M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’appellerai tout d’abord à une certaine sérénité dans ce débat.

Nous avons souvent l’occasion de débattre de sujets d’une très ample portée. Cela étant, il n’y a pas de petit sujet et je ne dis pas qu’il ne faut pas parler sérieusement de celui-ci. J’ai d’ailleurs demandé que ces amendements soient mis aux voix par scrutin public, de manière que chacun puisse se prononcer clairement.

Bien entendu, le Sénat est parfaitement souverain, mais il me semble juste de faire valoir ici, en tant que président de la commission des lois, la position très majoritaire de celle-ci. Je tiens d’ailleurs à remercier M. le rapporteur, qui s’est excellemment acquitté de sa tâche, et à dire mon total accord avec lui.

Tout le monde parle ici du vote blanc comme s’il s’agissait d’un vote nettement défini. Or, en réalité, personne ne peut interpréter les raisons pour lesquelles les électeurs votent blanc.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Certains électeurs votent blanc parce qu’ils considèrent que les candidats ne sont pas assez à gauche, d’autres parce qu’ils jugent qu’ils ne sont pas suffisamment à droite, d’autres encore parce qu’ils n’ont pas trouvé de candidat assez centriste, et même quelques-uns parce qu’ils pensent que les écologistes ne le sont pas suffisamment ! (Sourires.)

M. Christian Cointat. S’ils sont Verts, ils ne votent pas blanc ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. D’autres ne sont pas d’accord avec l’objet du vote, avec ses modalités, etc.

L’honnêteté doit donc nous conduire à être très prudents sur les conclusions qu’on peut tirer du vote blanc. Il témoigne d’insatisfactions ou de désaccords divers, et l’on ne saurait mettre en cause a priori ni leurs fondements ni leur diversité. Il est très difficile de commenter les votes blancs comme s’il ne s’agissait que d’une seule et même entité.

Je laisse de côté la question financière, car je ne veux présenter les termes de ce débat sous un angle trop prosaïque.

En vérité, l’objet de cette proposition de loi est très clair : il est de respecter le vote blanc et de le dissocier du vote nul. Tout le monde voit bien que, même s’il y a de nombreuses raisons de voter blanc, le vote blanc n’est pas la même chose que le vote nul. Aussi, désormais, les résultats feront apparaître dans deux colonnes distinctes les votes blancs et les votes nuls, au lieu d’une seule colonne pour les votes blancs et nuls.

Cher Christian Cointat, vous nous avez décrit vos pérégrinations avec vos sacs en plastique mais, honnêtement, il ne faut tout de même pas exagérer la difficulté pour tout citoyen de trouver un morceau de papier blanc !

M. Christian Cointat. Encore faut-il penser à en emporter un ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Certes, mais ceux qui sont déterminés à voter ainsi y penseront.

Enfin, j’insiste sur le fait que le code électoral, comme l’a rappelé M. le ministre, prévoit que les bulletins doivent à la fois être disponibles dans les bureaux de vote et envoyés par la poste. Si nous décidons de les mettre dans les bureaux de vote, nous devons donc aussi prévoir leur envoi par la poste.

Cela a une conséquence, monsieur Cointat : pour que des bulletins blancs soient disponibles, il faudra forcément déroger aux règles de financement des campagnes électorales. En effet, tous les candidats financent leur campagne, leurs bulletins étant remboursés dans certaines conditions. La puissance publique, à savoir la commune, le département ou la région, devra donc financer à 100 % les positions diverses – dont la somme ne constitue pas une entité – s’exprimant par un vote blanc. Il y aurait là une profonde inégalité. Je ne vois pas pourquoi cette position serait dans tous les cas et obligatoirement financée à 100 % par la puissance publique. Cet argument, qui va au-delà du simple coût, est fondé sur le principe d’égalité. Il me paraît devoir être pris en compte.

Pour toutes ces raisons, la commission, dans la grande diversité de ses composantes – même si des membres éminents de certaines de ces composantes se sont prononcés en faveur des dispositions qui nous sont soumises – a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié ter et 5.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 106 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l’adoption 22
Contre 318

Le Sénat n’a pas adopté.

Articles additionnels après l’article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à reconnaître le vote blanc aux élections
Article additionnel après l’article 2

Article 2

(Non modifié)

Au premier alinéa de l’article L. 66 du même code, les mots : « blancs, ceux » sont supprimés. – (Adopté.)

Article 2
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Article 3

Article additionnel après l’article 2

Mme la présidente. L’amendement n° 12, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 268 du code électoral est complété par les mots : « , à l’exception des bulletins blancs ».

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il s’agit d’un amendement de coordination. Il vise à compléter l’article L. 268 du code électoral, relatif à l’élection des conseillers municipaux, en précisant que les bulletins blancs ne sont pas des bulletins nuls. En effet, cet article prévoit la nullité de « tout bulletin qui ne répond pas aux conditions de l’article L. 260 », lui-même relatif à l’élection des conseillers municipaux au scrutin de liste à deux tours, avec dépôt de listes complètes et sans panachage.

Il pourrait être considéré qu’un bulletin blanc est un bulletin nul à défaut de satisfaire aux conditions de l’article L. 260 du code électoral, qui exige un bulletin comportant une liste complète pour être valablement compté.

Pour éviter toute interprétation en ce sens, le Gouvernement propose d’adopter le présent amendement, qui tend à clarifier le droit applicable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s’agit d’un amendement très technique, qui avait déjà été présenté en commission par Alain Richard. La commission a eu du mal à en percevoir le motif, mais aussi l’intérêt. Il y en a probablement un, mais, après une étude vraiment attentive de cet amendement, la commission des lois ne l’a pas vu ! Alain Richard, dont on sait à quel point il connaît le sujet, a finalement retiré son amendement.

Nous sommes donc un peu surpris de voir cette proposition revenir en séance à l’initiative du Gouvernement, et je suis au regret de vous dire, monsieur le ministre, que la commission n’y est pas favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le Gouvernement maintient cet amendement parce que la procédure législative est telle que l’adoption par le Sénat d’un texte de l’article 2 conforme à celui qu’a voté l’Assemblée nationale empêchera celle-ci d’y revenir en deuxième lecture.

Cet amendement n’a pas d’objet caché ! Si l’amendement n° 12, qui tend à préciser le code électoral sur le point dont nous discutons, n’était pas adopté, il se pourrait que l’examen de la validité des bulletins, dans les bureaux de vote, suscite quelque ambiguïté. Certes, on pourrait considérer qu’il s’agit là d’une précision superfétatoire. Il semble pourtant qu’elle sera nécessaire à ceux qui auront à s’assurer de la validité des bulletins.

Évidemment, tout indique que l’interprétation qui serait faite du texte de loi dans sa rédaction actuelle irait dans le sens voulu. Il me semble pourtant que c’est la responsabilité du législateur que d’introduire cette précision dans la loi, de manière à lever toute ambiguïté. Je rappelle qu’il ne s’agit que de comptabiliser des votes : il n’y a aucune autre incidence.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article additionnel après l’article 2
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Article 4 (Texte non modifié par la commission)

Article 3

(Non modifié)

Le 1° de l’article L. 391 du même code est abrogé. – (Adopté.)

Article 3
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Article additionnel après l’article 4 (début)

Article 4

(Non modifié)

La présente loi est applicable à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna.

Mme la présidente. L’amendement n° 13, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Au premier alinéa des articles L. 388 et L. 428 et au second alinéa de l’article L. 438 du code électoral, les mots : « loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique » sont remplacés par les mots : « loi n° … du … visant à reconnaître le vote blanc aux élections ».

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. L’objet de cet amendement est de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna les modifications prévues par le présent texte, ce qui me paraît absolument nécessaire. Il s’agit de mettre à jour les références législatives, dénommées « compteurs », dans les articles du code électoral ici visés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Il nous semblait que l’article 4 rendait déjà le texte applicable aux collectivités concernées. Néanmoins, la commission émet un avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 4 est ainsi rédigé.

Article 4 (Texte non modifié par la commission)
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Article additionnel après l’article 4 (fin)

Article additionnel après l’article 4

Mme la présidente. L’amendement n° 8 rectifié, présenté par M. Richard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi entre en vigueur le 1er mars 2014.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement se justifie par son texte même.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

(La proposition de loi est adoptée.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Madame la présidente, je souhaite simplement faire observer que cette semaine a été particulièrement faste pour le Sénat et pour la commission des lois.

M. Christian Cointat. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En effet, nous avons eu l’occasion de discuter quatre propositions de loi, successivement sur l’initiative du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe UMP et, enfin, du groupe UDI-UC. J’ajoute, même si je suis certain que cela n’a échappé à personne, que ces quatre propositions de loi ont été adoptées par le Sénat. (Applaudissements.)

MM. Christian Cointat et René Garrec. Très bien !

Article additionnel après l’article 4 (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à reconnaître le vote blanc aux élections
 

6

Modification de l’ordre du jour

Mme la présidente. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé le retrait de l’ordre du jour du projet de loi autorisant l’approbation du protocole commun relatif à l’application de la convention de Vienne et de la convention de Paris, dont l’examen était prévu le mardi 12 mars 2013.

Acte est donné de cette communication et l’ordre du jour du mardi 12 mars 2013 est modifié en conséquence.

7

Décision du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 28 février 2013, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi portant création du contrat de génération.

Acte est donné de cette communication.

8

 
Dossier législatif : proposition de loi autorisant l'expérimentation des maisons de naissance
Discussion générale (suite)

Maisons de naissance

Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi autorisant l’expérimentation des maisons de naissance, présentée par Mme Muguette Dini (proposition n° 548 [2010-2011], texte de la commission n° 369, rapport n° 368).

La parole est à Mme Muguette Dini, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires sociales.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi autorisant l'expérimentation des maisons de naissance
Discussion générale (interruption de la discussion)

Mme Muguette Dini, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, madame la ministre, mes chers collègues, les maisons de naissance sont des structures autonomes où une même sage-femme ou un binôme de sages-femmes réalisent l’accouchement des femmes dont elles ont suivi la grossesse, lorsqu’elle est physiologique.

Elles permettent un accompagnement global et personnalisé de la femme et du couple par une même professionnelle, de la première visite prénatale à l’accouchement et aux soins post partum.

Fréquentes à l’étranger, ces maisons de naissance constituent une forme de rupture par rapport à la manière dont la France aborde la naissance depuis une cinquantaine d’années.

L’amélioration des conditions de vie et la prise en charge de la femme enceinte dans les maternités ont permis une formidable réduction du taux de mortalité infantile et maternelle. Notre pays se situe, de ce point de vue, au niveau de nos principaux voisins.

Pour autant, cette amélioration s’est accompagnée d’une surmédicalisation, qui n’est bénéfique ni collectivement ni individuellement. Ce sont les médecins spécialistes de la naissance eux-mêmes qui l’affirment.

Ainsi, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français estime que les facilités offertes par un plateau technique organisé pour faire face aux pathologies graves, voire gravissimes, conduisent à en faire usage dans des situations qui ne se justifient pas.

Pour ce collège de médecins, il ne s’agit « pas seulement d’un gaspillage de moyens », il s’agit également d’un « risque iatrogène », auquel s’ajoute « la frustration de certaines patientes, qui estiment qu’elles auraient peut-être pu accoucher plus simplement ».

C’est justement au nom du choix de ces femmes et de ces couples en faveur d’une médicalisation raisonnée que je défends, depuis plusieurs années maintenant, l’expérimentation des maisons de naissance en France.

Les conditions de sécurité prévues dans le texte résultent de la discussion que nous avons eue lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Elles sont approuvées par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français. La maison de naissance doit être « attenante à », c'est-à-dire toucher une maternité, et les deux structures doivent avoir conclu une convention assurant notamment un transfert adéquat des femmes enceintes ou des parturientes en cas de complication.

En outre, l’ensemble des conditions de mise en œuvre de l’expérimentation et de fonctionnement des maisons de naissance seront fixées par la Haute Autorité de santé, qui devra établir un cahier des charges.

Un décret en Conseil d’État précédera la décision des ministres, qui arrêteront eux-mêmes la liste des maisons de naissance autorisées à fonctionner à titre expérimental.

Les maisons de naissance autorisées pourront alors fonctionner durant un maximum de cinq années. Un an avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement adressera au Parlement un rapport d’évaluation.

Il me semble important de le souligner, la proposition de loi confirme les compétences des sages-femmes, qui sont fixées avec précision dans le code de la santé publique : elles doivent toujours faire appel à un médecin en cas de pathologie ou d’accouchement difficile.

Soyons bien conscients que les sages-femmes réalisent aujourd'hui 80 % des accouchements par voie basse non opératoire, un taux qui atteint même 92 % dans le secteur public. Ces taux élevés montrent le professionnalisme de ces dernières et la confiance que leur accordent les médecins responsables de service.

De même, la proposition de loi ne modifie en aucune manière les modalités de remboursement par l’assurance maladie des frais médicaux destinés aux femmes enceintes et à l’accouchement, éléments fixés par le code de la sécurité sociale. Personne, je pense, n’envisage que l’accouchement ne soit pas pris en charge à 100 %, y compris dans les maisons de naissance.

Si la mise en place de ces maisons paraît encore incongrue en France, elles sont fréquemment intégrées au système de santé à l’étranger. Les premières maisons de naissance sont apparues dans les années soixante-dix aux États-Unis. Il en existe maintenant en Australie, au Canada, en particulier au Québec, et, plus près de nous, en Suisse, en Suède, en Belgique, en Italie, en Espagne, en Autriche ou encore au Royaume-Uni.

En Allemagne, on compte 150 structures de ce type, et douze en Belgique. La plupart d’entre elles sont, certes, à proximité d’un hôpital, mais pas du tout « attenantes ». Pourtant, en 2011, la mortalité infantile était, pour 1 000, de 3,4 en France, de 3,5 en Allemagne et de 3,3 en Belgique.

D’ailleurs, la littérature médicale internationale a évalué ces structures et conclu que les taux d’incidents périnataux ne différaient pas significativement selon le lieu d’accouchement, hors le cas des accouchements à domicile, dont nous souhaitons éviter le développement.

Une étude anglaise portant sur 64 583 naissances et une étude américaine portant sur 15 574 parturientes indiquent que les maisons de naissance peuvent assurer la prise en charge de la maternité de manière sûre et efficace, en déployant moins de ressources et avec un haut niveau de satisfaction des femmes.

Les maisons de naissance fonctionnent donc dans des conditions pleinement satisfaisantes à l’étranger.

Elles répondront chez nous à une demande explicite de femmes avec qui j’ai pu parler en visitant deux structures qui pourraient entrer rapidement dans le cadre de l’expérimentation : le « Comme à la maison », ou CALM, à Paris et la maison de naissance de l’hôpital de Pontoise, où je me suis rendue avec notre collègue Dominique Gillot. Je voudrais prendre quelques instants pour expliquer la manière dont les choses se déroulent dans ces deux structures.

D’abord, j’ai été marquée par la grande sérénité qui y règne, ainsi que par l’engagement des parents et des professionnelles. Les deux projets sont en effet soutenus à la fois par une maternité, l’une publique, l’autre privée, par des sages-femmes et par une association dynamique de parents. Ce « triptyque » est essentiel à l’émergence d’un projet viable.

À Pontoise, le projet a démarré en 2006, dans un cadre strictement hospitalier, et sous l’impulsion du chef de service de la maternité. La maison de naissance se situe à un étage du bâtiment femme-enfant de l’hôpital de la ville. Elle est inscrite dans le schéma régional d’organisation sanitaire d’Île-de-France et les deux sages-femmes qui l’animent sont salariées de l’hôpital, mais son fonctionnement est totalement autonome.

Chaque sage-femme assure le suivi global et personnalisé de ses parturientes : le premier entretien, les consultations prénatales, les séances de préparation à la naissance et à la parentalité, l’accouchement physiologique et les consultations post-natales.

Les statistiques parlent d’elles-mêmes. Depuis 2007, une centaine de femmes sont suivies chaque année et autant d’accouchements sont pratiqués. Depuis 2010, et bien qu’aucune publicité n’ait été faite, la maison de naissance est obligée de refuser environ 150 femmes par an du fait du manque de place.

Le CALM a vu le jour dans le douzième arrondissement de Paris en 2009. Cette maison de naissance est située au rez-de-chaussée de la maternité des Bluets. Elle est portée par une association de parents très active et par les sages-femmes qui y exercent en libéral.

Contrairement à Pontoise, où tout l’accouchement se déroule dans une chambre de la maison de naissance, le travail commence ici dans les locaux de l’association, mais la femme et la sage-femme se déplacent dans une salle de la maternité peu de temps avant l’expulsion. La sage-femme du CALM y continue l’accompagnement de la parturiente jusqu’à deux heures après l’accouchement. Ensuite, la maman et le bébé retournent dans la chambre du CALM.

Dans ces deux maisons de naissance, les sages-femmes ne peuvent évidemment pas pratiquer de péridurale, mais elles disposent de l’équipement médical standard pour assurer le monitoring et, éventuellement, des perfusions. Si la future maman souhaite une péridurale, elle est transférée en obstétrique.

Ces projets pilotes n’existent que par la bonne volonté des individus, notamment les chefs d’établissement et de service de ces maternités. Un cadre juridique leur assurerait donc une pérennité et un mode de fonctionnement plus clair. Il donnerait également aux sages-femmes libérales la possibilité de contracter une assurance en responsabilité civile professionnelle adaptée, permettant de pratiquer effectivement les accouchements dans les maisons de naissance.

D’autres projets sont en cours d’élaboration ou prêts à être mis en œuvre sur des territoires variés, que ce soit à Remiremont, Nancy, Marseille, Thonon-les-Bains, Lyon, Rennes ou Bordeaux.

À l’origine de telles initiatives, on peut trouver une maternité publique ou privée et des sages-femmes exerçant à titre libéral ou non, mais les projets sont toujours soutenus par l’engagement tripartite de sages-femmes, de parents et d’une maternité, ce qui est essentiel pour leur réussite.

En tout état de cause, tous ces projets se fondent sur une autonomie des maisons de naissance. Cette autonomie est consubstantielle à ce type de structures et permet seule un suivi personnalisé tout au long de la grossesse.

Avant de conclure, je voudrais répondre à nos collègues qui craignent qu’une maison de naissance puisse être créée simultanément à la fermeture d’une petite maternité.

Mme Muguette Dini, rapporteur. Il ne peut y avoir aucune corrélation entre ces deux événements. En effet, c’est essentiellement pour des raisons de sécurité que les petites maternités sont fermées.

Dans le cadre de la proposition de loi, et afin d’assurer la sécurité pour toutes les mamans et tous les bébés, les maisons de naissance devront être attenantes à une maternité. En résumé : pas de maternité, pas de maison de naissance !

Il s’agit donc, non pas de substituer une structure à une autre, mais bien d’offrir une prise en charge complémentaire en toute sécurité.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la maternité n’est pas une maladie. Je peux comprendre la volonté de certaines femmes de se réapproprier son caractère éminemment naturel. Nous ne sommes pas légitimes à critiquer un tel choix, mais notre responsabilité est d’en assurer la parfaite sécurité.

C’est ce à quoi tend l’expérimentation des maisons de naissance et, au nom de la commission des affaires sociales, je vous demande d’approuver la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l'UMP et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet que nous abordons dans le cadre de l’examen de la présente proposition de loi constitue un enjeu important pour les centaines de milliers de femmes qui, chaque année, donnent naissance à un enfant.

Une naissance, c’est évidemment un moment très important dans la vie d’une femme, mais aussi – ne les oublions pas dans ce débat – d’un homme.

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est un moment où l’on est particulièrement tourné vers l’autre. C’est souvent la consécration d’un engagement, quelle que soit sa forme, mais c’est aussi un point de départ, une projection dans l’avenir et une responsabilité nouvelle.

Dans cette aventure personnelle et familiale, les pouvoirs publics ont une seule mission : sécuriser le moment de la naissance et garantir les meilleures conditions possibles de son déroulement, selon le souhait des parturientes.

La situation française impose par ailleurs un regard particulier sur la natalité. La France connaît l’un des plus forts taux de natalité du continent européen – c’est un atout considérable –, avec plus de deux enfants par femme alors que nos voisins directs voient leur population vieillir et sur le point de décroître.

En tant que ministre des affaires sociales et de la santé, je me dois bien évidemment de proposer une approche globale de la naissance et une politique ambitieuse de la périnatalité.

Avant de revenir au sujet qui nous occupe, permettez-moi de partager avec vous quelques constats chiffrés qui éclaireront nos débats.

Depuis une quinzaine d’années, l’offre de soins obstétricaux a été profondément transformée. Le nombre de maternités a largement diminué, passant de plus de 800 au milieu des années quatre-vingt-dix à 550 en 2009. Par ailleurs, au cours de la même période, on constate une augmentation de 11 % du nombre de maternités en niveaux 2 et 3.

La taille de nos maternités a progressé. En quinze ans, le nombre de maternités réalisant plus de 1 500 accouchements chaque année a quasiment triplé. Une telle progression a parallèlement permis de garantir la présence d’effectifs de professionnels en nombre suffisant dans les établissements, ainsi qu’un haut niveau de qualité et d’accueil.

Il nous faut par ailleurs constater que, contrairement à ce que l’on entend parfois, la durée moyenne de séjour est supérieure d’une journée à celle des pays membres de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, même si elle a incontestablement diminué au cours des années passées.

Pourtant, malgré les progrès qui ont pu être réalisés, certains indicateurs de santé périnatale ne sont pas satisfaisants au regard de nos voisins européens. Nous observons par exemple une mortalité maternelle qui demeure très élevée, avec de huit à douze décès pour 100 000 naissances. Or la moitié de ces décès sont évitables. Le taux de césariennes est stabilisé, mais il ne diminue plus depuis cinq ans, près de 20 % des naissances étant aujourd'hui concernées. Le même constat peut être dressé, avec un taux de 7,7 %, pour les naissances prématurées.

Enfin, dans ce domaine comme dans l’ensemble de notre système de santé, les inégalités sociales et territoriales sont flagrantes. En France, on ne naît pas dans les mêmes conditions de sécurité selon que l’on vit en centre-ville ou dans des quartiers sensibles, en zone isolée ou en zone fortement urbanisée.

Personne ne peut se contenter de tels constats, quels que soient les appartenances politiques et les engagements des uns ou des autres. C’est pourquoi je pense que nous pouvons nous entendre sur quelques priorités.

La première, c’est, sans aucune ambiguïté, la sécurité des naissances. On ne peut pas transiger sur ce thème : il faut que la France entre à nouveau dans une dynamique positive afin de rejoindre le peloton de tête des pays européens.

Cette nouvelle dynamique s’inscrira dans la stratégie nationale de santé lancée par le Premier ministre. En effet, pour lutter efficacement contre les inégalités face à l’accouchement, qu’elles soient sociales ou territoriales, et pour améliorer de manière tangible nos résultats, nous devons changer d’approche et revoir l’ensemble du parcours périnatal.

Seul un travail commun entre les services de la protection maternelle infantile et le reste de l’offre de soins identifiée sur le territoire nous permettra d’avancer. Grâce à ces coopérations, nous détecterons au plus tôt les grossesses à risque et nous serons en mesure d’étendre nos actions de prévention auprès des futures mères.

Je sais que la question des petites maternités doit être traitée de manière pragmatique. Elle est particulièrement sensible dans certains territoires ; l’élue locale que j’étais ne méconnaît pas cette dimension du problème. Peut-être sommes-nous allés trop loin dans la fermeture de certaines maternités.

Vous connaissez comme moi le rôle essentiel pour un bassin de vie de ces maternités où souvent des générations se succèdent. Elles sont à la fois le signe de la vitalité d’un territoire et un service public essentiel pour nourrir le lien social.

J’ai déjà eu à prendre des décisions relatives au maintien d’une maternité dans un territoire fragilisé, par exemple à Die. Je l’ai fait parce que c’était essentiel pour ce territoire, mais aussi et surtout parce que nous avons obtenu les garanties suffisantes quant à la sécurité des femmes et des nouveau-nés.

Pour être maintenue, une maternité doit impérativement présenter les critères de sécurité satisfaisants. Il est impossible de transiger sur cet élément. Si nous le faisions, nous n’aurions d’ailleurs pas la possibilité de recruter des médecins dans ces maternités, ce qui viendrait affaiblir l’offre de soins.

Ma seconde priorité, c’est la qualité du moment de la naissance. Elle concerne directement et précisément le sujet qui nous intéresse aujourd’hui.

Sans doute sommes-nous parfois allés trop loin dans la technicisation et la médicalisation des accouchements. La croissance de la taille des maternités et la part importante des naissances dans les maternités de type 2 ou de type 3 confirment cette tendance.

Je ne remets pas en cause les intentions, qui étaient assurément bonnes, de ceux qui ont souhaité cette technicisation. Vous me permettrez cependant de dire, en tant que femme et que mère, que l’on ne peut pas balayer d’un revers de main la lutte contre la douleur.