exercices 2010 à 2012, égale à 27 623 999,18 €. Ce montant est versé à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, qui le répartit entre les régimes, dans des conditions fixées par arrêté des ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et du budget.
II. – L’article 73 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 est ainsi modifié :
1° Au I, le montant : « 370,27 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 343,47 millions d’euros » ;
2° Au II, le montant : « 124 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 139 millions d’euros » ;
3° Au III, le montant : « 22,2 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 32,2 millions d’euros ».
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, je voudrais profiter de cette intervention sur l’article 5, qui n’a fait l’objet d’aucun débat à l’Assemblée nationale, pour vous interroger sur l’existence des fonds dont il est ici question, plus particulièrement le Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés, le FMESPP, et l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, l’ONIAM.
Cet article permet de récupérer 26,8 millions d’euros auprès du FMESPP, qui n’aurait pas utilisé tous les crédits dont il dispose. Le mécanisme est effectivement prévu, puisque la loi a mis en place une procédure de déchéance annuelle pour les crédits n’ayant pas fait l’objet d’une décision attributive de subvention ou d’un agrément par une agence régionale de santé, dans un délai d’un an à compter de la délégation de ces crédits à ces agences par le FMESPP.
Rien d’étonnant ou de scandaleux en soi, bien que ce ne soit pas la première année que tous les crédits affectés à ce fonds ne sont pas consommés, ce qui nous étonne, puisque, même si son paramètre a été redéfini depuis la création du Fonds d’intervention régional, il lui incombe toujours de financer ou, tout du moins, de participer au financement de mesures nationales, en particulier aux investissements faisant l’objet d’un financement national.
Les crédits peuvent dès lors être mobilisés pour financer des mesures d’amélioration des conditions de travail des personnels des établissements de santé, des mesures de modernisation desdits établissements ou encore l’accompagnement des hôpitaux vers la performance hospitalière. Il s’agit de missions effectivement importantes pour les personnels comme pour le développement des hôpitaux. Je peine donc à comprendre comment ces sommes peuvent ne pas être utilisées, alors même que les agents des hôpitaux que nous rencontrons ne cessent de nous dire combien ils sont en attente de telles mesures.
À l’inverse, vous augmentez la dotation de l’ONIAM, pour la porter en 2013 à 139 millions d’euros, au motif que l’accélération des délais de traitement de l’office aurait conduit à l’apurement d’un plus grand nombre de dossiers qu’escompté. Cette mesure va donc dans l’intérêt des patients, ce qui ne peut que nous satisfaire. Toutefois, madame la ministre, vous savez que, depuis la crise dite du Mediator, l’ONIAM a en charge l’indemnisation des patients ayant consommé du Benfluorex. Or il s’avère que les dossiers sont traités avec lenteur et qu’un grand nombre d’entre eux, notamment pour les cas les moins graves, sont systématiquement écartés de la procédure d’indemnisation. Cela inquiète la pneumologue Irène Frachon, à l’origine de l’affaire du Mediator, laquelle déclarait encore récemment : « Nous avons confronté [leurs] résultats à ceux de récentes études épidémiologiques ciblées sur l’effet du Mediator. Cela ne colle pas. »
Par ailleurs, la procédure d’indemnisation prévoit que l’ONIAM est autorisé à engager des actions récursoires contre le laboratoire exploitant, lorsque l’office indemnise une victime. Or, comme l’avait fort à propos relevé notre collègue François Autain, il ne s’agit là que d’une faculté laissée à l’ONIAM, ce qui sous-entend que les actions récursoires ne sont pas automatiques. Je voudrais donc savoir où nous en sommes aujourd'hui sur ce dossier.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
I. – Au titre de l’année 2013, sont rectifiés :
1° Les prévisions de recettes, les objectifs de dépenses et le tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros) |
||||
Prévisions de recettes |
Objectifs de dépenses |
Solde |
||
Maladie |
181,7 |
189,5 |
-7,8 |
|
Vieillesse |
212,1 |
216,2 |
-4,1 |
|
Famille |
55,2 |
58,0 |
-2,8 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
13,2 |
12,9 |
0,4 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
449,4 |
463,7 |
-14,3 |
; |
2° Les prévisions de recettes, les objectifs de dépenses et le tableau d’équilibre, par branche, du régime général de sécurité sociale, ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros) |
||||
Prévisions de recettes |
Objectifs de dépenses |
Solde |
||
Maladie |
157,5 |
165,2 |
-7,7 |
|
Vieillesse |
111,3 |
114,6 |
-3,3 |
|
Famille |
54,8 |
57,6 |
-2,8 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
11,8 |
11,5 |
0,3 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
323,5 |
337,0 |
-13,5 |
; |
3° Les prévisions de recettes, les prévisions de dépenses et le tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros) |
||||
Prévisions de recettes |
Prévisions de dépenses |
Solde |
||
Fonds de solidarité vieillesse |
16,9 |
19,7 |
-2,7 |
; |
4° L’objectif d’amortissement de la dette sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, qui est fixé à 12,6 milliards d’euros.
II. – Les prévisions des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites demeurent fixées conformément au II de l’article 35 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013.
III. – Les prévisions rectifiées de recettes mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse demeurent fixées conformément au III du même article 35.
M. le président. L'amendement n° 322, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
(En milliards d’euros) |
|||
|
Prévisions de recettes |
Objectifs de dépenses |
Solde |
Maladie |
181,7 |
189,4 |
-7,7 |
Vieillesse |
212,1 |
216,2 |
-4,1 |
Famille |
55,2 |
58,0 |
-2,8 |
Accidents du travail et maladies professionnelles |
13,2 |
12,9 |
0,4 |
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
449,4 |
463,6 |
-14,2 |
II. - Alinéa 5, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
(En milliards d’euros) |
|||
|
Prévisions de recettes |
Objectifs de dépenses |
Solde |
Maladie |
157,5 |
165,1 |
-7,6 |
Vieillesse |
111,3 |
114,6 |
-3,3 |
Famille |
54,8 |
57,6 |
-2,8 |
Accidents du travail et maladies professionnelles |
11,8 |
11,5 |
0,3 |
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
323,5 |
336,9 |
-13,3 |
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Cet amendement a pour objet de prendre en compte les dernières données connues concernant l’objectif national de dépenses d’assurance maladie.
Compte tenu de ces éléments, nous pouvons considérer que l’exécution de l’ONDAM pour l’année 2013 enregistre un écart à la baisse de 650 millions d’euros, en deçà de l’objectif voté dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, et non pas de 500 millions d’euros, chiffre initialement retenu lors de la construction de cet objectif national.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement, comme vient de l’indiquer Mme la ministre, vise à modifier à la marge les prévisions de dépense et le solde du régime général et des régimes obligatoires de base pour 2013.
L’ajustement proposé vise à tenir compte des dernières données connues concernant l’évolution de l’ONDAM, à savoir une diminution de 150 millions d’euros des dépenses de soins de ville.
La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. L’article 6 du présent projet de loi a pour objet de réviser les tableaux d’équilibre des différentes branches de la sécurité sociale pour 2013. Ces rectifications traduisent un problème d’appréciation récurrent de la part du Gouvernement sur la situation économique de notre pays : je veux parler d’une erreur concernant la prévision de croissance, fixée à 0,8 % du PIB en loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, et qui n’atteindra péniblement que 0,1 %.
Dans un contexte de perte de recettes due au manque de croissance et de montée du chômage, l’ensemble des régimes obligatoires de base affiche un déficit pour 2013 de 14,2 milliards d’euros, au lieu des 12,8 milliards d’euros initialement prévus dans la loi de financement pour 2013. Ces chiffres doivent nous conduire à engager une réflexion plus profonde sur ce qui constitue l’architecture de notre système de financement en matière de sécurité sociale. En effet, nous partageons tous la conception solidaire qui caractérise notre système de protection sociale, qui permet à tous nos concitoyens d’être égaux devant l’accès aux soins.
Pour autant, si notre fiscalité a pour objectif de réduire les inégalités sociales, encore faut-il, avant de réfléchir à la redistribution des richesses, que l’impôt soit cohérent dans son prélèvement. Il n’est pas possible de taxer tout et n’importe quoi, ni de le faire n’importe comment. Même la Commission européenne nous avait indiqué l’importance de déplacer la charge fiscale du travail vers l’environnement et la consommation. En d’autres termes, elle nous incite à ne pas céder en permanence à la facilité pour financer notre sécurité sociale. Or telle n’est pas la voie que vous suivez, puisque, comme d’habitude, vous faites reposer l’effort sur le travail.
Récemment, le Président de la République avait fait mine de promettre aux Français une grande réforme fiscale pour plus de lisibilité. Aujourd’hui, nous voyons bien qu’il s’agissait de paroles en l’air. Voyez un peu l’incohérence d’une politique fiscale qui devait d’abord faire financer les retraites par la CSG et qui est maintenant censée soutenir notre système de protection sociale par de nouveaux prélèvements sur le travail !
Certains avaient proposé d’engager une réflexion sur la nécessité de rechercher d’autres ressources. C’est une voie que nous aurions dû explorer. Je suis convaincu qu’à terme nous ne pourrons plus y déroger, car il me paraît suicidaire d’asseoir toujours plus le financement de notre système de protection sociale sur le travail, à moins de vouloir ouvertement et complètement le décourager, tarir la richesse de notre pays et finalement provoquer son effondrement total.
Nous voterons donc contre cet article.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Cet article, ajusté par l’amendement gouvernemental n° 322, a pour objet de réviser les tableaux d’équilibre des différentes branches de la sécurité sociale pour 2013.
L’observation que nous avons formulée lors de l’examen de l’article 1er, quant aux conditions dans lesquelles la droite avait obtenu en 2012 une réduction des déficits sociaux, pourrait malheureusement s’appliquer ici puisque le même effet est obtenu aujourd'hui, moins en raison d’un accroissement des ressources solidaires que de l’application d’une politique de rigueur, dont les hôpitaux sont les premières victimes.
De la même manière, si le déficit du Fonds de solidarité vieillesse a été ralenti, c’est grâce à l’instauration par le précédent projet de loi de financement de la sécurité sociale de la taxe sur les retraites, dont le produit lui a été dédié, alors même que l’objectif de cette taxe était logiquement de préparer et financer la future réforme de la perte d’autonomie.
Qui plus est, même si les déficits ont effectivement été réduits, je tiens à signaler que le déficit demeure supérieur à ce qui était prévu, et ce alors même qu’il n’y a eu aucun dérapage, aucune hausse des dépenses de santé et que, faut-il le rappeler, tous les crédits votés n’ont pas été utilisés.
C’est donc bien du côté des choix économiques et sociaux du Gouvernement qu’il faut rechercher les causes de ces déséquilibres. Les prévisions de croissance sur lesquelles celui-ci fonde ses projets de loi de financement de la sécurité sociale sont totalement déconnectées de la situation réelle. L’an dernier, il nous promettait une croissance de 0,9 % et une importante augmentation de la masse salariale. Aujourd’hui, avec le recul, la réalité apparaît très différente puisque la croissance a péniblement atteint les 0,1 % et que nous avons frôlé, en raison des politiques de rigueur, la récession.
Nous analysons aussi cet échec comme le refus de prendre en compte les amendements que nous proposons en faveur d’un financement juste et équilibré de notre protection sociale.
C’est parce que vous refusez de moduler les cotisations sociales de telle sorte qu’elles soient plus lourdes pour les pourvoyeurs d’emplois précaires et moins lourdes pour les employeurs qui favorisent l’emploi et les salaires que les contrats précaires et atypiques augmentent.
C’est parce que vous refusez d’interdire les licenciements boursiers que les entreprises qui réalisent des bénéfices et distribuent des dividendes licencient.
C’est parce que vous refusez de sanctionner financièrement les employeurs qui pratiquent des discriminations salariales à l’égard des femmes que ces dernières vont continuer à percevoir des salaires nettement inférieurs à ceux des hommes et donc moins cotiser.
Pour toutes ces raisons, le groupe CRC votera contre cet article.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Dans le prolongement de l’intervention talentueuse et fort bien étayée de notre collègue Alain Milon, je voudrais dire quelques mots au sujet de l’aspect financier et technique de l’amendement du Gouvernement.
Les précédentes lois de financement de la sécurité sociale, quelles que soient les majorités, comportaient toutes ces tableaux rectificatifs nous présentant de manière pédagogique les différentes masses budgétaires. Je rappelle les chiffres pour l’année 2013 : 449,4 milliards d’euros en prévisions de recettes et 463,6 milliards d’euros en objectifs de dépenses, dont 189,4 milliards d’euros pour la branche maladie, soit un solde de 14,2 milliards d’euros. Ces chiffres nous interpellent et nous font réfléchir.
En commission, M. le rapporteur général nous a détaillé, en faisant preuve de qualités pédagogiques, l’évolution de ces masses financières. Alors on peut comprendre qu’aucune prévision n’est parfaite et qu’il peut être nécessaire d’ajuster les chiffres, mais je partage en tout point les propos de notre collègue Alain Milon. Par conséquent, je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 n'est pas adopté.)
Article 7
Au titre de l’année 2013, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que ses sous-objectifs sont rectifiés ainsi qu’il suit :
(En milliards d’euros) |
|
Objectif nationalde dépenses |
|
Dépenses de soins de ville |
80,0 |
Dépenses relatives aux établissements de santé tarifés à l’activité |
56,6 |
Autres dépenses relatives aux établissements de santé |
19,8 |
Contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes âgées |
8,4 |
Contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes handicapées |
8,7 |
Autres prises en charge |
1,3 |
Total |
174,9 |
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. Lors de la discussion générale, mon collègue Dominique Watrin a rappelé que notre groupe s’était opposé à la fixation de l’ONDAM pour 2013, que nous jugions insuffisant.
Cet article revoit l’ONDAM pour 2013 à la baisse puisque les dépenses d’assurance maladie se sont établies à un niveau inférieur d’environ 500 millions d’euros à ce qui avait été prévu. Si ce résultat est effectivement en partie dû aux médecins, qui ont respecté leurs engagements en matière de réduction des prescriptions, il est également la conséquence d’une pression financière importante sur les établissements publics de santé, qui, je ne répéterai pas ce qu’a dit Dominique Watrin précédemment, ont supporté une campagne tarifaire d’une grande vigueur, aggravant ainsi leurs difficultés.
Mais c’est également la conséquence d’un mouvement particulièrement préoccupant, en constante progression, de renoncement aux soins des plus faibles, des plus pauvres, des plus éloignés du système de santé. Comme vous le savez, selon l’INSEE, en 2010, 16,2 % de la population métropolitaine âgée de dix-huit à soixante-quatre ans déclarait avoir renoncé à des soins pour des raisons financières au cours des douze derniers mois. C’était le cas de 32,6 % des individus non couverts par une complémentaire. À structures d’âges et de sexes comparables, les bénéficiaires de la CMU-C sont 20,4 % à renoncer, quand ceux qui sont protégés par une couverture privée sont 14,7 %.
Les dispositions contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne sont pas de nature à inverser cette situation puisque vous concentrez vos efforts sur les mesures d’accompagnement des dépassements d’honoraires quand il faudrait les interdire. En outre, vous voulez coûte que coûte développer les mutuelles, y compris la CMU ou la CMU-C, quand l’urgence et l’efficacité supposent de garantir pour toutes et tous une prise en charge à 100 % par la sécurité sociale.
Pour toutes ces raisons, le groupe CRC votera contre cet article.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, sur l'article.
M. Alain Milon. Cet article rectifie les données relatives à l’ONDAM de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que celles qui sont relatives à ses sous-objectifs au titre de l’année 2013.
Sur la base des données qui nous sont communiquées, nous nous réjouissons que les objectifs fixés aient été respectés, avec un niveau de dépenses d’assurance maladie inférieur d’environ 500 millions d’euros à ce qui avait été prévu. Cette réussite n’est pas seulement conjoncturelle, eu égard à l’absence d’épidémie importante au cours de l’année qui s’achève ; c’est aussi le résultat de la bonne volonté affichée des médecins, qui ont veillé à n’établir que les prescriptions nécessaires. En effet, nous observons avec satisfaction que les dépenses de médicaments ont été réduites, grâce notamment à l’action des médecins de ville, qui ont respecté leur engagement en matière de maîtrise médicalisée. Je ne peux m’empêcher de rappeler le volontarisme de la précédente majorité lorsqu’elle avait eu à cœur de maîtriser les dépenses de santé !
Néanmoins, je pense que le Gouvernement devrait redonner de l’oxygène aux soins de ville, notamment en s’appuyant davantage encore sur le développement de la chirurgie ambulatoire, qui pourrait générer jusqu’à 5 milliards d’euros d’économies supplémentaires selon les estimations de la Cour des comptes. La médecine de ville libérale est prête à assumer le transfert de l’activité hospitalière, pour peu qu’on lui en donne les moyens.
M. le président. L'amendement n° 323, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2, tableau
Rédiger ainsi ce tableau :
(En milliards d’euros) |
|
Objectif national de dépenses |
|
Dépenses de soins de ville |
79,9 |
Dépenses relatives aux établissements de santé tarifés à l’activité |
56,6 |
Autres dépenses relatives aux établissements de santé |
19,8 |
Contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes âgées |
8,4 |
Contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes handicapées |
8,7 |
Autres prises en charge |
1,3 |
Total |
174,8 |
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Les économies réalisées ayant été plus importantes, nous en tirons les conséquences, comme à l’article 6, en proposant de réduire l’ONDAM de 150 millions d’euros.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.
(La deuxième partie du projet de loi n’est pas adoptée.)
Demande de priorité
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, la commission demande l'examen par priorité, au sein de la troisième partie, de l’article 12 ter.
M. le président. Je rappelle que, aux termes de l'article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est de droit.
Mes chers collègues, il reste 264 amendements à examiner sur ce texte.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
4
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 13 novembre 2013, à quatorze heures trente et le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2014 (n° 117, 2013-2014) ;
Rapport de MM. Yves Daudigny, Georges Labazée, Mmes Isabelle Pasquet, Christiane Demontès et M. Jean-Pierre Godefroy, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 126, 2013-2014) ;
Avis de M. Jean-Pierre Caffet, fait au nom de la commission des finances (n° 127, 2013-2014).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 13 novembre 2013, à zéro heure vingt-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART