Mme Christiane Demontès. Nous parvenons au vote de l’article 1er du projet de loi. Les partenaires sociaux ne s’y sont pas trompés : il s’agit d’un article extrêmement important.
Je voudrais insister sur deux éléments, et tout d’abord sur l’obligation de couverture santé collective par les entreprises, avec un socle minimal qui sera fixé par décret. Je me réjouis que, dans la discussion, M. le ministre ait pu nous apporter des précisions sur le contenu de ce décret de nature à rassurer ceux qui avaient quelques doutes.
Le second élément, c’est bien sûr la portabilité des couvertures santé et prévoyance pendant douze mois pour les salariés ayant perdu leur emploi.
Bien que nous ne soyons évidemment pas satisfaits de la suppression de la clause de désignation – nous savons d’ailleurs bien de qui émane la demande… –, nous voterons l’article 1er, M. le ministre ayant annoncé une seconde délibération sur ce sujet.
L’article 1er respecte parfaitement l’accord national interprofessionnel, que le projet de loi améliore. Je rappelle que cet article résulte d’un compromis entre les partenaires sociaux : ce compromis, qui a été respecté par le Gouvernement, doit l’être également par le Sénat, même si des aménagements doivent être effectués.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Dassault, pour explication de vote.
M. Serge Dassault. Nos amendements ayant été adoptés, je voterai l’article 1er.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. L’article 1er doit réjouir le MEDEF, dont la présidente déclarait le 19 mars dernier lors de son point de presse mensuel : « Il faut que l’entreprise ait le libre choix de l’organisme complémentaire. » Alors qu’elle n’a cessé de marteler cette nécessité, elle ne l’a jamais justifiée, et pour cause : il faudrait en effet qu’elle dise clairement que, si elle s’oppose aux clauses de désignation, c’est parce qu’elle refuse que les organisations syndicales puissent négocier les meilleurs contrats, le patronat étant pour sa part plutôt enclin à négocier les contrats les moins chers, quitte à ce que les prestations offertes aux salariés soient moins bonnes.
Dans la mesure où ces contrats permettront aux employeurs non seulement de concurrencer la sécurité sociale, ce que nous ne pouvons accepter, mais aussi de bénéficier d’importantes exonérations de cotisations sociales – elles pourront atteindre 2,5 milliards d’euros –, il nous semble impératif que le législateur veille à ce que les salariés puissent prétendre au dispositif le plus protecteur.
Il est assez paradoxal que ceux qui prônent le respect à tout prix des règles de la concurrence veuillent que les employeurs soient les seuls maîtres à bord. Alors qu’ils réaffirment en creux les bienfaits de la concurrence, ils ne rechignent pas à l’intervention des pouvoirs publics dès lors que cette dernière prend la forme d’un financement public via des exonérations de cotisations sociales.
Cette théorie, nous la refusons à double titre.
Tout d’abord, nous pensons que la mobilisation de fonds publics doit s’accompagner de contreparties claires et d’obligations. Nos concitoyens, à qui l’on demande de faire des efforts massifs, ne peuvent admettre que, en période de crise, on puise dans les caisses des comptes publics et sociaux sans rien exiger des bénéficiaires. Cette époque est révolue, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, doit être le dernier exemple de ce type.
Par ailleurs, la santé n’est pas un secteur comme les autres. Tout le monde en sera d’accord, ce n’est ni un service anodin ni une marchandise. Je sais que certains, qui siègent du côté droit de l’hémicycle, voudraient mettre en concurrence…
Mme Isabelle Debré. Ne soyez pas dédaigneuse !
Mme Éliane Assassi. … les assurances privées commerciales et les organismes mutualistes qui ne poursuivent pas d’objectifs lucratifs.
Ce processus a débuté il y a une décennie avec la séparation des titres du code de la mutualité. En conséquence, les mutuelles ne peuvent plus financer directement leurs centres de santé, lesquels risquent de fermer les uns après les autres, comme à Marseille, si aucune solution n’est trouvée.
Alors que chacun s’accorde à dire que ces structures sont efficaces, qu’elles répondent aux attentes des médecins et des populations, on accepte que les règles de la concurrence, imposées par l’Europe, entraînent leur fermeture.
Certains voudraient même pousser plus loin la concurrence en permettant aux assurances privées de se substituer un jour à la sécurité sociale. C’est d’ailleurs déjà partiellement le cas puisqu’une partie de la sécurité sociale de base des agriculteurs, par exemple, est confiée à une assurance privée commerciale. En conséquence, les frais de gestion sont bien supérieurs à ceux de la MSA.
La santé, la protection sociale, qu’il s’agisse de la protection de base ou de la protection complémentaire, méritent des règles particulières. C'est la raison pour laquelle nous pensons que l’article 1er ne va pas dans le bon sens. En conséquence, mes chers collègues, nous vous appelons à le rejeter, comme nous allons nous-mêmes le faire.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour explication de vote.
M. Jean-Vincent Placé. Ce débat, et c’est naturel, est à front renversé, notamment en raison du vote de l’amendement n° 509 rectifié ter du groupe UMP.
Plusieurs sujets sont abordés dans l’article 1er.
Tout d’abord, la complémentaire santé pour tous est évidemment une avancée, dont nous ne pouvons que nous réjouir. M. le ministre et M. le rapporteur ont apporté de nombreuses précisions sur cette disposition qui vise à faire en sorte que la complémentaire santé pour tous puisse être effective.
Je partage néanmoins l’inquiétude de mes amis du groupe CRC s’agissant des petites entreprises ou des petites structures, où la complémentaire santé ne sera pas forcément une réalité dans l’immédiat. C’est à nous, mes chers collègues, qu’il appartient de faire en sorte que ce droit puisse s’exercer réellement.
Lors de mon intervention dans la discussion générale, j’ai soulevé la question de l’équilibre entre les complémentaires santé, qui s’ajoutent au système de base de la sécurité sociale, et le risque, réel à terme, d’une privatisation.
J’interpelle donc les uns et les autres, car, si ce sont nos amis communistes qui ont mis en place ce système après-guerre, je n’oublie pas que les gaullistes étaient également attachés à ce droit fondamental…
Mme Isabelle Debré. Même combat !
M. Jean-Vincent Placé. … pour les salariés.
Mme Éliane Assassi. C’est vrai ! C’est pourquoi il ne faut pas le casser !
Mme Isabelle Debré. Nous n’en avons pas l’intention !
M. Jean-Vincent Placé. Je suis donc persuadé que la problématique public-privé ne correspond pas à un clivage droite-gauche.
Permettez-moi d’ailleurs de faire une digression et d’évoquer la question des allocations familiales, car je pense que la problématique est un peu la même. Sur le plan des principes, dire que l’on va faire payer les plus riches en réduisant leurs allocations familiales ne me paraît pas être une bonne manière d’envisager les choses. Il nous appartient, ici, au Sénat, de répondre à ce type de questions principielles.
La clause de désignation a suscité des interrogations au sein de notre groupe, comme l’a dit mon collègue Jean Desessard et comme en a aussi témoigné notre abstention sur l’amendement n° 509 rectifié ter : la désignation doit-elle avoir lieu au niveau des branches ou faut-il aller au plus près de l’entreprise ?
On pourrait caricaturer en disant que les libéraux penchent pour la désignation au niveau de l’entreprise parce que le rapport de force n’est pas nécessairement favorable aux salariés ou encore, le côté « libertaire » dominant alors, parce que l’accord de branche serait plus contraignant et peut-être aussi plus coûteux. Mais, je le répète, ce sujet ne suscite pas, à mon avis, un clivage droite-gauche, d’où le vote, au nom du groupe écologiste, de mon éminent ami Jean Desessard, vote qui a donc permis que l’amendement du groupe UMP recueille une majorité.
Je n’ai pas l’habitude de me défausser. Bien sûr, nous nous en tenons à la même philosophie. Néanmoins, le Gouvernement ayant annoncé une seconde délibération, nous nous abstiendrons sur l’article 1er.
Nous sommes peut-être moins réactifs que nos amis et collègues du groupe socialiste, qui eux, sont tellement confiants quant à l’issue de la seconde délibération qu’ils votent en faveur de l’article modifié par l’amendement du groupe UMP, comme ils voteront sûrement l’article après la seconde délibération. Pour notre part, nous préférons une abstention d’attente avant la seconde délibération sur cet article.
J’espère que nous pourrons alors discuter plus précisément avec le ministre et le rapporteur de la clause de désignation et de la disposition qui a été votée tout à l’heure. (Vives exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
J'ai été saisie de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe CRC, la deuxième, du groupe socialiste et, la troisième, du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 197 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l’adoption | 311 |
Contre | 20 |
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, afin de vous permettre de vous organiser, je vous informe que, en accord avec M. le ministre, la séance sera suspendue à dix-neuf heures et reprendra à vingt et une heures.
Article 1er bis
(Non modifié)
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 15 septembre 2014, un rapport sur les aides directes et indirectes accordées au financement de la complémentaire santé ainsi que sur une refonte de la fiscalité appliquée aux contrats. Il réalise également un point d’étape des négociations de branche en cours.
Cette étude de la refonte de la fiscalité est réalisée au regard de l’objectif fixé de généraliser la couverture complémentaire santé à tous les Français, à l’horizon de 2017.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. L’article 1er bis du présent projet de loi résulte de l’adoption, par l’Assemblée nationale, d’un amendement déposé par les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen. Il vise à étudier la façon de moduler ou de modifier la politique d’exonérations sociales ou fiscales actuellement en vigueur, afin de généraliser la couverture complémentaire et, pour reprendre l’objet même de l’amendement, de donner aux couvertures complémentaires une portée universelle.
Eu égard à cette notion d’universalité, jusqu’alors rattachée à la sécurité sociale, chacun aura noté, comme nous l’avons déjà dit à l’occasion de nos interventions sur l’article 1er, que la volonté du Gouvernement réside bien dans la substitution progressive de notre système actuel par un dispositif fondé sur les contrats d’assurance complémentaires.
Notre groupe n’est pas favorable aux exonérations de cotisations sociales, qui constituent, personne ne l’ignore, des trappes à bas salaires. La Cour des comptes l’a d’ailleurs déjà relevé. L’enjeu est donc pour nous non pas d’étudier la manière de mieux ventiler ces exonérations, mais de les supprimer. Il est question non pas de les orienter en direction des régimes complémentaires, mais de faire en sorte que les ressources nouvelles résultant de la suppression de ces exonérations et exemptions d’assiette alimentent, comme elles devraient théoriquement le faire, la sécurité sociale, la mettant ainsi en mesure de prendre en charge des dépenses de santé qu’elle ne couvre pas ou pas suffisamment, comme les frais liés aux soins dentaires ou optiques.
Qui plus est, il existe un débat sur l’opportunité de créer, notamment à l’égard des retraités, des mécanismes d’incitation financière leur permettant de souscrire des assurances santé complémentaires. Certains proposent, par exemple, que cette aide financière prenne la forme d’un crédit d’impôt. Cette question pourrait parfaitement être abordée dans le rapport prévu à l’article 1er bis.
Si nous n’ignorons rien des difficultés que rencontrent nos concitoyennes et nos concitoyens les plus âgés pour accéder aux soins, nous savons aussi pertinemment que la solution ne réside pas dans les contrats d’assurance complémentaires. En effet, ceux-ci tiennent compte de l’âge des bénéficiaires et leur coût a tendance à croître au fur et à mesure du vieillissement des souscripteurs. Or plus nos concitoyens gagnent en âge, plus leurs besoins en termes de santé sont importants. Et plus ces besoins augmentent, plus le coût des contrats complémentaires progresse. Cela signifie que, même avec un crédit d’impôt, les dépenses supportées par les retraités seront appelées à croître, alors même que leur pouvoir d’achat, lui, ne progresse pas. On le constate, le recours aux assurances complémentaires n’est pas la bonne solution.
De surcroît, qu’adviendra-il demain de nos concitoyens, qui, en raison de la faiblesse de leurs revenus, ne pourront pas bénéficier d’une réduction fiscale ?
Certains avancent l’idée de la création d’un chèque santé, destiné à leur faciliter l’acquisition d’une mutuelle complémentaire. Mais les mécanismes de ce type, qui au demeurant existent déjà, fonctionnent mal. Le taux de non-recours au dispositif d’aide à l’acquisition d’une mutuelle complémentaire est assez élevé. Et pour cause : même avec un soutien financier, nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à ne pouvoir recourir à de tels contrats et préfèrent y renoncer, afin d’éviter de ne plus pouvoir se loger ou manger correctement.
Pour les personnes âgées comme pour les précaires, mais, au-delà, pour l’ensemble des salariés, la question est de savoir non pas comment favoriser le recours aux contrats complémentaires, mais comment faire en sorte de renforcer notre sécurité sociale de base, afin qu’elle puisse répondre à tous les besoins et qu’elle rende inutile le recours à de tels contrats.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er bis.
(L'article 1er bis est adopté.)
Article 1er ter
(Non modifié)
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er septembre 2013, un rapport sur l’articulation du régime local d’assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle et la généralisation de la complémentaire santé afin d’étudier l’hypothèse d’une éventuelle évolution du régime local d’assurance maladie et ses conséquences.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.
M. Michel Le Scouarnec. Le régime local d’Alsace-Moselle, héritage de l’histoire, constitue, sous certains aspects, la mutuelle complémentaire obligatoire des salariés et retraités alsaciens et mosellans.
Moyennant un taux de cotisation fixé à 1,5 % du salaire, pourcentage qui reste plutôt modeste, le régime complète de manière plutôt heureuse les prestations servies par le régime général de sécurité sociale.
Directement géré par les assurés sociaux eux-mêmes, obligatoire pour l’ensemble des salariés et retraités des trois départements, le régime local compte aujourd’hui plus de 1,6 million de cotisants et plus de 2,5 millions d’ayants droit au total. Sa situation financière est plutôt saine puisqu’il a même un léger excédent de trésorerie ; les produits – essentiellement des cotisations – et les charges – essentiellement des prestations versées aux bénéficiaires cotisants – s’équilibrent aux alentours de 450 millions d’euros de ressources.
Au demeurant, dans le passé, lorsque ce régime a connu des exercices déficitaires, les taux de cotisation furent relevés pour apurer le passif et revenir à une situation plus équilibrée.
On pourrait évidemment se demander quel bénéfice il tirera du rapport prévu à l’article 1er ter, mais cela reviendrait à comparer ce qui ne sera pas forcément comparable, puisque ce régime est obligatoire mais surtout interprofessionnel et intergénérationnel.
À la vérité, alors que certains débats sont en cours, le régime local d’Alsace-Moselle peut constituer une bonne manière d’approcher la question de l’accès aux soins. Il a une réalité : il assure une couverture complémentaire de bonne qualité, voire supérieure en bien des domaines, à l’ensemble de ses cotisants et ayants droit.
Je pense même, mes chers collègues, que, à l’encontre des aspirations de quelques-uns des hérauts de l’assurance de groupe dont les cotisations se perdent dans la myriade des compagnies d’assurance, il faut se garder de mettre en question le régime local alsacien-mosellan. Celui-ci, équilibré, géré par ses propres bénéficiaires, a, d’une certaine manière, participé de l’efficacité économique de la région où il s’est développé. On peut fort bien penser que la qualité des prestations qu’il assure y est pour quelque chose.
En revanche, la remise en cause de l’emploi dans la région peut constituer un obstacle à sa pérennité.
Cela étant, nous pourrions presque dire aux assureurs, attirés par les perspectives ouvertes par l’article 1er, qu’ils vont devoir faire une croix sur l’Alsace et la Moselle lors de leur future course aux clients potentiels ! Il convenait de le rappeler.
Mme Nathalie Goulet et M. Jean-Vincent Placé. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er ter.
(L'article 1er ter est adopté.)
Article 1er quater
(Non modifié)
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er mai 2014, un rapport sur les modalités de prise en charge du maintien des couvertures santé et prévoyance pour les salariés lorsqu’une entreprise est en situation de liquidation judiciaire.
Ce rapport présente, notamment, la possibilité de faire intervenir un fonds de mutualisation, existant ou à créer, pour prendre en charge le financement du maintien de la couverture santé et prévoyance lorsqu’une entreprise est en situation de liquidation judiciaire, dans les mêmes conditions que celles prévues à l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. L’article 1er du présent projet de loi, relatif à la couverture complémentaire, a été complété, à l’issue des débats à l’Assemblée nationale, par un article 1er quater, résultant de l’adoption d’un amendement présenté par le groupe socialiste, républicain et citoyen et visant à ce que le Gouvernement remette prochainement un rapport sur les modalités de prise en charge de la portabilité des couvertures santé et prévoyance en faveur des salariés lorsqu’une entreprise est en situation de liquidation judiciaire.
Ce rapport, qui s’inscrit dans la continuité des dispositions que nous venons d’examiner, à savoir la généralisation des assurances complémentaires santé, soulève une question importante. Comment prétendre construire un dispositif universel, s’appliquant à toutes et tous, indépendamment de leur statut, alors que, dans le même temps, les salariés victimes, en quelque sorte, de la liquidation judiciaire de leur entreprise ne pourraient pas prétendre à la portabilité de leur contrat, comme l’ensemble des autres salariés ?
Qui plus est, le rapport de la Cour des comptes l’atteste, la précarité entraîne la précarité. Le basculement du statut de salarié privé indemnisé à celui de salarié bénéficiant non plus de l’assurance chômage mais d’une couverture sociale qu’il faut bien qualifier de « minimaliste » engendre une sorte de « sur-précarisation », phénomène auquel il faut impérativement trouver des solutions.
À l’instar des membres de mon groupe, je souscris donc à l’objectif poursuivi par le biais de l’établissement du rapport en question. Toutefois, il me semble important que le Gouvernement nous apporte des précisions.
En effet, l’article 1er quater prévoit que cette continuité des droits pourrait passer par l’intervention d’un « fonds de mutualisation existant ou à créer ». Cette rédaction est relativement différente de celle de l’amendement initial, qui faisait explicitement référence au fonds CMU. Or, aujourd’hui, ce dernier n’est plus alimenté que par les mutuelles, c’est-à-dire en fait, de manière indirecte, par les mutualistes.
Si ce fonds est appelé à financer cette portabilité, les organismes qui concourent à son financement – organismes complémentaires, assureurs et instituts de prévoyance – n’auront pas d’autre choix que d’augmenter leurs tarifs et, par voie de conséquence, d’entraîner un mouvement de démutualisation de la part des personnes les plus démunies.
À l’inverse, nous pourrions envisager la taxation des revenus financiers pour permettre à tous les salariés du secteur privé d’accéder, indépendamment de leur statut, à une prise en charge des frais engagés à 100 % par la sécurité sociale.
En attendant d’obtenir cette taxation que nous réclamons depuis toujours, et sans préjuger l’issue des travaux, nous souhaiterions, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez si une autre piste de réflexion que le fonds CMU est à l’étude. Par ailleurs, en cas de création d’un fonds nouveau, quelle pourrait être la nature des ressources qui le financeraient ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er quater.
(L'article 1er quater est adopté.)
Mise au point au sujet d’un vote
Mme Christiane Demontès. Madame la présidente, je vous prie de bien vouloir noter que, sur l’article 1er, Jean-Pierre Godefroy souhaitait s’abstenir.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
Article additionnel après l'article 1er quater
Mme la présidente. L'amendement n° 539 rectifié, présenté par M. Dassault, est ainsi libellé :
Après l'article 1er quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 6111-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La formation économique des salariés comprend obligatoirement un enseignement relatif aux conditions de fonctionnement de la micro et de la macro-économie, à la situation des entreprises dans une économie de marché, face à la concurrence, à la détermination des prix, à la gestion des activités et à l’affectation des résultats. »
La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Il apparaît de plus en plus que les salariés, pas plus que les syndicats, ne sont pas conscients des problèmes de gestion et de fonctionnement de leur entreprise en raison d’un manque d’information.
C’est pourquoi je propose, par le biais de cet amendement, que chaque entreprise fasse dispenser par des sociétés spécialisées une véritable formation économique à tout son personnel ainsi qu’aux représentants syndicaux.
Cette formation devrait permettre à tous les salariés de mieux prendre conscience du contexte économique dans lequel évolue leur entreprise, sur le plan tant national qu’international, face à la concurrence, aux problèmes de coût et de prix de revient, de monnaie, de trésorerie, de qualité, etc.
Une fois mieux informé d’un point de vue économique, le personnel devra être formé à tous les problèmes rencontrés en matière de gestion interne, d’évolution des commandes, de contrats, de résultats, d’échecs, de bilans, de comptes d’exploitation.
Il devra savoir que les partenaires de l’entreprise sont au nombre de quatre, à savoir les actionnaires, les salariés, les syndicats et les clients, qui, eux, déterminent l’avenir de l’entreprise par leurs commandes et qu’il faut donc par-dessus tout satisfaire.
Pour être efficaces, tous ces partenaires doivent travailler en équipe, et non en ennemis de classe. C’est une évidence !
Tous les salariés devraient pouvoir participer plus largement à l’enrichissement de leur entreprise par une réserve de participation égale aux dividendes. J’ai d’ailleurs institué un tel système au sein de la société Dassault Aviation depuis plus de vingt ans.
Enfin, cette formation économique serait aussi profitable aux syndicats, qui comprendraient alors mieux le fonctionnement de l’entreprise.
C’est pourquoi, mes chers collègues, j’ai déposé cet amendement, qui vise à transformer les relations sociales dans les entreprises et à supprimer les conflits, grâce à une meilleure compréhension du rôle de chacun, afin que chaque acteur travaille dans l’intérêt de l’entreprise, des salariés, des syndicats et, surtout, des clients.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mon cher collègue, vous préconisez une formation obligatoire à l’économie et aux principes de gestion pour l’ensemble des salariés. Or je souhaite vous faire observer que le présent projet de loi n’a pas vocation à repenser le contenu de la formation professionnelle. La mesure que vous proposez est donc hors sujet.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission vous prie de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Dassault, pour explication de vote.
M. Serge Dassault. La mesure que je propose ne coûterait rien à l’État. Elle représenterait une nouvelle façon de concevoir les relations des entreprises avec les syndicats, puisque les salariés recevraient désormais une formation économique. Je ne vous demande rien. Si cet amendement était adopté et si les dispositions qu’il prévoit devenaient obligatoires pour les entreprises, ce qui ne gênerait personne, cela favoriserait l’activité sociale. Il est souhaitable que chacun travaille en connaissance de cause, en ayant conscience de l’intérêt de l’entreprise. Cela vaut pour les salariés, notamment du fait de leur intéressement aux bénéfices, mais aussi pour les syndicats, qui comprendraient peut-être mieux les intérêts de chacun. Il faut que l’économie marche en coopération, en équipe, et non en lutte.
C'est pourquoi je souhaiterais que vous acceptiez cet amendement, qui ne coûte rien à personne mais précise les choses et obligerait les entreprises, qui ne le font pas aujourd'hui, à former leurs salariés pour qu’ils comprennent que tout le monde travaille ensemble, que les salariés, les syndicats et les clients ne sont pas les uns contre les autres. Il faut que l’économie marche, et elle marchera mieux si tout le monde se comprend et s’apprécie. La mesure que je propose ne coûte rien, alors pourquoi ne pas l’appliquer ?