Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup a été dit depuis ce matin et ce soir encore sur l’utilisation intempestive, par le Gouvernement, du troisième alinéa de l’article 44 de la Constitution pour mettre un terme à la discussion du projet de loi de sécurisation de l’emploi au Sénat.
Utilisé au Sénat, l’article 44-3 de la Constitution, en apparence plus indolore que l’article 49-3, a les mêmes effets de guillotine !
Comme les parlementaires socialistes l’ont répété à de multiples reprises lorsqu’ils étaient dans l’opposition, cette disposition de la Constitution de 1958, qui fait la part belle au pouvoir exécutif, tue la discussion parlementaire. Elle tue le droit d’amendement que la gauche rassemblée a si souvent défendu face à la droite au pouvoir, face à Nicolas Sarkozy !
Monsieur le ministre, cette fébrilité, cette hâte à clôturer un débat est révélatrice de votre gêne. Car nous vous démontrions, point par point, que ce projet de loi reprend un accord largement favorable aux intérêts patronaux.
C’est un accord négocié, rédigé et signé sous la pression d’un patronat puissant dans le rapport de forces en période de crise, d’un patronat écho de la puissance du marché qui guide les pas des gouvernements européens et, je suis au regret de le constater aujourd’hui encore, du gouvernement de la France.
L’ANI et votre projet de loi sont des textes Standard and Poor’s ou Fitch. Ils caressent dans le sens du poil les agences de notation et les financiers qui pèsent sur les choix politiques nationaux et européens.
Mesdames, messieurs les parlementaires du groupe socialiste et du RDSE, qui avez soutenu la remise en cause de vos droits en acceptant la mise en œuvre de l’article 44-3 de la Constitution, je constate que la boucle est bouclée !
En effet, avant ce débat, le Président de la République lui-même appelait, le 28 mars dernier, à ne pas modifier le projet de loi sans en référer aux partenaires sociaux et, bien entendu, au patronat.
Monsieur le ministre, vous-même avez corseté le débat avant qu’il ne commence !
Le rapporteur socialiste de l’Assemblée nationale n’a-t-il pas téléphoné, selon ses propres dires, à Mme Parisot, dès la fin des discussions à l’Assemblée nationale, pour se féliciter avec elle du peu de modifications qui avaient été apportées au texte ?
Monsieur le ministre, vous ne vouliez pas de débat, vous aviez annoncé d’emblée souhaiter un texte conforme à l’accord, sans faire la moindre place à une initiative parlementaire.
Vous avez choisi d’aller jusqu’au bout de votre logique en mettant un terme à la discussion de manière violente, autoritaire et manifestement excessive. Et cela malgré la volonté de sénatrices et de sénateurs d’arracher un débat démocratique sur un texte que vous qualifiez vous-même d’historique. Cette volonté était celle de notre groupe, mais aussi celle des sénateurs écologistes ou de certains sénateurs socialistes qui ont également déposé de nombreux amendements.
Il faut rappeler que la mise en œuvre du vote bloqué a eu lieu moins de quarante-huit heures après le début de la discussion des amendements. C’est du jamais vu ! C’est une mise en cause grave de la démocratie parlementaire !
Vous ne vouliez pas de débat au Sénat. Vous ne vouliez pas d’un débat qui passe au crible cet accord technique, ambigu.
Vous privez une majorité de gauche, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, d’apposer sur ce texte la marque de l’intérêt général, la marque de la volonté des électeurs du 6 mai 2012 : ils voulaient le changement, non la soumission aux choix patronaux !
Je rappellerai une dernière fois, monsieur le ministre, que nul ne peut imposer aux représentants de la nation tout entière le choix d’intérêts particuliers. Le droit d’amendement est l’expression de la souveraineté populaire. Vous l’avez aujourd’hui bafoué et, si j’ai bien compris, vous assumez ce fait.
Monsieur le ministre, cet acte grave – et je pèse mes mots – de votre part et de la part du Gouvernement ne restera pas sans conséquences, et je suis certaine que vous regrettez déjà votre fébrilité.
Les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen n’acceptent pas et n’accepterons jamais une parodie de débat, indigne de notre démocratie à l’heure où l’antiparlementarisme progresse à grand pas.
Ils ont donc décidé, après mûre réflexion, de retirer l’ensemble de leurs amendements, qui méritaient pourtant un vrai débat, et de quitter la séance jusqu’au vote final. (M. Christian Cambon applaudit.)
Mme la présidente. Madame Assassi, je prends acte de votre décision. (Mmes et MM. les sénateurs du groupe CRC se lèvent et quittent l’hémicycle.)
M. Jean Desessard. Madame la présidente, je demande une suspension de séance de cinq minutes, au nom du groupe écologiste.
Mme la présidente. Nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt et une heures cinquante, est reprise à vingt et une heures cinquante-cinq.)
Mme la présidente. Nous reprenons l’examen de l’article 8.
Les amendements nos 285, 276 rectifié, 274, 277, 288, 286, 291, 278, 279 rectifié, 287, 289, 280, 290, 292, 308, 296, 281, 294, 295, 297 et 300, précédemment défendus, ont été retirés.
Du fait de ce retrait, les amendements restants ne sont plus en discussion commune.
Dans la présentation des amendements déposés sur l’article 8, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 591.
L'amendement n° 591, présenté par MM. Desessard et Placé, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. Après l'alinéa 22
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Si le nombre d’heures accomplies atteint un dixième du temps hebdomadaire minimal, chaque heure effectuée donne lieu à une majoration de salaire de 25 %. » ;
II. – Alinéa 24
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Si la durée d’heures complémentaires effectuées dépasse le dixième des heures inscrites dans le contrat de travail, la convention ou l’accord peut prévoir un taux de majoration différent qui ne peut pas être inférieur à 25 %.
Monsieur Desessard, je n’oublie pas que vous avez déjà défendu cet amendement, mais je vous redonne néanmoins la parole, de manière que vous puissiez éventuellement compléter vos explications à son sujet.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, je suis amené à faire appel à votre indulgence, ainsi qu’à celle de mes collègues, car, du fait du départ de nos collègues du groupe CRC et du retrait de leurs amendements, dont beaucoup étaient d’ailleurs fort intéressants, je me vois privé du temps que me laissaient leurs interventions pour peaufiner mes propres arguments.
Mme la présidente. Mon indulgence vous est acquise, monsieur Desessard.
M. Jean Desessard. Cela étant, avant d’en venir à mon amendement n° 591, je veux dire combien je regrette la situation dans laquelle nous nous trouvons à présent.
Je l’ai dit lors de mon intervention dans la discussion générale, ce texte contient des avancées mais soulève aussi beaucoup d’interrogations.
Je regrette que ce débat, qui aurait pu être très intéressant, n’ait pas permis de lever certains doutes et d’ouvrir quelques pistes.
Je comprends la position du groupe CRC, qui ne s’est pas senti écouté dès lors que le Gouvernement a choisi de recourir au vote bloqué, et cela très rapidement. Je ne sais pas quelles sont précisément les circonstances qui ont conduit à cette décision, mais je remarque que, sous un gouvernement précédent, nous avions tout de même débattu durant trois semaines au sujet des retraites. Or on peut dire que, parmi tous les amendements que nous avions déposés à l’occasion de ce débat, certains étaient redondants… La situation n’est donc pas nouvelle !
Je regrette donc que les amendements ne fassent pas l’objet de réelles discussions et, bien sûr, que nos collègues communistes aient quitté l’hémicycle.
L’amendement n° 591 concerne, je m’en suis effectivement déjà expliqué, les heures complémentaires. Il tend à aligner le régime de majoration des heures complémentaires effectuées au-delà du dixième de temps de travail à temps partiel sur celui des heures supplémentaires, afin d’éviter que le temps partiel soit utilisé comme une variable d’ajustement dans l’entreprise.
Mme la présidente. Dans la mesure où les amendements restants ne sont plus en discussion commune, je vais désormais solliciter l’avis de la commission et du Gouvernement sur chacun de ceux qui seront présentés.
Quel est donc l’avis de la commission sur l’amendement n° 591 ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement tend à majorer toutes les heures complémentaires d’au moins 25 %. Cette initiative, certes généreuse, n’est malheureusement pas conforme à l’accord passé entre les partenaires sociaux, qui ont prévu une majoration des premières heures complémentaires de 10 %.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Aujourd’hui, les premières heures complémentaires donnent lieu à une augmentation de 0 % ; les partenaires sociaux proposent une augmentation de 10 %.
M. Jean Desessard. C’est mieux…
M. Michel Sapin, ministre. On peut vouloir une augmentation de 15 %, de 25 %, de 30 %... Mais 10 %, c’est déjà mieux que 0 % ! C’est bien une avancée ! Bien sûr, on peut souhaiter plus, mais le résultat de la négociation, c’est 10 %. Et cela coûte donc 10 % de plus à l’employeur, et par là même, finalement, au client. Au demeurant, cette augmentation me paraît parfaitement légitime.
C’est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L’amendement n° 242, présenté par Mme Lienemann et MM. Godefroy, Courteau et Povinelli, est ainsi libellé :
Alinéas 23 et 24
Supprimer ces alinéas.
Cet amendement a déjà été défendu.
Le vote est réservé.
L’amendement n° 593, présenté par MM. Desessard et Placé, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 25 à 32
Supprimer ces alinéas
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement concerne les compléments d’heures par avenant au contrat de travail à temps partiel. Il vise tout simplement à supprimer la possibilité d’avoir recours à des avenants, dans la mesure où d’autres dispositifs législatifs existent pour permettre d’augmenter la durée du travail si nécessaire.
On ne peut pas, d’un côté, mettre en place des mesures destinées à renforcer l’encadrement du contrat de travail à temps partiel par des dispositifs novateurs et sécurisants, dont nous saluons la création, et, de l’autre, créer une insécurité juridique sur des contrats précaires et des populations précaires.
Les avenants au contrat plongent les salariés à temps partiel, dont le nombre est en constante augmentation, dans une insécurité juridique toujours plus grande, au lieu de les protéger.
Plutôt que d’avoir recours à la multiplication des avenants, pourquoi ne pas établir un nouveau contrat de travail qui corresponde mieux aux besoins de l’entreprise et garantisse le bien-être – il est certes délicat d’employer ce mot s’agissant des précaires ! – du salarié dans l’entreprise comme à l’extérieur ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Je vais tenter d’être aussi clair que possible sur ce sujet technique.
Vous demandez, mon cher collègue, la suppression de la possibilité de conclure des compléments d’heures par avenant au contrat de travail.
Je rappelle que l’instauration d’un cadre juridique sécurisé pour les compléments d’heures permet aux salariés qui le souhaitent d’augmenter leur temps de travail et, par conséquent, leur salaire. Il est entouré de règles strictes, dans des conditions définies par un accord de branche étendu. Le nombre maximal de huit avenants par an, s’il peut sembler trop élevé à certains, permettra d’éviter les dérives connues par le passé lorsque des salariés se voyaient imposer, par exemple, de signer un avenant par semaine – cela s’est vu !
Il s’agit là d’un point d’équilibre, auquel les partenaires sociaux sont parvenus en se réunissant autour de la table des négociations. Je vous propose de ne pas le remettre en cause.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 238, présenté par Mme Lienemann et MM. Godefroy, Courteau et Povinelli, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Remplacer le mot :
huit
par le mot :
quatre
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Madame la présidente, pour ma part, je n’ai jamais été favorable au vote bloqué et j’exprime depuis très longtemps des critiques à l’égard du « coup d’État permanent » que permet la Ve République. Je pense en effet que l’article 49-3 et les autres procédures du même ordre fragilisent notre démocratie.
Je regrette a fortiori que cet article ait été utilisé sur un texte aussi important, censé être même « historique », qui concerne un sujet majeur pour nos concitoyens.
J’observe que nous avons passé des heures et des jours – c’est bien légitime en démocratie ! –, l’opposition s’étant alors mobilisée, à débattre de la question du mariage pour tous. Et, sur le présent texte, majeur pour l’avenir de notre modèle social, quelques heures supplémentaires de débat auraient été insupportables ? Je le regrette !
Il est clair que, au stade où nous en sommes, ce débat ne peut plus produire ni de modifications du texte ni de réels échanges. C’est la raison pour laquelle je retire tous les amendements que j’avais déposés, d’autant qu’il s’agit souvent de propositions qui ont été déjà fort bien défendues à l’Assemblée nationale par des collègues députés socialistes, qui se sont abstenus sur le texte ou bien ont voté contre.
Pour ma part, je vous demanderai, madame la présidente, de m’accorder ultérieurement le temps de parole nécessaire à l’explication de mon vote final. Je tiens en effet à expliquer pourquoi je voterai contre ce texte qui est, selon moi, profondément déséquilibré.
Mme la présidente. L’amendement n° 238 est retiré, de même que les amendements nos 243 rectifié, 240 et 242, qui avaient été précédemment défendus.
L'amendement n° 590, présenté par MM. Placé et Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Au-delà de quatre avenants par an et par salarié, de nouveaux avenants, dans la limite de quatre, peuvent être conclus, à la condition que les heures effectuées dans le cadre de ces avenants soient majorées d’au moins 25 %.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement s’inscrit dans la continuité de celui que nous avons défendu sur les avenants au contrat, et je sais d’ores et déjà ce que me répondra M. le rapporteur.
Plus pragmatique que le précédent, cet amendement vise les mêmes objectifs : décourager le recours aux avenants et préserver la majoration des heures complémentaires.
Il tend à prévoir que, au-delà de quatre avenants par an et par salarié, les nouveaux avenants ne pourront être conclus, dans la limite de quatre avenants supplémentaires, qu’à la seule condition que les heures effectuées soient majorées d’au moins 25 %.
Avant de conclure, je rappellerai simplement qu’un amendement similaire, soutenu par le député socialiste Jérôme Guedj, a été adopté à l’Assemblée nationale avant d’être supprimé dans le cadre d’une seconde délibération. Je connais donc déjà aussi la réponse du ministre...
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Vous m’avez devancé, mon cher collègue ! Le raisonnement est effectivement le même. Donc, avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L’amendement n° 665, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… Le chapitre II du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article L. 5132-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Une durée de travail hebdomadaire inférieure à la durée fixée à l’article L. 3123-14 peut être proposée à ces personnes lorsque le parcours d’insertion le justifie. » ;
2° Après le deuxième alinéa de l’article L. 5132-7, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Une durée de travail hebdomadaire inférieure à la durée fixée à l’article L. 3123-14 peut être proposée aux salariés lorsque le parcours d’insertion le justifie. »
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Cet amendement vise à étendre aux associations intermédiaires et aux entreprises de travail temporaire d’insertion, qui relèvent également de l’insertion par l’activité économique, la possibilité d’adapter le temps de travail aux situations individuelles des personnes qu’elles accompagnent, sans qu’elles soient contraintes de formuler des demandes spécifiques. Chacun comprendra qu’il s’agit là du cas de personnes en situation de grandes difficultés sociales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. L’insertion économique des personnes qui rencontrent des difficultés sociales doit se faire dans un cadre adapté.
Du fait de la spécificité non de l’activité, mais du public visé, on pressent que le plancher de vingt-quatre heures peut ne pas convenir dans certaines circonstances, et l’on comprend alors le sens de cette proposition.
Les membres de la commission se sont également demandé si l’on devait, dans cette hypothèse, se limiter au secteur de l’insertion par l’activité économique et s’il n’y avait pas nécessité d’examiner les exemptions possibles dans d’autres secteurs.
Dans ce contexte, la commission a décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Je vais maintenant solliciter l’avis de la commission, puis celui du Gouvernement sur les amendements nos 526, 514 rectifié, 260 rectifié, 261 rectifié et 616, qui ont été défendus avant la suspension de dix-neuf heures trente et qui étaient encore, à ce moment-là, en discussion commune.
Quel est donc l’avis de la commission sur ces amendements, ainsi que sur l’amendement n° 664 rectifié, présenté par le Gouvernement ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Avant de donner l’avis de la commission sur ces amendements, j’aimerais insister sur un point qui nous rassemble tous, y compris ceux qui nous ont quittés tout à l'heure : à travers ces amendements, leurs auteurs saluent les avancées inscrites dans l’article 8.
La première de ces avancées est la fixation d’un temps de travail minimal de vingt-quatre heures hebdomadaires, assorti de dérogations par la négociation collective strictement encadrées.
La deuxième est le développement du dialogue social dans les branches où le recours au temps partiel est devenu la norme.
La troisième est la rémunération des heures complémentaires dès la première d’entre elles, alors que ce n’est pas le cas aujourd’hui.
On peut enfin citer une quatrième avancée, qui est la définition précise, dans le respect du souhait des partenaires sociaux, des compléments d’heures pouvant être conclus par avenant au contrat de travail du salarié à temps partiel, afin de mettre un terme aux dérives qui ont pu être constatées par le passé.
Qui plus est, tout accord de branche dérogeant aux règles de cet article devra nécessairement obtenir son extension par le ministère du travail, garantie supplémentaire de conformité aux prescriptions légales.
La commission des affaires sociales avait décidé d’instaurer une périodicité triennale pour la nouvelle négociation sur le temps partiel. Le Gouvernement a souhaité revenir sur le texte de la commission des affaires sociales. J’entends bien ses arguments. Il est vrai que les partenaires sociaux n’avaient pas, dans l’ANI, souhaité aller jusque-là. Notre commission se souciait avant tout de maintenir la cohérence des règles du code du travail. C’est pourquoi elle s’en est remise à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 664 rectifié.
La commission a jugé nécessaire de demander l’avis du Gouvernement sur l'amendement n° 526. C’était aussi le cas de l’amendement n° 280, mais celui-ci fait partie de ceux qui ont été retirés en bloc.
Sur tous les autres amendements, elle a émis un avis défavorable, au nom de l’effort constant de préservation de l’équilibre de l’accord conclu par les partenaires sociaux.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 526, 514 rectifié, 260 rectifié et 261 rectifié ?
M. Michel Sapin, ministre. Si les membres du groupe CRC avaient été présents, j’aurais eu plaisir à répondre à un certain nombre des questions qu’ils ont posées.
Je ne reviens pas sur l’ensemble du dispositif, dont chacun, à mon sens, conviendra qu’il constitue un progrès considérable.
Aujourd’hui, aucune limitation à la baisse du nombre d’heures n’est prévue ; demain verra la fixation d’un temps de travail minimal de vingt-quatre heures hebdomadaires.
Aujourd'hui, il n’existe aucune réglementation sur la dispersion des heures. On sait que cela entraîne des complications épouvantables pour ceux – souvent celles – qui sont en situation de travail à temps partiel : une heure de travail le matin, une heure le midi, deux heures le soir ; la vie personnelle s’en trouve profondément perturbée. Demain, si des dérogations aux vingt-quatre heures sont décidées, elles seront encadrées, en obligeant à rapprocher les heures par demi-journée ou par journée.
On voit bien tout ce que cet article apporte, y compris en termes de rémunération. Aujourd'hui, les dix premières heures complémentaires ne sont pas payées un centime d’euro de plus ; demain, elles seront majorées de 10 %, voire au-delà puisqu’il y a toujours la possibilité de négocier un dispositif plus favorable que l’application stricte de la loi.
Je suis donc défavorable à tous les amendements qui, d’une manière ou d’une autre, visent à revenir sur ces dispositions.
Je voudrais néanmoins compléter mon argumentation concernant les amendements qui visent la situation de certaines branches ou de certaines professions, telles que les emplois de service aux personnes, monsieur Vanlerenberghe.
Il est évident que cette limitation à la baisse de vingt-quatre heures, de même que le regroupement des heures, est un « plus » pour les salariés. Dans un certain nombre de branches, cela pose des problèmes spécifiques. Dans la plupart des cas, ces problèmes se régleront – même si ce n’est jamais simple – par le biais des négociations au niveau des branches, qui ont précisément pour objet de permettre des adaptations en fonction des situations.
C’est très exactement de cette manière que les problèmes se régleront pour les porteurs de journaux, par exemple. Beaucoup d’entre nous ont été sensibilisés à cette question par les grands quotidiens régionaux, qui recourent massivement au portage. J’en ai discuté avec les employeurs intéressés : une négociation de branche est déjà en cours et nous veillerons à ce qu’elle puisse aboutir.
La préoccupation des branches est tout à fait compréhensible, en particulier du côté des employeurs, qui sont souvent des employeurs associatifs, dont le souci n’est sûrement pas d’exploiter le plus possible leurs salariés. Tous doivent néanmoins faire preuve de considération envers leurs salariés au regard de l’organisation du travail.
Les branches, vous le savez, auront plusieurs mois pour négocier. Elles pourront être aidées, d’un point de vue technique, par mes propres services à trouver des solutions. Une période transitoire est prévue pour les contrats en cours. Il n’y aura pas d’application immédiate, brutale, avec tout ce que cela pourrait poser comme problème aux uns et aux autres.
Monsieur Vanlerenberghe, je prends devant vous et devant tous les sénateurs qui s’intéressent à ce sujet l’engagement de dresser, d’ici à la fin du premier semestre de 2014, avec les partenaires sociaux, un bilan de ces négociations par branche, qui mettra l’accent sur les secteurs les plus concernés.
Nous sommes avant l’application automatique ou obligatoire de l’accord. Si le point précis que nous allons faire laisse apparaître des difficultés insurmontables, nous aviserons. Il n’est pas question de mettre ces secteurs de but en blanc devant une situation qui serait pour eux insurmontable. C’est le cas pour les services à la personne, pour le domaine médico-social – je sais que certains de vos collègues du groupe socialiste s’en soucient –, cela peut être éventuellement le cas dans le domaine de la presse.
Plus largement, sur les services à la personne, le Gouvernement entend prendre des initiatives. Je travaille sur cette question avec ma collègue Najat Vallaud-Belkacem, afin de relancer une démarche d’amélioration de la qualité du service rendu et de la qualité de l’emploi.
Voilà, monsieur le sénateur, les explications que je souhaitais vous apporter en réponse aux amendements nos 260 rectifié et 261 rectifié que vous avez soutenus. Cet article 8 constitue un progrès pour les salariés ; en même temps, il permettra de tenir compte de la situation concrète d’un certain nombre de branches ; nous engagerons un dialogue avec les responsables de ces branches afin de trouver les bonnes solutions.
Je suis donc défavorable à tous les amendements qui ont été présentés sur cet article, hormis, bien entendu, les deux que j’ai présentés : qu’on me pardonne ce péché d’orgueil ! (Sourires.)
Mme la présidente. Le vote sur ces cinq amendements est réservé.
Le vote sur l’article 8 est réservé.
3
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi, actuellement en cours d’examen.
Cette liste a été affichée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement, et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
4
Sécurisation de l'emploi
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi.
Nous poursuivons la discussion des articles.
Chapitre II (suite)
Lutter contre la précarité dans l’emploi et dans l’accès à l’emploi
Mme la présidente. Nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II, à l’article 8 bis.
Article 8 bis
(Non modifié)
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2015, un rapport sur l’évaluation des dispositifs relatifs au temps partiel pour en mesurer l’impact réel notamment en termes d’égalité professionnelle.
Mme la présidente. L'amendement n° 529 rectifié, présenté par Mme Génisson, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2015, un rapport sur l'évaluation des dispositions de la présente loi relatives au temps partiel afin, d'une part, d'évaluer l'impact réel sur l'évolution des contrats à temps partiel − notamment concernant le nombre et la durée des interruptions de travail −, des contrats à durée déterminée, sur la réduction de la précarité et des inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes et, d'autre part, de mesurer le recours effectif à l'annualisation du temps de travail pour les contrats à temps partiel.
La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Nous venons de discuter d’un article fondamental, l’article 8, qui « repense » les modalités du temps partiel.
Nous le savons, le temps partiel touche très majoritairement les femmes puisque celles-ci représentent 82 % des salariés qui y sont soumis. Il s’agit généralement, hélas, de temps partiel subi. Il s’accompagne souvent d’horaires atypiques, permettant difficilement l’articulation entre les temps de vie professionnelle et les temps de vie personnelle. De plus, pour de nombreuses femmes, il donne lieu à des revenus très inférieurs au niveau éthiquement acceptable dans notre société.
L’article 8 est porteur de deux avancées tout à fait considérables : le plancher minimum de vingt-quatre heures par semaine, qui est un immense progrès, et la majoration de 10 % du salaire dès la première heure complémentaire effectuée.
Pour autant, ces deux avancées majeures sont assorties d’un certain nombre de dérogations. Ainsi, l’exercice du temps partiel, comme celui du temps plein d’ailleurs, est soumis à l’annualisation.
Peu appliquée au temps partiel, comme nous l’ont indiqué tous les partenaires sociaux, l’annualisation peut avoir un intérêt pour les emplois saisonniers, mais elle peut être pénalisante pour le temps partiel en général. Il est donc nécessaire de bénéficier d’un rapport d’évaluation sur ce sujet.
Nous avons par ailleurs évoqué, les uns et les autres, un certain nombre d’emplois, relevant notamment du domaine social, médico-social, les services à la personne, pour lesquels il semble difficile d’appliquer dès à présent ce plancher de vingt-quatre heures par semaine. Mais il est alors nécessaire d’assortir les dérogations d’une organisation du temps de travail soit en journées, soit en demi-journées. Cette organisation peut certes poser des problèmes de mise en place, mais elle doit permettre aux salariés concernés, essentiellement des femmes, de bénéficier, par le biais d’accords de branche, de formations ouvrant à une professionnalisation et à une diversification des tâches, de manière que leur activité soit elle-même plus diversifiée qu’elle ne l’est actuellement.
Sur ce point aussi, il sera important de pouvoir évaluer l’application de l’article 8.
En outre, la valorisation de 10 % du salaire – ou plus, selon l’accord de branche – dès la première heure complémentaire doit être confrontée à la mise en place concomitante du principe du recours au complément d’heures, avec la possibilité que soient signés huit avenants par an, étant entendu que le recours à des compléments d’heures est exclu lorsqu’il s’agit de remplacer de personnes absentes.
Ce dispositif doit faire l’objet d’une évaluation très sérieuse. Il me paraît très important de s’assurer qu’il ne va pas à l’encontre de l’avancée que constitue le plancher minimum de vingt-quatre heures par semaine pour la signature d’un contrat de travail à temps partiel.
Enfin, certains d’entre nous ont pu regretter que soit supprimée la nécessité pour les branches de négocier de façon triennale sur le sujet du temps partiel. Je voudrais rappeler que la loi de 2001 prévoit une négociation triennale de branche sur le sujet global de l’égalité professionnelle, négociation qui devrait pouvoir intégrer les conditions d’exercice du temps partiel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?