compte rendu intégral
Présidence de M. Thierry Foucaud
vice-président
Secrétaires :
M. Jean Boyer,
M. Hubert Falco.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Adaptations dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne
Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France (projet de loi n° 582, texte de la commission n° 597, rapport n° 596).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le présent projet de loi a été adopté le 15 mai dernier à l’unanimité par l’Assemblée nationale, après avoir été modifié en commission des lois puis en séance plénière. Il contribue à la mise en œuvre du programme de Stockholm, portant sur la période 2010-2014, qui vise à construire un espace de liberté, de justice et de sécurité.
À l’heure où nous constatons une assez forte désaffection à l’égard de l’Union européenne, ce projet de loi, qui transpose près d’une douzaine d’instruments juridiques européens et internationaux, vient à bon escient rappeler que, souvent, celle-ci a été à l’origine d’une progression des droits et des libertés individuelles.
L’obligation s’imposant à nous de transposer les instruments juridiques de l’Union européenne se trouve renforcée par le traité de Lisbonne, qui a accentué les dispositions introduites dans le traité d’Amsterdam. Cette obligation est en outre prévue par notre Constitution. Nous nous exposons à des sanctions en cas de retard.
Cela étant dit, ce n’est pas la crainte des sanctions qui nous conduit à vous proposer aujourd’hui de procéder à la transposition des instruments juridiques visés par ce texte : c’est essentiellement parce que nous partageons les principes qui les sous-tendent, la France participant d’ailleurs en amont à l’élaboration de ces normes.
Les textes dont le projet de loi tend à permettre la transposition portent, pour l’essentiel, sur la lutte contre la criminalité organisée internationale. Ils visent à harmoniser la définition des incriminations pénales, à renforcer la coopération afin d’accroître la capacité répressive, à améliorer les relations entre les autorités compétentes des différents pays en vue de l’instauration d’un meilleur dialogue et d’une meilleure coordination des actions au sein de l’Union européenne et, pour les instruments qui concernent le Conseil d’Europe ou les Nations unies, avec l’ensemble des pays auxquels la France est liée par des conventions et des traités multilatéraux ou bilatéraux.
L’Assemblée nationale a introduit trois modifications significatives, notamment la possibilité, pour les associations, de se constituer partie civile dans les affaires de traite d’êtres humains, dans les conditions déjà prévues dans notre code pénal, à savoir que leur objet soit lié à cette incrimination, qu’elles existent depuis au moins cinq ans au moment de la procédure et qu’elles disposent de l’accord des victimes. L’Assemblée nationale a également modifié le dispositif proposé pour le fonctionnement d’Eurojust et élaboré une définition de l’incrimination d’esclavage et de servitude. Je reviendrai sur ces deux points dans quelques instants.
En ce qui concerne la lutte contre la traite des êtres humains, il s’agit de transposer le contenu d’une directive qui elle-même reprend les stipulations d’une convention du Conseil de l’Europe signée à Varsovie en 2005 et du protocole additionnel de la convention de Palerme contre la criminalité transnationale organisée.
L’infraction de traite des êtres humains fait en général référence à trois éléments : une action, un moyen – habituellement considéré à travers l’échange de rémunération –et un but. Le projet de loi élargit le champ de cette incrimination, en y introduisant des éléments tels que le prélèvement d’organes, et inclut parmi les éléments constitutifs des éléments qui, jusqu’à présent, constituaient des circonstances aggravantes. L’Assemblée nationale a toutefois bien vu que cela pourrait avoir pour conséquence qu’une sanction soit inférieure à ce qui est prévu aujourd’hui. Elle a donc précisé qu’il suffirait que deux éléments constitutifs de l’infraction soient cumulés pour que la peine encourue s’élève à dix ans.
Deux articles concernent l’obligation d’interprétation et de traduction des documents essentiels de la procédure pénale. Une obligation procédurale nouvelle se trouve ainsi introduite dans notre droit qui, vous le savez, tant par l’usage que par la jurisprudence, consacre déjà l’obligation de l’interprétation.
Nous transposons également en droit interne un instrument extrêmement important concernant les abus sexuels commis contre les enfants, l’exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie. Conformément aux dispositions de la convention signée à Lanzarote en 2007, nous introduisons dans notre législation pénale des éléments supplémentaires qui permettront dorénavant de couvrir la totalité du champ des abus infligés aux enfants. Désormais, tous ces abus relèveront d’infractions punies par la loi.
Le projet de loi procède en outre à la transposition de l’instrument relatif à la décision-cadre de 2008 qui modifiait la décision-cadre de 2002 instaurant Eurojust. L’Assemblée nationale a souhaité aller plus loin : elle a introduit dans le texte des dispositions qui augmentent de manière significative les compétences et les prérogatives du membre national d’Eurojust.
Au nom du Gouvernement, j’ai plaidé pour que nous en restions à la transposition de la décision-cadre, considérant que nous ne pouvons pas anticiper sur le règlement européen actuellement en cours d’élaboration, qui permettra d’améliorer les moyens, les procédures et les pouvoirs d’Eurojust. Le contenu de ce règlement n’étant pas encore définitivement fixé, il serait quelque peu audacieux d’inscrire dans notre législation pénale des dispositions relatives au membre national d’Eurojust. Le Gouvernement a expliqué, à l’Assemblée nationale, qu’il n’était peut-être pas pertinent de confier au membre national d’Eurojust une véritable capacité d’exercice de l’action pénale alors qu’il n’est pas fondé aujourd’hui à exercer directement celle-ci.
Monsieur le rapporteur, vous avez procédé à une analyse juridique extrêmement fine, portant sur les aspects fondamentaux de notre système de justice pénale, les prérogatives et les missions de la police judiciaire, des magistrats du parquet et des juges du siège, ainsi que sur les contraintes constitutionnelles et organiques qui pèsent sur les magistrats du siège et sur ceux du parquet. Cette analyse vous a conduit à observer que le membre national d’Eurojust est un magistrat hors hiérarchie. Il ne participe pas de la structure pyramidale de l’institution judiciaire, et il n’y a pas d’articulation formalisée entre son action et celle de cette dernière sur le territoire national. C’est pourquoi vous proposez que le membre national d’Eurojust puisse formuler des suggestions d’actes d’enquêtes. Cela augmenterait incontestablement ses capacités en tant que membre d’Eurojust tout en apportant de la sécurité juridique aux actes dont il serait appelé à être à l’origine.
Le Gouvernement partage cette analyse et soutient cette proposition. Il reviendra bien entendu au Sénat de décider du sort qui doit lui être réservé.
Par ailleurs, nous introduisons des dispositions tendant à l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions pénales, sur le fondement des principes définis par la Cour européenne des droits de l’homme, que la France respecte déjà : reconnaissance mutuelle des décisions pénales y compris en l’absence de la personne mise en cause, reconnaissance mutuelle des décisions en matière de transfèrements.
Il nous restera encore trois instruments à transposer avant décembre 2014. L’un concerne la lutte contre le racisme et la xénophobie, les deux autres portent sur la reconnaissance mutuelle en matière de décisions de justice s’agissant de la probation, d’une part, et de la privation de liberté antérieure au jugement, c’est-à-dire de la détention provisoire, d’autre part.
Outre la transposition d’instruments juridiques, ce projet de loi comporte des adaptations d’instruments internationaux émanant du Conseil de l’Europe et de l’Organisation des Nations unies. Trois d’entre elles sont particulièrement importantes.
La première concerne les disparitions forcées, visées par la convention des Nations unies de décembre 2006.
La deuxième a trait à la procédure de remise entre l’Union européenne, d’une part, et la République d’Islande et le Royaume de Norvège, d’autre part, conformément à l’accord du 28 juin 2006.
La troisième porte sur la très importante convention du Conseil de l’Europe signée à Istanbul le 11 mai 2011, qu’évoquera dans un instant Mme Vallaud-Belkacem.
Concernant les disparitions forcées, nous aboutissons, au terme d’un combat de vingt-cinq ans dans lequel la France a été extrêmement active, essentiellement grâce aux initiatives et à la forte mobilisation de M. l’ambassadeur Bernard Kessedjian, dont je tiens à saluer ici la mémoire et qui avait élaboré une proposition d’instrument normatif relatif à la protection des personnes contre les disparitions forcées.
Cette adaptation vise d’abord à définir précisément les disparitions forcées. Jusqu’à présent, cette définition était liée aux stipulations de l’article 7 du traité de Rome de juillet 1998 portant statut de la Cour pénale internationale, mais il est également important de prendre en compte les disparitions forcées ne relevant pas des crimes contre l’humanité et, par conséquent, de définir la prescription et les conditions dans lesquelles la compétence quasi universelle de nos juridictions pourra jouer.
Concernant ensuite la procédure de remise entre les États membres de l’Union européenne et l’Islande et la Norvège, celle-ci est assez proche du mandat d’arrêt européen mais s’en distingue par deux points.
D’une part, la remise de nationaux n’est pas autorisée, comme le prévoient déjà les procédures d’extradition.
D’autre part, la règle de double incrimination est assortie de dérogations pour six types d’infractions particulièrement graves, à savoir le terrorisme, le trafic de stupéfiants, l’homicide volontaire, l’enlèvement et la séquestration, la prise d’otage, les coups et blessures graves, le viol.
Enfin, je laisse le soin à Mme la ministre des droits des femmes de vous parler plus amplement de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, signée à Istanbul le 11 mai 2011. Il faut savoir que l’essentiel des dispositions de cette convention figurent déjà dans notre législation pénale, qui sanctionne les violences physiques, les violences psychologiques et sexuelles, les mariages forcés, les mutilations sexuelles, la stérilisation forcée, l’interruption volontaire de grossesse sans consentement. Toutefois, la convention du Conseil de l’Europe comporte d’autres incriminations, qu’il convient de transposer.
Comme je vous l’ai indiqué, l’Assemblée nationale a introduit une définition de l’esclavage et de la servitude, qui manque actuellement dans notre code pénal.
Cependant, ainsi que je l’ai souligné devant les députés, il est important que la définition d’une telle incrimination soit la plus compatible possible avec les engagements de la France en tant que partie à, notamment, la convention des Nations unies relative à l’esclavage de 1926, dont la définition de l’esclavage a été reprise par la convention relative à l’abolition de l’esclavage de 1956.
Aux termes des articles 212-1 et 212-2 du code pénal, la France punit le génocide et les autres crimes contre l’humanité, parmi lesquels l’esclavage. Cependant, il s’agit en l’occurrence de l’esclavage pratiqué de façon collective et systématique, et non par des personnes physiques se livrant à l’enlèvement et au commerce d’êtres humains, débouchant sur des abus sexuels, du proxénétisme, l’obligation de s’adonner à la mendicité, des brutalités et des violences diverses. La tradition juridique française était de punir ces effets de l’esclavage. De fait, aucune définition de l’esclavage ni de la servitude n’existe en droit français, alors que l’instrument juridique que le projet de loi tend à transposer évoque très précisément l’un et l’autre.
Les échanges que nous avons eus, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, nous amènent à considérer qu’il faut réfléchir à une définition de l’esclavage. Simplement, nous voulons lui conférer la plus grande sécurité juridique. Il n’y a pas, fort heureusement, de vide juridique en la matière, puisque notre législation permet déjà de punir tous les effets de la réduction en esclavage, mais il s’agit ici d’une incrimination générique plus globale, qui vise, outre ceux-ci, des éléments qualitatifs supplémentaires, tels que l’atteinte à la dignité de la victime et à sa liberté.
L’Assemblée nationale a souhaité maintenir la définition de l’esclavage et de la servitude qu’elle avait élaborée, mais, comme je l’ai dit devant les députés, il me paraît nécessaire de prendre le temps de la réflexion. Je crois que M. le rapporteur partage cette analyse.
Je m’engage à créer un groupe de travail sur ce sujet, qui serait composé de parlementaires, de représentants d’associations et d’ONG, ainsi que d’experts, provenant notamment de la direction des affaires criminelles et des grâces de la Chancellerie. Je mettrai à sa disposition la logistique, la documentation et les moyens matériels propres à lui permettre de travailler dans les meilleures conditions à l’élaboration d’une définition précise, compatible avec nos engagements internationaux et, surtout, d’une grande sécurité juridique. Je n’ai pas identifié de véhicule législatif de nature à permettre au Gouvernement d’introduire, dans un avenir proche, la définition de l’esclavage et de la servitude qui résultera de la réflexion de ce groupe de travail, mais rien n’empêche le Sénat ou l’Assemblée nationale de prendre une initiative à cette fin. Je m’engage par avance devant vous à la soutenir.
En conclusion, le travail accompli par la commission des lois du Sénat sous la houlette de son rapporteur me paraît améliorer le texte de façon substantielle et j’approuve la rédaction issue de ce travail. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que vient de vous présenter Mme la garde des sceaux n’est pas, vous l’aurez compris, une succession d’ajustements techniques. Il fait progresser très concrètement la réponse que les pouvoirs publics apportent aux victimes dans de nombreux domaines.
En premier lieu, ce projet de loi tend à renforcer la lutte contre la traite des êtres humains dans toutes ses dimensions, en élargissant sa définition et en retenant plusieurs conditions alternatives, et non plus cumulatives, constitutives de l’infraction. De plus, le prélèvement d’organe, l’esclavage, le travail forcé, la servitude seront désormais visés par la lutte contre la traite des êtres humains.
Au-delà du respect des engagements de la France et de la nécessaire réaction aux condamnations prononcées par la Cour européenne des droits de l’homme, il s’agit, au travers de ce texte, de se donner les moyens de mieux lutter contre la traite des êtres humains.
J’ai rencontré ce matin les associations membres du dispositif national d’accueil et de protection des victimes de la traite des êtres humains, le réseau Ac.Sé, qui assure la sécurité des anciennes victimes de la traite. C’est une réalité absolument dramatique, qui évolue vite, au rythme des épisodes géopolitiques. Elle prend sur notre territoire des formes très diverses et souvent difficiles à appréhender. La lutte contre la traite des êtres humains appelle une mobilisation interministérielle et, au-delà, une action conjointe avec les partenaires associatifs et territoriaux.
Dans cette perspective, nous avons mis en place la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains, la MIPROF, qui se consacrera totalement à ce chantier. Elle est chargée d’élaborer, pour le mois d’octobre prochain, un plan gouvernemental de lutte contre la traite des êtres humains, faisant écho aux recommandations du Conseil de l’Europe. Ce travail, je le sais, est attendu par les associations concernées et les partenaires étrangers de la France. La création de cette mission interministérielle, composée d’experts issus des différentes administrations concernées, marquera un changement de rythme et de méthode.
En deuxième lieu, le renforcement de la coopération judiciaire avec Eurojust permettra de mieux lutter contre la criminalité transfrontalière, notamment contre la traite des êtres humains. Mme Taubira l’a dit, nous sommes déterminés à nous donner les moyens de barrer la route à ces réseaux.
En troisième lieu, ce projet de loi permettra aux justiciables de bénéficier d’une procédure judiciaire compréhensible dans leur langue, grâce à de nouvelles obligations de traduction des pièces.
En quatrième lieu, ce texte renforcera la lutte contre les agressions sexuelles sur mineurs, y compris les simples tentatives, ce qui n’était pas le cas auparavant, et alourdira les peines encourues. Il renforcera également la lutte contre la pédopornographie : les faits seront mieux sanctionnés.
Enfin, et je m’attarderai davantage sur ce point, le projet de loi vise à adapter notre droit pénal à la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, signée à Istanbul le 11 mai 2011 et qui marque une étape importante dans l’histoire des droits des femmes.
J’ai présenté voilà quelques jours en conseil des ministres le projet de loi de ratification de cette convention, à laquelle notre droit n’est pour l’heure pas tout à fait conforme.
Le champ de cette convention couvre un ensemble très large de violences faites aux femmes : violences sexuelles, violences physiques et psychologiques, harcèlement, mariages forcés, mutilations ou encore « crimes d’honneur ».
Cette convention prend acte d’une réalité fondamentale pour le mouvement de lutte contre les violences faites aux femmes : il y a un continuum des violences sexistes, qui commence avec les stéréotypes à l’origine des inégalités entre les hommes et les femmes et se prolonge, dans son aspect le plus dramatique, avec les violences, voire les crimes.
Ce continuum des violences appelle, en retour, une réponse globale des pouvoirs publics. La convention y fait écho à travers la prévention, la protection, l’aide aux victimes, la poursuite, la sanction et le suivi des auteurs des violences.
Notre droit pénal est déjà largement conforme aux obligations qui figurent dans cette convention, mais il ne l’est pas encore totalement. Or nous devons être exemplaires à cet égard.
La France a voulu que ce texte constitue un levier formidable, y compris au-delà des frontières du Conseil de l’Europe. Nous avons par exemple invité les pays francophones à y adhérer, à l’occasion du dernier Forum mondial des femmes francophones, organisé par la France en mars dernier.
Le présent projet de loi nous permettra de faire progresser la lutte contre les mariages forcés.
Ainsi, nous introduisons un nouveau délit dans le code pénal, constitué par le fait de tromper quelqu’un pour l’emmener à l’étranger et lui faire subir un mariage forcé.
Le droit français nous donne d’ores et déjà toutes les armes utiles pour lutter contre les mariages forcés sur notre territoire, mais, on le sait bien, c’est à l’étranger que les femmes vivant en France subissent le plus souvent ces violences. Avec Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l’étranger, nous avons décidé de mobiliser les postes consulaires sur cette question, afin de prévenir les mariages forcés et d’informer et d’aider les victimes. L’introduction de ce nouveau délit permettra de mieux lutter contre ces pratiques.
Au travers de ce projet de loi, nous faisons aussi avancer le combat contre l’excision.
La France avait connu un certain nombre de progrès dans ce domaine, mais nous avons décidé d’aller plus loin. Désormais, le fait d’inciter un mineur à subir une mutilation sexuelle sera en lui-même constitutif d’un délit.
En outre, grâce à un amendement présenté par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale, le fait d’inciter à faire subir à un mineur une mutilation sexuelle sera également constitutif d’un délit.
Nous pouvons être fiers du rôle de pionnier joué par notre pays en matière de lutte contre les mutilations sexuelles, et nous réjouir de la mobilisation de la communauté internationale, aujourd’hui unie dans ce combat : on l’a vu le 20 décembre dernier, lorsque l’assemblée générale de l’ONU s’est prononcée à l’unanimité en faveur de l’abolition de la pratique des mutilations sexuelles. On n’en compte pas moins, de par le monde, entre 100 millions et 140 millions de victimes de l’excision, dont 50 000 en France. Cela justifie largement l’introduction de ces deux nouvelles incriminations pénales.
Au-delà, il faut prévenir et détecter de telles mutilations. À cet égard, je souligne que nous avons lancé un vaste plan de formation à l’intention de celles et ceux qui sont au contact des victimes, afin de leur permettre de mieux déceler ce type de violences.
Parallèlement, la sensibilisation des populations susceptibles d’être concernées est également une réponse essentielle. Nous y travaillons avec les associations du collectif « Excision, parlons-en ! », qui préparent une mobilisation nationale à l’occasion de la journée internationale contre les mutilations sexuelles, le 6 février prochain.
Enfin, nous voulons pouvoir dire aux victimes que leur souffrance n’est pas nécessairement définitive, lorsque mutilation sexuelle il y a eu. Le protocole chirurgical de réparation, élaboré grâce à des médecins engagés, est désormais intégré à la nomenclature de l’assurance maladie. C’est là un progrès considérable pour les victimes.
D’autres dispositions issues de la convention d’Istanbul seront introduites dans notre droit via le texte qui vous est présenté aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs : je pense à la pénalisation de la tentative d’avortement forcé, d’une part, et à l’information des victimes se trouvant en danger du fait de l’évasion de l’auteur des violences qu’elles ont subies, d’autre part. Il s’agissait, là encore, d’une faille de notre droit.
Nous estimons donc que ce texte améliorera très concrètement notre droit et renforcera nos outils en matière de lutte contre les violences faites aux femmes et de protection des victimes. Je sais que la Haute Assemblée est très attentive à ces questions et je tenais à réaffirmer devant elle mon engagement, au côté de Mme la garde des sceaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.