M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Victorin Lurel, ministre. Monsieur Cointat, j’ai demandé au Gouvernement, sans avoir sollicité, je l’avoue, l’accord préalable des élus de Saint-Martin, de m’autoriser à présenter devant le Parlement, au plus tard au début de l’année prochaine, une modification de la loi organique relative à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, où quelques problèmes se posent également.
M. Christian Cointat. Excellente nouvelle, monsieur le ministre !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Ces deux amendements sont présentés par MM. Antoinette et Antiste, Mme Claireaux et MM. Desplan, J. Gillot, Mohamed Soilihi, Patient et Tuheiava.
L’amendement n° 3 rectifié est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre V du livre IV du code général des collectivités territoriales est abrogé.
L'amendement n° 4 rectifié est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Dans l'intitulé du titre V du livre IV, les mots « régis par l'article 73 de la Constitution » sont supprimés ;
2° Dans le I de l'article L. 1451-1, les mots : « régie par l'article 73 de la Constitution » sont supprimés.
La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette, pour présenter ces deux amendements.
M. Jean-Étienne Antoinette. Ces amendements forment les deux termes d’une alternative.
L’article 13 de la loi du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique prévoit un mécanisme permettant au représentant de l’État, et en dernier lieu au Gouvernement, de pallier les carences des collectivités territoriales, de leurs groupements ou de leurs établissements publics, lorsque cette intervention est nécessaire « à la sauvegarde de la santé publique, de la sécurité ou de l’environnement ou au respect des engagements internationaux ou européens de la France ».
Lors de la discussion de ce qui était encore l’article 9 du texte, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, les représentants des outre-mer se sont prononcés à l’unanimité contre ce dispositif, spécifique à ces territoires. À cet égard, je vous renvoie aux interventions de nos collègues Georges Patient, Jacques Gillot et Serge Larcher, ainsi qu’aux propos tenus à l’Assemblée nationale par Mmes Berthelot et Taubira, MM. Letchimy et Marie-Jeanne, sans oublier ceux d’un député du nom de Victorin Lurel…
Dans notre hémicycle, Bernard Frimat s’était exprimé ainsi, au nom du groupe socialiste, au cours de la séance du 12 mai 2011 : « Nous avons pu le constater, et Christian Cointat l’a rappelé, la version initiale de l’article 9 a été perçue par l’ensemble des interlocuteurs que nous avons rencontrés comme une gifle, comme une humiliation. Je sais que ces termes sont durs, mais ce sont ceux que nous avons entendus. On nous a même dit, avec tout ce que cela implique, que c’était le retour du gouverneur. »
Pour ma part, j’estime que la suppression pure et simple de ce dispositif serait la meilleure solution.
Les données sont simples : lors des consultations de 2009, les populations guyanaise et martiniquaise se sont prononcées pour la proximité législative prévue à l’article 73 de la Constitution, non pour le régime de l’article 74. Or ces négligences, ces carences potentielles que le gouvernement de l’époque considérait comme endémiques aux outre-mer ne sont pas spécifiques aux collectivités régies par l'article 73 de la Constitution.
De fait, chaque collectivité territoriale peut négliger, parfois volontairement, d'user de ses compétences pour assumer les missions mentionnées au II de l'article L. 1451-1 du code général des collectivités territoriales. Dès lors, les pouvoirs d’accompagnement exceptionnels conférés au représentant de l'État et les pouvoirs de substitution du Gouvernement devraient être étendus à l'ensemble des collectivités régies par les articles 72 et 73 de la Constitution, c'est-à-dire à toutes les collectivités régies par le code général des collectivités territoriales ; du reste, cette extension répondrait à la place de l’article L. 1451-1 au sein de la première partie de ce code.
L’autre terme de l’alternative consisterait à délimiter de manière beaucoup plus précise les pouvoirs exceptionnels. Chaque compétence attribuée aux collectivités territoriales concernées pouvant se voir assortie, ou non, d’un pouvoir de substitution du préfet, la rédaction actuelle de l’article L. 1451-1 du code général des collectivités territoriales est beaucoup trop générale.
Je le répète : à mes yeux, ce dispositif doit plutôt être supprimé. Il ne peut y avoir stigmatisation de certaines collectivités au sein de la République ! Je me range ainsi à la position adoptée par le congrès des élus de Guyane au cours de sa réunion du 6 mai dernier : priorité à la suppression du dispositif.
Mes chers collègues, il n’y a pas d’autre solution acceptable que les deux branches de cette alternative. En particulier, se résoudre au maintien en l’état du dispositif constituerait un reniement des convictions qui animaient les membres de l’ancienne opposition ; il marquerait la poursuite aberrante de la déconsidération par la métropole des collectivités des outre-mer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. La commission émet un avis favorable, considérant qu’il n’y a en effet pas lieu de maintenir ce traitement particulier, dont la suppression peut tout à fait être compensée par l’exercice normal des compétences du préfet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Victorin Lurel, ministre. Monsieur Antoinette, je n’ai pas oublié les conditions difficiles dans lesquelles l’article L. 1451-1 du code général des collectivités territoriales a été adopté, en tout cas à l’Assemblée nationale ; je ne renie pas les termes que j’ai alors employés.
Le Conseil d’État avait validé le dispositif, en considérant que, compte tenu de la situation et, pour parler clairement, des impayés de certaines collectivités territoriales, un renforcement des pouvoirs du préfet pouvait se justifier. Il avait estimé que, sous réserve de répondre à des finalités d’intérêt général et d’être assorti de limites précises, le dispositif n’était pas contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales.
Cela étant, je suis d’accord avec vous, monsieur Antoinette : sa mise en place, qui ne concerne que les territoires ultramarins, a fait peser une suspicion sur les élus des outre-mer. Or, comme Mme la rapporteur vient de le souligner, les pouvoirs normaux du préfet pourraient suffire. Cette différence de traitement entre les outre-mer et la métropole doit donc disparaître.
Il n’en reste pas moins que la responsabilité me commande de rappeler que l’État est régulièrement condamné à de très fortes amendes par les instances européennes pour des manquements des collectivités territoriales ultramarines, par exemple à la Guadeloupe ou en Guyane, à leurs obligations, notamment en matière d’assainissement et de traitement des déchets. Il fallait donc trouver un moyen pour inciter ces collectivités territoriales à agir.
Je sais que cela est difficile, notamment dans l’ouest guyanais, eu égard à la situation financière des collectivités territoriales. C’est pourquoi le Gouvernement a ouvert, dans la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, la possibilité pour l’État de financer à 100 % un certain nombre d’infrastructures et d’équipements de base.
Monsieur Antoinette, les collectivités territoriales doivent néanmoins remplir leurs obligations. En cas de situation difficile, un dialogue s’engagera.
Au bénéfice de ces observations, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4, et l'amendement n° 4 rectifié n'a plus d'objet.
L'amendement n° 5, présenté par Mme Claireaux et MM. J. Gillot, Patient et Mohamed Soilihi, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa du II de l'article 112 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, après les mots : « centre de gestion » sont insérés les mots : « et de formation ».
La parole est à Mme Karine Claireaux.
Mme Karine Claireaux. Cet amendement vise à transformer le centre de gestion de la fonction publique territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, créé par la loi du 26 janvier 1984, en centre de gestion et de formation.
En effet, compte tenu de l'éloignement du territoire par rapport à la métropole et aux autres territoires ultramarins, ainsi que du faible nombre de fonctionnaires territoriaux sur l'archipel, un rapprochement avec un autre centre de gestion n'est pas envisageable : les coûts liés aux déplacements, indispensables notamment pour l'organisation des concours, se révèleraient trop importants.
La cohabitation de deux instances distinctes, consacrées l’une à la gestion et l’autre à la formation, ne serait pas davantage cohérente ni économiquement intéressante pour les collectivités, qui se trouveraient contraintes de cotiser à un double titre.
En conséquence, compte tenu du statut de l’archipel et de la singularité de l'organisation de ses collectivités territoriales, il apparaît indispensable qu’il puisse créer un centre de gestion et de formation. Dans un souci de rationalisation, de simplification et d'efficience, il est donc proposé que le centre de gestion créé par la loi du 26 janvier 1984 soit transformé en un centre de gestion et de formation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Cet amendement ne va pas tout à fait au bout de la logique qui le sous-tend, puisqu’il vise seulement à changer l’appellation du centre. À la vérité, il eût fallu modifier aussi le troisième alinéa du II de l’article 112 de la loi du 26 janvier 1984, qui en définit les missions.
Madame Claireaux, votre amendement étant incomplet en l’état, je vous demande de bien vouloir le retirer ; à défaut, la commission des lois y sera défavorable.
Mme Karine Claireaux. Nous pourrions peut-être le rectifier, madame la rapporteur !
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Il faudra le faire au cours de la navette, ma chère collègue !
M. le président. Dans ces conditions, madame Claireaux, l’amendement n° 5 est-il maintenu ?
Mme Karine Claireaux. Oui, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Victorin Lurel, ministre. Je suis un peu gêné, car je comptais émettre un avis favorable sur cet amendement ! Je m’en remets à la sagesse du Sénat, sachant que nous pourrons améliorer la rédaction au cours de la navette pour tenir compte de l’observation de Mme la rapporteur.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Compte tenu de ce que vient de dire M. le ministre, je reviens sur mon avis défavorable ; l’amendement n° 5 est à nos yeux imparfait, mais son dispositif pourra être amélioré au cours de la navette.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.
L'amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le décret n° 2013-427 du 24 mai 2013 pris en application de l'article 32 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française et portant approbation d'un acte dénommé « loi du pays » relatif à la recherche et à la constatation des infractions en matière de dopage est ratifié.
La parole est à M. le ministre.
M. Victorin Lurel, ministre. La loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française a instauré un régime dit de « compétences partagées » entre cette collectivité et l’État.
L’objectif de cette procédure particulière est de permettre à la Polynésie française d’exercer pleinement les compétences qui lui sont confiées par la loi statutaire, en l’habilitant à intervenir dans des domaines qui relèvent normalement de l’État, pour qu’elle puisse utilement compléter la réglementation qu’elle met en place.
L’amendement que je vous propose d’adopter constitue une illustration de la mise en œuvre de cette procédure.
La Polynésie française est compétente en matière de sport et de santé publique. Dans la perspective de l’organisation de la coupe du monde de beach-soccer sur son territoire en septembre prochain, elle a voté une loi du pays qui va lui permettre de lutter contre le dopage des sportifs, mais aussi de protéger la santé de ces derniers, et ce en conformité avec les principes issus du code mondial anti-dopage.
De son côté, l’État est compétent en matière de procédure pénale, c’est-à-dire de règles qui permettent la recherche et la constatation des infractions.
En application du régime des compétences partagées, la Polynésie a pu intégrer de telles règles de procédure pénale dans sa loi du pays pour garantir l’efficacité des contrôles anti-dopage qu’elle organisera.
Bien évidemment, l’État a veillé à ce que cette loi du pays respecte bien les garanties accordées sur l’ensemble du territoire national pour l’exercice des libertés publiques, en procédant à une large concertation interministérielle, à laquelle a été associée notamment l’Agence française de lutte contre le dopage.
La loi du pays relative à la recherche et à la constatation des infractions en matière de dopage a ainsi été publiée au Journal officiel de la République par décret du 24 mai 2013. L’entrée en vigueur de cette loi du pays est désormais subordonnée à la ratification du décret. Tel est l’objet de l’amendement que j’ai l’honneur de vous demander d’adopter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Au terme de ce débat, je voudrais saluer l’affluence dans notre hémicycle, en dépit de la date d’examen très tardive des deux textes qui nous occupent. J’y vois le signe d’un intérêt accru pour les dossiers concernant l’outre-mer, dont la connaissance doit bien évidemment être partagée par l’ensemble des parlementaires, qu’ils soient ultramarins ou pas. C’est là un point très positif, et j’espère que cette évolution se confirmera à l’avenir.
Pour avoir vécu les étapes de 1988 et de 1998, je veux saluer la volonté du Gouvernement de rester fidèle aux accords qui avaient été difficilement passés alors, ainsi que son souci d’assurer une pleine application des dispositions de ces accords.
Monsieur le ministre, le chemin à parcourir est encore long, mais nous vous faisons confiance, comme nous faisons confiance aux partenaires calédoniens, pour mener le processus à son terme, en vue d’aboutir à une situation véritablement pacifiée. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer dans le texte de la commission, modifié.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Je constate que le projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents.
La parole est à M. le ministre.
M. Victorin Lurel, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous me donnez beaucoup de bonheur puisque c’est presque toujours à l’unanimité que vous votez les textes que j’ai l’honneur de défendre devant vous.
Je salue la contribution au débat de tous les groupes, singulièrement celui du RDSE, auquel je renouvelle mes excuses. (M. Jean-Claude Requier sourit.)
Je remercie le président, la rapporteur et l’ensemble des membres de la commission des lois, dont le travail, effectué dans des conditions difficiles, en plein mois de juillet, a permis d’enrichir les textes. Merci à tous pour cet excellent travail ! (Applaudissements.)
9
Dépôt d'un rapport
M. le président. M. le président du Sénat a reçu le rapport d’activité 2012 de la Haute autorité de santé.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires sociales.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Charles Guené.)
PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
10
Nombre et répartition des sièges de conseiller de Paris
Discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi fixant le nombre et la répartition des sièges de conseiller de Paris (proposition n° 755, texte de la commission n° 781, rapport n° 780).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi.
M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour parler de la si belle ville de Paris, dont tous les Français sont fiers à juste titre, et plus particulièrement de ses élections municipales.
Il n’aura échappé à personne que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 16 mai 2013, a considéré que le tableau répartissant le nombre de conseillers de Paris par arrondissement, qui avait été inclus dans la loi du 17 mai 2013 que vous aviez défendue devant notre assemblée, monsieur le ministre, était contraire à la Constitution. Quelles en sont les raisons ?
Aux termes de la loi du 31 décembre 1982, chaque arrondissement dispose d’au moins trois conseillers de Paris. Le projet de loi que vous nous aviez présenté, qui est devenu la loi, répartissait de manière proportionnelle les autres sièges de conseiller. Or le Conseil constitutionnel a considéré que le résultat aboutissait à des écarts considérables eu égard à la nécessité de représenter justement la population. Dès lors, il n’y a pas d’autre solution – c’est le sens de la proposition de loi que j’ai l’honneur de présenter – que de prendre en compte tout simplement le rapport à la population de manière à éviter toute répartition qui soit « manifestement disproportionnée », pour reprendre l’expression employée par le Conseil constitutionnel.
Le principe de l’égalité devant le suffrage est désormais déterminant – il l’est même depuis plusieurs années – pour le Conseil constitutionnel. Nous avons donc fait en sorte qu’il y ait une nouvelle répartition, mais il n’était alors plus possible de conserver trois conseillers de Paris par arrondissement.
Nous avons toutefois pris en compte le fait qu’il pouvait y avoir certains écarts. Ainsi, pour le IIe arrondissement, un écart de moins 16 % par rapport à la moyenne a abouti au fait qu’il y ait deux sièges ; pour le IIIe arrondissement, un écart de moins 14 % a abouti à l’attribution de trois sièges ; en revanche, pour le Ier arrondissement, il n’y aura qu’un siège, car allouer deux sièges aggraverait l’écart de représentativité qui passerait de plus 25 % à plus de 37 % : il y aurait donc une disproportion.
Je précise que la proposition de loi a pour effet de supprimer les dispositions prévoyant d’élire le maire d’arrondissement et au moins un des adjoints au maire d’arrondissement parmi les membres du conseil de Paris. En effet, pour les raisons que je viens d’expliquer, il était strictement impossible de mettre en œuvre ces dispositions dans le Ier arrondissement, lesquelles contraignaient très fortement le choix pour ces désignations dans le IVe et l’un des deux autres arrondissements dont j’ai parlé. Par conséquent, il est proposé que le maire d’arrondissement ainsi que l’adjoint ou les adjoints soient choisis parmi les membres du conseil d’arrondissement, chaque membre du conseil d’arrondissement pouvant être maire ou adjoint au titre de l’arrondissement.
Tel est l’objet de la proposition de loi que j’ai l’honneur de vous présenter.
Diverses considérations ne vous ont sans doute pas échappé, mes chers collègues, notamment le fait, plusieurs fois évoqué par Mme Catherine Troendle et par M. Jean-Jacques Hyest, qu’il était étrange que je présente une telle proposition de loi alors qu’un autre texte traitant du même sujet avait été déposé par mon ami Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale. Une erreur de procédure s’est en effet produite, sur laquelle nous nous sommes expliqués, monsieur Charon : il y a eu omission de l’engagement de la procédure accélérée. Je préfère le préciser dès le début du débat,…
M. Pierre Charon. C’est mieux !
M. Jean-Pierre Sueur. … car, comme je l’ai dit récemment à M. Hyest, que celui qui n’a jamais péché nous jette la première pierre, monsieur Valls !
M. Yves Pozzo di Borgo. C’est l’évêché chez nous !
M. Jean-Pierre Sueur. Il y a donc eu là un très léger accident de parcours que nous avons réparé puisque je me suis immédiatement porté au secours de M. Manuel Valls…
M. Jean-Pierre Sueur. … et même du Gouvernement, voire de la République, puisqu’il était nécessaire d’appliquer la décision du Conseil constitutionnel. Je pense que M. Manuel Valls en aura quelque reconnaissance à mon endroit (M. le ministre rit.), allusion que ceux qui ont des oreilles entendront.
Voilà pour le premier point.
J’ajoute, monsieur Charon – ce sera le deuxième point sur lequel je souhaite insister –, qu’on pourrait tirer de cette affaire une autre observation, à savoir qu’avant de saisir le Conseil constitutionnel il est parfois utile de prendre quelques réflexions, de tourner sa langue un certain nombre de fois dans sa bouche, puisque ceux qui ont fait ce recours ne s’attendaient sans doute pas à un tel résultat, du moins si j’en crois les déclarations de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. C’est une leçon à tirer de cette petite affaire.
Il est une dernière considération sur laquelle je veux finir.
Le Conseil constitutionnel, de manière constante, considère que, par rapport aux règles électorales, le premier impératif, c’est l’égalité des suffrages, donc l’égalité entre les citoyens telle qu’elle est inscrite dans la Constitution de la République française. J’insiste sur ce point, parce que c’est exactement ce qui justifie la décision du Conseil constitutionnel et donc la présente proposition de loi.
Reste que cet argument est général. Lorsque, dans certaines publications, il nous est expliqué que le nouveau mode électoral qui a été prévu pour les départements porte atteinte à la ruralité, cela n’a aucun sens. En réalité, quel qu’ait été le gouvernement, de gauche, de droite ou du centre,…
M. Michel Mercier. Du centre, cela ne s’est pas produit souvent !
M. Jean-Pierre Sueur. … il aurait été, monsieur Mercier, placé devant le même impératif, à savoir que, pour tout découpage ou redécoupage, qu’il s’agisse des législatives, des régionales, des cantonales ou, comme ici, d’arrondissements, ce qui s’impose absolument, c’est l’égalité des suffrages et la prise en compte de ce principe. Cela s’impose à nous tous et, de ce fait, cette simple considération devrait permettre d’éviter un certain nombre de faux procès.
Il est important de prendre en compte les territoires, et nous y sommes tous très attachés. Nous sommes attachés à Paris comme à l’ensemble de nos secteurs ruraux. Nous voulons qu’ils soient pris en considération, particulièrement au Sénat. Cependant, la règle qui s’impose à nous est de prendre d’abord en compte la population, avec certes des nuances, des possibilités d’adaptation, en respectant l’écart de plus ou moins 20 %. Cela justifie les propositions qui vous sont faites pour les trois arrondissements de Paris considérés, en particulier le Ier arrondissement.
Voilà, mes chers collègues, le sens de cette proposition de loi, qui devrait à mon sens susciter un large accord : elle est en effet la traduction exacte et sincère de la position du Conseil constitutionnel, qui est la plus haute autorité de la République et dont les décisions s’imposent à tous et à toutes les autorités de l’État, passées, présentes et futures. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. – M. Michel Mercier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Roger Madec, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a rappelé Jean-Pierre Sueur, le 16 mai dernier, le Conseil constitutionnel a censuré l’article 30 de la loi relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral. Cette décision s’applique à tous !
Cet article 30 procédait à une nouvelle répartition des sièges de conseiller de Paris, répartition qui n’avait jamais été modifiée depuis 1982. La réforme visait donc à tenir compte des évolutions démographiques. Par un curieux paradoxe, elle a été sanctionnée. C’était pourtant la première fois qu’un ministre de l’intérieur proposait de corriger les injustices suscitées par l’évolution de la population parisienne. Je rappelle d'ailleurs que j’avais, à deux reprises au Sénat, soulevé cette question devant les prédécesseurs de Manuel Valls, qui avaient botté en touche.
La répartition des 163 sièges de conseiller de Paris reposait jusqu’à présent sur le principe de l’attribution minimale de trois sièges à chaque secteur afin de permettre la pleine application du mode de scrutin municipal proportionnel assorti d’une prime majoritaire. Pour tenir compte de la population, les 103 sièges restants étaient ensuite répartis selon la règle de la plus forte moyenne.
Entre 1982 et 2012, la population de la capitale a augmenté de 57 862 habitants, inégalement répartis entre les arrondissements. Je rappelle que le mode de calcul utilisé pour la mise en application du tableau découlant de la loi du 31 décembre 1982 reposait sur le recensement de 1979.
Pour respecter l’exigence constitutionnelle du principe de l’égalité du suffrage, le Gouvernement a proposé d’actualiser le tableau, à effectif constant naturellement, selon la méthode de 1982. Les correctifs découlaient, d’une part, des évolutions démographiques contrastées des différents arrondissements et, d’autre part, de la règle des trois sièges au minimum, que personne ne contestait. Pour le reste, la méthode suivie a visé à réduire les écarts à la moyenne.
Les trois arrondissements qui ont connu l’évolution la plus marquée – le Xe, le XIXe et le XXe – avaient bénéficié chacun d’un siège supplémentaire. En revanche, les arrondissements qui avaient vu leur population décroître significativement – le VIIe, le XVIe et le XVIIe – en avaient perdu un.
Le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution non seulement le tableau réformé, mais aussi le tableau en vigueur. Il a jugé que, dans les Ier, IIe et IVe arrondissements, le maintien des trois sièges minimum aboutissait à s'éloigner par trop du quotient électoral moyen.
Si le Conseil constitutionnel convient du bien-fondé d’« une représentation minimale de chaque secteur au conseil de Paris », il estime que « le rapport du nombre des conseillers de Paris à la population » de chacun de ces arrondissements « s’écarte de la moyenne constatée à Paris dans une mesure qui est manifestement disproportionnée ».
Ce faisant, le Conseil constitutionnel précise les tempéraments admissibles : « s’il ne s’ensuit pas » du respect de l’égalité devant le suffrage « que la répartition des sièges doive être nécessairement proportionnelle à la population […] ni qu’il ne puisse être tenu compte d’autres impératifs d’intérêt général, ces considérations ne peuvent toutefois intervenir que dans une mesure limitée ».
Le Conseil constitutionnel a ensuite appliqué sa jurisprudence dite « néo-calédonienne », qui lui permet de vérifier la régularité « au regard de la Constitution des termes d’une loi promulguée […] à l’occasion de l’examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine ». C'est ainsi qu’il a censuré le tableau actuel de répartition des sièges de conseiller de Paris.
Dès lors, nous nous trouvions face à une situation surprenante puisqu'il n’y avait plus de règles pour répartir les sièges au conseil de Paris pour les élections municipales de 2014.
La proposition de loi déposée par Jean-Pierre Sueur, que nous examinons ce soir, tend donc à réorganiser la répartition des sièges de conseiller de Paris. Cette répartition, basée sur la population arrêtée au 1er janvier 2013, vise à respecter le principe de l’égalité du suffrage sans bouleverser, juste avant le renouvellement de mars prochain, le régime électoral de la capitale. Elle s’inscrit dans le découpage de la capitale en vingt secteurs correspondant chacun à un arrondissement. À effectif global constant, l’attribution d’un minimum de trois sièges à chaque arrondissement a été abandonnée.
Si la répartition des sièges s’effectue toujours à la proportionnelle à la plus forte moyenne, l'apport de la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur réside dans son application à l’ensemble des 163 sièges.
Une première étape a consisté à attribuer à chaque secteur le nombre de sièges correspondant à sa population sur la base du quotient électoral. Huit sièges restaient alors à répartir à la plus forte moyenne, mais il est apparu nécessaire de corriger les excès découlant de cette méthode pour tempérer les écarts de représentation qui en résultaient : les IIe et IIIe arrondissements présentaient en effet un écart de plus 67,4 % et de plus 29,4 %. Le correctif a consisté à attribuer à chacun de ces deux secteurs un siège supplémentaire afin de ramener cet écart à respectivement moins 16,4 % et à moins 13,7 %, par le transfert du siège supplémentaire bénéficiant aux XIIe et XXe arrondissements par application de la règle de la plus forte moyenne, sans aggraver les écarts pour ces deux arrondissements.
La nouvelle répartition entraîne la création de dix nouveaux sièges de conseiller d’arrondissement, dont l’effectif est le double du nombre de conseillers de Paris élus dans la circonscription, sans qu’il puisse être inférieur à dix ni supérieur à quarante. Ces nouveaux sièges résultent mécaniquement de l’augmentation du nombre de conseillers de Paris dans les Xe, XVe, XVIIIe, XIXe et XXe arrondissements – minorée par la diminution de treize à douze du nombre de conseillers du XVIIe arrondissement.
La réforme du tableau a un impact sur la désignation des exécutifs d’arrondissement de Paris, Lyon et Marseille. En effet, actuellement, le maire d’arrondissement ainsi que l’un au moins de ses adjoints doivent être choisis parmi les membres du conseil municipal. Cette double règle devient inapplicable dans le Ier arrondissement, qui ne sera désormais représenté au conseil de Paris que par un siège. Elle devient aussi difficilement applicable dans les IIe et IVe arrondissements, qui ne sont plus représentés que par deux conseillers de Paris. C’est pourquoi l’article 2 de la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur propose de la supprimer : dorénavant, le maire et l’ensemble des adjoints d’arrondissement pourront être choisis parmi les conseillers d’arrondissement.
Mes chers collègues, si vous adoptez la proposition de loi et que l’Assemblée nationale en fait de même, cette modification s'appliquera aussi à Lyon et à Marseille.
Les modifications soumises au Sénat découlent nécessairement, dans le calendrier très contraint du législateur, des exigences résultant de la censure opérée par le Conseil constitutionnel. À huit mois du scrutin municipal, il était inenvisageable de refondre le régime électoral parisien, fût-ce par un redécoupage de la carte des secteurs.
Le dispositif proposé permettra également de conserver le parallélisme entre les régimes électoraux de Paris, Lyon et Marseille, cela naturellement sans augmenter le nombre des conseillers de Paris – ce qui ne semblait pas très opportun. Dans ce contexte, les dispositions proposées résultent mécaniquement de l’application des règles constitutionnelles.
Si l’écart de représentation du premier des vingt arrondissements s’établit encore au-delà du fameux écart de 20 %, il y est cependant ramené de moins 42,6 % dans le tableau censuré à plus 25,7 % en recourant aux limites possibles de la réforme avec l’attribution d’un seul siège au sein du conseil de Paris. Pour les dix-neuf autres arrondissements, les écarts au quotient moyen oscillent entre moins 16,43 % et plus 10,66 %.
La modification des modalités d’élection des maires et adjoints d’arrondissement ne devrait pas affecter le fonctionnement de leurs conseils.
Cette proposition de loi, si elle est adoptée – ce soir au Sénat et dans les prochains jours à l’Assemblée nationale –, ne s'appliquera pas avant le renouvellement général des conseils municipaux de mars prochain.
La commission des lois, qui a adopté les trois articles de la proposition de loi sans modification, vous propose, à la majorité de ses membres, d'adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)