M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le préciser, la loi ne nous permet pas d’établir de distinction entre les établissements de santé. Cet amendement est donc problématique d’un point de vue juridique.
Je veux vous assurer par ailleurs, madame la sénatrice, que nous aurons la volonté de privilégier des projets porteurs d’une certaine conception du service public de la naissance, du suivi des grossesses et de la santé.
Je demande à Mme Archimbaud de bien vouloir retirer son amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Madame Archimbaud, l’amendement n° 7 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Je prends bonne note des explications de Mme la ministre.
Je ne veux pas fragiliser juridiquement la proposition de loi, même si je maintiens les préoccupations de fond que j’ai exprimées. Aussi, compte tenu des engagements qui viennent d’être pris par le Gouvernement, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 7 est retiré.
Je mets aux voix l’article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
(Non modifié)
Les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale arrêtent, en conformité avec un cahier des charges adopté par la Haute Autorité de santé et après avis conforme de celle-ci, la liste des maisons de naissance autorisées à fonctionner à titre expérimental.
La suspension de fonctionnement d’une maison de naissance inscrite sur la liste peut être prononcée par le directeur général de l’agence régionale de santé pour les motifs et dans les conditions prévues par l’article L. 6122-13 du code de la santé publique. Le retrait d’inscription à la liste est prononcé par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale en cas de manquement grave et immédiat à la sécurité ou lorsqu’il n’a pas été remédié aux manquements ayant motivé la suspension.
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par Mmes Cohen, Pasquet et David, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
maisons de naissance autorisées à fonctionner à titre expérimental
par les mots :
établissements autorisés à accueillir à titre expérimental un service ou une unité fonctionnelle dénommé maison de naissance
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement de cohérence n’ayant plus d’objet, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 5 est retiré.
Je suis sais de deux amendements.
L’amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard et Alfonsi, Mme Laborde et MM. Mazars, Requier et Tropeano, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par les mots :
sous réserve que le service de gynécologie obstétrique auquel elles sont attenantes ait une activité supérieure à 1 000 accouchements par an
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Cet amendement vise à fixer un seuil d’implantation : les maternités auxquelles les maisons de naissance seront attenantes devront avoir une activité supérieure à 1 000 accouchements par an.
Nous risquons en effet d’avoir un vrai problème. Dans les départements ruraux faiblement peuplés, l’ouverture de maisons de naissance pourrait conduire certaines maternités à rétrograder de catégorie, ce qui serait dramatique pour elles, compte tenu de leur éloignement à l’égard d’établissements plus sophistiqués, notamment les centres hospitaliers.
Nous proposons donc qu’aucune maison de naissance ne puisse être implantée si l’activité de l’établissement auquel elle est adossée est inférieure à 1 000 accouchements par an.
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard et Alfonsi, Mme Laborde et MM. Mazars, Requier et Tropeano, et ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans les départements où une maison de naissance est autorisée, aucune autorisation d’activité de gynécologie-obstétrique située dans un rayon de 50 kilomètres ne peut être suspendue ou retirée pour un motif lié au volume de l’activité pendant la durée de l’expérimentation.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Cet amendement tend également à répondre à une inquiétude que l’on rencontre en milieu rural : l’implantation d’une maison de naissance ne doit pas « siphonner » l’activité d’un service de gynécologie-obstétrique situé dans un rayon de 50 kilomètres.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muguette Dini, rapporteur. Je peux tout à fait comprendre l’inquiétude exprimée par M. Barbier au travers de l’amendement n° 10 rectifié. Toutefois, la précision demandée relève du niveau réglementaire et du cahier des charges de la HAS.
En outre, en l’état actuel des choses et eu égard à la proportion de femmes désireuses d’accoucher en maisons de naissance, je ne vois pas comment nous pourrions avoir une maison de naissance à côté d’une clinique ayant une activité inférieure à 1 000 accouchements par an.
En effet, comme de 4 % à 5 % des parturientes souhaitent accoucher dans une maison de naissance, il ne pourrait y avoir dans ces établissements qu’une quarantaine ou une cinquantaine d’accouchements par an, et donc une seule sage-femme. Du point de vue de la sécurité, ce n’est pas envisageable ! Il me paraît donc peu probable que la Haute autorité de santé autorise l’ouverture de maisons de naissance attenantes à des petites maternités.
Par ailleurs, pourquoi le législateur, qui fixe un cadre, devrait-il exclure a priori certains projets locaux ? Et pourquoi un seuil de 1 000 accouchements et non, par exemple, de 2 000 ?
Pour ma part, je préfère faire confiance à la Haute autorité de santé. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 11 rectifié vise à geler pendant la durée de l’expérimentation la fermeture d’une maternité située dans un rayon de 50 kilomètres d’une maison de naissance, si cette fermeture est liée au volume d’activité.
Nous avons eu un long débat en commission sur cet amendement. Je comprends le souci de protéger certaines petites maternités dont l’équilibre, au regard du seuil des 300 accouchements, est précaire. Cependant, j’ai mis en avant certaines difficultés de rédaction, notamment pour les zones urbaines ou dans les métropoles. Par exemple, Pontoise est située à environ 28 kilomètres du centre de Paris : le dispositif proposé interdirait donc toute fermeture de maternité dans la région d’Île-de-France si la maison de naissance et celle du CALM étaient autorisées à fonctionner. Le problème serait le même à Lyon ou à Marseille.
En tout état de cause, la proposition de loi engage la voie d’une expérimentation – Mme la ministre l’a rappelé à plusieurs reprises –, et le nombre de maisons autorisées devrait rester faible durant cette période. De plus, ces structures sont par nature de petite taille, avec un nombre d’accouchements autour de 100 ou 200.
La commission, qui est sensible aux questions d’aménagement du territoire et de proximité de l’accès aux soins, a finalement émis un avis favorable sur cet amendement.
À titre personnel, je souhaite que le Gouvernement s’engage à ne pas autoriser l’ouverture d’une maison de naissance – ce sera la compétence propre des ministres de la santé et de la sécurité sociale – lorsque cela pourrait mettre en difficulté une petite maternité.
L’avis de la commission est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
L’amendement n° 10 rectifié vise à empêcher qu’une maison de naissance ne puisse être rattachée à une maternité pratiquant moins de 1 000 accouchements par an.
Outre qu’il s’agit d’un seuil arbitraire – pourquoi 1 000 et pas 1 500, par exemple ? –, le nombre d’accouchements réalisés n’est pas le seul facteur de sécurité. L’enjeu réside non pas dans le nombre d’accouchements pratiqués par l’établissement de rattachement, mais dans les garanties de prise en charge offertes aux femmes confrontées à une situation difficile ou à un accouchement plus délicat. C’est le critère de sécurité, et non du nombre d’accouchements, qui doit être retenu.
L’amendement n° 11 rectifié pose un problème important. Le directeur général de l’Agence régionale de santé doit être en mesure de porter une appréciation en termes de sécurité sur tous les établissements de santé du territoire.
Écrire dans la loi qu’un établissement de santé, par principe, ne peut pas faire l’objet d’une mesure de fermeture, de suspension, d’adaptation ou de rééquilibrage parce qu’il se situe à moins de 50 kilomètres d’une maison de santé, cela reviendrait à interdire, pour des raisons uniquement d’ordre géographique, au directeur général de l’Agence régionale de santé d’avoir un droit de regard sur certains établissements. En cas de problème de sécurité dans un établissement, on se retrouverait dans une situation de conflit de normes et on ne pourrait pas, pour des motifs purement administratifs, prendre les décisions qui s’imposent.
J’attire votre attention sur le caractère très dangereux de cet amendement, au regard de l’appréciation qui doit accompagner chaque décision relative aux établissements de santé.
Nous ferons bien sûr en sorte, madame la rapporteur, que les expérimentations aient lieu dans des établissements ne posant aucune difficulté. Par ailleurs, si la généralisation est décidée, il faudra bien sûr veiller à assurer toutes les conditions de sécurité requises.
Lors de la discussion générale, nous avons eu l’occasion de souligner que les maisons de naissance devaient être considérées comme une alternative proposée aux femmes, soit pour améliorer la qualité de l’accouchement, soit pour promouvoir une vision plus naturelle de l’acte. Elles ne remplaceront en aucun cas les structures existantes, notamment les petites maternités. Cela n’aurait pas de sens : toutes les femmes qui vont dans des petites maternités n’ont pas forcément envie d’accoucher dans une maison de naissance. C’est un point très important pour le Gouvernement.
Nous accordons une attention particulière à la question de la répartition de l’offre de soins et des maternités. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de maintenir pour des raisons d’isolement géographique une maternité dont on me demandait la fermeture. Si l’appréciation doit être, selon moi, portée au cas par cas, elle ne doit pas non plus se faire au détriment de la sécurité des patientes et ne tenir compte que des raisons de proximité. Les conséquences pourraient en effet être graves.
Je vous demande par conséquent de bien vouloir retirer cet amendement, monsieur le sénateur. À défaut, j’émettrai un avis très défavorable pour des raisons de sécurité.
M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
(Non modifié)
Un an avant le terme de la dernière autorisation attribuée à une maison de naissance, le Gouvernement adresse au Parlement une évaluation de l’expérimentation. – (Adopté.)
Article 5
(Non modifié)
Les conditions de l’expérimentation et notamment les conditions d’établissement de la liste des maisons de naissance autorisées à fonctionner, les conditions de prise en charge par l’assurance maladie de la rémunération des professionnels et les conditions spécifiques de fonctionnement des maisons de naissance sont fixées par décret en Conseil d’État.
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par Mmes Cohen, Pasquet et David, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer les mots :
, les conditions de prise en charge par l’assurance maladie de la rémunération des professionnels
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Il est retiré.
M. le président. L’amendement n° 6 est retiré.
Je mets aux voix l’article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. L’expérimentation des maisons de naissance est intéressante en ce qu’elle ouvre davantage de choix aux femmes et aux couples en termes de conditions d’accouchement.
Les amendements défendus par le groupe CRC visaient à clarifier les choses, car le législateur ne peut, lorsqu’il adopte une loi, faire abstraction du climat général. Or les structures publiques de proximité subissent malheureusement aujourd’hui trop d’atteintes, qu’il s’agisse des maternités ou des centres d’interruption volontaire de grossesse, même si le texte ne les concerne pas.
L’adoption de la proposition de loi autorisant l’expérimentation des maisons de naissance ne lèvera absolument pas les doutes et les interrogations qui se font jour sur le statut juridique de ces établissements et sur leur financement. Elle ne mettra pas non plus fin aux menaces qui continuent à peser sur les maternités de proximité. Il est regrettable que les réponses fournies, y compris par Mme la ministre, pour nous rassurer, n’aient pas été assorties d’engagements concrets.
De nombreuses questions sont aussi restées en suspens.
Prenant appui sur notre volonté de laisser derrière nous les lois passées, comme la loi HPST, ainsi que les questions de tarification, et forts de notre désir de favoriser les maternités, qui sont d’ailleurs nombreuses à se mobiliser actuellement contre des fermetures – je pense notamment à la maternité des Bluets et à celle des Lilas –, nous ne voterons pas cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Nous voilà parvenus au terme d’un débat amorcé de longue date.
En 1998 – au siècle dernier ! –, les premières réflexions autour d’un cadre juridique avaient été amorcées, avec la création d’un groupe de travail national sur les maisons de naissance. À l’époque, M. Kouchner était secrétaire d’État à la santé.
En 2010, cette expérimentation avait été soumise au Parlement. On se souvient des débats vifs suscités par l’article 40 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Il y était question de sécurité de la femme et de l’enfant, mais aussi d’accouchement moins médicalisé, plus naturel, répondant aux choix de certaines femmes. Le tout sur fond de restructuration hospitalière. L’article finalement adopté en commission mixte paritaire connaissait un nouveau rebondissement avec une censure, sur la forme, du Conseil constitutionnel.
Le Sénat est aujourd’hui de nouveau saisi de la question de l’expérimentation des maisons de naissance à l’occasion de l’examen de la proposition de loi déposée par Mme Dini et le groupe UDI-UC.
Ce texte, les précisions qui lui ont été apportées, ainsi que nos débats, ont été sous-tendus par une exigence de sécurité, par le désir de prendre en considération les choix de certaines femmes, mais aussi par la volonté de respecter une égalité d’accès aux soins sur notre territoire.
Des évolutions d’opinions intervenues dans la société en général, mais aussi chez les professionnels de santé, notamment les gynécologues-obstétriciens, sont aussi constatées.
Au vu de ces éléments, et dès lors que les garanties fondamentales sont assurées, une expérimentation paraît acceptable.
En conséquence, comme l’avait annoncé ma collègue Catherine Génisson à la fin de son intervention dans la discussion générale, le groupe socialiste accepte que les maisons de naissance expérimentales voient le jour.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, madame la ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, le Sénat a déjà débattu de l’expérimentation des maisons de naissance dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Notre assemblée avait alors rejeté cette proposition en raison de l’absence de garanties de nature à préserver le haut niveau de sécurité des soins prodigués aux parturientes.
Cette expérimentation des maisons de naissance répond au désir d’un petit nombre de femmes souhaitant un accouchement moins médicalisé, comme cela se pratiquait il n’y a pas si longtemps. La plupart des grossesses se présentent bien et ne sont pas pathologiques. Elles ne devraient donc pas poser de problème.
Ce texte a le mérite de laisser le choix à la femme de pouvoir accoucher comme elle l’entend, même si je suis persuadée que très peu d’entre elles opteront pour les maisons de naissance.
Le groupe UMP est favorable au texte présenté et rapporté, avec une grande force de conviction et de persuasion, par notre collègue Muguette Dini, dont je salue l’excellent travail. Le dispositif remplit deux conditions qui nous semblent indispensables : l’activité de la maison de naissance sera comptabilisée au titre de la maternité et la nouvelle structure sera adossée à celle-ci, comme nous l’avons décidé en votant un amendement à l’article 1er.
Si ce texte est adopté, comme je l’espère, il permettra de répondre à une attente qui s’exprime depuis de nombreuses années. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Je comprends parfaitement les intentions de l’auteur de cette proposition de loi, Mme Dini. Elle a cédé à la demande d’une corporation de sages-femmes qui, considérant que les maternités sont surmédicalisées – et cela pose problème à un certain nombre de femmes en termes d’autorité et de responsabilité –, souhaitent expérimenter les maisons de naissance.
Il faut replacer cette démarche dans son contexte philosophique.
Bien entendu, dans la mesure où la proposition de loi prévoit de rapprocher les maisons de naissance d’un service de gynécologie-obstétrique et de les placer pratiquement « sous son aile », cette expérimentation devrait être positive. Faudra-t-il la généraliser pour autant ?
Le véritable problème, selon moi, est le maintien de l’activité d’un certain nombre de maternités.
Madame le ministre, vous avez refusé l’amendement n° 11 rectifié. Pourtant, l’argument géographique a été essentiel dans votre décision de maintenir la maternité de Die !
La fermeture de maternités pour cause d’activité insuffisante inquiète le monde rural, même si vous ne prévoyez certainement pas d’aller dans ce sens.
En tout état de cause, l’ouverture de maisons de naissance, qui peut sembler au départ une idée intéressante, fragilisera nos maternités, qu’elles soient publiques ou privées.
C’est la raison pour laquelle le groupe du RDSE s’abstiendra sur ce texte.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je salue l’initiative de Mme Dini, qui nous a présenté cette proposition de loi, et je me félicite de la qualité des débats. Je regrette qu’on ait attendu trop longtemps pour adopter cet excellent texte qui, je l’espère, sera repris et voté par l’Assemblée nationale.
Grâce aux amendements adoptés et au cahier des charges qui encadrera juridiquement la création des maisons de naissance, les risques auxquels certains ont fait allusion, à savoir que ces établissements se détournent de leur vocation, seront très réduits, voire exclus.
Les femmes ainsi que les sages-femmes qui le souhaitent pourront ainsi expérimenter un mode d’accouchement plus personnalisé, plus naturel et moins médicalisé.
Nos débats ont montré combien il est difficile de nous inscrire dans une perspective expérimentale. L’initiative de Muguette Dini présente aussi l’avantage de concrétiser le droit à l’expérimentation, dont nous faisons trop peu usage dans notre pays.
Pour toutes ces raisons, le groupe UDI-UC votera cette proposition de loi que nous devons à la persévérance de Muguette Dini. Qu’elle en soit remerciée ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muguette Dini, rapporteur. Je me réjouis que nous ayons voté cette proposition de loi relative à l’expérimentation des maisons de naissance. Mme la ministre a beaucoup insisté sur leur caractère expérimental, très important, qui permettra d’étudier leur fonctionnement et, éventuellement, de l’améliorer.
Je tiens à vous remercier tout particulièrement, madame la ministre, du soutien que vous avez apporté à ce texte. Il ne m’a d’ailleurs pas étonnée puisque vous vous étiez déclarée favorable à cette création lors de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Je me réjouis aussi de son adoption en pensant aux personnes qui attendaient ce texte depuis si longtemps : les jeunes mamans, les couples et les sages-femmes désireuses de travailler dans une maison de naissance.
Réfléchissant à mon expérience personnelle, je me disais que j’avais vécu un cycle, qui s’est déroulé sur quelques décennies. Lors de la naissance de mes enfants, il n’y avait ni médicalisation ni péridurale. Nous avons connu, ensuite, une extrême médicalisation et la généralisation de la péridurale. Aujourd’hui, enfin, un certain nombre de femmes souhaitent en revenir à des méthodes plus simples et plus naturelles.
J’espère que cette proposition de loi suivra son chemin, qu’elle pourra être examinée et votée par l’Assemblée nationale à l’automne prochain, ce qui permettra de commencer les expérimentations.
Madame la ministre, mes chers collègues, encore une fois, merci. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
8
Évaluation médicale à la conduite pour les conducteurs de 70 ans et plus
Renvoi à la commission d’une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe UDI-UC, de la proposition de loi visant à instituer une évaluation médicale à la conduite pour les conducteurs de 70 ans et plus, présentée par M. Yves Détraigne (proposition n° 605, résultat des travaux de la commission n° 638, rapport n° 637).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la proposition de loi et rapporteur.
M. Yves Détraigne, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me trouve aujourd’hui dans une situation inhabituelle. Outre le fait que je suis l’auteur de cette proposition de loi, et donc favorable a priori au dispositif qu’elle tend à instaurer, je me trouve être aussi son rapporteur, alors même que la commission des lois n’a adopté ni mon texte ni mes amendements que je lui proposais !
M. Christian Cointat. Excellent !
M. Yves Détraigne, rapporteur. Si j’avais 70 ans,…
Mme Catherine Procaccia. Cela vous arrivera, je l’espère !
M. Yves Détraigne, rapporteur. … on pourrait m’accuser de conflits d’intérêts. (Rires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Je vais donc rappeler la situation de notre pays au regard du permis de conduire, l’évolution du contexte et l’objet de la présente proposition de loi, avant d’évoquer les questions que ce texte a soulevées en commission et la position adoptée par celle-ci.
Vous le savez, les permis A et B, qui nous permettent de conduire un véhicule automobile de moins de dix places ou une moto de cylindrée n’excédant pas 125 centimètres cubes, sont des permis délivrés à vie et sans visite médicale préalable. Si, depuis cette année, les permis de conduire sont désormais délivrés pour quinze ans en vertu d’une directive européenne de 2006, leur renouvellement en l’état sera purement administratif. Dans les faits, le permis sera toujours attribué à vie sauf s’il est utilisé à titre professionnel, une disposition qui existe d’ores et déjà. Je rappelle en effet que les chauffeurs routiers ou les chauffeurs de taxi, par exemple, doivent se soumettre à des contrôles réguliers destinés à vérifier leur capacité à exercer leur profession.
Je ne vous étonnerai pas en vous disant que la population vieillit et que le nombre de personnes âgées de 75 ans et plus a augmenté de 34 % entre 2000 et 2011, passant de 7 % à 9 % de la population avec, mécaniquement, une répercussion sur le nombre de conducteurs âgés. L’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, l’ONISR, évoquant dans son rapport de 2011 les conducteurs du quatrième âge, notait que, si seuls 47 % des conducteurs âgés de 65 à 74 ans étaient responsables des accidents corporels dans lesquels ils sont impliqués, ce pourcentage s’élevait à plus de 60 % pour les conducteurs âgés de 75 ans et plus.
Ces conducteurs sont notamment surimpliqués dans les accidents liés à des traversées d’intersection pour lesquels les réflexes et la rapidité de décision sont des éléments décisifs. Ils sont aussi plus vulnérables et plus souvent victimes, lors des accidents de circulation, que les autres classes d’âge...
Face à cette situation, l’objet de cette proposition de loi est tout simplement d’instaurer, à partir de 70 ans, un examen médical d’aptitude à la conduite, auquel pourra s’ajouter un stage de remise à niveau en cas d’interdiction partielle de conduire.
Il ne s’agit évidemment pas, dans l’esprit de ses auteurs, de stigmatiser telle ou telle catégorie de la population, et ce d’autant plus que les deux principales causes de mortalité sur la route sont l’alcoolisation et la vitesse excessive, des infractions peu fréquemment commises par des personnes âgées de plus de 70 ou 75 ans. L’objectif est de nous rapprocher d’une tendance observée dans de nombreux pays de l’Union européenne, lesquels conditionnent le renouvellement du permis de conduire à certains âges de la vie à la vérification de l’aptitude à conduire de leurs détenteurs. Ce texte est d’autant plus d’actualité que notre pays commence à délivrer des permis de durée limitée, en application d’une directive communautaire.
Au sein de l’Union européenne, treize pays ont mis en place de longue date un contrôle médical préalable à l’obtention du permis de conduire, et dix pays des contrôles périodiques tout au long de la vie, quand d’autres limitaient la durée de validité du permis de conduire, dont le renouvellement est conditionné à un contrôle médical à partir d’un certain âge. L’Espagne cumule même ces trois systèmes.
Dans la dynamique d’harmonisation engagée à la suite de la directive de 2006, un rapprochement des règles de contrôle de l’aptitude physique des conducteurs est donc probable. Nous pouvons donc prévoir que la mesure proposée dans le présent texte, et qui avait déjà fait l’objet d’une recommandation du comité interministériel de sécurité routière en décembre 2002, trouvera sa place, un jour, dans notre droit positif.
Quoi qu’il en soit, cette proposition de loi, qui soulève des difficultés importantes, a fait l’objet d’un débat très animé – c’est le moins que l’on puisse dire ! – en commission des lois.
Il faut tout d’abord tenir compte du risque non négligeable d’accroissement de l’isolement de certaines personnes âgées en cas de retrait ou de limitation de leur permis de conduire, notamment en milieu rural où la voiture est parfois le seul moyen d’éviter cet isolement et de conserver une vie sociale.
Si ce risque est minime, voire inexistant, en milieu urbain, notamment en région parisienne où circulent des transports en commun réguliers, il pose dans les zones rurales un véritable problème de traitement inéquitable, selon le lieu de résidence des personnes concernées et les moyens dont elles disposent.
Il faut donc trouver le moyen de concilier les impératifs de sécurité routière et de protection des personnes avec la nécessité, pour celles-ci, de se déplacer en tant que de besoin.
Il convient également de prendre en considération le sentiment de « stigmatisation » que pourraient éprouver les personnes âgées, dans la mesure où le contrôle interviendrait au regard d’un critère d’âge, alors qu’il y a des conduites à risque à tous les âges, y compris chez les jeunes générations.
S’y ajoute également un problème d’ordre pratique, lié au caractère systématique du contrôle : le nombre insuffisant de médecins agréés qui pourraient contrôler l’aptitude à conduire des personnes âgées de plus de 70 ans. La solution du recours au médecin traitant, qui a été évoquée, est séduisante. Or l’expérience montre que cette formule est parfois peu efficace. Par ailleurs, le droit en vigueur exclut expressément que le médecin traitant de la personne fasse passer ce type de visite.
La commission des lois n’a toutefois pas l’intention de rejeter purement et simplement la proposition de loi au motif qu’elle suscite des interrogations. On ne peut en effet nier ni la réalité des observations formulées en commission ni l’intérêt de ce texte au regard de l’harmonisation européenne, qui va inévitablement intervenir dès lors que tous les Européens ont un permis du même type, et de la hausse du nombre de conducteurs âgés.
Tout en soulignant l’importance des actions de prévention en direction des personnes âgées, qui sont actuellement insuffisantes, la commission a donc considéré que la proposition de loi ne pouvait pas être adoptée en l’état.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, au vu des questions importantes soulevées par ce texte, et de la nécessité d’appréhender l’ensemble des effets des mesures proposées avant de se prononcer en toute connaissance de cause sur les actions de prévention à mener, la commission a estimé préférable d’approfondir sa réflexion au sein d’un groupe de travail qu’elle se propose de constituer en son sein. Nous pourrons ainsi examiner les mesures les plus pertinentes pour faire face à la forte augmentation du nombre de conducteurs âgés.
Nous reviendrons sur la solution que vous propose la commission à l’issue de l’examen de la motion de renvoi présentée par Virginie Klès. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)